II. LE PROJET DE BUDGET POUR 2026 PRÉSERVE LES CRÉDITS DE LA MISSION, RENFORCÉS PAR LA CRÉATION DE NOUVELLES RESSOURCES

La mission « Justice » représente, dans le projet de loi de finances pour 2026, des crédits de 12,7 milliards d'euros en autorisations d'engagement et 13,1 milliards d'euros en crédits de paiement, inscrits à l'état B annexé au projet de loi de finances et soumis à l'autorisation du Parlement.

Ces crédits incluent les contributions au compte d'affectation spéciale (CAS) « Pensions ». Hors ces contributions, les crédits du ministère sont de 10,3 milliards d'euros en autorisations d'engagement et 10,6 milliards d'euros en crédits de paiement, soit 2,7 % des crédits des ministères8(*).

Certaines missions bénéficient de ressources supplémentaires pour mettre en oeuvre leurs politiques : taxes affectées à des opérateurs, dépenses fiscales encourageant les contribuables. Ce n'est pratiquement pas le cas pour la politique de la justice, même si le présent projet de loi de finances crée une taxe affectée pour le financement de l'aide juridictionnelle. En incluant les moyens de l'État ne relevant pas de crédits budgétaires9(*), la justice, qui ne dispose pratiquement pas de dépenses fiscales ni de ressources affectées, représente 1,8 % des moyens globaux alloués par l'État aux politiques relevant du budget général et des budgets annexes.

1. Une hausse limitée des crédits de paiement, proche de celle prévue par la loi de programmation

En 2026, le projet de loi de finances prévoit que les crédits, hors contribution au compte d'affectation spéciale « Pensions » et à périmètre constant, s'établirait à un niveau de 10 629 millions d'euros, en hausse de 166 millions d'euros en crédits de paiement ou 1,6 %, soit un niveau légèrement supérieur à l'inflation anticipée (1,3 %).

Ce niveau est légèrement inférieur à celui prévu par la loi de programmation10(*), soit 10 691 millions d'euros (- 62 millions d'euros).

Toutefois, le projet de loi de finances permettra au ministère de disposer, en 2026, de ressources supplémentaires pour l'exercice de ses missions, issues, d'une part, de l'amélioration du recouvrement des amendes pénales par les commissaires de justice11(*), et d'autre part de la création d'une contribution à l'introduction d'une nouvelle instance en matière civile, ou prud'homale devant une juridiction de l'ordre judiciaire, qui sera affectée au financement de l'aide juridictionnelle12(*). Ces ressources nouvelles pourraient rapporter jusqu'à 100 millions d'euros en 2026, selon le projet annuel de performances de la mission.

Au total, on peut donc considérer que la loi de programmation de la justice est dans l'ensemble respectée pour ce qui concerne les crédits.

L'autorisation parlementaire porte sur les crédits y compris les contributions au CAS « Pensions », qui sont demandés à hauteur de 12,7 milliards d'euros en autorisations d'engagement et 13,1 milliards d'euros en crédits de paiement, soit une augmentation à périmètre constant de + 3,9 % en autorisations d'engagement et + 3,0 % en crédits de paiement.

Évolution des crédits de la mission « Justice » en euros courants et constants

(en millions d'euros et en pourcentage)

   

LFI 2025

2026 constant

Évolution de 2025 à 2026

2026 courant

   

en %

en valeur

en % hors inflation

166 - Justice judiciaire

AE

4 659,8

4 701,5

+ 0,9%

+ 41,7

- 0,4%

4 699,7

CP

4 642,3

4 766,1

+ 2,7%

+ 123,8

+ 1,3%

4 764,3

107 - Administration pénitentiaire

AE

4 874,6

5 202,4

+ 6,7%

+ 327,8

+ 5,4%

5 202,0

CP

5 327,4

5 549,2

+ 4,2%

+ 221,9

+ 2,8%

5 548,9

182 - Protection judiciaire de la jeunesse

AE

1 170,4

1 167,4

- 0,3%

- 3,0

- 1,5%

1 167,4

CP

1 150,7

1 159,6

+ 0,8%

+ 8,9

- 0,5%

1 159,6

101 - Accès au droit et à la justice

AE

802,4

808,5

+ 0,8%

+ 6,1

- 0,5%

808,5

CP

802,4

808,5

+ 0,8%

+ 6,1

- 0,5%

808,5

310 - Conduite et pilotage de la politique de la justice

AE

689,7

795,8

+ 15,4%

+ 106,1

+ 13,9%

794,7

CP

753,8

768,2

+ 1,9%

+ 14,5

+ 0,6%

767,1

335 - Conseil supérieur de la magistrature

AE

5,2

5,5

+ 5,8%

+ 0,3

+ 4,5%

5,5

CP

6,3

6,5

+ 3,4%

+ 0,2

+ 2,0%

6,5

Total

AE

12 202,1

12 681,1

+ 3,9%

+ 479,0

+ 2,6%

12 677,8

CP

12 682,9

13 058,1

+ 3,0%

+ 375,3

+ 1,6%

13 054,9

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

Le périmètre de la mission est constant, à l'exception de quelques mesures de transfert entre ministères pour un montant total de - 3,3 millions d'euros.

Les programmes « métiers » demeurent, de loin, les premiers programmes de la mission, les programmes 166 « Justice judiciaire » et 107 « Administration pénitentiaire » regroupant à eux seuls 79,0 % des crédits de la mission.

Répartition par programme des crédits de paiement
de la mission « Justice » en 2026

(en millions d'euros)

Source : commission des finances, d'après le projet de loi de finances

L'augmentation générale des crédits porte presque entièrement sur les deux principaux programmes de la mission, à savoir les programmes 166 « Justice judiciaire » et 107 « Administration pénitentiaire » et, en leur sein, sur les dépenses de personnel. Les dépenses d'investissement sont en léger retrait.

S'agissant du programme 101 « Accès au droit et à la justice », la stabilité des crédits résulte de la compensation entre l'augmentation du coût de l'aide juridictionnelle et la quasi-annulation, pour l'exercice 2026, de la subvention accordée pour l'indemnisation des dossiers impécunieux, c'est-à-dire la rémunération du liquidateur d'une entreprise lorsque les actifs de celle-ci sont insuffisants pour assurer celle-ci. Selon les éléments apportés au rapporteur spécial, cette subvention ne serait pas nécessaire en 2026 en raison de l'abondance de la trésorerie du fonds de financement des dossiers impécunieux (FFDI).

Le rapporteur spécial prend acte de ces explications, mais souligne que le FDDI doit disposer des fonds nécessaires à l'accomplissement de ses missions en évitant les retards de paiement. Il reviendra donc à l'État de fournir les crédits nécessaires le moment venu.

Principaux facteurs d'évolution des crédits de la mission « Justice »
entre la LFI 2025 et le PLF 2026

(en millions d'euros)

FDDI : fonds de financement des dossiers impécunieux.

Source : commission des finances, à partir des documents budgétaires

Enfin, les effectifs augmentent de 1 600 équivalents temps plein (ETP), après une augmentation de 1 543 ETP en LFI 2025, dont + 855 ETP pour l'administration pénitentiaire et + 660 ETP pour les services judiciaires. Ces évolutions seront précisées infra pour chaque programme budgétaire.

Sur le moyen terme, les moyens de la mission « Justice » ont connu une augmentation d'un tiers en euros constants depuis dix ans.

Évolution à moyen terme des crédits de paiement
de la mission « Justice »

(en milliards d'euros constants et courants)

Crédits de paiement (CP) consommés (2016 à 2024) ou prévus (2025 et 2026).

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

Sur la même période, l'augmentation des engagements est comparable (+ 63,4 % en euros courants et + 34,7 % en euros constants). Elle est toutefois moins régulière, car elle dépend du calendrier de lancement des chantiers.

Pour les années à venir, le projet annuel de performances inclut une présentation pluriannuelle des crédits qui laisse prévoir une stabilisation, voire une légère diminution des crédits hors programme 101 « Accès au droit et à la justice », c'est-à-dire les crédits relatifs à l'aide juridictionnelle.

Évolution pluriannuelle des crédits de 2026 à 2028

(crédits de paiement, en millions d'euros)

Source : commission des finances, à partir du projet annuel de performances de la mission « Justice »

2. Ces hausses de crédits ne permettent de combler qu'une partie du manque de moyens de la justice en France

Les hausses de crédits demandées par les États généraux de la justice en 202213(*), prévues par la loi d'orientation et de programmation en 202314(*) et mises en oeuvre dans les lois de finances successives ne permettent en aucun cas aux tribunaux et aux établissements pénitentiaires d'accumuler des ressources indues.

Elles sont au contraire la conséquence de la paupérisation de la justice soulignée de multiples fois. Le Garde des sceaux Jean-Jacques Urvoas avait même évoqué, en 2016, la « clochardisation de la justice ».

Les rapports internationaux confirment cet état de fait, notamment pour la fonction judiciaire.

La Commission européenne pour l'efficacité de la justice (CEPEJ), qui conduit une enquête de référence annuelle15(*), note que le budget exécuté du système judiciaire français était de 77,2 euros par habitant en 2022, ce qui est inférieur à la moyenne des pays européens en pourcentage du PIB.

Budget exécuté du système judiciaire des pays
de PIB par habitant comparable à la France

(en euros par habitant et en pourcentage du PIB)

Source : commission des finances, d'après CEPEJ, Systèmes judiciaires européens - Rapport d'évaluation 2024. Pays de PIB par habitant compris entre 20 000 et 40 000 euros

En revanche, le budget consacré à l'aide judiciaire est l'un des plus importants parmi les pays de PIB par habitant comparable.

S'agissant des magistrats, l'écart est flagrant. Si le nombre de juges professionnels est passé de 10,7 à 11,3 pour 100 000 habitants entre 2012 et 2022, il reste éloigné de la médiane européenne qui était, aux mêmes dates, de 17,7 et 17,6. Il en est de même des personnels non-juges (37,3 pour 100 000 habitants en France en 2022, contre une médiane de 57,9) et encore plus des procureurs (3,2 pour 100 000 habitants en France en 2022, contre une médiane de 11,2).

En conséquence, les délais de traitement sont supérieurs à la moyenne des pays européens, sauf pour les affaires administratives de troisième instance.


* 8 Crédits du budget général mesurés sur le périmètre des dépenses de l'État défini par la loi de programmation des finances publiques 2023-2027, c'est-à-dire hors contributions au compte d'affectation « Pensions », hors charge de la dette et hors remboursements et dégrèvements.

* 9 Crédits budgétaires, dépenses fiscales, prélèvements sur recettes et ressources affectées, tels que retracés à l'état F du projet de loi de finances, hors contributions au CAS « Pensions ».

* 10 Article 1er de la loi n° 2023-1059 du 20 novembre 2023 d'orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027.

* 11 L'article 29 du présent projet de loi de finances prévoit notamment que le comptable public puisse solliciter un commissaire de justice dans le cadre du recouvrement des amendes pénales à tout moment de la procédure de recouvrement forcé, alors que l'intervention du commissaire de justice est actuellement limitée à certaines situations.

* 12 Article 30 du projet de loi de finances.

* 13 Rendre justice aux citoyens, rapport du comité des États généraux de la justice (octobre 2021-avril 2022).

* 14 Loi n° 2023-1059 du 20 novembre 2023 d'orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027.

* 15 Le budget du système judiciaire, tel que défini par la CEPEJ, comprend les budgets alloués aux tribunaux, au ministère public et à l'aide judiciaire.

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