EXAMEN EN COMMISSION

Mme Muriel Jourda, présidente. - Nous en venons à l'examen des avis de nos collègues Lauriane Josende et Dominique Vérien sur les programmes « Justice judiciaire », « Accès au droit et à la justice », « Conduite et pilotage de la politique de la justice » et « Conseil supérieur de la magistrature ».

Mme Dominique Vérien, rapporteure pour avis des programmes « Justice judiciaire », « Accès au droit et à la justice », « Conduite et pilotage de la politique de la justice » et « Conseil supérieur de la magistrature ». - Depuis plusieurs années, la situation budgétaire du ministère de la justice est spécifique. En effet, longtemps négligée, elle apparaît depuis 2023 préservée, voire privilégiée.

Il s'agit de l'une des rares missions dont les crédits augmentent et nous devons nous en féliciter. Seulement, nous ne pouvons pas nous satisfaire de cette évolution comptable sans apprécier la manière qu'a la Chancellerie d'employer ses ressources. Cette hausse de ses moyens budgétaires doit permettre au ministère de la justice de conduire une vaste politique de recrutement, de valoriser les différents métiers de la justice judiciaire et d'améliorer les conditions de travail des agents.

Il serait incompréhensible pour la représentation nationale que l'engagement budgétaire consenti au bénéfice de la Chancellerie n'améliore pas la qualité de la justice rendue. Il s'agit d'une exigence de bon emploi des deniers publics, que la situation budgétaire du pays rend plus impérieuse encore. C'est la raison pour laquelle nous nous attachons, depuis plusieurs années, à évaluer les politiques structurantes du ministère de la justice.

Malheureusement, cet exercice tournait à l'inquiétante routine. Année après année, nous constations l'augmentation sensible des dépenses de la Chancellerie sans que la situation de la justice judiciaire ne s'améliore véritablement.

Cette année, nous sommes enthousiastes d'observer les premières conséquences favorables de la loi d'orientation et de programmation du ministère de la justice (LOPJ), qu'il s'agisse de l'arrivée d'un grand nombre de magistrats et de greffiers dans les juridictions ou de la poursuite de certaines politiques vertueuses.

Ces conséquences positives se manifestent en premier lieu par une meilleure maîtrise des dépenses dynamiques. Je songe particulièrement aux frais de justice, qui connaissaient une hausse significative et comprimaient les autres dépenses du ministère. En 2022, cette augmentation a atteint environ 10 %, portant ces dépenses à près de 650 millions d'euros. Il était donc essentiel que le ministère parvienne à juguler cette hausse et il y parvient. Cela tient notamment au développement de la plateforme nationale des interceptions judiciaires (Pnij), qui effectue près de 99 % des écoutes téléphoniques. Selon les représentants du ministère, le développement de ce service permettra de réaliser une économie en tendance de près de 100 millions d'euros par an dès 2026.

Par ailleurs, nous saluons l'adoption de nouvelles recettes qui concernent directement la justice judiciaire, même si elles figurent au sein de la première partie du projet de loi de finances (PLF).

Ainsi, l'article 30 vise à instaurer une contribution pour l'aide juridique. Chaque justiciable devra payer 50 euros lors de l'introduction d'une instance et le produit de cette mesure financera l'aide juridictionnelle. Elle nous semble donc bienvenue, ce d'autant que les bénéficiaires de l'aide juridictionnelle n'auront pas à payer cette somme.

De plus, l'article 46 prévoit la possibilité de mettre les frais d'enquête à la charge de la personne condamnée. Ce mécanisme, qui nous paraît juste, a été supprimé en 1993, compte tenu des difficultés pratiques qu'il entraînait. Toutefois, le ministère juge que le déploiement de la procédure pénale numérique (PPN) permettra de surmonter ces obstacles. Nous y sommes donc favorables.

Enfin, l'article 78 est rattaché à la mission « Justice ». Il vise à modifier le périmètre de l'obligation de recours à certaines expertises judiciaires. Si nous regrettons qu'il ait été introduit au sein d'un PLF, ce dispositif nous paraît favorable, dans la mesure où il améliore la liberté d'appréciation du juge. De plus, certains de nos rapports préconisaient son introduction.

J'en viens au numérique. Pour la première fois depuis plusieurs années, nous avons le sentiment que la situation s'améliore, tant pour les applicatifs anciens comme Cassiopée, que pour les nouveaux comme Portalis ou Prisme. Le ministère a su apporter des réponses à nos questions et elles sont rassurantes. Nous devons nous assurer que la Chancellerie poursuive dans cette voie. C'est la raison pour laquelle nous aimerions organiser de nouveaux déplacements dans les juridictions, consacrés notamment à la question du numérique. Les bilans des stages de juin dernier nous ont été très précieux dans nos échanges avec le ministère.

Mme Lauriane Josende, rapporteure pour avis des programmes « Justice judiciaire », « Accès au droit et à la justice », « Conduite et pilotage de la politique de la justice » et « Conseil supérieur de la magistrature ». - Nous avons constaté avec satisfaction les progrès effectués par le ministère au cours de l'année écoulée.

L'un des domaines qui l'illustrent le mieux est probablement celui de l'intelligence artificielle générative. Nous nous souvenons du rapport d'information intitulé L'intelligence artificielle générative et les métiers du droit : agir plutôt que subir, que nous avons adopté il y a près d'un an, et plus particulièrement du constat dressé par Christophe-André Frassa et Marie-Pierre de la Gontrie au sujet du ministère de la justice. La Chancellerie semblait tout à fait dépassée en la matière, au moment où les cabinets d'avocats investissaient déjà massivement dans cette technologie.

Un an après, le ministère a considérablement progressé. Il a créé une direction de programme dédiée à l'intelligence artificielle, identifié des cas d'usage et engagé une collaboration avec l'entreprise Mistral AI.

La démarche même du ministère apparaît encourageante, dans la mesure où il tire des enseignements de ses erreurs passées. Ainsi, le développement des logiciels d'intelligence artificielle générative obéira à une logique de co-construction, qui doit placer l'utilisateur au centre de la méthode de développement.

Cette politique exigera un suivi spécifique dans les années à venir. En toute hypothèse et comme l'avaient déjà remarqué nos collègues, le développement de l'intelligence artificielle générative ne remédiera pas au déficit de personnel judiciaire, qui reste criant.

À cet égard, nous nous réjouissons de la poursuite de la politique audacieuse de recrutement définie par la LOPJ, qui devrait être respectée à l'horizon 2027.

Toutefois, la programmation encadrée par la LOPJ arrivera bientôt à échéance, ce qui doit nous conduire à engager des réflexions. Toutes les personnes que nous avons entendues durant nos travaux - avocats, greffiers, magistrats, représentants de l'administration et le garde des sceaux lui-même - s'accordent pour considérer que le besoin de personnel du ministère demeurera significatif après 2027, en dépit des efforts réalisés depuis 2023.

Il est donc primordial d'anticiper les débats que nous aurons en vue de la prochaine programmation. Leur qualité dépendra des informations dont nous disposerons quant aux besoins du ministère.

C'est la raison pour laquelle nous sommes attachées à l'idée que le ministère de la justice développe un outil d'évaluation de la charge de travail des magistrats. Le développement de cet outil a été suspendu à plusieurs reprises par le passé. Nous espérons que l'étude de temps engagée cette année permettra d'aboutir à un référentiel robuste, qui sera utile pour concevoir la prochaine trajectoire de recrutement du ministère.

Au-delà de la question du recrutement, il sera essentiel d'améliorer la conduite de la politique immobilière du ministère. L'immobilier judiciaire demeure la grande variable d'ajustement du budget de la justice. Cela tient à une raison simple : l'essentiel des dépenses de la Chancellerie sont contraintes, qu'il s'agisse de dépenses de personnel ou de fonctionnement. Il est donc plus aisé de restreindre les investissements immobiliers, surtout judiciaires.

Cependant, cette économie a un prix important. En effet, les conditions de travail des agents sont dégradées et la mauvaise gestion des projets engendre des aménagements, voire des ajournements des chantiers, dont le coût augmente.

L'exemple du nouveau palais de justice de Lille est à cet égard éloquent. L'opération a été approuvée en 2016 et devait aboutir en 2021. Mais la programmation a évolué à plusieurs reprises et l'appel d'offres finalement lancé en 2019 s'est révélé infructueux. Les travaux ont commencé sur le fondement d'un appel d'offres engagé en 2021, année initialement prévue pour la livraison du bâtiment, qui s'avère trop petit avant même d'avoir été livré, compte tenu des nouvelles projections de recrutement du ministère.

Il est donc essentiel d'améliorer la qualité de l'immobilier judiciaire, ce qui exige en premier lieu de remédier aux pesanteurs de la politique immobilière du ministère. À cet égard, je rejoins la proposition formulée plus tôt, durant l'examen de l'avis budgétaire relatif à l'administration pénitentiaire, concernant l'adoption d'une procédure spécifique.

Lors de son audition devant notre commission, le garde des sceaux a indiqué qu'il engagerait, le 2 décembre prochain, une vaste réorganisation des politiques numérique et immobilière de la Chancellerie. Nous attendons de ces annonces qu'elles étayent la démarche actuelle du ministère, qui nous semble vertueuse quoiqu'encore inaboutie.

Nous vous proposons donc d'émettre un avis favorable à l'adoption des crédits de ces programmes.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Dans la situation budgétaire aride dans laquelle nous sommes, lorsque des crédits progressent, nous les considérons avec un oeil favorable. C'est le cas du budget de la justice, qui a déjà augmenté de manière conséquente pendant plusieurs années.

Cependant, nous devrons faire preuve de vigilance sur deux points : l'embolisation de la justice criminelle et le traitement des violences sexuelles et sexistes (VSS).

Le stock d'affaires criminelles a doublé en cinq ans. En 2024, 4 593 dossiers criminels étaient en attente de jugement, contre 2 368 en 2019. Le délai d'écoulement du stock est donc passé de 12 à 17 mois.

Dans le projet de loi visant à assurer une sanction utile, rapide et effective (Sure), Gérald Darmanin fait des propositions qui tentent de répondre à cette situation. Certaines posent problème, comme l'instauration de la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC) criminelle ou l'impossibilité de faire appel de la décision d'une cour d'assises départementale devant une cour d'assises classique. Le garde des sceaux propose des solutions pragmatiques, mais j'ignore quels principes fondent sa démarche.

Nous ne sommes pas très conscients de ce qui se passe en matière de justice criminelle et n'entendons parler que des grands procès. D'ailleurs, ces derniers peuvent poser des difficultés d'organisation. Ainsi, lorsque la cour d'assises du Vaucluse a organisé le procès Pelicot, les autres procédures en cours ont pris un an de retard.

La justice civile connaît aussi des retards considérables, auxquels le garde des sceaux essaie de répondre avec le décret dit Rivage, en sacrifiant certains principes. Plutôt que d'essayer de faire face à l'afflux des demandes, il décide de limiter la possibilité de formuler ces demandes, dans un état d'esprit qui percute le principe de l'accès à son juge. Vaut-il mieux attendre longtemps pour avoir accès à son juge ou ne pas y avoir accès du tout ?

Face aux difficultés financières, ce budget reprend quelques bonnes idées apparentes, comme celle du droit de timbre, à laquelle nous sommes défavorables, car nous sommes attachés au principe de la gratuité de la justice.

Par ailleurs, le PLF reprend l'idée de mettre les frais de justice à la charge du condamné. Cette mesure avait été abandonnée parce que les tribunaux étaient incapables d'établir ces frais de manière stable. En tout état de cause, le gain est plutôt modeste. Au-delà, je voudrais attirer votre attention sur un sujet précis. Une personne peut être condamnée à une peine de détention, à une amende et à l'indemnisation de la partie civile. Si nous mettons aussi à sa charge les frais de justice, nous serons confrontés à un problème de priorisation des créances. Nous ne souhaitons pas que la créance de l'État devance celle de la partie civile, qui risque de ne jamais être indemnisée. Nous sommes défavorables à cette mesure, car nous sommes soucieux des droits de la partie civile.

Enfin, nous proposerons un amendement de suppression de l'article rattaché concernant les expertises.

Toutes ces mesures révèlent un état d'esprit : pour trouver des solutions budgétaires, on affaiblit la capacité des plus modestes d'avoir accès à une justice de qualité.

J'en viens aux VSS. Après avoir baissé pendant vingt ans, le nombre de féminicides par an stagne, malgré la mise en place d'un grand nombre de mesures en quelques années, comme le dispositif téléphone grave danger, les ordonnances de protection ou encore la formation des magistrats et des policiers.

Un rapport très intéressant a été remis hier au garde des sceaux par Gwenola Joly-Coz et Éric Corbaux, les deux magistrats qui ont mis en place un processus de partenariat efficace entre le parquet et le siège lorsqu'ils servaient au tribunal de Pontoise, et proposent un certain nombre de pistes. Nous en revenons toujours à la question du modèle espagnol, à la possible création de juridictions spéciales et à l'instauration d'une juridiction qui traiterait en même temps du civil et du pénal dans ces affaires.

Nous proposerons des amendements. L'un porte sur les outre-mer, dont on s'émeut parfois, mais pour lesquels on ne fait rien.

Nous nous abstiendrons aujourd'hui et notre vote en séance dépendra du sort réservé à nos amendements.

Mme Agnès Canayer. - Nous progressons sur le numérique et l'immobilier. Cependant, concernant ce dernier sujet, est-ce bien à la justice de gérer ? Quel est son degré de compétence en la matière ? Cette question ne devrait-elle pas relever du patrimoine ?

La courbe prévue par la LOPJ est-elle respectée en matière de recrutement des magistrats et des greffiers ? Où en est-on de l'ouverture du recrutement des magistrats ? Compte-t-on davantage de juges ayant déjà eu une expérience professionnelle ?

M. Francis Szpiner. - Au parquet de Marseille, il manque 20 substituts pour lutter contre le narcotrafic. Qu'en est-il des recrutements ?

Je ferai quelques observations concernant l'engorgement des cours d'assises. D'abord, et c'est heureux, il est causé par des procédures d'appel qui n'existaient pas auparavant.

Par ailleurs, je ne comprends pas le blocage sur la CRPC. Celui qui s'y soumet accepte de reconnaître les faits et d'écoper d'une peine négociée. En matière criminelle, pensez-vous qu'une femme victime d'agression serait mécontente que son agresseur reconnaisse les faits et qu'il soit ainsi évité à la victime d'avoir à déballer à nouveau ce qui lui est arrivé ? Justice serait ainsi rendue et bien rendue. Dans de nombreux cas, nous pourrions nous épargner l'énergie dépensée lors de procès dont nous connaissons à peu près l'issue, avant même qu'ils n'aient commencé. Avec la CRPC, la sanction arrive plus vite et elle est mieux acceptée. Elle permet de désengorger les cours d'assises sans que la justice en soit pénalisée.

Concernant les frais de justice, vous allez donner aux greffiers un travail formidable pour calculer leur montant. Des sommes astronomiques seront demandées, qui ne seront jamais payées. Il vaut mieux établir un forfait de frais de justice, qui serait à la charge du condamné et serait fixé en fonction du type d'affaires. Nous gagnerions du temps et de l'argent. Par ailleurs, ces mesures ne nuisent pas aux parties civiles, car notre droit est protecteur des victimes.

Mme Olivia Richard. - Concernant le plaider coupable, nous savons à quel point ce qui s'est passé lors du procès de M. Pelicot a permis de faire évoluer les consciences et d'instaurer un débat, comme seul permet de le faire un procès public. Or, pour les violences sexuelles, la tendance est de correctionnaliser. Le recours à des cours criminelles permettait d'éviter cette pente glissante ; il ne faudrait pas rendre invisibles des sujets qui commencent enfin à émerger et à nourrir des débats de société.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Je n'ai pas parlé de blocage sur la CRPC criminelle. Le sujet est complexe et il va falloir qu'on y réfléchisse. Pour tempérer l'enthousiasme de M. Szpiner, je préciserai que ce dispositif ne permettrait de traiter que 10 % environ des affaires criminelles.

Mme Lauriane Josende, rapporteure pour avis. - Au sujet du droit de timbre, nous n'avons pas encore trouvé de meilleure solution, compte tenu des besoins de la justice et de la situation budgétaire du pays. Il ne s'agit d'ailleurs pas d'une nouveauté. Un dispositif similaire était en vigueur entre 2011 et 2014 et je me permets de vous rappeler qu'un droit de timbre de 225 euros existe déjà lorsqu'un justiciable interjette appel.

Concernant la mise de tout ou partie des frais d'enquête à la charge de la personne physique condamnée, il ne s'agit en effet pas d'une nouveauté. Ce dispositif a été supprimé en 1993 du fait des difficultés techniques et matérielles alors rencontrées. Depuis, les moyens numériques ont beaucoup évolué. Le ministère assure que les actes, qui sont forfaitisés, seront comptabilisés de façon automatique, grâce à l'identifiant de dossier judiciaire (IDJ) attaché à chaque procédure au sein de la procédure pénale numérique. Vous remarquerez par ailleurs que le magistrat conservera une marge de manoeuvre en la matière et pourra décider de ne pas ordonner cette prise en charge, par la personne condamnée, des frais d'enquête. C'est l'une des raisons pour lesquelles le ministère reste prudent dans son estimation des sommes qui pourraient être récupérées : il ne les évalue qu'à 2 millions d'euros pour 2026. Cependant, il faut bien s'engager et tenter de prendre des mesures.

Concernant la politique immobilière, le ministère doit faire des annonces la semaine prochaine. Il s'engage à tenter de rationaliser sa politique en la matière et de clarifier la répartition des missions entre l'agence publique pour l'immobilier de la justice (Apij) et la direction des services judiciaires (DSJ). L'un des problèmes essentiels réside dans le décalage entre la conception initiale et l'exécution des projets, qui souffre de la lourdeur des procédures et s'étend dans le temps.

S'agissant du nombre de magistrats, le ministère est confiant quant à sa capacité d'honorer les engagements pris dans la LOPJ. Il faudra en toute hypothèse tirer un bilan pour savoir quels recrutements il sera encore nécessaire d'opérer. L'essentiel des personnes que nous avons entendues s'accorde pour considérer qu'ils demeureront importants.

Mme Dominique Vérien, rapporteure pour avis. - En ce qui concerne le recrutement des greffiers, il y a eu des retards. Cependant, l'école nationale des greffes (ENG) s'est adaptée pour accueillir des promotions plus nombreuses et organiser deux concours par an. De plus, le nouveau statut des greffiers devrait aider à mieux recruter. Le nombre de candidats augmente sensiblement. Aussi, le ministère devrait rattraper son retard cette année.

Nous avons interrogé les syndicats représentatifs de la magistrature et les services de la Chancellerie au sujet de l'ouverture du recrutement des magistrats, mais tous considèrent qu'il est encore trop tôt pour en dresser un bilan. Nous assurerons le suivi de cette réforme dans les prochaines années.

J'en viens aux expertises judiciaires, notamment psychiatriques. Lorsque nous avons travaillé sur la prévention de la récidive en matière de viol et d'agressions sexuelles dans le cadre d'une mission d'information, les psychiatres eux-mêmes nous avaient dit qu'il ne fallait pas tout psychiatriser et privilégier des interventions lorsqu'elles sont vraiment utiles. Cependant, les magistrats doivent être formés pour savoir si l'expertise est nécessaire ou non. Or, nous peinons à mettre en place des formations sur ces sujets.

Les formations ne se mettent pas en place comme elles le devraient. La mission interministérielle pour la protection des femmes victimes de violences et la lutte contre la traite des êtres humains (Miprof) compte 9 postes et un budget de fonctionnement de 20 000 euros. Nous ne nous sommes pas donné les moyens d'assurer cette formation. Les magistrats ne sont donc pas forcément formés, y compris quand ils entrent dans des pôles spécialisés dans la lutte contre les violences intrafamiliales (Vif). Nous sommes confrontés à un problème concernant les formations et leur efficacité.

Je suis prête à envisager la mise en place des CRPC. Je suis d'accord avec Olivia Richard : il faut quelques procès d'exemple. Cependant, certaines femmes ne souhaitent pas que le procès de leur agresseur soit public. Il faudra de toute façon l'avis de la victime pour mettre en place ces procédures. Je n'y suis pas opposée si l'on communique bien sur le résultat et que l'on explique que les peines sont lourdes aussi. La CRPC pourrait même être plus didactique qu'un grand procès.

Concernant les frais de justice, il serait dommage que le ministère soit le seul organisme à ne pas savoir faire une comptabilité analytique, qui pourrait aussi permettre de bien piloter les dépenses. Si cette mesure peut pousser à sa mise en place, ne nous en privons pas.

Mme Lana Tetuanui. - Je voudrais encore plaider pour nos outre-mer, où le narcotrafic et les Vif sévissent particulièrement, et où le regard porté sur le fonctionnement de la justice doit être le même qu'en métropole.

Je pense déposer un amendement sur le texte. Il portera sur la Polynésie française, territoire vaste comme l'Europe dans lequel, pour tenir des audiences foraines dans certains endroits, il faut que le juge, le greffier et le reste du personnel se déplacent. Il s'agira de se pencher sur l'accompagnement des très jeunes enfants victimes de violences sexuelles, qui doivent être suivis dans des structures adaptées.

Enfin, quid de la mobilité des magistrats dans les outre-mer ? Au-delà d'un certain temps passé en fonction, un problème d'impartialité se pose parce que les magistrats connaissent tout le monde.

Mme Dominique Vérien, rapporteure pour avis. - Selon un rapport de la Miprof, en 2024, 600 nourrissons ont été victimes de violences sexuelles. Je comprends votre engagement sur le sujet.

En ce qui concerne la mobilité des magistrats, elle est obligatoire au bout de dix ans pour ceux qui occupent des fonctions spécialisées. La LOPJ a modifié les choses ; il faudra vérifier que cette mesure s'applique bien.

La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits du programme 166 « Justice judiciaire », du programme 101 « Accès au droit et à la justice », du programme 310 « Conduite et pilotage de la politique de la justice » et du programme 335 « Conseil supérieur de la magistrature » de la mission « Justice ».

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