II. LES CRÉDITS DE LA MISSION « AIDE PUBLIQUE AU DÉVELOPPEMENT »
A. LE PROGRAMME 110 : L'AMORCE D'UNE REPRISE EN MAINS DES ENGAGEMENTS PLURIANNUELS
Le programme 110 « Aide économique et financière au développement » retrace les crédits confiés au ministère de l'économie et des finances et, plus particulièrement, à la direction générale du Trésor, pour la mise en oeuvre des actions relevant de l'aide publique au développement.
Les montants de crédits demandés diminuent de 1,1 milliard d'euros en AE et de 223,6 millions d'euros en CP, soit respectivement une baisse de 45 % et de 15 %.
Évolution des crédits du
programme 110 - Aide économique
et financière au
développement
(en millions d'euros - en pourcentage)
|
LFI 2025 |
PLF 2026 |
Évolution |
Variation en pourcentage |
|||||
|
Programme/ action |
AE |
CP |
AE |
CP |
AE |
CP |
AE |
CP |
|
110 - Aide économique et financière au développement |
2 461,3 |
1 512,7 |
1 352,4 |
1 289,1 |
- 1 108,9 |
- 223,6 |
- 45,05% |
- 14,78% |
|
Aide économique et financière multilatérale |
1 290,4 |
858,4 |
512,1 |
593,7 |
- 778,3 |
- 264,7 |
- 60,32 % |
- 30,83 % |
|
Aide économique et financière bilatérale |
1 170,9 |
601,6 |
825,7 |
601,9 |
- 345,2 |
+ 0,3 |
- 29,48 % |
+ 0,06 % |
|
Traitement de la dette des pays pauvres |
0 |
52,7 |
14,7 |
93,4 |
+ 14,7 |
+ 40,7 |
- |
+ 77,34 % |
Source : commission des finances d'après les documents budgétaires
Par rapport au programme 209, le programme 110 présente une structuration des dépenses davantage contrainte. Il porte en effet une part conséquente de contributions internationales à des institutions multilatérales de développement pour lesquels les engagements portent généralement sur trois ans. Sur le plan bilatéral, une majorité des crédits de ce programme abonde également des engagements pluriannuels, en particulier au travers du financement de la bonification des prêts de l'Agence française de développement. Dès lors que ces dépenses présentent un caractère pluriannuel, leur remise en cause est complexe.
Le programme 110 se distingue ainsi par le volume très élevé des restes-à-payer découlant d'engagements pluriannuels, le montant des crédits de paiement n'étant jamais équivalent au montant des autorisations d'engagement.
Restes à payer sur les autorisations
d'engagement antérieures à 2026
du
programme 110
(en millions d'euros)
Source : commission des finances d'après les documents budgétaires
1. Si les versements multilatéraux du programme diminuent en 2026, le stock d'autorisations d'engagement conduira nécessairement à une progression des crédits de paiement sur les années à venir
L'aide multilatérale portée par le programme 110 est principalement destinée, d'une part, à de grands fonds généralistes comme l'Association internationale de développement (AID) et le Fonds africain de développement (FAD) et, d'autre part, par des fonds sectoriels reflétant les priorités thématiques de la France comme le Fonds vert pour le climat ou le Fonds pour l'environnement mondial (FEM).
Pour 2026, l'exercice devrait être marqué par la reconstitution de plusieurs engagements multilatéraux. Pour rappel, ces reconstitutions font l'objet d'un engagement unique en autorisations d'engagement, avec un échéancier pluriannuel de versement en crédits de paiement. Cette pluriannualité des engagements explique la très forte cyclicité des dépenses de l'action « Aide économique et financière au développement ».
La direction générale du Trésor a indiqué aux rapporteurs spéciaux avoir mené un travail de priorisation dans les reconstitutions de participation à des fonds verticaux. De plus, elle a rappelé que les coupes budgétaires décidées en 2025 avaient conduit au report du paiement de certaines contributions à 2026.
Deux grandes reconstitutions sont prévues en 2026, pour lesquelles, comme l'a indiqué la direction générale du Trésor, nos participations sont revues à la baisse par rapport aux années précédentes, compte tenu de la situation budgétaire et de l'importance de ces instruments :
- d'une part, la contribution au Fonds africain de développement (FAD), au titre de la dix-septième reconstitution de cette entité (2026-2028) : 275 millions d'euros sont donc prévus en AE et 99,1 millions d'euros en CP. Le renouvellement de la contribution de la France baisse de 50 % par rapport à ses versements au FAD-16 (d'un montant de 546,3 millions d'euros). Pour 2026, seule une minorité des CP (30,55 millions d'euros) correspond aux AE ouvertes, le reste découlant du report de la contribution due au titre de l'année 2025, en raison des coupes budgétaires décidées sur le programme 110. Le décaissement des CP pour les années à venir sera donc bien supérieur à celui proposé pour l'année 2026, ce qui ne sera pas sans conséquence pour la budgétisation du programme au cours des prochaines années ;
- d'autre part, la contribution de la France au Fonds pour l'environnement mondial (FEM), qui s'élèvera à 100 millions d'euros (en baisse de 67 % par rapport à notre précédente contribution) et dont 20 millions d'euros seront versés dès 2026.
De plus, s'agissant des contributions en cours, deux versements peuvent être soulignés :
- le versement de la contribution due pour 2025 au Fonds vert pour le climat, au titre de la participation de la France pour la période 2024-2027, de l'ordre de 95 millions d'euros, la contribution pour 2026 ayant été décalée à 202737(*) ;
- et la contribution à l'Association internationale de développement (AID), guichet concessionnel de la Banque mondiale, d'un montant de 144,3 millions d'euros et dont une part significative correspond à un report d'une part de la contribution due en 2025.
En effet, la baisse des crédits du programme 110, décidée par le Gouvernement en 2025, a conduit la France à négocier un report du paiement de certaines contributions dues en 2025 à l'année 2026, dont la contribution à l'AID, la contribution au FAD et la contribution au Fonds vert.
2. Sur le plan bilatéral, un effort indispensable de maîtrise des crédits de bonification des prêts de l'AFD
Concernant le volet bilatéral du programme 110, les crédits demandés pour 2026 s'élèveraient à 825,7 millions d'euros en AE et 601,9 millions d'euros en CP, soit une baisse de 30 % des AE et une stabilité des CP par rapport à l'année passée.
En premier lieu, la réduction notable des autorisations d'engagement découle de la volonté de la direction générale du Trésor de maîtriser le volume des engagements pluriannuels de la mission. Dans sa stratégie de pilotage de la politique de développement, l'État assume désormais son intention de limiter le recours à moyen terme aux crédits de bonification. Aussi, les autorisations d'engagement sur cette ligne budgétaire sont réduites de 30 %. Cependant, pour assurer l'exécution des engagements passés, les crédits de paiement progressent de 23 %.
Évolution du coût des
opérations de bonifications
des prêts concessionnels de
l'AFD
(en millions d'euros)
Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires
En outre, les informations transmises aux rapporteurs spéciaux ont signalé un phénomène de surbonification des prêts de l'AFD entre 2018 et 2022, avec des conditions excessivement favorables par rapport au niveau de taux maximal permettant l'éligibilité de ces prêts à l'APD. Il a en a résulté une consommation d'AE pour les exercices 2021 et 2022, supérieure au volume d'aide publique au développement généré.
En second lieu, deux instruments, dont les limites sont pourtant soulignées par l'inspection des finances dans ses différentes revues de dépenses et par la Cour des comptes, sont stabilisés :
- d'une part, le Fonds d'étude et d'aide au secteur privé (FASEP), d'un montant de 23 millions d'euros en AE et de 27,5 millions d'euros en CP, contre 24 millions d'euros d'AE et 28 millions d'euros de CP l'an passé ;
- d'autre part, le Fonds d'expertise technique et d'échange d'expériences (FEXTE) est doté de 23 millions d'euros en AE et de 26 millions d'euros en CP, en légère hausse par rapport à l'exercice passé.
Dans sa revue de dépenses consacrée aux aides aux entreprises en 2024, l'IGF proposait la suppression du FASEP dont les résultats apparaissent insuffisants par rapport à l'objectif de soutien aux entreprises françaises à l'export. De fait, parmi les projets effectivement réalisés « seuls 41 % se font avec une participation d'entreprises françaises, soit 17 % du total des études financées préalablement à un projet aboutissent à la réalisation dudit projet par une entreprise française. »38(*) De même, selon les informations transmises aux rapporteurs, les retombées économiques du FASEP pour les entreprises françaises sont relativement faibles : le taux de transformation en marchés aval obtenus par des entreprises françaises serait entre 0,33 et 0,82 pour un euro engagé sur cet instrument.
Interrogé sur la pertinence de ce maintien, la direction générale du Trésor a défendu devant les rapporteurs spéciaux l'utilité du FASEP en matière d'expérimentation, et a cité des exemples de réussites initiées par ce fonds.
Expertise France : une agence de
coopération technique
dont les moyens sont préservés
L'Agence française d'expertise technique internationale, « Expertise France », est une société par actions simplifiée, membre du groupe AFD depuis le 1er janvier 2022. Elle est placée sous la double tutelle du ministère de l'Europe et des affaires étrangères et du ministère de l'économie et des finances. Il s'agit de l'opérateur chargé de l'expertise et de l'assistance techniques internationales.
L'activité d'Expertise France se répartit entre les opérations bilatérales financées par la commande publique, d'une part, et les opérations multilatérales financées par un bailleur tiers suppléé par l'État si le financement est insuffisant, d'autre part.
Les moyens alloués à cet opérateur reposent à la fois sur le programme 110 et sur le programme 209, ce qui correspond à une répartition des financements entre les deux tutelles. Pour 2025 ce financement se compose essentiellement :
- sur le programme 110, de la dotation versée à Expertise France qui s'élève à 11,6 millions d'euros en AE et 9,2 millions en CP, soit des montants identiques à 2025. Le programme 110 comprend également une enveloppe « Experts techniques internationaux » de huit millions d'euros en AE et en CP dont la gestion est assurée par l'agence ;
- sur le programme 209, en 2026, de la dotation à Expertise France qui représente 23,9 millions d'euros en AE et 22,5 millions d'euros en CP, des crédits en très forte baisse par rapport à 2025 (- 76,1 % en AE et - 69,1 % en CP). Cette diminution s'explique par la création d'une ligne budgétaire autonome pour le financement des experts techniques internationaux (54 millions d'euros en AE = CP).
Par rapport à l'assistance financière, l'assistance technique présente plusieurs avantages : la présence d'une mission d'expertise permet de renforcer la connaissance des besoins du pays partenaire, de constituer une garantie pour les bailleurs internationaux et de constituer un vecteur d'influence pour le pays aidant.
Par ailleurs, d'un point de vue budgétaire, Expertise France fait preuve d'une efficacité appréciable dans la mobilisation de financements européens. L'Union européenne constitue de fait le premier bailleur de l'agence.
Source : commission des finances d'après les documents budgétaires
3. La participation de la France au traitement de la dette des pays pauvres
L'action « Traitement de la dette des pays pauvres » du programme 110 retrace les versements effectués au profit de l'AFD ou d'institutions multilatérales en contrepartie du coût de l'annulation des créances qu'elles détiennent sur des pays en développement.
Pour mémoire, la France préside et assure le secrétariat du Club de Paris qui réunit 22 pays créanciers afin d'apporter des solutions coordonnées et durables aux problématiques soulevées par l'endettement des pays en voie de développement.
En outre, elle est partie à plusieurs accords bilatéraux ou multilatéraux visant l'annulation de l'endettement concessionnel, c'est-à-dire relatif à des emprunts contractés à des conditions préférentielles dans le cadre de la politique d'aide au développement, notamment :
- les accords de Dakar de 1989 et 1994 ainsi que l'accord faisant suite à la Conférence de Paris de 1990 prévoyant l'annulation de créances de l'AFD sur plusieurs pays d'Afrique subsaharienne ;
- les conclusions du sommet du G8 de Gleneagles de 2005 prévoyant l'annulation de certaines créances de l'Association internationale de développement (AID) envers des pays pauvres et très endettés.
Pour 2026, 14,7 millions d'euros d'autorisations d'engagement et 93,4 millions d'euros de crédits de paiement sont demandés. Les crédits ouverts devraient se répartir entre :
- 14 millions d'euros d'AE et 61,9 millions d'euros de CP afin d'honorer la part de la France dans le financement de l'opération d'annulation d'une partie des créances détenues par l'Association internationale de développement sur les pays très pauvres et très endettés (PPTE) envers la Banque mondiale. Le montant des crédits initialement prévu s'élevait à 83,86 millions d'euros mais, en raison du contexte budgétaire, la France a été contrainte de reporter une part de ce versement sur 2026 et 2027. Un premier versement de 22 millions d'euros a été effectué en 2025 ;
- 0,7 millions d'euros d'AE et 31,6 millions d'euros de CP afin d'honorer la part de la France dans le financement de l'opération d'annulation d'une partie des créances détenues par l'Association internationale de développement sur les pays très pauvres et très endettés (PPTE) envers le Fonds africain de développement.
Interrogée par les rapporteurs sur ce point, la direction générale du Trésor a indiqué qu'à l'occasion de la 4? Conférence internationale sur le financement du développement tenue à Séville du 30 juin au 3 juillet 2025, la question de la dette a été soulevée. Il y a été rappelé que la restructuration et l'annulation d'une dette ne relèvent pas de la même logique, emportent des conséquences économiques et diplomatiques distinctes, et qu'il faut défendre l'intérêt de la France, également dans cette politique publique.
* 37 Sur le total des 1,2 milliard d'euros de dons au Fonds Vert pour sa deuxième reconstitution, le programme 110 ne porte que 616,5 millions d'euros, le reste étant inscrit sur le programme 384.
* 38 Inspection générale des finances, Revue de dépenses : les aides aux entreprises, mars 2024.

