- L'ESSENTIEL
- PREMIÈRE PARTIE
UN BUDGET EN HAUSSE, QUI PERMET DE DÉVELOPPER UNE POLITIQUE PLUS RIGOUREUSE DE GESTION DES FLUX DANS UN CONTEXTE DE PRESSION MIGRATOIRE CONTINUE
- I. UNE ACUITÉ TOUJOURS FORTE DE LA PRESSION
MIGRATOIRE EN FRANCE ET EN EUROPE
- II. UNE HAUSSE DES CRÉDITS CONCENTRÉE
SUR LA LUTTE CONTRE L'IMMIGRATION IRRÉGULIÈRE, AVEC UNE
TRAJECTOIRE BUDGÉTAIRE PROCHE DE LA PROGRAMMATION
- A. UN BUDGET QUI RETROUVE SON NIVEAU DE 2024
- 1. Un budget qui n'intègre qu'un peu plus de
20 % des dépenses de l'État liées à
l'immigration et l'intégration
- 2. Une hausse des crédits portée
en 2026 par le programme 303 « Immigration et
asile »
- 3. Des crédits encore largement
destinés à l'asile malgré une progression de la lutte
contre l'immigration irrégulière
- 1. Un budget qui n'intègre qu'un peu plus de
20 % des dépenses de l'État liées à
l'immigration et l'intégration
- B. UN BUDGET PROCHE DE LA PROGRAMMATION
INTÉGRANT TOUTEFOIS UN VOLUME DE DÉPENSES IMPORTANTES NON
PRÉVUES
- 1. Un budget légèrement en
deçà de la trajectoire de la LOPMI
- 2. Les crédits dédiés aux
bénéficiaires de la protection temporaire sont, encore cette
année, intégrés au budget initial
- 3. Une entrée en vigueur du pacte
européen sur la migration et l'asile supposant le financement de
nouveaux dispositifs à hauteur de 85 millions d'euros
pour 2026
- 1. Un budget légèrement en
deçà de la trajectoire de la LOPMI
- A. UN BUDGET QUI RETROUVE SON NIVEAU DE 2024
- I. UNE ACUITÉ TOUJOURS FORTE DE LA PRESSION
MIGRATOIRE EN FRANCE ET EN EUROPE
- DEUXIÈME PARTIE
ANALYSE PAR PROGRAMME
- I. LE PROGRAMME 303 : UNE CAPTATION
INTÉGRALE DE LA HAUSSE DES CRÉDITS, À DESTINATION
PARTICULIÈREMENT DE LA LUTTE CONTRE L'IMMIGRATION
IRRÉGULIÈRE
- A. UNE OPTIMISATION DES CRÉDITS
DÉDIÉS AUX CONDITIONS MATÉRIELLES D'ACCUEIL
- B. UNE HAUSSE SALUTAIRE DE L'INVESTISSEMENT
IMMOBILIER AFIN DE TENIR L'OBJECTIF DE 3 000 PLACES DE
RÉTENTION ADMINISTRATIVE À HORIZON 2029
- A. UNE OPTIMISATION DES CRÉDITS
DÉDIÉS AUX CONDITIONS MATÉRIELLES D'ACCUEIL
- II. LE PROGRAMME 104 : UNE STAGNATION DES
CRÉDITS DÉDIÉS À L'INTÉGRATION
- A. UNE STABILISATION DES CRÉDITS
POUR 2026 ALORS MÊME QUE LA RÉFORME DES FORMATIONS
LINGUISTIQUES ET CIVIQUES DOIT ENTRER EN VIGUEUR AU 1ER JANVIER
- 1. Une reconduction de l'enveloppe
dédiée à l'accueil des étrangers
primo-arrivants
- 2. Le niveau de langues pour l'obtention d'une
carte de séjour pluriannuelle est rehaussé, mais l'obligation de
formation linguistique disparaît
- 3. La délivrance des cartes de
séjour pluriannuelles et de résident est aussi
conditionnée à la réussite d'un examen à l'issue de
la formation civique, dont le contenu et les modalités viennent
d'être précisés
- 1. Une reconduction de l'enveloppe
dédiée à l'accueil des étrangers
primo-arrivants
- B. UNE NUMÉRISATION DE LA FORMATION
LINGUISTIQUE ET UNE PRISE EN CHARGE FINANCIÈRE PAR LES ÉTRANGERS
DES CERTIFICATIONS, MINIMISANT SIGNIFICATIVEMENT LES COÛTS DE LA
RÉFORME
- A. UNE STABILISATION DES CRÉDITS
POUR 2026 ALORS MÊME QUE LA RÉFORME DES FORMATIONS
LINGUISTIQUES ET CIVIQUES DOIT ENTRER EN VIGUEUR AU 1ER JANVIER
- I. LE PROGRAMME 303 : UNE CAPTATION
INTÉGRALE DE LA HAUSSE DES CRÉDITS, À DESTINATION
PARTICULIÈREMENT DE LA LUTTE CONTRE L'IMMIGRATION
IRRÉGULIÈRE
- EXAMEN DE L'ARTICLE RATTACHÉ
- EXAMEN PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE
- EXAMEN EN COMMISSION
- LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
- LA LOI EN CONSTRUCTION
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N° 139 SÉNAT SESSION ORDINAIRE DE 2025-2026 |
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Enregistré à la Présidence du Sénat le 24 novembre 2025 |
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RAPPORT GÉNÉRAL FAIT au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi de finances, considéré comme rejeté par l'Assemblée nationale, pour 2026, |
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Par M. Jean-François HUSSON, Rapporteur général, Sénateur LES MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DISPOSITIONS SPÉCIALES (seconde partie de la loi de
finances) |
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Rapporteur spécial : Mme Marie-Carole CIUNTU |
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(1) Cette commission est composée de : M. Claude Raynal, président ; M. Jean-François Husson, rapporteur général ; MM. Bruno Belin, Christian Bilhac, Michel Canévet, Emmanuel Capus, Thierry Cozic, Thomas Dossus, Albéric de Montgolfier, Didier Rambaud, Stéphane Sautarel, Pascal Savoldelli, vice-présidents ; Mmes Marie-Carole Ciuntu, Frédérique Espagnac, MM. Marc Laménie, Hervé Maurey, secrétaires ; MM. Pierre Barros, Arnaud Bazin, Grégory Blanc, Mmes Florence Blatrix Contat, Isabelle Briquet, M. Vincent Capo-Canellas, Mme Marie-Claire Carrère-Gée, MM. Raphaël Daubet, Vincent Delahaye, Bernard Delcros, Vincent Éblé, Rémi Féraud, Stéphane Fouassin, Mme Nathalie Goulet, MM. Jean-Raymond Hugonet, Éric Jeansannetas, Christian Klinger, Mme Christine Lavarde, MM. Antoine Lefèvre, Dominique de Legge, Victorin Lurel, Jean-Marie Mizzon, Claude Nougein, Olivier Paccaud, Mme Vanina Paoli-Gagin, M. Georges Patient, Mme Sophie Primas, M. Jean-François Rapin, Mme Ghislaine Senée, MM. Laurent Somon, Christopher Szczurek, Mme Sylvie Vermeillet, M. Jean Pierre Vogel. |
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Voir les numéros : Assemblée nationale (17ème législ.) : 1906, 1990, 1996, 2006, 2043, 2047, 2048, 2060, 2063 et T.A. 180 Sénat : 138 et 139 à 145 (2025-2026) |
L'ESSENTIEL
I. UNE HAUSSE DES CRÉDITS PRESQUE CONFORME À LA PROGRAMMATION DANS UN CONTEXTE DE PRESSION MIGRATOIRE CONTINUE
A. UNE LÉGÈRE CONTRACTION DES FLUX MIGRATOIRES AU NIVEAU EUROPÉEN, QUI A POUR L'HEURE DES EFFETS LIMITÉS EN FRANCE
En 2024, une légère contraction de la pression migratoire est observée au niveau européen avec une baisse de 10 % des demandes d'asile enregistrées et de 8 % de premiers titres de séjour accordés par les États membres par rapport à 2023. Il en va de même pour l'immigration irrégulière. Selon Frontex, près de 239 000 personnes seraient entrées illégalement dans l'Union européenne en 2024, soit 38 % de moins qu'en 2023.
La pression migratoire est toutefois toujours intense et proche des volumes observés lors de la crise migratoire des années 2015 et 2016, avec près d'un million de demandes d'asile enregistrées et 3,5 millions de premiers titres de séjour octroyés en 2024 à l'échelle européenne.
Cette tendance baissière n'a pas eu d'effets en France en 2024, avec 153 715 demandes d'asile enregistrées, soit une hausse de 8 % par rapport à 2023. En matière de délivrance de premiers titres de séjour, la tendance reste nettement à la hausse, avec 343 024 titres relevant de cette catégorie délivrés, en hausse de près de 5 % par rapport à 2023. Par ailleurs, fin 2024, 4,3 millions de documents de séjour de tous types étaient valides, soit plus de 4 % qu'en 2023.
En revanche, la baisse commence seulement à être observée cette année puisqu'au 30 septembre 2025, l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA) a enregistré, réexamens inclus, 110 750 demandes, soit une réduction de 4,5 % par rapport à la même période l'année passée. Si cette diminution se poursuit jusqu'à la fin de l'année, le nombre de demandes d'asile pourrait s'établir, selon les estimations de l'OFPRA, à 146 800 demandes en 2025.
B. UNE POLITIQUE D'ÉLOIGNEMENT ENCORE À LA RECHERCHE D'EFFICACITÉ
1. Une exécution encore très faible des retours forcés
Seuls 12 856 retours forcés ont été exécutés en 2024, soit plus de 30 % de moins qu'en 2019. Si le taux d'exécution des obligations de quitter le territoire français (OQTF) a progressé à partir de 2024, atteignant 11,4 % cette année-là et 10,6 % pour l'heure en 2025, ce niveau est toujours extrêmement faible. Ce taux contraste avec celui des expulsions, prononcées pour des raisons de menace grave à l'ordre public, de 42 % en 2025. Il a fortement augmenté sous l'effet de la loi du 26 janvier 2024 pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration, qui en a étendu le champ.
2. Un déploiement timoré des départs aidés
4 675 départs aidés ont été exécutés en 2024, pour une cible de 8 000 départs. Selon les données transmises par la direction générale des étrangers en France (DGEF), 6 909 étrangers ont été bénéficiaires de l'aide au retour volontaire en 2024. Une partie du différentiel s'explique par le fait que certains étrangers bénéficient de l'aide, sans que le départ soit pour autant exécuté. Pourtant, 2 000 places sont disponibles au sein des centres de préparation au départ, qui sont chroniquement sous-employés, puisque leur taux d'occupation atteint à peine 40 %.
C. UN BUDGET QUI INTÈGRE LES DÉPENSES LIÉES AUX BÉNÉFICIAIRES DE LA PROTECTION TEMPORAIRE ET À LA MISE EN oeUVRE DU PACTE EUROPÉEN SUR LA MIGRATION ET L'ASILE, NON PRÉVUES LORS DE LA PROGRAMMATION
Évolution des crédits de la mission « Immigration, asile et intégration »
(en millions d'euros)
Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires
Pour 2025, les crédits demandés sur la mission « Immigration, asile et intégration » s'élèvent à 2,24 milliards d'euros en AE et à 2,16 milliards d'euros en CP, ce qui représente une hausse des AE de 25,2 % et des CP de 3,8 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2025.
Le programme 303 « Immigration et asile » capte l'intégralité de l'augmentation des crédits de la mission pour 2026, soit plus de 450 millions d'euros en AE et 80 millions d'euros en CP, largement à destination de la lutte contre l'immigration irrégulière.
Ce niveau est globalement conforme à ce que prévoit la LOPMI1(*), avec un écart d'à peine 0,1 %. Cependant, le budget pour 2026 intègre deux volumes de dépenses qui ne pouvaient pas être anticipées lors de la construction de la trajectoire programmatique de la LOPMI.
En premier lieu, les dépenses liées aux bénéficiaires de la protection temporaire (BPT), soit des réfugiés ukrainiens, sont intégrées, comme l'an passé, aux crédits du projet de loi de finances. Les documents budgétaires établissent un coût global des BPT de l'ordre de 84,4 millions d'euros (71,9 millions d'euros pour l'allocation pour demandeurs d'asile (ADA) et 12,5 millions d'euros pour l'hébergement). Au regard de la prévision de dépenses pour 2025 des BPT, de l'ordre de 164,9 millions d'euros, les crédits apparaissent de nouveau sous-évalués.
Ensemble des dépenses liées aux BPT entre 2022 et 2026
(en millions d'euros)
Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires et les données transmises par la DGEF
En second lieu, le projet de loi de finances comprend les dépenses prévues pour la mise en oeuvre du pacte européen sur la migration et l'asile, qui doit entrer en vigueur en juin 2026. Selon les informations transmises par la DGEF, à l'échelle de la mission, le coût programmé pour 2026 de mise en oeuvre du pacte s'élève à 84,8 millions d'euros. 78,7 millions d'euros sont prévus pour le programme 303 « Immigration et asile » et 6,1 millions d'euros sur le programme 104 « Intégration et accès à la nationalité française ». Plus de la moitié des crédits (47,2 millions d'euros) concerne la mise en oeuvre des nouvelles mesures applicables en matière d'asile (revalorisation de l'ADA induite par la transposition des nouvelles règles afférentes aux conditions matérielles d'accueil, construction de capacités adéquates pour la nouvelle procédure d'asile à la frontière ou encore le financement de nouvelles garanties procédurales applicables devant l'OFPRA).
II. DES MOYENS OPTIMISÉS POUR L'ASILE MAIS REVALORISÉS POUR LA LUTTE CONTRE L'IMMIGRATION IRRÉGULIÈRE, PERMETTANT AINSI UNE POLITIQUE PLUS RIGOUREUSE DE GESTION DES FLUX MIGRATOIRES
A. UNE HAUSSE SALUTAIRE DES CRÉDITS EN FAVEUR DE L'INVESTISSEMENT DANS LES CENTRES DE RÉTENTION ADMINISTRATIVE AFIN DE LUTTER EFFICACEMENT CONTRE L'IMMIGRATION IRRÉGULIÈRE
Après une forte réduction des dépenses d'investissement dans les centres de rétention administrative (CRA) dans le cadre de la loi de finances pour 2025, portées par l'action n° 03 « Lutte contre l'immigration irrégulière », le présent projet de loi de finances opère un rehaussement significatif des moyens alloués. Pour 2026, le montant prévisionnel de l'investissement dans les établissements de rétention est de 266,7 millions d'euros en AE et de 156,2 millions d'euros en CP, soit une progression de plus de 260 % en CP. Ce niveau de dépenses permettra donc d'atteindre 3 000 places de rétention à horizon 2029, comme le formulait récemment de ses voeux le rapporteur spécial dans son rapport sur l'extension de la capacité d'accueil des CRA2(*).
Toutefois, les dépenses d'investissement dédiées aux CRA sont chroniquement sous-consommées. Des obstacles tenant à la fois à la maîtrise du foncier, à l'acceptabilité locale, aux aléas des travaux et aux moyens humains à mobiliser, peuvent ralentir l'ouverture de nouveaux centres. Afin de pallier ces difficultés, deux recommandations du rapporteur sont en cours de mise en oeuvre3(*). En premier lieu, en complément de la construction de nouveaux centres, le ministère de l'intérieur va construire des bâtiments modulaires sécurisés et adaptés à la rétention administrative en lien avec l'Économat des Armées. En second lieu, des groupes de travail ont été mis en place par la direction nationale de la police aux frontières afin d'optimiser les recrutements. Dans ce contexte, des solutions d'externalisation et de substitution pourraient être mises en oeuvre.
B. UNE OPTIMISATION CONTINUE DES CRÉDITS DÉDIÉS AUX CONDITIONS MATÉRIELLES D'ACCUEIL
1. Une baisse nette des dépenses d'ADA principalement fondée sur l'amélioration des délais de traitement des demandes devant l'OFPRA
Pour 2026, la dotation prévue pour l'ADA s'élève à 313,4 millions d'euros, hors frais de gestion (241,4 millions d'euros pour l'ADA versée aux demandeurs d'asile et 71,9 millions d'euros pour l'ADA versée aux BPT). Ainsi, l'ADA versée aux demandeurs d'asile décroît de 5,2 millions d'euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2025 (246,6 millions d'euros), soit de 2 %. En neutralisant les dépenses de 25,2 millions d'euros liées à la mise en oeuvre du pacte européen pour la migration et l'asile, la baisse de la dotation de l'ADA en 2026 est, à périmètre constant, de 30,4 millions d'euros, soit un montant moindre de 12 % par rapport à 2025.
Afin de contenir les dépenses liées aux conditions matérielles d'accueil, la stratégie a été essentiellement de chercher à maîtriser les délais de traitement des demandes d'asile, afin d'atteindre, devant l'OFPRA, la cible toujours assez peu réaliste de 60 jours (le délai moyen étant de 161 jours au début 2025). Pour cela, le présent projet de loi de finances alloue 48 ETP supplémentaires à l'OFPRA, en plus des 29 accordés en loi de finances pour 2025, avec l'objectif qu'il rende 174 000 décisions en 2026.
2. Une réduction concomitante du parc d'hébergement du dispositif national d'accueil (DNA)
L'optimisation des dépenses liées aux CMA passe également par la réduction de la taille du parc d'hébergement du DNA. Pour 2026, 111 855 places ont été budgétées, soit une baisse de 1,3 % (1 403 places en moins). La réduction du parc d'hébergement touche principalement les demandeurs d'asile les plus vulnérables dès lors que le nombre de places dédiées à l'hébergement d'urgence sur tout le territoire (HUDA) passe de 40 011 places en 2025 à 27 711 places en 2026. Une partie de ces places HUDA seront transformées en places dans les centres d'accueil des demandeurs d'asile (CADA), qui évoluent de 11 000 places en 2026.
III. UNE STAGNATION DES CRÉDITS DÉDIÉS À L'INTÉGRATION QUI NE REMET PAS EN CAUSE LA RÉFORME DE LA FORMATION LINGUISTIQUE ET CIVIQUE DU FAIT DE LA DÉMATÉRIALISATION DE L'APPRENTISSAGE DU FRANÇAIS ET D'UNE PARTICIPATION FINANCIÈRE DES ÉTRANGERS
Les crédits du programme 104 s'élèvent à 368,5 millions d'euros, en AE comme en CP, soit une dotation relativement stable par rapport à 2025, alors même que la réforme des formations linguistiques et civiques des signataires du contrat d'intégration républicaine (CIR) issue de la loi du 26 janvier 2024 pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration, doit entrer en vigueur au 1er janvier 2026. D'une part, elle procède au rehaussement du niveau de langues du niveau A1 à A2 pour l'obtention d'une carte de séjour pluriannuelle, et, d'autre part, elle instaure un examen civique à l'issue de la formation civique. La seule réforme de la formation linguistique avait été chiffrée en 2024 à plus de 100 millions d'euros annuellement par le ministère de l'intérieur, qui a estimé à 40 % le nombre d'étrangers en plus orientés vers des formations linguistiques sous l'effet des exigences accrues. Finalement, la réforme se fera à budget constant grâce à trois mesures.
En premier lieu, la formation linguistique est devenue facultative depuis un décret du 15 juillet 2025, les étrangers pouvant suivre les cours de leur choix, même en dehors de l'OFII.
En deuxième lieu, celle-ci est intégralement numérisée, sauf pour les non-scripteurs et les non-lecteurs, qui continuent de bénéficier d'une formation en présentiel de 600 heures. Cette mesure réduit les coûts, de 6 000 euros par étranger, pour un formateur en présentiel, à 25 euros pour une licence afin d'accéder à une plateforme numérique.
Enfin, et conformément aux recommandations du rapporteur spécial4(*), les certifications linguistiques et civiques, soient les frais de passage des examens, seront prises en charge financièrement par les étrangers.
Réunie le 5 novembre 2025, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission des finances a décidé de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits de la mission.
Réunie à nouveau le mercredi 26 novembre 2025, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a confirmé sa décision de proposer au Sénat d'adopter les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration » et a proposé l'adoption d'un article additionnel rattaché après l'article 71 tendant à plafonner au niveau de l'aide juridictionnelle le montant des frais irrépétibles versés par l'OFPRA aux avocats défendeurs en cas d'annulation d'une décision par la CNDA.
L'article 49 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) fixe au 10 octobre la date limite pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires.
À cette date, le rapporteur spécial avait reçu 0 % des réponses à son questionnaire.
À la date d'examen en commission de la mission « Immigration, asile et intégration » le 5 novembre, il a obtenu 89,2 % des réponses.
PREMIÈRE PARTIE
UN
BUDGET EN HAUSSE, QUI PERMET DE DÉVELOPPER UNE POLITIQUE PLUS RIGOUREUSE
DE GESTION DES FLUX DANS UN CONTEXTE DE PRESSION MIGRATOIRE CONTINUE
I. UNE ACUITÉ TOUJOURS FORTE DE LA PRESSION MIGRATOIRE EN FRANCE ET EN EUROPE
A. UNE PRESSION MIGRATOIRE ENCORE PROCHE DES NIVEAUX CONSTATÉS LORS DE LA CRISE DES ANNÉES 2015 ET 2016
1. Une pression migratoire qui se contracte légèrement à l'échelle de l'Union européenne
Après une année 2020 marquée par l'épidémie de COVID-19, la pression migratoire a repris depuis 2021 sa tendance nettement haussière en Europe, tant s'agissant des demandes d'asile que des titres de séjour ou de l'immigration irrégulière.
S'agissant de l'asile, près d'un million de demandes ont été enregistrées en 2024 dans l'Union européenne5(*) (UE), soit une baisse de 10 % par rapport à 2023. Toutefois, ce niveau représente une augmentation de près de 60 % par rapport à 2021, un niveau très proche des records historiques observés à l'occasion de la « crise migratoire » des années 2015 et 2016. Depuis 2010, les demandes d'asile progressent de plus de 10 % par an dans tous les pays européens.
Évolution du nombre de demandes d'asile au sein de l'Union européenne
Source : commission des finances, d'après les données d'Eurostat
Par ailleurs, 3,5 millions de premiers titres de séjours ont été accordés en 2024 par les États membres à des étrangers non membres de l'UE, soit une baisse de l'ordre de 8 % par rapport à 2023. Ce niveau doit être comparé avec celui qui prévalait en 2019, à savoir 2,9 millions de titres6(*), ce qui correspond à une hausse de près de 21 % en 5 ans.
Enfin, l'immigration irrégulière, par nature difficile à mesurer, semble aussi être en baisse. Selon Frontex, près de 239 000 personnes seraient entrées illégalement dans l'UE en 2024, soit 38 % de moins qu'en 2023. Cette tendance baissière se confirme pour 2025 dès lors que 63 700 franchissements irréguliers de frontière de l'UE ont été détectés entre janvier et septembre 2025, soit une baisse de 22 % pour ces neuf premiers mois de l'année par rapport à 2024.7(*)
2. Une contraction dénuée d'effet en France en 2024
a) Des flux de migration à des niveaux très élevés
Alors même que les flux sont légèrement en baisse au niveau agrégé européen, ces derniers ne se tarissent pas en France.
S'agissant des demandes d'asile, 153 715 demandes ont été introduites à l'OFPRA en 2024, soit un record historique. Le nombre de demandes est en hausse de près de 8 % par rapport à 2023, qui comptabilisait déjà un record historique de 142 649 demandes.
En 2024, la France est le quatrième pays principal d'accueil, derrière l'Allemagne (237 000 demandes), l'Espagne (166 500 demandes), et l'Italie (159 000 demandes). La demande d'asile présentée auprès de la France se compose à 43 % de ressortissants d'États africains, à 23 % de ressortissants d'États d'Asie et à 24 % de ressortissants d'États européens non membres de l'UE.
Évolution du nombre de demandes d'asile enregistrées annuellement à l'OFPRA
Source : commission des finances, d'après les données du ministère de l'intérieur et de l'OFPRA
La baisse des demandes d'asile enregistrées au niveau européen en 2024 commence seulement à produire des effets cette année en France. Au 30 septembre 2025, l'OFPRA a enregistré, réexamens inclus, 110 750 demandes, soit une réduction de - 4,5 % par rapport à la même période l'année passée8(*). Si cette tendance baissière se poursuit jusqu'à la fin de l'année, le nombre de demandes d'asile pourrait s'établir, selon les estimations de l'OFPRA, à 146 800 demandes en 2025. La stabilité de cette tendance après 2026 sera tributaire de l'évolution du contexte géopolitique à l'échelle mondiale.
Les décisions de protection rendues par l'OFPRA et la CNDA
Les personnes présentant une demande d'asile en France doivent la déposer en guichet unique pour demandeur d'asile (GUDA) auprès de la préfecture, puis devant l'OFPRA. Ce dernier est compétent pour statuer sur ces demandes, avec un appel possible devant la Cour nationale du droit d'asile (CNDA), qui relève des juridictions de l'ordre administratif.
En 2024, l'OFPRA et la CNDA ont rendu au total 70 284 décisions positives de protection (octroi du statut de réfugié, d'apatride, ou de la protection subsidiaire), contre 60 895 en 2022 (56 276 en 2022 et 54 384 en 2021), soit une hausse de 15,4 %. 42 120 demandeurs d'asile se sont vus accorder le statut de réfugié et 28 154 la protection subsidiaire.
La majorité de ces décisions positives sont prises par l'OFPRA, qui a prononcé 54 430 admissions en 2024. L'OFPRA ayant rendu au total 141 911 décisions en 2024, le taux de protection avant recours éventuel devant la CNDA augmente de près de 6 points et s'établit à plus de 38 %. La CNDA a quant à elle rendu en appel 15 854 décisions de protection en 2024.
À l'issue des décisions de l'OFPRA et de la CNDA, le taux de protection atteint 49,4 %9(*) des demandes examinées en 2024, contre 44,7 % en 2023 et 41,4 % en 2022. Les quatre principales nationalités concernées par l'admission au statut de réfugié sont les Afghans (28,5 %), les Guinéens (7,1 %), les Turcs (6,1 %) et les Ivoiriens (6 %). Pour la protection subsidiaire, ce sont les Haïtiens (27,2 %), les Ukrainiens (24,1 %), les Afghans (8,7 %) et les Soudanais (6,1 %).
En 2024, le taux de protection globale progresse notamment en raison de la composition des demandes d'asile, dont la part relevant de pays d'origine très susceptibles de conduire à une protection (dont l'Ukraine10(*), le Soudan, Haïti et l'Afghanistan) augmente.
Source : commission des finances, d'après les rapports annuels 2024 de l'OFPRA et de la CNDA
En matière de délivrance de premiers titres de séjour, la tendance est également nettement à la hausse. En 2024, 343 024 titres relevant de cette catégorie ont été délivrés, en hausse de près de 5 % par rapport à 2023, et une croissance plus importante, encore de l'ordre de 13 %, s'agissant des titres délivrés pour motif humanitaire.
Évolution du nombre et du type de premiers
titres de séjours
délivrés annuellement depuis
2018
Source : commission des finances, d'après les données du ministère de l'intérieur
Depuis 2018, le nombre des primo-délivrances de titres de séjour a augmenté de plus de 23 %. Sur cette période, ce sont les titres de séjour pour motif économique qui ont le plus augmenté en proportion sur la période (+ 69 %), devant le motif humanitaire (+ 53 %), et étudiant (+ 32 %). Les titres de séjour pour motif divers ont diminué (- 8,3), de même que ceux délivrés pour motif familial, qui se sont réduits de - 7,2 %. En 2024, le motif étudiant (32,3 %) est le plus fréquent, devant le motif familial (26,4 %), économique (17 %), humanitaire (15,8 %) et divers (8,3 %).
De plus, il convient de relever l'influence des ressortissants britanniques dans le volume total des primo-délivrances, à partir de 2021, dans le contexte du Brexit. Si entre 2021 et 2024, le nombre de premiers titres de séjour délivrés a diminué de 10 %, passant de 382 726 à 343 024 premiers titres, ces derniers ont en revanche augmenté de 18 % hors britanniques, passant de 282 772 à 334 128 premiers titres délivrés toutes nationalités confondues hors britannique.
Enfin, une baisse du nombre de signatures de contrats d'intégration républicaine11(*) (CIR) est constatée en 2024, de l'ordre de - 10,5 % par rapport à 202312(*), qui était une année record. Ce niveau de 2024, avec 114 443 CIR signés, est toutefois largement supérieur à celui des années précédentes, et en hausse de 4 % par rapport à 2022.
b) Des stocks de titres de séjour valides également en forte augmentation
Au 31 décembre 2024, 4,3 millions de documents de séjour de tous types étaient valides (y compris les renouvellements de plein droit), soit en hausse de près de 4 % par rapport à fin 2023. À l'échelle de dix ans, les stocks ont plus que doublé (+ 56 %) dès lors que 2,7 millions étaient valides en 2014.
Hors renouvellements de plein droit, les titres valides ont majoritairement été accordés pour motif familial ou humanitaire, devant les motifs visiteur, économique et étudiant. Il est estimé que le « stock » de bénéficiaires de la protection internationale (relevant de la catégorie « humanitaire ») atteint près de 640 000 en France au 31 décembre 2024.
Ventilation du stock de titres de séjours valides au 31 décembre 2024
(hors renouvellements de plein droit)
Source : commission des finances, d'après les données du ministère de l'intérieur
B. UN DISPOSITIF D'ÉLOIGNEMENT QUI PRODUIT TOUJOURS DES RÉSULTATS INSUFFISANTS JUSQU'ICI
1. Des retours forcés exécutés encore à des niveaux très faibles
Alors que les entrées légales et illégales sur le territoire français sont nombreuses, le dispositif d'éloignement des personnes en situation irrégulière a quant à lui connu des résultats très insuffisants jusqu'ici, même pour celles qui ont été identifiées comme telles et font l'objet d'une mesure d'éloignement (expulsion, OQTF, etc.).
En 2024, 12 856 retours forcés ont été exécutés, soit une hausse de l'ordre de 9,7 % par rapport à 2023, un niveau inférieur de 32 % à celui constaté en 2019. Pour le premier semestre 2025, 7 846 retours forcés ont été exécutés, ce qui peut laisser entrevoir une hausse de ces derniers pour l'année 2025.
Nombre de retours forcés exécutés entre 2018 et 2024
Source : commission des finances du Sénat, d'après le ministère de l'intérieur
Par ailleurs, s'agissant plus particulièrement des OQTF, leur taux d'exécution s'est particulièrement détérioré sur la dernière décennie, pour atteindre un taux historiquement bas de 5,7 % au premier semestre 202113(*). Entre 2019 et 2023, alors que le nombre d'OQTF prononcées a augmenté de 13 %, le taux d'exécution a diminué de près de 30 %. Si le taux d'exécution a progressé à partir de 2024, atteignant 11,4 % cette année-là et 10,6 % pour l'heure en 202514(*), ce niveau est toujours extrêmement faible.
Nombre d'OQTF prononcées et exécutées entre 2014 et 2024
Source : commission des finances du Sénat, d'après le ministère de l'intérieur
Le faible taux d'exécution des OQTF contraste avec celui des expulsions, prononcées pour des raisons de menaces graves à l'ordre public. En 2025, 42 % des expulsions ont été exécutées (sur 539 arrêtés d'expulsions prononcés au 30 juin 2025, 228 ont été pour l'heure exécutés). Par ailleurs, le nombre de mesures d'expulsion exécutées en retour forcé a augmenté de 47 % entre 2024 et 2025, sous l'effet de la loi n° 2024-42 du 26 janvier 2024 pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration, qui a notablement réduit le champ des protections contre l'expulsion en permettant leur levée dans un certain nombre de cas (notamment en cas de condamnation définitive pour un crime ou un délit passible d'un certain quantum de peine, pour des faits commis à l'encontre du conjoint ou des enfants et des faits commis à l'encontre de personnes dépositaires de l'autorité publique).
Au total, en décomptant également les départs aidés et spontanés, 21 467 départs à la suite d'une mesure d'éloignement ont été enregistrés en 2024, soit une hausse de 26 % par rapport à 2023. Toutefois, ce niveau reste largement inférieur à 2019 (31 404 départs).
2. Un déploiement timide du retour aidé
D'après les documents budgétaires, 4 675 départs aidés ont été exécutés en 2024, contre 4 467 en 2023, soit une hausse de près de 5 %. Selon les données transmises par la DGEF, 6 909 étrangers (mineurs et outre-mer inclus) ont été bénéficiaires de l'aide au retour volontaire en 2024. Une partie du différentiel s'explique par le fait que certains étrangers bénéficient de l'aide, sans que le départ soit pour autant exécuté. Au premier semestre 2025, 2 249 départs aidés ont été exécutés.
Les chiffres constatés en 2024 sont loin des cibles espérées de 8 000 départs aidés en 2025 et 2026. Au regard du nombre de bénéficiaires de l'aide fin 2025, estimé à 7 650 personnes, la cible de 8 000 départs a été maintenue. Celle-ci sera rehaussée à 10 000 en 2027 puis 12 000 en 2028 selon le projet annuel de performances, pour atteindre la parité avec la cible des retours forcés.
Le nombre de départs aidés est également faible au regard des niveaux constatés dans d'autres pays européens. Au Royaume-Uni, 8 894 départs aidés ont été exécutés en 2022, tandis que 7 872 et 9 544 départs aidés sont constatés respectivement en 2022 et 2023 en Allemagne.
La faiblesse des départs aidés exécutés est d'autant plus regrettable que des structures sont disponibles, avec des potentiels de départs importants. En effet, 2 000 places sont disponibles au sein des centres de préparation au départ, qui sont chroniquement sous-employées, avec un taux d'occupation atteignant à peine 40 %. Ainsi, une expérimentation est en cours en Meurthe-et-Moselle, pour placer en centre de préparation au retour des étrangers en situation irrégulière sous OQTF, initialement non volontaires, pour un retour aidé avec un accompagnement qualitatif accru de la part de l'OFII et de l'opérateur gestionnaire du centre (Adoma).
Ce dispositif présente donc des potentiels encore peu exploités, alors même que le coût d'un retour aidé moyen présente un coût quatre fois inférieur au coût moyen d'un éloignement forcé (1 120 euros contre 4 414 euros) selon la Cour des comptes sur la période 2018-202215(*).
II. UNE HAUSSE DES CRÉDITS CONCENTRÉE SUR LA LUTTE CONTRE L'IMMIGRATION IRRÉGULIÈRE, AVEC UNE TRAJECTOIRE BUDGÉTAIRE PROCHE DE LA PROGRAMMATION
A. UN BUDGET QUI RETROUVE SON NIVEAU DE 2024
1. Un budget qui n'intègre qu'un peu plus de 20 % des dépenses de l'État liées à l'immigration et l'intégration
Les dépenses de la mission « Immigration, asile et intégration » regroupent des crédits portant sur les trois volets de la politique d'immigration :
- la maîtrise des flux migratoires ;
- l'intégration des personnes immigrées en situation régulière ;
- la garantie du droit d'asile.
La mission est composée à cet effet de deux programmes :
- le programme 303 « Immigration et asile », qui regroupe essentiellement les dépenses liées à la garantie du droit d'asile, y compris la subvention à l'OFPRA, et à la lutte contre l'immigration irrégulière. Il s'agit principalement de dépenses contraintes dont la dynamique est, du fait du niveau élevé de la demande d'asile, en forte hausse ces dernières années ;
- le programme 104 « Intégration et accès à la nationalité française », qui rassemble les crédits en faveur de l'intégration des étrangers en situation régulière, notamment à travers la subvention de l'État à l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII).
Les effectifs de la mission sont portés par le programme 216 « Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur », rattaché à la mission « Administration générale et territoriale de l'État » ; il n'y a donc pas de dépenses de personnel sur les programmes 303 et 104 de la mission16(*).
Les dépenses de l'État induites par l'immigration ne se limitent toutefois pas à cette mission budgétaire.
Le coût estimé de la politique française de l'immigration et de l'intégration est de 7,82 milliards d'euros en 202617(*), un niveau en légère hausse par rapport à 2025 (7,74 milliards d'euros). Ce coût, auquel contribuent 19 programmes répartis au sein de 12 missions budgétaires, prend en compte les dépenses directes et orientées à titre principal vers les étrangers. Le coût complet des forces de sécurité intérieure, de l'hébergement d'urgence et de l'enseignement scolaire n'est par exemple que partiellement intégré.
Ainsi, la part de la présente mission « Immigration, asile et intégration » ne représente que 21,6 % des crédits dédiés à la politique migratoire et d'intégration pour 2026, contre 26,4 % en 2025.
Part des crédits de paiement de la mission
« Immigration, asile et intégration »
par rapport à l'ensemble des crédits de la « Politique
française
de l'immigration et de l'intégration »
en 2026
(en %)
Source : commission des finances, d'après le document de politique transversale « Politique française de l'immigration et de l'intégration » annexé au présent projet de loi de finances pour 2026.
2. Une hausse des crédits portée en 2026 par le programme 303 « Immigration et asile »
Pour 2025, les crédits demandés sur la mission « Immigration, asile et intégration » s'élèvent à 2,24 milliards d'euros en AE et à 2,16 milliards d'euros en CP, ce qui représente une hausse des AE de 25,2 % et des CP de 3,8 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2025.
Évolution des crédits de la mission « Immigration, asile et intégration »
(en millions d'euros)
Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires
Après une contraction importante des dépenses de la mission en 2025, résultant tant de la loi de finances initiale que du décret d'annulation du 25 avril 202518(*), qui a annulé 33,1 millions d'euros en AE et 32,9 millions d'euros en CP, le budget 2026 renoue avec son niveau exécuté en 2024 en CP (- 1,4 % en CP et + 19,8 % en AE par rapport à l'exécution 2024).
Le programme 303 capte l'intégralité de l'augmentation des crédits de la mission pour 2026, soit plus de 450 millions d'euros en AE et 80 millions d'euros en CP.
Évolution des crédits de la mission « Immigration, asile et intégration »
(en millions d'euros et en pourcentage)
|
Exécution 2024 |
LFI 2025 |
PLF 2026 |
Évolution PLF 2026 / LFI 2025 (valeur) |
Évolution PLF 2026 / LFI 2025 ( %) |
FDC et ADP attendus en 2026 |
||
|
303 - Immigration et asile |
AE |
1 519,6 |
1 419,4 |
1 870,9 |
+ 451,5 |
+ 31,8 % |
65,8 |
|
CP |
1 835,6 |
1 714,1 |
1 792,5 |
+ 78,4 |
+ 4,5 % |
65,8 |
|
|
104 - Intégration et accès à la nationalité française |
AE |
349,6 |
369,1 |
368,5 |
- 0,6 |
- 0,2 % |
12 |
|
CP |
355,1 |
366,1 |
368,5 |
- 64,9 |
+ 0,6 % |
12 |
|
|
Total mission |
AE |
1 869,3 |
1 788,5 |
2 239,3 |
+ 450,8 |
+ 25,2 % |
77,8 |
|
CP |
2 190,7 |
2 081,2 |
2 160,8 |
+ 79,6 |
+ 3,8 % |
77,8 |
FDC et ADP : fonds de concours et attributions de produits.
Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires
Ainsi, toutes les dépenses du programme 303 « Immigration et asile » sont en augmentation, à l'exception des crédits de paiement consacrés au droit d'asile, qui comporte près de 72 % des crédits dudit programme au sein de l'action 02 « Garantie de l'exercice du droit d'asile ». Seules les dépenses d'intervention sont concernées, avec - 49 millions d'euros par rapport à 2025.
Évolution des crédits par action du programme 303
(en millions d'euros et en %)
|
LFI 2025 |
PLF 2026 |
Évolution PLF 2026 / LFI 2025 (valeur) |
Évolution PLF 2026 / LFI 2025 ( %) |
FDC et ADP attendus en 2026 |
||
|
01 - Circulation des étrangers et politique des visas |
AE |
0,5 |
0,5 |
0,0 |
0,0 % |
8,1 |
|
CP |
0,5 |
0,5 |
0,0 |
0,0 % |
8,1 |
|
|
02 - Garantie de l'exercice du droit d'asile |
AE |
1 098,6 |
1 340,2 |
+ 241,6 |
+ 22 % |
39,4 |
|
CP |
1 404,4 |
1 379,6 |
- 24,8 |
- 1,8 % |
39,4 |
|
|
03 - Lutte contre l'immigration irrégulière |
AE |
232,4 |
435,8 |
+ 203,5 |
+ 87,5 % |
0 |
|
CP |
232,3 |
327,8 |
+ 95,5 |
+ 40,5 % |
0 |
|
|
04 - Soutien |
AE |
87,9 |
94,4 |
+ 6,5 |
+ 7,4 % |
18,3 |
|
CP |
76,9 |
84,5 |
+ 7,6 |
+ 9,1 % |
18,3 |
|
|
Total programme 303 |
AE |
1 419,4 |
1 870,8 |
+ 451,4 |
+ 31,8 % |
65,8 |
|
CP |
1 715,1 |
1 792,4 |
+ 77,3 |
+ 4,5 % |
65,8 |
FDC et ADP : fonds de concours et attributions de produits.
Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires
En revanche, les dépenses dédiées à la lutte contre l'immigration irrégulière (action 03 du programme 303) progressent de 87 % en AE et 40,5 % en CP, à raison de forts investissements immobiliers dans les centres de rétention administrative, à hauteur de 266,7 millions d'euros en AE et 156,2 millions d'euros en CP pour 2026. Par comparaison, ces dépenses s'élevaient à 21,6 millions d'euros en AE et 43,1 millions d'euros en CP en 2025.
Contribution des programmes à la hausse des crédits
(en millions d'euros)
Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires
Enfin, l'année 2026 est marquée par une stagnation des crédits à destination de la politique d'intégration et d'accès à la nationalité, qui s'élèvent à 368 millions d'euros en AE comme en CP.
Évolution des crédits par action du programme 104
(en millions d'euros et en %)
|
LFI 2025 |
PLF 2026 |
Évolution PLF 2026 / LFI 2025 (valeur) |
Évolution PLF 2026 / LFI 2025 ( %) |
FDC et ADP attendus en 2026 |
||
|
11 - Accueil des étrangers
|
AE |
268 |
268,4 |
+ 0,4 |
+ 0,1 % |
0,0 |
|
CP |
268 |
268,4 |
+ 0,4 |
+ 0,1 % |
0,0 |
|
|
12 - Intégration des
étrangers |
AE |
98,3 |
97,2 |
- 0,9 |
- 1,1 % |
12,1 |
|
CP |
95,4 |
97,2 |
+ 1,8 |
+ 1,9 % |
12,1 |
|
|
14 - Accès à la nationalité française |
AE |
1,4 |
1,5 |
0,1 |
+ 10,7 % |
0,0 |
|
CP |
1,3 |
1,5 |
0,2 |
+ 13,6 % |
0,0 |
|
|
16 - Accompagnement des foyers de travailleurs migrants |
AE |
1,3 |
1,3 |
0 |
+ 0 % |
0,0 |
|
CP |
1,3 |
1,3 |
0 |
+ 0 % |
0,0 |
|
|
Total programme 104 |
AE |
369,1 |
368,5 |
- 0,6 |
- 0,2 % |
12,1 |
|
CP |
366,1 |
368,5 |
+ 2,4 |
+ 0,6 % |
12,1 |
FDC et ADP : fonds de concours et attributions de produits.
Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires
3. Des crédits encore largement destinés à l'asile malgré une progression de la lutte contre l'immigration irrégulière
La répartition des crédits entre les grands volets des politiques portées par la mission reste globalement stable, même si la politique de lutte contre l'immigration irrégulière tend à prendre de l'ampleur par rapport à la politique d'asile en volumes budgétaires au sein de la mission. Alors que la lutte contre l'immigration irrégulière représentait 10 % des crédits de la mission pour 2025, 15 % des crédits vont être dédiés à cette politique pour 2026.
Répartition des crédits de paiement
demandés pour 202b6 pour la mission
par types de
politiques
(en %)
Source : commission des finances du Sénat
Toutefois, d'une part, il apparaît que près de deux tiers des crédits de la mission financent encore cette année la mise en oeuvre du droit d'asile, portées en particulier par l'allocation pour demandeurs d'asile (ADA) et l'hébergement (64 % en 2026 contre 69 % en 2025).
D'autre part, ces équilibres, propres à la mission, ne correspondent pas à ceux de l'ensemble des dépenses de l'État liées à l'immigration. À titre d'illustration, alors que les crédits de la mission dédiés à la lutte contre l'immigration irrégulière étaient de 260 millions d'euros en 2024, la Cour des comptes a évalué le coût de cette politique à environ 1,8 milliard d'euros par an pour l'État, porté à 90 % par le ministère de l'intérieur19(*).
B. UN BUDGET PROCHE DE LA PROGRAMMATION INTÉGRANT TOUTEFOIS UN VOLUME DE DÉPENSES IMPORTANTES NON PRÉVUES
1. Un budget légèrement en deçà de la trajectoire de la LOPMI
La hausse du budget de la mission pour 2026 la rapproche de la trajectoire prévue par la loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur20(*) (LOPMI). Cette dernière prévoyait que le budget du ministère de l'Intérieur, qui porte sur trois missions budgétaires21(*), passerait, hors contribution au compte d'affectation spéciale « Pensions », de 20,78 milliards d'euros en crédits de paiement (CP) en 2022 à 25,35 milliards d'euros en 2027 (+ 4,57 milliards d'euros des crédits annuels, soit + 22,0 %). Au total, la hausse de budget cumulée sur les cinq années 2023-2027 atteindrait 15,3 milliards d'euros.
Trajectoire budgétaire proposée par
le projet de loi LOPMI
pour le ministère de l'intérieur pour
les années 2023 à 202722(*)
|
(en millions d'euros, en crédits de paiement) |
||||||
|
CRÉDITS DE PAIEMENT ET PLAFONDS DES TAXES AFFECTÉES hors compte d'affectation spéciale « Pensions » |
2022 (pour mémoire) |
2023 |
2024 |
2025 |
2026 |
2027 |
|
Budget du ministère de l'intérieur, en millions d'euros (hors programme 232 « Vie politique », hors programmes outre-mer et hors programmes du « CAS Radars » n° 754 et 755) |
20 784 |
22 094 |
22 974 |
24 074 |
24 724 |
25 354 |
|
Évolution (N / N - 1), en millions d'euros |
- |
1 310 |
880 |
1 100 |
650 |
630 |
|
Taux d'évolution (N / N - 1) |
- |
6,3 % |
4,0 % |
4,8 % |
2,7 % |
2,5 % |
Source : commission des finances du Sénat (d'après la LOPMI : article 2). Les montants pour le budget du ministère de l'intérieur (deuxième ligne) résultent de l'article 2 ; les calculs (troisième et dernière lignes) sont ceux de la commission des finances
Pour 2026, le rapport annexé à la LOPMI23(*) prévoyait des dépenses à hauteur de 2 163 millions d'euros en crédits de paiement. Ainsi, le budget pour 2026 n'est inférieur que de 2 millions d'euros par rapport à ce que prévoyait la LOPMI, soit un écart d'à peine 0,1 %.
Écarts entre la trajectoire LOPMI et la programmation initiale entre 2023 et 2027
(en millions d'euros)
Source : commission des finances, d'après les projets annuels de performances et le rapport annexé de la LOPMI
Cependant, le budget pour 2026 intègre deux volumes de dépenses qui ne pouvaient pas être anticipées lors de la construction de la trajectoire par la LOPMI : d'une part, les dépenses en faveur des bénéficiaires de la protection temporaire, et, d'autre part, les dépenses liées à la mise en oeuvre du pacte européen sur la migration et l'asile. En excluant ces dépenses non prévues lors de la construction de la trajectoire de la LOPMI, de l'ordre de 160 millions (75 millions d'euros pour les bénéficiaires de la protection temporaire et 85 millions d'euros pour financer les mesures de mise en oeuvre du pacte européen), l'écart à la programmation initiale est plus important (7,5 % au lieu de 0,1 %).
2. Les crédits dédiés aux bénéficiaires de la protection temporaire sont, encore cette année, intégrés au budget initial
La directive 2001/55/CE du Conseil du 20 juillet 200124(*) prévoit la possibilité, à l'échelle européenne, de mettre en place une « protection temporaire » en cas d'afflux massif de personnes qui fuient des zones de conflit ou de violences. Ce mécanisme a été activé - pour la première fois - par la décision d'exécution UE n° 2022/382 du Conseil du 4 mars 202225(*), dans le contexte de l'invasion de l'Ukraine lancée par les forces armées russes, le 24 février 2022, et prorogé jusqu'au 4 mars 2027.
Dans ce cadre, les personnes déplacées sont libres d'accéder à l'État de l'Union de leur choix. La directive du 20 juillet 2001 ne prévoyant pas de procédure d'octroi de la protection temporaire, ce sont les États qui sont compétents en la matière. En France, elles ont été fixées par une instruction ministérielle initiale26(*), puis plusieurs textes de nature réglementaire27(*).
Les bénéficiaires de la protection temporaire (BPT) se voient remettre une autorisation provisoire de séjour (APS) d'une durée de 6 mois. Cette autorisation est renouvelée de plein droit pendant toute la durée de validité de la décision du Conseil de l'UE actionnant la protection temporaire. Les BPT ont en principe accès à un hébergement s'ils n'en disposent pas à titre personnel. En outre, ils peuvent percevoir l'allocation pour demandeur d'asile (ADA) pendant la durée de leur protection s'ils satisfont à des conditions d'âge et de ressources.
Le bénéfice de la protection temporaire ne préjuge pas de la reconnaissance de la qualité de réfugié mais ne fait pas obstacle à l'introduction d'une demande d'asile. Il convient d'ailleurs de noter qu'une part en hausse des BPT sollicite l'asile, peut-être en raison du fait que dans un contexte de conflit qui semble devoir se prolonger en Ukraine, les personnes concernées jugent préférable de solliciter un statut plus pérenne.
Fin 2024, 56 315 APS étaient en cours de validité. Pour 2026, les prévisions de la DGEF en termes d'APS en cours de validité pour les bénéficiaires de la protection temporaire se situent entre 45 000 et 50 000. Au mois de septembre 2025, 38 168 BPT bénéficient de l'ADA, contre 47 118 en décembre 2024, soit une baisse 8 950 personnes en l'espace de neuf mois. La DGEF anticipe 36 000 BPT à la fin de l'année 2025, et une baisse progressive jusqu'à 23 500 BPT fin 2026.
Alors que les projets de loi de finances pour 2023 et pour 2024 et les lois de finances initiales correspondantes n'intégraient aucunement les crédits nécessaires à la prise en charge des personnes concernées, laquelle était couverte en gestion28(*), le projet de loi de finances pour 2025 a intégré pour la première fois les dépenses liées à l'accueil des BPT dans les crédits initiaux de la mission.
Cette année encore, de telles dépenses sont opportunément intégrées aux crédits du projet de loi de finances, ce qui permet au Parlement un droit de regard et une décision éclairée au moment du vote du budget, ainsi qu'une meilleure prévisibilité pour les gestionnaires du programme. Les documents budgétaires établissent un coût global des BPT de l'ordre de 84,4 millions d'euros, dont 71,9 millions d'euros pour l'ADA (en baisse de 35 millions d'euros par rapport à 2025), ainsi que 12,5 millions d'euros pour l'hébergement.
Pour 2025, la prévision de l'ensemble des dépenses pour les BPT est estimée par le ministère de l'intérieur à 164,9 millions d'euros (100,6 millions d'euros pour l'ADA, 63,6 millions d'euros pour l'hébergement et 0,7 million d'euros pour l'accueil de jours et les transports). Pour rappel, les documents budgétaires ne mentionnaient l'an passé que les dépenses afférentes à l'ADA, pour un montant de 106,8 millions d'euros, qui étaient les seules budgétées. Selon les informations transmises par la DGEF, la différence de 58,1 millions d'euros entre la loi de finances initiale pour 2025 (106,8 millions d'euros) et la prévision de dépense, sera couverte par un report de crédits de 2024 sur 2025 (0,2 million d'euros), des redéploiements de crédits au sein du programme 303 (42,1 millions d'euros) et la mobilisation de fonds européens disponibles réaffectés à l'hébergement des BPT (15,8 millions d'euros).
Ensemble des dépenses liées aux BPT entre 2022 et 2026
(en millions d'euros)
Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires et les données transmises par la direction générale des étrangers en France
Par suite, le rapporteur spécial relève que, même si ces dépenses sont mieux documentées dans le cadre du présent projet de loi de finances, et que les dépenses d'hébergement sont budgétées, elles apparaissent encore sous-évaluées au regard des montants exécutés pour 2025.
3. Une entrée en vigueur du pacte européen sur la migration et l'asile supposant le financement de nouveaux dispositifs à hauteur de 85 millions d'euros pour 2026
À l'échelle européenne, le pacte européen sur la migration et l'asile a été adopté définitivement par le Conseil de l'Union européen le 14 mai 2024. Composé de neuf règlements et d'une directive, il doit s'appliquer à partir de juin 2026. Il prévoit notamment un renforcement des frontières extérieures de l'Union européenne et une optimisation des modalités d'examen des demandes d'asile et de leur répartition entre États membres.
En décembre 2024, le plan français de mise en oeuvre du pacte a été transmis à la Commission européenne. Son annexe budgétaire a évalué à 508,5 millions d'euros sur la période 2025- 2027 le coût de mise en oeuvre des différents piliers du pacte. S'ajoutent à cela 85,4 millions d'euros de surcroît de dépenses sur la même période résultant du nouveau régime des conditions matérielles d'accueil afférentes à l'allocation pour demandeurs d'asile (ADA).
Incidences budgétaires sur la période 2025-2027 de la mise en oeuvre des piliers du pacte européen sur la migration et l'asile d'après le plan national de décembre 2024
(en millions d'euros)
|
Piliers du pacte à mettre en oeuvre |
Principales mesures à financer |
2025 |
2026 |
2027 |
Coût total |
|
Refonte du système commun d'information EURODAC |
Construction de la nouvelle plateforme française d'Eurodac (« Eurodac PFSE 3 ») |
15,4 |
7,6 |
3,2 |
26,1 |
|
Procédure d'asile à la frontière et de filtrage |
- Moyens renforcés pour l'OFPRA pour statuer sur la recevabilité et le bien-fondé de la demande à la frontière - Nouveau formulaire dématérialisé de filtrage |
0,3 |
0,9 |
1,4 |
2,5 |
|
Les nouvelles conditions d'accueil des demandeurs d'asile |
- Accès à des cours de français dès l'entrée dans la procédure d'asile - Nouvelle documentation relative aux conditions matérielles adaptée à chaque type de public - Équipements sanitaires distincts pour les femmes dans les structures d'hébergement |
0,7 |
13,5 |
15,4 |
29,5 |
|
De nouvelles procédures « justes et équitables » à l'OFPRA |
- Renforcement des exigences de formation des interprètes - Obligation de mener un entretien en cas de retrait envisagé de protection internationale - Entretien individuel ouvert aux mineurs - Possibilité de mandater un examen médical du demandeur à la charge de l'OFPRA, notamment pour les mineurs exposés à des risques de mutilation sexuelle - Plateforme accessible à tous les demandeurs pour suivre les étapes de la procédure |
2,2 |
30,7 |
63,5 |
96,5 |
|
Capacité adéquate pour la procédure d'asile à la frontière et la procédure de retour |
- 615 places d'accueil pérennes aux frontières, nécessitant des investissements immobiliers et des charges de fonctionnement |
150 |
42 |
85 |
277,5 |
|
Les nouvelles règles de responsabilité |
- Création d'un système d'information pour les Dublin entrants et adaptation du système d'information des Dublin sortants |
0,3 |
0,2 |
0 |
0,5 |
|
Les mesures de solidarité (relocalisations ou contribution financière) |
- Près de 5 000 relocalisations annuelles envisagées, ou, à défaut, versement de 20 000 euros par personne non prise en charge au titre de la solidarité |
0 |
23,9 |
47,9 |
71,8 |
|
Gestion de crise |
- Recrutement d'un conseiller |
0,1 |
0,1 |
0,1 |
0,3 |
|
Dépenses transversales |
- Formation des différents acteurs de l'asile, notamment dans les structures d'accueil et d'hébergement |
0,9 |
2,9 |
0 |
3,8 |
|
Dépenses d'aides pour demandeurs d'asile (ADA) |
- Un accès garanti aux conditions matérielles d'accueil dès la présentation de la demande, et non plus un versement rétroactif - De nouvelles catégories éligibles à l'ADA |
0 |
27,6 |
57,8 |
85,4 |
|
TOTAL |
169,9 |
149,6 |
274,3 |
593,9 |
|
Source : commission des finances, d'après l'annexe budgétaire du plan national de mise en oeuvre du pacte européen sur la migration et l'asile transmis à la Commission européenne en décembre 2024
Pour l'année 2026, les estimations des coûts de mise en oeuvre du pacte étaient donc de l'ordre de 150 millions d'euros. Depuis la transmission du plan national de mise en oeuvre du pacte à la Commission européenne fin 2024, certains coûts ont été revus à la baisse, à raison notamment de l'actualisation des flux de demandeurs d'asile sur la base desquels la construction budgétaire initiale se fondait.
Selon les informations transmises par la direction générale des étrangers en France (DGEF), à l'échelle de la mission, le coût programmé pour 2026 de mise en oeuvre du pacte s'élève à 84,8 millions d'euros. 78,7 millions d'euros sont prévus pour le programme 303 « Immigration et intégration »29(*) et 6,1 millions d'euros sur le programme 104 « Intégration et accès à la nationalité française ».
Au niveau du programme 303, l'essentiel des crédits est inscrit sur l'action 02 « Garantie de l'exercice du droit d'asile » pour un montant total de 47,2 millions d'euros, répartis de la façon suivante :
- 25,2 millions d'euros afin de financer le surplus des dépenses d'ADA induites par la transposition des nouvelles règles afférentes aux conditions matérielles d'accueil de la directive « Accueil »30(*) du 14 mai 2024 ;
- 4,2 millions d'euros pour le financement de 301 places de « capacité adéquate » dans le cadre de la nouvelle procédure d'asile à la frontière ;
- 10,9 millions d'euros pour renforcer les moyens de l'OFPRA afin de financer les nouvelles garanties procédurales accordées aux demandeurs et de la mise en oeuvre de la procédure d'asile à la frontière ;
- 6,8 millions d'euros de dépenses diverses (3,4 millions d'euros pour financer des interprètes en préfecture disponibles dès l'enregistrement de la demande d'asile, 3,2 millions d'euros pour la formation des acteurs de l'asile, notamment sur les besoins spécifiques des publics accueillis et les problématiques de santé, 0,2 million d'euros pour la mise à jour et la traduction des supports d'information et 0,1 million d'euros pour l'acquisition d'équipements d'enregistrement sonore des entretiens obligatoires dans le cadre de la procédure Dublin).
Les autres crédits inscrits au titre du pacte sur le programme 303 sont portés par l'action 03 « Lutte contre l'immigration irrégulière » (27,7 millions d'euros en CP) et l'action 04 « Soutien » (3,9 millions d'euros CP), afin de financer 314 places (dont 151 seront créées à l'aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle) sur les 615 places que la France devra mettre à disposition pour la mise en oeuvre de la nouvelle procédure à la frontière, ainsi que l'adaptation des systèmes d'information, notamment EURODAC, la base de données européenne permettant la comparaison des empreintes digitales des demandeurs d'asile au sein de l'Union européenne.
Enfin, s'agissant du programme 104, les 6,1 millions d'euros sont inscrits sur l'action 11, qui regroupe les crédits de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII). Ces crédits financeront les évolutions informatiques nécessaires à la mise en oeuvre des dispositions du pacte relatives aux conditions matérielles d'accueil ainsi que la mise en place de cours de français, destinés à renforcer l'autonomie des demandeurs d'asile et leur capacité à interagir avec les autorités compétentes.
Eu égard au différentiel important entre le chiffrage de décembre 2024 et les estimations actuelles de la DGEF, de même que les informations contradictoires contenues dans les documents budgétaires par rapport au niveau de dépenses imputées sur le programme 303, le rapporteur spécial sera vigilant à la mise en oeuvre budgétaire du pacte européen.
DEUXIÈME PARTIE
ANALYSE PAR PROGRAMME
I. LE PROGRAMME 303 : UNE CAPTATION INTÉGRALE DE LA HAUSSE DES CRÉDITS, À DESTINATION PARTICULIÈREMENT DE LA LUTTE CONTRE L'IMMIGRATION IRRÉGULIÈRE
A. UNE OPTIMISATION DES CRÉDITS DÉDIÉS AUX CONDITIONS MATÉRIELLES D'ACCUEIL
1. Une baisse des dépenses d'allocations pour demandeurs d'asile (ADA) fondée sur la double hypothèse d'une contraction prévisionnelle des demandes d'asile et d'une amélioration des délais de traitement par l'OFPRA
a) Une baisse nette des dépenses d'ADA
Le niveau du nombre de demandes d'asile31(*) engendre une forte tension sur les dépenses portées par la mission. Il en va en particulier ainsi des dépenses liées aux conditions matérielles d'accueil (CMA, principalement l'allocation pour demandeur d'asile, ADA, et l'hébergement des demandeurs).
La dotation prévue pour l'allocation pour demandeurs d'asile (ADA)32(*) dans le projet de loi de finances pour 2026 s'élève à 299,1 millions d'euros, incluant 5 millions d'euros au titre des frais de gestion assurée par l'OFII. Cette enveloppe sera complétée par des crédits du Fonds asile, migration et intégration (FAMI) disponibles à hauteur de 19,3 millions d'euros, portant ainsi le budget total consacré à l'ADA, hors frais de gestion, à 313,4 millions d'euros (241,4 millions d'euros pour l'ADA versée aux demandeurs d'asile et 71,9 millions d'euros pour l'ADA versée aux bénéficiaires de la protection temporaire).
S'agissant plus particulièrement de l'ADA versée aux demandeurs d'asile, la dotation consolidée est en baisse de 5,2 millions d'euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2025 (246,6 millions d'euros), soit de 2 %. Toutefois, ce montant intègre les 25,2 millions d'euros liés à la mise en oeuvre du pacte européen pour la migration et l'asile en 2026. Par conséquent, en neutralisant ce montant, la baisse de la dotation de l'ADA en 2026 est, à périmètre constant, de 30,4 millions d'euros, soit un montant moindre de 12 % par rapport à 2025.
b) Un renforcement des moyens de l'OFPRA de nature à améliorer ses délais d'instruction et le nombre de décisions rendues
Afin de contenir les dépenses liées aux conditions matérielles d'accueil, la stratégie a été essentiellement de chercher à maîtriser les délais de traitement des demandes d'asile. En effet, un délai de traitement global plus rapide, mesuré de l'enregistrement de la demande auprès du guichet unique des demandes d'asile (GUDA) à la décision définitive de l'OFPRA, voire de la CNDA, réduit le temps d'hébergement des demandeurs dans le dispositif national d'accueil (DNA) et d'octroi de l'ADA. Si les objectifs - parfois trop ambitieux - fixés en la matière n'ont pas été tenus jusqu'ici, des progrès réels sont constatés, grâce notamment à une augmentation du nombre de décisions de l'OFPRA et de la CNDA.
Alors que l'objectif du délai de traitement global est fixé à 6 mois, le délai effectif était de l'ordre de 10 mois en 2023 et 2024. S'agissant spécifiquement des délais d'examen de l'OFPRA, le délai moyen de traitement a été réduit de 260 jours en 2021 à 127 jours en 2023 (4,2 mois). Ce délai est reparti légèrement à la hausse en 2024, pour atteindre 138 jours (4,5 mois). Pour le début de l'année 2025, le délai moyen s'établit à 161 jours, soit 5,3 mois. Alors que la cible avait été ajustée à 120 jours en 2025 dans le projet annuel de performances, la cible 2026 renoue avec l'objectif peu réaliste de 60 jours.
Il convient de relever que la dégradation des délais de traitement est la conséquence mécanique de l'apurement des stocks de dossiers, en cours à l'OFPRA. Alors que le stock était de plus de 70 000 dossiers au 31 janvier 2025, il s'établit en mai 2025 à 63 500 dossiers.
S'agissant de l'activité décisionnelle, l'OFPRA n'a jamais rendu autant de décisions, avec un nombre de 113 688 au 30 septembre 2025, soit une hausse de 8,9 % par rapport à la même période de 2024 (+ 9 307 décisions). Cette année, l'OFPRA devrait ainsi dépasser pour la première fois le seuil de 150 000 décisions rendues. Pour 2026, l'objectif était initialement de 165 000 décisions conformément au contrat d'objectifs et de performance de l'OFPRA. Au regard des 48 ETP supplémentaires alloués dans le projet de loi de finances pour 2026, cet objectif a été révisé à la hausse avec 174 000 décisions attendues.
En effet, le présent projet loi de finances procède de nouveau à une revalorisation des moyens humains de l'OFPRA, après une hausse de + 29 ETP alloués par la loi de finances initiale pour 2025. Pour 2026, les 48 créations sont déjà fléchées : 41 nouveaux officiers de protection pourront être recrutés à l'OFPRA et 7 agents seront affectés à la nouvelle procédure d'asile à la frontière à l'aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle dans le cadre de la mise en oeuvre du pacte européen pour la migration et l'asile.
Selon les données transmises par la DGEF, cette hausse de l'activité décisionnelle de l'OFPRA permise par l'allocation de 77 ETP supplémentaires en deux ans, soit une augmentation de l'ordre de 7 % des effectifs, devrait générer 20,4 millions d'économies sur les dépenses d'ADA. De plus, 10 millions d'euros supplémentaires devraient être économisés du fait de sommes non utilisées récupérées sur des cartes de paiement inactives, arrivées à échéance de la prescription quadriennale. Par conséquent, la baisse de 30,4 millions d'euros du montant de l'ADA pour 2026 résulte d'une gestion dynamique du dispositif et ne devrait pas engendrer de diminution du montant de l'allocation versée aux demandeurs d'asile.
Toutefois, une telle réduction des dépenses d'ADA paraît relativement optimiste à double titre.
D'une part, il n'est pas certain que le volume de demandes d'asile se stabilise à la baisse pour 2026, dès lors que la contraction de la demande d'asile à l'échelle européenne commence seulement à produire ses effets dans notre pays, comme cela a été évoqué supra33(*).
D'autre part, les estimations en termes d'économies d'ADA de la DGEF sont fondées sur des hypothèses fortes de 176 000 décisions rendues par l'OFPRA. Si 150 000 décisions sont rendues in fine en 2025, cela signifie que l'OFPRA devra rendre 16 000 décisions de plus en 2026 pour atteindre cet objectif34(*). Auditionné par le rapporteur spécial, le directeur général de l'OFPRA a émis des réserves quant à l'atteinte de cet objectif « à marche forcée » pour 2026, principalement au regard du fort delta de décisions à rattraper.
2. Une réduction concomitante du parc d'hébergement pour les demandeurs d'asile
L'optimisation des dépenses liées aux conditions matérielles d'accueil (CMA) passe également, pour la deuxième année consécutive, par la réduction de la taille du parc d'hébergement du dispositif national d'accueil (DNA), qui bénéficie aujourd'hui aux demandeurs d'asile et aux réfugiés vulnérables. Cette évolution contraste avec la tendance haussière constatée ces dernières années, le parc étant passé de 82 762 places en 2017 à 119 437 places au 31 décembre 2024.
Le DNA regroupe différents types de centres dédiés à héberger principalement les personnes en instance de demande d'asile. S'y ajoutent des places en faveur des réfugiés vulnérables. Pour 2026, 111 855 places ont été budgétées, selon la ventilation suivante :
- 61 963 places dans les centres d'accueil des demandeurs d'asile (CADA), qui correspondent au mode normal d'hébergement des demandeurs d'asile. Ces centres offrent aux demandeurs d'asile un hébergement, ainsi que des prestations d'accompagnement social et administratif ;
- 5 080 places en centre d'accueil et d'examen des situations (CAES), qui permettent une prise en charge de premier niveau des personnes migrantes, y compris administrative, en amont de leur orientation vers les lieux d'hébergement, notamment en cas d'afflux massif dans certains territoires ;
- 11 159 places au sein des centres provisoires d'hébergement des réfugiés (CPH), qui visent à favoriser l'accompagnement linguistique, social, professionnel et juridique des réfugiés qu'ils hébergent, présentant des vulnérabilités particulières et nécessitant une prise en charge complète dans les neuf premiers mois suivant l'obtention de leur statut ;
- 32 923 places d'hébergement d'urgence des demandeurs d'asile (HUDA). Une part de ce dispositif, offrant des prestations et des conditions d'accueil similaires à celles observées en CADA, est considérée comme de l'hébergement pérenne, permettant une prise en charge des demandeurs tout au long de leur procédure. Les structures n'offrant pas un tel niveau de prestations, tels que les dispositifs hôteliers, sont quant à elles destinées à accueillir, à titre transitoire, des demandeurs d'asile préalablement à leur admission éventuelle dans un hébergement pérenne. Ce parc comprend des places d'hébergement d'urgence gérées au niveau déconcentré par les préfets, le « HUDA local », ainsi que des places du parc d'hébergement d'urgence relevant du programme d'accueil et d'hébergement des demandeurs d'asile (« PRAHDA ») ;
- 730 places dans d'autres hébergements pour réfugiés, dans des régions en tensions, comme en Île-de-France par exemple, qui ont pour objectif de fluidifier le DNA.
Entre 2025 et 2026, le parc se réduit donc de 1 403 places (113 258 places étaient budgétées en loi de finances initiale pour 2025), soit une baisse de - 1,3 %. Pour autant, les crédits globaux dédiés à l'hébergement des demandeurs d'asile s'élèvent à 946,6 millions d'euros en 2026, ce qui représente une hausse de 0,2 % en CP par rapport à la loi de finances initiale pour 2025. En effet, certaines mesures prévues dans le pacte européen sur la migration et l'asile obligent à des aménagements dans les structures d'hébergement, à l'instar de la nouvelle directive « Accueil » du 14 mai 2024, qui impose qu'elles disposent de sanitaires distincts pour les femmes.
Ventilation des places d'hébergement des
demandeurs d'asile
selon le type d'hébergement
entre 2021 et 2026
(en milliers)
Source : commission des finances du Sénat, d'après les données du ministère de l'intérieur
La réduction numéraire du parc d'hébergement touche principalement les demandeurs d'asile les plus vulnérables dès lors que le nombre de places dédiées à l'hébergement d'urgence sur tout le territoire (HUDA) passe de 40 011 places en 2025 à 27 711 places en 2026. Une partie de ces places HUDA seront néanmoins transformées en places dans les centres d'accueil des demandeurs d'asile (CADA), qui évoluent de 49 190 places en 2025 à 61 963 places en 2026.
Cette évolution résulte de la mise en oeuvre d'une recommandation de la Cour des comptes de juillet 202435(*), qui préconisait de transformer progressivement les places d'hébergement d'urgence, financées par des subventions, en établissements et services sociaux et médico-sociaux (ESSMS), dont font partie les CADA, avec un fonctionnement encadré par le code de l'action sociale et des familles36(*). Elle vise avant tout à renforcer la sécurité juridique et financière des relations avec les organismes gestionnaires. D'ici trois ans, tous les HUDA ont vocation à être remplacés par des CADA, dont un tiers d'ici 2026.
Enfin, selon les informations transmises par la DGEF, cette réduction du nombre de places ne se traduirait pas nécessairement par des fermetures de sites au regard de l'accélération des procédures d'asile et de la fluidification des sorties des bénéficiaires d'une protection internationale ou des déboutés. Dans ce cadre, le ministère de l'intérieur s'est engagé dans une politique volontariste tendant à limiter les présences indues, en recourant systématiquement au référé dit « mesures-utiles »37(*).
B. UNE HAUSSE SALUTAIRE DE L'INVESTISSEMENT IMMOBILIER AFIN DE TENIR L'OBJECTIF DE 3 000 PLACES DE RÉTENTION ADMINISTRATIVE À HORIZON 2029
Comme cela a été exposé supra, les résultats en matière d'éloignements, bien qu'en léger progrès, ont jusqu'ici été très insuffisants. Plus largement, la France fait face à des enjeux importants en matière d'immigration irrégulière, sur l'ensemble de son territoire, y compris dans les outre-mer.
L'État met dès lors en oeuvre des moyens importants, aussi bien via l'activité des forces de sécurité intérieure, les activités de rétention et d'éloignement, ou encore pour le contentieux, pour un coût total de la politique estimée à environ 1,8 milliard d'euros par an par la Cour des comptes38(*).
D'un point de vue budgétaire, la présente mission ne porte ainsi, via l'action n° 03 « Lutte contre l'immigration irrégulière » du programme 303, qu'une part modeste des crédits dédiés à la lutte contre l'immigration irrégulière, soit environ 328 millions d'euros en CP pour 2026.
Les dépenses d'investissement (construction et rénovation), de fonctionnement (fonctionnement courant et entretien) et d'intervention (prise en charge sanitaire, sociale et juridique) liées à l'activité de rétention administrative des étrangers en situation irrégulière dans les centres de rétention administrative (CRA), les locaux de rétention administrative (LRA) et les zones d'attente des personnes en instance (ZAPI), constituent l'un des volets39(*) de la politique de rétention et d'éloignement pris en charge par la mission « Immigration, asile et intégration ».
Les dépenses d'investissement dans les CRA, LRA et ZAPI ont connu une réduction nette dans le cadre de la loi de finances pour 2025, pour s'établir à 21,6 millions d'euros en AE (- 115 millions d'euros par rapport à 2024) et 43,2 millions d'euros en CP (- 47 millions d'euros). Ces niveaux étaient difficilement conciliables avec les efforts prévus par la LOPMI en matière de capacités de rétention administrative et soutenus par les gouvernements précédent et actuel.
Pour rappel, le rapport annexé à la LOPMI prévoyait en effet que « le nombre de places en centres de rétention administrative sera progressivement porté à 3 000 ». Du point de vue budgétaire, la trajectoire budgétaire de la LOPMI avait d'ailleurs été complétée d'un montant de 60 millions d'euros annuellement sur la période de programmation, à savoir de 2023 à 2027, pour atteindre cet objectif40(*). Selon les informations disponibles, le parc est composé de 1 959 places en 2025.
Le projet de loi de finances pour 2026 déploie des moyens à la hauteur, en vue de tenir l'objectif de 3 000 places de rétention à horizon 2029, comme le formulait de ses voeux le rapporteur spécial dans son rapport sur l'extension de la capacité d'accueil des centres de rétention administrative41(*). Pour 2026, le montant prévisionnel de l'investissement dans les établissements de rétention est de 266,7 millions d'euros en AE et de 156,2 millions d'euros en CP42(*), soit une hausse de plus de 260 % en CP.
Au regard de ces nouveaux moyens, la trajectoire d'atteinte des 3 000 places a été légèrement modifiée par le ministère de l'intérieur par rapport aux chiffres qui avaient été communiqués au rapporteur spécial à l'occasion de son contrôle budgétaire.
Le déploiement de l'ensemble des projets identifiés dans le cadre des plans « CRA 1 » et « CRA 3 000 »43(*) permettrait de porter le nombre de places de rétention à 3 063 à horizon 2029 dans l'hexagone, et à 3 292 places en tenant compte des capacités ultramarines44(*). Selon les informations transmises par la DGEF au rapporteur spécial, le calendrier serait le suivant :
- en 2026 : mise en service des CRA de Bordeaux (140 places), de Dunkerque (140 places) ainsi que les extensions des CRA de Rennes (52 places supplémentaires) et de Metz (28 places supplémentaires), portant ainsi le nombre total de places à 2 29945(*) ;
- en 2027 : mise en service du CRA de Dijon (140 places) en vue de porter le nombre total de places à 2 439 ;
- en 2028 : mise en service des CRA de Nantes (140 places), Béziers (140 places), Périchet (64 places) et Oissel (140 places) pour porter le nombre total de places à 2 923 ;
- en 2029 : mise en service du CRA d'Aix-Luynes (140 places), afin de porter le nombre total de places à 3 063.
Évolution de la capacité théorique du parc de CRA en métropole
(en nombre de places)
Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses de la direction générale des étrangers en France (DGEF) au questionnaire du rapporteur spécial
Toutefois, comme l'a déjà relevé le rapporteur spécial, les dépenses d'investissement dédiées aux CRA sont chroniquement sous-consommées. Selon les informations transmises par la DGEF, alors que 80,9 millions d'euros d'AE d'investissement étaient prévus en 2025 pour les CRA, LRA et zones d'attente, le montant total d'exécution des dépenses dans les établissements de rétention est estimé à 57,2 millions d'euros.
Des obstacles tenant à la fois à la maîtrise du foncier, à l'acceptabilité locale, aux aléas des travaux et aux moyens humains à mobiliser, peuvent ralentir le déploiement de l'ouverture de nouveaux centres de rétention. Afin de pallier ces difficultés, deux recommandations du rapporteur ont été ou sont en cours de mise en oeuvre46(*).
En premier lieu, selon les informations transmises par la DGEF47(*), en complément de la construction de nouveaux centres et afin d'accélérer les déploiements, le ministère de l'intérieur va construire des bâtiments modulaires sécurisés et adaptés à la rétention administrative, en lien avec l'Économat des Armées.
En second lieu, des groupes de travail ont été mis en place par la direction nationale de la police aux frontières afin d'optimiser les recrutements en ressources humaines dans un contexte de plafond d'emplois sans création d'équivalents temps plein pour 2025 et très contraints pour 2026. Dans ce contexte, des solutions d'externalisation et de substitution pourraient être mises en oeuvre ainsi que le recrutement départementalisé de policiers adjoints ou de réservistes.
II. LE PROGRAMME 104 : UNE STAGNATION DES CRÉDITS DÉDIÉS À L'INTÉGRATION
A. UNE STABILISATION DES CRÉDITS POUR 2026 ALORS MÊME QUE LA RÉFORME DES FORMATIONS LINGUISTIQUES ET CIVIQUES DOIT ENTRER EN VIGUEUR AU 1ER JANVIER
1. Une reconduction de l'enveloppe dédiée à l'accueil des étrangers primo-arrivants
Les crédits du programme 104 s'élèvent à 368,5 millions d'euros, en AE comme en CP, soit une dotation relativement stable par rapport à 2025.
L'action 11 - Accueil des étrangers primo-arrivants, dont le montant s'établit à 268,4 millions d'euros pour 2026, en AE comme en CP, soit à un niveau stable par rapport à 2025, comprend près de 73 % des crédits de ce programme. Elle finance les diverses missions de l'OFII, et notamment celle d'accueillir et d'intégrer les étrangers en situation régulière pendant leurs premières années de séjour en France, qui se matérialise pour les étrangers par la signature d'un CIR.
De prime abord, cette stagnation des crédits peut sembler peu compatible avec la mise en oeuvre de la réforme des formations linguistiques et civiques portée par la loi du 26 janvier 2024 pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration48(*). En effet, en 2023, les moyens nécessaires à la seule réforme de la formation linguistique avaient été évalués à 100 millions d'euros par le ministre de l'intérieur49(*).
2. Le niveau de langues pour l'obtention d'une carte de séjour pluriannuelle est rehaussé, mais l'obligation de formation linguistique disparaît
L'article 20 de la loi du 26 janvier 2024 pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration prévoit de conditionner, à partir du 1er janvier 2026, la délivrance d'une carte de séjour pluriannuelle (CSP) à la maîtrise du niveau A2 du cadre européen commun de référence pour les langues (CECRL)50(*). Pour l'octroi d'une carte de résident, le niveau exigé est le B1 du CECRL51(*), tandis que celui pour acquérir la nationalité française sera le niveau B2 du CECRL52(*). Ainsi, l'obligation de moyens associée à la signature du CIR, qui reposait sur une exigence d'assiduité et de progression vers le niveau A1, est transformée en obligation de résultat puisque l'étranger devra justifier de l'atteinte du niveau A2.
Or, à l'occasion de son contrôle budgétaire53(*), le rapporteur spécial a pu relever l'année dernière que le volume proposé des formations n'était pas adapté au rehaussement du niveau linguistique au niveau A2 pour l'obtention d'une carte de séjour pluriannuelle, et qu'un rallongement du parcours linguistique d'au moins 100 heures était nécessaire pour atteindre un tel niveau.
Par ailleurs, le rehaussement des exigences linguistiques a pour effet mécanique une hausse du nombre d'étrangers orientés vers la formation linguistique. En 2024, 50 991 personnes ont été orientées vers une formation linguistique dès lors que leur niveau constaté était inférieur au niveau A1, tandis que 20 096 personnes avaient un niveau compris entre A1 et A2 et n'étaient alors pas concernées par la formation linguistique. Ainsi, selon les estimations transmises par le DGEF, 39 % de signataires du CIR supplémentaires devraient être orientés vers une formation linguistique sous l'effet du rehaussement du niveau de langues pour obtenir une carte de séjour pluriannuelle.
Au regard de cet effet volume, mais aussi pour introduire plus de souplesse dans l'apprentissage du français, eu égard au caractère contraignant que peut représenter le suivi d'une telle formation, notamment en termes de volume horaire, le ministère de l'intérieur a décidé de rendre la formation linguistique facultative, tout en demeurant d'une durée maximale de 600 heures54(*) lorsqu'elle est suivie. Un décret du 15 juillet 202555(*) modifie l'article R. 413-3 du CESEDA, qui prévoit désormais que la formation linguistique n'est plus prescrite, mais que l'OFII propose à l'étranger une inscription à la formation linguistique. Ainsi, depuis juillet 2015, les signataires du CIR ont la possibilité de suivre tout parcours, même en dehors de l'OFII, leur permettant d'atteindre le niveau A2.
En parallèle, l'apprentissage du français par l'insertion professionnelle est favorisé.
En premier lieu, l'article 23 de la loi du 26 janvier 2024 pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration a modifié plusieurs dispositions relatives à la formation continue des salariés au sein du code du travail afin d'organiser la contribution des employeurs à la formation linguistique de leurs salariés signataires d'un CIR. Les salariés allophones signataires d'un CIR peuvent désormais comptabiliser comme temps de travail effectif les actions permettant le suivi de leur formation linguistique. Un décret du 30 décembre 202456(*) a fixé à 80 heures la durée maximale de formation considérée comme du temps de travail effectif.
En second lieu, à partir de 2026, l'inscription à France Travail sera automatique dès la signature du CIR. La circulaire du 26 juin 202557(*), cosignée par le ministre de l'intérieur, Bruno Retailleau, et la ministre chargée du travail et de l'emploi, Astrid Panosyan-Bouvet, fait de l'accès à l'emploi des étrangers en situation régulière sur le territoire français une priorité. Pour les étrangers qui maîtriseront déjà le niveau A1, France Travail aura la charge de proposer des parcours combinant formation linguistique appliquée au secteur de recherche d'emploi et dispositifs de formation en milieu professionnel. Pour ceux qui ne maîtriseront pas encore le niveau A1, l'OFII continuera de proposer des formations linguistiques de base afin de permettre, par la suite, l'intégration d'un parcours à France Travail.
3. La délivrance des cartes de séjour pluriannuelles et de résident est aussi conditionnée à la réussite d'un examen à l'issue de la formation civique, dont le contenu et les modalités viennent d'être précisés
La loi pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration conditionne également la délivrance de la carte de séjour pluriannuelle et de la carte de résident, pour tous les demandeurs signataires du CIR, à la réussite d'un examen intervenant à la fin de la formation civique. Par ailleurs, le contenu de la formation civique a été enrichi, avec l'ajout aux programmes de l'histoire et la culture de la société française.
S'agissant de l'examen civique, le décret précité du 15 juillet 2025 indique qu'il prendra la forme d'un questionnaire à choix multiples (QCM)58(*). Les modalités et le programme de cette épreuve ont été fixés par l'arrêté du 10 octobre 202559(*), qui précise que l'examen comporte 40 questions et se déroule sur un support numérique en 45 minutes. Il comporte trois mentions : « carte de séjour pluriannuelle », « carte de résident » et « naturalisation ». Dans le cas d'une demande de naturalisation française, le seuil de réussite est fixé à 80 % de bonnes réponses au QCM.
Pour 2026, la DGEF anticipe entre 50 000 et 80 000 candidats, hors candidats au titre de la demande de naturalisation.
B. UNE NUMÉRISATION DE LA FORMATION LINGUISTIQUE ET UNE PRISE EN CHARGE FINANCIÈRE PAR LES ÉTRANGERS DES CERTIFICATIONS, MINIMISANT SIGNIFICATIVEMENT LES COÛTS DE LA RÉFORME
1. Une formation linguistique désormais essentiellement numérique
Dans le cadre du renouvellement des marchés de l'OFII, au-delà du caractère facultatif de la formation linguistique, celle-ci a été entièrement dématérialisée à partir du 1er juillet 2025. Les étrangers ont désormais accès à une plateforme d'apprentissage en ligne. L'OFII met à leur disposition une licence d'une durée de validité de 12 mois. La formation en présentiel, avec un forfait unique de 600 heures, demeure pour les étrangers non lecteurs et non scripteurs60(*). Le positionnement linguistique, réalisé par un prestataire externe, permet d'évaluer le niveau, tant à l'oral qu'à l'écrit des signataires du CIR et de préconiser une orientation vers l'une des deux formules, voire une dispense de formation dans le cas où le niveau A2 est déjà acquis.
Cette formation principalement numérique, cumulée à son caractère facultatif, permet de générer des économies importantes pour le programme 104. Elle explique dès lors la non-revalorisation de l'enveloppe budgétaire dédiée à la formation linguistique, alors même que le volume des signataires du CIR entrant dans le champ de cette formation a vocation à s'accroître de près de 40 % en 2026. Selon les données transmises par le directeur général de l'OFII, le coût par signataire formé passe de 6 000 euros avec un formateur en présentiel à 25 euros pour une licence numérique.
Cette dématérialisation de l'apprentissage du français fait actuellement l'objet d'un contentieux au fond devant la juridiction administrative. Pour l'heure, par une ordonnance du 29 septembre dernier, le tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de référé-suspension formée par plusieurs associations de migrants, à raison d'absence de doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée61(*).
Si le rapporteur spécial considère que le recours aux nouvelles technologies présente un intérêt budgétaire certain dans le contexte de réduction nécessaire des dépenses publiques, la qualité de l'enseignement du français pour les primo-arrivants doit être préservée, d'autant que les exigences de niveau ont été renforcées pour l'obtention d'une carte de séjour pluriannuelle.
2. Une prise en charge financière bienvenue par les étrangers des certifications linguistiques et civique
Les deux certifications, tant linguistique que civique, sont à la charge financière des étrangers.
En ce qui concerne la certification linguistique, le décret susmentionné du 15 juillet 2025 a modifié l'article R. 413-3 du CESEDA en supprimant les dispositions relatives à la prise en charge par l'État de cette certification, qui sera désormais prise en charge par les étrangers. Le prix du test linguistique est fixé par chaque centre d'examen et est donc variable. La fourchette constatée est entre 140 et 200 euros.
En ce qui concerne l'examen civique, celui-ci sera également à la charge de l'étranger signataire du CIR. Les organismes privés, agrémentés pour trois ans par le ministère de l'intérieur62(*), fixeront librement le prix du passage de cet examen. Selon les informations transmises par la DGEF, le coût pour les étrangers devrait être de l'ordre d'une centaine d'euros.
De telles évolutions se situent dans la lignée des recommandations du rapporteur spécial à l'occasion de son contrôle budgétaire sur les formations linguistiques et civiques dans le cadre du CIR63(*). Outre le coût neutre pour les finances publiques, la prise en charge des certifications par les étrangers participe de la responsabilisation. Contribuer financièrement, au moins pour partie, à ces formations, via la prise en charge des certifications, signifie s'inscrire dans une démarche volontariste d'installation durable en France.
EXAMEN DE L'ARTICLE RATTACHÉ
ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS
L'ARTICLE 71
Plafonnement des frais irrépétibles
versés aux avocats devant la Cour nationale du droit d'asile au niveau
de l'aide juridictionnelle
Le présent article prévoit que le montant des frais irrépétibles prononcés par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA), versés aux avocats et à la charge de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA), ne peut dépasser le montant de l'aide juridictionnelle, qui est quant à elle financée sur le budget du ministère de la justice.
Dans la mesure où la rétribution au titre des frais irrépétibles est actuellement deux fois plus rémunératrice que celle au titre de l'aide juridictionnelle, les avocats tendent à préférer les frais irrépétibles, qui sont prononcés par la CNDA dans 56 % des décisions d'annulation. Par suite, ce poste de dépenses a considérablement augmenté dans le budget de l'OFPRA, qui est pour la première fois déficitaire, principalement à raison des frais irrépétibles.
La commission propose d'adopter cet article.
I. LE DROIT EXISTANT : DES FRAIS IRRÉPÉTIBLES QUI NE PEUVENT ÊTRE INFÉRIEURS À LA PART CONTRIBUTIVE DE L'ÉTAT À L'AIDE JURIDICTIONNELLE, MAJORÉE DE 50 %
A. DES ÉVOLUTIONS LÉGISLATIVES ONT CONDUIT À AUGMENTER LE MONTANT DES FRAIS IRRÉPÉTIBLES DEVANT TOUTES LES JURIDICTIONS
Pour la prise en charge de leurs dépenses de justice, les requérants devant toutes les juridictions peuvent demander l'aide juridictionnelle, financée sur le budget du ministère de la justice.
L'aide juridictionnelle désigne l'aide financière accordée par l'État aux personnes physiques disposant de ressources insuffisantes afin de défendre leurs droits devant les juridictions judiciaires et administratives. Elle vise à permettre la prise en charge de tout (dans le cas de l'« aide juridictionnelle totale ») ou partie (par une « aide juridictionnelle partielle ») des frais de procédures et ceux inhérents au recours à un conseil.
En application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, elle est accordée sous condition de ressources pour toute action qui n'apparaît pas manifestement irrecevable ou dénuée de fondement. Elle est de droit pour les contentieux portés devant la Cour nationale du droit d'asile.
L'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 permet aux auxiliaires de justice d'obtenir le bénéfice des frais irrépétibles mis à la charge de la partie perdante, plutôt que de percevoir la somme versée par l'État au titre de l'aide juridictionnelle.
Si la loi du 10 juillet 1991 dans sa version initiale prévoyait une liberté de fixation par le juge du montant des frais irrépétibles, par la suite, le législateur a prévu un montant plancher pour inciter au prononcé des frais irrépétibles en lieu et place de la part contributive de l'État.
Dans un premier temps, l'article 128 de loi de finances pour 201464(*) a prévu que les frais irrépétibles ne peuvent être inférieurs au montant de l'aide juridictionnelle. Cette disposition devait permettre en principe à la fois de soulager le budget de l'aide juridictionnelle et d'augmenter la rémunération des avocats désignés pour assister les bénéficiaires de cette aide.
Dans un second temps, l'article 243 de la loi de finances pour 202065(*) a augmenté ce plancher en prévoyant que ces frais ne peuvent pas être inférieurs à cette aide juridictionnelle, majorée de 50 %. Cet article résulte d'un amendement adopté à l'Assemblée nationale de Philippe Gosselin et Naïma Moutchou et fait suite à une préconisation de leur mission d'information sur l'aide juridictionnelle66(*), afin de rendre « le dispositif plus incitatif pour les avocats, en leur assurant une rémunération supérieure à celle qu'ils auraient obtenue au titre de l'aide juridictionnelle ».
Ces dispositions législatives ont eu pour effet d'augmenter le versement de frais irrépétibles à la charge de la partie perdante devant toutes les juridictions, et de fait à la charge de l'OFPRA en cas de décision d'annulation d'un refus de protection par la CNDA.
En pratique, lorsque la CNDA annule une décision de refus de protection de l'OFPRA, les avocats des demandeurs d'asile demandent au juge de prononcer les frais irrépétibles. Si le juge accède à leur requête, ils renoncent à l'aide juridictionnelle pour percevoir les frais irrépétibles, et dans le cas contraire, ils conservent l'aide juridictionnelle. En 2024, la CNDA a fait droit à cette demande dans 56 % des décisions d'annulation. Ce chiffre a significativement augmenté ces dernières années : il était de 17,27 % en 2019, 31,86 % en 2021, 41,20 % en 2022 et 49 % en 2023.
B. UNE HAUSSE MASSIVE SUBSÉQUENTE DES FRAIS IRRÉPÉTIBLES DUS PAR L'OFPRA, À L'ORIGINE D'UN DÉFICIT STRUCTUREL
Les dépenses liées aux frais irrépétibles, qui constituent des dépenses de guichet pour l'OFPRA, ont été multipliées par sept depuis 2019, passant de 0,9 million d'euros en 2019 à 7,7 millions d'euros en 2024. Sur la seule période 2021-2025, ces dépenses de guichet ont augmenté de près de 100 %, passant de 4 à 8 millions d'euros.
Évolution des frais
irrépétibles versés par l'OFPRA
en cas de condamnation
par la CNDA depuis 2016
(en millions d'euros)
Source : commission des finances du Sénat, d'après les données de l'OFPRA
Ainsi, les frais irrépétibles prononcés par la CNDA représentent aujourd'hui le quatrième poste de dépenses dans le budget de l'OFPRA, soit 7 % du budget total en 2025, après les dépenses de personnel, de traduction et d'immobilier.
Par ailleurs, certains cabinets d'avocats spécialistes en contentieux de l'asile concentrent une part importante des dépenses. En 2024, trois avocats ont concentré près de 10 % de la dépense totale des frais irrépétibles. Pour 2025, un seul avocat a été rémunéré par l'OFPRA à hauteur de 250 000 euros au titre des frais irrépétibles.
L'évolution exponentielle de ces dépenses sont à la source d'un déficit structurel pour l'OFPRA. Il est pour la première fois de l'ordre de - 6,5 millions d'euros, financés sur les réserves de l'établissement par le fonds de roulement. En outre, cette augmentation des dépenses n'est que partiellement compensée dans le cadre du budget pour 2026, avec le rehaussement de la subvention pour charges de service public à hauteur de 2 millions d'euros.
II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : PLAFONNER LES FRAIS IRRÉPÉTIBLES VERSÉS AUX AVOCATS DEVANT LA COUR NATIONALE DU DROIT D'ASILE AU NIVEAU DE L'AIDE JURIDICTIONNELLE
Le présent article additionnel est proposé par l'amendement II-18 (FINC.5) de la commission des finances.
Cet article modifie la première phrase du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi n° 91 647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique afin de préciser que devant la Cour nationale du droit d'asile, la somme versée au titre des frais irrépétibles ne peut être supérieure à la part contributive de l'État.
Cela crée une particularité dans le paysage procédural, mais ce régime est déjà spécifique puisque l'aide juridictionnelle est de droit.
La rémunération obtenue par le biais des frais irrépétibles doit impérativement rester soutenable pour l'État et proportionnée au travail effectivement fourni par les avocats. Dans cette perspective, le présent article génèrerait, dès 2026, une moindre dépense d'environ 4 millions d'euros pour l'État.
Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter cet article.
EXAMEN PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE
En première lecture, l'Assemblée nationale n'ayant pas adopté la première partie du projet de loi, celui-ci est considéré comme rejeté en application du troisième alinéa de l'article 119 du Règlement de l'Assemblée nationale.
En conséquence, sont considérés comme rejetés les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration ».
EXAMEN EN COMMISSION
Réunie le mercredi 5 novembre 2025, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission des finances a examiné le rapport de Mme Marie-Carole Ciuntu, rapporteur spécial, sur la mission « Immigration, asile et intégration ».
M. Claude Raynal, président. - Nous terminons nos travaux de ce matin par l'examen du rapport spécial sur la mission « Immigration, asile et intégration ».
Mme Marie-Carole Ciuntu, rapporteur spécial de la mission « Immigration, asile et intégration ». - L'examen des crédits de cette mission s'inscrit, cette année encore, dans un contexte de pression migratoire qui s'aggrave en France, alors même qu'une légère contraction des flux migratoires est constatée à l'échelle européenne.
L'Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) a connu en 2024 un record historique de 154 000 demandes d'asile enregistrées, 8 % de plus qu'en 2023, elle-même une année record. En 2024 également, plus de 324 000 premiers titres de séjour sur le territoire français ont été accordés, en hausse de 5 % en un an, pour 4,3 millions de titres de séjour valides.
En revanche, au niveau de l'Union européenne, en 2024, la baisse a été de 10 % pour les demandes d'asile et de 8 % pour les premiers titres de séjour. Cette tendance commence à peine à s'observer en France, avec une diminution de plus de 4 % des demandes d'asile enregistrées sur les neuf premiers mois de l'année 2025.
Quels sont les grands équilibres du budget de la mission pour 2026 ? Après un budget 2025 marquant des baisses importantes de crédits, le budget 2026 prévoit une hausse de 25,2 %, à hauteur de 2,2 milliards d'euros, des autorisations d'engagement (AE) et de 3,8 %, à hauteur de 2,16 milliards d'euros, des crédits de paiement (CP).
Le programme 303 « Immigration et asile » capte l'intégralité de cette augmentation, avec plus de 450 millions d'euros en AE et 80 millions d'euros en CP. En particulier, s'agissant de la lutte contre l'immigration irrégulière, les AE progressent de 87 % et les CP de 40,5 %, en raison de forts investissements immobiliers dans les centres de rétention administrative (CRA). Cela représente donc un effort substantiel dans le contexte de réduction des dépenses publiques et traduit la volonté de ce gouvernement et du précédent de mener une politique migratoire plus rigoureuse et maîtrisée.
Avec la loi du 26 janvier 2024 pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration, des moyens juridiques ont été votés pour renforcer la chaîne de l'éloignement. Désormais, des moyens budgétaires y sont associés. À titre d'exemple, si le taux d'exécution des retours forcés, notamment des obligations de quitter le territoire français (OQTF), est encore très faible, le taux d'exécution des expulsions prononcées à raison de menaces graves à l'ordre public a progressé de 47 % entre 2024 et 2025, la loi Immigration et intégration ayant réduit le champ des protections contre l'expulsion.
Cette hausse du budget permet une quasi-conformité avec la trajectoire fixée de la loi du 24 janvier 2023 d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (Lopmi). Cependant, elle intègre deux volumes de dépenses non initialement prévues, à commencer par celles qui sont consacrées à l'hébergement et aux allocations versées aux personnes ayant fui l'Ukraine, de l'ordre de 84 millions d'euros.
Les secondes ont trait à la mise en oeuvre du pacte européen sur la migration et l'asile, censé entrer en vigueur en juin 2026. Ainsi, selon la direction générale des étrangers en France (DGEF), leur coût programmé pour 2026 s'élève à 84,8 millions d'euros, afin de financer notamment la construction de 615 places à Roissy dans le cadre de la nouvelle procédure d'asile à la frontière, les surcoûts de l'allocation pour demandeur d'asile (ADA) induits par la transposition des règles afférentes aux conditions matérielles d'accueil de la directive, ou encore les nouvelles garanties procédurales applicables devant l'Ofpra, dont la traduction des documents pertinents pour la demande d'asile, l'organisation d'entretiens pour les mineurs et le renforcement du niveau de formation des interprètes. Si le coût de mise en oeuvre du pacte avait été estimé à 150 millions d'euros pour 2026 dans le cadre du plan national français transmis à la Commission européenne en décembre 2024, deux fois moins de crédits sont finalement budgétés.
Je souligne trois points de vigilance.
Le premier, qui est au coeur de la mission, est l'asile. Cette année encore, les crédits alloués aux conditions matérielles d'accueil des demandeurs sont optimisés, avec une ADA en baisse de 30 millions d'euros à périmètre constant par rapport à 2025 et un parc d'hébergement du dispositif national d'accueil réduit de 1 400 places environ. Pour justifier cette baisse, le ministère de l'intérieur mise sur une maîtrise des délais d'examen des demandes d'asile réduisant la durée d'hébergement et d'octroi des allocations, revalorisant à nouveau les moyens de l'Ofpra avec 48 postes supplémentaires, en plus des 29 déjà créés en 2025. Compte tenu de l'évolution du volume des demandes d'asile en 2026 ainsi que de l'atteinte de l'objectif de 176 000 décisions rendues par l'Office, cette stratégie pourrait être la bonne.
Sur la réduction du parc, je tiens à préciser que les 13 000 places d'hébergement d'urgence pour demandeurs d'asile (Huda) supprimées sont en réalité transformées, en grande partie, en places dans des centres d'accueil pour demandeurs d'asile (Cada), de sorte à renforcer la sécurité juridique et financière des relations avec les organismes gestionnaires, selon une recommandation de la Cour des comptes.
Deuxième point de vigilance, je relève la hausse sensible des dépenses d'investissement à destination des CRA, que j'avais appelée de mes voeux lors de mon récent rapport de contrôle sur l'extension de leurs capacités d'accueil. Pour 2026, le montant prévisionnel de l'investissement est ainsi de 266,7 millions d'euros en AE et de 156,2 millions d'euros en CP, soit une hausse de plus de 260 % pour ces derniers. Ces moyens sont donc à la hauteur pour tenir l'objectif de 3 000 places de rétention dans l'Hexagone à horizon 2029, l'une mes recommandations.
Cependant, une fois les moyens alloués, les dépenses doivent être exécutées, ce qui n'est pas toujours aisé au regard de multiples obstacles relevant à la fois de la maîtrise du foncier, de l'acceptabilité locale, des aléas des travaux et des moyens humains à mobiliser. Afin de pallier ces difficultés, deux recommandations de mon rapport vont être mises en oeuvre : la construction de CRA modulaires et un possible recours à du personnel relevant du secteur privé, pour des missions très définies, en parallèle du recrutement de réservistes.
Outre le renforcement de l'éloignement forcé, j'attire votre attention sur les départs aidés par l'aide au retour volontaire, aux potentialités sous-exploitées. Ainsi, 2 000 places sont disponibles au sein des centres de préparation au départ, au taux d'occupation très faible. Je suis toujours en attente d'éclairages du ministère de l'intérieur sur ce dispositif, complément nécessaire à l'éloignement forcé, aux avantages budgétaires non négligeables et qui permet un retour plus digne.
Troisième et dernier point de vigilance, qu'en est-il de l'intégration des personnes régulièrement présentes sur notre territoire ? Les crédits concernés stagnent, alors même que la réforme de la formation linguistique et civique à destination des signataires du contrat d'intégration républicaine (CIR) entre en vigueur au 1er janvier prochain. D'une part, les exigences linguistiques sont rehaussées, puisqu'un niveau A2, et non plus A1, conditionnera désormais l'obtention d'une carte de séjour pluriannuelle. D'autre part, les étrangers devront réussir un examen, dont les modalités ont été précisées par arrêté le 10 octobre dernier, à l'issue de la formation civique.
Alors même que 40 % d'étrangers en plus sont concernés par les formations linguistiques sous l'effet du rehaussement du niveau de langue requis, cette réforme est opérée à budget constant.
En effet, la formation linguistique par l'Office français de l'immigration et de l'intégration (Ofii) devient facultative, les étrangers pouvant se former par tous moyens. Ils ne sont toutefois pas livrés à eux-mêmes, puisque la loi Immigration et intégration favorise l'apprentissage du français par l'insertion professionnelle. À titre d'exemple, les salariés allophones signataires d'un CIR peuvent désormais comptabiliser leur formation linguistique comme temps de travail effectif, dans la limite de 80 heures. Ainsi, la formation repose aussi sur les entreprises bénéficiant de la main-d'oeuvre étrangère.
Par ailleurs, la formation linguistique a été dématérialisée pour tous les signataires du CIR, à l'exception des non-scripteurs et des non-lecteurs, ce qui dégage des marges budgétaires considérables, de même que la prise en charge par les étrangers des frais de passage des examens, ce qui était l'une des recommandations de mon rapport de contrôle intitulé Apprentissage du français et des valeurs civiques : davantage de moyens et toujours pas davantage de réussite, publié en 2024.
La commission des finances et le Sénat ont régulièrement rejeté les crédits de cette mission au cours des dernières années, en raison de l'illisibilité de la politique qui y est associée. Cette année, cependant, la ligne est assez claire, avec des moyens pour lutter contre l'immigration irrégulière et des dispositifs plus novateurs pour l'intégration des étrangers, permettant une maîtrise des dépenses. Pour conclure, si je reste vigilante, notamment sur l'exécution des dépenses d'investissement dans les CRA et sur le déroulé de la formation dématérialisée, je suis favorable à l'adoption des crédits de la mission.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. -Sur un sujet suscitant régulièrement de vifs débats, je salue la position d'équilibre trouvée par le rapporteur spécial, qui propose de lutter contre l'immigration irrégulière tout en intégrant mieux ceux qui sont nos voisins et, pour certains, nos futurs compatriotes. Je fais miennes ses orientations.
Il est vrai que nous y voyons aujourd'hui un peu plus clair, même s'il y a encore beaucoup à faire pour progresser dans le débat public, sur toutes les travées de l'hémicycle. Le rapport spécial de notre collègue reçoit tout mon assentiment et mon soutien.
M. Michel Canévet. - Le taux d'exécution des OQTF, de l'ordre de 10 %, est-il le fait des recours engagés, ou s'entend-il une fois les recours épuisés ? En effet, 10 %, c'est très peu. Dès lors que la justice a tranché, et sans parler d'atteindre 100 %, il existe certainement une marge d'amélioration.
Concernant l'Ofpra, j'ai bien entendu que l'organisme avait significativement amélioré son activité. Quelles en sont les conséquences ? À quel délai de traitement des demandes pourra-t-on parvenir ?
M. Rémi Féraud. - Même si nous ne voterons pas le rapport spécial de notre collègue, je salue son travail, qui nous permet d'avoir un débat sans excès au sein de notre commission.
Tout d'abord, il est d'autant plus nécessaire d'augmenter considérablement le budget alloué aux centres de rétention administrative que, quoi que l'on pense du régime algérien, les relations actuelles entre la France et l'Algérie rendent quasi nulles l'exécution de nombreuses OQTF édictées. Il convient de souligner cette contradiction dans la politique des gouvernements successifs.
J'ai trois questions.
Premièrement, lorsque l'on mentionne les CRA, nous parlons de privation de liberté. Qu'est-ce que l'externalisation que vous avez évoquée recouvre exactement ? Est-elle bien contrôlée ?
Deuxièmement, concernant le budget consacré aux demandes d'asile, en légère baisse, ne met-on pas la charrue avant les boeufs en présupposant que des économies seront dégagées grâce à la réduction des délais suscitée par les postes supplémentaires créés à l'Ofpra ?
Troisièmement, j'ai bien entendu ce que vous disiez sur l'Ofii et la possibilité d'apprendre le français auprès d'autres organismes. Cependant, les exigences augmentent - pourquoi pas ? -, mais les moyens en face diminuent. Est-ce vraiment raisonnable et juste, en particulier pour les personnes qui doivent apprendre le français à l'âge adulte ? N'y a-t-il pas, là encore, une contradiction ?
Mme Christine Lavarde. - Je voudrais revenir sur la procédure de l'administration numérique pour les étrangers en France (Anef). En mars 2024, il m'avait été indiqué que 87 % des titres feraient l'objet d'une téléprocédure Anef à la fin de l'année, permettant à une large majorité d'usagers de ne plus prendre rendez-vous en préfecture. En outre, la poursuite de l'instruction d'une demande complète au-delà de la validité du titre de séjour devait entraîner la délivrance via le téléservice d'une attestation de prolongation de l'instruction, afin d'empêcher toute rupture de droit.
Se peut-il que mon département des Hauts-de-Seine comprenne une grande partie des 13 % de dossiers qui n'ont pas été intégrés à l'Anef en 2024 ? En effet, si j'en crois le nombre de sollicitations que je reçois, beaucoup de personnes n'arrivent pas à déposer un dossier, ne reçoivent pas de récépissé ou ignorent le statut de leur demande. Certaines sont en France depuis longtemps, travaillent, paient des cotisations et n'arrivent pas à faire valoir leurs droits. Avez-vous des éléments sur ce sujet ?
M. Claude Raynal, président. - Je reviens sur la formation linguistique. D'une part, on augmente le niveau de langue requis et, d'autre part, la formation devient facultative. L'on argue du fait que les étrangers peuvent suivre les cours de leur choix. Certes, pour certains, on peut l'imaginer, mais cela doit être assez coûteux hors de l'Ofii. Par conséquent, n'y a-t-il pas une forme d'hypocrisie dans cette démarche ? Les personnes concernées peuvent-elles financer des formations linguistiques de qualité ?
Mme Marie-Carole Ciuntu, rapporteur spécial. - J'aboutis au même constat que Christine Lavarde s'agissant de l'Anef. Il me paraitrait d'ailleurs utile que la Cour des comptes réalise un point sur la dématérialisation des demandes effectuées par les étrangers via cette application. Les éléments transmis par la DGEF décrivent simplement le processus de mise en place de l'Anef et demeurent assez vagues en termes de calendrier de déploiement complet. Cela suscite une certaine perplexité, alors que des moyens ont été mobilisés, à hauteur de 70 millions d'euros entre 2015 et 2023. Je pense, néanmoins, que les services de l'État sont conscients de ce sujet.
Les langues et leur apprentissage relèvent de l'intégration, dimension que l'on ne saurait négliger. Comme vous le relevez, on impose un niveau linguistique supérieur, qui est à justifier pour obtenir le renouvellement des cartes de séjour pluriannuelles. Toutefois, les étrangers sont incités à s'investir davantage dans l'apprentissage des langues si les titres de séjour longs en dépendent, alors qu'auparavant il n'y avait guère d'intérêt à apprendre le français, la seule assiduité et participation aux formations étant requises.
Bien sûr, il ne s'agit pas de dire que tous sortent du CIR et qu'ils n'ont pas le droit à un apprentissage linguistique, mais d'instaurer plus de souplesse dans l'apprentissage du français. Les étrangers eux-mêmes ont d'ailleurs souligné que les formations qui leur étaient offertes n'étaient pas du tout adaptées. En effet, dans les métropoles, il y a beaucoup de demandes et des classes surchargées, tandis que, dans les univers plus ruraux, la formation tarde faute de participants suffisants, et les conditions de transport sont compliquées pour se rendre aux formations. Au fond, tous veulent travailler et bénéficier d'une formule adaptée à la réalité de leurs besoins.
Par ailleurs, nous avons constaté que le processus d'attribution des forfaits sur la plateforme était totalement aléatoire. Ainsi, certaines personnes, qui parlaient très bien français, se voyaient tout de même attribuer 600 heures, total qui ne pouvait plus être modifié, même en cas d'atteinte d'un niveau suffisant. Les étrangers nous disaient que cela ne faisait que les placer en grande difficulté vis-à-vis de leur employeur, tout en les dégoûtant de cet apprentissage, alors qu'ils faisaient souvent preuve d'une démarche volontaire.
Aujourd'hui, il faut laisser les étrangers en situation régulière travailler, tout en ne laissant pas leur employeur considérer que l'absence de formation est une bonne chose. Nous devons toutefois veiller à ce que le raisonnement ne soit pas poussé à l'extrême. . Il faut donc observer avant de juger, sans disqualifier immédiatement la volonté de réaliser des économies, mais nous en reparlerons l'année prochaine. Nous devrons nous assurer que nous ne sommes pas allés trop loin dans l'idée selon laquelle le numérique serait adapté à toutes les situations S'agissant des non-lecteurs et des non-scripteurs, je tiens à préciser qu'ils bénéficieront toujours d'une formation en présentiel, avec un forfait de 600 heures.
Sur l'accélération de l'instruction des demandes par l'Ofpra, nous commençons à enregistrer, en 2025, une baisse du nombre de demandeurs d'asile, comme c'est déjà le cas dans tous les pays européens, alors que 77 équivalents temps plein (ETP) supplémentaires ont été octroyés sur deux ans, un effort extraordinaire. Je ne suis donc pas choquée par le fait d'attendre un nombre important de décisions dans des délais restreints, même si l'objectif de 60 jours de délai de traitement par l'OFPRA paraît toujours irréaliste et que l'effort de déstockage de dossiers anciens fait mécaniquement augmenter les délais moyens constatés.
Là encore, il convient de rester raisonnable. Je comprends l'avertissement de la direction générale de l'Ofpra sur la présence de cas difficiles, sur lesquels il convient de rendre des décisions de qualité pour éviter les recours devant la Cour nationale du droit d'asile (CNDA).
Concernant les OQTF, le taux d'exécution concerne les OQTF à exécuter, une fois les délais de recours épuisés. En revanche, je constate que nous parvenons à effectuer bien plus de retours forcés lorsque nous savons où se trouvent les étrangers en situation irrégulière, raison pour laquelle je suis si favorable à l'augmentation du nombre de places en CRA, même s'il ne s'agit pas de les augmenter à l'infini. Les centres de rétention doivent disposer de places, non seulement pour ceux qui représentent un trouble à l'ordre public, mais aussi pour ceux qui n'ont pas vocation à rester sur le territoire, même sans représenter une menace imminente.
Il est vrai que l'échec du retour des étrangers en situation irrégulière tient beaucoup à la difficulté d'obtenir des laissez-passer consulaires, surtout pour un pays en particulier... L'Algérie, le Maroc et la Tunisie sont les trois pays les plus concernés par l'immigration irrégulière et, pour la première, la situation est bloquée plus que jamais, même s'il n'a jamais été évident d'obtenir ces laissez-passer. En réalité, les réponses sont ailleurs, notamment dans les politiques de délivrance des visas et de développement. Peut-être faut-il aussi se poser la question de la convergence des objectifs au sein même du Gouvernement...
Nous constatons les limites d'une politique qui mobilise beaucoup de moyens. Je rappelle que seulement 38,8 % des personnes retenues en métropole repartiront dans leur pays d'origine. Ce taux moyen est le même pour les ressortissants des pays du Maghreb alors même qu'ils représentent plus de 55 % des personnes en rétention, mais à peine 40 % des retours forcés.
Enfin, des expérimentations assez significatives sont déjà en cours au sein des CRA pour déterminer s'il est possible de remplacer des policiers formant le personnel par d'autres profils pour des missions limitées et définies, telles que la restauration, la maintenance ou la bagagerie. Sans constituer une éviction à grande échelle de la police aux frontières dans ces centres, cette piste a le mérite de s'inscrire dans la volonté d'augmenter de 1 000 places d'ici à 2029 le nombre de places en CRA.
La commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration ».
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Réunie à nouveau le mercredi 26 novembre 2025, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a procédé à l'examen définitif de l'équilibre, des missions, des budgets annexes, des comptes spéciaux et des articles rattachés de la seconde partie.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Réunie le 5 novembre, la commission des finances a adopté, sans modification, les crédits de la mission.
Je vous propose de confirmer la décision de proposer d'adopter sans modification les crédits de la mission.
La commission a confirmé sa décision de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration ».
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Le rapporteur spécial, Mme Marie-Carole Ciuntu, vous propose d'adopter un amendement visant à créer un article additionnel après l'article 71.
Mme Marie-Carole Ciuntu, rapporteur spécial de la mission « Immigration, asile et intégration ». - Je vous propose l'adoption d'un amendement visant à plafonner les frais irrépétibles versés aux avocats spécialisés en contentieux de l'asile au niveau de l'aide juridictionnelle en cas de condamnation de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA).
Les avocats tendent à préférer le versement de frais irrépétibles en lieu et place de l'aide juridictionnelle, car ils sont bien plus rémunérateurs : 1 200 euros leur sont en moyenne versés, contre 600 euros en application du barème de l'aide juridictionnelle.
Or, cette situation devient critique pour le budget de l'Ofpra, qui enregistre principalement pour cette raison et pour la première fois un déficit de 6,5 millions d'euros. Ces frais irrépétibles sont passés de moins de 1 million d'euros en 2019 à 8 millions prévus pour 2025, avec un petit nombre de cabinets d'avocats spécialisés qui captent ces frais.
La rémunération obtenue par le biais des frais irrépétibles doit impérativement rester soutenable pour l'État et proportionnée au travail effectivement fourni par les avocats. Ainsi, l'adoption d'un tel amendement entraînerait une moindre dépense d'environ 4 millions d'euros pour l'État.
L'amendement II-18 (FINC.5) portant article additionnel est adopté.
La commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter l'article additionnel après l'article 71.
LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
Ministère de l'intérieur - Direction générale des étrangers en France (DGEF)
- M. David COSTE, directeur général des étrangers en France par intérim ;
- Mme Annie CHOQUET, sous-directrice de l'intégration des étrangers ;
- M. Cyriaque BAYLE, sous-directeur de la lutte contre l'immigration irrégulière ;
- M. Jérôme GUERREAU, adjoint au directeur de l'immigration ;
- M. Ludovic PIERRAT, adjoint à la cheffe du service de la performance et des ressources ;
- M. Frédéric CAMOL, adjoint au chef du bureau du pilotage et de la synthèse budgétaire et financière ;
- M. Adrien BAYLE, adjoint de la directrice de l'asile ;
- Mme Aude ISAAC ROUÉ, adjointe du chef de département de la performance et de la coordination. ;
- M. Kaelig LEBRETON, chef de section affaires budgétaires, contrôles de gestion, Fonds européens ;
- Mme Marjorie AUTAIN, adjointe au chef de bureau du bureau de l'éloignement et de la rétention.
Office Français de l'Immigration et de l'Intégration (OFII)
- M. Didier LESCHI, directeur général.
Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA)
- M. Alain ESPINASSE, directeur général ;
- M. Mathieu MUGNIER, secrétaire général.
LA LOI EN CONSTRUCTION
Pour naviguer dans les rédactions successives du texte, le tableau synoptique de la loi en construction est disponible sur le site du Sénat à l'adresse suivante :
https://www.senat.fr/dossier-legislatif/pjlf2026.html
* 1 Loi n° 2023-22 du 24 janvier 2023 d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur.
* 2 L'extension de la capacité d'accueil des centres de rétention administrative, rapport d'information n° 4 (2025-2026), déposé le 1er octobre 2025, Mme Marie Carole CIUNTU (Recommandation n° 3).
* 3 Recommandations 4 et 5 du rapport précité sur l'extension de la capacité des centres de rétention administrative.
* 4 Apprentissage du français et des valeurs civiques : davantage de moyens et toujours pas davantage de réussite, rapport d'information n° 772 (2023-2024), déposé le 24 septembre 2024, Mme Marie Carole CIUNTU (Recommandation n° 7).
* 5 Selon les chiffres d'Eurostat.
* 6 Source : Eurostat.
* 7 https://www.frontex.europa.eu/media-centre/news/news-release/eu-external-borders-irregular-crossings-fall-22-in-the-first-9-months-of-2025-bUQtLl
* 8 L'évolution est toutefois inversée selon le type de dossiers. Alors que les premières demandes, qui représentent les volumes les plus importants, ont baissé de 14 % par rapport à la même période en 2024 (9 450 introductions chaque mois contre 11 000 en 2024), les demandes de réexamen ont progressé de 51 % (2 830 en moyenne mensuelle, contre 1 900 l'an passé).
* 9 Il s'agit du taux synthétique de protection, qui vise à rendre compte du taux de protection internationale accordé par la France, à la fois en première et en seconde instance. Il est calculé de telle sorte à s'affranchir de l'éventuel impact que peut avoir le décalage temporel entre l'examen par l'OFPRA d'une demande de protection et l'examen de son éventuel recours auprès de la CNDA.
* 10 Le nombre de demandes d'asile des personnes en provenance d'Ukraine a connu une hausse significative, alors qui sollicitaient jusqu'ici peu l'asile en raison de la protection temporaire dont ils peuvent bénéficier (voir infra).
* 11 Voir infra. Le contrat d'intégration républicaine (CIR) constitue la matérialisation du parcours personnalisé d'intégration républicaine de certains étrangers primo-arrivants et prévoit un dispositif de formation linguistique et civique.
* 12 Le ministère de l'intérieur explique cette baisse notamment par l'interruption des signatures de CIR au mois d'août au regard du contexte budgétaire.
* 13 Services de l'État et immigration : retrouver sens et efficacité, rapport d'information n° 626 (2021-2022) de M. François-Noël BUFFET, fait au nom de la commission des lois, déposé le 10 mai 2022.
* 14 Sur 69 888 OQTF prononcées, 7 426 ont été exécutées au premier semestre 2025.
* 15 Cour des comptes, La politique de lutte contre l'immigration irrégulière, janvier 2024.
* 16 Le personnel des deux opérateurs rattachés à la mission (OFPRA et OFII) est rémunéré directement par ces derniers.
* 17 Document de politique transversale, Politique française de l'immigration et de l'intégration, annexé au projet de loi de finances pour 2025.
* 18 Décret n° 2025-374 du 25 avril 2025 portant annulation de crédits.
* 19 Cour des comptes, La politique de lutte contre l'immigration irrégulière, janvier 2024.
* 20 Loi n° 2023-22 du 24 janvier 2023 d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur.
* 21 La LOPMI couvre trois missions (« Sécurités », « Administration générale et territoriale de l'État », et « Immigration, asile et intégration »), le compte d'affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers » et les taxes affectées à l'ANTS (Agence nationale des titres sécurisés). Sont toutefois exclus du périmètre de la LOPMI le programme 232 « Vie politique » de la mission « Administration générale et territoriale de l'État », les programmes 754 et 755 du compte d'affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers », et les programmes « Outre-mer ».
* 22 Hors contributions au compte d'affectation spéciale « Pensions » et hors programme 232 « Vie politique » de la mission « Administration générale et territoriale de l'État », programmes 754 et 755 du compte d'affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers », et programmes « Outre-mer ».
* 23 À titre indicatif, le rapport annexé à la LOPMI décline la trajectoire pluriannuelle par missions concernées, sans que ne soit prise en compte la hausse annuelle de 60 millions d'euros prévue par amendement à l'échelle du ministère de l'intérieur, à savoir l'augmentation de 60 millions d'euros, en CP, de la trajectoire prévue pour chacune des années concernées par la programmation (de 2023 à 2027) permise par l'adoption d'un amendement de nos collègues députés Éric Ciotti et Philippe Gosselin en faveur de l'extension des capacités de rétention administrative. Cette hausse est en revanche prise en compte dans le tableau à l'échelle du ministère, qui relevait non pas du rapport annexé mais d'un des articles de la loi.
* 24 Directive 2001/55/CE du Conseil du 20 juillet 2001 relative à des normes minimales pour l'octroi d'une protection temporaire en cas d'afflux massif de personnes déplacées et à des mesures tendant à assurer un équilibre entre les efforts consentis par les États membres pour accueillir ces personnes et supporter les conséquences de cet accueil.
* 25 Décision d'exécution UE n° 2022/382 du Conseil du 4 mars 2022 constatant l'existence d'un afflux massif de personnes déplacées en provenance d'Ukraine, au sens de l'article 5 de la directive 2001/55/CE, et ayant pour effet d'introduire une protection temporaire.
* 26 Instruction NOR : INTV2208085J du 10 mars 2022 du ministre de l'intérieur, du ministre des solidarités et de la santé, de la ministre déléguée auprès de la ministre de la transition écologique, chargée du logement et de la ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur, chargée de la citoyenneté.
* 27 Notamment circulaire n° 6355-SG du 22 juin 2022 portant orientations nationales pour l'hébergement et le logement des déplaces en provenance d'Ukraine et circulaire n° 6406-SG du 23 juin 2023 portant orientations pluriannuelles pour l'accueil et l'insertion des personnes déplacées en provenance d'Ukraine.
* 28 En 2023, les crédits avaient d'ailleurs été augmentés en loi de finances de fin de gestion, qui avait ouvert 339 millions d'euros sur le programme 303 « Immigration et asile » pour financer le versement de l'ADA et des solutions d'hébergement en faveur des BPT.
* 29 Le projet annuel de performances de la mission annexé au présent projet de loi de finances indique un montant différent de celui transmis par la DGEF pour l'année 2026 pour le programme 303 : « Sa mise en oeuvre implique un effort budgétaire net significatif estimé à plus de 66 millions d'euros en crédits de paiement en 2026 et nécessitera une mobilisation renforcée des services de l'État et des opérateurs concernés».
* 30 Directive (UE) 2024/1346 du Parlement européen et du Conseil du 14 mai 2024 établissant des normes pour l'accueil des personnes demandant une protection internationale.
* 31 Voir supra.
* 32 Créée par la loi du 29 juillet 2015 relative à la réforme du droit d'asile, l'ADA est versée aux demandeurs d'asile d'au moins 18 ans pendant toute la durée de la procédure d'instruction de leur demande, y compris en cas de recours devant la CNDA. Cette allocation est familialisée et versée à l'ensemble des demandeurs d'asile dès lors qu'ils ont accepté l'offre de prise en charge qui leur a été présentée lors de leur admission au séjour. Son montant varie en fonction de la composition familiale, des ressources de la famille et du besoin et des modalités d'hébergement. Il est de 6,8 euros par jour pour une personne seule. Il augmente de 3,4 euros par membre de la famille supplémentaire. Un montant complémentaire de 7,4 euros est accordé si aucune place d'hébergement n'a été proposée au demandeur (ce montant est identique que le demandeur soit seul ou qu'il ait une famille). Ainsi, le montant mensuel pouvant être versé à un demandeur d'asile seul, s'il ne s'est pas vu proposer de place d'hébergement, est de 432 euros par mois.
* 33 Le projet annuel de performances de la mission mentionne toutefois que « cette programmation est fondée sur une prévision d'augmentation des flux des demandes d'asile de 5 % en 2026 », soit le même niveau qu'anticipé entre 2024 et 2025.
* 34 Pour rappel, 8 000 décisions de plus ont été prises entre 2024 et 2025.
* 35 Cour des comptes, Les relations entre l'État et les gestionnaires de structures d'hébergement, juillet 2024.
* 36 Article L. 348-1 et suivants du code de l'action sociale et des familles.
* 37 Article L. 521-3 du code de justice administrative.
* 38 Cour des comptes, La politique de lutte contre l'immigration irrégulière, janvier 2024.
* 39 Les dépenses de fonctionnement liées aux dispositifs de préparation au retour (DPAR) et les dépenses de fonctionnement liées à l'éloignement des étrangers en situation irrégulière (frais de transport en particulier) constituent les deux autres volets.
* 40 Via l'adoption d'un amendement de nos collègues députés Éric Ciotti et Philippe Gosselin en faveur de l'extension des capacités de rétention administrative.
* 41 L'extension de la capacité d'accueil des centres de rétention administrative, rapport d'information n° 4 (2025-2026), déposé le 1er octobre 2025, Mme Marie Carole CIUNTU (Recommandation n° 3).
* 42 La prévision d'exécution à elle seule du plan « CRA » est estimée 100 millions d'euros en AE et 94,8 millions d'euros en CP. En AE, les projets immobiliers concernés sont le CRA de Oissel (pour 49,1 millions d'euros) et le CRA de Luynes (pour 46,5 millions d'euros). En CP, les projets immobiliers concernés sont les CRA de Dunkerque (23,5 millions d'euros), de Béziers (12,3 millions d'euros), de Oissel (6,4 millions d'euros), de Luynes (4 millions d'euros) et de Nantes (3 millions d'euros).
* 43 Une première phase du plan « CRA », selon la terminologie du ministère de l'intérieur, a ainsi consisté à partir de 2017 à étendre le parc de 1 488 places en 2017 à 1 869 fin 2023 puis, avec la livraison du CRA d'Olivet début 2024, à 1 959 places. La seconde phase du plan « CRA » correspond à l'objectif fixé par la LOPMI de porter le parc à 3 000 places d'ici 2027.
* 44 Ce décompte de places ne prend pas en compte les projets de CRA de Goussainville et de Nice. En effet, le foncier de ces deux projets n'est pas maîtrisé à ce jour.
* 45 Cette évolution prend en compte la fermeture de l'actuel CRA de Bordeaux de 20 places.
* 46 Recommandations 4 et 5 du rapport précité sur l'extension de la capacité des centres de rétention administrative.
* 47 Réponse au questionnaire d'audition du rapporteur spécial.
* 48 Loi n° 2024-42 du 26 janvier 2024 pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration.
* 49 Interrogé sur le coût budgétaire de cette réforme, le ministre de l'intérieur et des Outre-mer Gérald Darmanin a déclaré, le 21 novembre 2023, devant la commission des lois de l'Assemblée nationale : « Nous avons débloqué les moyens nécessaires, soit plus de 100 millions d'euros par an, notamment pour les cours de français mis en place avec la LOPMI » (Extrait du compte-rendu de la réunion du 21 novembre 2023 de la commission des lois, Rapport n° 1943 de M. Florent BOUDIÉ, Mme Élodie JACQUIER-LAFORGE, MM. Ludovic MENDES, Philippe PRADAL et Olivier SERVA, fait au nom de la commission des lois, déposé le 2 décembre 2023, tome II).
* 50 L'article 20 de la loi pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration modifie l'article L. 433-4 du CESEDA, qui prévoit, à partir du 1er janvier 2026 que l'étranger, pour bénéficier d'une CSP, devra justifier « d'une connaissance de la langue française lui permettant au moins de comprendre des expressions fréquemment utilisées dans le langage courant, de communiquer lors de tâches habituelles et d'évoquer des sujets qui correspondent à des besoins immédiats ».
* 51 L'article L. 413-7 du CESEDA, tel que modifié par la loi du 26 janvier 2024, dispose que l'étranger devra justifier « sa connaissance de la langue française de nature à lui permettre au moins de comprendre des conversations suffisamment claires, de produire un discours simple et cohérent sur des sujets courants et d'exposer succinctement une idée ».
* 52 L'article 21-24 du code civil disposera à partir du 1er janvier 2026 que « l'intéressé justifie d'un niveau de langues lui permettant au moins de comprendre le contenu essentiel de sujets concrets ou abstraits dans un texte complexe, de communiquer avec spontanéité, de s'exprimer de façon claire et détaillée sur une grande variété de sujets ».
* 53 Apprentissage du français et des valeurs civiques : davantage de moyens et toujours pas davantage de réussite, rapport d'information n° 772 (2023-2024), déposé le 24 septembre 2024, Mme Marie Carole CIUNTU.
* 54 Article 3 de l'arrêté du 22 juillet 2025 relatif aux formations civique et linguistique prescrites aux étrangers signataires du contrat d'intégration républicaine en France.
* 55 L'article 4 du décret n° 2025-647 du 15 juillet 2025 relatif aux dispositions de l'article 20 de la loi n° 2024-42 du 26 janvier 2024 pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration et autres mesures relatives à l'évolution du contrat d'intégration républicaine.
* 56 Décret n° 2024-1243 du 30 décembre 2024 relatif aux formations de français langue étrangère à destination des salariés allophones.
* 57 https://www.interieur.gouv.fr/sites/minint/files/medias/documents/2025-07/circulaire-INTK2511068J-du-26-06-2025.pdf
* 58 Un nouvel article R. 413-12-1 du CESEDA est créé.
* 59 Arrêté du 10 octobre 2025 relatif au programme, aux épreuves et aux modalités d'organisation de l'examen civique.
* 60 Dans le cadre de ces formations en présentiel, des groupes de 12 personnes maximum sont constitués.
* 61 « Qu'il n'est pas démontré que la conversion de cette formation, dont le suivi n'est au demeurant pas imposé aux étrangers signataires du contrat d'intégration républicaine, en formation digitale, risquerait de faire obstacle, de manière suffisamment grave et immédiate, à la maîtrise du niveau de langue française exigé par les textes. Dans ces conditions, les associations requérantes n'établissent pas que l'exécution des clauses attaquées porterait atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à leurs situations propres, à l'intérêt général ou à celui du public concerné par cette formation ».
* 62 Arrêté du 20 août 2025 relatif à la procédure d'agrément des organismes en charge de la mise en oeuvre de l'examen civique.
* 63 Sa recommandation n° 7 proposait d'instaurer une prise en charge financière, par l'étranger, de la certification du niveau de langue prévue en fin de parcours.
* 64 Loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014.
* 65 Loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020.
* 66 Rapport d'information déposé en application de l'article 145 du règlement, par la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, en conclusion des travaux d'une mission d'information sur l'aide juridictionnelle (M. Philippe Gosselin et Mme Naïma Moutchou), n° 2183.
















