B. UN DISPOSITIF D'ÉLOIGNEMENT QUI PRODUIT TOUJOURS DES RÉSULTATS INSUFFISANTS JUSQU'ICI

1. Des retours forcés exécutés encore à des niveaux très faibles

Alors que les entrées légales et illégales sur le territoire français sont nombreuses, le dispositif d'éloignement des personnes en situation irrégulière a quant à lui connu des résultats très insuffisants jusqu'ici, même pour celles qui ont été identifiées comme telles et font l'objet d'une mesure d'éloignement (expulsion, OQTF, etc.).

En 2024, 12 856 retours forcés ont été exécutés, soit une hausse de l'ordre de 9,7 % par rapport à 2023, un niveau inférieur de 32 % à celui constaté en 2019. Pour le premier semestre 2025, 7 846 retours forcés ont été exécutés, ce qui peut laisser entrevoir une hausse de ces derniers pour l'année 2025.

Nombre de retours forcés exécutés entre 2018 et 2024

Source : commission des finances du Sénat, d'après le ministère de l'intérieur

Par ailleurs, s'agissant plus particulièrement des OQTF, leur taux d'exécution s'est particulièrement détérioré sur la dernière décennie, pour atteindre un taux historiquement bas de 5,7 % au premier semestre 202113(*). Entre 2019 et 2023, alors que le nombre d'OQTF prononcées a augmenté de 13 %, le taux d'exécution a diminué de près de 30 %. Si le taux d'exécution a progressé à partir de 2024, atteignant 11,4 % cette année-là et 10,6 % pour l'heure en 202514(*), ce niveau est toujours extrêmement faible.

Nombre d'OQTF prononcées et exécutées entre 2014 et 2024

Source : commission des finances du Sénat, d'après le ministère de l'intérieur

Le faible taux d'exécution des OQTF contraste avec celui des expulsions, prononcées pour des raisons de menaces graves à l'ordre public. En 2025, 42 % des expulsions ont été exécutées (sur 539 arrêtés d'expulsions prononcés au 30 juin 2025, 228 ont été pour l'heure exécutés). Par ailleurs, le nombre de mesures d'expulsion exécutées en retour forcé a augmenté de 47 % entre 2024 et 2025, sous l'effet de la loi n° 2024-42 du 26 janvier 2024 pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration, qui a notablement réduit le champ des protections contre l'expulsion en permettant leur levée dans un certain nombre de cas (notamment en cas de condamnation définitive pour un crime ou un délit passible d'un certain quantum de peine, pour des faits commis à l'encontre du conjoint ou des enfants et des faits commis à l'encontre de personnes dépositaires de l'autorité publique).

Au total, en décomptant également les départs aidés et spontanés, 21 467 départs à la suite d'une mesure d'éloignement ont été enregistrés en 2024, soit une hausse de 26 % par rapport à 2023. Toutefois, ce niveau reste largement inférieur à 2019 (31 404 départs).

2. Un déploiement timide du retour aidé

D'après les documents budgétaires, 4 675 départs aidés ont été exécutés en 2024, contre 4 467 en 2023, soit une hausse de près de 5 %. Selon les données transmises par la DGEF, 6 909 étrangers (mineurs et outre-mer inclus) ont été bénéficiaires de l'aide au retour volontaire en 2024. Une partie du différentiel s'explique par le fait que certains étrangers bénéficient de l'aide, sans que le départ soit pour autant exécuté. Au premier semestre 2025, 2 249 départs aidés ont été exécutés.

Les chiffres constatés en 2024 sont loin des cibles espérées de 8 000 départs aidés en 2025 et 2026. Au regard du nombre de bénéficiaires de l'aide fin 2025, estimé à 7 650 personnes, la cible de 8 000 départs a été maintenue. Celle-ci sera rehaussée à 10 000 en 2027 puis 12 000 en 2028 selon le projet annuel de performances, pour atteindre la parité avec la cible des retours forcés.

Le nombre de départs aidés est également faible au regard des niveaux constatés dans d'autres pays européens. Au Royaume-Uni, 8 894 départs aidés ont été exécutés en 2022, tandis que 7 872 et 9 544 départs aidés sont constatés respectivement en 2022 et 2023 en Allemagne.

La faiblesse des départs aidés exécutés est d'autant plus regrettable que des structures sont disponibles, avec des potentiels de départs importants. En effet, 2 000 places sont disponibles au sein des centres de préparation au départ, qui sont chroniquement sous-employées, avec un taux d'occupation atteignant à peine 40 %. Ainsi, une expérimentation est en cours en Meurthe-et-Moselle, pour placer en centre de préparation au retour des étrangers en situation irrégulière sous OQTF, initialement non volontaires, pour un retour aidé avec un accompagnement qualitatif accru de la part de l'OFII et de l'opérateur gestionnaire du centre (Adoma).

Ce dispositif présente donc des potentiels encore peu exploités, alors même que le coût d'un retour aidé moyen présente un coût quatre fois inférieur au coût moyen d'un éloignement forcé (1 120 euros contre 4 414 euros) selon la Cour des comptes sur la période 2018-202215(*).


* 13 Services de l'État et immigration : retrouver sens et efficacité, rapport d'information n° 626 (2021-2022) de M. François-Noël BUFFET, fait au nom de la commission des lois, déposé le 10 mai 2022.

* 14 Sur 69 888 OQTF prononcées, 7 426 ont été exécutées au premier semestre 2025.

* 15 Cour des comptes, La politique de lutte contre l'immigration irrégulière, janvier 2024.

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