EXAMEN PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

En première lecture, l'Assemblée nationale n'ayant pas adopté la première partie du projet de loi, celui-ci est considéré comme rejeté en application du troisième alinéa de l'article 119 du Règlement de l'Assemblée nationale.

En conséquence, sont considérés comme rejetés les crédits de la mission « Conseil et contrôle de l'État ».

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mardi 28 octobre 2025, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission des finances a procédé à l'examen du rapport de M. Christian Bilhac, rapporteur spécial, sur la mission « Conseil et contrôle de l'État ».

M. Christian Bilhac, rapporteur spécial de la mission « Conseil et contrôle de l'État ». - La mission « Conseil et contrôle de l'État » rassemble les crédits des juridictions administratives et financières ainsi que ceux du Conseil économique, social et environnemental (Cese). Le projet de loi de finances (PLF) pour 2026 prévoit une baisse de 2,6 % des crédits de paiement (CP) de la mission, qui atteindraient 869,3 millions d'euros. En tenant compte de la cible d'inflation de 1,3 % annoncée par le Gouvernement, cette baisse est encore plus conséquente et s'élève à 3,3 %.

La mission est donc particulièrement mise à contribution, dans le PLF pour 2026, pour le redressement des finances publiques.

Je commencerai par évoquer rapidement les crédits affectés à la Cour des comptes et aux juridictions financières, qui connaissent une augmentation de 3,5 % des CP. Cette hausse est entièrement due à l'augmentation des dépenses de personnel, qui concentrent près de 90 % des crédits du programme, et qui s'explique notamment par l'extension en année pleine de la réforme du régime indemnitaire des magistrats financiers. Je précise que cette dernière visait à aligner les rémunérations des personnels de la Cour des comptes avec celles qui sont pratiquées dans les ministères, mouvement qui s'est étalé sur deux années et qui s'achève avec le budget pour 2026.

Les dépenses hors titre 2 de la Cour des comptes et des juridictions financières sont stables, après deux années consécutives de baisse. Je me félicite de cette trajectoire, qui illustre les efforts menés par la Cour pour maîtriser ses dépenses de fonctionnement, notamment en optimisant ses procédures d'achat et en réduisant ses dépenses énergétiques.

J'en viens maintenant au budget du Cese, qui s'élève à 34,1 millions d'euros, à un niveau relativement stable par rapport à 2025.

Vous connaissez mes réserves sur les crédits consacrés à la participation citoyenne. Je n'y reviendrai pas cette année, mais je regrette que, d'un PLF à l'autre, la documentation budgétaire ne permette toujours pas d'identifier avec précision le montant de ces crédits.

Je souhaiterais toutefois conclure mon propos sur le Cese par un motif de satisfaction : pour la première fois depuis 2020, le plafond d'emplois de l'année 2025 devrait être exécuté conformément à la prévision, après plusieurs années de sous-exécution chronique.

Je voudrais enfin m'attarder sur les crédits du Conseil d'État et des juridictions administratives, qui sont regroupés au sein du programme 165. Après une année 2025 marquée par une relative stabilisation des crédits, le PLF pour 2026 prévoit une baisse substantielle de plus de 5 % des CP.

Cette baisse s'explique essentiellement par le rythme de décaissement des crédits d'investissements. L'année 2025 a en effet été exceptionnelle, car marquée par l'engagement de nombreuses dépenses liées la réalisation de plusieurs projets d'investissement majeurs : je pense notamment aux travaux de relogement du tribunal administratif et de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA), qui seront regroupés dans le même bâtiment à Montreuil. C'est ce qui explique la baisse de crédits d'investissement du programme de l'ordre de 56,7 %, la mise en service dudit bâtiment étant prévue pour septembre 2026.

Les dépenses de fonctionnement du programme 165 sont quant à elles maîtrisées, puisqu'elles sont en baisse de près de 1 % dans le PLF. La généralisation des téléprocédures a notamment permis de réaliser des économies substantielles en matière de frais postaux. Ces économies se sont progressivement concrétisées tout au long du déploiement de l'application Télérecours depuis 2014, et devraient atteindre près de 6 millions d'euros en 2026.

Je souhaiterais maintenant revenir sur les effectifs des juridictions administratives, sur lesquels je m'étais longuement attardé lors du dernier PLF. J'avais alerté notre commission, l'année dernière, sur les risques d'allongement des délais de jugement qu'impliquait le gel des effectifs décidé par le Gouvernement. La situation budgétaire ne s'étant malheureusement pas améliorée depuis, il est donc proposé de prolonger ce gel dans le PLF pour 2026.

Je souhaite donc réitérer mes inquiétudes devant notre commission. L'engagement sans faille des magistrats et greffiers des juridictions administratives, et il faut bien le dire, les hausses d'effectifs accordées entre 2021 et 2024, ont permis une relative amélioration des délais de jugement depuis la crise sanitaire.

Toutefois, le nombre de recours déposés devant les juridictions administratives explose depuis trois ans, et le stock d'affaires en cours de traitement a connu une augmentation impressionnante de près de 30 % depuis 2019. L'année 2025 devrait par ailleurs constituer une année record en termes de nombre de requêtes enregistrées, avec une augmentation d'environ 40 000 affaires par rapport à 2024, au même stade de l'année.

Les représentants du Conseil d'État m'ont fait part de leur pessimisme quant à la capacité de leurs services à absorber un tel flux à moyens constants. Il y a fort à parier, dans ce contexte, que l'année 2026 sera marquée par une hausse conséquente des délais de jugement, faute de moyens humains suffisants pour le programme 165.

J'attire plus particulièrement votre attention sur la situation préoccupante du tribunal du stationnement payant (TSP). Les effectifs de cette juridiction spécialisée sont structurellement insuffisants. Son activité a presque triplé entre sa création en 2018 et 2024, alors même que le TSP n'a pas vu ses effectifs augmenter sur cette période.

Cette situation est d'autant plus problématique que le flux de nouvelles affaires entrantes devant le TSP n'est pas près de se tarir. En effet, le recours aux lecteurs automatiques de plaques d'immatriculation (Lapi) et l'extension des zones soumises au stationnement payant conduisent le Conseil d'État à anticiper une augmentation annuelle du contentieux du stationnement payant d'environ 18 % dans les prochaines années.

Face à la hausse de la pression contentieuse, les juridictions administratives ont cherché des solutions pour accélérer les procédures. Je pense, par exemple, au recours à l'intelligence artificielle (IA), qui devrait faciliter le traitement des dossiers, mais le contexte budgétaire difficile conduit mécaniquement à limiter les investissements dans ce domaine. Une modeste enveloppe d'environ 300 000 euros est prévue dans le PLF à ce titre.

Je pense également à l'extension de la procédure du juge unique pour certains contentieux moins complexes, même si je suis à titre personnel, très réservé sur ce type de procédure, car je suis profondément attaché au principe de collégialité qui permet de garantir une justice de qualité.

Les solutions que je viens d'évoquer ne sont que des pis-aller et ne dispenseront pas le législateur de mener, à l'avenir, une réflexion approfondie sur les moyens à allouer aux juridictions administratives.

À titre personnel, je reste convaincu que le redressement de nos finances publiques ne doit pas être mené au détriment de nos institutions régaliennes, qui constituent le ciment du pacte républicain.

Toutefois, malgré ces réserves, je vous proposerai, dans un esprit de responsabilité, d'adopter les crédits de la mission.

De plus, je tiens à rappeler que la CNDA a réussi à décentraliser la gestion du droit d'asile sur l'ensemble du territoire en utilisant les locaux existants dans les cours d'appel, quasiment sans crédits supplémentaires : un réel effort a été accompli et mérite d'être souligné.

J'aurais préféré que davantage de moyens soient alloués à cette mission afin d'éviter un allongement des délais de jugement - les maires signalent de nombreuses affaires pendantes, avec des délais qui s'éternisent -, mais nous devons dans le même temps tenir compte du contexte budgétaire.

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Quels sont les effectifs du TSP ? Une réflexion a-t-elle été engagée afin de limiter le nombre de recours en amont ?

Mme Isabelle Briquet. - Je remercie le rapporteur pour son travail de synthèse. Des éléments positifs sont à relever, dont la consolidation de la réforme du régime indemnitaire des magistrats, ainsi que la poursuite de la modernisation numérique des juridictions administratives.

En revanche, la diminution globale du budget pourrait fragiliser les capacités d'action face à la hausse du contentieux administratif. Comme l'a souligné le rapporteur, les délais de jugement tendent à nouveau à s'allonger après une phase de diminution. Ce point m'inquiète, la justice administrative ayant de réels besoins.

Pour ce qui est du TSP, je rejoins la préoccupation du rapporteur général : ne serait-il pas envisageable de mettre en place une procédure simplifiée pour les infractions les plus légères ?

M. Michel Canévet. - L'augmentation des crédits est assez significative pour la Cour des comptes et les autres juridictions financières. Ne pourrions-nous pas modérer cette hausse ?

À l'instar d'Isabelle Briquet, je suis préoccupé par la hausse du contentieux administratif, mais je préconise une autre solution que la sienne : selon moi, il faudrait pouvoir limiter la capacité à engager des procédures contentieuses devant les juridictions administratives. Il fallait ainsi autrefois payer un droit pour déposer une requête devant le tribunal administratif. Ne faudrait-il pas le réinstituer, de façon à favoriser une prise de conscience ?

Nous constatons dans les territoires que la plupart des recours visent à bloquer des projets, notamment de logements, avec des effets particulièrement délétères sur le plan économique. J'ai pu observer ce phénomène dans plusieurs endroits du Finistère, avec des recours parfois sans fondement sérieux. Il est donc temps de prendre des mesures. Avez-vous quelques idées plus précises sur le sujet ?

Mme Christine Lavarde. - Il serait intéressant de connaître le coût de la gestion du stationnement payant, dans la mesure où les intéressés déposent un recours gracieux devant la collectivité concernée avant de se pourvoir devant le tribunal, ce qui nécessite, pour ladite collectivité, d'allouer des moyens informatiques et du personnel dédié à l'instruction de ces dossiers.

Notons que les cas de méconnaissance de la loi sont assez courants : qui sait, par exemple, qu'il faut apposer l'original de la carte mobilité inclusion (CMI) - et non une photocopie - sur le pare-brise du véhicule, du côté du conducteur et non pas du passager ? Il est donc possible d'être verbalisé pour ces cas de figure, qui nécessitent malgré tout une instruction. Il me semblerait donc intéressant de disposer d'une évaluation du coût de la réforme, à l'échelon des collectivités comme à l'échelon de l'État.

M. Claude Raynal, président. - Les tribunaux administratifs sont surchargés, la moitié du contentieux - voire davantage - étant lié au droit des étrangers. Il faudrait trouver une manière d'alléger la charge des juridictions, confrontées par exemple à l'utilisation d'un même justificatif par différentes personnes : avez-vous des suggestions à ce sujet ?

Par ailleurs, les tribunaux administratifs sont connus pour la qualité de leurs décisions, car les juges et les conseillers consacrent beaucoup de temps à étudier les dossiers. Cependant, ces derniers relèvent parfois de cas fréquemment rencontrés et déjà traités par la jurisprudence : ne faudrait-il pas envisager la mise en place d'un processus de traitement décisionnel plus rapide, voire « industriel », en précisant que la possibilité de faire appel restera ouverte en cas d'erreur manifeste ? Là aussi, le recours à l'IA pourrait sans doute être utile.

M. Christian Bilhac, rapporteur spécial. - La gestion du stationnement payant mobilise 143 équivalents temps plein (ETP), un chiffre stable depuis plusieurs années. Par le passé, la recevabilité des requêtes devant le TSP était conditionnée au paiement de la contravention, mais le Conseil constitutionnel a estimé, dans une décision du 9 décembre 2020 que cette procédure était contraire au droit au recours juridictionnel effectif garanti par la Constitution.

Face à l'afflux de dossiers, le recours à l'IA a débuté, mais de manière insuffisante. Cette année, 360 000 euros sont alloués à la modernisation de l'outil informatique, ce qui est fort peu.

Les crédits alloués au TSP s'élèvent à 9,3 millions d'euros, et j'ai prévu de faire un contrôle sur cette juridiction, afin d'identifier des pistes d'amélioration.

Pour ce qui est de la Cour des comptes, la revalorisation des rémunérations des personnels explique la hausse, en précisant que cette juridiction avait fourni des efforts sur ses dépenses de fonctionnement en 2024 et en 2025.

M. Michel Canévet. - Elle doit montrer l'exemple !

M. Christian Bilhac, rapporteur spécial. - En l'espèce, la revalorisation des rémunérations de la Cour et des juridictions financières résulte en partie d'une décision gouvernementale, puisqu'elle s'inscrit dans la suite logique de la réforme de la haute fonction publique. Il s'agit d'une mesure d'alignement des salaires des magistrats de la Cour des comptes et des juridictions financières avec ceux des administrateurs de l'État, dont l'extension en année pleine impliquera en 2026 une hausse de crédits de 2,5 millions d'euros.

La commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, les crédits de la mission « Conseil et contrôle de l'État ».

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Réunie à nouveau le 26 novembre 2025, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a confirmé définitivement ses votes émis sur toutes les missions, tous les budgets annexes, tous les comptes spéciaux et les articles rattachés aux missions, ainsi que les amendements qu'elle a adoptés, à l'exception des votes émis pour les missions « Action extérieure de l'État », « Aide publique au développement », « Cohésion des territoires », « Culture », « Immigration, asile et intégration », « Investir pour la France 2030 », « Monde combattant, mémoire et liens avec la nation », « Sport, jeunesse et vie associative », ainsi que des comptes spéciaux qui s'y rattachent.

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