III. LES ÉVOLUTIONS BUDGÉTAIRES PRÉVUES POUR 2026 POUR LES DEUX FORCES
A. DES CRÉDITS DE PERSONNEL QUI DEMEURENT PRÉPONDÉRANTS
En 2026, les deux forces de sécurité intérieure enregistrent une hausse de leurs dépenses de personnel : + 368 millions d'euros pour la police nationale (en AE/CP, soit + 3,1 %) et + 167 millions d'euros pour la gendarmerie nationale (soit + 1,9 %). La progression des crédits de titre 2 représente ainsi entre 83 % et 84 % de la hausse globale des crédits des deux programmes.
Une part significative de cette augmentation est toutefois liée à la contribution au CAS « Pensions ». Hors pensions, la hausse des dépenses de titre 2 s'établit à 86 millions d'euros pour la police nationale (+ 1,1 %) et à 125 millions d'euros pour la gendarmerie nationale (+ 2,5 %), dont une partie relève de l'évolution tendancielle de la masse salariale.
Pour la police nationale, cette évolution tient également à des mesures catégorielles pour un montant de 36,9 millions d'euros, dont 36,6 millions d'euros au titre du protocole pour la modernisation des ressources humaines signé le 2 mars 2022. Ces mesures concernent notamment la revalorisation de la prime de voie publique (+ 13 millions d'euros), l'indemnité pour travail de nuit (+ 8 millions d'euros) et la réforme statutaire du corps d'encadrement et d'application (+ 8 millions d'euros).
Pour la gendarmerie nationale, la hausse s'explique principalement par une augmentation de + 24,4 millions d'euros destinée à la réserve opérationnelle et l'extension en année pleine, en 2026, des mesures catégorielles engagées en 2025, pour un coût total de + 44,4 millions d'euros, dont + 20 millions d'euros au titre du parcours de carrière rénové des officiers et + 15,5 millions d'euros au titre de la prime de voie publique.
En 2026, la part des crédits de titre 2 dans les deux programmes demeure globalement stable, représentant 85 % des crédits en CP (87 % pour la police nationale et 82,5 % pour la gendarmerie nationale).
Part des dépenses de personnel dans
l'ensemble des dépenses
de la police et de la gendarmerie
nationales
(hors crédits de la mission « Plan de
relance »)
(en CP, en %)
Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)
B. UNE PROGRESSION DIFFÉRENCIÉE DES CRÉDITS « HORS TITRE 2 » POUR LES DEUX FORCES
Pour les deux forces, en cumulé, les crédits « hors titre 2 » diminuent en AE (- 4,2 %, soit - 189 millions d'euros) et augmentent en CP (+ 2,8 %, soit + 103 millions d'euros). Ils se décomposent essentiellement en dépenses de fonctionnement (2,84 milliards d'euros en CP) et d'investissement (862 millions d'euros).
La police nationale voit ses crédits hors dépenses de personnel progresser tant en AE qu'en CP (+ 146 millions d'euros en AE, soit + 6,9 %, et + 70 millions d'euros en CP, soit + 4,0 %), quand ceux de la gendarmerie nationale sont en recul en AE (- 335 millions d'euros, soit - 14,3 %) et en augmentation en CP (+ 33 millions d'euros, soit + 1,7 %).
S'agissant de la gendarmerie nationale, il convient de souligner qu'une part importante de la baisse d'AE provient de mouvements pluriannuels récurrents, en particulier sur les loyers, l'énergie et les moyens lourds de projection et d'intervention, pour un total net de - 285 millions d'euros. Pour la police nationale, on observe le même phénomène sur certains marchés (fluides, immobilier, convention « Voyager et protéger », carte de circulation), qui ne produisent pas d'engagements nouveaux en 2026, à la différence de 2025.
Le niveau des dépenses hors personnel peut être mis en regard de la trajectoire prévue par le rapport annexé à la LOPMI de ce point de vue22(*). Pour la police nationale, elles s'établissent en 2026 à 1,804 milliard d'euros en CP, soit un niveau inférieur d'environ 22 millions à ce que prévoyait la LOPMI. Pour la gendarmerie nationale, elles s'établissent à 1,939 milliard d'euros, soit un niveau supérieur de 101 millions d'euros à l'objectif de la LOPMI.
1. La hausse des crédits hors titre 2 de la police nationale se concentre principalement sur la transformation numérique, le renouvellement automobile et l'immobilier
La progression des crédits hors dépenses de personnel au sein du programme 176 « Police nationale » vise à soutenir la sécurité du quotidien et à améliorer l'efficacité opérationnelle des unités. Les efforts portent principalement sur la transformation numérique, le renouvellement automobile et l'immobilier.
Pour la police nationale, la hausse des CP hors « titre 2 » (+ 70 millions d'euros) se réalise au bénéfice principalement :
- en fonctionnement, des moyens mobiles (+ 7 millions d'euros23(*)), et de l'immobilier (+ 11 millions d'euros) ;
- en investissement, de l'acquisition de moyens mobiles (+ 28 millions d'euros), du numérique (+ 4 millions d'euros) et de l'immobilier (+ 3 millions d'euros).
Par ailleurs, la hausse des AE, plus significative (+ 146 millions d'euros), résulte d'un mouvement contraire de :
- baisse des dépenses de fonctionnement, qui concerne notamment le fonctionnement courant des services pour - 144 millions d'euros et les dépenses immobilières pour - 62 millions d'euros ; ces évolutions sont liées, selon les informations recueillies par le rapporteur spécial, à de moindres besoins en engagements cette année, du fait de fluctuations pluriannuelles24(*) ;
- hausse des dépenses d'investissement, qui concerne notamment l'acquisition de moyens mobiles pour + 51 millions d'euros, le numérique pour + 210 millions d'euros (au profit notamment du plan de vidéoprotection pour Paris, ainsi que de la poursuite de grands projets numériques et de projets stratégiques pour le renseignement) et l'immobilier pour + 46 millions d'euros.
S'agissant de l'immobilier, la hausse des prévisions d'engagements en investissement par rapport aux exercices précédents traduit la volonté d'assurer la continuité des opérations pluriannuelles déjà engagées, notamment celles des hôtels de police de Nice et de Valenciennes, tout en permettant le lancement de nouveaux projets à fort enjeu opérationnel demeurés jusqu'à présent sans financement.
Les principales livraisons prévues en 2026 concernent l'hôtel des polices de Nice, les hôtels de police d'Annecy et de Cayenne, ainsi que les commissariats de Vichy et du Kremlin-Bicêtre. Ces réalisations participent au redressement du parc immobilier de la police nationale, dont la modernisation constitue un levier déterminant d'attractivité et d'efficacité opérationnelle.
S'agissant du renouvellement du parc automobile, le rapporteur spécial rappelle qu'un objectif minimal de 2 500 véhicules acquis par an demeure nécessaire pour garantir le maintien en condition opérationnelle des forces, pour un coût annuel estimé à environ 100 millions d'euros en AE. En 2024, seuls 1 305 véhicules avaient pu être renouvelés, tandis que le budget pour 2025 prévoit l'acquisition de 1 263 véhicules. Sous réserve du dégel des crédits en fin de gestion, le responsable de programme pourrait porter l'enveloppe à 93,6 millions d'euros en AE et 99,3 millions d'euros en CP, permettant de passer commande d'environ 2 200 véhicules.
Pour 2026, les crédits inscrits au projet de loi de finances permettent de mobiliser 116 millions d'euros en AE et 103 millions d'euros en CP, correspondant à l'acquisition d'environ 2 900 véhicules. Le rapporteur spécial se félicite de cette progression, qui traduit un effort réel de rattrapage, tout en restant vigilant quant aux effets des éventuels gels de crédits, susceptibles de compromettre la réalisation effective des commandes.
2. La gendarmerie nationale connaît une évolution contrastée de ses crédits hors « titre 2 »
Pour la gendarmerie nationale, le budget pour 2026 permet de couvrir les besoins essentiels au bon fonctionnement des forces, sans toutefois répondre à l'ensemble des attentes, en particulier en matière d'investissement, où une priorisation des opérations s'est révélée nécessaire.
S'agissant des dépenses de fonctionnement, la priorité demeure la préservation de l'activité opérationnelle, notamment celle de la gendarmerie mobile. En matière d'investissement, la programmation 2026 poursuit la relance de l'effort immobilier engagée depuis plusieurs exercices, avec le maintien d'une trajectoire de crédits d'environ 400 millions d'euros par an, effort que le rapporteur spécial salue.
La nécessité de poursuivre le redressement de l'investissement immobilier pour la gendarmerie nationale
Le rapporteur spécial a présenté un rapport de contrôle sur l'immobilier de la gendarmerie nationale en 202425(*).
L'immobilier constitue une fonction stratégique pour la gendarmerie nationale, en raison notamment de l'obligation de logement en caserne pour les militaires et leurs familles. Le parc immobilier, qui représente près de 11 millions de mètres carrés, reste marqué par une dette grise importante sur le parc domanial et par le coût croissant du parc locatif.
Pour y remédier, le rapporteur spécial recommande de pérenniser les modes de financement innovants, tels que les marchés de partenariat, et de consolider la participation des collectivités locales au déploiement des nouvelles brigades territoriales. Il apparaît, de ce point de vue, nécessaire de rehausser les coûts-plafonds fixant les loyers versés par la gendarmerie aux collectivités et aux bailleurs sociaux, afin d'assurer la viabilité économique des projets d'extension du parc locatif26(*).
Il convient, enfin, de mieux hiérarchiser les priorités et de planifier à moyen terme les investissements immobiliers.
Pour 2026, les crédits d'investissement dédiés à l'immobilier s'établissent à 352,8 millions d'euros en AE et 278,9 millions d'euros en CP, soit une hausse respective de + 57,6 millions d'euros et + 103,4 millions d'euros par rapport au projet de loi de finances pour 2025.
Ces crédits permettront de financer, d'une part, les réhabilitations prioritaires de plusieurs emprises domaniales (Dijon : 60 millions d'euros ; Lodève : 27 millions d'euros ; Antibes : 20 millions d'euros ; Wissembourg : 15 millions d'euros) et, d'autre part, la construction de nouveaux casernements pour les escadrons de gendarmerie mobile (Hyères : 27 millions d'euros ; Thionville, Villeneuve-d'Ascq et Joué-lès-Tours : 3 millions d'euros chacun) ainsi que d'autres projets majeurs, notamment à Saint-Astier (10 millions d'euros).
Les dépenses d'entretien du casernement atteindront 83,7 millions d'euros en CP, en progression de 17 millions d'euros, avec l'objectif d'atteindre à terme un niveau annuel de 100 millions d'euros, pleinement justifié au regard de l'état du parc.
Enfin, 23 millions d'euros seront consacrés en 2026 à la préparation du projet « Cap Satory », programme immobilier d'envergure dont la signature du marché de partenariat est prévue fin 2027.
Source : commission des finances
La légère hausse des CP hors « titre 2 » (+ 33 millions d'euros), résulte de mouvements inverses :
- en fonctionnement, alors que les crédits en faveur des systèmes d'information et de communication se réduisent de - 70 millions d'euros, témoignant de l'impact des arbitrages budgétaires ayant dû être réalisés27(*), ceux dédiés à l'immobilier progressent (+ 32 millions d'euros, dont 15 millions d'euros au titre des loyers et 17 millions d'euros pour l'entretien), tout comme les dépenses d'équipement (+ 9 millions d'euros), et celles dédiées aux moyens lourds de projection et d'intervention (+ 13 millions d'euros) ;
- en investissement, alors que les crédits en faveur des moyens mobiles reculent (- 57 millions d'euros28(*)), ceux dédiés à l'immobilier progressent de 103 millions d'euros.
Les lecteurs automatisés de plaques d'immatriculation (LAPI)
Autorisés par la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003, les lecteurs automatisés de plaques d'immatriculation (LAPI) permettent la captation et le traitement automatisé des données signalétiques des véhicules dans le but de prévenir et de réprimer le terrorisme, la criminalité organisée, le vol et le recel de véhicules, ou encore la contrebande en bande organisée. Régis par les articles L. 233-1 à L. 233-2 du code de la sécurité intérieure, ces dispositifs peuvent être mis en oeuvre, à l'échelle nationale, par la police, la gendarmerie et les douanes, notamment dans les zones frontalières, portuaires, aéroportuaires et sur les grands axes de transit.
Le rapporteur spécial souligne que ces outils, particulièrement efficaces, demeurent insuffisamment déployés en France au regard des pratiques observées chez nos voisins européens. Il recommande en conséquence une augmentation significative de leur nombre, ainsi qu'une centralisation du traitement des données auprès de la gendarmerie nationale, compétente sur la majeure partie du territoire.
Source : commission des finances
La nette baisse des AE hors « titre 2 » (- 335 millions d'euros), qui s'explique pour une part significative par des mouvements pluriannuels classiques29(*), résulte de mouvements suivants :
- en fonctionnement, une hausse de 197 millions d'euros au profit des moyens lourds de projection et d'intervention (en raison de la conclusion d'un marché pluriannuel de maintien en condition opérationnelle d'hélicoptères), compensée par une nette réduction des crédits immobiliers (- 432 millions d'euros, du fait d'une fluctuation pluriannuelle des engagements sur les loyers, les fluides et l'énergie) et une baisse des dépenses en faveur des systèmes d'information et de communication (- 54 millions d'euros). Cette dernière baisse, observable aussi en CP, et qui porte sur des renoncements à la montée en puissance de certains équipements et au lancement de nouveaux projets, manifeste les conséquences des arbitrages rendus nécessaires par un niveau de crédits hors « titre 2 » qui demeure limité ;
- en investissement, une nette baisse des crédits en faveur des moyens mobiles (- 81 millions d'euros30(*)) et une hausse des crédits immobiliers (+ 58 millions d'euros).
Point d'alerte sur les moyens mobiles et les
hélicoptères
de la gendarmerie nationale
Dans un contexte de crédits hors « titre 2 » limités et d'arbitrages en faveur de l'activité opérationnelle et de l'immobilier, les crédits d'investissement consacrés aux moyens mobiles enregistrent en 2026 une baisse très marquée, de près de trois quarts en AE et de moitié en CP, pour s'établir à 24 millions d'euros en AE et 49 millions d'euros en CP, un niveau particulièrement faible, comparable à 2024. Ce montant ne permettra le renouvellement que de 600 à 700 véhicules, très en deçà du besoin annuel estimé à 3 750 unités.
Les véhicules constituent pourtant un outil essentiel pour les unités territoriales, couvrant 96 % du territoire national. Le rapporteur spécial appelle en conséquence à un effort budgétaire renforcé pour garantir la continuité opérationnelle des forces.
Par ailleurs, le faible nombre d'hélicoptères disponibles conduit déjà à restreindre certaines missions, plusieurs sections aériennes ayant été fermées temporairement. Les appareils de type Écureuil ne pourront en outre plus voler au-delà de 2029. Le rapporteur souligne donc la nécessité d'affermir la tranche complémentaire du marché conclu avec Airbus, portant sur 22 hélicoptères H145 pour un coût pluriannuel de 355 millions d'euros. À défaut, certaines missions critiques, comme le secours en montagne, pourraient ne plus être assurées par la gendarmerie. Pour mémoire, la commission des finances du Sénat a demandé à la Cour des comptes31(*) la réalisation d'une enquête sur le secours en montagne, qui implique tant la gendarmerie que la police nationale et la sécurité civile. Celle-ci est en cours.
Source : commission des finances
* 22 Voir tableaux supra.
* 23 À ce niveau de granularité, la comparaison est réalisée entre les projets de loi de finances pour 2025 et pour 2026, sans prise en compte des ajustements mineurs ayant été intégrés au budget final de la police tel que résultant de la loi de finances initiale pour 2025.
* 24 Voir supra.
* 25 Rapport d'information fait au nom de la commission des finances sur l'immobilier de la gendarmerie nationale, M. Bruno BELIN, déposé le 10 juillet 2024.
* 26 Le montant du loyer annuel est fixé, en application des décrets et circulaires applicables, en appliquant un taux entre 6 % et 7 % aux dépenses réelles de construction de l'immeuble dans la limite d'un « coût plafond » par unité-logement.
* 27 Voir infra.
* 28 Voir infra.
* 29 Voir supra.
* 30 Voir infra.
* 31 En vertu du 2° de l'article 58 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (Lolf).
