TRAVAUX EN COMMISSION
Audition de Mme Monique Barbut, ministre de la transition
écologique, de la biodiversité et des négociations
internationales sur le climat et la nature, M. Mathieu Lefèvre, ministre
délégué chargé de la transition écologique,
et Mme Catherine Chabaud, ministre déléguée chargée
de la mer et de la pêche
(Mercredi 5 novembre 2025)
M. Jean-François Longeot, président. - Après de riches échanges sur la COP 30 qui doit se tenir dans les jours prochains, à Belém, au Brésil, nous poursuivons l'audition de Mme Monique Barbut, ministre de la transition écologique, de la biodiversité et des négociations internationales sur le climat et la nature, sur le sujet tout autant crucial du projet de loi de finances (PLF) pour 2026.
Je salue également M. Mathieu Lefèvre, ministre délégué chargé de la transition écologique, et Mme Catherine Chabaud, ministre déléguée chargée de la mer et de la pêche, qui nous ont rejoints pour ce second point de notre ordre du jour.
Les conditions dans lesquelles le Sénat examine, cette année, ce PLF sont très particulières. Le calendrier parlementaire est des plus resserrés, l'incertitude politique demeure forte, et le contexte budgétaire reste marqué par une dégradation préoccupante de nos finances publiques.
Notre commission porte naturellement toute son attention aux crédits qui concourent à la transition écologique. À première vue, le projet de budget pour 2026 pourrait sembler encourageant : les dépenses dites « vertes » atteindraient 40 milliards d'euros, contre 38 milliards en 2025. Mais il s'agit, hélas, d'un effet d'optique. Cette hausse apparente tient essentiellement à la baisse du coût de l'énergie, qui renchérit mécaniquement le coût du soutien aux énergies renouvelables. Si l'on neutralise cet effet conjoncturel, le tableau devient plus préoccupant : les crédits consacrés à la rénovation énergétique, à la décarbonation de l'industrie ou encore au fonds vert sont en réalité en diminution.
Nous savons tous que la situation de nos finances publiques limite nos marges de manoeuvre. Mais nous ne pouvons ignorer, dans le même temps, les alertes répétées sur les conséquences d'un ralentissement de la transition écologique. Je pense notamment à l'audition du Haut Conseil pour le climat (HCC) en juillet dernier, ou encore la semaine passée aux échanges que nous avons eus avec des experts scientifiques dans le cadre d'une table ronde dédiée à l'entrée en vigueur du traité sur la haute mer.
Dans ce contexte, j'aimerais vous entendre sur deux points essentiels : estimez-vous que ce projet de budget est à la hauteur des enjeux de la transition écologique ? Quels enseignements tirez-vous des débats en cours à l'Assemblée nationale ?
Je vous cède à présent la parole pour un propos liminaire. Nos rapporteurs budgétaires interviendront ensuite, suivis de l'ensemble des membres de la commission, pour une séquence de questions-réponses.
Mme Monique Barbut, ministre de la transition écologique, de la biodiversité et des négociations internationales sur le climat et la nature. - Je tiens de nouveau à vous remercier de nous accueillir dans votre commission pour évoquer le portefeuille de ce ministère et les politiques que Catherine Chabaud, Mathieu Lefèvre et moi-même entendons mener à sa tête. Après avoir évoqué devant vous, au travers des enjeux de la COP 30, la dimension internationale de notre action, je vous expose à présent l'action que nous conduirons en France.
Cette séparation est certes quelque peu arbitraire, puisque les politiques écologiques s'inscrivent toutes dans un continuum. Elles se négocient à l'échelle internationale, s'incarnent nationalement, se déclinent territorialement et, surtout, se vivent localement.
La lutte contre le dérèglement climatique a occupé une grande partie de ma carrière et j'ai pu défendre mes convictions au sein et auprès d'organisations internationales. J'ai fait ce choix parce que je sais que nous ne parviendrons pas seuls à lutter contre le dérèglement climatique, qu'il nous faut trouver des accords entre États pour éviter que chacun d'entre nous ne soit affecté dans son quotidien.
Ce qui était hélas prévisible et annoncé se confirme : nous assistons à la multiplication des aléas climatiques. L'incendie du massif des Corbières cet été, les cyclones Chido à Mayotte et Garance à La Réunion, ou encore les orages intenses qui ont frappé le Sud-Est en septembre dernier sont les premiers signes d'un climat qui se dérègle et d'une biodiversité qui s'érode. Pourtant, nombreux sont ceux qui continuent de contester la réalité du phénomène, voient dans les politiques écologiques une contrainte, voire une punition, et refusent d'en faire une priorité de nos politiques publiques.
Pour ma part, je me refuse à baisser les bras. L'écologie n'est pas une cause annexe, c'est ce qui nous permettra de garantir que notre planète restera viable demain, pour nous, pour nos enfants et petits-enfants.
Cette lutte ne nous exempte cependant pas des réalités actuelles. Dans un contexte budgétaire contraint, il est légitime que notre ministère limite ses dépenses.
En 2026, notre budget sera stabilisé à hauteur de 8,4 milliards d'euros.
Une utilisation efficiente et ciblée des fonds publics permet de garantir les investissements dans certains secteurs clés de la transition écologique. Nous préservons par exemple le fonds chaleur à son plus haut niveau historique, soit 800 millions d'euros.
Par ailleurs, nous misons sur une mobilisation accrue des capitaux privés afin d'amplifier nos investissements en faveur de la transition écologique. Un État qui oriente, un État qui cadre, un État qui incite : telle est ma vision des politiques écologiques. Dans cette perspective, les certificats d'économies d'énergie (CEE) sont amenés à occuper une part grandissante de nos financements. Selon nos estimations et sous réserve de la mobilisation qu'en feront les particuliers, ils pourraient apporter en 2026 un complément de financement de 2 milliards d'euros : 600 millions d'euros pour le bonus écologique, 400 millions d'euros pour le leasing social et jusqu'à 1 milliard d'euros pour MaPrimeRénov'.
Au même titre que la lutte contre les gaz à effet de serre, l'adaptation au changement climatique est un impératif qui doit être intégré dans nos politiques publiques. Il y a désormais une urgence à réduire nos vulnérabilités. Sur ce point également, notre budget fait preuve de stabilité. Vous vous étiez battus l'an dernier pour porter le fonds Barnier à 300 millions d'euros : ce budget sera conservé cette année. Il en va de même de l'enveloppe affectée à la prévention du risque de retrait-gonflement des argiles (RGA), qui sera de 30 millions d'euros en 2026.
Je sais également combien vous êtes sensibles à l'accompagnement des collectivités territoriales. C'est une préoccupation que nous partageons. Nous voyons dans ces collectivités des partenaires incontournables. Leur action est déterminante pour relever le défi du dérèglement climatique et concrétiser la transition écologique sur l'ensemble du territoire. À cet égard, j'entends les regrets exprimés quant à la diminution des ressources du fonds vert. Rappelons que l'année 2026 sera une année électorale et nous pouvons, sans trop de risques, anticiper un ralentissement de leurs investissements.
Sur d'autres sujets clés, tels que la gestion de l'eau, nous renforçons au contraire les moyens et l'accompagnement.
Ainsi, le plafond des redevances des agences de l'eau sera augmenté a minima de 50 millions d'euros. Elles pourront ainsi apporter des aides au plus près des territoires pour soutenir les projets portés par les collectivités territoriales compétentes en matière d'eau et d'assainissement.
Nous souhaitons en outre que la redevance sur les rejets des substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées (PFAS) entre en vigueur au plus vite. Il y a là aussi un sujet de soutien financier des collectivités qui font face à des contaminations. Pour cela, nous devons préciser par amendement le dispositif créé par la loi du 27 février 2025 afin de couvrir l'ensemble des rejets.
La trajectoire de hausse de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) constitue une réponse au recours encore trop fréquent à l'enfouissement et à l'incinération. Il en va de même de la création d'une taxe sur le plastique, assise sur la quantité des déchets plastiques non valorisés. Rappelons que notre pays verse chaque année 1,5 milliard d'euros à l'Union européenne au titre de la ressource propre sur les déchets plastiques non recyclés ; nous proposons, pour éviter que le contribuable français soit redevable de cette sanction, en encourageant des comportements bien plus vertueux, une taxe de seulement 30 millions d'euros. Cette taxe vient d'être rejetée par l'Assemblée nationale...
Nous ne délaissons pas les collectivités locales et les acteurs économiques. Ils pourront notamment compter sur la mise en place d'une TVA à 5,5 % sur le tri et le recyclage.
Voilà une présentation très succincte du budget porté par ce ministère. Il s'agit d'une base de travail amenée à évoluer au gré de vos débats et des compromis qui pourront être trouvés. Je tiens simplement à vous réitérer ma demande de ne pas faire de ce ministère la variable d'ajustement de l'ensemble des politiques que vous aurez à examiner.
M. Pascal Martin, rapporteur pour avis sur les crédits relatifs à la prévention des risques. - Deux aspects du PLF pour 2026 méritent à mes yeux d'être ici tout particulièrement évoqués.
Tout d'abord, je salue l'initiative de la création, au sein du programme 181, d'une nouvelle action n° 15 consacrée au phénomène de RGA, qui permet, enfin, d'apprécier l'effort du Gouvernement à destination de ce risque en passe de devenir, à l'horizon 2050, le premier risque assurantiel de notre pays.
Néanmoins, la faiblesse des montants inscrits à cette ligne budgétaire m'interpelle : 30 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 15 millions d'euros en crédits de paiement (CP). Ces montants modestes sont en effet en décalage au regard du coût de la sinistralité induite par ce phénomène dévastateur. Pourriez-vous nous préciser les conditions dans lesquelles vont être mobilisés ces crédits budgétaires et à quelles fins ? Pourriez-vous par ailleurs nous donner plus d'informations sur la nature de l'expérimentation qui a été lancée, au début du mois dernier, dans onze départements, afin de lutter contre le RGA ?
Seconde constatation, et c'est un véritable marronnier au Sénat, l'épineuse question des crédits attribués au fonds de prévention des risques naturels majeurs, dit fonds Barnier. Je ne suis pas tout à fait d'accord avec vos chiffres.
À ce jour, le montant des crédits demandés pour le PLF 2026 s'élève à 228 millions d'euros en CP. Nous sommes loin des 300 millions d'euros engagés l'an passé et bien plus loin encore du montant correspondant aux recettes du prélèvement sur la garantie CatNat qui abondent le budget général depuis 2021. Ce prélèvement, dont le montant est estimé à 470 millions d'euros l'année prochaine, avait pourtant pour finalité exclusive le financement de mesures de prévention des risques. Comment expliquez-vous et justifiez-vous ce décalage ?
M. Mathieu Lefèvre, ministre délégué chargé de la transition écologique. - Le RGA représente en effet un sujet majeur dans de nombreuses régions, dont le Nord où une expérimentation est en cours. À cet égard, le premier progrès du PLF pour 2026 est que des CP y figurent. Ils étaient absents du PLF pour 2025, précisément parce que les actions n'avaient pas encore pu être concertées et mises en place par les préfectures concernées.
J'ai fait le point notamment avec la préfecture du Nord. La question est de savoir comment les préfectures parviennent à faire le lien avec nos concitoyens, qui s'attendent plutôt à des dépenses de réparation qu'à des dépenses de prévention. Or ces crédits sont destinés à des dépenses de prévention, tandis que le gros des dépenses est en effet constitué de dépenses de réparation. Le régime des catastrophes naturelles peut évidemment y pourvoir, mais ma conviction est que nous pourrons aller plus loin uniquement si nous mobilisons le secteur privé et si nous mettons les assurances autour de la table pour y parvenir, compte tenu de la raréfaction des crédits budgétaires.
En tout état de cause, il est indispensable de faire en sorte que ces 30 millions d'euros pour la prévention soient mobilisés. On peut par exemple imaginer d'améliorer la communication à l'endroit des habitants concernés par le sujet, étant entendu que l'on est parfois concerné sans le savoir, parce que l'on ne constate pas de fissures sur sa maison. Si vous le souhaitez, nous vous tiendrons informés de l'état d'avancement, département par département.
Les crédits à destination du fonds Barnier sont inscrits au budget général depuis 2021. En AE, il reste à 300 millions d'euros. En CP, il s'en tient effectivement à un niveau inférieur, mais peut-être pourrait-on aller plus loin si, en cours d'exécution budgétaire, les crédits devaient être déployés sur la base des AE. Du reste, comme l'ont dit le Premier ministre et la ministre, ce projet de budget est un point de départ et le Parlement demeure évidemment libre de le faire évoluer.
En revanche, si nous considérons la totalité des fonds ouverts à destination de la prévention, nous sommes quasiment au niveau de la surprime CatNat. Vous avez évoqué 470 millions d'euros ; près de 500 millions d'euros de dépenses y sont liés. Si j'ose dire, nous n'avons rien perdu à la budgétisation ; les outils ne sont pas tout à fait les mêmes, mais ils sont davantage à la main du Parlement et vous pouvez donc mieux les piloter. Sauf erreur de ma part, les enveloppes restent congruentes.
M. Guillaume Chevrollier, rapporteur pour avis sur les crédits relatifs aux paysages, à l'eau et à la biodiversité, ainsi que sur les crédits relatifs à l'expertise, l'information géographique et la météorologie. - Trois points retiennent principalement mon attention à l'approche du terme de mes travaux sur les programmes 113 et 159.
Le premier, assez général, porte sur les économies prévues pour les comptes publics. Le budget des deux programmes est marqué par des économies, mais sans compromettre, à mes yeux, les efforts environnementaux : pour le programme 113, on note 5 % de réduction en CP et 8 % en AE ; pour le programme 159, on constate une augmentation liée uniquement au renouvellement du supercalculateur de Météo-France.
Je relève cependant que des efforts très limités sont demandés aux opérateurs sous l'angle des effectifs : une diminution de 71 équivalents temps plein travaillés (ETPT) seulement pour les opérateurs des deux programmes, qui comptent près de 12 000 ETPT. Êtes-vous prêts à aller plus loin en renforçant les synergies entre opérateurs ou entre opérateurs et administrations ? Lors de l'audition de l'Institut national de l'information géographique et forestière (IGN), j'ai été alerté de l'existence de doublons, notamment avec des services de la direction générale des finances publiques (DGFiP) chargés du cadastre.
Au-delà de ces constats, entendez-vous mener une politique volontariste de simplification permettant une orientation prioritaire des crédits budgétaires vers de l'intervention directe ?
Le deuxième point porte sur les agences de l'eau.
Le plafond des taxes qu'elles perçoivent, et qui constitue lui aussi un marronnier budgétaire, est relevé de 50 millions d'euros cette année. C'est une évolution positive dans le contexte budgétaire contraint, même si elle demeure inférieure aux engagements pris dans le cadre du plan Eau ou de la dernière discussion budgétaire. Pour autant, les comités de bassin - où siègent les différents acteurs - ont voté des augmentations des taux de redevances, destinées à renforcer les investissements. Le risque est donc que ces augmentations conduisent d'abord à alimenter le budget de l'État et que les acteurs n'en voient sur le terrain aucun effet sur les investissements.
Sous réserve que cela ne conduise pas à grever trop fortement le budget de l'État, seriez-vous ouverts à un geste supplémentaire en faveur des agences de l'eau ? Votre évocation dans votre propos liminaire d'un montant a minima de 50 millions d'euros laisse entendre qu'une ouverture est possible.
Troisième point : l'intelligence artificielle (IA).
Comme je l'indiquais déjà l'année dernière dans mon rapport budgétaire, il s'agit d'un virage historique à ne pas manquer. Je pense notamment aux opérateurs du programme 159, Météo-France et l'IGN, pour qui l'IA pourrait conduire à des économies, voire à une révolution en termes de productivité et d'automatisation. Quelle stratégie comptez-vous mettre en place dans ce domaine pour encourager et accompagner les différents opérateurs ?
Avec la permission du président, je poursuis par l'intervention de mon collègue Fabien Genet, rapporteur pour avis sur les crédits relatifs à la transition énergétique et au climat, aujourd'hui souffrant.
La réduction des dépenses publiques défavorables à l'environnement, communément appelées dépenses brunes, constitue un enjeu essentiel du PLF pour 2026.
Ce budget s'inscrit dans un contexte particulièrement contraint. Les marges de manoeuvre budgétaires se resserrent, alors même que les besoins de financement de la transition écologique atteignent un niveau inédit.
La deuxième édition de la stratégie pluriannuelle de financement de la transition écologique, publiée la semaine dernière par le Gouvernement, fixe un cap clair : les investissements bas carbone devront doubler d'ici à 2030. Pour atteindre cet objectif, une mobilisation accrue de l'investissement privé sera indispensable, mais l'investissement public devra lui aussi être pleinement au rendez-vous.
Dès lors, la cohérence et la qualité de la dépense publique deviennent des leviers centraux. Lors de son audition devant notre commission, le 1er octobre dernier, le Premier président de la Cour des comptes, Pierre Moscovici, a justement souligné qu'il ne suffisait plus d'augmenter la dépense environnementale, mais qu'il fallait réduire dans le même temps les dépenses publiques dommageables à l'environnement.
Le budget vert 2026 présente précisément, et à première vue, une diminution des dépenses défavorables à l'environnement, estimées à 8,1 milliards d'euros contre 9,4 milliards en 2024.
Toutefois, cette baisse apparaît avant tout conjoncturelle, étant liée principalement à la baisse des prix de l'énergie. Aucune mesure structurelle de réduction durable de ces dépenses n'est véritablement identifiée dans le PLF.
Dans un contexte de finances publiques dégradées et de nécessité de financer massivement la transition écologique, envisagez-vous de lancer une revue systématique des dépenses brunes de l'État, afin d'en identifier les leviers de suppression ou de réorientation ?
Mme Monique Barbut, ministre. - Je suis d'accord avec votre premier constat, selon lequel l'ensemble des opérateurs doivent prendre leur part à l'effort collectif de rationalisation et d'optimisation des dépenses publiques.
Le projet de budget 2026 qui vous est soumis prévoit une réduction de 216 ETPT. Ce n'est pas la première année que ce ministère procède à ce type d'exercice. De manière globale, nous essayons de réduire les fonctions support, en préservant l'ensemble des services déconcentrés et les emplois outre-mer.
En revanche, nous ne faisons aucune économie sur nos missions liées à la prévention des risques, et nous ne remettrons pas en cause un certain nombre de métiers qui s'y rapportent.
Je n'en réfléchis pas moins à des réorganisations de l'ensemble du système. Je ne veux pas en parler davantage à ce stade, car c'est encore récent. Je reconnais cependant être prête à des efforts de structure s'ils peuvent contribuer à ce que nos missions obtiennent des ressources supplémentaires, ce que j'appelle de mes voeux.
En ce qui concerne les moyens octroyés aux agences de l'eau, nous travaillons aujourd'hui dans un contexte extrêmement difficile, car nous constatons partout une raréfaction de la ressource et un déclin de la qualité de l'eau. Une nouvelle alerte nous parvient chaque jour à ce sujet.
Il faut donc garantir des moyens suffisants à ces agences, afin qu'elles puissent traiter l'ensemble des questions auxquelles elles sont confrontées. C'est pourquoi nous avons relevé de 50 millions d'euros le plafond d'affectation des redevances. Nous aimerions aller au-delà de cet effort et avons pour cela besoin des amendements que, peut-être, vous aurez la bienveillance de vouloir porter à ce budget. Je pense en particulier au monde agricole, mais pas uniquement. Je suis d'accord pour dire que ces 50 millions d'euros sont un minimum et qu'aller en dessous de ce montant serait extrêmement dommageable pour les travaux que nous souhaitons que ces agences mènent.
Enfin, sur l'IA, nous avons demandé à certains de nos services, spécialement au Commissariat général au développement durable (CGDD), de nous présenter des propositions sur un emploi plus important de cette technologie. Je suis consciente qu'il ne faut pas en rater le tournant et je reste intéressée par toutes les recommandations que vous pourriez nous faire dans ce domaine.
M. Mathieu Lefèvre, ministre délégué. - Le budget vert est un outil qui mérite d'être consolidé en en élargissant l'assiette des dépenses, qui représentent aujourd'hui malheureusement une part minoritaire de celles de l'État.
Malgré tout, les dépenses favorables à l'environnement progressent de l'ordre de 2,1 milliards d'euros, quand celles qui lui sont défavorables régressent de 1,3 milliard d'euros. Il importe en effet de rappeler que le financement de la transition écologique est évidemment le fait d'une pluralité d'acteurs. La stratégie pluriannuelle des financements de la transition écologique et de la politique énergétique nationale (Spafte) montre bien que, sur 115 milliards d'euros nécessaires à la décarbonation, les crédits budgétaires représentent, seulement, environ 15 milliards d'euros. Il faut donc mobiliser tous les financements possibles, à commencer par la réduction du soutien aux énergies fossiles et à tout ce qui peut être « brun ».
Dans le détail, cela suppose de toucher à des questions de fiscalité énergétique qui impliquent, me semble-t-il, un accompagnement dans la durée, mais qui sont également vertueuses.
Nous sommes à votre disposition pour voir comment améliorer cet outil du budget vert, en élargir l'assiette, passer plus de dépenses au tamis de l'évaluation environnementale et essayer de progresser ainsi dans la résorption des dépenses brunes.
M. Sébastien Fagnen. - Le premier point de mon intervention porte sur les agences de l'État. Il ne peut évidemment pas être dissocié de ce que nous avons vécu au cours des derniers mois au sein de notre assemblée avec la commission d'enquête sur les agences, opérateurs et organismes de l'État : une réduction de 216 ETP, ce n'est pas négligeable.
Des suppressions de postes ont eu lieu au sein de ces agences depuis plusieurs années, mais force est de constater - et c'est heureux - qu'une stabilité avait vu le jour en 2024 puis en 2025. Les suppressions reprennent au moment où les agences sont elles-mêmes particulièrement décriées. Si cela concerne en l'occurrence exclusivement les fonctions de support, c'est un moindre mal. Néanmoins, nous n'en avons aujourd'hui pas la garantie. Il serait utile que nous puissions être destinataires du détail des postes concernés par les suppressions que vous évoquez, car il ne faudrait pas que, au travers d'elles, les collectivités locales, elles-mêmes soumises à des réductions de ressources dans le cadre du PLF, en subissent un contrecoup supplémentaire sous la forme d'un défaut d'ingénierie. Or l'ingénierie leur est des plus utiles au moment où il nous faut amorcer la transition écologique dans nos territoires et où le renouvellement municipal et communautaire donne l'occasion d'engager des projets nouveaux. Il ne s'agirait pas de vivre pour les agences de l'État une révision générale des politiques publiques (RGPP) qui ne dirait pas son nom...
Mon second point concerne le financement du recul du trait de côte. La stratégie locale de gestion intégrée du trait de côte (SLGITC) fait l'objet d'une concertation. La question de son financement est un serpent de mer sans cesse évoqué, régulièrement annoncé, jamais tranché. Les élus, notamment les membres de l'Association nationale des élus du littoral (Anel), ont fait part de leur scepticisme quant aux pistes de financement qui semblent se dégager, puisqu'elles se borneraient à un recours aux outils de financement existants. Le fonds vert étant lui-même concerné par une nouvelle baisse de ses crédits après celle déjà vécue l'an dernier, l'inquiétude exprimée par les élus sur le devenir de cette politique aussi sensible qu'utile à l'aménagement du territoire national, et singulièrement à celui de son littoral, apparaît tout à fait légitime.
Enfin, j'aborderai la question de la pêche, notamment la menace existentielle qui pèse aujourd'hui, dans le département de la Manche, sur le port de Granville - premier port coquillier de France. Décidés dans le cadre des relations franco-jersiaises et le contexte post-Brexit, le déploiement et l'agrandissement des aires marines protégées menacent tout simplement l'existence des arts traînants et la pêche artisanale telle que nous la connaissons.
Cependant, un dispositif issu de négociations avec les îles anglo-normandes, le service d'inspection vétérinaire et phytosanitaire (Sivep), serait susceptible de fluidifier les relations diplomatiques franco-jersiaises et de permettre une sortie de crise pour les pêcheurs avant que nous n'envisagions plutôt, la mort dans l'âme, un plan de sortie de flotte.
Mme Denise Saint-Pé. - Vous avez répondu à la première question que je souhaitais poser, relative au financement par les CEE du leasing social, en précisant qu'une dotation de 400 millions d'euros était prévue.
Ma seconde question porte sur la problématique de l'eau. Le changement climatique est lourd de conséquences sur les enjeux de l'eau, sous le double aspect de la qualité et de la quantité. Les premiers ministres MM. Barnier et Bayrou avaient confié à la ministre qui vous a précédée la charge d'organiser des conférences de l'eau devant permettre aux territoires de s'emparer du sujet et de s'exprimer, notamment sur les défis qui les concernent et sur leurs besoins pour y répondre. Vous inscrivez-vous dans cette même démarche ? Comment voyez-vous la gouvernance de l'eau en France et quelles sont, à votre avis, les urgences en la matière ?
M. Jacques Fernique. - J'aborderai la transition vers l'économie circulaire et les conditions de sa réussite. Dans le PLF figure le fonds Économie circulaire, un levier essentiel dont les crédits étaient passés de 133 millions d'euros en 2022 à 300 millions d'euros en 2024, et qui devraient tomber à 100 millions d'euros dans le prochain budget.
Certes, le contexte budgétaire est contraint, mais notre performance économique et notre autonomie stratégique sont en jeu. Toutes les auditions que Marta de Cidrac et moi-même avons menées dans l'exercice de notre mission sur la loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire (Agec) ont insisté sur la nécessité absolue de ne pas réduire les ambitions du Pacte vert de l'Union européenne sur l'enjeu de circularité.
Le taux de circularité de nos économies européennes stagne à 10 %, avec une empreinte matière par habitant de l'ordre de 13 à 16 tonnes par an. Il faut multiplier par deux notre rythme de décarbonation, voire par quatre dans certains secteurs, et même, selon le HCC, par vingt-neuf dans celui des déchets...
Dans ces conditions, assécher l'effort du fonds Économie circulaire est totalement improductif, d'autant plus qu'une moindre efficacité circulaire équivaut en réalité à payer davantage. Il ne s'agit pas d'économies budgétaires, mais de sommes supplémentaires à verser à l'Union européenne au titre de la taxe plastique qui existe déjà, assise sur le plastique non recyclé. Il en sera de même en 2028 pour la nouvelle taxe qui s'annonce sur les déchets électroniques non collectés. Nous avons donc là une singulière économie budgétaire qui va directement contribuer à augmenter nos dépenses.
Pour financer l'effort de transition, il faut surtout actionner le principe du pollueur-payeur ainsi que les écocontributions des filières à responsabilité élargie des producteurs (REP), qui représentent le quart des gisements actuels de déchets. Il s'agit aussi de renforcer le fonds Économie circulaire, avant tout en l'alimentant par une taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) perçue en amont sur toutes les activités qui n'« écocontribuent » pas et génèrent des déchets mal traités, et auprès des éco-organismes qui n'atteindraient pas les objectifs précis de leur cahier des charges. Le Sénat l'avait d'ailleurs votée l'an dernier.
La nouvelle taxe sur les emballages plastiques inscrite dans ce projet de loi de finances, qui porte sur les éco-organismes, va d'ailleurs en ce sens et nos collègues députés se fourvoient à son sujet.
Au contraire, une TGAP perçue en aval affecte les collectivités en charge du service public des déchets. Elles ne font alors, pour l'essentiel, que payer les pots cassés qui s'accumulent en raison des manquements du système de la REP.
Êtes-vous favorable à faire évoluer le PLF sur ce point ?
M. Ronan Dantec. - Pour le dispositif MaPrimeRénov', 1 milliard d'euros proviendront donc des CEE et quelque 700 millions d'euros supplémentaires de l'Agence nationale de l'habitat (Anah). J'attire l'attention sur le caractère absolument désastreux du stop and go de l'État sur le dispositif ces dernières années, avec des changements de règles permanents.
Ma question sur MaPrimeRénov' rejoint la discussion de la table ronde précédente sur le fait qu'il faut s'enquérir de l'efficience de l'argent public mobilisé et se nourrit de ma propre expérience du mécanisme, déjà complexe, des CEE : s'agira-t-il désormais de deux dispositifs différents ?
De plus, pensez-vous que nous mettions enfin l'accent et la priorité sur ceux qui ont l'envie et la possibilité de la rénovation, c'est-à-dire les classes moyennes ? Des choix aberrants ont été faits ces dernières années, consistant à mobiliser tous les crédits en faveur des ménages les plus précaires, qui, pourtant, n'ont souvent pas même les moyens de financer les 5 % à 10 % restant à leur charge.
Ce sont les classes moyennes qui ont besoin d'un accès au crédit. Elles n'y accèdent cependant que difficilement, en raison de leur taux d'endettement, auprès des banques. Il conviendrait d'intervenir pour les soutenir, sous la forme d'ingénierie financière, de taux de garantie et d'aides aux banques sur les dossiers. Nous pourrions alors mobiliser beaucoup plus d'argent.
Avez-vous matériellement et techniquement le temps de remettre à flot le système MaPrimeRénov' pour que, enfin, il fonctionne ? En arrière-plan, ce sont des dizaines de milliers d'emplois d'artisans qui sont menacés et je vous alerte sur le fait qu'il serait souhaitable que nous disposions l'année prochaine d'un dispositif quelque peu stabilisé.
Par ailleurs, avec la très forte réduction qui le concerne, et qui le ramène à 500 millions d'euros, le fonds vert peut-il encore être efficace ? Ce fonds a véritablement aidé le bloc communal à évoluer en matière de transition énergétique. Soit les communes n'obtiendront désormais plus que des montants par trop limités, soit nous reviendrons à ce qu'elles détestent, et à ce que nous avons tous dénoncé ici, à savoir l'épuisant mécanisme des appels à projets dont ne sortent bénéficiaires qu'un nombre restreint de dossiers. Mais peut-être soumet-on au Sénat ces éléments afin qu'il rehausse l'enveloppe globale, pour nous donner à tous l'impression d'avoir gagné ? Je ne veux toutefois pas faire de procès d'intention.
Pour finir, je me demande comment on a pu produire le raisonnement qui prévaut à la fin de la partie relative au plan climat-air-énergie territorial (PCAET). Non seulement les moyens sont divisés, mais les dispositions les plus efficaces sont supprimées. Bravo Bercy ! Nous savons que ce ministère n'en veut pas et que le Sénat l'a voté à l'unanimité pendant huit ans avant de l'obtenir avec un amendement de Christine Lavarde.
La phrase suivante : « Compte tenu de la possibilité de rendre prioritaires les projets des PCAET pour bénéficier de l'ensemble des mesures du fonds vert, il n'est pas prévu à ce stade de reconduction de la mesure dédiée créée en 2025 » ne veut strictement rien dire.
Avec la somme dont, sans répondre à un appel à projets, elle a bénéficié avec l'enveloppe du fonds vert destinée aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) dotés d'un PCAET, l'agglomération de La Rochelle a, par exemple, monté huit projets qui ont bénéficié à sept communes, en leur permettant de financer leur diagnostic de vulnérabilité. En Loire-Atlantique, la somme a également été totalement dépensée et a financé la mise au point des PCAET qui concernent de petites communes disposant de peu de moyens d'ingénierie.
Avoir trouvé un argument aussi incompréhensible pour supprimer ce dispositif donne l'impression que certains n'ont toujours rien compris aux enjeux de la transition écologique dans les territoires. J'espère que nous arriverons à le rétablir, mais il aurait tout de même été préférable que nous n'ayons pas besoin d'y revenir une année de plus.
M. Jean-François Longeot, président. - Ronan Dantec me paraît avoir raison sur la question du fonds vert. Quand l'État subventionne un projet dans une collectivité, ce projet peut engendrer ensuite de la dépense de fonctionnement ; tandis que le fonds vert consiste en une aide et un accompagnement de la collectivité, qui, au contraire, aura pour effet de réduire sa dépense de fonctionnement.
M. Franck Dhersin. - Notre pays souffre d'un lourd déficit de collecte et de recyclage des emballages plastiques. Les données publiées par Eurostat le 22 octobre dernier montrent ainsi que la France, avec un taux de recyclage des emballages plastiques de 25,7 %, compte toujours au nombre des plus mauvais élèves de l'Union européenne en la matière. Cela a des incidences environnementales, économiques - avec un double enjeu d'accès par les industriels à la matière plastique recyclée et de développement d'une filière française de recyclage - et financières, car la France est la deuxième contributrice à la taxe plastique européenne, à hauteur de 1,5 milliard d'euros par an.
Vous avez fait état de l'instauration d'une nouvelle taxe plastique dans le PLF. Pourquoi, plutôt que des taxes, ne pas activer des leviers pérennes d'amélioration de la collecte pour recyclage et, notamment, la fameuse consigne des emballages de boissons ? Celle-ci fonctionne dans de nombreux autres pays, en particulier les pays nordiques.
J'en viens au sujet de la pêche : madame la ministre, vous avez d'ores et déjà rencontré, le vendredi 31 octobre dernier, les représentants de la pêche artisanale française, qui ont été très sensibles à la qualité de votre écoute.
Ces dossiers me sont bien connus en ma qualité de président des ports de Calais et de Boulogne-sur-Mer, et j'évoquerai le maquereau. Il est en train de devenir le symbole d'une pêche à deux vitesses : celle des États qui respectent les règles et celle de ceux qui pillent la ressource sans rendre de comptes.
Dans son avis scientifique du 21 septembre 2025, le Conseil international pour l'exploration de la mer (Ciem) préconise une réduction de 77 % des quotas de pêche au maquereau commun pour l'année 2026. Il fonde son avis sur la diminution de deux tiers de la biomasse de ce petit pélagique en dix ans.
À Boulogne-sur-Mer, premier port de pêche de France, le maquereau est la première espèce vendue en volume, avec 3 473 tonnes en 2024, et la deuxième en valeur. Le résultat attendu est donc une réduction draconienne des quotas pour les pêcheurs boulonnais, pendant que les pêcheurs industriels non européens n'y seront pas astreints.
Une pêche durable, bien conçue, française et européenne est possible, mais elle implique que les quotas soient respectés par tous. Quelles mesures comptez-vous prendre en ce sens ?
Enfin, à l'occasion du comité interministériel de la mer (CIMer) qui s'était tenu le 26 mai dernier, l'ancien premier ministre François Bayrou avait promis une somme de 90 millions d'euros pour la décarbonation du secteur maritime, issue d'une partie de la taxe carbone européenne.
Ce matin, ici même, le ministre des transports a confirmé être en faveur du respect de cet engagement. Le confirmez-vous à votre tour ?
Mme Marta de Cidrac. - Je souhaite intervenir en ma qualité de présidente du groupe d'études sur l'économie circulaire.
Nous observons que l'économie circulaire occupe une place importante dans le PLF 2026. Deux mesures en particulier retiennent mon attention : la trajectoire de la TGAP et la création d'une taxe plastique.
En ce qui concerne la TGAP, l'augmentation prévue, qui porte notamment sur l'incinération, donne le sentiment que la finalité incitative initiale de cette taxe a cédé le pas à une logique avant tout budgétaire. Cette hausse interviendrait dans un contexte de fortes tensions financières pour les collectivités locales et le risque est grand qu'elle se répercute in fine sur le contribuable, sans véritable effet vertueux sur la réduction des déchets.
Pour mémoire, l'incinération ou l'enfouissement restent les seuls exutoires pour les déchets n'ayant pas trouvé plus en amont d'autre valorisation dans la hiérarchie des modes de traitement. Se trouvant en bout de chaîne, les collectivités et les opérateurs doivent souvent gérer un flux de déchets non recyclés, parfois non recyclables et non triés, sur lequel ils n'ont que peu de marge de manoeuvre.
La forte augmentation du niveau de la TGAP pour les déchets entre 2020 et 2025 avait été acceptée par les collectivités en échange de la promesse d'une montée en puissance des filières à REP ; une telle montée en puissance a cependant fait défaut ces derniers temps.
Confirmez-vous que, avec cette nouvelle trajectoire d'augmentation, l'objectif environnemental de la TGAP s'éloigne et qu'il se perd au bénéfice d'un objectif clairement et purement budgétaire ?
J'en viens à la taxe plastique, destinée à faire contribuer les producteurs d'emballages aux objectifs européens de collecte et de recyclage. On sait que la France verse chaque année près de 1,5 milliard d'euros à l'Union européenne du fait du poids trop élevé, dans son économie, des plastiques non recyclés.
Cette nouvelle taxe, dont le rendement restera sans doute modeste à court terme, vise à responsabiliser davantage l'émetteur de déchets sur le marché. Mais les débats qui ont eu lieu à l'Assemblée nationale ont mis en lumière des inquiétudes légitimes sur son impact potentiel quant à la compétitivité de nos industriels, déjà soumis à une forte concurrence internationale.
Comment garantir qu'elle ne fragilise pas nos entreprises, tout en contribuant réellement à nos engagements européens ?
Enfin, quels enseignements tirez-vous des débats qui se sont, à ce stade de l'examen du PLF, déjà déroulés sur ces sujets essentiels pour la réussite de notre politique d'économie circulaire ?
M. Cyril Pellevat. - Je souhaite intervenir en ma qualité de président du groupe d'études sur le développement économique de la montagne, je souhaitais appeler votre attention sur deux sujets spécifiques.
Tout d'abord, j'aimerais revenir sur l'émergence des risques d'origine glaciaire et périglaciaire. Vous le savez, les territoires de montagne et de haute montagne subissent de plein fouet les effets du changement climatique : éboulements rocheux, boues torrentielles, rupture de lac glaciaire, chutes de séracs, autant d'évènements qui sont susceptibles de mettre en danger les habitants des vallées et les usagers de la montagne. En tant que président du groupe d'études, je me fais l'écho de ces territoires menacés, qui font face à des risques difficilement prévisibles et particulièrement périlleux. Je constate avec désarroi que les crédits inscrits au sein du projet de loi de finances, notamment au sein du programme 181, sont particulièrement faibles. Pouvez-vous nous préciser les mesures qui seront entreprises à l'avenir pour prévenir davantage ce risque ? L'inclusion des risques glaciaires au fonds « Barnier » est-elle envisagée ?
Seconde interrogation, qui n'a pas directement trait au budget, mais que le groupe d'études que je préside suit avec attention : la question du loup. En juin dernier, le Conseil de l'Union européenne a validé le principe du déclassement du loup d'espèce « strictement protégée », à « protégée », modifiant en ce sens la directive « Habitats » de 2002. Le 24 septembre dernier, Mme Fabienne Buccio, coordinatrice du Plan national d'actions sur le loup a annoncé une « simplification significative » des « tirs de défense » pour protéger les élevages. Désormais, un éleveur ou un chasseur mandaté par lui pourront éliminer un loup qui attaque le troupeau, sans l'autorisation préalable qui était jusqu'alors requise. Ne craignez-vous pas que cet allègement des règles relatives au tir de défense entraine une hausse mécanique du nombre de loups tués, risquant de dépasser la cible fixée annuellement ?
M. Éric Gold. - On parle beaucoup de la fonte de la calotte glaciaire et de ses conséquences sur le niveau des océans, avec sa cascade de répercussions sur les économies, les populations, les écosystèmes et, plus globalement, sur la biodiversité marine.
Comment votre ministère prépare-t-il, y compris en cette période budgétaire, les conséquences de ces modifications durables qui s'annoncent ? Quelles actions jugez-vous prioritaires pour préserver nos fonds marins, notamment dans un contexte de recherche de souveraineté alimentaire ?
Mme Nadège Havet. - En 2023, un plan de rénovation des écoles prévoyait la rénovation de 10 000 établissements en quatre ans. Le PLF pour 2026 inclut-il encore ce dispositif ?
Par ailleurs, je partage les interrogations relatives au recul du trait de côte. Nous avons tous à l'esprit les images de ces maisons détruites dans le Finistère Sud. Les dernières maisons vont être rachetées pour un coût de 305 000 euros chacune. Il faudra que les collectivités territoriales concernées disposent des fonds nécessaires au rachat de ce bâti et au retour à la nature de terrains qui lui avaient été pris.
En matière de pêche, l'arrivée de la saison hivernale annonce de nouveau une probable fermeture du golfe de Gascogne. Réussirez-vous à obtenir de la Commission européenne de nouvelles aides pour nos pêcheurs ?
En outre, vous travaillerez au mois de décembre prochain sur les totaux admissibles de captures (TAC) et sur les quotas de pêche. À quoi pouvons-nous nous attendre et parviendrons-nous un jour à obtenir des TAC et quotas pour une période de trois ans, plutôt qu'année par année ?
M. Jean-Marc Delia, rapporteur pour avis sur les crédits relatifs aux transports ferroviaires, fluviaux et maritimes. - Avant toute chose, je tiens à vous féliciter, madame Chabaud, pour votre nomination et je me réjouis que la France dispose de nouveau d'un ministère consacré à la mer et à la pêche. De quelle manière votre portefeuille s'articulera-t-il, dans le domaine du transport maritime, avec celui de Philippe Tabarot, ministre chargé des transports ?
Le transport maritime représente 3 % des émissions de gaz à effet de serre mondiales. Sa décarbonation soulève des enjeux majeurs pour la filière et induit des besoins financiers colossaux, le coût de l'acquisition d'un navire à carburant alternatif étant de 30 % à 50 % plus élevé que celui d'un navire classique.
Comme mon collègue Franck Dhersin, je rappelle que François Bayrou, alors premier ministre, avait annoncé en mai dernier, lors du CIMer, que le produit du marché carbone européen issu du transport maritime serait mobilisé pour financer la décarbonation du secteur, à hauteur d'environ 90 millions d'euros dès 2026. J'ai également interpellé Philippe Tabarot à ce sujet ce matin.
Pour quelles raisons le PLF pour 2026 ne comporte-t-il finalement aucune mesure en ce sens et quelle serait votre position sur d'éventuels amendements visant à les y introduire ?
Un dispositif de réduction fiscale, le suramortissement vert, existe depuis plusieurs années afin d'inciter les armateurs à acquérir des équipements de propulsion décarbonée pour leurs navires. Nous manquons néanmoins de recul et surtout de données pour en évaluer l'efficacité et la portée concrète.
Quel bilan dressez-vous pour votre part de ce dispositif et envisagez-vous d'y apporter des évolutions ? Quel regard portez-vous sur l'amendement adopté par les députés en première lecture lors de l'examen du PLF, tendant à majorer les taux de déduction fiscale applicables aux petites entreprises lorsqu'elles acquièrent des équipements véliques ?
Ma dernière question concerne le budget des affaires maritimes. S'il augmente en 2026, il ne s'en inscrit pas moins dans une trajectoire de baisse de l'ordre de 40 millions à 50 millions d'euros à horizon 2028. Comment cette diminution de crédits sera-t-elle ventilée entre les différentes actions du programme 205 et quels dispositifs seront affectés ?
Mme Annick Girardin. - Les Assises de l'économie de la mer viennent de se tenir à La Rochelle. Le Président de la République y a fait une déclaration, de même que plusieurs ministres. Différentes inquiétudes s'y sont aussi exprimées et il m'intéresse de savoir comment vous-même, qui êtes en fonction depuis quelques semaines, appréhendez les divers sujets qui retiennent l'attention du monde maritime.
Parmi ces sujets, le dispositif de suramortissement vert pour les projets véliques me semble extrêmement important. Si certains doutent de l'intérêt de cette aide, il suffit pour s'en convaincre d'assister à l'entrée du cargo Neoliner Origin dans un port, que ce soit à Saint-Pierre-et-Miquelon, aux États-Unis, au Canada ou à Nantes où il sera bientôt de retour. Ce type de flotte devra s'agrandir si nous voulons que de tels projets deviennent véritablement des solutions. Comment l'aide qui la concerne peut-elle évoluer ?
La réforme du verdissement de la flotte des bateaux de plaisance me semble être remise en question, alors que c'est un dossier sur lequel nous avions largement progressé. J'aimerais connaître votre point de vue.
Le fonds d'intervention maritime (FIM) a été créé pour rapprocher votre ministère des territoires et des petits projets locaux. J'ai le regret de constater qu'il a disparu ou qu'il est englobé dans le fonds vert, au sujet duquel chacun ici a fait part de son inquiétude, ce qui redouble la mienne.
Saint-Pierre-et-Miquelon, territoire d'outre-mer, pays de marins, rencontre des difficultés en matière de pêche. Le ministère a diligenté une inspection générale afin d'établir un bilan de la stratégie de pêche du territoire et contribuer à la préparation de sa nouvelle stratégie pour 2026. Mais les crédits alloués au programme 205 me laissent perplexe et je me demande si vous serez bien destinataire d'un rapport dont l'élaboration a été engagée à la demande d'Agnès Pannier-Runacher, en sa qualité de ministre à l'époque. Comment du reste, avec une telle baisse des crédits, pourra-t-on mettre en oeuvre ses préconisations ? Au-delà, le document de politique transversale pour l'outre-mer nous apprend que pour le seul périmètre de la mission « Écologie, développement et mobilité durables », les crédits de soutien au petit archipel de Saint-Pierre-et-Miquelon passent de 55,5 millions à 12,5 millions d'euros. Mon inquiétude est de nouveau bien vive et j'espère que nous pourrons très vite en discuter, avant même l'examen du PLF en séance au Sénat.
Mme Marie-Claude Varaillas. - Je reviens sur le dispositif MaPrimeRénov'. Le département de la Dordogne, seul délégataire des aides à la pierre, a décelé à ce jour 177 dossiers de propriétaires occupants et onze dossiers de propriétaires bailleurs pour lesquels les structures d'accompagnement de type « Mon Accompagnateur Rénov' » (MAR) étaient en réalité frauduleuses. Pour 188 dossiers, l'ampleur de la fraude s'élève à 8,5 millions d'euros. Dans d'autres cas cependant, faute de preuves suffisantes - les structures ne figurant pas sur la liste de l'Agence nationale de l'habitat (Anah) - et malgré nos fortes suspicions de fraude, nous n'aurons pas d'autre choix que celui d'accorder la subvention. Ces autres dossiers représentent un enjeu financier total de 4,2 millions d'euros.
Compte tenu de l'importance de ces montants, il vous faudra vous saisir du sujet des structures apparues avec la massification du dispositif, dans le seul but de capter les subventions publiques.
Par ailleurs, un sondage Ipsos du 15 octobre 2025 nous apprend que 89 % des Français expriment leur inquiétude face à l'aggravation de la crise climatique. C'est une question qui dépasse largement les clivages partisans. Néanmoins, le HCC s'alarme d'une dérive de la politique climatique puisqu'en 2025 les émissions de gaz à effet de serre ne diminueront que de 0,8 %.
Je ne me réjouis pas non plus des diminutions de crédits qui affectent le dispositif MaPrimeRénov' ainsi que le fonds vert. Ce dernier, pour une part significative, servait dans les petites communes à la réalisation de travaux tels que l'isolation d'un gymnase ou d'une école, ou encore la renaturation d'un centre-ville. Il représentait d'importants crédits pour ces communes. Je rappelle aussi que la rénovation des bâtiments scolaires a été identifiée en son temps par le Président de la République comme l'une des priorités de la planification écologique.
Le RGA est un autre sujet d'importance en Dordogne.
Surtout, le Premier président de la Cour des comptes nous a récemment déclaré que nous étions devant un « mur d'investissements », mais que 1'euro investi équivalait à 3 euros de dommages épargnés. Il nous faudrait 100 milliards d'euros supplémentaires chaque année d'investissements publics pour atteindre la neutralité carbone en 2050.
Trouver les moyens d'agir suppose de créer des recettes vertes, par la contribution des acteurs économiques les plus aisés et des principaux pollueurs. Pour ne citer qu'un exemple, les armateurs bénéficient d'une niche fiscale taillée sur mesure puisqu'ils sont imposés non à raison de leurs bénéfices, mais en fonction du tonnage transporté. Le manque à gagner pour l'État, au cours deux dernières années, s'est ainsi élevé à 9 milliards d'euros. Voilà bien des recettes que nous pourrions aller chercher.
Les Français ne rejettent pas la transition écologique ; ce qu'ils refusent, ce sont les politiques jugées injustes, technocratiques ou déconnectées de leurs réalités.
- Présidence de Mme Marta de Cidrac, vice-présidente -
Mme Monique Barbut, ministre. - Pour en revenir brièvement à la question des ETPT, mettons deux chiffres en regard : nous parlons de 216 ETPT sur un plafond d'autorisation d'emplois de 34 243 ETPT... Je n'ai pas l'impression que l'on nous demande un effort extraordinaire au titre de notre participation à la réduction globale des dépenses de l'État et il n'y a là, franchement, guère plus que l'épaisseur du trait.
La consigne sur le plastique est un vaste sujet... À mon arrivée au ministère, j'y étais opposée. Mon équipe m'a ensuite convaincue que c'était une bonne idée. Puis ici, au Sénat, vos propres collègues m'ont à leur tour convaincue du contraire. Vous le voyez, j'en suis toujours à me poser un certain nombre de questions. Et de l'avis de Jean-Louis Borloo que j'ai rencontré, il me sera difficile d'y apporter une réponse définitive tant que la France ne décidera pas si elle souhaite être un État centralisateur ou un État décentralisé.
Dans les pays où, comme en Allemagne, il existe un système de consigne, dès l'origine, le tri des ordures ménagères avait été confié non aux collectivités locales, mais au secteur privé. En France, en revanche, nous avons invité les collectivités locales à investir dans la gestion des déchets et à promouvoir la poubelle jaune. Or la seule chose un tant soit peu rentable dans la poubelle jaune, ce sont les bouteilles en plastique. Si nous devions les en retirer, que dirions-nous alors à ces collectivités ?
Par ailleurs, vos collègues sénateurs ont attiré mon attention sur les conséquences possibles d'un système de consigne pour les tout petits commerces. Jamais ils n'auront les moyens de disposer des machines nécessaires à la collecte des bouteilles et leur clientèle, déjà peu nombreuse, préférera peut-être se rendre dans les grandes surfaces pour y récupérer le montant des consignes.
J'en suis là de mes réflexions. J'ajoute que, pour avoir vécu longtemps en Allemagne, j'ai constaté l'aspect quelque peu social du système de consigne des bouteilles : quotidiennement des personnes y déposent en effet dans la rue des sacs remplis de bouteilles afin de permettre à d'autres de les récupérer et d'en tirer un petit revenu. J'ai donc toujours à l'esprit les deux parties de l'équation et le choix de la réponse à apporter ne m'apparaît pas immédiatement évident.
Mme Catherine Chabaud, ministre déléguée auprès de la ministre de la transition écologique, de la biodiversité et des négociations internationales sur le climat et la nature, chargée de la mer et de la pêche. - Je suis heureuse que la France ait choisi d'avoir de nouveau un ministère de la mer et de la pêche, et je suis fière de l'incarner dans la continuité d'Annick Girardin, qui en a été à la tête pendant plusieurs années.
En introduction, je veux vous dire que j'ai travaillé, avec mon équipe, à la construction d'une vision stratégique. J'ai vécu il y a quinze ans le Grenelle de la mer, un moment formidable durant lequel la communauté maritime française, c'est-à-dire l'ensemble des acteurs de la science à l'industrie, en passant par les ONG, les syndicats, les entreprises et les institutions, a fait ce constat collectif que la mer était l'avenir de la terre et que la France avait un avenir avec la mer.
La France est peut-être le deuxième espace maritime au monde, mais elle n'est pas encore la deuxième puissance maritime mondiale. Mon ambition est de faire de la mer une priorité politique pour la France. J'ai porté cette idée pendant mon mandat de députée européenne et j'ai été l'un des artisans du pacte européen pour les océans.
Je commencerai par répondre aux questions relatives à la pêche. On se focalise sur l'impact que les pêcheurs ont sur les écosystèmes marins côtiers, mais il ne faut pas oublier qu'ils subissent eux aussi des pressions. Ils sont les victimes collatérales des pollutions qui viennent de la terre, qu'il s'agisse des pollutions diffuses ou plastiques.
Depuis cinq ans, les pêcheurs constatent une accélération du réchauffement de l'océan, avec une migration des espèces : certaines disparaissent, d'autres arrivent, notamment des espèces invasives. Il reviendra aux pêcheurs d'indiquer les espèces qui pourront être commercialisées.
Aujourd'hui, le maquereau est devenu un sujet de préoccupation, alors qu'il n'était pas une espèce fragilisée il y a encore quelques années. Les scientifiques recommandent de diminuer de 70 % les captures de maquereaux, ce qui est un coup dur pour les pêcheurs. D'autant que la Norvège, les îles Féroé et le Royaume-Uni exercent une forte pression en pêchant des tonnages impressionnants de maquereaux. Une action diplomatique a été engagée par la France auprès de la Norvège.
J'ai également évoqué la question hier avec le Président de la République, qui est intervenu aux Assises de l'économie de la mer. Pour ma part, je rencontrerai le commissaire Kadis le 14 novembre prochain, avant de participer au Conseil « Agriculture et Pêche » du 17 novembre. La Commission européenne devra actionner les moyens dont elle dispose pour demander à la Norvège de payer. J'ai également prévu, à l'occasion du Conseil, d'avoir un échange avec mon homologue britannique sur ce sujet et sur celui évoqué par le sénateur Fagnen.
J'ai rencontré récemment des représentants de la pêche et de la conchyliculture en Normandie. Le développement de l'éolien offshore et la création des aires marines protégées au sud des îles britanniques, que je vois plutôt d'un bon oeil, réduisent leurs zones de pêche. Sur ce point, nous serons très vigilants.
Comme l'a souligné la sénatrice Havet, il peut paraître surprenant que, s'agissant de la pêche, la balance commerciale de la France soit déficitaire de 5 milliards d'euros, alors que notre pays compte 11 millions de kilomètres carrés de mer. Les produits d'importation représentent 80 % de notre consommation. Nous avons plusieurs moyens d'action ; je pense notamment au contrat stratégique de filière, signé au salon de l'agriculture en présence du Président de la République, qui vise à améliorer la souveraineté alimentaire, à répondre aux attentes des consommateurs et à renforcer la gouvernance de la pêche.
Je souhaite mobiliser les consommateurs pour qu'ils se tournent vers les produits de la pêche française. J'ai évoqué la question avec mon collègue Serge Papin, chargé notamment du commerce et de l'artisanat, ainsi qu'avec la ministre de l'agriculture, qui travaille à une feuille de route sur la souveraineté alimentaire.
J'en viens au plan de pêche pour Saint-Pierre-et-Miquelon, présenté en 2021 : il vise à rassembler les outils de connaissance nécessaires au développement d'un secteur qui est historiquement le fondement de l'économie de l'archipel. Le Neoliner, dont vous êtes la marraine, chère Annick Girardin, fait escale à Saint-Pierre : il offrira peut-être une occasion de développer le tourisme. Le plan de pêche est doté de 800 000 euros pour quatre ans, dont 300 000 euros pour le volet scientifique. Nous reparlerons de cette question lorsque j'aurai reçu et analysé le rapport sur le sujet.
S'agissant des cétacés dans le golfe de Gascogne, il faut rappeler que des mesures ont été prises à la suite du constat des scientifiques. Dès 2022, le Gouvernement a déployé un plan d'action. Doté de 21 millions d'euros, il prévoyait d'expérimenter à grande échelle l'installation de dispositifs techniques : pingers et caméras. Nous constatons une forte réduction de la mortalité des dauphins communs. Je suis bien consciente que les entreprises locales de la filière de la pêche sont directement touchées. Toutefois, l'État accompagne véritablement le secteur, et un rapport détaillé sur les derniers comptages sera présenté, ce qui nous permettra d'en savoir plus.
Concernant la question du sénateur Gold sur les conséquences de la fonte des glaces, je suis très heureuse qu'un sénateur du Puy-de-Dôme s'intéresse à la mer ! Nous constatons un réchauffement de l'océan et une fonte des glaces. Il est vrai que l'adaptation au changement climatique est un pilier essentiel de la planification écologique. C'est tout le sens du troisième plan national d'adaptation au changement climatique.
J'en discutais hier avec des pêcheurs lors des Assises de l'économie de la mer : il faut aussi tenir compte des conséquences des phénomènes météorologiques extrêmes, qui peuvent provoquer un bouleversement des fonds marins. Nous devons renforcer nos connaissances sur ces impacts afin de déterminer dans quelle direction engager la transition du secteur de la pêche. La transition de ce secteur, comme celle du transport maritime ou de la plaisance, constitue un enjeu majeur dans le cadre de la planification que je veux mettre en oeuvre.
Cette planification est l'un des trois axes de la politique que je souhaite engager pour la mer et les littoraux. Le deuxième axe est la régénération des écosystèmes marins et côtiers. Nous devons travailler sur la question de la diminution des pollutions telluriques, afin d'avoir cette approche du grand cycle de l'eau qui est au coeur du pacte européen pour les océans. Les stations d'épuration situées sur le littoral, qui ne sont pas forcément aux normes, constituent de véritables bombes à retardement. Les norovirus ont également des impacts sur l'aquaculture et la conchyliculture. Le troisième axe concerne la maritimisation.
En ce qui concerne le suramortissement vert, évoqué par Jean-Marc Delia et Annick Girardin, le CIMer 2025 s'est engagé à orienter le dispositif vers les TPE et les PME. Je songe en particulier à la filière vélique, naissante et prometteuse. Je soutiens cette filière depuis plusieurs années, en particulier lorsque j'étais députée européenne.
Le verdissement de la plaisance est aussi un objectif du Gouvernement, matérialisé dans le CIMer. Une réflexion sur l'évolution de la Taemup (taxe annuelle sur les engins maritimes à usage personnel) est engagée : l'objectif est de verdir cette taxe, de la rendre plus juste et de produire des recettes fiscales qui permettront de financer le Conservatoire du littoral, mais également la Société nationale de sauvetage en mer (SNSM).
Le fonds d'intervention maritime (FIM), qui a été rétabli, figure bien dans le fonds vert. Il faut rendre visibles les fonds qui peuvent financer la transition de la mer et du littoral. Je serai vigilante sur l'utilisation du FIM.
Quant à l'ETS (Emissions Trading System), j'avais proposé son fléchage vers la transition et le soutien du secteur du transport maritime. Des amendements ont été déposés en ce sens. J'ai alerté le Premier ministre et Bercy. Ce qui peut apparaître comme un nouveau soutien au secteur peut aussi être considéré comme une amorce de la transition, comme un soutien au vélique et au développement économique des territoires. La transition du transport maritime impose de décarboner la flotte de 90 % d'ici à 2050.
Si nous voulons que les navires fassent escale dans nos ports de commerce, il faut prévoir le soutage dans les ports. Pour cela, la filière a identifié un certain nombre de solutions. L'ETS aura un effet vertueux de relance de l'industrie navale française et européenne, sachant que les revenus de ce marché du carbone européen, dont une partie ira directement dans les caisses de l'État, augmenteront dans les années à venir.
Vous avez compris que je serai attentive non seulement au soutien et à la transition de la filière, mais aussi à la préservation de la mer et du littoral.
Pour conclure, en 2018, j'ai lancé un appel pour que l'océan soit reconnu comme un bien commun de l'humanité. La sauvegarde de l'océan relève, à mon sens, de notre responsabilité collective, mais aussi individuelle. J'aimerais élargir l'initiative « La mer commence ici », que nous avons pu voir émerger dans différents territoires. Je vous invite à la soutenir dans vos territoires respectifs, y compris à l'intérieur des terres, et notamment dans le Puy-de-Dôme !
M. Mathieu Lefèvre, ministre délégué. - Monsieur le sénateur Dantec, sur le fonds vert, nous pouvons déjà nous réjouir qu'il y ait une enveloppe dédiée, ce qui n'était pas forcément gagné. Ce fonds aurait en effet pu être fondu dans la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL) et la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR). La ministre Barbut l'a rappelé, le contexte électoral de l'an prochain justifie pour partie la réduction de ces crédits.
En ce qui concerne les fonds dédiés au développement des PCAET, je sais qu'ils correspondent à un engagement de longue date du Sénat. En tout état de cause, vous le savez, ce projet de budget est un point de départ. Le Gouvernement est attentif à toute forme de compromis, si tant est que l'on respecte les engagements budgétaires finaux de la France. J'émettrai une réserve : nous devons avoir un regard sur la façon dont les crédits dédiés aux PCAET sont utilisés. Le retour sur expérience n'est peut-être pas suffisamment important aujourd'hui.
Sur la question relative à MaPrimeRénov', il est prévu, pour l'an prochain, une stabilité globale des crédits, avec la souplesse qu'offre le recours aux certificats d'économie d'énergie. Nous avons été confrontés cette année à une difficulté : s'agissant d'une dépense de guichet, il faut arrêter les versements lorsqu'il n'y a plus de crédits, ce qui n'est pas heureux. À l'instabilité réglementaire s'ajoute une instabilité budgétaire.
Le mécanisme mis en place pour 2026 devrait permettre d'y remédier, d'autant que le budget de l'Agence nationale de l'habitat (Anah) est stable, à 4,6 milliards d'euros. Le projet de loi de finances prévoit un recentrage du dispositif MaPrimeRénov' sur les ménages les plus modestes et les logements les plus énergivores.
Sur la question de l'économie circulaire, je vous remercie, monsieur le sénateur Fernique et madame la présidente de Cidrac, de votre engagement sur le sujet.
Le fonds Économie circulaire est en recul ; il était doté de 300 millions d'euros il y a quelques années, au moment de l'amorçage du dispositif. Néanmoins, il n'a pas vocation à se substituer aux REP. Là aussi, il s'agit d'un point de départ, et le Sénat pourra amender le texte. Je rappelle qu'il est important que le financement du bout de chaîne soit assuré non pas par l'État, mais essentiellement par les metteurs sur le marché.
De la même manière, sur la question de la taxe plastique, les avis divergent, comme nous l'avons vu lors du débat à l'Assemblée nationale. Le sujet est difficile. Le mérite de cette taxe est de peser sur les éco-organismes, et donc sur le début de la chaîne. La trajectoire est modeste au début, avec une taxe de 30 euros par tonne, à comparer aux pénalités considérables versées à l'Union européenne et qui équivalent à 800 euros la tonne.
La taxe n'étant pas mise intégralement en oeuvre dès l'an prochain, je ne crains pas le risque d'un report sur l'activité ou sur le consommateur final. En effet, on peut considérer que cette taxe est neutre du point de vue des prélèvements obligatoires : ce qui sera payé-là ne sera pas payé in fine par le contribuable. La proposition du Gouvernement est, là encore, un point de départ.
En ce qui concerne la TGAP, j'ai bien conscience qu'elle est relativement injuste vis-à-vis des collectivités, dans la mesure où elle pèse sur les consommateurs finaux. Nous avons cherché un point d'équilibre : il se traduit par une forme de neutralité entre, d'une part, une hausse modeste de la TGAP, pour qu'elle conserve un caractère incitatif, et, d'autre part, une compensation pour les collectivités, avec une baisse du taux de TVA sur le tri et la collecte.
Sur la question du recul du trait de côte, évoquée par la sénatrice Havet, l'État finance déjà aujourd'hui pour partie la cartographie, les études et des dépenses d'ingénierie ; le fonds Barnier prend en charge le risque lorsqu'il est avéré. Il est évident que les dépenses que nous allons devoir engager pour faire face à ce phénomène seront importantes.
Il faut que les communes du littoral agréent le schéma de financement qui sera trouvé et que nous sachions exactement quel sera le montant à financer. Différents vecteurs peuvent être utilisés : les crédits budgétaires - compte tenu de la situation budgétaire, ce n'est peut-être pas la solution la plus évidente, mais le Sénat fera ses choix - ou la fiscalité, avec deux options, la fiscalité nationale ou la fiscalité locale. Je suis à votre disposition pour instruire les différents scénarios, objectiver les besoins et évaluer le scénario le moins déséquilibré pour les collectivités et les contribuables.
Cela me permet de rebondir sur la question que vous avez posée, monsieur le sénateur Dantec, sur le fonds vert pour le bâti scolaire. C'est l'une des priorités : il représente à peu près un quart des dépenses. J'estime que nous devons laisser davantage de souplesse aux préfets, pour éviter un pilotage en silo.
En ce qui concerne les dépenses fiscales, le débat peut avoir lieu dans le cadre du projet de loi de finances. Si nous voulons réduire les dépenses « brunes », il faut réduire à la fois les dépenses fiscales et les dépenses budgétaires, tout en accompagnant les entreprises concernées afin de ne pas nuire à l'emploi ou à la compétitivité de notre pays.
Mme Marta de Cidrac, présidente. - Je vous remercie pour vos interventions. Un certain nombre de sujets auxquels vous avez répondu feront l'objet de débats à l'occasion de l'examen du projet de loi de finances.
Cette audition a fait l'objet d'une captation vidéo disponible sur le site internet du Sénat.
Examens en commission
Crédits relatifs aux « paysages, à
l'eau et à la biodiversité »
et à
l'« expertise, l'information géographique et la
météorologie »
(Mercredi 19 novembre 2025)
M. Guillaume Chevrollier, rapporteur pour avis sur les crédits relatifs aux paysages, à l'eau et à la biodiversité et à l'expertise, à l'information géographique et à la météorologie. - J'ai l'honneur de vous présenter mon rapport pour avis sur les crédits des programmes 113 « Paysages, eaux et biodiversité » et 159 « Expertise, information géographique et météorologie » inscrits au PLF pour 2026.
Au terme de mes travaux, qui m'ont conduit à rencontrer des représentants du ministère de la transition écologique ainsi que les principaux opérateurs des deux programmes, je tiens à mettre en avant plusieurs éléments qui ont retenu mon attention.
Tout d'abord, l'exercice 2026 est, bien entendu, marqué par le contexte de maîtrise des comptes publics, comme l'a rappelé le président Longeot à l'instant.
Les programmes 113 et 159 ne dérogent pas à cet impératif, comme le montre l'évolution de leurs crédits. Tout d'abord, le programme 113, qui est le support des politiques de l'eau, de la biodiversité, ainsi que de la protection du littoral, des milieux marins et des paysages, est marqué par une réduction de 5 % des crédits de paiements (CP) et de 8 % des autorisations d'engagement (AE).
Ensuite, le programme 159, qui porte les subventions pour charge de service public de plusieurs opérateurs essentiels pour la politique d'adaptation au changement climatique, connaît, à périmètre constant, une augmentation de 10 % des CP et des AE. Cette augmentation est liée uniquement au renouvellement du supercalculateur de Météo France.
Au-delà des crédits budgétaires, des efforts réels mais mesurés sont demandés aux opérateurs de ces deux programmes. Mis à part pour Météo France, les subventions pour charges de service public n'augmentent pas : elles sont stables - voire diminuent de 5 millions d'euros pour le Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema) et de 200 000 euros pour l'Institut national de l'information géographique et forestière (IGN).
En matière d'effectifs, le PLF prévoit une diminution de 71 équivalents temps plein travaillé (ETPT) pour l'ensemble des opérateurs, à mettre en regard de leurs effectifs, soit environ 12 000 ETPT.
Les efforts demandés doivent, à mes yeux, s'accompagner de la recherche de synergies supplémentaires entre opérateurs, mais aussi entre opérateurs et ministères. Lors de mon audition de l'IGN, j'ai ainsi été alerté de l'existence de « doublons » entre l'IGN et certains services du cadastre de la direction générale des finances publiques (DGFiP). Je suis par ailleurs convaincu qu'une politique volontariste de simplification s'impose, afin de permettre que les crédits budgétaires soient orientés prioritairement vers de l'intervention directe.
Je tiens cependant à souligner que, si l'impératif de maîtrise des comptes publics conduit à une pause, pour la deuxième année consécutive, dans la trajectoire de progression des crédits budgétaires consacrés à la biodiversité, cette pause doit être relativisée. En 2026, les crédits du programme 113 seront ainsi supérieurs d'environ 50 % à leur niveau de 2022.
Pour ce qui concerne le programme 113, je souhaite évoquer deux points qui me paraissent essentiels.
La politique de l'eau et la situation des agences de l'eau, tout d'abord : l'article 20 du PLF ajuste certains paramètres de la réforme des redevances de l'eau adoptée en 2023, qui avait pour objectif de mieux répondre aux enjeux de pollution et de raréfaction de la ressource. Il est encore trop tôt pour faire un bilan de cette réforme entrée en vigueur le 1er janvier 2025. Les dispositions essentiellement techniques figurant à l'article 20 paraissent bienvenues et ne posent donc aucune difficulté.
Le PLF prévoit surtout le relèvement de 50 millions d'euros du « plafond mordant » des agences de l'eau, c'est-à-dire le plafond des taxes et ressources affectées aux agences. C'est, vous le savez, un « marronnier » de nos discussions budgétaires.
Je salue ce relèvement, qui constitue un signal positif. Je regrette cependant qu'il soit en deçà des engagements pris dans le cadre du plan Eau et de la discussion budgétaire de l'année passée, qui prévoyaient un relèvement de 175 millions d'euros.
Les agences de l'eau ont bâti leurs budgets sur la base d'un relèvement plus important du plafond et les comités de bassin - au sein desquels siègent les différents acteurs - ont voté des augmentations des taux de redevances afin de renforcer les investissements, en totale cohérence avec les objectifs du plan Eau.
Nous connaissons tous l'impact de l'action des agences de l'eau dans nos territoires et son importance pour les différents acteurs, notamment pour nos agriculteurs. Par ailleurs, vous savez comme moi que ces agences éprouvent déjà des difficultés à satisfaire toutes les demandes de financement.
Dans ces conditions, le relèvement limité du niveau du « plafond mordant » pourrait conduire à ce que l'augmentation des recettes induite par la hausse des taux vienne alimenter le budget de l'État et que les acteurs ne voient donc que peu d'effets sur les investissements locaux. Comme les années précédentes, je regrette que le principe « l'eau paie l'eau » ne soit toujours pas respecté.
Je comprends l'impératif de redressement des comptes publics, mais je formule le voeu que le PLF de l'année prochaine permette de relever de nouveau le plafond, pour le mettre en conformité avec les engagements du plan Eau.
Permettez-moi de m'attarder maintenant sur la situation de l'Office français de la biodiversité (OFB). La subvention pour charges de service public de l'OFB, qui représente près d'un tiers des crédits du programme 113, est stable en 2026.
Mes travaux préparatoires m'ont permis de faire un point sur les suites données au rapport d'information de notre collègue Jean Bacci sur le bilan de la création de l'OFB. Ce rapport, élaboré dans le contexte de la crise agricole du début de l'année 2024, est jugé positivement par l'OFB lui-même.
Plusieurs propositions ont été reprises, notamment par une circulaire du Premier ministre du 4 novembre 2024 sur la mise en place d'un contrôle unique dans les exploitations agricoles, ou par une circulaire des ministres de la transition écologique et de l'agriculture du 3 décembre 2024 concernant les modalités de contrôle des installations agricoles.
Ces textes prévoient notamment la mise en place, par le directeur de l'OFB, du port d'arme discret par les agents de l'établissement. Autre exemple : à la demande du Gouvernement, le Conseil d'État travaille actuellement sur les possibilités en matière de marge d'appréciation et de proportionnalité dans la mise en oeuvre des normes et sanctions associées, pour en favoriser l'acceptabilité.
Je souhaite pour ma part saluer l'action des agents de l'OFB. Dans la droite ligne des recommandations de notre collègue Jean Bacci, l'Office souhaite renforcer les échanges avec les élus.
Je ne peux pas évoquer l'OFB sans mentionner les parcs nationaux et les propositions de fusion au sein de l'OFB. Ces propositions, qui ne correspondent pas à une demande de ce dernier, ont suscité une vive inquiétude des parcs nationaux, dont j'ai reçu des représentants dans le cadre de mes travaux préparatoires.
Précisons, au préalable, que ces propositions ne visaient pas à supprimer les parcs, mais uniquement leur structure juridique en les intégrant au sein de l'OFB, avec qui une grande partie des fonctions supports est déjà mutualisée. Le PLF ne comprend aucune disposition sur ce sujet : à mes yeux, la seule boussole devant guider les décisions prises doit être le maintien de la proximité et la territorialisation de l'action.
Plus globalement, permettez-moi de souligner que les réflexions relatives à l'avenir des agences et aux éventuelles suppressions ou fusions doivent aboutir rapidement. Comme me l'ont confirmé plusieurs de mes interlocuteurs, le manque de visibilité en la matière freine l'action des opérateurs comme les synergies, pourtant source de potentielles économies.
Je souhaite maintenant évoquer deux aspects de la situation des opérateurs du programme 159. Certains opérateurs de ce programme ont été ou sont encore dans une situation budgétaire tendue. Ils ont pris des initiatives pour se réinventer et faire des économies structurelles. Je tiens à saluer l'inventivité et l'agilité de ces opérateurs, dont il conviendra de suivre la situation avec la plus grande vigilance.
Je pense notamment à l'IGN. Sur l'initiative du Sénat, et notamment des rapporteurs spéciaux de la commission des finances, Vincent Capo-Canellas et Christine Lavarde, la subvention pour charges de service public de l'établissement a été relevée l'année dernière, pour un montant de 9 millions d'euros dans le cadre du PLF pour 2025. Le montant de la subvention issu de ces amendements est maintenu en 2026, et je m'en réjouis.
L'augmentation de la subvention s'est accompagnée d'initiatives de la part de l'établissement dont le modèle économique a été bouleversé par la mise à disposition gratuite de ses données : outre des économies, il a aussi lancé une politique de conventionnement avec les ministères partenaires, assurant une visibilité et une sécurisation des financements.
Il faut donc soutenir et accompagner cette transformation de l'IGN : je me réjouis à ce titre que la circulaire du Premier ministre du 5 septembre dernier invite les ministères à recourir davantage à ses services en matière de production, d'utilisation et de diffusion de données géolocalisées, c'est-à-dire à adopter une forme de « réflexe IGN ».
Je pense également à la situation du Cerema, dont les collectivités territoriales connaissent et apprécient l'action dans les domaines de l'eau et de la gestion des milieux aquatiques, de la préservation et de la reconquête de la biodiversité, ou encore de l'adaptation du littoral au changement climatique. Le Cerema, qui se positionne désormais comme l'établissement public de référence sur l'adaptation au changement climatique des territoires, pilote par ailleurs depuis 2020 le programme national Ponts, auquel notre commission est particulièrement attachée.
La situation budgétaire du Cerema est, elle aussi, tendue. L'établissement s'est beaucoup réformé, recentrant son activité ou lançant un plan d'économies de 12 millions d'euros en 2025.
Comme je l'exprimais l'année dernière, et le constat reste particulièrement vrai pour l'IGN et le Cerema, il nous faudra demeurer vigilants à ce que l'impératif de maîtrise des comptes publics ne conduise pas à mettre en cause la soutenabilité des opérateurs et de leurs actions, ainsi que le maintien de leur haut niveau d'expertise.
Je tiens, enfin, à souligner une nouvelle fois l'enjeu majeur pour les opérateurs du programme 159 que représente l'intelligence artificielle (IA). Ce sujet a été abordé à plusieurs reprises lors de mes auditions.
Tant Météo France que l'IGN, ou même le Cerema, soulignent en effet que l'IA va faire évoluer leurs méthodes de travail et qu'elle peut même constituer une véritable révolution. Le recours à l'IA est susceptible de générer des gains de productivité significatifs liés à l'automatisation, et donc des économies, mais également des gains en termes de précision ou de fiabilité.
Les opérateurs ont déjà commencé à s'engager dans cette voie : Météo France a par exemple lancé un nouveau service ayant recours à l'IA pour la prévision du brouillard dans la vallée de la Seine ; en outre, l'IA a permis à l'IGN de réaliser trois fois plus vite, et à un coût deux fois inférieur, la production de l'occupation du sol à grande échelle par rapport aux méthodes précédentes de cartographie.
Comme je l'ai souligné lors de l'audition par notre commission de Monique Barbut, ministre de la transition écologique, il est indispensable d'accompagner les opérateurs pour qu'ils poursuivent sur cette voie et qu'ils puissent prendre le virage de l'IA dans les meilleures conditions possible.
Voilà donc, monsieur le président, mes chers collègues, les éléments que je souhaitais porter à votre connaissance sur le PLF pour 2026 pour ce qui concerne les programmes 113 et 159.
Sous le bénéfice de ces différentes observations, je vous propose d'émettre un avis favorable à l'adoption de ces crédits.
M. Hervé Gillé. - Le sujet de l'eau mérite d'être mis en exergue : si nous étions confrontés à des besoins constants, peut-être que nous pourrions approuver la ligne directrice financière qui est proposée, mais c'est malheureusement loin d'être le cas puisque les besoins d'accompagnement des acteurs vont grandissant compte tenu des problématiques que sont la pollution des eaux, la protection des nappes, la qualité des réseaux - certains matériaux posant de graves problèmes en termes de santé - ou encore la dégradation de la qualité de l'eau potable, la proportion d'eau conforme ayant diminué de 90 % à 85 %.
L'ambition du PLF n'est donc pas à la hauteur de problématiques de plus en plus lourdes qui se font jour et qui posent des problèmes de santé. Alors que nous connaissons une situation inquiétante sur le plan sanitaire, les crédits sont insuffisants, notamment dans le cadre du douzième programme que les agences de l'eau tentent de mettre en oeuvre, alors qu'elles ont déjà subi d'importantes coupes budgétaires et des reprises sur trésorerie.
M. Guillaume Chevrollier, rapporteur pour avis. - Je partage ce diagnostic, et la conclusion de notre collègue l'amènera peut-être à déposer un amendement de relèvement du plafond. Le débat pourra avoir lieu en séance publique.
Mme Nicole Bonnefoy. - La baisse extrêmement forte des crédits du fonds vert ne peut pas être occultée.
M. Guillaume Chevrollier, rapporteur pour avis. - Il ne relève pas du périmètre de mon rapport pour avis.
Mme Nicole Bonnefoy. - Certes, mais il concerne aussi les politiques de préservation de la biodiversité.
M. Jean-François Longeot, président. - J'avais évoqué le sujet avec la ministre Françoise Gatel la semaine précédente : à force d'ajouter de nouvelles politiques, on finit par s'apercevoir que les crédits disponibles sont insuffisants. Les élus avaient commencé à s'approprier le fonds vert, dispositif relativement souple qui venait compléter certaines politiques. Le couperet qui vient de tomber sur ce fonds doit nous conduire à nous interroger sur les nouvelles politiques que nous déployons.
Mme Marie-Claude Varaillas. - De la même manière, il n'est pas envisageable d'occulter la suppression de vingt-cinq ETPT au sein du Cerema ; nous pouvons aussi regretter la disparition des crédits du programme qui soutenait des centaines de projets portés par les collectivités afin de restaurer les zones humides et de réaménager les cours d'eau.
M. Vincent Capo-Canellas, rapporteur spécial de la commission des finances sur le programme « Expertise, information géographique et météorologie ». - Je salue la qualité du rapport de Guillaume Chevrollier. Le programme 159 abrite les trois « grands malades » que sont Météo France, l'IGN et le Cerema : nous avons réussi à stabiliser la situation du premier, avec le renouvellement du supercalculateur pour cette année.
S'agissant de l'IGN, le fait qu'aucune marge de manoeuvre n'existe dans le cadre du programme 159 a nécessité, l'année dernière, que Christine Lavarde accepte de nous permettre de récupérer, sur les crédits qu'elle suit, 5 millions d'euros que nous avons fléchés vers le programme 159, le Gouvernement regardant ailleurs - si j'ose dire - à ce moment-là.
En difficulté avec l'open data, l'IGN a fourni des efforts, en précisant que nous avions déjà négocié âprement une augmentation de sa subvention dans le cadre du projet de loi de fin de gestion, ce combat ayant permis de « rebaser » celle-ci. Grâce à ces initiatives du Sénat, la situation de l'IGN s'est relativement améliorée.
Ma véritable inquiétude concerne le Cerema : le rapport d'information que je lui ai consacré en juillet 2025 a montré que cette structure sera à court de trésorerie en 2027, les mêmes causes produisant les mêmes effets puisque plusieurs tutelles s'observent sans oser prendre l'initiative. Comme l'a justement souligné le rapporteur pour avis, le Cerema a conduit de nombreuses réformes et se retrouve dans la position d'un bon élève que l'on punit, ce qui est proprement sidérant, d'autant que sa subvention a diminué de 20 %.
Le débat, au fond, se résume à une question : souhaitons-nous conserver une ingénierie publique pointue, qui permette d'intervenir lorsque des drames tels que celui de Mayotte surviennent ? Quel établissement mobiliserons-nous en cas d'effondrement d'un pont ou d'une route dans une vallée ? Nous avons besoin de ces savoir-faire : prenons donc garde à ce qu'ils ne s'étiolent pas.
Pour le reste, je partage les conclusions du rapporteur pour avis.
M. Ronan Dantec. - Le Cerema assume une mission d'ingénierie publique de l'adaptation au changement climatique et jouera un rôle essentiel dans les années à venir face à la montée en puissance des demandes des collectivités : réduire ses moyens d'action revient à se tirer une balle dans le pied. S'il est nécessaire de trouver des recettes supplémentaires, il me semble qu'il reste quelques possibilités permettant de répondre à l'ensemble des enjeux.
M. Michaël Weber. - Il s'agit bien d'un débat de fond sur la valeur que nous accordons à l'ingénierie, trop souvent considérée comme une dépense de fonctionnement et non comme un investissement, ce qui est une erreur d'analyse.
Les territoires, confrontés à des situations de plus en plus complexes, ont besoin d'un accompagnement, ce qui me fait dire qu'il existe une erreur d'appréciation à la fois sur les conséquences budgétaires et les stratégies d'accompagnement que nous pouvons déployer.
M. Jean-François Longeot, président. - Je tiens à saluer notre nouvelle collègue, Marie-Pierre Mouton, à qui je souhaite la bienvenue.
M. Gilbert-Luc Devinaz. - J'appuie les propos de notre collègue Vincent Capo-Canellas sur le Cerema et la menace pesant sur l'ingénierie publique : si cette dernière disparaît, le champ sera libre pour une ingénierie liée aux intérêts privés.
Mme Nicole Bonnefoy. - Cette ingénierie est essentielle, comme nous avons pu le constater avec les dispositifs « Action coeur de ville » et « Petites Villes de demain ». La faiblesse du Cerema et les difficultés de collecte de la taxe d'aménagement ne permettent guère de soutenir l'ingénierie publique, gratuite et locale fournie par les conseils d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement (CAUE). Ces constats ne sont pas de bon augure pour l'accompagnement des collectivités à l'adaptation au changement climatique, car les plus petites d'entre elles, en particulier, ne seront pas en mesure d'agir sans appui.
La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits des programmes « Paysages, eau et biodiversité » et « Expertise, information géographique et météorologie ».
Crédits relatifs à la « transition
énergétique et au
climat »
(Mercredi 3 décembre 2025)
M. Fabien Genet, rapporteur pour avis sur les crédits relatifs à la transition énergétique et au climat. - J'ai le plaisir de vous présenter ce matin les conclusions de mes travaux au titre du rapport pour avis sur les crédits relatifs à la transition énergétique et au climat. Comme chaque année, cet avis s'articule autour de trois grands axes : le financement de la transition écologique, le développement des énergies renouvelables et la rénovation énergétique des bâtiments.
S'agissant d'abord du financement de la transition écologique, la deuxième édition de la stratégie pluriannuelle des financements de la transition écologique et de la politique énergétique nationale (Spafte) du Gouvernement livre un constat très clair : l'écart se creuse entre les besoins d'investissement et la trajectoire effectivement suivie. En 2024, 113 milliards d'euros ont été investis dans les actifs bas carbone. Pour atteindre nos objectifs pour 2030, les investissements devront doubler, alors même que les soutiens publics de l'État en faveur de la transition écologique, inscrits dans le budget vert, apparaissent, cette année encore, en stagnation. Dans un contexte où les finances publiques sont très contraintes, deux impératifs s'imposent : la cohérence et l'efficacité de la dépense.
Sur la cohérence d'abord, de nombreux acteurs ont souligné le caractère contradictoire du signal-prix. Comment justifier des milliards d'euros investis dans les énergies renouvelables électriques, la production de chaleur décarbonée ou les pompes à chaleur si, dans le même temps, la fiscalité appliquée aux consommations d'électricité et de gaz contribue à désinciter ce nécessaire mouvement de transition ? La réforme des accises sur l'énergie proposée par le rapporteur général de la commission des finances Jean-François Husson apparaît, de ce point de vue, plus que jamais nécessaire. J'ajoute qu'il serait utile d'envisager l'instauration d'un prix plancher du gaz, afin d'éviter un décrochage trop important avec le prix de l'électricité et de préserver la compétitivité des solutions bas carbone. Des réflexions existent pour mettre en place ce mécanisme, les différentes parties prenantes entendues ont toutefois insisté sur la nécessité de poursuivre la réflexion, pour créer un dispositif solide juridiquement. Je forme le voeu que ce projet aboutisse pour le prochain projet de loi de finances (PLF).
Sur l'efficacité ensuite, les auditions menées montrent que nombre de dispositifs ont enfin atteint un niveau de maturité satisfaisant, après parfois plusieurs années de réglages successifs. Il convient de préserver cette efficacité : le plus grand risque serait ainsi de renouer avec une politique du stop and go, qui fragilise les acteurs économiques et renchérit le coût de la transition. À ce titre, je regrette très vivement la disparition du fonds territorial climat du PLF pour 2026. Créé à l'initiative du Sénat dans le PLF pour 2025, ce fonds part du constat de l'absence d'un financement dédié pour le bloc communal, permettant, dans le cadre du plan climat-air-énergie territorial (PCAET), la réalisation des diagnostics de vulnérabilité sur l'adaptation, l'information de la population sur les enjeux de rénovation thermique ou encore la simple construction des dossiers techniques permettant l'accès au fonds vert. Le Sénat l'avait pourtant identifié comme un levier essentiel pour soutenir l'ingénierie, l'animation et les investissements nécessaires à l'élaboration et à la mise en oeuvre des PCAET par les collectivités.
Sa suppression dès la deuxième année apparaît prématurée : un exercice budgétaire ne permet en aucun cas d'en apprécier l'efficacité ni de stabiliser les dynamiques locales qu'il avait commencé à engager.
Je vous proposerai donc un amendement qui prévoit le maintien de ce fonds, en réaffectant 100 millions d'euros du fonds vert vers le fonds territorial climat. Je souligne par ailleurs qu'au regard de son importance pour la mise en oeuvre locale de la transition, une mission d'information de notre commission spécifiquement consacrée aux PCAET serait pleinement justifiée.
J'en viens maintenant au développement des énergies renouvelables. Nous travaillons, sur ce sujet, dans une situation institutionnelle particulièrement difficile : la troisième programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) n'est toujours pas publiée, et la proposition de loi de Daniel Gremillet portant programmation nationale et simplification normative dans le secteur économique de l'énergie poursuit sa navette. Il est très complexe d'évaluer l'efficacité d'une politique sans disposer d'une stratégie stabilisée et d'objectifs officiels.
Le soutien public aux énergies renouvelables électriques connaît par ailleurs une très forte hausse. Le PLF pour 2026 fait passer ces dépenses de 4,3 milliards d'euros en 2025 à 7,2 milliards d'euros en 2026. Cette évolution est mécanique : plus les prix de marché de l'électricité baissent, plus le soutien augmente pour garantir aux producteurs la rémunération prévue par leurs contrats. Ce dispositif est coûteux, mais il a permis de réduire considérablement les coûts unitaires des filières, notamment dans le photovoltaïque où la baisse a été spectaculaire au cours de la dernière décennie.
L'an dernier, j'avais appelé à engager une réflexion sur l'efficience de ces dépenses, sans jamais remettre en cause le soutien aux énergies renouvelables. Je me félicite donc de l'article 69 du PLF pour 2026, qui déplafonne les primes négatives lorsque les prix de marché sont élevés et qui permet la renégociation des contrats les plus coûteux. C'est indispensable pour renforcer l'acceptabilité du dispositif.
Je souhaite aussi insister sur le cas du fonds chaleur. La chaleur représente 43 % de la consommation d'énergie finale, mais seulement un quart de cette chaleur est renouvelable, alors même que 60 % de notre consommation provient d'importations de gaz et de fioul. La décarbonation de la chaleur est donc un enjeu majeur pour la France, pour assurer la transition énergétique tout en renforçant la souveraineté énergétique nationale. Le fonds chaleur, qui soutient les projets de décarbonation de chaleur des collectivités territoriales et des entreprises, fait l'objet depuis la crise énergétique d'une forte demande : 1,6 milliard d'euros de projets pour 800 millions d'euros de crédits en 2025. L'an dernier, le Sénat s'était opposé à une réduction de 300 millions d'euros de ce fonds ; nous avions eu raison, car ce fonds est l'un des plus efficaces pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, avec un coût d'abattement trois fois inférieur à celui de la rénovation énergétique. Le maintien de son budget pour 2026 est donc une très bonne nouvelle.
J'en viens enfin à la rénovation énergétique des bâtiments, marquée de nouveau par des turbulences autour de MaPrimeRénov'. En 2024, la réforme avait créé deux piliers : d'un côté la rénovation d'ampleur, ciblée sur les passoires thermiques, et de l'autre la rénovation par geste, centrée sur les systèmes de chauffage.
L'année de transition a entraîné en 2024 une sous-consommation des crédits, en raison de l'évolution des critères d'éligibilité. Le Gouvernement avait déduit de cette sous-consommation que les crédits pouvaient être réduits. Nous ne partagions pas cette analyse, et nous avions alors alerté, dans cette commission, sur un risque d'insuffisance de crédits. L'histoire nous a donné raison ! En effet, en juin 2025, le dispositif a dû être suspendu faute de crédits suffisants. La stagnation des crédits prévue pour 2026 laisse craindre une nouvelle situation de tension.
Pourtant, la réforme commence à produire ses effets : on observe un basculement réel vers les rénovations d'ampleur. Nous serions autour de 100 000 rénovations globales en 2025 selon les chiffres provisoires qui nous ont été communiqués, contre 65 000 à 70 000 dans les années précédant la réforme, soit plus de 30 % de hausse. Mais nous restons très loin de l'objectif programmatique de 370 000 rénovations globales par an en 2030.
Ce projet de loi de finances entérine également un basculement du financement de MaPrimeRénov' du budget de l'État vers les certificats d'économies d'énergie (C2E), financés par les fournisseurs d'énergie. Je comprends la logique de cette débudgétisation, qui permet de réduire la charge pesant sur les finances publiques tout en préservant l'ambition de notre politique de rénovation énergétique. Mais ce choix appelle, à mes yeux, une vigilance accrue : le prix de marché des C2E est extrêmement volatil, et cette volatilité risque de fragiliser la trésorerie de l'Agence nationale de l'habitat (Anah), responsable du déploiement de MaPrimeRénov'. Nous devons être particulièrement attentifs à ce point. Il me paraît indispensable qu'un mécanisme d'amortissement des fluctuations soit étudié, afin que le soutien à la rénovation énergétique ne dépende pas, demain, du cours des C2E.
En définitive, j'émettrai un avis favorable à l'adoption des crédits relatifs à la transition énergétique et au climat du PLF pour 2026. Cet avis s'accompagne néanmoins de deux réserves fortes : la suppression du fonds territorial climat et la fragilité persistante du financement de la rénovation énergétique, qui ne permettent pas encore de garantir une trajectoire pleinement stable et crédible.
M. Ronan Dantec. - Je salue l'excellent rapport, très précis, de Fabien Genet. J'en partage l'essentiel des observations, mais pas totalement la conclusion : lorsqu'on présente un rapport aussi chirurgical sur un projet de budget, on émet normalement un avis défavorable. Notre logique aurait été de voter contre ; cependant, compte tenu des réserves qui ont été partagées et de la qualité du rapport en lui-même, nous choisissons, symboliquement, de nous abstenir.
Je ferai trois observations.
La première concerne la logique des C2E, qui se distingue de celle de MaPrimeRénov'. D'une part, contrairement à celle-ci, ils ne sont pas attribués sous condition de ressources - il faudra voir si cela évolue. D'autre part, les C2E vont aussi probablement favoriser les actes isolés, tels que l'installation de pompes à chaleur.
Nous sommes tous d'accord sur la nécessité de mobiliser les C2E au service de la rénovation énergétique, mais je souscris aux propos de notre rapporteur concernant les stop and go permanents des gouvernements successifs : par cette mesure, nous déstabilisons à nouveau toute la filière, ses artisans et ses systèmes économiques.
Ma seconde observation concerne le sujet des énergies renouvelables.
L'électrification de la France est en retard. Sur ce point, je rejoins également notre rapporteur : le gaz ne peut être aussi peu coûteux par rapport à l'électricité. Le Sénat est allé dans le bon sens en réaugmentant l'accise sur le gaz ; il aurait fallu, logiquement, augmenter également l'accise sur les biocarburants - dont les producteurs engrangent des marges absolument hallucinantes et non justifiées - et le kérosène. Si nous allons au bout de cette logique, il faudrait augmenter l'accise un peu partout.
L'électrification de notre société doit connaître de nouveau une accélération. Dans le cas contraire, nous allons faire face à une situation de surproduction électrique, et ce, dans un contexte de développement rapide, à des prix moins élevés que les nôtres, du renouvelable en Europe, notamment du Sud, qui entraîne la fermeture progressive de marchés chez nous. Cela pourrait, à mon sens, faire l'objet d'un rapport de cette commission.
Nous devons réfléchir à la meilleure manière d'engager l'électrification à marche forcée de notre société, afin d'éviter l'effet ciseau que nous connaissons actuellement, et les faibles prix de l'électricité sur les marchés.
Ma troisième observation porte sur le maintien du fonds chaleur.
Le rapporteur l'a très bien dit : il faut absolument réussir, en séance, à convaincre le Gouvernement de le conserver.
Nous nous abstiendrons donc de donner notre avis sur ces crédits, en raison de l'excellente qualité du rapport, même si nous n'en partageons pas la conclusion.
M. Hervé Gillé. - Je partage l'analyse de Ronan Dantec tout en saluant la qualité du rapport : d'une part, les crédits présentés ne permettent pas de projeter une réelle politique d'adaptation au changement climatique à court, moyen et long terme ; d'autre part, il est aujourd'hui nécessaire de tisser des trajectoires véritablement lisibles.
Le fonds territorial climat, de par son approche originale, est absolument essentiel. Or nous rencontrons une vraie difficulté : préalablement, les crédits du fonds territorial climat étaient prélevés sur le fonds vert. Le fonds vert étant diminué, nous ne disposons pas de moyens vraiment ciblés afin d'abonder le fonds territorial climat qui accompagne, dans les territoires, l'ensemble des collectivités. Nous défendrons ce point.
Par ailleurs, je souligne les efforts pertinents accomplis sur les accises du gaz, au service d'une meilleure lisibilité de la PPE.
Je souhaite revenir sur notre débat d'hier soir en séance publique, au cours duquel nos amendements visant à instaurer un bonus sur les véhicules électriques d'occasion pour les personnes aux très faibles revenus ont été rejetés. Recevoir des votes défavorables à des propositions difficilement contestables, qui cherchent à alimenter le marché des véhicules électriques d'occasion pose vraiment question.
Enfin, les C2E et les quotas carbone devraient, à mon sens, faire l'objet d'une table ronde et de travaux parlementaires plus approfondis, même si nous soutenons la démarche engagée par le Gouvernement. Nous rencontrons aujourd'hui une grande difficulté dans la maîtrise de ces fonds : un ensemble de politiques publiques s'adossent aujourd'hui à ces C2E et à ces quotas carbone, mais il est difficile d'avoir de la visibilité sur leur opportunité et leur disponibilité, de même que sur l'évolution de leur cours. Cela entraîne une forme de fragilité de ces politiques publiques. Certes, nous pouvons décider du basculement du financement de la politique de rénovation énergétique vers les C2E, mais ils risquent de mettre en difficulté les opérateurs si, à un moment donné, leurs cours s'effondrent. Des tensions pourraient également survenir sur les C2E en raison de la multiplicité des mesures qui en dépendent.
Compte tenu des réserves que j'ai exposées, je propose également une abstention sur ces crédits.
M. Jean-Pierre Corbisez. - Permettez-moi de revenir, en premier lieu, sur MaPrimeRénov' et les C2E.
Jusqu'à la fin de l'année 2023, lorsque des particuliers avaient besoin d'engager des travaux de rénovation énergétique, ils faisaient appel à un bureau d'études spécialisé afin d'effectuer l'analyse de leur logement avant travaux, puis faisaient exécuter les travaux. Les particuliers payaient leur part et l'entreprise percevait le solde du C2E une fois le bilan du logement effectué, à l'issue d'un contrôle. Cela fonctionnait bien.
Depuis le 1er janvier 2024, les dossiers de rénovation énergétique transitent par l'Anah. Or nous connaissons la complexité des dossiers qui sont exigés par l'Anah : s'il vous manque un papier, ou une virgule, le délai de traitement s'allonge d'autant. De plus, fait non négligeable, le particulier doit avancer la totalité du prix des travaux, puis demander, à l'issue des travaux, son remboursement, c'est-à-dire le versement du montant de la subvention dans le cadre des C2E.
Qui peut, aujourd'hui, avancer la totalité de travaux estimés à 30 000 ou 40 000 euros, puis attendre six mois à un an d'être remboursés à hauteur du montant de la subvention ? Avant le 1er janvier 2024, le particulier ne payait que sa part, l'entreprise touchant le reste du prix des travaux à l'issue du contrôle du C2E.
J'y vois là une volonté délibérée de ne pas utiliser ces crédits.
En deuxième lieu, je m'étonne que nous ne nous engagions pas dans le stockage du surplus de la production électrique, alors que l'Allemagne le pratique depuis plusieurs années. Nous parlons désormais de prix négatif de l'électricité : parce que nous produisons trop d'électricité par rapport aux besoins en consommation, nous payons actuellement des producteurs privés, qu'il s'agisse de gestionnaires de champs d'éoliennes ou de fermes photovoltaïques, afin qu'ils ne produisent pas. Une telle situation me paraît un peu scandaleuse.
Malgré l'augmentation de la prime sur les véhicules électriques, nous ne sommes pas près de consommer la totalité de la production française d'électricité ; il faut donc que nous défendions absolument la notion de stockage d'électricité, et ce au niveau national.
Le sujet ressurgira lorsque nous aborderons celui de la construction de prochains réacteurs pressurisés européens (EPR) : si nous en construisons six ou quatorze et qu'ils ne fonctionnent qu'à 30 % parce que les besoins en consommation sont trop faibles, ne risquons-nous pas une perte d'investissement ?
M. Jean-François Longeot, président. - Le dispositif C2E me paraît intéressant.
M. Fabien Genet, rapporteur pour avis. - Je commencerai par le dispositif MaPrimeRénov'. Lors des auditions que nous avons conduites, l'importance de l'accompagnement des porteurs de projet a effectivement été bien notée. Ces derniers temps, dans un certain nombre de territoires, l'Anah a manifesté une vraie volonté d'accompagner les territoires et de contractualiser avec des acteurs locaux - établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), maisons de l'habitat... - afin d'apporter une réponse circonstanciée à ceux qui veulent s'y retrouver dans la jungle des aides proposées par MaPrimeRénov'.
Cher collègue Jean-Pierre Corbisez, vous avez évoqué le sujet de l'avance des fonds : il existe tout de même un certain nombre de dispositifs destinés aux ménages les plus en difficulté. Des organismes peuvent être sollicités pour assurer cette avance.
Chers collègues Ronan Dantec et Hervé Gillé, je partage vos remarques sur l'électrification de la France. Les filières industrielles en subissent également les conséquences, notamment la filière automobile, compte tenu du coût des véhicules produits en France - tandis que des véhicules chinois, prêts à être vendus sur les marchés européens, attendent sur des aires de stockage -, des difficultés de nos filières européennes et de l'hypothèse d'une remise en cause dans les semaines à venir de certains objectifs que l'Union européenne s'était fixés...
Lors des auditions préparatoires, nous nous sommes intéressés au sujet des réseaux électriques, avant d'aborder le sujet du stockage, puisque la France fait face, pour s'adapter à la future électrification des usages, à un mur d'investissement dans ses réseaux électriques. Enedis, de même que Réseau de transport d'électricité (RTE), examinent déjà l'adaptation nécessaire de ces réseaux.
Sur un certain nombre de territoires, des projets d'énergies renouvelables sont déjà bloqués faute de capacité suffisante dans les postes sources ou dans les réseaux d'injections. Des tensions pourraient également apparaître sur des réseaux lors de la desserte, par exemple, d'industries électro-intensives. Nous avons fait remonter à nos interlocuteurs ce point de vigilance ; il mériterait à mon sens d'être aussi suivi par notre commission. Les préfets de région sont, par ailleurs, en train de se pencher sur ce sujet dans le cadre des schémas régionaux d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (Sraddet).
Le stockage est en effet certainement l'une des pièces manquantes du puzzle de l'organisation des énergies renouvelables. Nos interlocuteurs, en particulier le Syndicat des énergies renouvelables (SER), nous ont rappelé la très forte progression des capacités de stockage et partagent la volonté de les faire croître. Conséquence de l'évolution du service public de l'énergie, ces acteurs ont désormais un intérêt à trouver un équilibre économique en stockant leur surplus de production. Des solutions apparaissent ainsi également dans les territoires.
Permettez-moi désormais d'aborder le sujet, très important, du fonds territorial climat. La poursuite de la planification écologique va engendrer, dans les années à venir, des besoins d'accompagnement. Dans ce contexte, la pédagogie et l'accompagnement des projets que permet le PCAET sont tout à fait bienvenus.
Certains souhaiteraient que le fonds soit encore mieux doté, au-delà des 100 millions d'euros que nous proposons. L'année dernière, la dotation du fonds territorial climat était de 200 millions d'euros, fléchés sur les 1,2 milliard d'euros de crédits du fonds vert. Cette année, les crédits du fonds vert reviennent à 600 millions d'euros. Il nous a donc semblé légitime, en proportion, de fixer ceux du fonds territorial à 100 millions.
Mme Marie-Claude Varaillas. - Depuis la création du dispositif MonAccompagnateurRénov', nous avons assisté à une massification du recours à MaPrimeRénov, avec également - il faut le dire - un certain nombre de fraudes. Dans mon département, qui est l'unique délégataire des aides à la pierre, nous avons ainsi enregistré des fraudes d'un montant considérable.
Je reconnais l'excellence du rapport. Malheureusement, le budget qui nous est présenté cette année n'accompagne ni les collectivités locales - premières actrices en matière de transition écologique - ni les usagers, et il ne nous inscrit pas dans la trajectoire nécessaire pour atteindre nos ambitions.
M. Fabien Genet, rapporteur pour avis. - Le sujet des fraudes a été longuement évoqué avec l'Anah. Elles expliquent en partie le stop and go des politiques publiques : à la suite de la massification du recours au dispositif, des fraudes conséquentes ont été constatées. L'État a alors voulu améliorer le contrôle du dispositif et trouver des parades. Si nous en croyons les retours que nous recevons aujourd'hui, ces parades fonctionnent relativement bien ; nous pouvons donc espérer une limitation du nombre de fraudes.
Permettez-moi enfin de préciser qu'un avis favorable n'est pas forcément un avis enthousiaste ; il est simplement favorable. Quant au côté chirurgical de mon rapport, cher collègue Ronan Dantec, je ne suis pas chirurgien, mais ceux que je rencontre me disent qu'en dépit du diagnostic très sévère qu'ils portent, ils gardent espoir pour la survie du patient !
J'en viens maintenant à la présentation de l'amendement n° II-1389, qui vise à rétablir le fonds territorial climat, supprimé dans le PLF pour 2026. Je propose donc de réaffecter 100 millions d'euros du fonds vert vers le fonds territorial climat afin d'assurer la poursuite de son déploiement. Cette mesure permettrait de maintenir un soutien financier indispensable à la territorialisation de la transition écologique.
M. Ronan Dantec. - Je remercie le rapporteur pour sa défense enthousiaste du fonds territorial climat, que cette commission porte depuis pratiquement huit ans.
L'an dernier, Mme Pannier-Runacher, ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche, s'était engagée pour que 200 millions d'euros lui soient alloués. Ce montant avait été abaissé à 100 millions d'euros, puis finalement rétabli à 200 millions d'euros. Nous pourrions peut-être viser le même compromis cette année. En effet, un fonds de 100 millions d'euros, compte tenu des coûts d'ingénierie qu'occasionne son fonctionnement, pourrait sembler négligeable et être supprimé par Bercy.
Je propose que nous affections 150 millions d'euros de crédits du fonds vert au fonds territorial climat. Cette somme, plus importante, nous permettra peut-être d'acter le rétablissement des crédits du fonds à 200 millions d'euros que nous avions obtenu l'année passée. Cela me paraît tactiquement préférable ; l'idéal étant que nous nous entendions sur cette stratégie en commission, afin d'éviter de longs débats en séance.
Plus généralement, le fonds vert me semble en danger de disparition. Au vu de la baisse qu'il subit, l'idée de le fusionner avec la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) et la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL) pour créer un fonds unique avec des critères environnementaux est certainement sur la table. Sans vouloir m'exprimer à sa place, il me semble que Christine Lavarde n'est pas très loin de partager cette vision. Or, le fonds territorial climat est fondamentalement une dotation - elle a permis, en Loire-Atlantique, de financer notamment les études des petites intercommunalités pour les nouveaux PCAET - et il doit survivre à la fusion des trois fonds qui est, à mon avis, planifiée. Ceux-ci, une fois fusionnés, deviendront des fonds sur projet et non plus des fonds de dotation.
Par conséquent, nous avons intérêt à renforcer le fonds territorial climat afin qu'il ne disparaisse pas dans la charrette du fonds vert.
Nous devons obtenir en séance publique un engagement gouvernemental similaire à celui que nous avions obtenu l'an dernier de Mme Pannier-Runacher. Nous devons nous assurer que le Gouvernement continuera à défendre ce fonds dans la navette, au-delà du vote du Sénat.
Fixons à 150 millions d'euros les crédits du fonds territorial climat ! Nous intégrerions ainsi la baisse proportionnelle du fonds vert et conforterions un peu son existence. Si nous le maintenons à 100 millions d'euros, il sera à la limite de la disparition.
M. Hervé Gillé. - Un risque réel pèse sur le fonds vert, c'est une évidence. Son utilisation n'est toutefois pas toujours très lisible. Lorsqu'il manque un peu de DSIL ou de DETR, les préfets ont tendance à puiser dans ce fonds pour ajuster leur réponse aux demandes des collectivités.
Or nous n'obtenons de reporting sur les montants engagés et leur destination qu'a posteriori, lorsque nous réussissons à en obtenir... Dans mon département, j'ai dû réitérer trois fois ma demande auprès du préfet avant d'obtenir des précisions. Nous devrions exiger d'obtenir plus d'informations, car les utilisations du fonds vert sont très variables selon les départements et les préfets.
Si, comme nous le craignons, les dotations sont fusionnées, nous risquons de perdre encore plus de visibilité sur l'utilisation effective des crédits, qui seront à la main des préfets.
Il me semble aussi que d'autres propositions s'adossent au fonds vert, comme l'amendement de Christine Lavarde relatif au financement du fonds de lutte contre l'érosion côtière. Nous pouvons bien évidemment discuter de ces politiques, mais encore faut-il que le fonds vert ait une enveloppe suffisante pour répondre à tous les besoins !
La position de Ronan Dantec, qui préconise de rehausser le niveau du fonds territorial climat et de tenir un discours ferme sur les objectifs et la mise en oeuvre du fonds, me semble prudente.
M. Jean-Claude Anglars. - Je souhaite aussi aborder le sujet du fonds territorial climat et du fonds vert.
Je suis inquiet lorsque j'entends Ronan Dantec parler de « charrette » qui amènerait à la guillotine les fonds DETR, DSIL, etc. C'est exactement l'inverse que nous souhaitons.
Je souhaite rappeler que le fonds vert a été obtenu en 2023, à la suite d'une proposition portée par un certain nombre d'entre nous auprès du ministère de l'économie concernant des crédits qui n'étaient pas consommés. Nous proposions aussi une méthode précise, qui consistait à confier des enveloppes aux préfets afin qu'ils redistribuent aux collectivités, sous la forme d'un fonds dédié, les moyens d'agir en faveur de la réduction de l'artificialisation des sols.
J'attire l'attention de tous ceux qui seraient en faveur d'une fusion des fonds : nous perdrions de nouveau inévitablement la main sur la destination de leurs crédits. Je rejoins les propos de notre collègue Hervé Gillé sur le manque de reporting de la part des préfets ; il est essentiel que nous puissions contrôler et évaluer les dispositifs. Je suis par ailleurs complètement opposé à ce que des éléments soient retirés du fonds vert, surtout au moment où le montant qui lui est alloué diminue. Il faut le conserver.
M. Jean-Pierre Corbisez. - Je suis membre de la commission DETR de mon département. Nous ne traitons que des dossiers dont la demande de subvention est supérieure à 100 000 euros. L'an dernier, nous avions voulu faire adopter un amendement pour abaisser ce seuil à 50 000 euros, un montant qui représente déjà, pour les communes rurales, un bel investissement.
Si tous ces fonds sont fusionnés au sein d'une même enveloppe, elle ne sera gérée que par le préfet de région. Même les préfets départementaux perdront l'accès aux crédits de ces fonds. Les commissions DETR seront supprimées et nous ne pourrons plus y défendre les communes rurales.
M. Didier Mandelli. - Je pense que ce fonds vert n'aurait jamais dû exister. À mon sens - je plaidais déjà pour cela avant d'être sénateur -, il faudrait une écoconditionnalité de toutes les aides, qu'elles soient attribuées au titre de la DETR, de la DSIL ou d'autres fonds. Il me paraît complètement incongru et décalé de mener aujourd'hui des projets de bâtiments, d'aménagements ou d'investissements qui ne respectent pas les objectifs de développement durable.
Une école que nous construisons aujourd'hui devrait être à haute qualité environnementale ; de même pour une salle de sport ou n'importe quel équipement public.
Ce fonds vert est, en réalité, un petit « hochet » à 1,2 milliard d'euros, ramené à 600 millions d'euros cette année. Nous discutons longuement de 50 millions d'euros alors que l'essentiel des dotations de l'État ne contribue pas à l'adaptation de nos territoires aux conséquences des changements climatiques.
Hervé Gillé a mentionné l'amendement - dont je me réjouis - de Christine Lavarde, qui alloue 20 millions d'euros à la création d'un fonds pour lutter contre l'érosion côtière : il s'agit d'un enjeu auquel le fonds vert peut répondre. Ce sont, certes, 20 millions d'euros retirés de ses crédits, mais ces millions sont utiles, parce qu'ils amorcent un fonds que nous réclamons depuis longtemps par voie d'amendement.
Tant va la cruche à l'eau qu'à la fin, elle se casse ! On peut toujours demander 200 millions d'euros pour le fonds vert, autant que l'on veut pour les collectivités locales... Nous n'avons de cesse d'essayer de compenser les conséquences de nos actions. Nous devrions plutôt agir en amont et militer pour l'écoconditionnalité des aides, quelles qu'elles soient, et à tous les niveaux.
Je suivrai, ainsi que mon groupe, la position du rapporteur. À trop demander, nous risquons de tout perdre : au vu du déroulement des débats depuis quelques jours, il me semble préférable de figer les choses pour tenter de préserver les acquis, même si la situation ne me satisfait pas.
M. Ronan Dantec. - La logique, sur le long terme, est effectivement celle de l'écoconditionnalité des aides et de la disparition du fonds vert, qui se contente de « saupoudrer ».
Toutefois, il n'en va pas de même du fonds territorial climat, et c'est pourquoi nous devons absolument le conforter. Celui-ci fait en réalité office de dotation de soutien aux PCAET. En l'abondant de 150 millions d'euros, nous nous inscrivons donc complètement dans la logique évoquée par M. Mandelli.
Par ailleurs, nous sommes obligés de procéder par vases communicants si nous voulons faire aboutir nos propositions. Nous pourrions aussi demander que le Gouvernement lève le gage, y compris sur les 20 millions d'euros du fonds d'érosion côtière proposé par Christine Lavarde, mais je ne suis pas sûr que nous l'obtenions.
M. Jean-Pierre Corbisez. - Au-delà des questions de volume financier, il faudra prêter une attention particulière au taux de participation de l'État, c'est-à-dire au taux de subvention.
Je rappelle en effet qu'en avril dernier, le ministre Christophe Béchu avait baissé par arrêté les taux de participation de l'État en fonction des types d'investissements.
Ainsi, le taux de participation de l'État sur l'éclairage public à LED était passé de 25 % à 15 %. Cette diminution revenait à perdre une année de retour sur investissement, ce qui n'était pas encore trop pénalisant pour les collectivités. En revanche, le taux de participation sur les travaux d'économie d'énergie dans les bâtiments était passé de 35 % à 25 %, voire à 20 %. Pour la construction d'une école, par exemple, cela revenait à perdre 100 000 ou 200 000 euros, ce qui était nettement plus lourd à soutenir pour les collectifs.
Il faudra donc être très vigilants sur les taux de participation proposés dans le cadre de la DETR et des autres dispositifs.
Mme Marie-Claude Varaillas. - Effectivement, ce fonds territorial climat a toutes ses raisons d'être, mais j'ai le sentiment qu'on habille Paul pour déshabiller Pierre...
Ce fonds devrait être alimenté par le budget général de l'État, surtout lorsque l'on sait que celui-ci encaisse 1,3 milliard d'euros de taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) qui ne sont pas reversés aux collectivités. Le fonds Barnier, par ailleurs, a été budgétisé et est disponible. On pourrait presque y ajouter le « plafond mordant » des agences de l'eau...
Il manque surtout une volonté politique de la part de l'État.
M. Fabien Genet, rapporteur pour avis. - Nous partageons tous la même préoccupation sur le financement de la transition écologique.
Je souscris à vos remarques au sujet des « vases communicants » : lorsqu'il y a de moins en moins de liquide dans le vase, les choses se compliquent... Mais j'en ai tiré une conclusion différente. Constatant la baisse significative des crédits du fonds vert, j'ai eu peur de précipiter sa disparition en demandant que les crédits du fonds territorial climat soient maintenus à 200 millions d'euros ou que leur baisse soit limitée à 150 millions d'euros.
Sur ce sujet, j'ai une différence d'appréciation avec Didier Mandelli. Sur le terrain, le fonds vert est important, car ce sont des moyens supplémentaires pour les collectivités locales. Quant à la généralisation des écoconditionnalités, elle pourrait aussi freiner l'octroi de subventions pour un certain nombre de projets absolument nécessaires pour les territoires.
La délégation aux collectivités territoriales vient de présenter un rapport qui attire l'attention sur les surcoûts qu'engendre le respect de certains critères environnementaux dans la construction publique. Parfois, à vouloir fixer des objectifs trop ambitieux, on empêche certains projets importants de se réaliser.
Le Sénat a toujours été attentif au respect du principe de libre administration des collectivités territoriales, et, pour ma part, je plaide pour que ces fonds de soutien aux collectivités soient maintenus, avec le plus de souplesse possible.
En conclusion, il me paraît plus prudent de maintenir les crédits du fonds territorial climat à 100 millions d'euros. Si des amendements d'appel sont déposés en séance, nous en débattrons avec le Gouvernement, et il faudra tenter d'obtenir d'un ministre qui propose la disparition du fonds - Mme Pannier-Runacher avait proposé son maintien - l'engagement de le défendre, en l'éclairant de nos lanternes...
L'an dernier, 200 millions d'euros de crédits avaient en effet été rétablis, mais il serait intéressant de regarder plus précisément comment ils ont été décaissés, comme vous avez été nombreux à le suggérer. Cela pourrait faire l'objet d'une mission d'information, dont les conclusions nous aideraient à préparer le prochain exercice budgétaire.
M. Jean-François Longeot, président. - J'ai bien compris la démarche de Ronan Dantec, qui propose d'augmenter de 50 % les crédits du fonds territorial climat. Son initiative pourra être reprise par son groupe politique. Pour l'heure, je vous propose déjà d'adopter l'amendement du rapporteur, car il vaut mieux prévenir que guérir !
L'amendement n° II-1389 est adopté.
La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits relatifs à la transition énergétique et au climat, sous réserve de l'adoption de son amendement.
Crédits relatifs à la
« prévention des
risques »
(Mercredi 26 novembre 2025)
M. Pascal Martin, rapporteur pour avis sur les crédits relatifs à la prévention des risques. - J'ai le plaisir de vous présenter ce matin, comme depuis maintenant six ans, mon avis sur les crédits du projet de loi de finances (PLF) pour 2026 relatifs à la prévention des risques, des programmes 181, consacré à la prévention des risques à proprement parler, et 235, relativement nouveau, relatif à l'Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection (ASNR) de la mission « Écologie, développement et mobilités durables ».
Le 1er octobre dernier, le premier Président de la Cour des comptes, Pierre Moscovici, a rappelé devant notre commission que « chaque euro investi en prévention économise 3 euros en dommages évités. La transition écologique est très coûteuse, mais constitue bien un investissement rationnel, économiquement pertinent, socialement protecteur et humainement indispensable ».
Il m'a semblé opportun d'évoquer ce propos liminaire pour rappeler que la prévention des risques ne saurait jamais être une variable budgétaire d'ajustement alors que notre territoire est continuellement frappé par des aléas climatiques qui s'intensifient : en février dernier le cyclone Chido, en août l'incendie hors norme qui a frappé l'Aude ou encore, plus récemment, la tempête Benjamin.
Il me revient désormais de vous présenter les principales conclusions de mon avis budgétaire. Je vous décrirai tout d'abord brièvement la dynamique générale d'évolution des crédits budgétaires affectés à cette politique, avant de vous faire part de plusieurs remarques thématiques.
Les crédits budgétaires relatifs à la prévention des risques sont globalement stables. La hausse de 135 % des autorisations d'engagement (AE) du programme 181 tient exclusivement à des rattrapages techniques pour couvrir les besoins engagés précédemment par l'Agence de la transition écologique (Ademe). Il ne faut pas s'y tromper : il s'agit uniquement d'une augmentation en « trompe-l'oeil », un simple effet de style budgétaire.
Concernant les crédits budgétaires du programme 235 alloués à l'ASNR, ceux-ci connaissent une légère baisse d'environ 14 millions d'euros en crédits de paiement (CP). Le fait que cette diminution se limite à 2,4 % du budget total de l'ASNR ne doit toutefois pas dissimuler les difficultés pratiques de fonctionnement que cela est susceptible d'entraîner pour cette autorité administrative indépendante créée le 1er janvier 2025.
La fusion entre l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) et l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), votée par notre assemblée n'a jamais été conçue comme un processus de rationalisation budgétaire. Nous nous étions par ailleurs engagés à ce que la sûreté nucléaire et la recherche demeurent à des niveaux particulièrement exigeants. Dans le cadre de l'examen du PLF 2025, un montant de 8 millions d'euros de crédits avait été budgété afin de compenser les coûts engendrés par la fusion. Or, la réduction des crédits proposée dans le cadre de ce PLF 2026, consistant à ne plus amortir les coûts de la fusion - réputée être totalement réalisée en 2025, alors qu'elle se poursuivra jusqu'en 2027 et 2028 - s'étend au-delà de son coût estimé, d'environ 8,3 millions d'euros, pour s'établir à 13,8 millions d'euros sur les dépenses hors titre 2.
L'effort demandé à l'ASNR est donc particulièrement conséquent. Selon son président, M. Abadie, cet effort se fera au détriment des activités opérationnelles, de la sûreté ou de la recherche, dans la mesure où les évolutions de la masse salariale sont d'ores et déjà amorties par les crédits de fonctionnement et d'investissement (hors T2).
Il n'est pas raisonnable de concéder un tel effort alors que notre pays a pour ambition, dans la droite ligne du discours du Président de la République à Belfort en 2022, de relancer sa filière nucléaire. Amoindrir les ressources de l'ASNR aujourd'hui, c'est envoyer un signal négatif aux acteurs du nucléaire, dans un contexte de raréfaction des compétences d'expertise dans le domaine.
L'année dernière, dans mon avis budgétaire, j'avais déjà estimé que l'on ne devait pas « badiner » avec la sûreté nucléaire ; je réitère avec force cette déclaration. Plus encore, on ne doit pas badiner avec l'avenir du nucléaire tout court.
En conséquence, je vous soumets un amendement dont l'objet est précisément de revenir sur cet effort budgétaire, en abondant de 10 millions d'euros l'action n° 02 du programme correspondant aux dépenses HT2 de l'ASNR.
J'en viens désormais à l'évocation de deux thématiques dont j'estime opportun de vous faire part.
La première thématique concerne la prévention du risque inondation dans un contexte d'intensification des aléas naturels.
Dans leur rapport d'information de septembre 2024 consacré aux inondations, Jean-Yves Roux et Jean François Rapin avaient estimé que la sinistralité relative aux inondations pourrait connaître une progression située entre 6 et 19 % à l'horizon 2050. Malgré ce constat, un rapport de la Cour des comptes paru il y a moins de dix jours nous apprend que seuls 24 % des habitants exposés à un risque d'inondation le jugent très ou assez important et 66 % considèrent qu'il n'y a pas de risque.
Il y a donc péril en la demeure. La diffusion de la « culture du risque » que j'appelle régulièrement de mes voeux peine à faire son chemin. Je ne crois pas que l'acculturation au risque inondation soit liée à une quelconque évolution des crédits budgétaires. J'en veux pour preuve que, depuis 2020, les dépenses de prévention financées par le fonds de prévention des risques naturels majeurs (FPRNM), dit « fonds Barnier », en faveur de la prévention des inondations représentent au minimum 50 % des crédits budgétaires du fonds et jusqu'aux deux tiers certaines années.
En revanche, la pédagogie à destination des populations est insuffisante. À cet égard, je pense que les élus locaux et les associations sont les relais essentiels de cette prise de conscience collective. Lors de notre déplacement aux Pays-Bas en juillet dernier - je prends à témoin mes collègues ayant participé -, nous avons été frappés de voir à quel point les habitants ont pleinement intégré l'omniprésence du risque. Les initiatives locales, telles que Tegelwippen, consistant à dépaver les rues pour favoriser l'infiltration de l'eau dans les sols et lutter contre le ruissellement, en étaient les meilleurs témoins. Il est indispensable que nos concitoyens deviennent des citoyens véritablement acteurs de leur propre conservation.
Pour autant, le renforcement de nos outils de prévention n'est pas vain. Je salue à ce titre le déploiement du projet Vigicrues 2030, dont l'ambition est d'étendre la surveillance hydrologique - aujourd'hui limitée aux lits majeurs - à l'ensemble des 110 000 kilomètres de cours d'eau recensés. Je serai vigilant, à l'horizon 2028, au déploiement des 60 équivalents temps plein travaillé (ETPT) supplémentaires pour mener à bien ce travail.
J'en viens désormais à la seconde thématique signalée : le phénomène de retrait-gonflement des argiles (RGA).
Je me félicite de la création, au sein du programme 181, d'une nouvelle action relative au RGA. Nous pouvons d'autant plus nous en réjouir que cette avancée résulte directement de l'initiative du Sénat, qui a adopté l'amendement porté par Christine Lavarde en 2025, et ce malgré l'avis défavorable du Gouvernement.
Cette nouvelle action permettra, dès 2026, de financer une expérimentation dans onze départements afin de mieux prévenir les risques liés au phénomène de RGA, pour un montant de 30 millions d'euros. Concrètement, devraient être financées des études de vulnérabilité telles qu'un diagnostic géotechnique de type G5 ou encore des travaux préconisés dans le cadre de ce diagnostic.
J'ai prudemment et à dessein employé le conditionnel puisqu'il me semble que les conditions pour pouvoir bénéficier des financements sont trop restrictives, voire, potentiellement, dissuasives. Je m'explique : dans un souci de pragmatisme et afin d'éviter la création d'une dépense de guichet disproportionnée, le Gouvernement a conditionné l'octroi des aides financières de prévention au risque au RGA à certaines conditions de revenus des ménages, en ciblant exclusivement les revenus très modestes, modestes et, dans une moindre mesure, les revenus intermédiaires. En conséquence, seuls les premiers déciles sont susceptibles de bénéficier de ces aides. Or, la littérature économique a régulièrement souligné que les ménages les plus précaires sont également les plus averses au risque et propices aux comportements d'antisélection. L'association Urgence maisons fissurées, que nous avons auditionnée avec notre collègue Nicole Bonnefoy, partage ce constat.
Je crains donc qu'en laissant un reste à charge conséquent pour les ménages modestes, ces derniers ne se détournent purement et simplement de ce dispositif expérimental afin de ne pas courir le risque d'une perte sèche de revenu.
Dans ces conditions, vous l'aurez compris, c'est l'opérationnalité même du dispositif financé par cette action qui est remise en question. Je crains que l'expérimentation ne manque sa cible et que l'enveloppe budgétaire de 30 millions d'euros ne soit finalement pas consommée, donnant l'illusion que les besoins en matière de prévention du risque RGA sont inexistants.
J'invite donc le Gouvernement à revoir les conditions d'octroi des subventions ou à redéfinir les taux de subvention eux-mêmes afin que les restes à charge soient marginaux pour les plus bas revenus.
Enfin, j'aimerais dire un dernier mot sur le phénomène d'érosion côtière. La semaine dernière, nous avons adopté un amendement de première partie afin d'instituer des recettes nouvelles au bénéfice de la lutte contre cet aléa naturel. Je vous avais indiqué que je déposerais alors un amendement de seconde partie prévoyant la création d'un fonds ad hoc. Je vous informe que Christine Lavarde a déjà déposé un tel amendement et que celui-ci a été adopté par la commission des finances mercredi dernier. Je vous propose donc d'adopter à l'identique l'amendement de notre collègue, afin de conforter cette démarche.
En conclusion, j'émets un avis favorable à l'adoption des crédits des programmes 181 et 235, sous réserve de l'adoption des deux amendements que j'ai déposés sur la deuxième partie.
M. Jean-François Longeot, président. - Je vous remercie, monsieur le rapporteur, pour la clarté de cet avis budgétaire.
Mme Nicole Bonnefoy. - Le groupe SER n'est pas non plus dupe de la hausse artificielle des crédits relatifs à la prévention des risques du programme 181. Ce gonflement de façade à hauteur de 1,23 milliard d'euros est, en réalité, dû à l'intégration du budget de l'Ademe, autrefois financé par une subvention pour charge de service public. Un tel jeu d'écriture a certes le mérite de clarifier la comptabilité de l'État, mais masque surtout son désinvestissement massif sur l'ensemble de la mission « Écologie ».
Nous l'avons déjà signalé, les crédits du fonds vert subissent ainsi une baisse de 500 millions d'euros ; ceux du fonds économie circulaire de 100 millions d'euros, tandis les crédits des agences de l'eau diminuent de 90 millions d'euros. Ce sont autant de politiques publiques menées par les collectivités locales qui seront affectées par ce nouveau coup de rabot. De ce point de vue, la baisse drastique du fonds économie circulaire est particulièrement inquiétante.
Je veux signifier une nouvelle fois notre profond désaccord avec le fléchage de 450 millions d'euros de la surprime CatNat vers le budget général. Nous plaidons depuis longtemps pour que l'intégralité de ces sommes soit destinée au fonds Barnier, alors que la fréquence des catastrophes climatiques s'intensifie.
Nous l'avons également évoqué lors de nos auditions, le RGA est un phénomène de longue durée qui nécessite des investissements importants afin d'aider nos concitoyens à s'y adapter. Nous saluons la création d'une ligne budgétaire spécifique aux risques RGA. Toutefois, nous restons très loin d'une prise en compte budgétaire à la hauteur du risque.
La direction générale de la prévention des risques (DGPR) estime que les crédits prévus au PLF permettront de financer 10 000 diagnostics et 1 000 programmes de travaux, répartis dans onze départements. Nous savons pourtant que 3 millions de logements sont soumis à un risque RGA fort. J'appelle l'État à une véritable prise de conscience des enjeux, et à ne pas se satisfaire d'une expérimentation sous-dimensionnée, dont vous avez rappelé les limites. En appui de mes propos, le « bleu budgétaire » indique bien qu'« avec le changement climatique, la sinistralité induite par le RGA devrait s'accentuer avec une augmentation de la fréquence des sécheresses intenses. Certaines études suggèrent ainsi une augmentation de la sinistralité de 60 % en 2050 par rapport au climat actuel. »
L'Institut de l'économie pour le climat (Institute for Climate Economics - I4CE) partage cet avis et identifie le fonds Barnier comme l'une des actions portant de forts cobénéfices en matière d'adaptation au changement climatique et à la prévention. Nous avions mené, avec Michel Vaspart, notre ancien collègue, engagé de nombreux travaux préparatoires dans le cadre de notre rapport d'information sur la gestion des risques climatiques et l'évolution de nos régimes d'indemnisation, adopté le 3 juillet 2019, et cette recommandation reste plus que jamais d'actualité. De plus, nous avons démontré, comme vous l'avez également souligné, l'importance de la prévention : un euro investi dans la prévention, c'est 7 euros d'économies dans l'indemnisation de certains risques.
Sans remettre en cause la qualité de votre avis budgétaire, le groupe SER abstiendra eu égard à l'insuffisance des crédits au regard des enjeux. Nous voterons en revanche les amendements du rapporteur.
M. Jacques Fernique. - Je remercie le rapporteur pour la clarté et la pertinence de ses observations.
La bonne lisibilité des financements de la politique de prévention n'est pas évidente. Nous savons que les moyens de l'Ademe n'augmentent pas réellement de façon considérable ; à périmètre constant, ceux-ci ne progressent que faiblement. Il ne s'agit que d'un rattrapage technique d'AE.
Je rejoins par ailleurs ma collègue Mme Bonnefoy : les montants réels du fonds Barnier ne sont pas alignés avec les recettes perçues au titre du prélèvement sur la garantie Cat-Nat, qui abonde toujours le budget général.
Si nous ne sommes pas d'accord sur la politique nucléaire - ce n'est pas une nouveauté ! - , nous sommes en revanche tout à fait d'accord sur le fait qu'on ne badine pas avec la sûreté nucléaire. Nous voterons l'amendement DEVDUR .28, qui abonde de 10 millions d'euros les crédits de l'ASNR, pour ramener ses moyens à la hauteur de ceux de 2025, afin de lui permettre de maintenir un bon niveau d'expertise et de contrôle.
Par ailleurs, il faut en effet que les montants alloués aux actions dédiées aux risques relatifs au RGA soient réellement consommés et utiles : nous devons nous assurer que le reste à charge ne soit pas un obstacle infranchissable pour les ménages modestes.
Enfin, nous voterons l'amendement du rapporteur en faveur d'une action nouvelle de lutte contre l'érosion côtière. Certes, les 20 millions alloués à cette action sont prélevés sur les crédits du fonds vert, mais il s'agit d'une sorte de « préfléchage » afin de s'assurer qu'ils financent réellement cette action importante.
M. Jean Bacci. - Je souscris aux propos du rapporteur. Néanmoins, j'observe que le sujet des forêts et des feux de forêt est omis de l'exposé des risques du programme 181. S'agissant des feux de forêt, ce programme n'abonde plus qu'une campagne estivale annuelle de sensibilisation ; la communication sur les obligations légales de débroussaillement ; et une enveloppe d'environ 1 million, issu d'une redevance, affectée à des actions de prévention et de communication. Nous sommes très loin de ce qu'il faudrait faire. Une subvention de 400 000 euros supplémentaires est certes allouée à l'Office national des forêts (ONF), mais cet organisme ne représente que 20 % des forêts nationales. L'agriculture et la forêt sont soutenues au travers de la dotation à l'Ademe, mais cela relève d'un autre budget.
À l'article 1er de la loi du 10 juillet 2023 visant à renforcer la prévention et la lutte contre l'intensification et l'extension du risque incendie, nous avions inscrit notre volonté que les trois ministères ayant la tutelle de la forêt déclinent une stratégie nationale contre les feux de forêt. Cette stratégie, mise en place avec beaucoup de difficultés, a été présentée par Bruno Retailleau au printemps dernier. Aucun plan d'action ni des mesures financées permettant de l'appliquer ne sont prévues à ce jour : c'est lamentable.
En 2021 et 2022, nous avions parlé de la forêt parce que celle-ci a brûlé. En 2023 et 2024, les incendies étaient moins nombreux, nous n'en avons donc pas parlé. En 2025, la forêt se remet à brûler, mais nous n'en parlons toujours pas : celle-ci n'apparaît même plus dans l'intitulé d'un ministère. Ce n'est pas normal, je souhaitais le souligner.
M. Jean-Yves Roux. - Je m'interroge quant au respect du contrat implicite de financement du fonds Barnier : il stipule que le montant du fonds doit être mis en cohérence, dans une limite raisonnable, avec les prélèvements sur les contrats d'assurance. Or pour 2026, le produit de cette taxe devrait atteindre 720 millions d'euros tandis que le fonds n'est doté que de 300 millions d'euros dans le PLF 2026, en baisse de 30 millions d'euros par rapport à la loi de finances de 2025.
La budgétisation du fonds Barnier devrait permettre au Parlement de se prononcer sur les dépenses de fond, de simplifier sa gestion et de donner une plus grande visibilité et stabilité aux actions abondées. Cette réforme ne devrait pas se traduire par une diminution des financements consacrés à la prévention des risques. Certes, l'écart entre les montants collectés et les dépenses du fonds Barnier, se réduit si l'on considère la totalité des crédits finançant la prévention des risques au sein du budget. Mais cela ne permet pas un suivi pertinent et efficace du fléchage des recettes du prélèvement CatNat.
Ces nombreuses lignes de financement de notre politique de prévention des risques nuisent à sa lisibilité, et par conséquent à son efficacité.
Son efficacité est également mise à mal par l'incessant stop and go des crédits alloués au fonds vert, incompatible avec une véritable politique d'investissement et d'adaptation de nos territoires au changement climatique. Les collectivités territoriales ont pourtant besoin de se projeter dans le temps long, ce qui exige de la stabilité dans les programmes financés et les montants octroyés.
Cette année encore, après avoir perdu 60 % de ses AE dans la loi de finances initiale pour 2025, le fonds vert voit ses AE baisser de 43,5 %, pour s'établir à 650 millions d'euros.
Enfin, je déplore la disparition du fonds territorial climat. Ce fonds, pourtant mis en place en 2024 et 2025, sur l'initiative du Sénat, visait à affecter des sommes directement aux collectivités territoriales pour accompagner les plans climat-air-énergie territorial (PCAET), plutôt que de conditionner ces financements à un examen par les services de l'État, comme c'est le cas pour les autres mesures du fonds vert. Cela permettait ainsi d'appliquer le principe de subsidiarité à la prévention des risques et à l'adaptation au changement climatique.
M. Saïd Omar Oili. - La Cour des comptes indique, dans son rapport du 29 septembre 2025 sur les systèmes d'alerte et de communication à la population en situation de crise, qu'il n'existe à l'heure actuelle aucun système d'alerte et de communication en cas de risque volcanique, alors même que l'ensemble des territoires ultramarins est exposé à un tel risque et que l'insularité est un facteur aggravant en cas de crise majeure.
Dans ce même rapport, la Cour des comptes indique que, pour être pleinement utiles, les retours d'expérience (Retex) doivent être partagés avec les acteurs. Les conseils départementaux de sécurité civile et des risques naturels majeurs (CDSCRNM) pourraient constituer le lieu privilégié d'un tel partage, mais ils fonctionnent de manière inégale : certains de ces conseils ne se réunissent jamais. Le Retex est pourtant une source d'informations essentielles pour permettre le renforcement de notre système d'alerte et de communication en cas de crise majeure au sein des départements ultramarins, d'autant qu'il est certain que l'efficacité et l'adaptabilité de ces systèmes ont fait défaut lors du cyclone Chido.
M. Alexandre Basquin. - Permettez-moi de saluer la pertinence de l'analyse du rapporteur qui montre que les montants alloués à la prévention des risques ne sont pas à la hauteur des enjeux d'aujourd'hui et de demain. S'y ajoute, en parallèle, la baisse continue des crédits alloués aux politiques environnementales. Cette réalité légitime nos inquiétudes en la matière.
Je suis évidemment favorable aux deux amendements proposés, qui sanctuarisent deux dispositifs extrêmement importants. En revanche, vous comprendrez aisément que je voterai contre les crédits parce que ceux-ci ne sont pas à la hauteur de l'ambition qui devrait être la nôtre au regard des aléas climatiques qui vont en s'accélérant.
M. Pascal Martin, rapporteur pour avis. - Vos interventions traduisent la difficulté que nous avons à identifier les politiques publiques de prévention des risques.
Vous l'avez dit, et je l'ai souligné dans mon rapport : il nous est proposé une lecture faussement optimiste des crédits du programme 181. C'est la ligne budgétaire de l'Ademe, dont la politique de prévention est mineure, qui vient gonfler artificiellement le programme 181.
Cher collègue, Jean Bacci, je partage vos remarques. Nous avons été coauteurs de la proposition de loi visant à renforcer la prévention et la lutte contre l'intensification et l'extension du risque incendie ; nous devons nous interroger sur l'absence de politique particulièrement ciblée sur ce risque. Je partage votre colère !
J'évoque chaque année dans mon avis budgétaire le fonds Barnier. Cette année, nous observons que les 450 millions d'euros issus de l'augmentation de la surprime sur les contrats d'assurance, passée de 12 % à 20 % en 2025, n'abondent pas exclusivement le fonds. Lors de l'audition que nous avons menée auprès de la DGPR, on nous a indiqué que ce montant abonde d'autres programmes impliqués dans de la prévention, mais cela manque un peu de visibilité. Nous manquons aussi d'une approche analytique qui nous permettrait d'observer l'ensemble des crédits, afin d'évaluer les conséquences de cette baisse des crédits pour le fonds Barnier.
Cher collègue, Jacques Fernique, les crédits concernant l'action de lutte contre l'érosion côtière que nous voulons engager au travers de mon amendement seront prélevés sur les moyens de l'administration de l'État. Il s'agit donc d'un transfert de crédits, et non d'un gage.
Cher collègue, Saïd Omar Oili, il me paraît évident que les Retex concernant les systèmes d'alerte et de communication en cas de risque volcanique doivent être partagés avec les acteurs du terrain. J'évoque, dans L'Essentiel, qui sera mis en ligne aujourd'hui même, le risque naturel majeur en outre-mer. Les données toutes récentes de la Cour des comptes que vous avez évoquées y sont mentionnées : en novembre 2025, « 72 % et 68 % de la population de ces territoires a conscience d'être exposée à un risque assez important de séismes ou de cyclones, notamment aux Antilles où 80 % de la population a déjà vécu un événement cyclonique. » Ces conclusions viennent corroborer mes observations sur la culture du risque ; celle-ci est peut-être beaucoup plus présente chez nos concitoyens ultramarins qu'en métropole. Compte tenu des risques potentiels, il faudra remédier à l'absence et au vieillissement des dispositifs d'alerte présents en outre-mer.
Cher collègue, Jean-Yves Roux, vous avez évoqué le fonds territorial climat. Je regrette également sa suppression, car il s'agissait d'un très bon outil, mais cela ne relève pas du périmètre de mon avis budgétaire. Là encore, j'appelle de mes voeux le recentrage de toutes les thématiques liées à la prévention des risques dans un seul programme, afin de favoriser la lisibilité.
M. Pascal Martin, rapporteur pour avis. - L'amendement II-154 vise à abonder l'action n° 2 du programme 235 « Sûreté nucléaire et radioprotection » à hauteur de 10 millions d'euros.
La fusion de l'ASN et de l'ISRN va bien au-delà de l'année 2025 ; elle est même intégrée jusqu'à l'horizon 2028. Afin de couvrir ses coûts sur l'exercice 2026, il vous est proposé d'abonder à hauteur de 10 millions d'euros les crédits dédiés à l'ASNR.
L'amendement II-154 est adopté.
M. Pascal Martin, rapporteur pour avis. - L'amendement II-153 est identique à l'amendement déposé par Christine Lavarde, qui a été adopté par la commission des finances. Cet amendement, qui s'inscrit dans notre volonté de mettre en place une véritable politique publique de lutte contre l'érosion côtière, prévoit le transfert de 20 millions d'euros du programme 380 « Fonds d'accélération de la transition écologique dans les territoires » au programme 181 « Prévention des risques ».
Des mesures sont certes prévues dans le fonds vert, mais les montants engagés sont très faibles. Ainsi, seulement 12 dossiers ont été acceptés entre le 1er janvier et le 31 août 2025, pour un montant de 1,3 million d'euros. Il est donc nécessaire de mettre en place une véritable politique publique de lutte contre l'érosion côtière et la submersion marine.
Pour conclure, permettez-moi de partager les chiffres délivrés en 2024 par le Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema) : jusqu'en 2050, nous sommes face à un préjudice potentiel de 1,2 milliard d'euros ; à l'horizon 2100, nous serons à 95 milliards d'euros. Ces sommes donnent le vertige.
L'amendement II-153 est adopté.
M. Jean-François Longeot, président. - Merci, monsieur le rapporteur pour avis, pour la clarté de vos propos qui, effectivement, comme les collègues l'ont remarqué, dressent un constat saisissant sur la prévention des risques.
La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits relatifs à la prévention des risques, sous réserve de l'adoption de ses amendements.