EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 10 décembre 2025, sous la présidence de M. Alain Milon, vice-président, la commission examine le rapport de Mme Chantal Deseyne, rapporteur, sur la proposition de loi (n° 385, 2024-2025) visant à intégrer les centres experts en santé mentale dans le code de la santé publique.

M. Alain Milon, président. - Nous passons à l'examen du rapport de notre collègue Chantal Deseyne sur la proposition de loi visant à intégrer les centres experts en santé mentale dans le code de la santé publique.

Mme Chantal Deseyne, rapporteur. - La première proposition de loi que nous examinons ce matin, déposée par notre président Alain Milon et plusieurs de ses collègues, vise à intégrer les centres experts en santé mentale dans le code de la santé publique.

Je ne m'épancherai pas trop longuement sur le contexte général. La santé mentale a été érigée en grande cause nationale en 2025 et le sera également en 2026. Ce n'est pas surprenant au regard des difficultés immenses rencontrées par les personnes atteintes de troubles psychiques et par les professionnels qui les prennent en charge, dans un double contexte de croissance des besoins et de tension sur la ressource médicale. Lors des auditions, nous avons appris que 25 % des Français seraient concernés par un trouble de santé mentale au cours de leur vie. Le dernier rapport d'information de nos collègues Jean Sol, Daniel Chasseing et Céline Brulin est tout à fait éloquent sur le sujet.

L'un des axes d'amélioration de la politique de santé mentale réside dans le renforcement de l'attractivité de la discipline et dans l'amélioration des prises en charge pour les patients les plus complexes. Pour atteindre ces objectifs, il faut améliorer les conditions de travail et augmenter les effectifs de psychiatres, mais aussi développer une médecine de pointe alliant prise en charge des cas sévères et recherche.

Cette médecine ultraspécialisée est aujourd'hui assurée par les services hospitaliers universitaires et par les centres spécialisés dans la prise en charge de certaines pathologies. Il s'agit par exemple des centres de référence maladies rares, des centres ressources autisme, des centres régionaux du psychotraumatisme ou encore des centres experts en santé mentale, dont il est question dans la proposition de loi que nous examinons.

Les équipes médicales de ces services et de ces centres interviennent, conformément au principe de gradation des soins, en troisième recours. Les patients sont généralement orientés vers ce niveau de soins par leur psychiatre référent et, plus rarement, par leur médecin généraliste. Ce sont le plus souvent des patients atteints de troubles psychiatriques sévères ou dont le parcours est particulièrement complexe, et qui nécessitent à cet égard une confirmation de diagnostic ou un accès à des traitements de pointe qui ne sont pas accessibles dans les services conventionnels de la psychiatrie de secteur.

Les 55 centres experts en santé mentale, répartis dans l'Hexagone au sein d'hôpitaux publics, font pleinement partie du paysage des soins de troisième recours en psychiatrie. Ils sont spécialisés dans quatre troubles : les troubles bipolaires, la schizophrénie, la dépression résistante et les troubles du spectre de l'autisme sans déficience intellectuelle. Leur activité repose sur deux piliers : la réalisation de bilans diagnostiques complets, en vue d'émettre des recommandations thérapeutiques personnalisées aux patients ; et la conduite de recherches au niveau national et international, reposant sur les données récoltées dans le cadre des bilans. Les équipes médicales assurant l'activité des centres experts continuent, en parallèle, de participer aux missions de l'hôpital, comme le reste du personnel.

Ce réseau est issu de l'initiative de la fondation FondaMental, qui a remporté un appel à projets lancé par le ministère de la recherche en 2006, pour mettre en place des réseaux thématiques de recherche et de soins. Concrètement, cette fondation attribue, sur la base d'un cahier des charges, le label « centre expert en santé mentale » aux hôpitaux qui candidatent pour intégrer le réseau. Une vingtaine de centres bénéficient de financements spécifiques de la part du ministère de la santé. En revanche, depuis 2017, l'expansion du réseau ne s'accompagne plus de dotations du ministère. Dans la mesure où les centres experts relèvent de la personnalité morale de leur hôpital de rattachement, leur activité est financée sur le budget global des établissements et aucune ligne de financement spécifique n'est prévue pour ces centres. La fondation FondaMental ne finance que la coordination du réseau au niveau national.

Le développement du réseau des centres experts en santé mentale est donc désormais compromis, faute de moyens dans les hôpitaux. Les besoins sont pourtant là, puisqu'un nombre grandissant de patients sont orientés vers ces centres, ce qui conduit à l'allongement des délais d'attente pour obtenir un rendez-vous. De plus, aux dires de la fondation FondaMental, de nombreux médecins spécialistes souhaiteraient que le réseau des centres experts s'étende à de nouvelles pathologies.

Dans ce contexte, l'article 1er de la proposition de loi vise à inscrire les centres experts en santé mentale dans le code de la santé publique, avec pour objectif de garantir leur pérennité et d'envisager le développement du réseau. L'article inséré dans le code précise les missions et le mode de gouvernance de ces centres, et indique explicitement que la fondation FondaMental est chargée d'assurer la coordination du réseau.

Si l'objectif de cet article est tout à fait louable, il est apparu, au cours des auditions, que le véhicule législatif n'était pas le plus adapté pour y parvenir.

Malgré les délais contraints, j'ai pu entendre un certain nombre d'acteurs, dont le délégué ministériel à la santé mentale, des responsables de la direction générale de l'offre de soins (DGOS), de la Fédération hospitalière de France, de la Fédération française de psychiatrie, ainsi qu'un chef de service du centre hospitalier universitaire (CHU) de Tours, également responsable d'un centre expert. Ces acteurs perçoivent négativement la consécration législative des centres experts en santé mentale, alors que les soins de troisième recours sont assurés par une diversité d'acteurs et que ce réseau n'est pas piloté par les pouvoirs publics, mais par une fondation privée.

Par ailleurs, la plus-value de ces centres en matière de prise en charge des patients et de recherche semble faire l'objet de controverses. Il est notamment reproché aux centres experts en santé mentale de ne pas dispenser de soins. De plus, certains soutiennent que, sans prise en charge de proximité assurée par la psychiatrie de secteur, les recommandations thérapeutiques formulées par ces centres restent lettre morte. De manière plus générale, au cours de ces auditions, j'ai pu observer une tension manifeste entre deux courants en psychiatrie. Le premier défend avec vigueur une psychiatrie de secteur de proximité, attentive à la dimension sociale des troubles psychiatriques, et considère que la priorité réside dans le renforcement du niveau 2. Le second courant, s'il n'ignore pas la nécessité de répondre à la crise de la psychiatrie de secteur, érige le développement de filières de soins ultraspécialisées comme un impératif pour lutter contre les errances de diagnostic et faire avancer la recherche.

Il me semble que ces deux approches sont en réalité complémentaires. D'ailleurs, des réflexions sont en cours à la délégation ministérielle à la santé mentale pour les faire converger. Au regard de ces éléments, il me semble important de laisser à l'administration centrale, en concertation avec les représentants de la psychiatrie, le soin de déterminer l'organisation de l'offre de soins la plus opportune pour répondre aux besoins des patients.

Toutefois, sur le principe, les acteurs s'accordent sur l'intérêt de disposer d'une offre de soins très spécialisée, dans le respect de la gradation des soins. Je proposerai donc une nouvelle rédaction de l'article 1er, afin de consacrer de manière plus large le rôle des équipes médicales assurant des soins de troisième recours et l'importance de la coordination territoriale des acteurs.

L'article 2 vise quant à lui à encourager l'adhésion des acteurs de la politique de santé mentale aux communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS). La formulation de l'article L. 1434-2 du code de la santé publique sur la composition des CPTS est suffisamment large pour intégrer l'ensemble des acteurs concourant à la politique de santé en général. Toutefois, le manque de coopération entre les acteurs de la psychiatrie et la médecine de ville est un constat connu de longue date et qui persiste, malgré des avancées. La gradation des soins que j'évoquais passe par la coopération, à l'échelle territoriale, de tous les acteurs impliqués dans la prise en charge des troubles de santé mentale, du premier au troisième niveau. Aussi, la précision apportée par l'article 2 me semble importante, d'autant qu'elle permet d'indiquer que les CPTS doivent tenir compte des projets territoriaux de santé mentale.

Mes chers collègues, vous l'aurez compris, je vous inviterai à adopter cette proposition de loi dans une version un peu remaniée, qui me semble concilier les attentes des différents acteurs de la psychiatrie, tout en préservant l'esprit général du texte.

Mme Laurence Muller-Bronn. - Nous avons été destinataires de courriers nous alertant sur ces centres experts, qui sont pilotés par une fondation privée et souhaitent entrer dans le code de la santé publique.

Nous avons reçu des messages de syndicats, mais aussi de la Fédération française de psychiatrie ou de présidents d'honneur. Ces acteurs ne sont pas en phase avec l'intégration de ces centres experts dans le code de la santé publique, parce qu'ils déplorent une médecine à deux vitesses : la recherche d'un côté, qui reste dans les villes et au sein des grands centres hospitaliers, et la médecine de ville et les hôpitaux psychiatriques de l'autre, pour lesquels cette mesure n'apportera pas grand-chose.

Un centre coûte 320 000 euros par an et on en compte déjà 55. Ils ont besoin de moyens pérennes, et c'est bien ce dont il s'agit avec leur inscription dans le code de la santé publique.

Je voudrais faire le rapprochement avec les centres de référence maladies rares. J'en ai visité un et m'attendais à un lieu très moderne, mais il s'agit juste d'un centre hébergé par un CHU, dans lequel on accueille des patients pour la recherche, mais pas pour le soin. Dans le cas de la santé mentale, nous avons besoin de financements pour le soin et l'accompagnement des malades, mais il s'agit ici de prévoir des financements pour la recherche pure, qui accompagne très peu la psychiatrie en ruralité ou dans les territoires.

M. Daniel Chasseing. - Les centres experts sont des structures de recours, qui permettent de favoriser le diagnostic précoce, d'améliorer le traitement et de favoriser la recherche. Ils sont spécialisés et implantés sur tout le territoire. Les médecins psychiatres orientent leurs malades difficiles. Grâce à ces centres, de nombreux patients ont bénéficié d'une évaluation approfondie et d'un suivi adapté. Les centres ont redonné de l'espoir à de nombreuses familles, grâce à des diagnostics précis, à des innovations thérapeutiques et à des prises en charge. Les centres sont complémentaires des services de psychiatrie et des médecins généralistes. Ils doivent assurer une coordination avec les services de psychiatrie, les centres médico-psychologiques (CMP), les CPTS et les médecins traitants.

Dans le cadre de notre mission d'information sur l'état des lieux de la santé mentale, nous avions reçu en audition un représentant d'un centre expert, qui nous avait fait part de la prise en charge très en pointe et du suivi qu'il assurait, ainsi que de la recherche qu'il menait, en usant notamment de nouvelles thérapeutiques.

Mme Raymonde Poncet Monge. - J'ai assisté à quatre auditions et j'ai éprouvé un grand malaise. Je suis un peu choquée qu'une proposition de loi reprenne des éléments de langage du lobbying. Il s'agit de dire qu'on va économiser 18 milliards d'euros et qu'on va réduire de 50 % le taux hospitalisation, alors que tout le monde reconnaît des biais et des faiblesses méthodologiques au travail des centres.

Ces derniers n'ont pas recours à des groupes témoins, établissent leurs affirmations à partir d'une seule étude portant sur une seule pathologie, la bipolarité. Le montant de 18 milliards d'euros résulte d'une extrapolation opérée à partir de cette étude, dont des chercheurs du CHU ont dit eux-mêmes qu'ils ne s'en servaient pas, en raison de ses biais méthodologiques.

La proposition de loi n'apparaît pas comme le bon véhicule pour trancher cette question ; c'est au ministère de la santé et à l'ensemble des psychiatres de le faire. La DGOS se montre très critique, comme la Fédération française de psychiatrie et le Collège national des universitaires de psychiatrie ; sont-ils tous ignorants ?

Il n'y a pas eu de cahier des charges ni d'évaluation. Pourtant, ces centres ont reçu des crédits. Le chemin habituel n'a pas été suivi.

De plus, ce texte fait comme si rien d'autre n'existait, ce qui a été contesté par les universitaires, qui établissent aussi des diagnostics somatiques et ont des plateaux techniques, mais également cliniques, puisqu'ils sont liés à l'activité de soin. Dans le cas des centres experts, des diagnostics sont réalisés et des recommandations sont faites pour renvoyer les patients vers les psychiatres ou les médecins généralistes. S'il doit y avoir un niveau 3 dans la gradation des soins, nous pourrions nous appuyer sur des centres ressources qui existent déjà.

Il s'agit d'une proposition de loi pro domo servant une fondation privée, qui est certes à but non lucratif, mais reste un unique opérateur. Il faut plutôt renforcer l'écosystème de la psychiatrie.

De plus, la psychiatrie, qui est déjà délaissée, voit ses chercheurs partir dans ces centres, qui n'ont pas de problème d'attractivité.

Quand nous avons auditionné une responsable de ces centres, elle n'a pas répondu aux questions que je lui ai posées sur leur financement. On sait que les industries pharmaceutiques sont impliquées. Les banques de données des centres sont censées être ouvertes à qui les demande, mais, d'après les universitaires, ces données ne sont pas scientifiquement récoltées et ces centres n'ont pas tous la même méthodologie. J'ai aussi posé une question sur cette ouverture des données et j'ai ressenti une forme de contrariété de la part de la personne auditionnée quand elle m'a répondu.

Mme Céline Brulin. - Il me tarde que la rapporteure nous donne des précisions sur la réécriture de l'article 1er.

Je ne reviendrai pas sur ce qu'a dit Raymonde Poncet Monge sur la faiblesse méthodologique des recherches menées dans ces centres ou sur le fait qu'il s'agit d'une réponse donnée par un opérateur unique et privé. Par ailleurs, lors de nos auditions, peu d'acteurs étaient favorables à cette proposition de loi.

En revanche, j'ai ressenti le besoin d'une réponse de niveau 3. J'aurais plutôt tendance à penser qu'il devrait s'agir d'une réponse publique. Par ailleurs, d'après la description qu'a faite la rapporteure de l'état de la psychiatrie aujourd'hui, ces centres risquent de devenir des pompes aspirantes pour une profession qui connaît déjà une pénurie. Ce serait catastrophique pour l'ensemble de la réponse à apporter.

Certains mentionnaient la mise en place d'un centre ressources à l'image de ce qu'est l'Institut national du cancer (Inca). En revanche, nous ne sommes pas d'accord avec l'idée de consacrer dans le code de la santé publique un opérateur privé, dont la réponse n'a pas été évaluée.

Mme Jocelyne Guidez. - Je ne connaissais pas FondaMental et une rencontre a été organisée autour de la fondation, que j'ai trouvé très intéressante. Cependant, le fait que nous ne mentionnions que cet acteur dans la loi est un peu gênant. Si, après sa réécriture, l'article 1er se réfère aux centres experts en règle générale, je voterai en faveur de la proposition de loi.

Nous avons besoin de ces centres. Les diagnostics ne sont pas suffisamment réalisés. Si certains de ces centres ne fonctionnent pas bien, d'autres fonctionnent très bien, un peu comme les plateformes de coordination et d'orientation (PCO). Nous avons besoin de tout le monde et ne pouvons pas nous permettre de rejeter ces centres.

Mme Marion Canalès. - Il est malaisant de devoir se prononcer sur un texte dont l'article central et l'intitulé vont être modifiés.

Au cours des auditions, nous avons constaté un certain attentisme des pouvoirs publics sur le sujet de l'organisation de l'offre de soins. L'appel à projets a été lancé en 2006, le niveau 3 a commencé à se structurer et ces centres ont vécu, bon an mal an, sans être évalués, sans que le ministère de la santé ne se saisisse du sujet.

J'imagine que l'auteur de cette proposition de loi a deux objectifs : dire que le ministère doit se charger de l'organisation de l'offre de soins, mais aussi mettre en avant un acteur dans le code de la santé publique, ce que nous ne pouvons pas accepter. Sans remettre en cause la valeur et les objectifs de cette fondation, on ne peut pas inscrire un acteur plutôt qu'un autre dans le code de la santé publique.

Si nous devons acter le besoin d'organiser l'offre de soins et de débattre du niveau 3, le vecteur de la proposition de loi ne semble pas le plus adapté.

M. Khalifé Khalifé. - Je suis perplexe. La nécessité d'améliorer l'offre de soins en santé mentale est indiscutable et je pense qu'il s'agit de l'esprit sous-tendu par cette proposition de loi.

Cependant, je voudrais revenir à la notion de fondation privée. En effet, je suis un peu traumatisé en la matière, comme beaucoup de collègues du Grand Est. Nous avions été sollicités pour autoriser l'installation de cliniques psychiatriques privées. Celle de Thionville n'a fait qu'aspirer les rares psychiatres de l'hôpital et nous sommes régulièrement obligés d'intervenir pour faire entrer des malades en urgence parce qu'il n'y a pas de places à l'hôpital psychiatrique. L'expérience est donc négative.

Nous attendons impatiemment les amendements pour être rassurés et pouvoir voter le texte.

Mme Anne-Sophie Romagny. - Je suis aussi mal à l'aise avec cette proposition de loi. Nous sommes tous d'accord pour dire que nous avons un problème de diagnostic, qu'il faut un acte fort dans le domaine de la psychiatrie et que nous avons besoin d'organiser une offre de soins adaptée dans nos territoires.

Cependant, je m'interroge sur la méthode. À l'heure où nous parlons sans cesse de financiarisation de la médecine, ne va-t-on pas mettre le doigt dans un engrenage risquant encore de complexifier les choses ? Nous attendons de voir les amendements à l'article 1er.

On parle de la santé mentale comme grande cause nationale depuis le début de l'année. Or nous sommes le 10 décembre, pas grand-chose n'a été fait ; les problématiques restent entières, notamment en matière de diagnostic pour les jeunes adultes. Compte tenu de l'ampleur du travail à mener sur ces sujets et des risques que présente ce texte, je suis assez réservée. Je ne sais pas ce que mon groupe votera ; nous aurons besoin d'une véritable consultation sur le sujet.

Mme Corinne Imbert. - Cette proposition de loi n'est pas la panacée, mais elle a le mérite de mettre ce sujet sur la table, alors que la santé mentale est grande cause nationale pour les années 2025 et 2026.

Ce texte ne répond sans doute pas à tous les problèmes. Cependant, compte tenu de la pauvreté de la psychiatrie et de la pédopsychiatrie dans notre pays, on ne peut pas se priver des moyens des centres experts, qui répondent à des besoins. Par ailleurs, je suis rassurée par le fait que ces centres se trouvent au sein des hôpitaux ; il s'agit d'une garantie pour la qualité du travail mené.

J'ai cosigné cette proposition de loi à laquelle j'ai trouvé un intérêt. J'entends les critiques. Il s'agit de la politique des petits pas, qui nous permet d'avancer malgré tout. En effet, nous ne sommes pas près d'examiner une grande loi santé qui embrasserait cette cause.

M. Alain Milon, président, auteur de la proposition de loi. - Je voudrais d'abord revenir sur la création des centres experts, qui date de 2006. J'ai été contacté par Marion Leboyer, universitaire, professeur de psychiatrie et cheffe de service à l'hôpital Henri-Mondor. Elle estimait que la psychiatrie en France constituait un pan de la médecine qui était particulièrement malade, que les patients mettaient un temps fou à être diagnostiqués et que les traitements mis en place n'étaient pas suffisants pour certains types de maladies. Elle m'a demandé de travailler sur le sujet, ce que j'ai fait. J'ai d'ailleurs été président de la fondation, avant de démissionner, notamment pour me consacrer à la loi de 2009 portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires.

La fondation a vu le jour en 2006 et, contrairement à ce que vous dites, elle n'a pas été créée par des acteurs privés, mais par l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (APHP), avec l'aide du Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), de l'université Paris-Est Créteil, de la Sorbonne et de l'université Paris Cité. Seuls des acteurs publics étaient engagés et les acteurs privés ne sont intervenus que dans le cadre du conseil d'administration et non du financement.

FondaMental a été créée parce que nous estimions qu'il était nécessaire de mettre en place une expertise en psychiatrie et de faire travailler ensemble les experts psychiatres, et parce que les choses étaient compliquées en la matière au niveau de la DGOS et du ministère.

En 2006, l'autisme n'était pas considéré comme une maladie psychiatrique. C'est grâce à la mise en place des centres experts et d'études réalisées à l'étranger que l'autisme a été reconnu comme une maladie.

Je propose ce texte parce qu'il me semble important que les centres experts puissent continuer d'exister et d'apporter leur expertise à l'ensemble des professionnels de santé.

En 2009, dans le cadre de l'Office parlementaire d'évaluation des politiques de santé, qui n'existe plus, j'ai rendu un rapport, La psychiatrie en France : de la stigmatisation à la médecine de pointe, qui identifiait le besoin d'aider la psychiatrie sur l'ensemble du territoire national et le besoin d'expertise pour les maladies les plus graves. Les centres experts paraissaient donc particulièrement utiles.

Chantal Deseyne va proposer une modification de l'article 1er, sur laquelle nous sommes d'accord. Je vous invite à voter ses amendements ainsi que la proposition de loi. Certains disent qu'il faut faire confiance à la DGOS sur le sujet, mais j'attends depuis quinze ans qu'elle fasse quelque chose. J'ai donc décidé d'avancer.

Mme Chantal Deseyne, rapporteur. - J'adhère totalement aux propos d'Alain Milon.

J'espère que la nouvelle rédaction de l'article 1er apportera une réponse satisfaisante à vos interrogations. Elle permettra de retirer la référence aux centres experts et à FondaMental. Ce dont nous avons besoin, c'est d'une gradation des soins et d'un recours de troisième niveau, comme cela existe dans d'autres domaines de la médecine.

La fondation FondaMental est financée par le ministère de la santé et les centres experts sont installés dans les hôpitaux. Quand les centres ne bénéficient pas d'une ligne de financement dédiée du ministère, ils sont financés sur le budget des hôpitaux qui les accueillent. Il s'agit bien de financements publics.

Mme Raymonde Poncet Monge. - Il y a bien des levées de fonds privés ?

Mme Chantal Deseyne, rapporteur. - Oui, mais pour financer les actions de coordination scientifique du réseau assurées par la fondation, et non pour financer le fonctionnement des centres.

Je rappelle que la fondation FondaMental a répondu à un appel à projets. On peut regretter l'absence d'évaluation, mais celle-ci ne relève pas du législateur.

Nous avons tous senti des réticences lors des auditions et nous avons tous reçu des messages de personnes opposées à cette proposition de loi. Cependant, tout le monde reconnaît la nécessité d'une gradation des soins et de l'existence de centres spécialisés.

Lors d'une audition, nous avons entendu un professeur de Tours, qui pilotait un service de psychiatrie et était aussi référent dans un centre expert. Il existe donc déjà une collaboration entre ces centres d'expertise et les praticiens de terrain.

Concernant le périmètre de cette proposition de loi, en application du vade-mecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des présidents, je vous propose de considérer qu'il inclut des dispositions relatives à l'organisation de l'offre de soins de troisième recours en psychiatrie et de la recherche en psychiatrie ; à la coordination des professionnels de santé chargés de la prise en charge des patients atteints de troubles de santé mentale ; à l'information du Parlement, des élus et des citoyens en matière d'accès aux soins de troisième recours ; et de coordination des acteurs chargés de la prise en charge des patients atteints de troubles de santé mentale. En revanche, ne présentent pas de liens, même indirects, avec le texte déposé des amendements relatifs au statut et à l'organisation générale des établissements de santé et de la psychiatrie de secteur ; à la formation et aux conditions d'exercice des professionnels de santé ; à l'organisation de l'offre de soins n'entrant pas dans le champ de la psychiatrie ; et à la gouvernance de la politique de santé mentale.

Il en est ainsi décidé.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er

Mme Chantal Deseyne, rapporteur. - L'amendement COM-1 vise à réécrire l'article. Le rôle des acteurs de la prise en charge de troisième recours, c'est-à-dire des acteurs spécialisés dans la prise en charge de certaines pathologies, est particulièrement important en psychiatrie. Il permet aux psychiatres référents de disposer d'un avis expert complémentaire, démontre de vrais résultats contre l'errance diagnostique et thérapeutique, et contribue activement à la recherche, comme l'atteste le réseau des centres experts en santé mentale.

Considérant que les acteurs assurant une offre de soins de troisième recours doivent être reconnus et dans la mesure où cette offre n'est pas exclusivement assurée par le réseau des centres experts en santé mentale, mais qu'elle implique une diversité d'acteurs, le présent amendement en tient compte dans la nouvelle rédaction proposée.

Il s'agit de compléter l'article L. 3221-1 du code de la santé publique, afin d'indiquer que les acteurs assurant des soins de troisième recours en psychiatrie participent à la mise en oeuvre de la politique de santé mentale, et de préciser à l'article L. 3221-1-1 que la gradation des soins implique la coordination des acteurs intervenant dans le parcours de soins des patients, notamment entre les psychiatres référents et les acteurs assurant des soins de troisième recours, tels que les équipes médicales des centres et des services hospitaliers spécialisés dans la prise en charge de certains troubles psychiatriques.

Enfin, il s'agit de compléter l'article L. 3221-3 du code de la santé publique, en précisant que la psychiatrie de secteur garantit la continuité de soins en orientant si nécessaire les patients vers les équipes médicales qui assurent de soins de troisième recours.

L'amendement COM-1 est adopté.

L'article 1er est ainsi rédigé.

Article 2

Mme Chantal Deseyne, rapporteur. - L'amendement COM-2 vise à réécrire l'article afin d'en simplifier la rédaction et de renforcer l'articulation entre les actions menées par les CPTS et les projets territoriaux de santé mentale (PTSM).

La rédaction proposée vise à compléter l'article L. 1434-12 du code de la santé publique, afin de préciser qu'une CPTS peut être composée « des acteurs chargés de mettre en oeuvre la politique de santé mentale mentionnés à l'article L. 3221-1 », et prévoit de manière plus explicite, au sein d'un nouvel alinéa, que les actions mises en oeuvre par les CPTS dans le champ de la santé mentale s'articulent avec les PTSM.

Mme Marion Canalès. - Je pense à nos débats sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) et me demande dans quelle mesure le dispositif des maisons France Santé aura un impact sur les CPTS.

Mme Corinne Imbert. - C'est bien tout le problème de cette annonce politique concernant les maisons France Santé. Cependant, l'un n'empêche pas l'autre. En tout cas, ce que propose Chantal Deseyne est acceptable.

Mme Raymonde Poncet Monge. - D'après la DGOS, l'article est satisfait. Vous ajoutez juste un élément sur la coordination avec les PTSM.

Mme Émilienne Poumirol. - Le PLFSS tel qu'il est adopté pour l'instant a prévu la mise en place des maisons France Santé. Lors de nos discussions sur le sujet, il apparaissait que les CPTS seraient absorbées par le réseau France Santé. Les CPTS continueront-elles d'exister ? Sur le terrain, la plupart fonctionnent bien et il serait dommage de les perdre. S'il s'agit juste de mettre un panneau « France Santé » sur ces structures existantes, cela ne changera pas grand-chose.

Quel est l'intérêt de cet amendement dans la mesure où, si les CPTS continuent d'exister, la précision apportée n'est pas nécessaire puisque tout le monde peut déjà y adhérer ?

M. Alain Milon, président, auteur de la proposition de loi. - Les maisons France Santé coûtent tout de même 135 millions d'euros.

Mme Anne-Sophie Romagny. - Hier, j'étais au ministère de la santé et j'en ai profité pour interroger le conseiller de Mme Rist sur le dispositif France Santé. Je lui ai fait part de notre surprise d'être informés de l'inauguration d'une maison France Santé alors que le PLFSS n'était même pas voté. Il m'a dit que l'idée était bien de renommer les CPTS. Cependant, s'il ne s'agissait que de cela, un budget aussi important ne serait pas nécessaire.

Mme Laurence Muller-Bronn. - Les CPTS avaient une certaine indépendance ; les professionnels concernés craignent d'être réétatisés et de perdre la main sur leur fonctionnement, alors qu'aujourd'hui ces communautés sont bien ancrées dans leurs territoires.

Mme Chantal Deseyne, rapporteur. - Effectivement, cet article était en partie satisfait. Ce que nous prévoyons, c'est une meilleure coordination entre les CPTS et les PTSM.

En ce qui concerne les établissements France Santé, il s'agit de communication. Les CPTS fonctionnent très bien.

L'amendement COM-2 est adopté. En conséquence, l'amendement COM-4 devient sans objet.

L'article 2 est ainsi rédigé.

Article 3

L'article 3 est adopté sans modification.

Intitulé de la proposition de loi

Mme Chantal Deseyne, rapporteur. - L'amendement COM-3 vise à tirer les conséquences de la nouvelle rédaction de la proposition de loi. Dans la mesure où son objectif est étendu à la reconnaissance du rôle des acteurs assurant une prise en charge de troisième recours, il est proposé d'indiquer dans le titre que cette proposition de loi vise à « reconnaître le rôle des acteurs assurant des soins de troisième recours en psychiatrie ».

L'amendement COM-3 est adopté.

L'intitulé de la proposition de loi est ainsi modifié.

La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.

TABLEAU DES SORTS

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

Article 1er : Inscription des centres experts en santé mentale dans le code de la santé publique

Mme DESEYNE, rapporteur

1

Rédaction globale de l'article 1er visant à reconnaître le rôle des acteurs assurant des soins de troisième recours en psychiatrie

Adopté

Article 2 : Participation des acteurs de la prise en charge des patients atteints de troubles psychiatriques
aux communautés professionnelles territoriales de santé

Mme DESEYNE, rapporteur

2

Rédaction globale de l'article 2 visant à simplifier la rédaction

Adopté

M. CHASSEING

4

Adhésion des centres médico-psychologiques aux CPTS

Satisfait ou sans objet

Proposition de loi visant à intégrer les centres experts en santé mentale dans le code de la santé publique

Mme DESEYNE, rapporteur

3

Modification de l'intitulé

Adopté

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