II. UNE SOUS-CONSOMMATION CHRONIQUE DES CRÉDITS AU REGARD DU NIVEAU DE RECETTES QUI A ENFIN CONDUIT LES GOUVERNEMENTS À RÉAGIR ET À DONNER SUITE AUX PRÉCONISATIONS DES PARLEMENTAIRES DEPUIS 2024

A. DEPUIS 2018, DES RECETTES RÉGULIÈREMENT SUPÉRIEURES AU PLAFOND DE DÉPENSES, CE QUI CONDUIT ENFIN À UNE REVALORISATION

Les recettes du compte d'affectation spéciale proviennent, depuis 2015 (cf. supra) de la taxe « développement agricole et rural » qui lui est intégralement affectée. Elle est calculée sur le chiffre d'affaires total des exploitations agricoles, sans distinction du type ou du mode de production. Depuis 2018, les recettes constatées sont supérieures au plafond autorisé de dépenses : paradoxalement, ce différentiel conduit le CAS DAR à présenter un solde comptable largement excédentaire, qui a quasiment atteint, à fin 2024 l'équivalent d'une année de recettes, alors même qu'il est principalement financé par les agriculteurs.

Le plafond de dépenses du CAS-DAR a été rehaussé, dans la loi de finances pour 2024, de 20 millions d'euros pour atteindre 146 millions d'euros, après plusieurs années de stabilité à 126 millions d'euros. Cette hausse s'est opérée en cours de navette parlementaire, par le vote de deux amendements successifs (de 5 millions d'euros puis 15 millions d'euros supplémentaires, dans les deux cas à l'Assemblée nationale) afin de réduire le différentiel entre les recettes et les dépenses. Pour 2025, le plafond de dépenses avait été reconduit mais le gouvernement propose une nouvelle hausse en 2026, plus substantielle, de 25 millions d'euros afin de le porter à 171 millions d'euros.

Les rapporteurs spéciaux se réjouissent de ce nouveau rehaussement du plafond qu'ils ont d'ailleurs vivement encouragé, soutenant d'aller « au bout de la démarche en fixant désormais un plafond de dépenses davantage aligné sur le prévisionnel de recettes globalement fiable chaque année31(*) ».

Ils avaient d'ailleurs indiqué qu'à défaut d'un tel rehaussement, une réflexion sur la pertinence du périmètre et du niveau de la taxe sur le chiffre d'affaires des exploitants agricoles aurait été nécessaire, dès lors que son produit est exclusivement affecté à une politique publique dont le besoin de financement serait inférieur au produit collecté. Cette option n'avait toutefois pas la faveur des rapporteurs spéciaux qui constatent, d'une part, que la part de la taxe dans le chiffre d'affaires des exploitations diminue sous l'effet de l'inflation et, d'autre part, que le besoin de financement des politiques publiques soutenues par le CAS DAR est conséquent, ce qui justifie d'autoriser un montant de dépenses plus important.

Il n'était en effet pas durablement justifiable de constater un différentiel important entre les recettes et les dépenses d'un compte d'affectation spéciale, justement fait pour contourner le principe de non-affectation et mettre en regard recettes et dépenses liées à une même politique publique. Le nouveau plafond de dépenses autorisé devrait donc mettre un terme à la situation dénoncée jusqu'alors par les rapporteurs spéciaux et devrait enfin conduire à diminuer le solde comptable du CAS DAR qui n'a pas cessé de croître ces dernières années, ce qui était devenu incompréhensible au regard des besoins de financement en matière de recherche agricole. Les services du ministère ont ainsi confirmé lors de leur audition par les rapporteurs spéciaux que le nouveau plafond était supérieur aux prévisions de recettes pour 2026, maintenues à 146 millions d'euros, ce qui conduira « le différentiel à être comblé par le solde du CASDAR, constitué des excédents de recettes des années antérieures ».

Exécution des recettes et des dépenses du CAS-DAR

(en millions d'euros)

Année

Recettes

Dépenses

Plafond

Solde comptable cumulé

2009

113,50

110,55

113,5 en AE et 118,5 en CP

53,02

2010

105,06

108,50

114,5 en AE et 119,5 en CP

46,7

2011

110,45

108,38

110,5

48,72

2012

116,75

114,35

110,5

51,13

2013

120,47

106,98

110,5

64,73

2014

117,10

132,40

125,5

49,43

2015

137,10

131,20

147,5

55,23

2016

130,80

129,20

147,5

56,83

2017

133,4

128, 9

147,5

62,13

2018

136,5

131,2

136

67,6

2019

142,9

130,5

136

80

2020

140,3

127,1

136

93,2

2021

138,4

113,7

126

118

2022

136

132

126

121,09

2023

154,9

141

126

134,24

2024

151,9

143,63

146

142,51

Source : Commission des finances du Sénat, d'après les réponses au questionnaire budgétaire des rapporteurs spéciaux

Le CAS-DAR est donc caractérisé par trois tendances :

une ouverture de crédits annuelle structurellement supérieure aux montants disponibles, en raison des restes à payer et du caractère pluriannuel des dépenses ;

une sous-consommation des crédits par rapport aux recettes. Comme constaté depuis plusieurs exercices par la Cour des comptes32(*), ce faible taux d'exécution s'explique par des « prévisions de recettes extrêmement prudentes [qui] conduisent à des ouvertures de crédits en fin d'année qui ne peuvent, de fait, être consommées ». Cela est resté vrai malgré le rehaussement du plafond de dépenses en 2024 mais devrait connaitre une nouvelle tendance en 2025, et surtout à partir de 2026, du fait d'un rehaussement des dépenses effectivement engagées ;

une dynamique des recettes qui dépasse le plafond depuis huit ans, et qui justifiait d'autant plus que ce dernier soit de nouveau relevé.

Évolution de 2015 à 2026 des AE et CP du CAS-DAR

(en euros)

 

Crédits inscrits (1)

Exécution (2)

Solde

AE

CP

AE

CP

AE

CP

2015

138 958 426

180 206 929

137 346 485

131 320 500

1 611 941

48 886 429

2016

132 423 401

179 697 888

126 045 839

129 207 058

6 377 562

50 490 830

2017

139 797 774

183 911 042

131 669 045

128 949 787

8 128 729

54 961 255

2018

139 694 988

190 961 255

131 655 785

131 220 395

8 039 203

59 740 860

2019

144 411 404

195 740 860

139 475 784

130 480 516

4 935 620

65 260 344

2020

141 091 317

203 260 344

135 457 011

127 146 729

5 634 306

76 113 615

2021

139 695 593

212 113 614

126 400 574

113 716 634

13 295 019

98 396 979

2022 

136 639 043

224 396 979

132 732 712

141 501 272

19 502 723

82 895 707

2023

145 502 723

227 223 683

141 061 426

141 753 681

4 441 297

85 470 002

2024

175 828 661

259 842 924

156 229 149

143 633 774

19 599 514

116 209 149

2025 (prévision)

164 110 856

262 209 149

164 110 856

149 210 565

-

112 998 584

2026 (prévision)

171 000 000

283 998 584

171 000 000

171 000 000

-

-

Notes : (1) Les crédits en AE et CP correspondent aux crédits ouverts en LFI, dans la limite de la recette du CAS-DAR, majorés des reports de crédits de l'année N-1 sur l'année N et des éventuelles ouvertures de crédits en gestion (décret de virement, arrêté, loi de finances rectificative).

(2) L'exécution en AE est minorée des retraits sur engagements des années antérieures (données Chorus).

Source : Commission des finances du Sénat, d'après les données recueillies dans les réponses au questionnaire budgétaire des rapporteurs spéciaux


* 31 Projet de loi de finances pour 2025, rapport général n° 144 (2024-2025), tome III, annexe 3, mission « Agriculture, alimentation, forêts et affaires rurales », de MM. Christian Klinger et Victorin Lurel , déposé le 21 novembre 2024.

* 32 Cf. la note d'exécution budgétaire du Compte d'affectation spéciale « Développement agricole et rural », pour l'exercice 2024 (avril 2025).

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