PREMIÈRE PARTIE
UN
BUDGET EN HAUSSE, QUI PERMET DE DÉVELOPPER UNE POLITIQUE PLUS RIGOUREUSE
DE GESTION DES FLUX DANS UN CONTEXTE DE PRESSION MIGRATOIRE CONTINUE
I. UNE ACUITÉ TOUJOURS FORTE DE LA PRESSION MIGRATOIRE EN FRANCE ET EN EUROPE
A. UNE PRESSION MIGRATOIRE ENCORE PROCHE DES NIVEAUX CONSTATÉS LORS DE LA CRISE DES ANNÉES 2015 ET 2016
1. Une pression migratoire qui se contracte légèrement à l'échelle de l'Union européenne
Après une année 2020 marquée par l'épidémie de COVID-19, la pression migratoire a repris depuis 2021 sa tendance nettement haussière en Europe, tant s'agissant des demandes d'asile que des titres de séjour ou de l'immigration irrégulière.
S'agissant de l'asile, près d'un million de demandes ont été enregistrées en 2024 dans l'Union européenne5(*) (UE), soit une baisse de 10 % par rapport à 2023. Toutefois, ce niveau représente une augmentation de près de 60 % par rapport à 2021, un niveau très proche des records historiques observés à l'occasion de la « crise migratoire » des années 2015 et 2016. Depuis 2010, les demandes d'asile progressent de plus de 10 % par an dans tous les pays européens.
Évolution du nombre de demandes d'asile au sein de l'Union européenne
Source : commission des finances, d'après les données d'Eurostat
Par ailleurs, 3,5 millions de premiers titres de séjours ont été accordés en 2024 par les États membres à des étrangers non membres de l'UE, soit une baisse de l'ordre de 8 % par rapport à 2023. Ce niveau doit être comparé avec celui qui prévalait en 2019, à savoir 2,9 millions de titres6(*), ce qui correspond à une hausse de près de 21 % en 5 ans.
Enfin, l'immigration irrégulière, par nature difficile à mesurer, semble aussi être en baisse. Selon Frontex, près de 239 000 personnes seraient entrées illégalement dans l'UE en 2024, soit 38 % de moins qu'en 2023. Cette tendance baissière se confirme pour 2025 dès lors que 63 700 franchissements irréguliers de frontière de l'UE ont été détectés entre janvier et septembre 2025, soit une baisse de 22 % pour ces neuf premiers mois de l'année par rapport à 2024.7(*)
2. Une contraction dénuée d'effet en France en 2024
a) Des flux de migration à des niveaux très élevés
Alors même que les flux sont légèrement en baisse au niveau agrégé européen, ces derniers ne se tarissent pas en France.
S'agissant des demandes d'asile, 153 715 demandes ont été introduites à l'OFPRA en 2024, soit un record historique. Le nombre de demandes est en hausse de près de 8 % par rapport à 2023, qui comptabilisait déjà un record historique de 142 649 demandes.
En 2024, la France est le quatrième pays principal d'accueil, derrière l'Allemagne (237 000 demandes), l'Espagne (166 500 demandes), et l'Italie (159 000 demandes). La demande d'asile présentée auprès de la France se compose à 43 % de ressortissants d'États africains, à 23 % de ressortissants d'États d'Asie et à 24 % de ressortissants d'États européens non membres de l'UE.
Évolution du nombre de demandes d'asile enregistrées annuellement à l'OFPRA
Source : commission des finances, d'après les données du ministère de l'intérieur et de l'OFPRA
La baisse des demandes d'asile enregistrées au niveau européen en 2024 commence seulement à produire des effets cette année en France. Au 30 septembre 2025, l'OFPRA a enregistré, réexamens inclus, 110 750 demandes, soit une réduction de - 4,5 % par rapport à la même période l'année passée8(*). Si cette tendance baissière se poursuit jusqu'à la fin de l'année, le nombre de demandes d'asile pourrait s'établir, selon les estimations de l'OFPRA, à 146 800 demandes en 2025. La stabilité de cette tendance après 2026 sera tributaire de l'évolution du contexte géopolitique à l'échelle mondiale.
Les décisions de protection rendues par l'OFPRA et la CNDA
Les personnes présentant une demande d'asile en France doivent la déposer en guichet unique pour demandeur d'asile (GUDA) auprès de la préfecture, puis devant l'OFPRA. Ce dernier est compétent pour statuer sur ces demandes, avec un appel possible devant la Cour nationale du droit d'asile (CNDA), qui relève des juridictions de l'ordre administratif.
En 2024, l'OFPRA et la CNDA ont rendu au total 70 284 décisions positives de protection (octroi du statut de réfugié, d'apatride, ou de la protection subsidiaire), contre 60 895 en 2022 (56 276 en 2022 et 54 384 en 2021), soit une hausse de 15,4 %. 42 120 demandeurs d'asile se sont vus accorder le statut de réfugié et 28 154 la protection subsidiaire.
La majorité de ces décisions positives sont prises par l'OFPRA, qui a prononcé 54 430 admissions en 2024. L'OFPRA ayant rendu au total 141 911 décisions en 2024, le taux de protection avant recours éventuel devant la CNDA augmente de près de 6 points et s'établit à plus de 38 %. La CNDA a quant à elle rendu en appel 15 854 décisions de protection en 2024.
À l'issue des décisions de l'OFPRA et de la CNDA, le taux de protection atteint 49,4 %9(*) des demandes examinées en 2024, contre 44,7 % en 2023 et 41,4 % en 2022. Les quatre principales nationalités concernées par l'admission au statut de réfugié sont les Afghans (28,5 %), les Guinéens (7,1 %), les Turcs (6,1 %) et les Ivoiriens (6 %). Pour la protection subsidiaire, ce sont les Haïtiens (27,2 %), les Ukrainiens (24,1 %), les Afghans (8,7 %) et les Soudanais (6,1 %).
En 2024, le taux de protection globale progresse notamment en raison de la composition des demandes d'asile, dont la part relevant de pays d'origine très susceptibles de conduire à une protection (dont l'Ukraine10(*), le Soudan, Haïti et l'Afghanistan) augmente.
Source : commission des finances, d'après les rapports annuels 2024 de l'OFPRA et de la CNDA
En matière de délivrance de premiers titres de séjour, la tendance est également nettement à la hausse. En 2024, 343 024 titres relevant de cette catégorie ont été délivrés, en hausse de près de 5 % par rapport à 2023, et une croissance plus importante, encore de l'ordre de 13 %, s'agissant des titres délivrés pour motif humanitaire.
Évolution du nombre et du type de premiers
titres de séjours
délivrés annuellement depuis
2018
Source : commission des finances, d'après les données du ministère de l'intérieur
Depuis 2018, le nombre des primo-délivrances de titres de séjour a augmenté de plus de 23 %. Sur cette période, ce sont les titres de séjour pour motif économique qui ont le plus augmenté en proportion sur la période (+ 69 %), devant le motif humanitaire (+ 53 %), et étudiant (+ 32 %). Les titres de séjour pour motif divers ont diminué (- 8,3), de même que ceux délivrés pour motif familial, qui se sont réduits de - 7,2 %. En 2024, le motif étudiant (32,3 %) est le plus fréquent, devant le motif familial (26,4 %), économique (17 %), humanitaire (15,8 %) et divers (8,3 %).
De plus, il convient de relever l'influence des ressortissants britanniques dans le volume total des primo-délivrances, à partir de 2021, dans le contexte du Brexit. Si entre 2021 et 2024, le nombre de premiers titres de séjour délivrés a diminué de 10 %, passant de 382 726 à 343 024 premiers titres, ces derniers ont en revanche augmenté de 18 % hors britanniques, passant de 282 772 à 334 128 premiers titres délivrés toutes nationalités confondues hors britannique.
Enfin, une baisse du nombre de signatures de contrats d'intégration républicaine11(*) (CIR) est constatée en 2024, de l'ordre de - 10,5 % par rapport à 202312(*), qui était une année record. Ce niveau de 2024, avec 114 443 CIR signés, est toutefois largement supérieur à celui des années précédentes, et en hausse de 4 % par rapport à 2022.
b) Des stocks de titres de séjour valides également en forte augmentation
Au 31 décembre 2024, 4,3 millions de documents de séjour de tous types étaient valides (y compris les renouvellements de plein droit), soit en hausse de près de 4 % par rapport à fin 2023. À l'échelle de dix ans, les stocks ont plus que doublé (+ 56 %) dès lors que 2,7 millions étaient valides en 2014.
Hors renouvellements de plein droit, les titres valides ont majoritairement été accordés pour motif familial ou humanitaire, devant les motifs visiteur, économique et étudiant. Il est estimé que le « stock » de bénéficiaires de la protection internationale (relevant de la catégorie « humanitaire ») atteint près de 640 000 en France au 31 décembre 2024.
Ventilation du stock de titres de séjours valides au 31 décembre 2024
(hors renouvellements de plein droit)
Source : commission des finances, d'après les données du ministère de l'intérieur
* 5 Selon les chiffres d'Eurostat.
* 6 Source : Eurostat.
* 7 https://www.frontex.europa.eu/media-centre/news/news-release/eu-external-borders-irregular-crossings-fall-22-in-the-first-9-months-of-2025-bUQtLl
* 8 L'évolution est toutefois inversée selon le type de dossiers. Alors que les premières demandes, qui représentent les volumes les plus importants, ont baissé de 14 % par rapport à la même période en 2024 (9 450 introductions chaque mois contre 11 000 en 2024), les demandes de réexamen ont progressé de 51 % (2 830 en moyenne mensuelle, contre 1 900 l'an passé).
* 9 Il s'agit du taux synthétique de protection, qui vise à rendre compte du taux de protection internationale accordé par la France, à la fois en première et en seconde instance. Il est calculé de telle sorte à s'affranchir de l'éventuel impact que peut avoir le décalage temporel entre l'examen par l'OFPRA d'une demande de protection et l'examen de son éventuel recours auprès de la CNDA.
* 10 Le nombre de demandes d'asile des personnes en provenance d'Ukraine a connu une hausse significative, alors qui sollicitaient jusqu'ici peu l'asile en raison de la protection temporaire dont ils peuvent bénéficier (voir infra).
* 11 Voir infra. Le contrat d'intégration républicaine (CIR) constitue la matérialisation du parcours personnalisé d'intégration républicaine de certains étrangers primo-arrivants et prévoit un dispositif de formation linguistique et civique.
* 12 Le ministère de l'intérieur explique cette baisse notamment par l'interruption des signatures de CIR au mois d'août au regard du contexte budgétaire.



