IV. L'EFFORT POUR ENDIGUER LE PHÉNOMÈNE DE SURPOPULATION CARCÉRALE RESTE INDISSOCIABLE DE LA POLITIQUE D'EXÉCUTION DES PEINES
A. LES LEVIERS D'AMÉLIORATION DE LA POLITIQUE D'EXÉCUTION DES PEINES IDENTIFIÉS PAR LA COMMISSION DES LOIS PASSENT NOTAMMENT PAR UN RENFORCEMENT DE L'ADMINISTRATION PÉNITENTIAIRE
Eu égard à l'insuffisance structurelle de la réponse bâtimentaire, les principaux leviers d'endiguement du phénomène de la surpopulation carcérale se situent au niveau de la politique d'exécution des peines. La commission des lois a récemment publié, au titre de ses travaux de contrôle, un rapport dédié à cette question4(*).
Or, ces travaux montrent que l'amélioration de la politique d'exécution des peines passe notamment par un renforcement de l'administration pénitentiaire, et en particulier des services pénitentiaires d'insertion et de probation.
Afin de favoriser la meilleure individualisation de la peine, grâce à un usage des aménagements de peine et des peines alternatives à la détention qui soit à la fois efficace, raisonné et de nature à mieux prévenir la récidive en améliorant la réinsertion, ce rapport recommande en particulier de renforcer le rôle exercé par l'administration pénitentiaire auprès du magistrat lors de la phase pré-sentencielle. Dans le cadre d'un « plateau technique » mis à la disposition de ce dernier, les agents des SPIP pourraient recueillir des informations sur la personnalité du prévenu et, fort de leur expertise criminologique, présenter les réponses pénales les plus adaptées à sa réinsertion. De même, des représentants du personnel de surveillance pourraient réaliser une enquête de faisabilité ou établir un dispositif de détention à domicile sous surveillance électronique. Le même rapport propose également de clarifier les rôles respectifs du juge de l'application des peines et des SPIP, considérant que certaines décisions pourraient plus efficacement être prises au niveau de l'administration pénitentiaire.
Un autre enjeu important est celui de la « crédibilisation » des peines alternatives à la détention aux yeux de la société comme des magistrats, que d'aucuns considèrent « méfiants » quant à l'effectivité du contrôle de ces peines.
Il en va en particulier des peines de travaux d'intérêt général (TIG), alors même qu'elles présentent un intérêt évident en termes de réinsertion pour certains profils de détenus. En effet, le stock de mesures de TIG prises en charge par les SPIP a connu une baisse importante au cours de la dernière décennie. Depuis 2021 celui-ci a chuté de 24 % pour atteindre un total de 23 179 au 1er janvier 2025.
Pour « crédibiliser » les peines alternatives, et en particulier les TIG, le même rapport propose soit de spécialiser certains agents des SPIP au contrôle de ces mesures, soit de créer une véritable « police de la probation ». Une telle piste paraît d'autant plus intéressante que les SPIP sont aujourd'hui chargés d'accomplir en même temps trois missions de nature hétérogène : l'expertise criminologique, l'accompagnement du détenu en vue de sa réinsertion, et le contrôle des mesures de probation.
Outre la politique d'exécution des peines stricto sensu, il convient également de souligner que certaines évolutions de la législation pénale ont eu une influence significative sur la croissance de la population carcérale. Tel est le cas de la réforme de 2019, qui a notamment prévu un aménagement ab initio obligatoire pour les peines d'emprisonnement de moins de six mois. Alors que cette mesure visait à endiguer la surpopulation carcérale, son effet a été rigoureusement inverse, puisqu'elle n'a fait qu'inciter les magistrats à prononcer des peines plus longues pour contourner ce seuil contraignant : le nombre de peines de six mois à un an prononcées a significativement augmenté entre 2019 et 2024, passant de 27 786 à 41 947, tandis que celui des peines de moins de six mois diminuait sur la même période, passant de 86 564 à 67 702. Pour cette raison, le même rapport a préconisé la suppression du caractère obligatoire des aménagements de peine ab initio.
* 4 Rapport d'information n° 2 (2025-2026) sur l'exécution des peines, fait par Elsa Schalck, Laurence Harribey et Dominique Vérien au nom de la commission des lois du Sénat, 1er octobre 2025
