B. DES INQUIÉTUDES FORTES SUR LE RÉSEAU ROUTIER DÉCENTRALISÉ, EN PARTICULIER S'AGISSANT DES OUVRAGES D'ART

Les collectivités territoriales gèrent la majorité du linéaire routier français, soit 1,1 million de kilomètres de voirie répartis entre le bloc communal (66 %) et les départements (34 %). Ce réseau pèse lourdement sur les budgets locaux : selon le rapport de l'Observatoire des finances et de la gestion publique locales publié en 2024, les départements ont ainsi consacré plus de 4,7 Mds€ à leur voirie l'année dernière, soit un montant relativement stable par rapport à 2023. En parallèle, les communes de plus de 3 500 habitants ont dépensé 4,1 Mds€ pour leur voirie, soit une hausse de plus de 8 % en un an.

Or, les collectivités territoriales sont confrontées à un effet ciseau entre, d'une part, une hausse de leurs dépenses incompressibles et, d'autre part, une baisse de leurs ressources dans le contexte budgétaire actuel. Départements de France indique ainsi que les dépenses non pilotables des départements ont augmenté de près de 10 Mds€ en deux ans, tandis que leurs recettes se sont effondrées (- 8,25 Mds€). Alors que la route constitue le premier poste d'investissement des départements, cet acteur craint « une baisse sensible des budgets routiers en 2025 et 2026 ».

Cette situation est d'autant plus préoccupante que l'IDRRIM7(*) évalue la dette grise du réseau routier décentralisé entre 12 et 18,5 Mds€, pour la seule voirie. La conférence AFT a néanmoins souligné un manque de connaissances fiables sur l'état de ce réseau (du fait d'une hétérogénéité des méthodes d'évaluation et d'une absence de remontée d'informations), appelant à la réalisation d'un audit national sur ce sujet.

En tout état de cause, l'état des ouvrages d'art des collectivités constitue un point d'alerte appelant à mobiliser des moyens urgents, en particulier s'agissant des ouvrages communaux.

État des ouvrages d'art décentralisés

Source : Sénat à partir des données du Cerema

Le programme national ponts (PNP), lancé en 2021 à l'initiative du Sénat et piloté par le Cerema, a permis, après recensement, de remettre un carnet de santé à 14 848 communes pour plus de 41 000 ponts. À ce jour, les 55 M€ dévolus au PNP Travaux ont d'ores et déjà permis de réparer 86 ponts, tandis que 80 autres sont en cours de travaux, sur un total de 335 projets ayant fait l'objet d'une décision attributive de subvention. Néanmoins, sur la base du rythme de consommation actuel et du nombre de dossiers en attente, cette enveloppe sera totalement épuisée entre fin février et fin mars 2026.

Estimant crucial de poursuivre le soutien à l'entretien des ouvrages d'art des communes à travers le PNP, la commission a adopté un amendement du rapporteur pour avis visant à réorienter la fraction de TEILD (1/12ème, soit 50 M€) allouée aux communes depuis 2024 vers ce programme : cette enveloppe, répartie entre plus de 34 000 communes, conduit en effet à un saupoudrage qui ne permet pas de consolider les capacités d'investissement locales en faveur de la voirie. L'allocation de cette enveloppe au PNP présente dès lors une réelle valeur ajoutée, les petites communes n'ayant pas les moyens techniques et financiers de prendre en charge seules l'entretien de leurs ouvrages d'art. En outre, ce montant (50 M€) correspond à l'enveloppe dont le Cerema a besoin en 2026, dans le prolongement de la dynamique actuelle et à périmètre constant d'éligibilité (traitement des ouvrages les plus dégradés de niveau 4). Cet amendement a été adopté en séance publique.

La survie de ce programme plébiscité par les élus locaux étant impérative pour la sécurité de tous, et dans l'hypothèse où la réorientation d'une fraction de la TEILD vers le PNP ne prospérerait pas, la commission a également adopté un amendement de crédits du rapporteur pour avis visant à allouer 50 M€ au PNP l'année prochaine.


* 7 Institut des routes, des rues et des infrastructures pour la mobilité.

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