B. L'APPORT DE MOYENS NOUVEAUX SUR LE PROGRAMME 172 FLÉCHÉ VERS CERTAINES MESURES « RH » DE LA LPR
Le programme 172 Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires constitue le principal vecteur de financement de la recherche publique. Il comprend notamment les financements attribués à l'Agence nationale de la recherche (ANR) et aux organismes nationaux de recherche (ONR) ;
Dans le PLF 2026, sa dotation s'élève à 8,5 Md€ en AE et 8,2 Md€ en CP, soit respectivement une évolution de - 0,53 % en AE et de + 0,54 % en CP.
Bien que la LFI pour 2025 n'ait concrétisé qu'un tiers de la programmation, elle avait permis de sanctuariser le financement du déploiement des mesures de revalorisation salariale et indemnitaire des personnels de la recherche issues de la LPR et de son protocole d'accord.
Ce n'est pas le cas du PLF 2026, dont les 44,3 M€ de moyens nouveaux attribués au programme 172 sont fléchés vers certaines de ces mesures, notamment la mise en oeuvre du plan de repyramidage des emplois de la filière ingénieurs et techniciens de recherche et de formation (ITRF) et la revalorisation de la rémunération des contrats doctoraux à compter du 1er janvier 2026. À l'inverse, d'autres mesures « RH », comme la poursuite de la revalorisation du régime indemnitaire des personnels enseignants et chercheurs (Ripec), ne seront plus financées l'année prochaine.
Une enveloppe de 11,9 M€ est également prévue pour le déploiement des chaires de professeur junior (CPJ).
Dans un contexte budgétaire qui impose de faire des choix, la rapporteure approuve le ciblage des moyens nouveaux sur l'amélioration de l'attractivité des métiers de la recherche, même si le périmètre des mesures concernées est réduit par rapport à 2025.
Elle appelle également le ministère à poursuivre la dynamique des CPJ, dispositif apprécié des opérateurs de recherche pour recruter des profils scientifiques spécifiques. Elle attire toutefois sa vigilance sur des disparités entre disciplines s'agissant de la part de femmes recrutées via ce dispositif.
C. APRÈS UNE MONTÉE EN CHARGE RÉUSSIE, UNE AGENCE NATIONALE DE LA RECHERCHE CONFRONTÉE À DES DIFFICULTÉS FINANCIÈRES
a) Grâce à la LPR, une montée en charge financière de l'ANR qui a permis d'atteindre des résultats proches des standards internationaux
Compte tenu des niveaux particulièrement bas atteints par le budget d'intervention de l'ANR au cours de la décennie 2010, la LPR, qui conforte son rôle pivot dans le financement de la recherche sur projets, fixe une trajectoire des moyens d'intervention de l'Agence, l'objectif étant d'investir 1 Md€ d'ici 2027 pour arriver à un budget d'intervention annuel de l'ordre de 1,8 Md€.
Trajectoire pluriannuelle des autorisations
d'engagement de l'ANR
inscrite à l'article de 2 de la
LPR
(en écart à la LFI pour 2020 et en M€ courants)
Dès 2021, le budget d'intervention de l'ANR est passé de 780 M€ à plus de 1 Md€, un niveau inédit depuis sa création. Après un léger repli en 2022, il a continué de croître en 2023 et 2024, pour atteindre 1,24 Md€.
Source : ANR
Cette montée en charge financière de l'ANR a eu deux effets très significatifs : l'augmentation du taux de succès aux appels à projets de recherche et le relèvement du taux de préciput2(*)
Dépendant du niveau des AE disponibles, du nombre de projets déposés et de leur coût moyen, le taux de succès aux appels à projets a connu une progression significative jusqu'en 2023, année où il atteint son plus haut niveau. Il a, en revanche, commencé à diminuer en 2024 (24,2 %), repli qui devrait se poursuivre en 2025, avec la prévision d'un taux inférieur à 23 %.
Depuis 2021, le préciput, abondement financier qui irrigue tout l'écosystème de la recherche, a lui aussi régulièrement augmenté, pour atteindre le taux de 30 % en 2023, niveau stabilisé en 2024.
Ces très bons résultats, proches des standards de recherche internationaux, sont une réussite incontestable de la LPR.
b) Un niveau de crédits de paiement qui ne permet pas à l'ANR de couvrir ses engagements passés
La gestion « classique » des appels à projets de recherche entraîne mécaniquement un écart entre les AE et les CP3(*). Avec le déploiement de la trajectoire prévue par la LPR, les AE de l'ANR ont été substantiellement supérieurs à ses CP sur la période 2021-2024, le différentiel étant de l'ordre de 280 M€ par an en moyenne. L'Agence se retrouve désormais avec un niveau de CP insuffisant pour couvrir les décaissements liés aux projets qu'elle s'est déjà engagée à financer.
Lors de l'examen du PLF 2025, la présidente-directrice générale de l'ANR avait déjà alerté la rapporteure sur cette difficulté. Après un travail de concertation avec le ministère, la décision a été prise de mettre en place en 2025 des mesures de lissage, consistant en des décalages de versements aux porteurs de projets.
Un an plus tard, l'ANR se retrouve confrontée au même problème : l'enveloppe de CP prévue par le PLF 2026, d'un montant de 1,04 Md€, soit une augmentation de 20 M€ par rapport à la LFI pour 2025, ne permet pas de couvrir ses engagements passés. L'Agence chiffre en effet à 70 M€ son besoin en CP, soit un différentiel de 50 M€.
Face à cette difficulté devenue structurelle, l'ANR semble exclure de nouvelles mesures de lissage, estimant être allée au maximum de ce qu'elle pouvait faire, sans porter préjudice aux bénéficiaires. Elle indique également qu'en 2027, le niveau de sa trésorerie ne sera plus suffisant pour couvrir ses engagements passés. En conséquence, la seule solution viable consiste, selon elle, à augmenter le niveau de CP, scénario qui se heurte toutefois au contexte budgétairement contraint.
c) Une dynamique des AE qui interroge la poursuite des objectifs de la LPR
Ce sujet de la mise à niveau CP-AE, qui concerne les appels à projets passés, pose également la question de la poursuite de la dynamique des AE, laquelle emporte des conséquences sur les appels à projets futurs. Faut-il freiner cette dynamique afin de limiter, à l'avenir, le besoin de CP, mais au risque de porter atteinte aux résultats obtenus grâce à la LPR en termes de taux de succès aux appels à projets ?
En effet, le taux de succès dépend mécaniquement du niveau des AE disponibles : leur diminution entraîne de facto un recul du taux de succès, sans baisse simultanée du nombre de projets déposés et/ou du coût moyen des projets, qui sont des variables dites « libres » sur lesquelles l'ANR n'a pas ou peu prise. Celle-ci indique ainsi qu'une baisse de 40 M€ des AE se traduit par une baisse de l'ordre de 1 % du taux de succès.
En 2025, parallèlement aux mesures de lissage des décaissements, le volume des engagements de l'ANR a été réduit de 90 M€. Une nouvelle diminution des AE, à hauteur 70 M€, est prévue dans le PLF 2026. Ces baisses vont inévitablement entraîner un recul du taux de succès, déjà perceptible cette année puisqu'il atteindrait moins de 23 %, contre 24,2 % en 2024. Ce repli est néanmoins jugé « acceptable » par l'ANR, car permettant à la France de rester dans les standards internationaux. En revanche, une forte baisse des AE pourrait faire repasser le taux de succès sous la barre des 20 %, soit le taux d'avant la LPR, et provoquer un nouveau décrochage de la recherche française.
La commission exprime sa préoccupation face aux difficultés financières auxquelles se trouve confrontée l'ANR. Elle rappelle que sa montée en charge, rendue possible par la LPR, a permis d'atteindre de très bons résultats en termes de taux de succès aux appels à projets et de préciput. En cas de révision massive à la baisse de la trajectoire de ses engagements, elle alerte sur le risque d'un retour en arrière, dont les conséquences pourraient être graves à l'heure où la France doit plus que jamais assurer sa souveraineté en matière de recherche.
* 2 En complément du financement des projets de recherche, l'ANR verse un préciput, c'est-à-dire un abondement financier, aux établissements gestionnaires et hébergeurs des projets sélectionnés.
* 3 Le lancement d'un appel à projets se matérialise par un engagement financier pluriannuel en AE. Au fur et à mesure de l'avancement du projet, l'ANR va décaisser des CP qui permettront aux laboratoires de payer leurs dépenses. Concrètement, un appel à projets types se compose, en année 1, d'un engagement complet en AE du montant de l'appel par l'ANR et d'une avance en CP pour le laboratoire ; à mi-parcours, d'un versement complémentaire en CP ; en fin de projet, du versement du reliquat en CP.



