B. LA CONTRIBUTION DES JURIDICTIONS FINANCIÈRES À L'EFFORT DE RÉDUCTION DE LA DÉPENSE PUBLIQUE SE MANIFESTE PRINCIPALEMENT PAR UNE DIMINUTION DES EMPLOIS

Malgré la hausse des dépenses de personnel, le programme 165 connaît pour la première fois depuis 2020 une baisse de son plafond d'emplois, à périmètre constant.

En effet, après plusieurs années de hausse du plafond d'emplois (+ 10 équivalents temps plein travaillé [ETPT] en 2021, + 30 ETPT en 2022 et + 5 ETPT en 2023), les lois de finances pour 2024 et 2025 se sont caractérisées par une stabilité du plafond d'emplois, hors légers changements de périmètre entre programmes. Pour 2026, alors que le périmètre du programme est inchangé, le projet de loi de finances prévoit quant à lui une diminution du plafond d'emplois de 18 unités. Cette baisse affecte principalement les postes de catégories B et C (respectivement 12 et 21 ETPT de moins), les emplois de catégories A+ et A connaissant une hausse respective de leur plafond de 5 et 10 unités. La Cour des comptes justifie ces évolutions différenciées par le renforcement de la fonction de contrôle, en lien avec le plan « JF2025 » (voir infra), qui se matérialise par le recours à des détachements de fonctionnaires de catégorie A+ en qualité de magistrats financiers, et par la revalorisation des vérificateurs, plus fréquemment recrutés en catégorie A.

Bien que la baisse - à périmètre constant - du plafond d'emplois marque une rupture symbolique dans l'évolution du programme, les conséquences de cette diminution devraient toutefois être marginales, la Cour souhaitant améliorer sa consommation du plafond d'emplois, relativement mauvaise au cours des dernières années.

Plafond d'emplois du programme 164 autorisé en loi de finances initiale et sa consommation (en ETPT)

 

2020

2021

2022

2023

2024

LFI 2025

PLF 2026

Plafond d'emplois autorisé en LFI

1 802

1 802

1 804

1 826

1 830

1 822

1 804

Consommation du plafond d'emplois

1 763

1 758

1 766

1 770

1 803

1 816 (prévision au 31/07/2025)

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Source : commission des lois, sur la base des documents budgétaires

C. 2025, ANNÉE D'ABOUTISSEMENT DE L'AMBITIEUX PLAN « JF2025 »

1. Une modernisation des méthodes de travail des juridictions financières dont les résultats apparaissent satisfaisants

Depuis le lancement, par le Premier président Pierre Moscovici, du plan « JF2025 » en 2020, le rapporteur s'attache à évaluer les crédits du programme 164 au regard de l'application des 75 « actions » qu'il porte.

À titre liminaire, le rapporteur salue l'ambition initiale d'un plan qui illustre, sans conteste et nonobstant le détail des mesures, la capacité d'adaptation et le dynamisme des juridictions financières. Ce plan ayant commencé à être appliqué en 2023, le rapporteur a pu, l'année dernière, en dresser un premier bilan, qu'il a estimé être, dans l'ensemble et malgré des réserves, « une réussite ». Les travaux conduits par le rapporteur en 2025 ont confirmé ce satisfecit, bien que l'appréciation particulièrement élogieuse de la Cour des comptes, selon laquelle la mise en oeuvre de ce plan est « un véritable succès », puisse être tempérée par certains effets de bord ou résultats moins probants.

La baisse des effectifs prévue par le projet de loi de finances n'est ainsi pas la conséquence d'une activité qui serait décroissante : la Cour des comptes se fixe en effet des objectifs exigeants, à l'instar de l'objectif affiché par le projet annuel de performance de publication de 1 400 rapports pour 2026, soit 62 % de plus que le nombre de rapports publiés en 2024. Toutefois, cette cible très élevée, qui est identique depuis 3 ans, n'a pas été atteinte en 2024, année lors de laquelle 862 rapports ont été publiés. Tout en comprenant le levier d'action qu'il constitue, le rapporteur s'interroge donc sur le réalisme de cet objectif.

Outre cet objectif général qui irrigue l'activité de la Cour, cinq des principales mesures du plan « JF2025 » ont fait plus particulièrement l'objet de l'attention du rapporteur.

La réforme du 100 % publication, effective depuis 2023, a incontestablement contribué à la meilleure visibilité des travaux des juridictions financières. Ainsi, le nombre de visiteurs uniques sur le site internet de la Cour a crû de 21 % au cours des six premiers mois de l'année 2025, dépassant le seuil d'un million et augurant de donc l'atteinte des deux millions de visiteurs uniques pour l'ensemble de l'année 2025. Cette mesure a incité les magistrats financiers à un effort accru de lisibilité et d'accessibilité de leurs travaux, qui n'est pas sans intérêt bien que le rapporteur souhaite rappeler que ces rapports n'ont une plus-value réelle pour les entités contrôlées que s'ils maintiennent un haut niveau de technicité.

L'ouverture citoyenne se mesure également au regard de la mise en place de deux plateformes, l'une dédiée au recensement des initiatives en matière de contrôle, la seconde permettant de signaler des irrégularités dans le bon emploi des deniers publics. Il s'agit dans les deux cas d'un succès quantitatif indéniable, qui a été réitéré cette année : lors de la campagne de 2025, 16 346 visiteurs ont déposé 1 006 propositions de thèmes de contrôle, soit 7 % de propositions supplémentaires par rapport à 2024. 37 thèmes avaient été retenus pour 2025, dont une vingtaine devant être traités par les CRTC. Toutefois, à l'échelle locale, les propositions de contrôle sont peu nombreuses, comme l'ont confirmé au rapporteur autant la Cour des comptes que les magistrats interrogés lors de son déplacement à la chambre régionale des comptes des Pays de la Loire. De même, les juridictions financières ont été destinataires en 2024 de 996 signalements, soit approximativement 80 par mois, un chiffre stable par rapport à 2023. La population semble donc avoir assimilé cet outil, d'autant plus que la plupart - 842 - de ces signalements ont été considérés comme suffisamment pertinents par le Parquet général pour être transmis aux chambres compétentes. Parmi ceux-ci, 306 ont donné lieu à des suites, soit de nature contentieuse, soit à travers leur prise en considération dans le cadre de travaux de contrôle en cours ou programmés.

L'objectif de division par deux du délai de publication des travaux d'examen de la gestion de la Cour et des CRTC devrait être approché. Le projet annuel de performance fixe ainsi pour objectif en 2026, comme pour 2025, un délai de 8 mois aussi bien pour la Cour que pour les CRTC, qui ne sera pas atteint mais devrait honorablement s'établir à un peu moins de 10 mois. Pour rappel, ces délais s'élevaient respectivement à 15 et 17 mois avant cette réforme. Le rapporteur a toutefois de nouveau été alerté sur les difficultés que les magistrats rencontrent parfois pour tenir ce délai lorsque les entités contrôlées sollicitent des délais supplémentaires pour leur transmettre les réponses et données demandées.

Alors qu'avec quatre saisines l'année 2024 laissait entrevoir un début d'appropriation par les collectivités territoriales de la mission d'évaluation des politiques publiques confiée par la loi du 21 février 2022 dite « 3DS »1(*) aux CRTC, l'année 2025 est apparue décevante, puisque, à la connaissance du rapporteur, aucune CRC n'a été saisie. Seules des auto-saisines des CRTC ont permis de donner corps à cette nouvelle compétence que le législateur leur a attribuée. Un travail supplémentaire devra donc être effectué pour inciter les collectivités territoriales à s'appuyer davantage sur l'expertise des magistrats financiers pour des missions d'évaluation des politiques publiques, en les distinguant bien des travaux de contrôle de la gestion.

Enfin, le nouveau régime de responsabilité des gestionnaires publics2(*), adossé à la création de la chambre du contentieux de la Cour des comptes et de la cour d'appel financière, est entré en rythme de croisière et ne présente pas de difficulté particulière. À la date du 31 août 2025, la chambre du contentieux, à laquelle sont affectés 35,5 ETPT dont 23,5 magistrats, a instruit après trente mois d'installation 132 affaires et prononcé 43 arrêts. Quant à la cour d'appel financière, dont l'activité dépend mécaniquement de celle de la chambre du contentieux, elle a été saisie de dix requêtes entre sa création en juillet 2023 et le 31 août 2025, l'activité attendue à terme étant de 15 à 20 appels par an.

2. Des indicateurs de performance enfin ajustés pour prendre en compte les avancées du plan « JF2025 »

À l'occasion des lois de finances pour 2023, 2024 et 2025, la commission puis le Sénat ont, avec constance, soutenu un amendement du rapporteur, Guy Benarroche, visant à adapter les indicateurs du programme 164 aux nouvelles missions que confie le plan « JF2025 » aux juridictions financières. Il s'agissait notamment de créer un indicateur retraçant l'activité des CRTC liée à leur mission d'évaluation des politiques publiques et d'avis sur les projets d'investissement exceptionnel. L'établissement de ce nouvel indicateur était à chaque fois jugé trop complexe par la Cour des comptes et le Gouvernement3(*). Le projet annuel de performances du programme 164 intégrant enfin la demande de la commission, le rapporteur se félicite que cette « complexité » ait pu être surmontée.


* 1 Loi n° 2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale.

* 2 Issu de l'ordonnance n° 2022-408 du 23 mars 2022 relative au régime de responsabilité financière des gestionnaires publics.

* 3 Voir le compte rendu de la séance du 22 janvier 2025.

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