B. UNE TRÈS FORTE MISE À CONTRIBUTION DE LA MISSION AU REDRESSEMENT DE NOS FINANCES PUBLIQUES

1. Une mission budgétaire fortement mise à contribution par la loi de finances pour 2025 et les annulations opérées en cours d'année

Les exercices 2024 et 2025 ont conduit à une réduction significative du volume de la mission « Aide publique au développement ».

Dès le mois de février 2024, un décret d'annulation de crédits avait amputé la mission de 742,1 millions d'euros en autorisations d'engagement comme en crédits de paiement15(*). La mise à contribution de la mission au redressement de nos finances publiques s'est poursuivie avec la loi n° 2024-1167 du 6 décembre 2024 de finances de fin de gestion pour 2024 qui a annulé 319,9 millions d'euros en AE et 275,1 millions d'euros en CP.

S'agissant de l'exercice 2025, la loi n° 2025-127 du 14 février 2025 de finances pour 2025 a prévu 5 124,3 millions d'euros en AE et 4 372,6 millions d'euros en CP, des montants inférieurs de 549,4 millions d'euros en AE et de 781,4 millions d'euros par rapport au projet de loi initialement déposé au Parlement. Le Gouvernement a en effet porté tardivement un amendement de diminution des crédits en cours d'examen au Sénat. Les montants inscrits en loi de finances pour 2025 ont, par ailleurs, fait l'objet de nouvelles annulations en cours d'année par le décret n° 2025-374 du 25 avril 2025, de l'ordre de 211,5 millions d'euros en AE et de 133,7 millions d'euros en CP, répartis entre :

- d'une part, 135,4 millions d'euros en AE et 45 millions d'euros en CP sur le programme 110, reportés à 89 % sur les crédits de bonification des prêts aux États étrangers de l'Agence française de développement ;

- d'autre part, 76,1 millions d'euros en AE et 88,7 millions d'euros en CP sur le programme 110, principalement au titre de la réserve de précaution.

Au total, pour 2025, la part du revenu national brut consacrée à l'APD devrait être de 0,43 %, en baisse de cinq points de pourcentage par rapport à 2024 (0,48 %, chiffre en cours de validation par l'OCDE) et largement en-deçà de la cible, très ambitieuse, fixée par loi de programmation sectorielle, de 0,7 %.

À noter que le décalage entre le projet de loi de finances initial pour 2025, la loi de finances initiale et la réalité de l'exécution rend quelque peu artificielle la comparaison entre 2025 et 2026. Les montants figurant dans les documents budgétaires annexés au PLF 2025 sont frappés d'obsolescence. Si les rapporteurs spéciaux se sont efforcés d'obtenir de l'administration des éléments sur l'évolution des différentes enveloppes en cours d'exercice, faute de réponse systématique, ils ont dû se résoudre à s'appuyer sur des chiffres dépassés. S'ajoute à cette difficulté la baisse de qualité des documents budgétaires depuis deux ans, concomitante à la réduction du budget de la mission : plus ce dernier recule, plus les informations et la répartition des crédits entre les différentes lignes budgétaires sont limitées.

2. Le projet de loi de finances poursuit, dans une moindre mesure, la réduction du volume de la mission

Évolution des crédits de la mission « Aide publique au développement »
entre 2025 et 2026

(en millions d'euros et pourcentage)

 

LFI 2025

PLF 2026

Évolution
en valeur

Variation en pourcentage

Programme/action

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

110 - Aide économique et financière au développement

2 461,3

1 512,7

1 352,4

1 289,1

- 1 108,9

- 223,6

- 45,05%

- 14,78%

Aide économique et financière multilatérale

1 290,4

858,4

512,1

593,7

- 778,3

- 264,7

 - 60,32 %

-  30,83 %

Aide économique et financière bilatérale

1 170,9

601,6

825,7

601,9

- 345,2

+ 0,3

- 29,48 %

+ 0,06 %

Traitement de la dette des pays pauvres

0

52,7

14,7

93,4

+ 14,7

+ 40,7

-

+ 77,34 %

365 - Renforcement des fonds propres de l'Agence française de développement

145

145

100

100

- 45

- 45

- 31,0 %

- 31,03 %

209 - Solidarité à l'égard des pays en développement

1 748,1

1 976,9

1 130,0

1 541,9

- 618,1

- 435

- 35,36 %

- 22,00 %

Coopération bilatérale

1 366,9

1 560,4

650,8

1 062,4

- 716,1

- 498

- 52,39 %

- 31,92 %

Coopération multilatérale

237,1

272,4

60,5

60,8

- 176,6

- 211,6

- 74,48 %

- 77,67 %

Coopération communautaire

144,1

144,1

124,7

124,7

- 19,4

- 19,4

- 13,47 %

- 13,47 %

Action humanitaire

-

-

294

294

-

-

-

-

370 - Restitution des biens mal-acquis

32

32

0

0

- 32

- 32

- 100 %

- 100 %

384 - Fonds de solidarité pour le développement

738

738

1 843,7

738

+1 105,7

-

+ 149,82 %

-

Total - Mission « Aide publique au développement »

5 124,3

4 372,6

4 426,1

3 669,0

- 698,2

- 703,1

- 13,63 %

- 16,09 %

Source : commission des finances d'après les documents budgétaires

Pour 2026, les crédits demandés au titre de la mission « Aide publique au développement » représentent 4,43 milliards d'euros en autorisations d'engagement et 3,67 milliards d'euros en crédits de paiement. Par comparaison, les crédits inscrits en LFI 2025 s'élevaient à 5,12 milliards d'euros en AE et 4,37 milliards d'euros en CP. Le budget 2026 équivaudrait ainsi à une baisse de 13,6 % en AE et de 16,1 % en CP.

Les auditions menées par les rapporteurs ont permis d'identifier la méthode retenue pour la construction du budget de la mission pour l'année 2026. Devant la commission des finances le 16 juillet 2025, la ministre chargée des comptes publics, Amélie de Montchalin, avait indiqué que « concernant l'aide publique au développement, nous avons mené une revue de dépenses dont découlent plusieurs décisions. Premièrement, nous allons cesser de financer les projets rentables. Pour ces derniers, les subventions ne sont pas le bon outil, nous pouvons faire des prêts. Deuxièmement, nous recentrons l'action de l'APD en dehors des Brics (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud), qui disposent d'autres outils de financement, en particulier la Chine. Troisièmement, nous portons nos efforts sur les enjeux de santé et sur les enjeux humanitaires [...] Il est très important de noter que l'enveloppe globale reste en augmentation significative par rapport à 2017. Nous avons voulu reprendre une vision de budget base zéro. Je ne doute pas que cela fera l'objet de nombreux débats, mais c'est ainsi que nous avons essayé de reconstruire l'APD. »16(*)

Les administrations entendues ont confirmé que la budgétisation de la mission s'était organisée autour des conclusions d'une mission conjointe de l'inspection générale des finances (IGF) et de l'inspection générale des affaires étrangères (IGAE) achevée à l'été. À cet égard, la direction du budget a indiqué que trois orientations principales avaient été définies :

- tout d'abord, le Gouvernement a entendu réduire fortement les autorisations d'engagement de la mission pour retrouver, dans la définition des crédits de paiement, des marges de manoeuvre pour les années à venir ;

- ensuite, plusieurs enveloppes, dont l'impact sur le développement et l'alignement sur les intérêts stratégiques de la France était insuffisant, ont vu leurs moyens réduits, qu'il s'agisse de contributions à de grands fonds multilatéraux et aux guichets concessionnels ou d'instruments bilatéraux ;

- enfin, il a été décidé de préserver en priorité, sans pour autant maintenir l'ensemble de leurs financements, les contributions multilatérales en matière de santé et l'aide humanitaire dont l'action est concentrée sur les pays en crise.

Néanmoins, l'ensemble des recommandations de la mission interinspections, notamment plusieurs pistes d'économies, n'ont pas été retenues lors des arbitrages budgétaires.

Évolution des crédits de la mission sur la période 2018-2026

(en millions d'euros - en autorisations d'engagement et en crédits de paiement)

Note : à compter de la loi de finances pour 2025, les crédits de la mission intègrent la rebudgétisation du Fonds de solidarité pour le développement à 738 millions d'euros.

Source : commission des finances d'après les documents budgétaires

Si la baisse des crédits proposée pour 2026 demeure substantielle, elle est sans commune mesure avec les économies réalisées en 2025. Il n'en demeure pas moins que le volume de la mission reste élevé sur une période plus longue.

De fait, il importe de pondérer l'analyse de l'évolution des crédits de la mission à plus long terme.

D'une part, à périmètre constant hors dépenses de titre 2 et en intégrant les crédits du FSD, les dépenses de la mission sont, dans le projet de loi de finances, en hausse de 20 % par rapport à l'exécution 2017. Si l'on retraite les effets de l'inflation sur l'évolution de la mission17(*), celle-ci est stable en volume entre 2017 et 2026.

D'autre part, comme le souligne la direction du budget, il paraît nécessaire, pour véritablement raisonner de manière constante, de retraiter de l'évolution des crédits le Fonds européen pour le développement (FED), placé en extinction. Dans le dernier cadre financier pluriannuel, le FED a été remplacé par le nouvel instrument Ndici et la contribution de la France au budget de l'UE en matière de développement transite désormais par le PSR-UE. Les versements au FED sont par conséquent décroissants, permettant de dégager de nouvelles marges de manoeuvre sur le programme 209 où sont inscrites ces contributions18(*).

En retenant ce périmètre corrigé des paiements au FED, on constate que les crédits de la mission ont, en réalité, progressé de 53 % depuis 2017, le seul programme 209 ayant vu ses crédits doubler sur la même période. Corrigée de l'inflation, la progression de la mission est de 31 % sur la même période.

Comparaison entre l'exécution 2017 et le projet de loi de finances pour 2026, incluant le Fonds européen pour le développement

(en millions d'euros et en pourcentage)

Source : commission des finances d'après les données de la direction du budget

Comparaison entre l'exécution 2017 et le projet de loi de finances pour 2026, hors Fonds européen pour le développement

(en millions d'euros et en pourcentage)

Source : commission des finances d'après les données de la direction du budget

3. Une trajectoire d'aide au développement arrivée à échéance, qui rend quasi caduque la loi de programmation du 4 août 2021

La trajectoire d'aide au développement fixée à la fois par la loi n° 2021-1031 du 4 août 2021 de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales et par la loi n° 2023-1195 du 18 décembre 2023 de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027 n'apparaît plus d'actualité.

Trajectoire fixée par la loi de programmation du 4 août 2021

(en millions d'euros et en pourcentage du revenu national brut)

Cibles de crédits de paiement
de la mission APD en millions d'euros

Cibles d'APD totale de la France
en pourcentage du revenu national brut

2020

2021

2022

2023

2024

2025

3 251

3 925

4 800

0,61

0,66

0,70

Source : commission des finances d'après la loi n° 2021-1031 du 4 août 2021 de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales

Pour mémoire, l'article 2 de la loi de programmation du 4 août 2021 a décidé d'une trajectoire de dépenses d'aide au développement visant à atteindre 0,7 % du revenu national brut en 2027. Dans cette perspective, elle a fixé pour les années 2020 à 2022 une cible de crédits de paiement pour la mission « Aide publique au développement », d'une part, et des cibles indicatives de dépenses d'APD en pourcentage du RNB pour les années 2023 à 2027, d'autre part. La loi de programmation des finances publiques a précisé des cibles de crédits de paiement en prenant en compte ces objectifs.

Trajectoire de la mission « Aide publique au développement »
pour les années 2023 à 2026

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances d'après les documents budgétaires

Dans les faits, à compter de 2023, les cibles de dépenses proposées par la loi du 4 août 2021 n'ont pas été réalisées en exécution :

- d'une part, force est de constater que ces cibles de dépenses, de nature purement indicative à compter de 2023, paraissaient excessivement ambitieuses au regard des capacités de décaissements des ministères et opérateurs de la mission comme de l'état de nos finances publiques ;

- d'autre part, la cible de 0,7 % de RNB prévue par la loi de programmation sectorielle constitue un objectif politique. Les travaux économiques ont démontré que cet objectif de 0,7 % est davantage fondé sur un niveau politiquement acceptable que sur des évaluations macroéconomiques19(*). Enfin, l'évolution de certaines composantes de l'aide au développement est difficilement prévisible.

Le Gouvernement a progressivement renoncé à la cible symbolique de 0,7 %. En premier lieu, la réunion du Cicid de juillet 2023 a conduit à reporter à 2030 l'objectif de 0,7 % du RNB. Cette révision, décidée sans consultation ni information du Parlement, a reposé sur le constat d'une impossibilité d'atteinte de la cible. En second lieu, le conseil présidentiel des partenariats internationaux (CPPI) a décidé l'abandon, lors de sa réunion du 4 avril 2025, de toute référence à une cible d'aide au développement en termes de pourcentage de revenu national brut. Les conclusions du CPPI soulignaient ainsi que « l'impératif national de redressement de nos finances publiques nous rappelle aussi l'importance de recentrer nos efforts là où ces partenariats ont le plus d'impact et d'efficacité, de notre point de vue et de celui de nos alliés. »

À l'approche de l'échéance de la programmation sectorielle de l'aide au développement, le réalisme conduit à estimer qu'un retour à la cible de 0,7 % du RNB est inenvisageable dans le contexte particulièrement dégradé de nos finances publiques. Il serait également inapproprié de privilégier cette cible en volume. Dans ces conditions les rapporteurs spéciaux estiment que la priorité devrait être portée :

- tout d'abord, sur la définition de priorités thématiques et géographiques de notre aide suffisamment précises et opérationnelles pour pouvoir guider un ciblage de nos financements ;

- ensuite, sur l'identification d'une véritable doctrine de recours aux différents canaux de notre politique de développement ;

- enfin, sur le développement d'une véritable culture de l'évaluation des projets financés pour en mesurer l'impact.

Une fois réalisé ce travail, d'ores et déjà amorcé par les deux ministères compétents, la fixation d'une trajectoire réaliste et crédible pourra être envisagée. Il importera alors de demeurer vigilants pour ne pas reproduire les erreurs de la précédente loi de programmation construite autour d'une trajectoire trop ambitieuse et déconnectée des capacités d'action des ministères et opérateurs.

La position des rapporteurs spéciaux

La position du rapporteur spécial Michel Canévet :

Le prolongement de l'effort de réduction des dépenses de la mission « Aide publique au développement », opéré par le PLF 2026, vise à la fois à associer la mission au redressement de nos finances publiques et à poursuivre la rationalisation de notre politique de développement.

La France est loin d'être un cas isolé. Plusieurs pays européens ont récemment revu à la baisse leurs objectifs d'aide au développement. Outre la France, dix pays membres du Comité d'aide au développement de l'OCDE ont annoncé des réductions de leur APD pour la période 2025-2027.

Il est désormais indéniable que le choix de doubler les crédits de la mission APD entre 2017 et 2024 s'est avéré aventureux et décorrélé de nos capacités réelles d'action comme de l'état de nos finances publiques.

Tout d'abord, le doublement des moyens de la mission APD entre a constitué une marche budgétaire trop importante au regard des capacités de décaissement des ministères et de l'AFD. Certaines enveloppes de la mission connaissaient en ce sens une sous-exécution chronique.

Ensuite, la hausse des crédits s'est faite en suivant une logique de moyens et non de résultats, parfois en contradiction avec les objectifs qualitatifs fixés par la loi n° 2021-1031 du 4 août 2021 de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales.

Ainsi, le volume de nos contributions internationales a fortement progressé, à rebours de l'objectif de bilatéralisation de notre aide. En 2023, la France contribue à 271 entités, ce qui soulève un risque de doublonnage des versements et de dispersion de l'aide. Dans le même sens, l'Agence française de développement, dotée d'une grande autonomie, a augmenté son volume d'activité sans toujours suivre les cibles géographiques et thématiques fixées à notre politique d'aide.

Enfin, les objectifs qualitatifs de notre politique de développement n'ont pas été atteints. D'une part, les capacités d'évaluation de notre politique de développement demeurent aujourd'hui très inférieures à la perspective tracée par la loi de programmation et à celles de nos partenaires européens. D'autre part, notre aide demeure géographiquement dispersée avec 124 pays bénéficiaires de nos versements bilatéraux, contre 30 pour la Suède.

Sur le volet multilatéral, il nous importera d'opérer des arbitrages précis et de davantage cibler nos contributions. Le renouvellement de nombreux fonds multilatéraux en 2026 sera notamment pour la France l'occasion de sélectionner les structures dans lesquelles il sera pertinent de continuer à s'investir. Si l'influence au sein des organisations internationales se mesure au volume de notre participation, nous devons choisir celles dans lesquelles il importe le plus de peser.

Dans un contexte budgétaire contraint, les objectifs de dépenses doivent toujours être réexaminés, sans sanctuarisation aucune. Le niveau des crédits de la mission demeurera supérieur, en volume, de 20 % par rapport à l'exécution 2017 et de 53 % si l'on retraite les contributions à la politique européenne de développement, aujourd'hui intégrée dans le PSR-UE. La progression des moyens de la mission n'est donc nullement effacée.

La position du rapporteur spécial Raphaël Daubet :

La mise à contribution des crédits de la mission « Aide publique au développement », à hauteur de 700 millions d'euros, au redressement de nos finances publiques paraît aujourd'hui excessivement brutale, alors même que nous faisons face à des bouleversements majeurs des équilibres mondiaux, dans une situation politique instable et surtout sans doctrine et sans stratégie. Depuis 2024, la mission a été la plus affectée par les coupes budgétaires, sans commune mesure avec les autres missions du budget de l'État.

En effet, par rapport à la loi de finances initiale pour 2024, à périmètre constant, le volume de la mission a été réduit de près de 45 % en crédits de paiement. Ces coupes budgétaires sont purement comptables, utiles au redressement des comptes publics mais faites à l'aveugle, et obligeant nos administrations à des adaptations rapides sans plan d'action.

Certes la trajectoire de dépenses fixée par la loi n° 2021-1031 du 4 août 2021 de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales ne paraît plus réaliste au regard de la situation de nos finances publiques, pour autant l'effort demandé à notre politique de développement risque de déséquilibrer notre politique étrangère. Avec 0,43 % de notre RNB consacré à l'APD en 2025, la France se situera bien en-deçà de la cible de 0,7 %.

Au même titre que la justice, la police et la défense, la diplomatie figure parmi les monopoles régaliens de l'État20(*). Alors que la loi de programmation militaire21(*) est respectée et que nos efforts en matière de défense se trouvent renforcés, le volet diplomatique de notre action extérieure ne doit pas être négligée et mérite une actualisation réfléchie de notre stratégie.

De fait, l'APD répond à des besoins importants, tant du point de vue des États bénéficiaires que de la France. Du côté des bénéficiaires, la multiplication des crises et leur inscription dans le temps déstabilise de nombreux États pour lesquels l'assistance financière internationale est cruciale. En retour, l'effondrement de la sécurité et de la santé dans ces États multiplie les enjeux pour notre pays en particulier sur le plan de la sécurité sanitaire et au regard de la question migratoire. À cet égard, la diminution de 41 % de notre aide humanitaire limitera nos capacités d'action face aux crises internationales.

Le rapporteur spécial tire de ses travaux et déplacements la conviction qu'il importe de préserver, pour nos postes diplomatiques et pour les opérateurs de la mission les marges d'action nécessaires pour remplir les objectifs assignés à nos politiques de coopération, de partenariats et d'investissements solidaires.

De surcroît, le recul de notre aide au développement aura des incidences sur l'influence de la France dans les instances multilatérales. Nos choix budgétaires comportent des conséquences en termes réputationnels dans des organisations où l'influence se mesure à l'aune de notre participation financière et de nos leaderships. Le rapporteur spécial rappelle que les coupes budgétaires opérées par le budget 2025 nous ont conduit à reporter le paiement de certains engagements internationaux, affaiblissant la parole de la France. Pour 2026, la baisse soudaine et drastique de notre participation à plusieurs entités clefs de la coopération internationale signifiera l'effacement de la France des enceintes.

S'agissant de notre coopération bilatérale, nos compétiteurs ne s'y tromperons pas. Nos partenaires se tournerons vers d'autres bailleurs à mesure que notre assistance diminuera dans des zones pourtant stratégiques.

Au total, si nous devons conserver une approche critique et exigeante de cette politique, il importe de ne pas céder à certains élans de notre époque. En brisant un outil, certes imparfait, mais reconnu et produisant des effets, nous nous privons d'un levier indispensable dans un environnement stratégique incertain.


* 15 Décret n° 2024-124 du 21 février 2024 portant annulation de crédits.

* 16 Audition de Mme Amélie de Montchalin, ministre auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée des comptes publics, 16 juillet 2025.

* 17 De l'ordre de 21,1 % entre 2017 et 2026 selon les données de l'Insee.

* 18 Sans compter que les dépenses de personnel concourant au programme 209 ont été transférées en 2025 sur le programme 105 « Action de la France en Europe et dans le monde » de la mission « Action extérieure de l'État », dans un souci de centralisation des dépenses de titre 2 relevant du ministère de l'Europe et des affaires étrangères sur un même programme support.

* 19 Michael A. Clemens et Todd J. Moss, « Le mythe des 0,7 % : origines et pertinence de la cible fixée pour l'aide internationale au développement », De Boeck Supérieur - « Afrique contemporaine », 2006/3 n° 2019, p. 173 à 201.

* 20 Conseil d'État, « L'État et les monopoles régaliens : défense, diplomatie, justice, police, fiscalité », cycle de conférence du Conseil d'État 2013-2015.

* 21 Loi n° 2023-703 du 1er août 2023 relative à la programmation militaire pour les années 2024 à 2030 et portant diverses dispositions intéressant la défense.

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