B. DES PISTES D'ÉCONOMIES OU D'ACCROISSEMENT DES RESSOURCES DU SYSTÈME DE RETRAITES DEVRONT ÊTRE EXPLORÉES EN CAS DE GEL DE LA MISE EN oeUVRE DE LA RÉFORME

Face à ce besoin de financement, la rapporteure spéciale indique que l'adjonction de ressources supplémentaires au régime pourraient être envisagées.

En particulier il serait possible d'envisager d'accroître certaines cotisations ou impôts :

- un point de contribution sociale généralisée (CSG) rapporte ainsi 17,5 milliards d'euros ;

- un point de cotisation vieillesse plafonnée rapporte 5,6 milliards d'euros sur le secteur privé et 6,2 milliards d'euros sur l'ensemble des cotisants ;

- un point de cotisation vieillesse déplafonnée correspond à une recette supplémentaire de 6,7 milliards d'euros sur le secteur privé et 7,1 milliards d'euros sur l'ensemble des cotisants.

De même, l'accroissement du taux d'emploi des seniors16(*), sujet sur lequel la rapporteure spéciale a travaillé l'an dernier, pourrait permettre d'accroître le solde du système de retraites et de l'ensemble des administrations publiques.

Tableau récapitulatif des chiffrages obtenus par la rapporteure spéciale
dans son travail sur le taux d'emploi des seniors

 

COR17(*)

Chaire TDTE18(*)

DGT19(*)

Hausse du taux d'emploi retenue

14 points pour l'ensemble de la population

10 points pour les 60-64 ans

3,6 points pour l'ensemble de la population dont 16,4 points pour les 60-64 ans

Gain estimé et solde étudié

124,8 milliards d'euros pour l'ensemble des finances publiques

9,7 milliards d'euros pour le système de retraites

9 milliards d'euros pour le système de retraites

Hypothèse de hausse du taux d'emploi

Alignement avec les Pays-Bas

Hausse théorique de 10 points de l'emploi des 60-64 ans

Alignement avec l'Allemagne

Prise en compte des divergences de temps de travail

Non

-

Oui

Hypothèses de productivité des seniors

50% de la productivité moyenne

Rémunération au salaire moyen

Création d'emplois à temps plein ; baisse globale de la productivité induite par la hausse de l'emploi, avec une élasticité de 0,520(*).

Source : commission des finances, d'après les travaux du COR, de la chaire TDTE et de la DGT

La rapporteure spéciale salue, néanmoins, le fait qu'aucune remise en cause de la fermeture des régimes spéciaux n'ait été envisagée. En effet, les régimes spéciaux de la Régie autonome des transports parisiens (RATP), des industries électriques et gazières (IEG), des clercs et employés de notaires (CRPCEN) de la Banque de France et du Conseil économique, social et environnemental (CESE) ont été fermés le 1er septembre 2023. Cette évolution va dans le sens d'une plus grande simplicité du système et facilite sa lecture et sa compréhension.

De même, la rapporteure spéciale affirme qu'il aurait été très dommageable de revenir sur les mesures de justice sociale que la réforme de 2023 portait. Comme elle le montrait l'an dernier, en effet, le texte permettait :

- une augmentation moyenne de la pension des femmes de 3,4 % contre 1,7 % pour les hommes ;

- une hausse de la pension cumulée sur le cycle de vie de 1,0 % pour les femmes par rapport à + 0,7 % pour les hommes ;

- une hausse de la pension cumulée sur le cycle de vie de 12 % pour le quartile de population le moins favorisé et une diminution de 1,1 % de cette même pension cumulée sur le cycle de vie pour le quartile le plus aisé.

Les nombreux effets redistributifs de la réforme, portés par ces mesures d'accompagnement ambitieuses, doivent par conséquent être conservés.

Face au constat d'une potentielle suspension de la hausse des paramètres d'âge et de durée d'assurance, la rapporteure spéciale salue, dans le contexte actuel, la prévision de gel de l'indexation des pensions inscrite dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2026. C'est cette hypothèse qui est aussi retenue pour la construction du PLF pour 2026.

La situation politique de la fin de l'année 2024 avait eu pour conséquence, par l'adoption de la loi spéciale21(*), de revaloriser les pensions au niveau de l'inflation au 1er janvier 2025, et non de façon différée comme cela était prévu22(*). Cette mesure a représenté un coût supplémentaire pour la branche vieillesse de 3,2 milliards d'euros et de près d'1 milliard d'euros pour le budget de l'État. La revalorisation de 2025 s'ajoute à celles, importantes, qui ont eu lieu les années précédentes : + 4,8 % en juillet 2022, + 0,8 % en janvier 2023, + 5,3 % en 2024, + 2,2 % en 2022.

La minoration de la revalorisation des pensions de 0,4 point de pourcentage d'inflation, prévue de même dans l'article 44 du PLFSS pour 2026, entre 2027 et 2030, est aussi une mesure qui permet de limiter l'effet de la potentielle suspension de la réforme.

L'économie engendrée atteindrait en 2029 près de 6,1 milliards d'euros23(*).

Économies envisagées dans le PLFSS pour 2026 liées au gel
et à la sous-indexation des retraites

(en milliards d'euros)

Année

2026

2027

2028

2029

Économie

3,6

3,8

4,9

6,1

Hypothèse

Gel des pensions

Sous-indexation de 0,4 point de pourcentage d'inflation

Source : commission des finances, données projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026

Il convient enfin de rappeler que cette indexation réduite, si elle est retenue, serait pratiquement annulée par les effets négatifs sur le solde de la suspension de la réforme des retraites, si cette dernière était poursuivie au-delà de l'année 2027. En effet, selon la Cour des comptes, un maintien de l'âge d'ouverture des droits à 63 ans engendrerait à l'horizon 2035 un surcoût annuel pour le solde du système de retraites de 5,8 milliards d'euros, soit un montant proche de l'économie attendue en 2029 par la sous-indexation des pensions.

L'utilisation du levier du niveau des pensions apparaît comme la dernière solution dans un cadre où il semble difficile d'accroître le niveau des cotisations sociales et où il est proposé de suspendre les mesures d'évolution de l'âge et de la durée d'assurance votées il y a deux ans. Au regard du niveau de vie relatif des retraités en France et du maintien des mesures d'accompagnement inhérents à la réforme de 2023, le coût social d'un tel ajustement semble acceptable.


* 16 Sylvie Vermeillet, L'emploi des seniors : une clé pour sauver la répartition ?, Rapport d'information n° 616 (2024-2025), déposé le 10 mai 2025.

* 17 Créé en 2000, le Conseil d'orientation des retraites (COR) est une instance indépendante et pluraliste d'expertise et de concertation, chargée d'analyser et de suivre les perspectives à moyen et long terme du système de retraite français.

* 18 La Chaire « Transitions démographiques, Transitions économiques » (TDTE) est un lieu de recherche et de débat sur l'impact du vieillissement et de la longévité sur l'économie et la société en France. Elle a été fondée en 2008, à l'initiative de Jean-Hervé Lorenzi, le titulaire de la Chaire TDTE.

* 19 La direction générale du Trésor (DGT) est l'une des directions générales du ministère de l'Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique. Elle propose et conduit, sous l'autorité des ministres, la politique économique au plan national, européen et international.

* 20 Renaud Bourlès, Gilbert Cette, Anastasia Cozarenco, «  Employment and Productivity: Disentangling Employment Structure and Qualification Effects », International Productivity Monitor, 2012. L'évolution à la hausse du taux d'emploi, hors effet de composition, est associée à une baisse globale de la productivité, avec une élasticité moyenne de 0,5. C'est cette élasticité que retient la DGT dans ses travaux.

* 21 Loi n° 2024-1188 du 20 décembre 2024 spéciale prévue par l'article 45 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances.

* 22 Pour rappel, les prévisions pour la loi de finances initiale pour 2025 étaient fondées sur une hypothèse de revalorisation des pensions de vieillesse de + 1,8 % au 1er juillet 2025, au lieu du 1er janvier 2025.

* 23 Montant net des effets de la contribution sociale généralisée et de la contribution additionnelle de solidarité pour l'autonomie.

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