PREMIÈRE
PARTIE
LA MISSION « AGRICULTURE, ALIMENTATION, FORÊT
ET
AFFAIRES RURALES » (AAFAR) : UNE DIMINUTION DES CRÉDITS
EN 2026 QUI FRAPPE PRINCIPALEMENT LA PLANIFICATION ÉCOLOGIQUE
MAIS QUI NE REMET PAS EN CAUSE LE SOUTIEN IMPORTANT DE L'ÉTAT AU SECTEUR
AGRICOLE
Comme d'autres missions budgétaires, la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » (AAFAR) ne couvre que partiellement les moyens correspondant à l'effort budgétaire consenti à destination des politiques publiques qu'elle vise.
En effet, en examinant cette mission, les rapporteurs spéciaux de la commission des finances ne sont formellement saisis que d'un cinquième environ des dépenses destinées au secteur agricole entendu au sens large. Le total des dépenses publiques en direction de l'agriculture, qui s'élèvera en 2026, comme en 2025, à environ 25,3 milliards d'euros selon les montants communiqués par le Ministère de l'Agriculture et de la souveraineté alimentaire (MASA), comprend en effet, en sus des dépenses budgétaires de la mission à proprement parler et du compte d'affectation spéciale « développement agricole et rural » (CAS DAR), 21,3 milliards d'euros de concours publics à l'agriculture.
La part de la mission dans le total des concours publics consacrés en 2026 à l'agriculture recule légèrement en raison de la nouvelle diminution des crédits qui lui sont alloués (3,9 milliards d'euros en autorisations d'engagement contre 4,4 milliards votés en LFI 2025, soit une baisse de 11,59 %, et 4 milliards d'euros en crédits de paiement contre 4,2 milliards d'euros votés en LFI 2025, soit un recul de 4,98 %) du fait notamment de la très forte baisse des seuls crédits réellement pilotables, à savoir ceux consacrés à la planification écologique.
Les rapporteurs spéciaux tiennent, à titre liminaire, à nuancer considérablement cette diminution, bien qu'elle paraisse importante si l'on se contente de comparer le projet de loi de finances (PLF) pour 2026 et la loi de finances initiale (LFI) pour 2025.
D'une part, l'effort demandé à la mission en vue de contribuer au redressement des finances publiques est moindre que celui demandé à d'autres missions et demeure mesuré au regard du contexte budgétaire très contraint.
D'autre part, les crédits alloués à la mission, dans le cadre des lois de finances initiales pour les années 2022 à 2025, traduisaient un effort considérable de la part de l'État sur la politique agricole, le budget 2026 revenant dans une lignée plus proche des budgets antérieurs, tout en restant dans une moyenne haute. Enfin, il faut noter que l'État, au global, compense la baisse affichée des crédits de la mission par un effort supplémentaire en termes de dépenses fiscales et sociales au travers de dispositifs nouveaux qui étaient très attendus ou de dispositifs existants et prorogés. Le projet de loi de finances ainsi que le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026 portent des dispositifs très attendus par le secteur agricole comme la prise en compte des 25 meilleures années dans le calcul des pensions de retraite, la prorogation pour trois ans de la dotation pour épargne de précaution, l'exonération d'impôt sur le revenu et d'impôt sur les sociétés - sous condition d'affectation du montant de cette exonération - des plus-values et des profits sur stocks dégagés du fait de toute perception d'indemnités d'abattage pour raisons sanitaires d'animaux affectés à la reproduction du cheptel pour les années 2025 à 2027.
La répartition de ces différents concours publics, par exercice depuis 2021, est récapitulée dans le tableau ci-après.
Concours publics à l'agriculture, l'alimentation et à la forêt
(Crédits de paiement, exprimés en millions d'euros)
|
|
Montant des concours publics engagé par exercice |
|||||
|
2021 |
2022 |
2023 |
2024 |
2025 |
2026 |
|
|
Budget européen PAC |
9 494 |
9 975 |
9 384 |
9 384 |
9 384 |
9 384 |
|
dont Paiements directs |
6 736 |
6 726 |
6 736 |
6 736 |
6 710 |
6 710 |
|
dont Programmes sectoriels et Mesures de marché |
640 |
640 |
640 |
640 |
666 |
666 |
|
dont deuxième pilier |
2 118 |
2 609 |
2 008 |
2 008 |
2 008 |
2 008 |
|
Budget État (Loi de finances initiale jusqu'en 2024 et projet de loi de finances pour 2025) |
5 418 |
5 444 |
6 479 |
7 507 |
7 005 |
6 829 |
|
dont budget mission AAFAR |
3 038 |
3 007 |
3 858 |
4 747 |
4 216 |
4 006 |
|
dont budget mission « enseignement secondaire » - programme 143 « enseignement technique agricole » |
1 483 |
1 527 |
1 596 |
1 696 |
1 712 |
1 715 |
|
dont budget mission MIRES (Programme 142) |
363 |
378 |
424 |
443 |
422 |
428 |
|
dont CAS DAR |
126 |
126 |
126 |
146 |
146 |
171 |
|
dont taxe fiscales affectées |
408 |
406 |
475 |
475 |
509 |
509 |
|
Allègement charges sociales et fiscales |
5 657 |
5 943 |
6 497 |
6 823 |
6 795 |
6 952 |
|
dont baisse des cotisations individuelles des exploitants |
283 |
278 |
280 |
290 |
381 |
539 |
|
dont allègements de cotisations patronales |
5 374 |
5 665 |
6 217 |
6 533 |
6 414 |
6 413 |
|
Autres dépenses fiscales |
2 315 |
2 695 |
2 310 |
2 239 |
2 937 |
3 090 |
|
dont dépenses fiscales agricoles |
2 059 |
2 513 |
2 127 |
2 048 |
381 |
539 |
|
dont dépenses fiscales forêt |
256 |
182 |
183 |
191 |
2 566 |
2 551 |
|
Compléments régionaux PAC |
284 |
283 |
400 |
400 |
400 |
400 |
|
Retraitement des données (double décompte social) |
- 207 |
- 130 |
- 561 |
- 578 |
- 612 |
- 592 |
|
Total agriculture crédits nationaux |
13 467 |
14 235 |
15 125 |
16 391 |
15 866 |
15 867 |
|
Total agriculture tous concours |
22 961 |
24 210 |
24 509 |
25 775 |
25 250 |
25 251 |
Source : Commission des finances du Sénat à partir de données fournies par le ministère de l'agriculture, de l'agro-alimentaire et de la souveraineté alimentaire
I. PRÉSENTATION GÉNÉRALE DES CRÉDITS DE LA MISSION POUR 2026
Le contexte général du secteur agricole demeure globalement difficile et la mission AAFAR doit faire face au défi de concilier les fortes attentes liées aux enjeux et les moyens qui devront être optimisés.
Le secteur agricole est, en premier lieu, particulièrement touché par les fortes tensions internationales qui s'intensifient : impact des crises ukrainienne, asiatique1(*) et au Proche-Orient sur les cours, tensions commerciales entre l'Europe, les États-Unis et la Chine qui frappent en particulier les spiritueux français2(*), renforcement des droits de douane américains, craintes des professionnels sur la concurrence déloyale que pourrait engendrer l'entrée en vigueur, de plus en plus probable, d'un accord UE-MERCOSUR, etc.
En deuxième lieu, les aléas climatiques et sanitaires ont durement frappé les milieux agricoles ces dernières années, même s'il faut reconnaitre que l'année 2025 est globalement moins marquante que les années précédentes : on notera, en particulier, que des foyers contagieux et des abattages imposés ont jalonné les derniers mois du fait notamment de la propagation de la dermatose nodulaire contagieuse bovine (DNCB).
Par ailleurs, la situation économique générale ainsi que la situation politique (hausse de l'épargne en raison des incertitudes sur l'avenir qui contribue à une baisse de la consommation, fortes incertitudes concernant la fiscalité des entreprises. etc.) sont globalement défavorables au secteur.
Ce contexte et ces tensions se sont ainsi manifestées à l'occasion des élections des membres des 88 chambres d'agriculture départementales, interdépartementales ou territoriales et des 2 chambres d'agriculture de région sans chambre territoriale (Île-de-France et Corse), qui ont eu lieu en janvier 20253(*).
Ce panorama d'ensemble ne contribue pas à relancer l'attractivité d'un secteur par ailleurs caractérisé par une forte diminution du nombre d'exploitants et d'exploitations4(*) et par un vieillissement des exploitants5(*) ainsi que le relevait la Cour des comptes dans une enquête remise à la commission des finances au titre du 2° de l'article 58 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances6(*), sans que la tendance ne parvienne, pour l'instant, à être inversée.
Comme l'ensemble des concours publics destinés à l'agriculture, les crédits de la mission AAFAR pour 2026 sont particulièrement scrutés par les professionnels du secteur. Ces crédits de la mission en 2026 sont répartis, comme l'an passé, entre quatre programmes :
- le programme 149 « Compétitivité et durabilité de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt » qui porte les dispositifs d'aide aux filières agricoles et forestières, et les financements attribués par l'État en cofinancement des aides communautaires de la politique agricole commune (PAC) ;
- le programme 206 « Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation » qui couvre pour l'essentiel des interventions visant à assurer la maîtrise des risques sanitaires et phytosanitaires affectant les animaux, les végétaux et les produits alimentaires, ne réservant qu'une faible partie de ses interventions à la sécurité sanitaire des aliments proprement dite ;
- le programme 215 « Conduite et pilotage des politiques de l'agriculture » est le programme support du ministère de l'agriculture et réunit la plupart des moyens nécessaires à la couverture des coûts de gestion des missions du ministère (en dehors de l'enseignement agricole qui est porté par le programme 143 « Enseignement technique agricole » de la mission « Enseignement scolaire ») ;
- et enfin le programme 381 « Allègements de cotisations et contributions sociales », créé par la loi de finances pour 2023, qui couvre les compensations et allègements qui bénéficiaient antérieurement de l'affectation d'une part des recettes de la TVA.
A. UNE DIMINUTION DES MOYENS ALLOUÉS À LA MISSION PRINCIPALEMENT AU DÉTRIMENT DE LA PLANIFICATION ÉCOLOGIQUE
La mission est de nouveau mobilisée en 2026 en vue de contribuer à l'objectif de redressement des finances publiques : le texte déposé par le Gouvernement à l'Assemblée nationale envisage une baisse des autorisations d'engagement de 11,59 % et une diminution des crédits de paiement de 4,98 %.
1. La diminution des crédits de la mission en 2026 cache de fortes disparités au sein des programmes et des actions
Derrière cette réduction d'ensemble des moyens alloués à la mission se cachent de fortes disparités entre les quatre programmes et au sein de ceux-ci : le principal programme en volume est lourdement amputé par rapport aux crédits votés en loi de finances pour 2025 (- 15,58 % en AE et - 9,06 % en CP pour le programme 149) tandis que les programmes 206 et 215 voient leurs moyens être contractés ou stabilisés dans des proportions moindres (- 8,83 % en AE et - 1,88 % en CP pour le programme 206 ; et - 9,51 % en AE et + 1,62 % en CP pour le programme 215). Enfin, le programme 381, qui ne comprend pas de crédits pilotables, finance un dispositif d'exonération des cotisations patronales pour l'embauche de travailleurs occasionnels et de demandeurs d'emploi (TO-DE) : il s'agit de la compensation versée à l'Union nationale interprofessionnelle pour l'emploi dans l'industrie et le commerce (UNEDIC) ainsi que d'une partie de la compensation - le reste de la compensation est porté par le programme 149 - versée à la Caisse centrale de mutualité sociale agricole. Les moyens du programme 381 progressent de 0,11 % en AE comme en CP.
Le tableau ci-après récapitule les crédits alloués aux actions et aux sous-actions de chacun des quatre programmes en loi de finances initiale pour 2025 et dans le projet de loi de finances pour 2026 déposé à l'Assemblée nationale.
Crédits alloués aux actions et aux
sous-actions des quatre programmes
de la mission AAFAR
(en euros)
|
Autorisations d'engagement |
Crédits de paiement |
|||||
|
Programme / Action / Sous-action LFI 2025 PLF 2026 |
Ouvertures |
Variation annuelle |
FdC et AdP attendus |
Ouvertures |
Variation annuelle |
FdC et AdP attendus |
|
149 - Compétitivité et durabilité de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt |
2 324 795 264 1 962 488 837 |
- 15,58 % |
960 000 |
2 261 317 665 2 056 447 002 |
- 9,06 % |
960 000 |
|
21 - Adaptation des filières à l'évolution des marchés |
250 264 254 234 009 850 |
- 6,49 % |
250 869 648 234 452 078 |
- 6,54 % |
||
|
22 - Gestion des crises et des aléas de la production agricole |
220 769 139 110 900 000 |
- 49,77 % |
218 914 084 110 900 000 |
- 49,34 % |
||
|
23 - Appui au renouvellement et à la modernisation des exploitations agricoles |
116 202 510 105 340 000 |
- 9,35 % |
131 823 004 105 460 272 |
- 20,00 % |
||
|
24 - Gestion équilibrée et durable des territoires |
516 327 815 485 216 711 |
- 6,03 % |
960 000 |
515 088 140 516 427 462 |
+ 0,26 % |
960 000 |
|
25 - Protection sociale |
156 920 000 142 950 000 |
- 8,90 % |
156 920 000 142 950 000 |
- 8,90 % |
||
|
26 - Gestion durable de la forêt et développement de la filière bois |
287 834 890 287 414 889 |
- 0,15 % |
290 207 395 289 787 394 |
- 0,14 % |
||
|
27 - Moyens de mise en oeuvre des politiques publiques et gestion des interventions |
440 345 599 478 132 500 |
+ 8,58 % |
440 345 599 478 132 500 |
+ 8,58 % |
||
|
29 - Planification écologique |
336 131 057 118 524 887 |
- 64,74 % |
257 149 795 178 337 296 |
- 30,65 % |
||
|
206 - Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation |
921 078 512 839 725 962 |
- 8,83 % |
6 568 267 32 699 940 |
854 636 527 838 604 272 |
- 1,88 % |
6 568 267 32 699 940 |
|
01 - Santé, qualité et protection des végétaux |
34 473 200 33 673 200 |
- 2,32 % |
1 568 625 742 968 |
34 304 200 33 504 200 |
- 2,33 % |
1 568 625 742 968 |
|
02 - Lutte contre les maladies animales, protection et bien-être animal |
122 920 670 167 120 070 |
+ 35,96 % |
1 829 616 31 836 822 |
122 920 670 163 120 070 |
+ 32,70 % |
1 829 616 31 836 822 |
|
03 - Sécurité sanitaire de l'alimentation |
112 272 579 103 667 500 |
- 7,66 % |
3 003 326 |
106 256 127 103 667 500 |
- 2,44 % |
3 003 326 |
|
04 - Actions transversales |
125 617 626 129 749 536 |
+ 3,29 % |
118 163 633 115 420 016 |
- 2,32 % |
||
|
05 - Elimination des cadavres et des sous- produits animaux |
4 000 000 4 000 000 |
4 000 000 4 000 000 |
||||
|
06 - Mise en oeuvre de la politique de sécurité et de qualité sanitaires de l'alimentation |
359 677 352 370 705 156 |
+ 3,07 % |
10 000 |
359 677 352 370 705 156 |
+ 3,07 % |
10 000 |
|
08 - Politique de l'alimentation pour la Souveraineté Alimentaire |
6 810 500 5 810 500 |
- 14,68 % |
166 700 110 150 |
6 810 500 5 810 500 |
- 14,68 % |
166 700 110 150 |
|
09 - Planification écologique - Stratégie de réduction de l'utilisation des produits phytosanitaires |
155 306 585 25 000 000 |
- 83,90 % |
102 504 045 42 376 830 |
- 58,66 % |
||
|
215 - Conduite et pilotage des politiques de l'agriculture |
715 254 065 647 230 656 |
- 9,51 % |
6 822 452 |
651 189 597 661 770 785 |
+ 1,62 % |
6 822 452 7 197 248 |
|
01 - Moyens de l'administration centrale |
180 133 443 222 502 361 |
+ 23,52 % |
562 976 |
181 485 396 226 508 902 |
+ 24,81 % |
562 976 512 225 |
|
02 - Évaluation de l'impact des politiques publiques et information économique |
12 268 347 17 104 586 |
+ 39,42 % |
3 070 083 |
11 768 347 16 604 586 |
+ 41,10 % |
3 070 083 4 189 496 |
|
03 - Moyens des directions régionales de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt, des directions de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt et directions départementales des territoires (et de la mer) |
379 985 476 323 640 865 |
- 14,83 % |
2 217 449 |
380 189 714 323 341 274 |
- 14,95 % |
2 217 449 2 217 449 |
|
04 - Moyens communs |
142 866 799 83 982 844 |
- 41,22 % |
971 944 |
77 746 140 95 316 023 |
+ 22,60 % |
971 944 278 078 |
|
381 - Allègements du coût du travail en agriculture (TODE-AG) |
448 500 000 449 000 000 |
+ 0,11 % |
448 500 000 449 000 000 |
+ 0,11 % |
||
|
01 - Allègements de cotisations et contributions sociales |
448 500 000 449 000 000 |
+ 0,11 % |
448 500 000 449 000 000 |
+ 0,11 % |
||
|
Totaux |
4 409 627 841 3 898 445 455 |
- 11,59 % |
13 390 719 33 659 940 |
4 215 643 789 4 005 822 059 |
- 4,98 % |
13 390 719 40 857 188 |
*FdC et AdP : fonds de concours et attributions de produits.
Source : programmes annuels de performance annexés au projet de loi de finances pour 2026
2. Des orientations qui conduisent à limiter fortement les crédits alloués à la planification écologique et, dans une moindre mesure, aux politiques de gestion des crises et des aléas
Dans l'ensemble, la diminution des moyens alloués à la mission budgétaire est importante. D'environ 500 millions d'euros en AE, elle est supportée essentiellement par les seules actions considérées comme pilotables par le ministère, c'est-à-dire :
- les actions qui portent la planification écologique, par rapport à la LFI 2025, l'action 29 « Planification écologique » du programme 149 perd ainsi 220 millions d'euros en AE et 80 millions d'euros en CP et l'action 09 « Planification écologique - Stratégie de réduction de l'utilisation des produits phytosanitaires » du programme 206 voit son enveloppe réduite de 130 millions d'euros en AE et 60 millions d'euros en CP ;
- et les politiques de gestion des crises et des aléas de la production agricole : l'action 22 « Gestion des crises et des aléas de la production agricole » du programme 149 perd 110 millions d'euros en AE et 118 millions d'euros en CP par rapport à la LFI pour 2025.
En effet, de nombreuses dépenses au sein de la mission ne sont pilotables qu'à la marge, qu'il s'agisse des co-financements européens (qui sont perdus si l'État renonce à sa part de la dépense), des dépenses de personnel (les missions du ministère ne se prêtent que très peu à une contractualisation de courte durée) ou des aides allouées dans le cadre de crises sanitaires ou climatiques dont on pourrait difficilement priver les exploitants concernés dans le contexte actuel.
Le Gouvernement a donc fait le choix, pour respecter le cadre budgétaire contraint, d'une option politique de court terme, plutôt que l'investissement durable. Les conséquences de ces choix sont commentées dans la deuxième partie du présent rapport consacrée aux crédits par programme.
De la réduction des crédits découle un nouveau recul du verdissement de la mission. La loi de finances pour 2020 a prévu que le Gouvernement remette au Parlement, en annexe à chaque projet de loi de finances, un rapport consacré à « l'impact environnemental du budget ». Ce résultat est obtenu en comptabilisant « les crédits budgétaires, taxes affectées et dépenses fiscales ayant un impact favorable sur l'environnement ».
En l'espèce, le budget 2026 de la mission AAFAR porte un total de 1,31 milliard d'euros favorables à l'environnement - répartis entre 0,83 milliard d'euros de crédits budgétaires et taxes affectées et 470 millions d'euros de dépenses fiscales, contre 1,87 milliard d'euros en 2025 et 2,8 milliards d'euros en 2024.
Cela traduit un budget agricole et forestier de moins en moins engagé en matière environnementale depuis 2024. Ce choix, contraint par la situation budgétaire, contraste avec la situation antérieure : le PLF pour 2024 avait abouti à la création d'une action « planification écologique » dans chacun des programmes 149 et 206, bénéficiant d'un total de 1,3 milliard d'euros, ramené en 2025 à 491 millions d'euros et réduit pour 2026 à 143 millions d'euros (auxquels on peut ajouter 25 millions d'euros qui figurent, pour 2026, au compte d'affectation spéciale « développement agricole et rural, cf. infra).
Moyens alloués aux deux actions de la
mission AAFAR consacrées
à la planification
écologique
(en milliards d'euros)
3. Un niveau de crédits inférieur à la période exceptionnelle 2022- 2025 mais supérieur à ce qu'il était en 2021
La diminution des autorisations d'engagement et des crédits de paiement alloués à la mission pour 2026, même si elle est importante, doit être nuancée. Outre le maintien (évoqué supra) du total des concours publics alloués à l'agriculture en 2026 grâce à l'effort fiscal et social consenti via la première partie du PLF et via le PLFSS en cours d'examen par le Parlement, il faut souligner que la diminution cette année est consécutive à une période de 2022 à 2025 qui a mobilisé un niveau tout à fait exceptionnel de crédits en loi de finances initiale, en particulier l'année 2024 qui correspond à la dernière année pleinement exécutée. Certes, une partie de ces crédits, au cours de l'année 2024, avait fait l'objet d'annulation7(*) sans compter le recours au gel et au surgel en fin d'année 2024, mais le constat d'une forte diminution des moyens se confirme néanmoins.
En effet, en autorisations d'engagement, les moyens ouverts pour 2026 par rapport aux moyens effectivement consommés en 2024 diminuent de 24,84 %, ce qui est conséquent.
Les autorisations d'engagement par programme : exécution 2024 et PLF pour 2026
(en millions d'euros arrondis à l'entier le plus proche)
Source : commission des finances du Sénat
En crédits de paiement, la baisse des moyens pour 2026 par rapport aux moyens effectivement consommés en 2024 est moindre mais elle atteint tout de même 10,94 %, là aussi avec des différences entre les programmes qu'illustre le graphique ci-après.
Les crédits de paiement par programmes : exécution 2024 et PLF pour 2026
(en millions d'euros arrondis à l'entier le plus proche)
Source : Commission des finances du Sénat
S'agissant toujours des crédits de paiement, le programme 149 « Compétitivité et durabilité de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt » bénéficierait donc de 2,06 milliards d'euros en 2026 contre 2,85 milliards d'euros exécutés en 2024 (ce montant exécuté était de 2,87 milliards d'euros en 2023, de 3,28 milliards d'euros en 2022, de 2,38 milliards d'euros en 2021 et de 1,71 milliard d'euros en 2020).
Les trois autres programmes voient leurs crédits de paiement ouverts pour 2026 approcher le montant exécuté en 2024. Pour le programme 206 « Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation », les quelque 839 millions d'euros ouverts en CP pour 2026 sont à mettre en regard avec les 870 millions d'euros exécutés en 2024 (en exécution, les CP s'élevaient à 770,29 millions d'euros exécutés en 2023, 791,68 millions d'euros en 2022, 608,3 millions d'euros en 2021 et 555,6 millions d'euros en 2020).
S'agissant du programme 215 « Conduite et pilotage des politiques de l'agriculture », qui bénéficiera en 2026 de 662 millions d'euros, c'est même une hausse de 7,3 % par rapport aux 617 millions d'euros exécutés en CP en 2024.
Il en est de même pour le programme 381 « Allègements de cotisations et contributions sociales » : avec 449 millions d'euros ouverts en CP pour 2026, le programme disposera de 2,5 % de crédits supplémentaires par rapport à la dépense constatée de 438 millions d'euros en CP 2024.
Les rapporteurs spéciaux soulignent le fait que les crédits de paiement pour 2023, tout en traduisant un niveau moins exceptionnel que pendant la parenthèse 2022-2025, restent supérieurs d'un milliard d'euros par rapport à l'exécution 2021.
Crédits de paiement exécutés sur la mission AAFAR depuis 2021
(en millions d'euros)
Note : Pour 2025 et 2026, il s'agit des crédits ouverts en LFI.
Source : Commission des finances du Sénat
Toutefois, les rapporteurs alertent sur une tendance, désormais bien installée s'agissant de la mission AAFAR qui consiste à procéder à des ouvertures massives de crédits en cours d'exercice, au grès des besoins, en AE comme en CP. Certes, par nature, la mission AAFAR est sujette à des aléas, mais le caractère imprévisible de ceux-ci est discutable. Cette tendance s'est confirmée en 2024 comme l'illustre le tableau ci-après.
Évolution des crédits de la mission « Cohésion des territoires » entre la loi de finances initiale et les crédits effectivement exécutés en 2023 et 2024
(en millions d'euros et en volume)
|
Programmes |
|
Exécution 2023 |
Crédits ouverts en LFI 20248(*) |
Total des crédits ouverts en 2024 |
Exécution 2024 |
Variation exécution 2024/2023 |
Écart exécution 2024/LFI 2024 |
|
Programme 149 « Compétitivité et durabilité de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt » |
AE |
2 866 |
3 177 |
3 146 |
3 060 |
+ 6,77 % |
+ 194 |
|
CP |
2 908 |
2 736 |
2 897 |
2 573 |
- 11,52 % |
- 335 |
|
|
Programme 206 « Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation » |
AE |
804,7 |
1 036 |
1 152 |
1 072 |
+ 33,22 % |
+ 267 |
|
CP |
770,3 |
906 |
1 000 |
870 |
+ 12,94 % |
+ 100 |
|
|
Programme 215 « Conduite et pilotage des politiques de l'agriculture » |
AE |
593,5 |
702 |
705 |
616 |
+ 3,8 % |
+ 23 |
|
CP |
597,4 |
682 |
627 |
617 |
+ 3,28 % |
+ 20 |
|
|
Programme 381 « Allègements du coût du travail en agriculture (TODE-AG) » |
AE |
433 |
423 |
438 |
438 |
+ 1,15 % |
+ 5 |
|
CP |
433 |
423 |
438 |
438 |
+ 1,15 % |
+ 5 |
|
|
Total Mission |
AE |
4 697,6 |
5 338 |
5 511 |
5 186 |
+ 10,4 % |
+ 488,4 |
|
CP |
4 709 |
4 747 |
4 962 |
4 498 |
- 4,48 % |
- 211 |
Note : AE : autorisations d'engagement. CP : crédits de paiement. LFI : budgétisation en loi de finances initiale, y compris les prévisions de fonds de concours (FDC) et attributions de produits (ADP). Exécution : consommation constatée dans le projet de loi de règlement ou de résultats de la gestion.
Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires
Pour davantage de détails sur la nature et le niveau élevé des mouvements infra-annuels de crédits au sein de la mission, les rapporteurs spéciaux renvoient à leur rapport consacré aux comptes de la mission pour l'année 20249(*).
* 1 Les tensions, en 2025, entre le Cambodge et la Thaïlande ont un impact sur les cours agricoles.
* 2 La Fédération française des spiritueux a confirmé auprès des rapporteurs spéciaux ce qu'elle avait exprimé l'an passé : « l'instauration de droits supplémentaires sur les eaux de vie de vin en Chine et le retour de droits supplémentaires aux Etats-Unis met en péril les deux-tiers de la valeur exportée ».
* 3 À l'exception de l'élection des membres de la Chambre d'agriculture de la pêche et de l'aquaculture de Mayotte (CAPAM) qui n'a pas pu être organisé, en raison du passage du cyclone CHIDO, et a été reportée au mois de janvier 2026.
* 4 En moins de soixante-dix ans, le nombre d'exploitants a été divisé par cinq : de plus de 2,5 millions en 1955, le nombre d'exploitants est passé à 764 000 en 2000 puis à 496 000 en 2020. Corollaire de cette évolution, le nombre d'exploitations agricoles diminue fortement pour se situer en France métropolitaine à 389 000 en 2020.
* 5 43 % des exploitants sont à l'heure actuelle âgés de 55 ans ou plus, et susceptibles de partir à la retraite d'ici à 2033. L'âge moyen des agriculteurs français est ainsi passé de 50,2 ans en 2010 à 51,4 ans en 2020, année du dernier recensement agricole.
* 6 Cour des comptes, La politique d'installation des nouveaux agriculteurs et de transmission des exploitations agricoles, communication à la commission des finances du Sénat, avril 2023.
* 7 Le décret n° 2024-124 du 21 février 2024 portant annulation de crédits a abouti à l'annulation, en AE comme en CP de 60 011 065 euros sur le programme 215 et de 10 512 570 euros sur le programme 206.
* 8 Crédits ouverts en loi de finances initiale hors fonds de concours (FDC) et attributions de produits (AdP).
* 9 Projet de loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l'année 2024 : Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales, rapport n° 743 (2024-2025), tome II, annexe 3, de MM. Christian Klinger et Victorin Lurel, déposé le 18 juin 2025.




