PREMIÈRE PARTIE
LA MISSION « AGRICULTURE, ALIMENTATION, FORÊT
ET AFFAIRES RURALES » (AAFAR) : UNE DIMINUTION DES CRÉDITS EN 2026 QUI FRAPPE PRINCIPALEMENT LA PLANIFICATION ÉCOLOGIQUE MAIS QUI NE REMET PAS EN CAUSE LE SOUTIEN IMPORTANT DE L'ÉTAT AU SECTEUR AGRICOLE

Comme d'autres missions budgétaires, la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » (AAFAR) ne couvre que partiellement les moyens correspondant à l'effort budgétaire consenti à destination des politiques publiques qu'elle vise.

En effet, en examinant cette mission, les rapporteurs spéciaux de la commission des finances ne sont formellement saisis que d'un cinquième environ des dépenses destinées au secteur agricole entendu au sens large. Le total des dépenses publiques en direction de l'agriculture, qui s'élèvera en 2026, comme en 2025, à environ 25,3 milliards d'euros selon les montants communiqués par le Ministère de l'Agriculture et de la souveraineté alimentaire (MASA), comprend en effet, en sus des dépenses budgétaires de la mission à proprement parler et du compte d'affectation spéciale « développement agricole et rural » (CAS DAR), 21,3 milliards d'euros de concours publics à l'agriculture.

La part de la mission dans le total des concours publics consacrés en 2026 à l'agriculture recule légèrement en raison de la nouvelle diminution des crédits qui lui sont alloués (3,9 milliards d'euros en autorisations d'engagement contre 4,4 milliards votés en LFI 2025, soit une baisse de 11,59 %, et 4 milliards d'euros en crédits de paiement contre 4,2 milliards d'euros votés en LFI 2025, soit un recul de 4,98 %) du fait notamment de la très forte baisse des seuls crédits réellement pilotables, à savoir ceux consacrés à la planification écologique.

Les rapporteurs spéciaux tiennent, à titre liminaire, à nuancer considérablement cette diminution, bien qu'elle paraisse importante si l'on se contente de comparer le projet de loi de finances (PLF) pour 2026 et la loi de finances initiale (LFI) pour 2025.

D'une part, l'effort demandé à la mission en vue de contribuer au redressement des finances publiques est moindre que celui demandé à d'autres missions et demeure mesuré au regard du contexte budgétaire très contraint.

D'autre part, les crédits alloués à la mission, dans le cadre des lois de finances initiales pour les années 2022 à 2025, traduisaient un effort considérable de la part de l'État sur la politique agricole, le budget 2026 revenant dans une lignée plus proche des budgets antérieurs, tout en restant dans une moyenne haute. Enfin, il faut noter que l'État, au global, compense la baisse affichée des crédits de la mission par un effort supplémentaire en termes de dépenses fiscales et sociales au travers de dispositifs nouveaux qui étaient très attendus ou de dispositifs existants et prorogés. Le projet de loi de finances ainsi que le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026 portent des dispositifs très attendus par le secteur agricole comme la prise en compte des 25 meilleures années dans le calcul des pensions de retraite, la prorogation pour trois ans de la dotation pour épargne de précaution, l'exonération d'impôt sur le revenu et d'impôt sur les sociétés - sous condition d'affectation du montant de cette exonération - des plus-values et des profits sur stocks dégagés du fait de toute perception d'indemnités d'abattage pour raisons sanitaires d'animaux affectés à la reproduction du cheptel pour les années 2025 à 2027.

La répartition de ces différents concours publics, par exercice depuis 2021, est récapitulée dans le tableau ci-après.

Concours publics à l'agriculture, l'alimentation et à la forêt

(Crédits de paiement, exprimés en millions d'euros)

 

Montant des concours publics engagé par exercice

2021

2022

2023

2024

2025

2026

Budget européen PAC

9 494

9 975

9 384

9 384

9 384

9 384

dont Paiements directs

6 736

6 726

6 736

6 736

6 710

6 710

dont Programmes sectoriels et Mesures de marché

640

640

640

640

666

666

dont deuxième pilier

2 118

2 609

2 008

2 008

2 008

2 008

Budget État (Loi de finances initiale jusqu'en 2024 et projet de loi de finances pour 2025)

5 418

5 444

6 479

7 507

7 005

6 829

dont budget mission AAFAR

3 038

3 007

3 858

4 747

4 216

4 006

dont budget mission « enseignement secondaire » - programme 143 « enseignement technique agricole »

1 483

1 527

1 596

1 696

1 712

1 715

dont budget mission MIRES (Programme 142)

363

378

424

443

422

428

dont CAS DAR

126

126

126

146

146

171

dont taxe fiscales affectées

408

406

475

475

509

509

Allègement charges sociales et fiscales

5 657

5 943

6 497

6 823

6 795

6 952

dont baisse des cotisations individuelles des exploitants

283

278

280

290

381

539 

dont allègements de cotisations patronales

5 374

5 665

6 217

6 533

6 414

6 413

Autres dépenses fiscales

2 315

2 695

2 310

2 239

2 937

3 090

dont dépenses fiscales agricoles

2 059

2 513

2 127

2 048

381

539

dont dépenses fiscales forêt

256

182

183

191

2 566

2 551

Compléments régionaux PAC

284

283

400

400

400

400

Retraitement des données (double décompte social)

- 207

- 130

- 561

- 578

- 612

- 592

Total agriculture crédits nationaux

13 467

14 235

15 125

16 391

15 866

15 867

Total agriculture tous concours

22 961

24 210

24 509

25 775

25 250

25 251

Source : Commission des finances du Sénat à partir de données fournies par le ministère de l'agriculture, de l'agro-alimentaire et de la souveraineté alimentaire

I. PRÉSENTATION GÉNÉRALE DES CRÉDITS DE LA MISSION POUR 2026

Le contexte général du secteur agricole demeure globalement difficile et la mission AAFAR doit faire face au défi de concilier les fortes attentes liées aux enjeux et les moyens qui devront être optimisés.

Le secteur agricole est, en premier lieu, particulièrement touché par les fortes tensions internationales qui s'intensifient : impact des crises ukrainienne, asiatique1(*) et au Proche-Orient sur les cours, tensions commerciales entre l'Europe, les États-Unis et la Chine qui frappent en particulier les spiritueux français2(*), renforcement des droits de douane américains, craintes des professionnels sur la concurrence déloyale que pourrait engendrer l'entrée en vigueur, de plus en plus probable, d'un accord UE-MERCOSUR, etc.

En deuxième lieu, les aléas climatiques et sanitaires ont durement frappé les milieux agricoles ces dernières années, même s'il faut reconnaitre que l'année 2025 est globalement moins marquante que les années précédentes : on notera, en particulier, que des foyers contagieux et des abattages imposés ont jalonné les derniers mois du fait notamment de la propagation de la dermatose nodulaire contagieuse bovine (DNCB).

Par ailleurs, la situation économique générale ainsi que la situation politique (hausse de l'épargne en raison des incertitudes sur l'avenir qui contribue à une baisse de la consommation, fortes incertitudes concernant la fiscalité des entreprises. etc.) sont globalement défavorables au secteur.

Ce contexte et ces tensions se sont ainsi manifestées à l'occasion des élections des membres des 88 chambres d'agriculture départementales, interdépartementales ou territoriales et des 2 chambres d'agriculture de région sans chambre territoriale (Île-de-France et Corse), qui ont eu lieu en janvier 20253(*).

Ce panorama d'ensemble ne contribue pas à relancer l'attractivité d'un secteur par ailleurs caractérisé par une forte diminution du nombre d'exploitants et d'exploitations4(*) et par un vieillissement des exploitants5(*) ainsi que le relevait la Cour des comptes dans une enquête remise à la commission des finances au titre du 2° de l'article 58 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances6(*), sans que la tendance ne parvienne, pour l'instant, à être inversée.

Comme l'ensemble des concours publics destinés à l'agriculture, les crédits de la mission AAFAR pour 2026 sont particulièrement scrutés par les professionnels du secteur. Ces crédits de la mission en 2026 sont répartis, comme l'an passé, entre quatre programmes :

le programme 149 « Compétitivité et durabilité de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt » qui porte les dispositifs d'aide aux filières agricoles et forestières, et les financements attribués par l'État en cofinancement des aides communautaires de la politique agricole commune (PAC) ;

- le programme 206 « Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation » qui couvre pour l'essentiel des interventions visant à assurer la maîtrise des risques sanitaires et phytosanitaires affectant les animaux, les végétaux et les produits alimentaires, ne réservant qu'une faible partie de ses interventions à la sécurité sanitaire des aliments proprement dite ;

- le programme 215 « Conduite et pilotage des politiques de l'agriculture » est le programme support du ministère de l'agriculture et réunit la plupart des moyens nécessaires à la couverture des coûts de gestion des missions du ministère (en dehors de l'enseignement agricole qui est porté par le programme 143 « Enseignement technique agricole » de la mission « Enseignement scolaire ») ;

- et enfin le programme 381 « Allègements de cotisations et contributions sociales », créé par la loi de finances pour 2023, qui couvre les compensations et allègements qui bénéficiaient antérieurement de l'affectation d'une part des recettes de la TVA.

A. UNE DIMINUTION DES MOYENS ALLOUÉS À LA MISSION PRINCIPALEMENT AU DÉTRIMENT DE LA PLANIFICATION ÉCOLOGIQUE

La mission est de nouveau mobilisée en 2026 en vue de contribuer à l'objectif de redressement des finances publiques : le texte déposé par le Gouvernement à l'Assemblée nationale envisage une baisse des autorisations d'engagement de 11,59 % et une diminution des crédits de paiement de 4,98 %.

1. La diminution des crédits de la mission en 2026 cache de fortes disparités au sein des programmes et des actions

Derrière cette réduction d'ensemble des moyens alloués à la mission se cachent de fortes disparités entre les quatre programmes et au sein de ceux-ci : le principal programme en volume est lourdement amputé par rapport aux crédits votés en loi de finances pour 2025 (- 15,58 % en AE et - 9,06 % en CP pour le programme 149) tandis que les programmes 206 et 215 voient leurs moyens être contractés ou stabilisés dans des proportions moindres (- 8,83 % en AE et - 1,88 % en CP pour le programme 206 ; et - 9,51 % en AE et + 1,62 % en CP pour le programme 215). Enfin, le programme 381, qui ne comprend pas de crédits pilotables, finance un dispositif d'exonération des cotisations patronales pour l'embauche de travailleurs occasionnels et de demandeurs d'emploi (TO-DE) : il s'agit de la compensation versée à l'Union nationale interprofessionnelle pour l'emploi dans l'industrie et le commerce (UNEDIC) ainsi que d'une partie de la compensation - le reste de la compensation est porté par le programme 149 - versée à la Caisse centrale de mutualité sociale agricole. Les moyens du programme 381 progressent de 0,11 % en AE comme en CP.

Le tableau ci-après récapitule les crédits alloués aux actions et aux sous-actions de chacun des quatre programmes en loi de finances initiale pour 2025 et dans le projet de loi de finances pour 2026 déposé à l'Assemblée nationale.

Crédits alloués aux actions et aux sous-actions des quatre programmes
de la mission AAFAR

(en euros)

 

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

Programme / Action / Sous-action

LFI 2025

PLF 2026

Ouvertures

Variation annuelle

FdC et AdP attendus

Ouvertures

Variation annuelle

FdC et AdP attendus

149 - Compétitivité et durabilité de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt

2 324 795 264

1 962 488 837

- 15,58 %

960 000

2 261 317 665

2 056 447 002

- 9,06 %

960 000

21 - Adaptation des filières à l'évolution des marchés

250 264 254

234 009 850

- 6,49 %

 

250 869 648

234 452 078

- 6,54 %

 

22 - Gestion des crises et des aléas de la production agricole

220 769 139

110 900 000

- 49,77 %

 

218 914 084

110 900 000

- 49,34 %

 

23 - Appui au renouvellement et à la modernisation des exploitations agricoles

116 202 510

105 340 000

- 9,35 %

 

131 823 004

105 460 272

- 20,00 %

 

24 - Gestion équilibrée et durable des territoires

516 327 815

485 216 711

- 6,03 %

960 000

515 088 140

516 427 462

+ 0,26 %

960 000

25 - Protection sociale

156 920 000

142 950 000

- 8,90 %

 

156 920 000

142 950 000

- 8,90 %

 

26 - Gestion durable de la forêt et développement de la filière bois

287 834 890

287 414 889

- 0,15 %

 

290 207 395

289 787 394

- 0,14 %

 

27 - Moyens de mise en oeuvre des politiques publiques et gestion des interventions

440 345 599

478 132 500

+ 8,58 %

 

440 345 599

478 132 500

+ 8,58 %

 

29 - Planification écologique

336 131 057

118 524 887

- 64,74 %

 

257 149 795

178 337 296

- 30,65 %

 

206 - Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation

921 078 512

839 725 962

- 8,83 %

6 568 267

32 699 940

854 636 527

838 604 272

- 1,88 %

6 568 267

32 699 940

01 - Santé, qualité et protection des végétaux

34 473 200

33 673 200

- 2,32 %

1 568 625

742 968

34 304 200

33 504 200

- 2,33 %

1 568 625

742 968

02 - Lutte contre les maladies animales, protection et bien-être animal

122 920 670

167 120 070

+ 35,96 %

1 829 616

31 836 822

122 920 670

163 120 070

+ 32,70 %

1 829 616

31 836 822

03 - Sécurité sanitaire de l'alimentation

112 272 579

103 667 500

- 7,66 %

3 003 326

106 256 127

103 667 500

- 2,44 %

3 003 326

04 - Actions transversales

125 617 626

129 749 536

+ 3,29 %

 

118 163 633

115 420 016

- 2,32 %

 

05 - Elimination des cadavres et des sous- produits animaux

4 000 000

4 000 000

   

4 000 000

4 000 000

   

06 - Mise en oeuvre de la politique de sécurité et de qualité sanitaires de l'alimentation

359 677 352

370 705 156

+ 3,07 %

10 000

359 677 352

370 705 156

+ 3,07 %

10 000

08 - Politique de l'alimentation pour la Souveraineté Alimentaire

6 810 500

5 810 500

- 14,68 %

166 700

110 150

6 810 500

5 810 500

- 14,68 %

166 700

110 150

09 - Planification écologique - Stratégie de réduction de l'utilisation des produits phytosanitaires

155 306 585

25 000 000

- 83,90 %

 

102 504 045

42 376 830

- 58,66 %

 

215 - Conduite et pilotage des politiques de l'agriculture

715 254 065

647 230 656

- 9,51 %

6 822 452

651 189 597

661 770 785

+ 1,62 %

6 822 452

7 197 248

01 - Moyens de l'administration centrale

180 133 443

222 502 361

+ 23,52 %

562 976

181 485 396

226 508 902

+ 24,81 %

562 976

512 225

02 - Évaluation de l'impact des politiques publiques et information économique

12 268 347

17 104 586

+ 39,42 %

3 070 083

11 768 347

16 604 586

+ 41,10 %

3 070 083

4 189 496

03 - Moyens des directions régionales de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt, des directions de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt et directions départementales des territoires (et de la mer)

379 985 476

323 640 865

- 14,83 %

2 217 449

380 189 714

323 341 274

- 14,95 %

2 217 449

2 217 449

04 - Moyens communs

142 866 799

83 982 844

- 41,22 %

971 944

77 746 140

95 316 023

+ 22,60 %

971 944

278 078

381 - Allègements du coût du travail en agriculture (TODE-AG)

448 500 000

449 000 000

+ 0,11 %

 

448 500 000

449 000 000

+ 0,11 %

 

01 - Allègements de cotisations et contributions sociales

448 500 000

449 000 000

+ 0,11 %

 

448 500 000

449 000 000

+ 0,11 %

 

Totaux

4 409 627 841

3 898 445 455

- 11,59 %

13 390 719

33 659 940

4 215 643 789

4 005 822 059

- 4,98 %

13 390 719

40 857 188

*FdC et AdP : fonds de concours et attributions de produits.

Source : programmes annuels de performance annexés au projet de loi de finances pour 2026

2. Des orientations qui conduisent à limiter fortement les crédits alloués à la planification écologique et, dans une moindre mesure, aux politiques de gestion des crises et des aléas

Dans l'ensemble, la diminution des moyens alloués à la mission budgétaire est importante. D'environ 500 millions d'euros en AE, elle est supportée essentiellement par les seules actions considérées comme pilotables par le ministère, c'est-à-dire :

- les actions qui portent la planification écologique, par rapport à la LFI 2025, l'action 29 « Planification écologique » du programme 149 perd ainsi 220 millions d'euros en AE et 80 millions d'euros en CP et l'action 09 « Planification écologique - Stratégie de réduction de l'utilisation des produits phytosanitaires » du programme 206 voit son enveloppe réduite de 130 millions d'euros en AE et 60 millions d'euros en CP ;

- et les politiques de gestion des crises et des aléas de la production agricole : l'action 22 « Gestion des crises et des aléas de la production agricole » du programme 149 perd 110 millions d'euros en AE et 118 millions d'euros en CP par rapport à la LFI pour 2025.

En effet, de nombreuses dépenses au sein de la mission ne sont pilotables qu'à la marge, qu'il s'agisse des co-financements européens (qui sont perdus si l'État renonce à sa part de la dépense), des dépenses de personnel (les missions du ministère ne se prêtent que très peu à une contractualisation de courte durée) ou des aides allouées dans le cadre de crises sanitaires ou climatiques dont on pourrait difficilement priver les exploitants concernés dans le contexte actuel.

Le Gouvernement a donc fait le choix, pour respecter le cadre budgétaire contraint, d'une option politique de court terme, plutôt que l'investissement durable. Les conséquences de ces choix sont commentées dans la deuxième partie du présent rapport consacrée aux crédits par programme.

De la réduction des crédits découle un nouveau recul du verdissement de la mission. La loi de finances pour 2020 a prévu que le Gouvernement remette au Parlement, en annexe à chaque projet de loi de finances, un rapport consacré à « l'impact environnemental du budget ». Ce résultat est obtenu en comptabilisant « les crédits budgétaires, taxes affectées et dépenses fiscales ayant un impact favorable sur l'environnement ».

En l'espèce, le budget 2026 de la mission AAFAR porte un total de 1,31 milliard d'euros favorables à l'environnement - répartis entre 0,83 milliard d'euros de crédits budgétaires et taxes affectées et 470 millions d'euros de dépenses fiscales, contre 1,87 milliard d'euros en 2025 et 2,8 milliards d'euros en 2024.

Cela traduit un budget agricole et forestier de moins en moins engagé en matière environnementale depuis 2024. Ce choix, contraint par la situation budgétaire, contraste avec la situation antérieure : le PLF pour 2024 avait abouti à la création d'une action « planification écologique » dans chacun des programmes 149 et 206, bénéficiant d'un total de 1,3 milliard d'euros, ramené en 2025 à 491 millions d'euros et réduit pour 2026 à 143 millions d'euros (auxquels on peut ajouter 25 millions d'euros qui figurent, pour 2026, au compte d'affectation spéciale « développement agricole et rural, cf. infra).

Moyens alloués aux deux actions de la mission AAFAR consacrées
à la planification écologique

(en milliards d'euros)

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

Source : Commission des finances du Sénat

3. Un niveau de crédits inférieur à la période exceptionnelle 2022- 2025 mais supérieur à ce qu'il était en 2021

La diminution des autorisations d'engagement et des crédits de paiement alloués à la mission pour 2026, même si elle est importante, doit être nuancée. Outre le maintien (évoqué supra) du total des concours publics alloués à l'agriculture en 2026 grâce à l'effort fiscal et social consenti via la première partie du PLF et via le PLFSS en cours d'examen par le Parlement, il faut souligner que la diminution cette année est consécutive à une période de 2022 à 2025 qui a mobilisé un niveau tout à fait exceptionnel de crédits en loi de finances initiale, en particulier l'année 2024 qui correspond à la dernière année pleinement exécutée. Certes, une partie de ces crédits, au cours de l'année 2024, avait fait l'objet d'annulation7(*) sans compter le recours au gel et au surgel en fin d'année 2024, mais le constat d'une forte diminution des moyens se confirme néanmoins.

En effet, en autorisations d'engagement, les moyens ouverts pour 2026 par rapport aux moyens effectivement consommés en 2024 diminuent de 24,84 %, ce qui est conséquent.

Les autorisations d'engagement par programme : exécution 2024 et PLF pour 2026

(en millions d'euros arrondis à l'entier le plus proche)

Source : commission des finances du Sénat

En crédits de paiement, la baisse des moyens pour 2026 par rapport aux moyens effectivement consommés en 2024 est moindre mais elle atteint tout de même 10,94 %, là aussi avec des différences entre les programmes qu'illustre le graphique ci-après.

Les crédits de paiement par programmes : exécution 2024 et PLF pour 2026

(en millions d'euros arrondis à l'entier le plus proche)

Source : Commission des finances du Sénat

S'agissant toujours des crédits de paiement, le programme 149 « Compétitivité et durabilité de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt » bénéficierait donc de 2,06 milliards d'euros en 2026 contre 2,85 milliards d'euros exécutés en 2024 (ce montant exécuté était de 2,87 milliards d'euros en 2023, de 3,28 milliards d'euros en 2022, de 2,38 milliards d'euros en 2021 et de 1,71 milliard d'euros en 2020).

Les trois autres programmes voient leurs crédits de paiement ouverts pour 2026 approcher le montant exécuté en 2024. Pour le programme 206 « Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation », les quelque 839 millions d'euros ouverts en CP pour 2026 sont à mettre en regard avec les 870 millions d'euros exécutés en 2024 (en exécution, les CP s'élevaient à 770,29 millions d'euros exécutés en 2023, 791,68 millions d'euros en 2022, 608,3 millions d'euros en 2021 et 555,6 millions d'euros en 2020).

S'agissant du programme 215 « Conduite et pilotage des politiques de l'agriculture », qui bénéficiera en 2026 de 662 millions d'euros, c'est même une hausse de 7,3 % par rapport aux 617 millions d'euros exécutés en CP en 2024.

Il en est de même pour le programme 381 « Allègements de cotisations et contributions sociales » : avec 449 millions d'euros ouverts en CP pour 2026, le programme disposera de 2,5 % de crédits supplémentaires par rapport à la dépense constatée de 438 millions d'euros en CP 2024.

Les rapporteurs spéciaux soulignent le fait que les crédits de paiement pour 2023, tout en traduisant un niveau moins exceptionnel que pendant la parenthèse 2022-2025, restent supérieurs d'un milliard d'euros par rapport à l'exécution 2021.

Crédits de paiement exécutés sur la mission AAFAR depuis 2021

(en millions d'euros)

Note : Pour 2025 et 2026, il s'agit des crédits ouverts en LFI.

Source : Commission des finances du Sénat

Toutefois, les rapporteurs alertent sur une tendance, désormais bien installée s'agissant de la mission AAFAR qui consiste à procéder à des ouvertures massives de crédits en cours d'exercice, au grès des besoins, en AE comme en CP. Certes, par nature, la mission AAFAR est sujette à des aléas, mais le caractère imprévisible de ceux-ci est discutable. Cette tendance s'est confirmée en 2024 comme l'illustre le tableau ci-après.

Évolution des crédits de la mission « Cohésion des territoires » entre la loi de finances initiale et les crédits effectivement exécutés en 2023 et 2024

(en millions d'euros et en volume)

Programmes

 

Exécution 2023

Crédits ouverts en LFI 20248(*)

Total des crédits ouverts en 2024

Exécution 2024

Variation exécution 2024/2023

Écart exécution 2024/LFI 2024

Programme 149 « Compétitivité et durabilité de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt »

AE

2 866

3 177

3 146

3 060

+ 6,77 %

+ 194

CP

2 908

2 736

2 897

2 573

- 11,52 %

- 335

Programme 206 « Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation »

AE

804,7

1 036

1 152

1 072

+ 33,22 %

+ 267

CP

770,3

906

1 000

870

+ 12,94 %

+ 100

Programme 215 « Conduite et pilotage des politiques de l'agriculture »

AE

593,5

702

705

616

+ 3,8 %

+ 23

CP

597,4

682

627

617

+ 3,28 %

+ 20

Programme 381 « Allègements du coût du travail en agriculture (TODE-AG) »

AE

433

423

438

438

+ 1,15 %

+ 5

CP

433

423

438

438

+ 1,15 %

+ 5

Total Mission

AE

4 697,6

5 338

5 511

5 186

+ 10,4 %

+ 488,4

CP

4 709

4 747

4 962

4 498

- 4,48 %

- 211

Note : AE : autorisations d'engagement. CP : crédits de paiement. LFI : budgétisation en loi de finances initiale, y compris les prévisions de fonds de concours (FDC) et attributions de produits (ADP). Exécution : consommation constatée dans le projet de loi de règlement ou de résultats de la gestion.

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Pour davantage de détails sur la nature et le niveau élevé des mouvements infra-annuels de crédits au sein de la mission, les rapporteurs spéciaux renvoient à leur rapport consacré aux comptes de la mission pour l'année 20249(*).


* 1 Les tensions, en 2025, entre le Cambodge et la Thaïlande ont un impact sur les cours agricoles.

* 2 La Fédération française des spiritueux a confirmé auprès des rapporteurs spéciaux ce qu'elle avait exprimé l'an passé : « l'instauration de droits supplémentaires sur les eaux de vie de vin en Chine et le retour de droits supplémentaires aux Etats-Unis met en péril les deux-tiers de la valeur exportée ».

* 3 À l'exception de l'élection des membres de la Chambre d'agriculture de la pêche et de l'aquaculture de Mayotte (CAPAM) qui n'a pas pu être organisé, en raison du passage du cyclone CHIDO, et a été reportée au mois de janvier 2026.

* 4 En moins de soixante-dix ans, le nombre d'exploitants a été divisé par cinq : de plus de 2,5 millions en 1955, le nombre d'exploitants est passé à 764 000 en 2000 puis à 496 000 en 2020. Corollaire de cette évolution, le nombre d'exploitations agricoles diminue fortement pour se situer en France métropolitaine à 389 000 en 2020.

* 5 43 % des exploitants sont à l'heure actuelle âgés de 55 ans ou plus, et susceptibles de partir à la retraite d'ici à 2033. L'âge moyen des agriculteurs français est ainsi passé de 50,2 ans en 2010 à 51,4 ans en 2020, année du dernier recensement agricole.

* 6  Cour des comptes, La politique d'installation des nouveaux agriculteurs et de transmission des exploitations agricoles, communication à la commission des finances du Sénat, avril 2023.

* 7 Le décret n° 2024-124 du 21 février 2024 portant annulation de crédits a abouti à l'annulation, en AE comme en CP de 60 011 065 euros sur le programme 215 et de 10 512 570 euros sur le programme 206.

* 8 Crédits ouverts en loi de finances initiale hors fonds de concours (FDC) et attributions de produits (AdP).

* 9 Projet de loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l'année 2024 : Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales, rapport n° 743 (2024-2025), tome II, annexe 3, de MM. Christian Klinger et Victorin Lurel, déposé le 18 juin 2025.

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