N° 201

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2025-2026

Enregistré à la Présidence du Sénat le 10 décembre 2025

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission de la culture, de l'éducation, de la communication
et du sport (1) sur la proposition de loi visant à
protéger les jeunes de l'exposition excessive et précoce aux écrans et des méfaits des réseaux sociaux,

Par Mme Catherine MORIN-DESAILLY,

Sénatrice

(1) Cette commission est composée de : M. Laurent Lafon, président ; MM. Jérémy Bacchi, Max Brisson, Mme Samantha Cazebonne, M. Yan Chantrel, Mme Laure Darcos, MM. Bernard Fialaire, Jacques Grosperrin, Mmes Monique de Marco, Marie-Pierre Monier, M. Michel Savin, vice-présidents ; Mmes Colombe Brossel, Else Joseph, M. Pierre-Antoine Levi, Mme Anne Ventalon, secrétaires ; Mmes Marie-Jeanne Bellamy, Catherine Belrhiti, Annick Billon, Alexandra Borchio Fontimp, M. Christian Bruyen, Mmes Evelyne Corbière Naminzo, Karine Daniel, Nathalie Delattre, Sabine Drexler, M. Aymeric Durox, Mmes Agnès Evren, Laurence Garnier, Béatrice Gosselin, MM. Jean Hingray, Claude Kern, Mikaele Kulimoetoke, Mme Sonia de La Provôté, MM. Ahmed Laouedj, Michel Laugier, Jean-Jacques Lozach, Mmes Paulette Matray, Catherine Morin-Desailly, M. Georges Naturel, Mme Mathilde Ollivier, MM. Pierre Ouzoulias, François Patriat, Jean-Gérard Paumier, Stéphane Piednoir, Bruno Retailleau, Mme Sylvie Robert, MM. David Ros, Pierre-Jean Verzelen, Cédric Vial, Adel Ziane.

Voir les numéros :

Sénat :

744 (2024-2025) et 202 (2025-2026)

ESSENTIEL

La commission de la culture, de l'éducation, de la communication et du sport a adopté, le 10 décembre 2025, son texte sur la proposition de loi visant à protéger les jeunes de l'exposition excessive et précoce aux écrans et des méfaits des réseaux sociaux.

Les écrans et les appareils connectés font désormais partie du quotidien. Toutefois, l'exposition abusive et souvent non raisonnée des enfants aux écrans et aux contenus inappropriés entraîne des effets délétères sur leur développement, leurs apprentissages et leur santé. La résolution européenne adoptée par le Sénat le 8 août 2025 à l'initiative de l'auteure de la présente proposition de loi appelait l'Union européenne à mieux protéger les mineurs dans l'espace numérique, évoquant notamment la nécessité de définir un âge minimal d'accès aux réseaux sociaux. Cette proposition de loi, déposée le même jour que la résolution dans une approche se voulant systémique de cette problématique vise à :

 former l'ensemble des professionnels de la petite enfance et des personnels de l'éducation nationale sur les conséquences d'une telle exposition ;

 diffuser des messages de prévention sur les emballages de tous les appareils connectés et dans les publicités les concernant ;

 réglementer l'usage de ces appareils dans les établissements de la petite enfance ;

 définir avec l'ensemble des acteurs la vie de l'établissement à l'heure du numérique via les projets d'école et d'établissement à partir desquels sera élaboré le règlement intérieur qui encadre les conditions d'utilisation des appareils connectés. Ils devront également prévoir des actions de prévention et de sensibilisation, ainsi qu'une réflexion sur les alternatives attractives pour le bien-être de l'enfant ;

 construire une stratégie commune rassemblant l'ensemble des acteurs intervenant sur tous les temps de l'enfant, y compris le périscolaire ;

 instaurer une grande campagne de prévention et de sensibilisation aux risques de cette exposition (temps d'écran et méfaits des réseaux sociaux), réalisée conjointement par l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom), la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil) ainsi que les ministères chargés de l'éducation, de la santé et du numérique.

Sur proposition de la rapporteure, la commission a adopté 10 amendements visant à préciser les types d'appareils numériques concernés, à élargir le champ des établissements de la petite enfance auxquels s'applique ce texte et à associer à cette démarche les établissements scolaires privés sous contrat afin de renforcer l'accompagnement et la protection du plus grand nombre d'enfants.

Enfin, il lui a semblé important d'ajouter à la notion de prévention des risques celle d'accompagnement à un usage raisonné des écrans et de prévoir que les messages diffusés incluent et valorisent des alternatives aux écrans.

I. UN USAGE ABUSIF DES ÉCRANS AINSI QUE DES CONTENUS INAPPROPRIÉS ET DANGEREUX QUI ONT DES CONSÉQUENCES DÉLÉTÈRES POUR LES PLUS JEUNES

A. DES EFFETS MULTIPLES ET DOCUMENTÉS

Depuis une quinzaine d'années, l'exposition des enfants et adolescents aux écrans, plateformes numériques et réseaux sociaux suscite l'inquiétude des parents et des experts (médecins, psychologues, orthophonistes, chercheurs en neuroscience).

Les professionnels de la petite enfance et les personnels de l'éducation nationale constatent également les effets négatifs d'un usage abusif de ces nouveaux outils reposant sur des interfaces et des systèmes algorithmiques dont le caractère addictif n'est pas accessoire mais bien intentionnel et essentiel.

Outre que l'usage abusif des écrans diminue les occasions pour les jeunes enfants d'avoir des interactions et des contacts directs avec leur entourage, d'avoir des activités de plein air, sportives ou culturelles (lecture), conditions nécessaires à leur développement, les risques associés à l'abus des écrans interactifs sont de mieux en mieux cernés par les recherches scientifiques.

Celles-ci pointent en particulier les effets sur le sommeil, qui suffisent à eux seuls à expliquer une bonne partie des troubles observés, mais aussi les difficultés d'attention ou des retards d'acquisition du langage. L'abus d'écrans joue également un rôle dans la progression de la prévalence de la myopie, ainsi que du surpoids et de l'obésité, corrélés avec la sédentarité et l'exposition à des publicités alimentaires. Le phénomène de « technoférence » est enfin de plus en plus mis en lumière, déstructurant la relation entre les parents et leurs enfants, surtout les plus jeunes.

Des facteurs socio-économiques et familiaux entrent également en compte : le milieu social, le niveau d'études des parents et la composition familiale influencent le temps passé devant les écrans. Par ailleurs, alors que certaines entreprises lancent des produits, dispositifs et contenus « éducatifs » dont elles prétendent qu'ils peuvent contribuer au développement des fonctions cognitives à un âge précoce (avant 3 ans), la recherche ne corrobore pas ce genre d'affirmations.

Enfin, outre les effets sanitaires, les mineurs peuvent également être confrontés à des contenus inadaptés à leur âge - dégradants, violents, haineux, pornographiques ou illicites - susceptibles de perturber leur développement affectif, social et sexuel, sans même évoquer la désinformation qui affecte la formation de l'opinion des adolescents. Ils sont également exposés au cyberharcèlement, et peuvent entrer en contact avec des personnes mal intentionnées qui mettent à profit les possibilités de dissimulation offertes par les réseaux sociaux.

De plus, de nouveaux risques émergent, liés à l'utilisation des intelligences artificielles par les enfants et les adolescents, comme compagnons intelligents par exemple, avec des effets psychologiques encore mal évolués mais qui ont d'ores et déjà, dans plusieurs cas, conduit à des conséquences tragiques.

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