B. LES MESURES DE RÉGULATION BUDGÉTAIRE SONT TOUJOURS SOURCES DE DIFFICULTÉS DANS L'EXÉCUTION DES MISSIONS DU MINISTÈRE

En premier lieu, le ministère a dû faire face aux conséquences de l'introduction, puis de l'abandon de la réforme sur les jours de carence dans le cadre du projet de loi de finances pour 2025.

En effet, lors de l'examen du projet de loi de finances initiale, les crédits ont été réduits de 26,2 millions d'euros, sur l'ensemble de la mission « Justice » comme sur les autres missions ministérielles, pour tirer les conséquences de mesures transversales prises en matière de masse salariales (indemnités journalières et ajout de deux jours de carence)4(*). La réforme relative aux jours de carence a par la suite été abandonnée, mais les crédits n'ont pas été rétablis. Selon les éléments apportés au rapporteur spécial, cette séquence a conduit à un manque de crédits de 6,2 millions d'euros sur le programme 107 « Administration pénitentiaire » et de 1,4 million d'euros sur le programme 182 « Protection judiciaire de la jeunesse ».

En cours d'exécution, les gels de crédits ont compliqué les échanges entre le gestionnaire de programme, au niveau national, et les responsables de budgets opérationnels de programme (BOP) dans les juridictions, en réduisant la visibilité des uns et des autres sur les crédits qui seront effectivement disponibles jusqu'à la fin de l'année pour payer les dépenses nécessaires.

L'administration pénitentiaire a également dû faire face à un nombre de départs en retraite moindre qu'attendu, ainsi qu'à l'impact de la surpopulation carcérale sur certaines dépenses (recrutements de contrats, heures supplémentaires). Elle a connu une hausse des crédits de fonctionnement, en particulier pour les établissements en gestion déléguée, de sorte que le surgel de crédits du 29 avril a pesé principalement sur les dépenses d'investissement. D'une manière générale, elle considère que l'exécution budgétaire a été d'autant plus affectée par les mesures de régulation budgétaire que ses dépenses sont très largement contraintes par les besoins de prise en charge des personnes sous main de justice5(*).

S'agissant du programme 101 « Accès au droit et à la justice », 2,0 millions d'euros ont été transférés vers le programme 112 « Impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire » de la mission « Cohésion des territoires », au titre de la contribution du ministère de la justice au fonds national France services6(*). Le ministère indique, dans ses réponses au rapporteur spécial, que ce transfert a réduit d'autant les crédits consacrés au développement de l'accès au droit et du réseau judiciaire de proximité.

Le programme 335 « Conseil supérieur de la magistrature » lui-même a été affecté par l'annulation de crédits par le décret du 25 avril, qui a conduit à supprimer la réserve de précaution. Le gestionnaire du programme a donc été amené à contrôler strictement les dépenses sur le reste de l'année, par exemple par une mise en concurrence plus étroite de prestataires ou la réalisation sur différents postes de dépenses.

Certaines directions auditionnées par le rapporteur spécial ont indiqué qu'une partie des crédits devrait être débloquée en fin d'année, ce qui permettrait de stabiliser le montant des reports de charge vers l'exercice suivant.

Le rapporteur spécial souligne que le dégel des crédits est particulièrement nécessaire lorsqu'il permet de payer des fournisseurs dans les délais et d'éviter le paiement d'intérêts moratoires, ce qui est un risque sur les chantiers d'immobilier pénitentiaire : il serait paradoxal que des mesures de régulation budgétaire aboutissent, en fin de compte, à un coût supplémentaire pour l'État.


* 4 Amendement n° II-626, déposé par le Gouvernement sur le projet de loi de finances pour 2025 lors de son examen au Sénat.

* 5 Les personnes placées sous main de justice sont celles faisant l'objet d'une mesure restrictive ou privative de liberté, qu'elles soient condamnées à une peine de prison ferme, à une peine alternative à l'incarcération, à une mesure d'aménagement de peine (ex. bracelet électronique) ou à une peine de suivi socio-judiciaire sous le contrôle du juge d'application des peines.

* 6 Décret n° 2025-624 du 9 juillet 2025 portant transfert de crédits et rapport relatif à ce décret.

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