B. LES FRAIS DE JUSTICE : COMPLÉTER LES MESURES DU PROJET DE LOI DE FINANCES PAR UN MEILLEUR SUIVI INTERNE

Les frais de justice, ou les frais d'enquête judiciaire pour reprendre la terminologie de plus en plus utilisée par le ministère, sont des « quasi-dépenses de guichet », car ils sont liés à l'exercice même de la justice et au volume de l'activité pénale, de sorte que l'administration de la justice dispose de leviers limités pour la modérer.

Les frais de justice

Les frais de justice englobent les dépenses de procédure, à la charge définitive ou provisoire de l'État, qui résultent d'une décision de l'autorité judiciaire ou de celle des officiers de police judiciaire agissant sous sa direction ou son contrôle. Il s'agit par exemple des honoraires des experts et des interprètes-traducteurs, des frais de gardiennage de biens saisis, des interceptions téléphoniques et des frais résultant de nombreuses autres mesures ordonnées par un magistrat ou un officier de police judiciaire dans le cadre d'une procédure judiciaire.

Les frais de justice ne comprennent pas les rémunérations et les dépenses courantes du ministère de la justice, ni les frais d'avocat payés par les parties au procès ou l'aide juridictionnelle dont certaines de ces parties peuvent bénéficier.

Source : commission des finances

Le coût des frais de justice serait en 2026 de 759,7 millions d'euros, en hausse de 17,0 millions d'euros par rapport au projet de loi de finances pour 2025.

Sur le moyen terme, la hausse des frais de justice est considérable, puisqu'elle est de + 53,3 % par an depuis 2017, soit plus de 30 points au-dessus de l'inflation.

Évolution des frais de justice depuis 2017

(en millions d'euros courants)

Source : commission des finances, d'après les réponses
au questionnaire budgétaire et les documents budgétaires

La direction des services judiciaires indique qu'elle constate une stabilisation du nombre de mémoires de frais de justice déposés, ce qui pourrait être le signe d'une moindre croissance de leur coût, qui progresse d'ailleurs moins dans le projet de loi de finances pour 2026 qu'au cours de la plupart des années précédentes depuis 2020. Ces résultats resteront toutefois à confirmer en exécution.

Le montant de 759,7 millions d'euros prévu pour 2026, dont 693,8 millions d'euros au titre des enquêtes pénales, prend en compte, selon le projet annuel de performances, plusieurs facteurs de hausse des coûts, tels que :

- les frais de jurés, témoins et parties civiles, compte tenu de l'évolution du nombre de journées de session d'assises ;

- le renforcement du maillage territorial des structures de médecine légale ;

- les examens médicaux de garde à vue en lien avec l'évolution moyenne des comparutions immédiates ;

- le dynamisme enregistré notamment en matière d'indemnisation dès la détention provisoire (hausse du nombre de dossiers et du coût moyen) ;

- le renforcement des enquêtes sociales sur les violences intrafamiliales et la création du parquet national anticriminalité organisée (PNACO).

Des mesures d'économie doivent toutefois permettre de limiter la progression des coûts : la poursuite du développement de la PNIJ, qui représente toutefois un coût en lui-même, mais plus ponctuel (voir infra) ; une révision des arrêtés tarifaires, envisagée pour 2026 ; la poursuite du plan d'apurement du gardiennage des scellés de véhicules sous main de justice ; enfin, la révision des conditions de recours aux expertises psychiatriques et aux enquêtes sociales rapides (article 78).

Constatant l'an passé cette hausse apparemment inexorable, le rapporteur spécial a décidé de consacrer cette année un travail de contrôle budgétaire aux frais de justice40(*). Il a constaté que leur progression ne correspond pas, comme on aurait pu s'y attendre, à une hausse du nombre d'affaires judiciaires, mais plutôt à une dépendance de plus en plus grande de la justice à des mesures techniques ou d'expertise coûteuses.

Le rapporteur spécial ne peut que se réjouir de constater que trois des mesures qu'il préconisait et qui relèvent du domaine de la loi sont reprises dans le présent projet de loi de finances : la création d'une contribution pour l'aide juridique, due par toute personne qui introduit une procédure en première instance en matière civile et prud'homale (article 30 du projet de loi de finances), le principe de recouvrement des frais de justice auprès des personnes condamnées pénalement (article 46) et la révision du périmètre d'obligation de recours aux expertises psychiatriques et aux enquêtes sociales rapides (article 78, que le rapporteur spécial présentera de manière détaillée infra).

Ces mesures ne produiront toutefois pleinement leurs effets que dans le cadre d'un effort global de maîtrise des frais de justice. Il est en effet nécessaire :

- d'une part, d'améliorer la connaissance des frais de justice, ce qui suppose en particulier l'amélioration des outils informatiques : pour recouvrer les frais de justice auprès des personnes condamnées, encore faut-il être en mesure de déterminer leur coût et de les rattacher à une affaire donnée, ce qui n'est pas toujours possible actuellement ;

- d'autre part, de mettre fin aux dépenses inutiles ou peu utiles, telles que les frais de gardiennage de véhicules ou les interceptions judiciaires réalisées en dehors de la plateforme nationale des interceptions judiciaires (PNIJ) ;

- enfin, de favoriser les retours financiers : ventes ou affectations de biens saisis par l'Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (AGRASC), recouvrement des frais de justice.

Le rapporteur spécial ne méconnaît pas l'important effort conduit depuis plusieurs années par la direction des services judiciaires, à travers les phases successives du plan de maîtrise des frais de justice. L'ensemble des acteurs sont concernés et doivent être encouragés à poursuivre ces efforts.


* 40 Maîtriser les frais de justice pour mieux rendre la justice, rapport d'information n° 3 (2025-2026), fait par Antoine Lefèvre, rapporteur spécial, au nom de la commission des finances, déposé le 1er octobre 2025.

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