B. MALGRÉ LEURS DIFFICULTÉS, LES JURIDICTIONS ADMINISTRATIVES CONTRIBUENT SIGNIFICATIVEMENT À L'OBJECTIF DE MAÎTRISE DE LA DÉPENSE PUBLIQUE

1. Un budget en rupture avec les évolutions des années précédentes
 

Crédits de paiement affectés au programme 165

Avec des crédits s'élevant à 537,9 millions d'euros en autorisations d'engagement et 568 millions d'euros en crédits de paiement, le programme 165 se caractérise, malgré des évolutions se chiffrant en dizaines de millions d'euros, par une stabilité d'ensemble, puisqu'aucune dépense nouvelle significative n'est engagée et que le programme échappe à des coupes claires, les économies étant plutôt réalisées via le report de projets immobiliers et le gel des créations d'emplois (voir infra).

Plus précisément, s'observent une baisse de 31 millions d'euros pour les CP, soit 5,2%, et une augmentation de 26,7 millions d'euros en AE, soit à nouveau 5,2 %, cette dernière étant liée au renouvellement de certains baux, les dépenses s'échelonnant sur plusieurs années.

La relative stabilité du programme 165 s'explique principalement par le fait qu'il finance principalement des dépenses de personnel, à hauteur de 81,3 % des CP. Ces dépenses augmentent seulement marginalement, en raison notamment de l'absence de création d'emplois. Cette hausse est partiellement portée par les effets de l'extension sur 2026 de la revalorisation indemnitaire des magistrats dans le cadre de la réforme de la haute fonction publique. Le coût de cette réforme est évalué à 8,9 millions d'euros pour 2026. Les dépenses de fonctionnement et d'investissement représentent quant à elles 105 millions d'euros en CP, soit 18,7 % du programme, une somme inférieure de 40 millions d'euros par rapport à 2025.

Toutefois, cette stabilité d'ensemble masque une rupture nette avec la tendance des six dernières années. En effet, si les crédits du programme ont été fluctuants en ce qui concerne les autorisations d'engagement, notamment liées à l'échelonnement de travaux immobiliers, ils affichaient une hausse continue des crédits de paiement jusqu'en 2025. Ces derniers ont ainsi augmenté d'environ 60 millions d'euros entre 2020 et 2025, soit une hausse de 13,6 %.

Ce mouvement de hausse continue a pris fin avec le PLF pour 2026, celui-ci prévoyant donc, pour la première fois depuis 2020, une baisse des CP.

Cette baisse des CP s'explique, d'après le Conseil d'État, par deux éléments. En premier lieu, elle est liée au fait que la dotation pour 2025 contenait les paiements de projets immobiliers majeurs, qui arriveront à leur terme à compter de 2026 (nouveau siège de la CNDA, travaux sur les TA de Montreuil et de Guyane et pour les services du secrétariat général du Conseil d'État). En second lieu, des mesures générales d'économie ont été proposées à hauteur de 5,5 millions d'euros et d'importants travaux ont été reportés, en ce qui concerne par exemple les tribunaux administratifs de Nîmes, de Strasbourg et de Mamoudzou.

Quoi qu'il en soit, le rapporteur note que dans le contexte de très forte hausse de l'activité des juridictions administratives, le simple fait de ne pas engager de nouveaux projets structurants, que ce soit de nature immobilière, informatique ou en termes de recrutements, constitue une mesure d'économie significative.

Évolution des crédits de paiement du programme 165 depuis 2019 (en M€)

 

LFI 2020

LFI 2021

LFI 2022

LFI 2023

LFI 2024

LFI 2025

PLF 2025

Progression 2025/2026

(en M€)

(en %)

Programme 165

439,7

451,7

481,1

525,0

583,4

599,0

568,0

- 31

- 5,2 %

Source : commission des lois, d'après les documents budgétaires

2. À rebours de la programmation pluriannuelle, un déficit cumulé pour les juridictions administratives de 80 emplois

Après une hausse de 41 ETPT en 2022 et 2023, et de 46 ETPT en 2024, dont un membre du Conseil d'État, 25 magistrats, 15 agents du greffe et, pour 2024, 5 agents du TSP, le plafond d'emplois pour 2026 est, comme pour 2025, neutre, voire en légère baisse de 3 ETPT. Il s'élève à 4 498 ETPT pour 2026, dont 235,98 membres du Conseil d'État et 1336,52 magistrats de l'ordre administratif. Toutefois, ce gel des emplois masque des mouvements dans la structure des emplois, puisque sept postes de magistrats administratifs sont créés, tandis que dix postes d'agents de catégorie C sont supprimés.

Ce second gel des emplois constitue une mesure contraire à la loi de programmation pluriannuelle pour les années 2023 - 2027, qui prévoyait 40 créations d'emplois en 2025 comme en 2026 pour le programme 165 (25 pour les magistrats et 15 pour les agents de greffe). Au total, la juridiction administrative affiche donc, sur ces deux années cumulées, un déficit de 80 emplois par rapport au schéma d'emplois voté par le législateur. Ce nouveau gel des créations d'emplois constitue donc la principale contribution du programme 165 à l'objectif de réduction de la dépense publique fixé par le Gouvernement.

L'absence de créations d'emplois est d'autant plus significative que le programme 165 affiche un taux de consommation de ses plafonds d'emplois très élevé, de 99,1 % en 2024.

Le rapporteur partage entièrement l'analyse du Conseil d'État, selon lequel « ce schéma d'emploi nul ne permet pas de faire face à la très forte hausse de l'activité enregistrée par les tribunaux administratifs [et] va donc se traduire par un accroissement rapide du stock [d'affaires en cours] et une augmentation corrélative des délais de jugement ». Au total, le Conseil d'État évalue à 300 le nombre de postes de magistrats et de greffiers (150 pour chaque catégorie) qu'il faudrait créer pour maintenir le stock d'affaires en cours à son niveau actuel. La situation est d'autant plus préoccupante que le Conseil d'État n'a aucune garantie quant au report de ces 80 créations cumulées d'emplois à 2027, ces créations étant à ce stade annulées. Si la situation actuelle des finances publiques exige effectivement des efforts, le rapporteur appelle toutefois le Gouvernement à maintenir, éventuellement dans un avenir moins proche qu'initialement prévu, la création de ces 80 emplois, qui apparaît indispensable compte tenu l'activité croissante de la justice administrative. Le rapporteur s'interroge notamment sur l'atteinte des objectifs fixés dans le projet annuel de performances qui lui paraît irréaliste dans ce contexte de gel des emplois, même au prix d'une mobilisation soutenue du personnel et des magistrats. Or, le rapporteur a pu constater que l'opinion est désormais majoritairement partagée par les magistrats et agents des juridictions administratives que « l'exercice atteint désormais ses limites ». Aux yeux du rapporteur, il en va de même de la tolérance à la souffrance au travail.

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La commission des lois a émis un avis favorable à l'adoption des crédits du programme « Cour des comptes et autres juridictions financières » et du programme « Conseil d'État et autres juridictions administratives » inscrits au projet de loi de finances pour 2026.

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