C. LES ASSOCIATIONS : CHEVILLES OUVRIÈRES FRAGILISÉES

Les associations sont la cheville ouvrière de la politique d'hébergement par leur rôle d'organismes gestionnaires de places mais aussi de services intégrés d'accueil et d'orientation (SIAO). Si les crédits dédiés au programme 177 ont augmenté d'un milliard d'euros entre 2017 et 2025, ces structures sont aujourd'hui au bord de la rupture face à une triple crise : crise des financement, crise de croissance, crise des vocations.

Les structures de l'hébergement connaissent une crise financière majeure liée à la sous-budgétisation chronique du programme 177 que le Ségur social non financé a renforcé, et dont les conséquences sont précisées infra.

Les opérateurs de l'hébergement connaissent également une crise de croissance. L'accroissement de la taille du parc ne s'est pas accompagné d'une transformation de l'organisation de la veille sociale, notamment de la gestion des ressources humaines et des modes de financement. En revanche, l'année 2025 marque une évolution du système d'information des SIAO avec le module Offre qui permettra de piloter le parc ainsi que la création d'un dossier usager informatisé, évitant les doublons et fiabilisant l'information. D'autres développements devraient voir le jour en 2026, notamment quant au suivi des personnes prises en charge.

Enfin, ce secteur souffre d'une pénurie de recrutement. Les revalorisations salariales issues du Ségur social ont certes permis d'améliorer les rémunérations, mais elles ne suffisent pas à compenser des conditions de travail qui demeurent peu attractives. En 2021, 49 % des écoutants avaient moins de trois ans d'ancienneté, signe d'un fort roulement. Les associations signalent des difficultés non seulement à recruter, mais surtout à fidéliser des travailleurs sociaux qui peinent à trouver du sens à leur mission et expriment parfois un profond malaise.

La mise en place de critères de priorisation, devenus des critères de conditionnalité, d'accès à l'hébergement d'urgence a renforcé ce mal être. L'incapacité à proposer une solution à des personnes pourtant vulnérables génère chez les professionnels un sentiment de maltraitance institutionnelle. Ce tri entre publics remet en cause le principe d'inconditionnalité de l'hébergement d'urgence. Aujourd'hui, à Paris, sont considérées comme prioritaires les seules femmes victimes de violences, les femmes enceintes de plus de 8 mois et celles dont un enfant a moins de 3 mois.

La part des demandes non pourvues poursuit sa hausse depuis 2022 et 2025 s'annonce comme une année record : sur le premier semestre, le taux de DNP dépasse déjà celui des trois années précédentes et devrait franchir les 60 %, bien au-delà de l'objectif de 54 %. En 2025, 88 % de ces demandes non pourvues résultent d'un manque de places disponibles ou adaptées à la composition des ménages. Cette progression est d'autant plus préoccupante que, selon Interlogement 93, 70 % des ménages vivant à la rue n'appellent même plus le « 115 ». La saturation du parc d'hébergement, en dépit de la hausse continue du nombre de places disponibles, est devenue un facteur de départ pour les travailleurs sociaux dont le métier perd son sens.

Partager cette page