B. LA PERSISTANCE DE DÉSACCORDS INSURMONTABLES
1. Le rétablissement du décalage de la réforme des retraites
La divergence la plus fondamentale entre le Sénat et l'Assemblée nationale concerne l'article 45 bis, qui prévoit de décaler d'une génération la réforme des retraites de 2023.
Selon le Gouvernement, en 2027 ce décalage coûterait 1,9 milliard d'euros aux finances publiques, sans prendre en compte les pertes de recettes provenant de la moindre activité économique.
Surtout, la commission considère qu'il ne serait pas responsable de contribuer à faire croire aux Français que la France pourrait préserver son modèle social, la soutenabilité de ses finances publiques, son rang dans le monde et son indépendance, tout en aggravant l'une de ses principales pathologies : un PIB par habitant plus faible que dans la plupart des pays d'Europe occidentale, résultant d'un plus faible taux d'emploi, découlant lui-même largement d'un âge plus bas de départ à la retraite.
2. Un texte largement contraire aux propositions faites en juillet 2025 par la majorité sénatoriale
Le Sénat considère, comme lorsque la majorité sénatoriale a fait ses propositions au Premier ministre le 8 juillet 2025, que le rétablissement des finances sociales doit privilégier la maîtrise des dépenses par rapport à l'augmentation des prélèvements obligatoires.
a) La suppression de tout gel des prestations
Ainsi, le Sénat a rétabli l'article 44 (relatif au gel des prestations) - en excluant du gel les retraites inférieures à 1 400 euros et l'allocation pour adulte handicapé (AAH) - ainsi que son corollaire, l'article 6 (qui gèle le barème de la CSG).
Or, ces deux dispositions ont été totalement supprimées en nouvelle lecture par l'Assemblée nationale.
Pour mémoire, le rendement du gel des prestations était de 2,5 milliards d'euros dans le texte initial et de 2,1 milliards d'euros dans le texte adopté par le Sénat en première lecture. Le rendement du gel du barème de la CSG était quant à lui de 0,3 milliard d'euros.
b) Le rétablissement d'une augmentation de la CSG sur les revenus du capital
Par ailleurs, dans sa version adoptée par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, l'article 6 bis majore la CSG sur les revenus du capital de 1,5 milliard d'euros, en créant une « contribution financière pour l'autonomie », affectée à la branche autonomie.
Certes, c'est moins que les 2,8 milliards d'euros résultant du texte adopté par l'Assemblée nationale en première lecture.
Toutefois, la commission considère qu'il convient de réduire le déficit par la maîtrise des dépenses plutôt que par la hausse des recettes.
3. Des dispositions techniquement problématiques
Le texte adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture comprend en outre plusieurs dispositions techniquement problématiques.
On peut mentionner en particulier deux dispositions qui alourdiraient le coût du travail et détruiraient des emplois :
- l'article 5 quater, instaurant un malus sur les cotisations sociales pour les entreprises insuffisamment engagées au sujet de l'emploi des seniors ;
- l'article 8 sexies, réduisant les allégements généraux de cotisations patronales pour les branches dont les minima de salaire sont inférieurs au Smic.
Ces deux articles sont difficilement applicables. L'article 8 sexies pose en outre un problème manifeste d'équité, voire de constitutionnalité. En effet, il conduirait une entreprise appliquant des salaires élevés à être pénalisée du fait du contenu d'un accord de branche qui ne serait pas de son fait.
Si le Sénat supprimait ces articles en nouvelle lecture, il est peu probable que cette suppression serait maintenue par l'Assemblée nationale en lecture définitive6(*).
* 6 En nouvelle lecture, l'Assemblée nationale a rejeté (en seconde délibération de la partie « recettes » du PLFSS) les deux amendements de suppression de ces articles par le Gouvernement.