EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er
Inscription des centres experts en santé mentale
dans le code de la santé publique

Cet article propose de consacrer les missions et le mode de gouvernance des centres experts en santé mentale pilotés par la fondation FondaMental au sein du code de la santé publique.

La commission a adopté cet article modifié par un amendement de rédaction globale, visant à consacrer le rôle plus large des équipes médicales spécialisées dans les soins de troisième recours dans la mise en oeuvre de la politique de santé mentale et dans la gradation des soins.

I - Le dispositif proposé

A. Le droit existant

1. Les centres experts en santé mentale participent au renforcement de l'offre de soins de troisième recours

a) Un réseau mis en place dans le but de favoriser la recherche sur les troubles psychiatriques graves

Le réseau des centres experts en santé mentale est né dans un contexte de prise de conscience, par les pouvoirs publics, des difficultés rencontrées par la psychiatrie d'une part et par le milieu de la recherche d'autre part.

En 2005, le premier plan gouvernemental « psychiatrie et santé mentale » s'est attaqué aux principaux enjeux identifiés dans le champ de la psychiatrie : diagnostics tardifs des troubles psychiatriques sévères, inégalités de prise en charge sur le territoire, manque d'expertise spécialisée et taux élevé de chronicité des troubles et d'hospitalisation.

Au même moment, le législateur s'emparait des inquiétudes sur l'avenir de la recherche scientifique dans la loi de programme pour la recherche du 18 avril 20063(*). Cette loi a notamment créé le statut de fondation de coopération scientifique4(*), afin d'encourager les projets thématiques d'envergure mondiale dans un ou plusieurs domaines de recherche, et prévu le lancement d'appels à projets visant à créer des centres et des réseaux thématiques de recherche et de soins (CTRS et RTRS) par le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche.

C'est dans ce contexte qu'en 2006, la fondation de coopération scientifique FondaMental a remporté l'appel à projets visant à créer des réseaux thématiques de recherche et de soins (RTSA)5(*).

Cette fondation, créée par l'Assistance publique - hôpitaux de Paris (AP-HP), le Commissariat à l'énergie atomique (CEA), l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), l'Université Paris-Créteil, Sorbonne Université et l'Université de Paris Cité, s'est fixée pour missions d'améliorer le diagnostic et la prise en charge des troubles psychiatriques sévères et d'améliorer la recherche et l'innovation en psychiatrie.

Pour ce faire, elle a mis en place un RTSA en santé mentale constitué de 55 centres experts, hébergés au sein d'établissements hospitaliers publics ou privés à but non lucratif6(*) et spécialisés dans quatre pathologies : les troubles bipolaires, la schizophrénie, la dépression résistante et les troubles du spectre de l'autisme (TSA) sans déficience intellectuelle.

Carte des centres experts en santé mentale en 2025

Source : fondation FondaMental

b) Une offre de soins alliant médecine de précision et recherche

• La première mission des centres experts en santé mentale est de pratiquer une médecine de précision axée sur le diagnostic des patients atteints de troubles psychiatriques sévères.

Les patients sont adressés en centre expert par leur psychiatre référent ou leur médecin généraliste, en cas de doute sur le diagnostic ou de résistance aux traitements. Ils y sont reçus par une équipe médicale généralement constituée d'un psychiatre hospitalier, d'un psychologue, d'un infirmier et d'un secrétaire médical (et idéalement d'un neuropsychologue, d'un technicien d'études cliniques et d'une assistante sociale).

Les centres experts réalisent des bilans diagnostiques standardisés et pluridisciplinaires au cours d'une consultation de pré-diagnostic et d'un bilan approfondi en hôpital de jour (évaluations psychiatrique, somatique, cognitive et bilan biologique). Un compte rendu détaillé comprenant des recommandations thérapeutiques individualisées (médicamenteuses, psychosociales, style de vie...) est remis au patient lors d'une consultation de restitution, et adressé au médecin prescripteur.

D'après les données transmises par la fondation FondaMental, à ce jour, près de 20 000 patients ont été évalués en centre expert et plus de 10 000 sont en cours de suivi.

Dans le parcours de soins, les centres experts en santé mentale interviennent en complément de l'intervention des acteurs de premier et de deuxième niveau. Ils constituent à cet égard une offre de soins dits de troisième recours utile à la gradation des soins que doit, en application de l'article L. 3221-1-1 du code de la santé publique, garantir l'organisation territoriale de l'activité de psychiatrie.

Niveaux de prise en charge des patients atteints de troubles psychiatriques

Comme l'a rappelé le délégué ministériel à la psychiatrie et à la santé mentale au rapporteur, l'offre de troisième recours s'est récemment développée sous l'effet de trois facteurs : la demande croissante des patients de disposer d'une offre de soins psychiatriques experte, le mouvement de spécialisation et de sophistication des prises en charge en psychiatrie, et l'augmentation de la fréquence des patients aux cas complexes et résistants aux traitements.

Un nombre croissant d'acteurs interviennent dans cette prise en charge : outre le réseau des centres experts en santé mentale, les équipes médicales des centres hospitaliers universitaires et de plus en plus de réseaux spécialisés (centres de référence maladies rares, centres régionaux du psycho-traumatisme, centres de ressources sur l'autisme, structures d'accueil spécialisées dans les troubles du comportement alimentaire...) assurent la prise en charge des patients atteints de troubles psychiatriques spécifiques et mènent, le cas échéant, une activité de recherche sur ces troubles.

• L'autre mission des centres experts en santé mentale est de contribuer à la recherche et à l'innovation.

Les résultats des évaluations des patients réalisées par les centres experts sont utilisés, avec le consentement des patients, pour alimenter des bases de données.

Ces données permettent la constitution de cohortes nationales (la cohorte de patients atteints de troubles bipolaires est la plus importante au monde) et la participation à des projets de recherche nationaux et internationaux. Elles visent également à permettre le développement de biomarqueurs, d'outils diagnostiques et de stratégies thérapeutiques innovantes. Ces activités de recherche ont donné lieu à plus de 160 publications scientifiques internationales sur les dix dernières années7(*).

La fondation FondaMental assure la coordination scientifique et technique de ces activités, en accompagnant les équipes de soins et de recherche souhaitant développer des projets, en leur apportant son expertise pour la rédaction de protocoles, en répondant à des appels d'offres et en identifiant des mécènes pour soutenir financièrement leurs initiatives.

En plus de contribuer à la recherche française en psychiatrie, ces activités peuvent constituer un levier d'attractivité auprès des jeunes étudiants en médecine, qui sont encore nombreux à écarter la psychiatrie du fait des représentations négatives associées à cette spécialité.

• Les retours d'expérience sur les centres experts en santé mentale démontrent avoir une utilité dans le parcours de soins et un apport important en matière de recherche, sans pour autant que le développement de ce réseau ne soit prioritaire pour améliorer la prise en charge des patients en psychiatrie.

Les retours d'expérience transmis au rapporteur par l'Union nationale des familles et amis de personnes malades et handicapées psychiques (Unafam) mettent en avant la plus-value des centres experts en termes de confirmation de diagnostic et de compréhension, par le patient, de sa pathologie. Sur le plan de la recherche, la coordination assurée par la fondation FondaMental se révèle très efficace pour lever des financements et contribuer à l'attractivité de la recherche française en psychiatrie. En outre, les travaux de vulgarisation et de déstigmatisation sur les troubles de santé mentale conduits par la fondation sont reconnus pour leur qualité.

Néanmoins, des limites ont également été soumises au rapporteur au cours des auditions. Il a notamment été soulevé par plusieurs acteurs que la continuité de la prise en charge des patients n'était pas toujours assurée. Une fois le diagnostic posé et les recommandations thérapeutiques émises par le centre expert (au cours d'une à trois consultations en moyenne), le suivi et l'observance des traitements et des soins n'est pas garanti : soit parce que le patient n'a pas accès à un suivi psychiatrique, soit parce que son équipe soignante - ou le patient lui-même - ne souhaitent pas suivre les recommandations.

Sur ce dernier point, il peut en effet exister un décalage entre l'avis de l'équipe médicale du centre expert en santé mentale d'une part, et celui du psychiatre référent, qui suit le patient dans la durée et qui a la possibilité de prendre davantage en compte son contexte social, d'autre part.

Par ailleurs, selon la direction générale de l'offre de soins (DGOS), il est difficile de connaître l'apport concret des centres experts en santé mentale dans la recherche française en psychiatrie.

2. Les limites au développement des centres experts en santé mentale soulignent la nécessité de soutenir l'offre de soins de troisième recours, dans le respect de la gradation des soins

a) Le statut juridique des centres experts en santé mentale et le contexte budgétaire compromettent le développement du réseau

Les centres experts en santé mentale n'ont pas de statut juridique propre : ils naissent de la démarche des équipes médicales des centres hospitaliers auprès de la fondation FondaMental pour obtenir une labellisation « centre expert », mais restent entièrement intégrés à la personnalité morale de leur hôpital.

Le processus de labellisation d'un centre expert en santé mentale

La labellisation d'un centre expert en santé mentale intervient à l'issue de l'examen d'une demande de candidature soumise par un établissement hospitalier au comité stratégique de la fondation FondaMental.

La demande doit respecter les critères suivants : la mise à disposition de locaux suffisants pour mener l'activité du centre expert ; l'existence de collaborations existantes avec les acteurs de terrain (établissements hospitaliers, médecins libéraux, équipes de recherche) ; des publications préexistantes sur la pathologie, témoignant de l'expertise de l'équipe ; et des liens réguliers avec les associations de patients concernés.

Le futur centre expert s'engage à respecter un parcours patient standardisé (consultation initiale, bilan standardisé suivi de la rédaction d'un compte rendu détaillé du bilan remis au patient lors d'une consultation de restitution et envoyé au médecin adresseur, suivi annuel de 1 à 3 ans maximum) ; à participer aux réunions mensuelles du réseau des Centres Experts dont deux réunions en présentiel ; à participer activement à l'alimentation de la base de données ; à participer à des projets de recherche clinique et scientifique en lien avec la fondation FondaMental et à respecter les bonnes pratiques cliniques.

Les centres experts en santé mentale fonctionnent donc, comme le reste des activités de l'établissement hospitalier hébergeur, sur le budget global de l'établissement et sans ligne spécifique dédiée. La fondation FondaMental, dont les ressources combinent fonds publics8(*) et mécénat, ne finance que la coordination nationale du réseau des centres experts (gestion des bases de données, animation du réseau, formation des professionnels...).

Toutefois, certains bénéficient de financements publics spécifiques. En effet, 21 centres experts reçoivent des financements dédiés du ministère de la santé, versés directement aux établissements hospitaliers qui les hébergent, à hauteur de 80 000 à 300 000 euros par an et par centre. Ces financements spécifiques, attribués dans le cadre de circulaires tarifaires de 20109(*), 201210(*) et 201711(*), couvrent une partie des charges de fonctionnement de ces centres, estimées à 415 000 euros par an. Selon la fondation FondaMental, le financement total annuel dédié aux centres experts en santé mentale par le ministère de la santé s'élève à 6,4 millions d'euros.

En revanche, la grande majorité des centres experts, en particulier ceux spécialisés dans la dépression résistante qui ont été créés plus récemment, ne disposent d'aucun financement spécifique. Aussi, sans financements publics supplémentaires et stabilisés, le réseau de centres experts en santé mentale peut difficilement se développer davantage.

b) La demande pour un développement de l'offre de troisième recours est pourtant croissante, chez les patients comme chez les professionnels de santé

Le secteur de la psychiatrie est aujourd'hui mis à l'épreuve par un double contexte de forte de hausse des troubles de santé mentale et de rareté de la ressource médicale, comme l'a récemment exposé le rapport de MM. Jean Sol et Daniel Chasseing et de Mme Céline Brulin sur l'état des lieux de la santé mentale depuis la crise du covid-1912(*).

Ces difficultés n'épargnent pas les centres qui prodiguent des soins de troisième recours tels que les centres experts en santé mentale. Ceux-ci sont confrontés à un afflux croissant de patients, avec pour conséquence l'allongement du délai moyen pour obtenir un rendez-vous de bilan, qui atteint aujourd'hui deux à trois ans. L'une des vocations initiales de ces centres, qui est de fournir un diagnostic rapide et personnalisé aux patients, s'en trouve compromis.

Par ailleurs, les demandes de labellisation en centres experts en santé mentale sur le territoire seraient nombreuses et certains acteurs du système de soins en santé mentale soulignent l'intérêt qu'aurait l'extension de la spécialisation de ces centres à d'autres troubles psychiatriques tels que les conduites suicidaires, les troubles obsessionnels compulsifs, l'hyperactivité avec déficit d'attention ou les troubles du comportement alimentaire.

D'autres représentants des professionnels de la psychiatrie, en revanche, estiment que les moyens financiers devraient prioritairement être fléchés vers la psychiatrie conventionnelle de secteur, dans la mesure où sans prise en charge de proximité et au long cours des patients, les diagnostics et les recommandations des équipes spécialisées dans le troisième recours resteront lettre morte.

La psychiatrie de secteur

Depuis les années 196013(*), l'offre de soins en psychiatrie est sectorisée. L'organisation des soins repose sur le découpage des départements en plusieurs aires géographiques, chacune étant rattachée à un centre hospitalier. Le centre hospitalier « référent » a pour mission et obligation de prendre en charge, en hospitalisation comme en ambulatoire grâce au réseau des centres médico-psychologiques (CMP), les patients qui relèvent de son secteur.

L'article L. 3221-3 du code de la santé publique précise que la mission de psychiatrie de secteur, qui concourt à la politique de santé mentale, consiste à garantir à l'ensemble de la population un recours de proximité aux soins psychiatriques, l'accessibilité territoriale et financière des soins psychiatriques, et la continuité des soins psychiatriques.

À cet égard, le délégué ministériel souligne la nécessité de formaliser, de manière plus globale, la gradation des soins en psychiatrie dans le but de mieux articuler l'intervention de la psychiatrie conventionnelle de secteur avec les acteurs assurant des soins de troisième recours, dans le cas où une sur-spécialisation est requise dans la prise en charge d'un patient.

Pour y parvenir, il recommande que le ministère encadre le développement et l'organisation de l'offre de soins de troisième recours. Une telle ambition se matérialiserait notamment par l'élaboration d'un cahier des charges précisant le maillage territorial souhaitable pour cette offre de soins, les pathologies concernées et les modalités d'articulation avec les acteurs de la prise en charge de premier et de deuxième niveau. Cette démarche relève néanmoins du pouvoir réglementaire, et nécessite une impulsion politique de la part du pouvoir exécutif.

B. Le droit proposé : consacrer les centres experts en santé mentale dans le code de la santé publique

L'article 1er de la présente proposition de loi vise à définir, dans le code de la santé publique, le statut et les missions des centres experts en santé mentale au sein d'un nouvel article L. 3221-7 au sein du chapitre relatif à la politique de santé mentale et à l'organisation de la psychiatrie.

Ce nouvel article définirait les centres experts en santé mentale comme des plateformes de soins de recours et de recherche destinées à améliorer le dépistage, le diagnostic et la prise en charge des maladies psychiatriques les plus sévères.

Il précise que les centres experts en santé mentale participent activement à la recherche et à la collecte de données relatives aux maladies psychiatriques, qu'ils innovent et valorisent les progrès réalisés en la matière (troisième alinéa).

Le nouvel article L. 3221-7 dispose également que chaque région peut recenser sur son territoire un centre expert en santé mentale pour les troubles psychiatriques suivants : troubles bipolaires, schizophrénies, dépression résistante et troubles du spectre de l'autisme sans retard intellectuel (déjà couverts par les centres existants), conduites suicidaires, trouble obsessionnel compulsif, hyperactivité avec déficit de l'attention et troubles du comportement alimentaire (quatrième alinéa).

Sur le plan de la gouvernance et de la gestion, il est indiqué que les centres experts en santé mentale sont intégrés dans le système de soins hospitalo-universitaire (deuxième alinéa), qu'ils sont gérés par des structures hospitalières ou des organisations à but non lucratif (cinquième alinéa) et qu'ils font l'objet d'analyses médico-économiques régulières (septième alinéa).

La fondation de coopération scientifique FondaMental, nommément désignée, serait chargée de coordonner ces centres sur le plan médical et scientifique, dans le but d'optimiser et de valoriser leur savoir scientifique et médical, et d'assurer la qualité et la sécurité des prises en charge sur l'ensemble du territoire (sixième alinéa).

II - La position de la commission

La commission reconnaît que le rôle des acteurs de la prise en charge de troisième recours, c'est-à-dire des acteurs spécialisés dans la prise en charge de certaines pathologies, est très important en psychiatrie comme il l'est dans d'autres disciplines de la médecine. Il permet aux psychiatres référents de disposer d'un avis expert complémentaire, démontre de vrais résultats contre l'errance diagnostique et thérapeutique, et contribue activement à la recherche, comme le démontre le réseau des centres experts en santé mentale.

À cet égard, il apparaît indispensable que le ministère de la santé reconnaisse le rôle de cette offre en mettant en place un véritable pilotage, sur le plan du maillage territorial comme sur le plan de la régulation des modalités de prise en charge des patients. La commission n'omet pas, néanmoins, que le troisième recours est nécessairement complémentaire des autres niveaux de prise en charge : un diagnostic expert et des recommandations thérapeutiques aussi complètes soient-elles, n'a pas de plus-value pour les patients sans prise en charge de proximité et au long cours.

Le développement de l'offre de soins de troisième recours ne saurait donc aller de pair qu'avec le renforcement de la psychiatrie de secteur, afin de garantir à chaque patient un parcours de soins gradué et sans rupture, dans un cadre propice à la coopération territoriale entre les psychiatres référents et les équipes médicales des centres spécialisés.

Aussi, considérant que l'offre de soins de troisième recours doit être reconnue et répondre à l'impératif de gradation des soins, et dans la mesure où cette offre n'est pas exclusivement assurée par le réseau des centres experts en santé mentale mais qu'elle implique une diversité d'acteurs, la commission a souhaité une nouvelle rédaction de l'article 1er.

Elle a ainsi adopté un amendement de rédaction globale COM-1 du rapporteur, lequel complète :

- l'article L. 3221-1 du code de la santé publique, afin d'indiquer que les acteurs assurant des soins de troisième recours en psychiatrie participent à la mise en oeuvre de la politique de santé mentale ;

- l'article L. 3221-1-1 du même code, afin de préciser que la gradation des soins implique la coordination des acteurs intervenant dans le parcours de soins des patients, notamment entre les psychiatres référents et les équipes médicales assurant des soins de troisième recours dans les centres et les services hospitaliers spécialisés dans la prise en charge de certains troubles psychiatriques ;

- et l'article L. 3221-3 du même code, afin de préciser que la psychiatrie de secteur assure la continuité des soins psychiatriques en assurant si nécessaire l'orientation vers d'autres acteurs « telles que les équipes médicales assurant des soins de troisième recours mentionnées à l'article L. 3221-1-1 ».

La commission a adopté cet article ainsi modifié.

Article 2
Participation des acteurs de la prise en charge des patients atteints
de troubles psychiatriques aux communautés professionnelles
territoriales de santé

Cet article prévoit d'inscrire dans la loi la possibilité, pour les acteurs qui participent à la mise en oeuvre de la politique de santé mentale, de participer aux communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS).

La commission a adopté cet article modifié par un amendement visant à en simplifier la rédaction.

I - Le dispositif proposé

A. Le droit existant

1. La coopération entre la psychiatrie et les professionnels de santé de ville est insuffisante

a) Une coopération insuffisante malgré ses effets bénéfiques sur les parcours de soins des patients

La prise en charge des patients atteints de troubles psychiatriques repose sur l'intervention des acteurs dits de premier niveau (médecins généralistes, infirmiers, pharmaciens, psychologues...) et des acteurs spécialisés en psychiatrie, assurant des soins de deuxième recours (centres médico-psychologiques, psychiatres libéraux, établissements de santé psychiatriques, services psychiatriques au sein des établissements de santé généralistes...) ou de troisième recours (équipes médicales ultraspécialisées dans la prise en charge de certains troubles psychiatriques)14(*).

Les acteurs de premier niveau, et plus particulièrement les médecins généralistes, sont souvent la porte d'entrée de nombreux patients dans le parcours de soins. Ils jouent à cet égard un rôle très important dans le repérage et l'orientation des personnes atteintes de troubles psychiatriques, et ont pour mission de mettre en place une prise en charge graduée et adaptée du patient, indispensable pour garantir la continuité du parcours de soins et réduire le risque de chronicisation des troubles.

De ce fait, la coopération territoriale entre les professionnels exerçant en psychiatrie et les professionnels de santé de ville est cruciale. Elle permet d'assurer la bonne prise en charge des patients, notamment en amont ou à la sortie d'une hospitalisation, et garantit une approche décloisonnée des problématiques de santé rencontrées par les patients. Cette coopération s'avère d'autant plus importante dans un contexte de déclin de la ressource médicale, tant en médecins généralistes qu'en psychiatres (en psychiatrie publique, un tiers des postes de psychiatres sont vacants15(*)).

Cette coopération entre acteurs de premier et de deuxième - voire de troisième - niveau est néanmoins insuffisante, selon un constat dressé de longue date et renouvelé dans le dernier rapport d'information de la commission sur la santé mentale16(*), en raison d'un historique de développement en silo de la médecine générale d'une part et de la psychiatrie de secteur d'autre part, de difficultés opérationnelles pour coopérer, et d'un manque de formation des professionnels de santé sur les thématiques de santé mentale.

En effet, comme l'a relevé la commission dans le rapport d'information précité, « les acteurs de premier niveau ne s'appuient pas suffisamment sur les acteurs spécialisés et inversement, alors qu'un dialogue renforcé participerait, en améliorant la prise en charge des patients, au désengorgement des hôpitaux et des centres médico-psychologiques ».

Les médecins généralistes pourraient notamment s'appuyer davantage sur les professionnels de santé spécialisés (psychiatres, infirmières en pratique avancée spécialisées en psychiatrie et santé mentale) en sollicitant leur avis sur la situation d'un patient, afin de garantir une offre de soins (via la prescription de médicaments) et une orientation (vers le psychologue, le centre médico-psychologique ou encore vers un centre de soins spécialisés de troisième recours) mieux graduées.

b) De premières tentatives de renforcement de la coopération entre médecine de ville et psychiatrie

• Le recul de l'accès aux soins rend d'autant plus urgente la coopération entre la médecine de ville et la psychiatrie ce qui se traduit, depuis plusieurs années, par la mise en place ou l'encouragement de nouvelles stratégies de coopération.

Un nombre croissant d'établissements psychiatriques développent la mise à disposition d'infirmières en pratique avancée (IPA) spécialisées en psychiatrie et santé mentale (PSM) auprès de maisons et de centres de santé, à la suite de l'ouverture de l'accès direct aux IPA dans ces structures, en 202317(*).

En outre, un modèle de coopération renforcée baptisé « soins collaboratifs en santé mentale » est expérimenté en Île-de-France, permettant à une équipe pluridisciplinaire constituée d'un médecin généraliste, d'un infirmier coordonnateur et d'un psychiatre référent d'assurer la prise en charge d'un patient de manière concertée.

Plusieurs acteurs tels que la Fédération française de psychiatrie et la Caisse nationale d'assurance maladie (Cnam) plaident également pour le développement de la téléexpertise, qui permet aux médecins généralistes ou aux psychologues de contacter un psychiatre référent afin d'obtenir un avis sur un patient, notamment en matière de prescription médicale18(*).

Ces initiatives sont prometteuses car elles illustrent la possibilité de mettre en place des stratégies de synergie entre la psychiatrie de secteur et la médecine de ville en faveur de l'accès aux soins, tout en rationalisant le recours aux soins spécialisés grâce à l'amélioration du repérage, du diagnostic et du suivi des patients en souffrance psychique.

• Par ailleurs, sur le plan de la gouvernance, depuis 201619(*), des projets territoriaux de santé mentale (PTSM) sont élaborés dans le but de renforcer la coordination territoriale des acteurs intervenant dans le champ de la santé mentale.

En vertu de l'article L. 3221-2 du code de la santé publique, un PTSM a pour objet « l'amélioration continue de l'accès des personnes concernées à des parcours de santé et de vie de qualité, sécurisés et sans rupture ». Son élaboration associe les représentants des usagers, les professionnels de santé, les établissements et services sanitaires, sociaux et médico-sociaux, les organismes locaux d'assurance maladie, les services de l'État concernés ainsi que les collectivités territoriales. Elle s'appuie sur un diagnostic territorial partagé en santé mentale, établi par les acteurs de santé du territoire.

Des initiatives et des dispositifs ont donc été mis en place face à l'impératif d'une meilleure coordination des professionnels de santé dans la prise en charge des patients atteints de troubles psychiatrique, mais cette coordination reste aujourd'hui, dans la pratique quotidienne des professionnels de santé, globalement insuffisante.

2. Les communautés professionnelles territoriales de santé sont encore sous-investies par les psychiatres

a) Les communautés professionnelle territoriales de santé : un outil de coopération particulièrement pertinent en matière de santé mentale

Les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) ont été créées et conçues en 201620(*) comme un outil souple de coordination des soins ambulatoires : aux termes de l'article L. 1434-12 du code de la santé publique, des professionnels de santé peuvent décider de se constituer en CPTS21(*) « afin d'assurer une meilleure coordination de leur action et ainsi concourir à la structuration des parcours de santé [...] et à la réalisation des objectifs du projet régional de santé ». Les membres de la CPTS formalisent, à cet effet, un projet de santé qu'ils transmettent à l'ARS.

Les CPTS sont des organisations ouvertes : tous les professionnels de santé (médecins généralistes et spécialistes, pharmaciens, infirmiers, sage-femmes, masseurs-kinésithérapeutes...) peuvent y adhérer, où qu'ils exercent (en libéral ou en établissement hospitalier, social ou médico-social).

Les acteurs spécialisés en santé mentale y ont donc toute leur place d'autant que d'après le rapport « Tour de France des CPTS », établi en juin 2023 par trois personnalités qualifiées, les hôpitaux évoquent quasi systématiquement l'émergence des CPTS comme un facteur positif pour le dialogue avec la ville22(*). Dans un contexte de forte hausse des troubles psychiatriques, il semble pertinent de prendre appui sur les CPTS pour renforcer l'accès aux soins et mieux organiser les parcours des patients.

Le législateur a d'ailleurs prévu que les acteurs de la psychiatrie se coordonnent avec les CPTS : la psychiatrie de secteur doit garantir à l'ensemble de la population un recours de proximité en soins psychiatriques en coopération avec les CPTS23(*) ; les projets territoriaux de santé mentale tiennent compte des projets des CPTS24(*) ; et les établissements psychiatriques participent aux actions de prévention, de soins et d'insertion mises en oeuvre par ces communautés professionnelles25(*).

b) Une participation encore marginale des acteurs spécialisés en psychiatrie aux communautés professionnelles territoriales de santé

Comme l'a relevé le dernier rapport de la mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale (Mecss) du Sénat sur les CPTS26(*), les données relatives à l'adhésion des professionnels de santé aux CPTS demeurent lacunaires.

En tout état de cause, les professionnels de santé dans le champ de la santé mentale - et plus particulièrement les psychiatres - sont peu nombreux à adhérer aux CPTS, même si les thématiques de santé mentale sont globalement bien couvertes par les actions de ces communautés. Celles-ci sont aujourd'hui principalement composées de médecins généralistes, d'infirmiers, de sage-femmes et de masseurs-kinésithérapeutes.

Aussi, dans son rapport sur la santé mentale mentionné supra, la commission recommande-t-elle, a minima, de renforcer les partenariats entre les CPTS et les secteurs de psychiatrie, afin notamment d'anticiper la sortie des patients hospitalisés, et d'assurer la continuité du suivi des patients en lien avec les médecins traitants.

Les établissements psychiatriques et les CMP sont les premières structures qu'il apparaît cohérent de mieux connecter à la médecine de ville, mais une coordination renforcée avec les acteurs chargés des soins de troisième recours serait tout aussi pertinente. Leur rôle en matière de lutte contre l'errance thérapeutique et de promotion de la pertinence des soins justifie en effet leur positionnement dans le parcours de soins et leur coordination avec les autres acteurs de la prise en charge des troubles psychiatriques.

En définitive, il apparaît souhaitable d'encourager davantage de professionnels en psychiatrie à adhérer aux CPTS, afin de parachever le projet de coordination entre la médecine de ville et la psychiatrie et de prendre davantage en compte les problématiques de santé mentale dans les projets de santé de ces communautés, en miroir de la prise en compte, au sein des PTSM, des actions mises en oeuvre par les CPTS.

B. Le droit proposé

L'article 2 de la présente proposition de loi vise à compléter l'article L. 1434-12 du code de la santé publique relatif aux communautés professionnelles territoriales de santé.

Il précise qu'une CPTS peut être composée « d'acteurs intervenant dans les domaines de la prévention, du diagnostic, des soins, de la réadaptation et de la réinsertion sociale en santé mentale désignés à l'article L. 3221-1 du code de la santé publique » soit des acteurs diversifiés comprenant notamment les établissements de santé autorisés en psychiatrie, des médecins libéraux, des psychologues et l'ensemble des acteurs de la prévention, du logement, de l'hébergement et de l'insertion.

Il est également indiqué que ces acteurs participent aux CPTS « en lien avec les projets territoriaux de santé mentale définis à l'article L. 3221-2 », afin d'assurer la bonne coordination entre les actions des projets de santé des CPTS et celles des PTSM. 

II - La position de la commission

La commission partage l'objectif porté par cet article, qui est d'encourager l'implication des professionnels de la santé mentale dans les communautés professionnelles territoriales de santé.

La coopération des acteurs au niveau territorial est en effet la condition pour une prise en charge de proximité, graduée et sans rupture. Compte tenu de la prévalence des troubles de santé mentale au sein de la population, de l'augmentation continue de celle-ci et des tensions sur la ressource médicale, il est prioritaire que tous les acteurs de la santé coopèrent, à l'échelle territoriale, sur ces thématiques.

La commission a adopté un amendement de rédaction globale COM-2 du rapporteur visant à simplifier la rédaction du présent article.

La nouvelle rédaction indique que la CPTS peut être composée « des acteurs chargés de mettre en oeuvre la politique de santé mentale mentionnés à l'article L. 3221-1 », soit une formulation plus synthétique mais couvrant le même champ d'acteurs.

En outre, cette nouvelle rédaction prévoit de manière plus explicite, dans un nouvel alinéa, que les actions mises en oeuvre par les CPTS dans le champ de la santé mentale s'articulent avec les projets territoriaux de santé mentale afin d'inciter à la coopération entre les acteurs.

La commission a adopté cet article ainsi modifié.

Article 3
Gage financier de la proposition de loi

Cet article gage les conséquences financières résultant pour l'État de l'adoption de la présente proposition de loi.

La commission a adopté cet article sans modification.

I - Le dispositif proposé

L'article 3 gage l'éventuelle incidence financière de la proposition de loi sur les finances de l'État, par majoration à due concurrence de l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

II - La position de la commission

Limitée par les conditions de recevabilité financière, la commission n'est pas en mesure de lever d'elle-même ce gage. Elle appelle toutefois le Gouvernement à procéder de lui-même à la suppression du gage financier.

La commission a adopté cet article sans modification.


* 3 Loi n° 2006-450 du 18 avril 2006 de programme pour la recherche.

* 4 Ce statut a été créé par l'article 5 de la loi du 18 avril de programme pour la recherche dans le but d'offrir un cadre plus souple aux coopérations entre établissements et organismes, publics et privés, dans un but de recherche. Les fondations coopération scientifique sont des personnes morales de droit privé à but non lucratif soumises aux règles relatives aux fondations reconnues d'utilité publique.

* 5 Les statuts de la fondation FondaMental été approuvé par le décret du 15 juin 2007 portant approbation des statuts d'une fondation de coopération scientifique.

* 6 Un seul centre, à Monaco, relève d'un établissement hospitalier privé à but non lucratif.

* 7 Source : fondation FondaMental.

* 8 À sa création, la fondation FondaMental a reçu une dotation de l'État de 4 millions d'euros. D'autres financements publics lui ont ensuite été attribués, notamment dans le cadre du programme d'investissements d'avenir (PIA) et, plus récemment, du programme de recherche en psychiatrie de précision (PERPR PROPSY).

* 9 Circulaire DGOS/R1/DSS/2010/177 du 31 mai 2010 (annexes I et II).

* 10 Circulaire DGOS/R1/2012/131 du 16 mars 2012 (annexe II).

* 11 Circulaire DGOS/R1/2017/164 du 9 mai 2017 (annexe IB).

* 12 Rapport d'information n° 787 (session 2024-2025) fait au nom de la commission des affaires sociales sur l'état des lieux de la santé mentale depuis la crise du covid-19 par MM. Jean Sol, Daniel Chasseing et Mme Céline Brulin.

* 13 Circulaire du 15 mars 1960 relative au programme d'organisation et d'équipement des départements

en matière de lutte contre les maladies mentales.

* 14 Voir le commentaire de l'article 1er.

* 15 Rapport d'information n° 787 (session 2024-2025) fait au nom de la commission des affaires sociales sur l'état des lieux de la santé mentale depuis la crise du covid-19 par MM. Jean Sol, Daniel Chasseing et Mme Céline Brulin.

* 16 Ibid.

* 17 Loi n° 2023-379 du 19 mai 2023 portant amélioration de l'accès aux soins par la confiance aux professionnels de santé (article 1er).

* 18 Ibid.

* 19 Loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé (article 69).

* 20 Loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé (article 65).

* 21 En application de l'article L. 1434-12-1 du code de la santé publique, une CPTS est constituée sous la forme d'une association régie par la loi du 1er juillet 1901.

* 22 Rapport « Tour de France des CPTS ». Bilan et propositions pour le déploiement et le développement des CPTS, 28 juin 2023, p. 21.

* 23 Article L. 3221-3 du code de la santé publique.

* 24 Article L. 3221-2 du code de la santé publique.

* 25 Article L. 3221-3 du code de la santé publique.

* 26 Rapport d'information n° 32 (session 2025-2026) fait au nom de la mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale de la commission des affaires sociales sur les communautés professionnelles territoriales de santé, par Mme Corinne Imbert et M. Bernard Jomier.

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