B. LES CRÉATIONS DE POSTES DE MAGISTRATS ET DE GREFFIERS SE POURSUIVENT

Le programme 166 (Justice judiciaire) est le deuxième récipiendaire des crédits de personnel (titre 2), avec 3 226 millions d'euros de crédits demandés en 2026, soit une hausse de + 5,58 %.

Le schéma d'emplois 2026 est de + 660 ETP, répartis entre les différents corps de métiers, soit 286 créations d'emplois de magistrats et 342 de greffiers.

En outre, 21 postes d'attachés de justice et 11 postes d'assistants spécialisés sont créés.

Ces renforts visent à décliner opérationnellement la loi d'orientation et de programmation, notamment en renforçant l'équipe autour du magistrat. Toutefois certaines mesures ont été prises postérieurement à cette loi, en particulier la création du parquet national anti-criminalité organisée (PNACO), qui résulte d'une recommandation de la commission d'enquête sénatoriale sur le narco-trafic29(*). La mise en oeuvre opérationnelle de ce nouveau parquet, prévue pour le 1er janvier 2026, devra donc être réalisée dans le cadre du schéma d'emplois prévue par la loi d'orientation et de programmation.

Il a été confirmé au rapporteur spécial qu'aucune mesure catégorielle nouvelle n'était envisagée en 2026 pour la justice judiciaire, conformément à l'annonce faite pour l'ensemble des ministères. La hausse de la masse salariale résulte donc, hors recrutements, de l'impact des mesures déjà décidées antérieurement.

Ces mesures doivent contribuer à la revalorisation de l'attractivité des métiers, corollaire indispensable au plan de recrutement dans la justice judiciaire, d'autant que le ministère prévoit de nombreux départs en retraite dans les années à venir.

Les objectifs de recrutements s'expriment en effet nets des départs en retraite, qui sont estimés par la direction des services judiciaires à un niveau de plus de 4 000 en cumul pour les années 2025 à 2030. L'enjeu est donc lourd en termes de ressources humaines, puisque les services judiciaires devront faire face à un nombre important d'entrées et de sorties.

En outre, ces estimations ont été réalisées avant la récente annonce, par le Premier ministre, d'une suspension de la réforme des retraites : si cette annonce, inscrite dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale, était votée par le Parlement et mise en oeuvre, elle devrait en toute logique entraîner à terme une hausse des départs en retraite par rapport aux projections existantes, renforçant la tension sur les effectifs de l'ensemble des cadres.

La revalorisation des carrières a fait l'objet de mesures importantes au cours des années passées, comme, s'agissant des greffiers, la requalification de personnels de catégorie C en greffiers et la création du corps de cadres greffiers (création d'un corps de greffiers de catégorie A). S'agissant des magistrats, une réforme de la structure du corps judiciaire a modifié l'échelonnement indiciaire des magistrats de l'ordre judiciaire afin de le rapprocher de celui des magistrats de l'ordre administratif30(*). Cette disposition permettra notamment de faciliter l'organisation de mobilités entre les deux corps, selon ce qui a été indiqué au rapporteur spécial. Le décret permettant la mise en oeuvre de cette revalorisation a été présenté le 29 octobre dernier par le ministre31(*).

L'ensemble de ces mesures a un effet notable sur les crédits du ministère, malgré l'absence de mesure nouvelle.

Effet des mesures catégorielles sur les crédits du programme 166 en 2026

(en millions d'euros)

Source : commission des finances, à partir du projet annuel de performances

En outre, la création de postes d'attachés de justice est la traduction de la réorganisation de l'équipe autour du magistrat prévue par la loi d'orientation et de programmation. L'objectif de recrutement de 1 100 attachés de justice devrait être atteint dès la fin 2025, selon le ministère.

Les attachés de justice

« Le magistrat est recentré sur ses missions juridictionnelles et dispose d'une équipe juridictionnelle pluridisciplinaire à ses côtés. Une fonction d'assistance auprès des magistrats est ainsi créée, l'attaché de justice qui peut être fonctionnaire ou contractuel, et se substitue aux actuels juristes assistants. Le champ d'intervention de ces nouveaux attachés de justice est élargi par rapport aux juristes assistants. Le magistrat, véritable chef d'équipe, est davantage formé, dès sa prise de fonction, à l'animation d'équipe et les différents agents nommés dans les fonctions d'attachés de justice bénéficient d'une formation dispensée par l'École nationale de la magistrature.

Les attachés de justice bénéficient d'une passerelle simplifiée vers la magistrature, permettant ainsi de constituer de véritables viviers venant renforcer l'autorité judiciaire. »

Source : rapport annexé au projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027

Il convient de noter que la souplesse du statut des attachés de justice, qui sont contractuels, pourrait se révéler utile pour un métier qui risque d'évoluer de manière importante au cours des années à venir, avec le développement de l'intelligence artificielle (voir infra).

Les recrutements de magistrats ne se voient encore guère dans les résultats de la justice judiciaire, notamment en raison de la durée de formation, qui est de 31 mois à l'École nationale de la magistrature (ENM). Seuls certains concours complémentaires permettent, pour des volumes réduits, d'assurer l'arrivée en juridiction l'année où les crédits sont ouverts.

L'ENM a d'ailleurs dû mettre en place des promotions de nouveaux magistrats beaucoup plus importantes ces dernières années. Alors que l'école formait entre 120 et 250 magistrats nouveaux par an entre 2010 et 2017, les promotions dépassent les 300 magistrats presque tous les ans depuis 2018, avec un maximum de 381 en 202532(*).

En outre, lorsque les nouveaux juges ou greffiers arrivent en juridiction, se pose la question de leur accueil dans des tribunaux qui, pour la plupart, ne bénéficient pas de travaux d'extension. Il a été indiqué au rapporteur spécial que des aménagements de locaux sont mis en place, réduisant en pratique la place disponible pour chacun.

Selon les documents budgétaires, le délai moyen de traitement des affaires civiles, tous types de contentieux confondus, est passé de 8,2 mois en 2021 à 7 mois en 2024. De même, l'indicateur 1.1 de la mission, qui porte sur la proportion d'affaires civiles terminées en moins de douze mois en première instance, est passé de 79,1 % en 2021 à 84,8 % en 2024.

Si cette évolution est positive, elle reste lente ; en outre, ce pourcentage inclut les procédures courtes, notamment de référés (référés, requêtes, ordonnances civiles du juge des libertés et de la détention et injonctions de payer), ce qui limite sa signification. Dans le détail, certains délais restent élevés, bien qu'en diminution (18,9 mois pour 2024 pour les affaires de divorce, 17,7 mois pour les affaires de contentieux social, 14,9 mois pour les autres contentieux civils) et ils tendent même à s'allonger pour certains contentieux (procédures courtes, contentieux de la protection, affaires familiales hors divorce).

En tout état de cause, le rapporteur spécial compte bien que les délais de traitement des affaires s'améliorent dans les années à venir. Si la justice est une autorité au sens de la Constitution33(*), c'est aussi un service public et les citoyens ne pourraient comprendre qu'un effort aussi important, financé par la collectivité, ne se traduise pas par une amélioration des délais et de la qualité de la justice.


* 29  Commission d'enquête sur l'impact du narcotrafic en France et les mesures à prendre pour y remédier et loi n° 2025-532 du 13 juin 2025 visant à sortir la France du piège du narcotrafic.

* 30 Article 3 de la loi organique n° 2023-1058 du 20 novembre 2023 relative à l'ouverture, à la modernisation et à la responsabilité du corps judiciaire.

* 31 Décret relatif aux traitements des magistrats de l'ordre judiciaire, communiqué de presse, 29 octobre 2025.

* 32 Réponses au questionnaire budgétaire du rapporteur spécial.

* 33 Titre VIII de la Constitution.

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