II. LE RENFORCEMENT DE L'OFFRE DE SOINS DE TROISIÈME RECOURS : UN OBJECTIF À POURSUIVRE DANS LE RESPECT DU PRINCIPE DE GRADATION DES SOINS

A. LES ACTEURS ASSURANT DES SOINS DE TROISIÈME RECOURS FONT FACE, COMME L'ENSEMBLE DE LA PSYCHIATRIE, À UN AFFLUX CROISSANT DE PATIENTS

Comme l'a rappelé le délégué ministériel à la santé mentale et à la psychiatrie en audition, l'offre de troisième recours s'est récemment développée sous l'effet de trois facteurs : la demande croissante des patients de disposer d'une offre de soins psychiatriques experte, le mouvement de spécialisation et de sophistication des prises en charge en psychiatrie, et l'augmentation de la fréquence des patients aux cas complexes et résistants aux traitements.

Néanmoins, l'accès à cette offre de soins reste globalement insuffisant, ce qui fait écho aux difficultés plus générales rencontrées par la psychiatrie et récemment documentées dans le rapport d'information de MM. Jean Sol et Daniel Chasseing et de Mme Céline Brulin sur la santé mentale1(*). Ces difficultés résultent d'un effet ciseaux entre d'une part, une forte augmentation de la prévalence des troubles psychiatriques et d'autre part, une tension sur la ressource médicale (en psychiatrie publique, un tiers des postes de psychiatres sont vacants).

Aussi les acteurs assurant des soins de troisième recours en psychiatrie ne sont-ils pas épargnés par l'afflux croissant de patients, en témoigne la situation des centres experts en santé mentale, où le délai d'obtention d'un rendez-vous s'est allongé pour atteindre, dans certains centres, jusqu'à deux ans pour les patients présentant une schizophrénie et plus de trois ans pour les adultes avec autisme.

B. LES MISSIONS DES ACTEURS ASSURANT DES SOINS DE TROISIÈME RECOURS DOIVENT ÊTRE RECONNUES ET ENCADRÉES

1. La nécessité de reconnaître le rôle des acteurs assurant des soins de troisième recours

Eu égard à l'importance de soutenir les acteurs des soins de troisième recours pour améliorer la prise en charge des troubles psychiatriques sévères et faire avancer la recherche, il apparaît nécessaire de reconnaître leur rôle et d'assurer la pérennité de leurs activités.

Tel est l'objectif de l'article 1er de la présente proposition de loi, qui consacre au niveau législatif les missions et le mode de gouvernance des centres experts en santé mentale dans le code de la santé publique. Néanmoins, la commission émet deux principales remarques sur la rédaction de cet article.

Premièrement, l'offre de soins de troisième recours n'est pas assurée exclusivement par le réseau des centres experts en santé mentale, mais par une multitude d'acteurs (équipes des centres hospitaliers universitaires, autres centres spécialisés). Aussi les acteurs auditionnés ont-ils exprimé de sérieuses réserves quant à l'inscription, dans la loi, des centres experts ensanté mentale ; ils ont souligné par ailleurs que ce réseau n'est pas piloté par les pouvoirs publics mais par une fondation de droit privé.

Deuxièmement, l'organisation de l'offre de soins relève du pouvoir réglementaire, à qui il appartient de déterminer les conditions du développement des soins de troisième recours en concertation avec l'ensemble des acteurs concernés.

C'est pourquoi la commission propose une nouvelle rédaction de l'article 1er, consacrant de manière plus large le rôle des équipes médicales assurant des soins de troisième recours, et soulignant l'importance de la coopération de ces dernières avec les acteurs de la prise en charge de deuxième niveau.

La commission propose une nouvelle rédaction de l'article 1er, consacrant de manière élargie le rôle des équipes médicales assurant des soins de troisième recours en psychiatrie.

L'article 2 vise quant à lui à encourager l'adhésion des acteurs de la politique de santé mentale aux communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS), afin de renforcer la coopération entre les acteurs de la santé mentale et les professionnels de santé de ville.

Pour rappel, les CPTS réunissent des professionnels de santé d'un même territoire dans le but de mieux coordonner leurs actions et concourir à la structuration des parcours de santé2(*). Les membres des CPTS formalisent, à cet effet, un projet de santé validé par l'agence régionale de santé (ARS) compétente.

La commission est favorable à cette disposition, et juge que les CPTS constituent un outil idoine pour favoriser la coopération entre les professionnels sur les thématiques de santé mentale. Dans le rapport d'information relatif à la santé mentale précité, elle pointait la nécessité de renforcer, a minima, les partenariats entre les CPTS et les secteurs de psychiatrie, afin de favoriser la continuité des prises en charge des patients.

La commission a modifié l'article 2 afin de prévoir que les actions mises en oeuvre par les CPTS dans le champ de la santé mentale s'articulent avec les projets territoriaux de santé mentale.

Par cohérence, la commission a modifié l'intitulé de la présente proposition de loi, dont l'objet est désormais de « reconnaître le rôle des acteurs assurant des soins de troisième recours en psychiatrie ».

2. Le développement de l'offre de soins de troisième recours nécessite un portage ministériel

Si la commission attache une importance à reconnaître le rôle des acteurs assurant des soins de troisième recours en psychiatrie, elle tient à rappeler qu'il appartient au ministère de la santé, en concertation avec les acteurs, de soutenir le développement de cette offre de soins tout en garantissant le principe de la gradation des soins.

Il apparaît indispensable que le pouvoir exécutif se saisisse de cet enjeu, qui concerne directement la qualité de la prise en charge des patients. Comme l'a évoqué le délégué ministériel à la santé mentale, la gradation des soins exige de mieux articuler l'intervention de la psychiatrie de secteur avec celle des acteurs des soins de troisième recours, dans le cas où une sur-spécialisation est requise dans la prise en charge du patient.

Pour ce faire, l'offre de soins de troisième recours doit faire l'objet d'un pilotage clair au niveau national, par exemple via l'élaboration d'un cahier des charges précisant le maillage territorial, les pathologies concernées et les modalités de prise en charge. Cette démarche relève néanmoins du pouvoir réglementaire, et nécessite une impulsion politique gouvernementale.

Réunie le mercredi 10 décembre 2025 sous la présidence d'Alain Milon, la commission des affaires sociales a adopté la proposition de loi, après l'avoir modifiée dans le but d'en élargir l'objet à la reconnaissance du rôle de l'ensemble des acteurs assurant des soins de troisième recours en psychiatrie.


* 1 Rapport d'information n° 787 (session 2024-2025) fait au nom de la commission des affaires sociales sur l'état des lieux de la santé mentale depuis la crise du covid-19 par MM. Jean Sol, Daniel Chasseing et Mme Céline Brulin.

* 2 Article L. 1434-12 du code de la santé publique.

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