D. AGRASC : UNE ACTIVITÉ À DÉVELOPPER ENCORE POUR DE MEILLEURS RETOURS FINANCIERS

L'Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (Agrasc), dont le rapporteur spécial suit les travaux depuis longtemps43(*), est un établissement public administratif placé sous la tutelle du ministère de la justice et du ministère chargé des comptes publics, afin d'améliorer la saisie, la gestion puis la confiscation et la vente des avoirs criminels. Elle gère des biens saisis et confisqués sur l'ensemble du territoire national, procède à leur vente le cas échéant et veille à l'indemnisation prioritaire des parties civiles sur les biens confisqués à la personne condamnée.

Son activité, notamment marquée, en 2025, par la vente d'un yacht pour un montant de 10 millions d'euros le 27 mars dernier, est en forte croissance.

Le produit des versements réalisés par l'Agrasc est ainsi passé de 154,9 millions d'euros en 2022 à 244,1 millions d'euros en 2024, dont 160,2 millions d'euros versés à l'État, 31,0 millions d'euros au titre des « biens mal acquis »44(*) et 50,9 millions d'euros fléchés vers la MILDECA45(*) .

L'efficacité de l'AGRASC peut avoir, paradoxalement, pour effet d'entraîner une augmentation de la subvention pour charges de service public qu'elle reçoit de l'État dans le cadre du programme 310 « Conduite et pilotage de la politique de la justice », car son efficacité dépend du budget de fonctionnement qui lui est alloué.

Évolution des emplois et de la subvention
pour charge de service public de l'AGRASC

(en équivalents temps plein travaillés et en millions d'euros)

Source : commission des finances, à partir des projets et rapports annuels de performance

Cette subvention pour charges de service public a ainsi augmenté de près de moitié entre le montant attribué en 2022 et celui de 12,6 millions d'euros prévu par le présent projet de loi de finances. Le nombre des emplois suit, lui, une progression beaucoup moins accentuée et reste même stable en 2026.

Le rapporteur spécial fait observer que, à l'heure où le coût des agences et des opérateurs pour les finances publiques est si souvent mis en cause, l'Agrasc, elle, rapporte de l'argent à l'État.

Selon ses dirigeants, auditionnés par le rapporteur spécial, ses coûts de gestion sont en croissance, en relation directe avec la valeur des biens qu'elle reçoit en saisie : le yacht vendu pour 10 millions d'euros avait auparavant coûté 1 million d'euros pour le gardiennage pendant une durée d'une année.

Or l'agence était affectataire, avant 2021, d'une recette assise sur les intérêts du compte qu'elle tient auprès de la Caisse des dépôts, intérêts dont le montant serait d'environ 8 millions d'euros en 2026, pour un encours de 3 milliards d'euros. Cette recette a été remplacée à compter de 2022 par une subvention pour charge de service public, faisant entrer l'agence dans la catégorie des opérateurs de l'État.

De même, l'agence estime qu'avec un personnel un peu plus étoffé, elle pourrait faire beaucoup plus : par exemple aller faire le tri des biens valorisables dans les commissariats. Elle doit faire déplacer prochainement son siège, pour un loyer moins élevé.

Enfin, l'Agence indique ne pas être suffisamment informée des décisions de justice qui pourraient comporter des confiscations, malgré l'obligation de notification des décisions de saisie et de confiscation introduite par la loi du 24 juin 2024 améliorant l'efficacité des dispositifs de saisie et de confiscation des avoirs criminels46(*).

Le rapporteur spécial, pleinement conscient de la nécessité, pour une agence aussi « vertueuse » financièrement, d'avoir les moyens de son fonctionnement, invite à une réflexion sur son modèle économique.


* 43 Pour que le « crime ne paie pas » : consolider l'action de l'Agrasc, rapport d'information n° 421 (2016-2017) d'Antoine Lefèvre, fait au nom de la commission des finances, déposé le 15 février 2017.

* 44 L'Agrasc est chargée de la vente des biens d'un dignitaire syrien condamné en 2020 par le tribunal correctionnel de Paris, notamment pour blanchiment du produit du détournement de fonds publics syriens. Le produit des confiscations doit en conséquence être restitué au profit des populations syriennes locales, par l'intermédiaire du ministère de l'Europe et des affaires étrangères.

* 45 La mission interministérielle de lutte contre les addictions (MILDECA) reçoit le produit des décisions de confiscations prononcées dans des dossiers concernant des infractions à la législation sur les stupéfiants.

* 46 Article 7 de la loi n° 2024-582 du 24 juin 2024 améliorant l'efficacité des dispositifs de saisie et de confiscation des avoirs criminels.

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