II. DES PLANS « LOGEMENT D'ABORD » RÉUSSIS MAIS INSUFFISANTS POUR JUGULER LA CRISE
Depuis 2018, le Gouvernement a lancé une refonte de la politique d'hébergement et d'insertion par le logement via deux plans « Logement d'abord » (2018-2022 ; 2023-2027). Ces plans comprennent deux volets :
un renforcement du parc d'hébergement et de l'accompagnement social pour sortir le plus rapidement possible les personnes de la rue ;
le déploiement de solutions d'insertion par le logement innovantes et ayant eu des résultats positifs tangibles.
A. LE MAINTIEN EN DEMI-TEINTE D'UN PARC D'HÉBERGEMENT ÉLARGI
Les plans « Logement d'abord » et la crise sanitaire ont transformé le pilotage du parc d'hébergement. La gestion dite « au thermomètre », consistant à une ouverture de places en urgence durant les grands froids, a disparu au profit d'une augmentation structurelle de la taille du parc. Le parc s'établit dorénavant à un niveau historiquement élevé, avec 203 000 places ouvertes à l'année depuis 2020. Cette hausse s'appuie sur trois dispositifs : les centres d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) proposant un accompagnement social soutenu, les centres d'hébergement généralistes (Chu) et les nuitées en hôtel social.
Évolution du nombre de places d'hébergement généraliste
Source : Commission des affaires sociales, d'après la Dihal
Si la stabilisation du parc à un niveau élevé constitue un progrès notable, elle doit s'apprécier avec nuance. D'une part, les CHRS représentent une proportion trop faible du parc d'hébergement, toujours inférieure à celle pré-crise sanitaire. Il est à noter que certains organismes dénoncent une transformation de places de CHU en CHRS à coût constant, dégradant la qualité de l'accompagnement social.
D'autre part, le maintien du parc repose sur le recours à l'hébergement dit « intercalaire », c'est-à-dire à la mobilisation pour une durée limitée du foncier existant mais inoccupé, comme une école. Cette solution est à saluer lorsqu'elle permet d'agir avec célérité, d'associer les collectivités territoriales et de faire des économies, mais elle devient préoccupante lorsqu'elle représente une part trop importante de l'offre. Le bâti intercalaire doit rester une réponse ponctuelle, un palliatif utile et non une réponse systémique.
Répartition des places d'hébergement généraliste selon le type de structures
Source : Commission des affaires sociales, d'après la Dihal
Vers une financiarisation de l'offre d'hôtel social ?
Les organismes gestionnaires alertent sur une financiarisation de l'offre d'hôtel social, dont les effets restent mal connus. L'un des risques identifiés réside dans la concentration des établissements entre les mains de groupes puissants ayant un pouvoir de négociation voire d'imposition des tarifs des nuitées aux organismes gestionnaires. Si aujourd'hui le Samu social de Paris, via sa plateforme Delta, réussit à maîtriser la dépense d'hôtel social, c'est grâce à une situation de monopsone, c'est-à-dire une situation dans laquelle existent un demandeur et une multitude d'offreurs, qu'une financiarisation remettrait en cause.
La financiarisation peut néanmoins présenter certains bénéfices : amélioration de la qualité des hôtels sociaux par la rénovation du bâti, la meilleure identification des besoins ou encore le développement d'offres spécialisées adaptées aux publics hébergés. Il est toutefois essentiel de veiller à ce que ces acteurs se limitent strictement à leur mission d'hébergement et ne proposent pas de services additionnels payants qui se rapprocheraient de l'accompagnement social, tâche dévolue aux organismes gestionnaires.
Le rapporteur souligne, en conséquence, la nécessité de conduire un travail d'analyse approfondi : dresser un état des lieux précis de la situation, identifier les externalités positives et négatives, et en tirer les enseignements nécessaires pour établir les principes d'une régulation de cette financiarisation.

