B. DANS CES CONDITIONS, L'ADMINISTRATION PÉNITENTIAIRE PEINE À ASSURER SES MISSIONS FONDAMENTALES
La surpopulation carcérale est à l'origine de dysfonctionnements structurels de l'administration pénitentiaire. En dépit du professionnalisme et du dévouement de ses agents, celle-ci peine aujourd'hui à assurer ses missions fondamentales :
- il lui est tout d'abord difficile d'assurer sa mission première d'exécution des décisions de justice, qui implique en premier lieu la surveillance et la garde des détenus, la préservation de l'ordre public en prison, la gestion des extractions et des transfèrements judiciaires, ainsi que la garantie de « l'étanchéité » des établissements vis-à-vis de l'extérieur, comme en témoigne la présence massive de téléphones portables en leur sein et les imperfections des dispositifs de « brouillage » mis en place ;
- il lui est de plus en plus difficile de garantir la sécurité et des conditions de travail correctes à ses personnels. Entre 2020 et 2024, les faits de violence physique ou verbale à leur encontre ont augmenté de 57 %, pour s'établir à 32 194 cas recensés (dont 5 387 agressions physiques). Cette situation est le produit direct de la surpopulation carcérale, mais aussi du phénomène de durcissement du profil des détenus, dont le drame d'Incarville de mai 2024 a été l'expression la plus extrême. On observe ainsi une augmentation de la part des détenus relevant de la criminalité organisée, qui représentent désormais plus du tiers de la population carcérale (34,9 % au 1er octobre 2025) ;
- il lui est de plus en plus difficile de garantir les droits et la dignité des personnes détenues, comme en témoignent les condamnations répétées de la France par la Cour européenne des droits de l'Homme. En témoigne l'évolution du taux d'encellulement individuel, qui chute à 34,9 % au 1er octobre 2025 (contre 43 % au 1er janvier 2022) et, surtout, l'évolution inquiétante du nombre de matelas au sol, qui s'élève à 5 895 au 1er octobre 2025, soit une progression de 54,7 % en un an. De surcroît, les capacités de prise en charge psychiatrique des détenus sont nettement sous-dimensionnées : alors que la direction de l'administration pénitentiaire estime qu'environ deux tiers des hommes et trois quarts des femmes détenus souffrent d'au moins un trouble psychiatrique ou un trouble lié à l'usage de substance, le nombre de places en unité hospitalière spécialement aménagée (UHSA) est aujourd'hui limité à 440 ;
- il lui est de plus en plus difficile de mener à bien sa mission de réinsertion des personnes placées sous main de justice, au regard des ressources que nécessite leur surveillance.