B. CONCILIER CONCURRENCE ET STRATÉGIE INDUSTRIELLE PENDANT L'INSTRUCTION D'UN DOSSIER

1. Encourager le dialogue avec les directions chargées des politiques industrielle et commerciale pour articuler les leviers

L'absence d'articulation réelle entre les travaux des différents services de la Commission, en particulier dans le cadre de l'instruction des dossiers de concurrence, est l'un des points majeurs soulevés auprès des rapporteurs.

Si la DG Concurrence a assuré être en contact étroit avec les autres services, la DG Marché intérieur (DG Grow) a pourtant indiqué : « Nous sommes consultés aux stades clefs de la procédure, mais pas lors de l'instruction. Ce sont les industriels qui nous tiennent au courant de l'avancée » 121 ( * ) . Aussi bien les représentants des producteurs que des consommateurs ont alerté vos rapporteurs sur l'absence de concertation systématique entre la DG concurrence et les services chargés, en particulier, de la politique commerciale et de la politique industrielle.

En juillet 2019, lors d'une réunion avec ses homologues polonais et allemands, le ministre de l'Économie Bruno Le Maire se faisait l'écho de ces préoccupations, déclarant : « Le temps où ces trois politiques évoluaient séparément est désormais révolu. Il est indispensable de penser ces trois politiques de façon globale pour préserver notre industrie . »

Il paraît regrettable que la DG Concurrence se prive de l'expertise des autres services de l'exécutif européen, alors que l'on mesure bien l'impact sur la concurrence des pratiques commerciales, du dumping ou du soutien à la structuration des filières industrielles. Dans le domaine des aides d'État, par exemple, la mise en oeuvre des PIIEC s'est accompagnée d'un « décloisonnement » des travaux de la DG Concurrence, salué par la DGE et la DG Marché intérieur.

Un rapport récent de la Fondation Schuman propose de séquencer davantage le processus, en faisant déboucher l'instruction par la DG Concurrence sur une simple proposition de décision. Avant d'être examinée par la Commission de manière collégiale - comme actuellement -, cette proposition devrait d'abord être présentée, selon une approche comparative coûts-bénéfices, aux autres directions générales 122 ( * ) .

Pour leur part, les rapporteurs proposent de réunir, de manière systématique, et dès réception par la Commission de la notification d'une opération de concentration, ou dès le lancement d'une enquête relative à des pratiques anticoncurrentielles, les DG Concurrence, Commerce et Marché intérieur. Cette réunion, qui s'inscrirait en outre dans la continuité du travail de cartographie conjointe préalablement réalisée , permettrait d'établir un cadrage commun pour l'instruction par la DG Concurrence. Cette recommandation répond aux préoccupations des opérateurs économiques européens, qui déplorent le manque d'information et d'association aux travaux, l'AFEP ayant par exemple indiqué lors de son audition par les rapporteurs : « L'intervention des autres directions générales est tardive et marginale. Le curseur de la collégialité doit être déplacé . »

La réunion pourrait également donner lieu à la publication, dans le respect de la confidentialité des travaux de la Commission, de documents de cadrage respectifs à chaque Direction générale, qui présenteraient les principaux axes d'analyse et de vigilance de chacune d'entre elles. Sans présager bien sûr de l'issue de l'instruction par la Commission , ces documents permettraient à chaque DG de faire valoir ses interprétations et ses priorités auprès de la DG Concurrence.

Recommandation n° 2 : Réunir de manière systématique, dès réception par la Commission de la notification d'une opération de concentration soumise à une autorisation préalable, ou dès le lancement d'une instruction relative à des pratiques anti-concurrentielles, la DG Concurrence, la DG Commerce et la DG Marché intérieur afin d'établir un cadrage commun pour l'opération envisagée.

Des documents présentant les principaux axes d'analyse des différentes directions générales pourraient être établis à l'occasion de cette réunion puis publiés, dans le respect de la confidentialité des travaux de la Commission.

2. Moderniser les outils d'analyse de la Commission
a) Clarifier et expliciter les composantes du bien-être du consommateur

La politique européenne de concurrence se fonde sur le bien-être du consommateur . Elle cherche en effet à lui éviter toute atteinte qui prendrait la forme d'une hausse des prix, d'une baisse de la qualité du produit ou d'un moindre choix sur le marché à la suite d'un rapprochement entre entreprises, d'une pratique anticoncurrentielle ou de l'octroi d'une aide d'État.

Dans ses lignes directrices sur les concentrations, la Commission indique ainsi que « grâce au contrôle qu'elle exerce sur les opérations de concentration, [elle] empêche la réalisation des opérations qui priveraient les clients de ces avantages » 123 ( * ) (prix modiques, produits de qualité, grand choix de biens et de services, innovation).

Même les exceptions aux différentes interdictions édictées par le traité sont guidées par l'impératif de protection de ce bien-être . En matière d'antitrust, par exemple, sont autorisés les accords et pratiques concertées qui contribuent à améliorer la production ou à promouvoir le progrès technique, mais à la condition qu'ils « réservent aux utilisateurs une partie équitable du profit qui en résulte » 124 ( * ) .

De même, lorsque la Commission détaille la façon dont elle prend en compte les gains d'efficacité pour valider une concentration, elle précise que « tel sera le cas lorsqu'[elle] est en position de conclure, sur la base de preuves suffisantes, que les gains d'efficacité [...] seront à même d'accroître la capacité et l'incitation de l'entité [...] à adopter un comportement favorable à la concurrence au bénéfice des consommateurs ».

Les rapporteurs regrettent le caractère flou et réducteur de la prise en compte du seul critère du bien-être du consommateur :

• il s'agit d'un concept flou et large , qui regroupe pêle-mêle des notions liées au prix, au choix, à l'innovation. Il en découle, d'une part, un risque d'insécurité juridique pour les entreprises, incapables de se fonder sur des précédents cohérents et une doctrine précise en la matière. D'autre part, il octroie une très grande marge de manoeuvre à la DG Concurrence dans son instruction d'un dossier, sans réel contre-pouvoir ;

• ne regarder que le bien-être du consommateur empêche la Commission de prendre en compte d'autres critères découlant des objectifs plus larges assignés aux politiques européennes (compétitivité, emploi, protection de l'environnement et des données personnelles, par exemple). Or ces critères sont devenus impérieux à mesure que la compétition internationale s'est accentuée et que les atteintes à l'environnement se sont multipliées.

À tout le moins, et sans définir à la place de la Commission ce que doivent être exactement les objectifs au regard desquels analyser un dossier , les rapporteurs considèrent qu'elle gagnerait à indiquer plus précisément les composantes du bien-être du consommateur et à envisager l'intégration de critères supplémentaires dans son analyse .

Recommandation n° 3 : Clarifier de façon systématique les composantes du critère du « bien-être du consommateur » au regard duquel la Commission européenne analyse les opérations de concentration et les pratiques anticoncurrentielles.

La Commission devrait également engager des travaux relatifs à l'intégration de nouvelles composantes dans ce critère, comme la compétitivité, le maintien de l'emploi la protection de l'environnement, la protection des données personnelles ou la souveraineté numérique.

b) Allonger l'horizon temporel afin de réellement prendre en compte la concurrence potentielle future

Une décision de la Commission relative à un projet de concentration implique d'étudier l'atteinte potentielle à la concurrence sur un marché sur une période donnée. La période généralement retenue est de deux ans . Or il apparaît clairement aujourd'hui que, dans certains cas, cet horizon temporel est trop court . Par exemple, la probabilité de l'entrée future de concurrents sur le marché européen peut paraître faible à horizon deux ans et forte à horizon cinq ans.

Les rapporteurs rappellent que c ette hypothèse est d'autant plus probable que le soutien public apporté par certains États tiers à leurs entreprises est massif et que le numérique bouleverse les structures de marché à une vitesse record . Dès lors, il ne fait que peu de doute qu'une entrée imminente, à horizon de cinq ans, d'acteurs économiques tiers puisse avoir lieu sur un marché et le déstabiliser alors qu'elle paraissait impensable en un aussi court laps de temps il y a quelques années.

En outre, limiter l'analyse à un horizon court laisse courir le risque que les remèdes structurels exigés par la Commission se transforment en véritable handicap pour la compétitivité d'une entreprise lorsqu'un concurrent pénètre le marché dans les trois ou quatre ans : celle-ci se trouverait d'emblée dans une position de faiblesse.

Allonger l'horizon temporel à cinq ans , lorsque cela est nécessaire, permettrait ainsi de mieux tenir compte de la concurrence potentielle future provenant de nouveaux entrants sur le marché, non-encore présents au moment où l'opération est envisagée.

Les rapporteurs soulignent qu'il s'agit là d'un impératif pour renforcer la souveraineté économique et industrielle de l'Europe . D'autres autorités compétentes en matière de concurrence le font déjà. Les lignes directrices 125 ( * ) sur les concentrations horizontales édictées par le Département de la Justice et la Commission fédérale du commerce aux États-Unis intègrent ainsi explicitement cette possibilité d'une entrée rapide de concurrents étrangers sur le marché. Il est en effet précisé que « les entreprises qui ne produisent actuellement pas dans le marché pertinent, mais qui pourraient vraisemblablement proposer rapidement une offre [...] sans encourir de coût irrécupérable, sont également considérées comme participants au marché ».

Le manifeste franco-allemand pour une politique industrielle adaptée aux enjeux du XXI e siècle publié en 2019 établit le même constat. Il appelle en conséquence à « mieux tenir compte de la concurrence au niveau mondial, de la concurrence potentielle future et du calendrier de développement de la concurrence afin de donner à la Commission européenne plus de flexibilité dans son appréciation des marchés pertinents » 126 ( * ) .

Recommandation n° 4 : Allonger l'horizon temporel retenu par la Commission dans ses analyses, en le faisant passer de deux à cinq ans pour l'ensemble des opérations instruites, sauf exception dûment justifiée.

La Commission devrait en outre clarifier sa doctrine sur le poids qu'elle accorde dans son analyse à la concurrence potentielle future.

c) Définir le marché pertinent en prenant mieux en compte les bouleversements économiques récents

La définition du marché pertinent est une étape fondamentale lors de l'instruction d'un dossier de concentration. Pour rappel, « elle permet de déterminer s'il existe des concurrents réels, capables de peser sur le comportement des entreprises en cause ou de les empêcher d'agir indépendamment des pressions qu'exerce une concurrence effective » 127 ( * ) . C'est à partir de cette définition que sont calculées les parts de marché, et donc le pouvoir de marché d'une entreprise.

Or les lignes directrices de la Commission sur ce sujet datent de 1997 . Comme l'a rappelé la Commissaire européenne en charge de la concurrence, Mme Vestager, dans un discours en décembre 2019 128 ( * ) , « des changements comme la mondialisation et le numérique font que de nombreux marchés ne fonctionnent plus comme ils le faisaient il y a 22 ans ». Si la Commission a procédé à des adaptations dans la façon dont elle délimite les frontières du marché pertinent, la Commissaire constate toutefois que « le temps est venu de revoir les lignes directrices sur la définition du marché . Nous voulons être certains que l'orientation qu'elles apportent soit actualisée et pertinente, et qu'elle permette une approche claire et cohérente des cas de concentration et d'antitrust ».

Deux évolutions fondamentales imposent de faire évoluer ce concept :

• les frontières d'un « marché géographique » ont évolué. Le numérique, le commerce international et l'harmonisation des standards techniques élargissent les possibilités, pour un consommateur, de se tourner vers d'autres producteurs proposant des prix plus bas et d'empêcher, ce faisant, l'entité issue du rapprochement d'augmenter ses prix. Ainsi, en 2002, le marché pertinent retenu était le marché commun (voire plus) dans 50 % des décisions de concentration ; en 2018, ce taux s'élevait à 65 % environ.

De premières pistes de modernisation ont été esquissées par deux économistes mandatés par la Commission 129 ( * ) . Ils rappellent par exemple que la définition du marché pertinent n'est pas une fin en soi mais qu'elle doit rester un outil parmi d'autres, et que la Commission doit gagner en pédagogie et cesser d'apparaître comme exagérant l'importance du critère des parts de marché. Ils invitent également la Commission à clarifier et harmoniser sa doctrine en matière de prise en compte des coûts de transport pour déterminer les frontières d'un marché pertinent 130 ( * ) .

• la nature d'un « marché de produit » a également évolué. Un des outils les plus fréquemment utilisés par la Commission pour définir un marché de produit est le test dit « SSNIP » (en français : augmentation faible mais significative et non transitoire des prix), c'est-à-dire l'étude du comportement du consommateur dans le cas où le prix du produit qu'il utilise augmenterait de 5 à 10 %. Or le développement du numérique a multiplié les produits ou services utilisés gratuitement par un consommateur , ce qui rend inopérant un tel test.

Face à un tel constat, la Commission a innové dans ses pratiques . Dans le dossier Google Android, elle a ainsi étudié la réaction du consommateur en cas de légère baisse de qualité d'Android : le consommateur privilégierait-il Apple ? Elle en a conclu que le degré d'expertise requis pour remarquer le changement, la non-portabilité des données et le prix élevé d'achat d'un smartphone Apple n'entraînerait pas de « passage à la concurrence » de la part du consommateur et que donc Apple ne pouvait être considéré comme un concurrent menaçant effectivement la position dominante de Google.

Cet exemple illustre la nécessité d'une actualisation des méthodes de la Commission en matière de définition du marché pertinent . La constitution de véritables écosystèmes multi-services avec le développement du numérique rend les consommateurs captifs 131 ( * ) . Délimiter un marché pertinent n'en est que plus complexe et faire évoluer les lignes directrices de la Commission que plus urgent.

Quatre États-membres (France, Allemagne, Italie, Pologne) ont explicitement appelé la Commissaire à agir en ce sens, afin « d'assurer une concurrence loyale et non-faussée et d'introduire une plus grande flexibilité, justifiée et raisonnable, afin de mieux prendre en compte les interventions d'États tiers et la concurrence potentielle » 132 ( * ) .

À cet égard, les rapporteurs saluent la consultation publique ouverte par la Commission du 26 juin au 9 octobre 2020 visant à potentiellement mettre à jour la définition du marché pertinent.

Recommandation n° 5 : Actualiser les lignes directrices de la Commission relatives à la définition du marché pertinent afin d'adapter les notions de « marché de produit » et de « marché géographique » à la nouvelle réalité économique.

En particulier, les lignes directrices devraient prendre en compte les bouleversements induits par le développement du numérique qui rend parfois caduques certaines notions comme le prix et en appelle de nouvelles pour appréhender notamment les effets de réseaux ou l'accès aux données.

d) Réagir à la concurrence faussée sur le marché européen en raison de comportements abusifs d'entreprises basées dans des pays tiers

Constatant l'ampleur des distorsions de concurrence causées par des acteurs économiques non régulés sur des marchés tiers, résultant par exemple de pratiques commerciales déloyales comme le dumping , de subventions publiques, ou encore d'un contrôle des concentrations défaillant, les rapporteurs appellent à doter la Commission européenne d'outils supplémentaires et pragmatiques lui permettant de limiter l'impact de ces distorsions sur les entreprises européennes. En complément des évolutions récentes des mécanismes de défense commerciale, la Commission devrait être autorisée à interdire certaines pratiques ou certains comportements, tels que les subventions à des entreprises du marché intérieur ou les acquisitions d'entreprises européennes à des prix manifestement décorrélés de toute rationalité économique.

Certains outils existants répondent, dans certains cas précis, à cet impératif. Par exemple, les remèdes imposés par la Commission en cas de concentration, ou dans le cadre du contrôle des positions dominantes permettent de limiter ces distorsions. Par ailleurs, la réglementation existante en matière de contrôle des investissements directs étrangers (IDE) permet aux États membres de s'opposer à des prises de participation ou acquisitions dans des secteurs stratégiques, dans les limites posées par le cadre européen rénové en 2019. 133 ( * )

La portée de ces outils apparaît toutefois trop limitée, principalement car leur champ d'application est très circonscrit - en-dessous de seuils de valeur en matière de concentrations, ou à certains secteurs « essentiels » dans le cadre de l'autorisation des investissements. En conséquence, un nombre croissant de situations générant des distorsions échappent aux dispositifs existants. En outre, le principe « une politique, un instrument » restreint les motifs pouvant fonder une décision de refus de la Commission. En matière de contrôle des concentrations par exemple, les lignes directrices de la Commission énoncent que celle-ci se borne à rechercher si les concentrations ont pour conséquence de « supprimer d'importantes pressions concurrentielles » ou de changer « la nature de la concurrence de telle sorte que les entreprises qui, jusque-là, ne coordonnaient pas leur comportement, seraient dorénavant beaucoup plus susceptibles de le faire » 134 ( * ) .

Deux exemples récents sont particulièrement parlants. En 2016, la firme innovante de fabrication de robots Kuka a été rachetée par la firme chinoise Midea à une valeur située près de 36 % au-dessus de sa valeur de marché (4,5 milliards d'euros), écartant ainsi tous les acquéreurs potentiels européens 135 ( * ) . N'entrant ni dans le champ d'un contrôle national des IDE, ni dans le champ du contrôle des concentrations, cette acquisition n'aurait pas pu être stoppée, en dépit du fait que l'entreprise, vitrine du plan « Made in China 2025 », reçoit de nombreux financements publics de l'État chinois. En Serbie, l'aciérie de Smederevo, premier producteur d'acier du pays, a récemment été rachetée par l'entreprise géante chinoise Hebei Iron and Steel. Ce pied à terre européen pourrait faciliter l'injection de subventions de l'État chinois sur le marché européen, ce qui constitue une menace pour la concurrence sur le secteur de l'acier. Or, une telle opération, même si elle était tombée dans le champ d'examen de la Commission européenne au titre du contrôle des concentrations 136 ( * ) , n'aurait probablement pas pu être refusée au seul motif de l'impact de ces subventions sur les producteurs européens , puisque la Commission aurait été tenue de considérer la constitution d'un nouvel acteur plus compétitif comme source de concurrence accrue.

Les rapporteurs estiment donc que la Commission européenne doit être dotée de nouveaux outils, qui permettent de combler ces lacunes et de couvrir davantage de situations générant des distorsions.

Une piste explorée par les rapporteurs est la modification des lignes directrices de la Commission, qui pourraient prévoir explicitement la possibilité d'interdire le rachat d'une entreprise européenne par une entreprise tierce subventionnée au motif qu'il est susceptible de fausser la concurrence sur le marché européen . Cette solution répondrait ainsi aux difficultés soulevées par les entreprises européennes. L'AFEP, le MEDEF et la CPME ont par exemple préconisé une telle mesure 137 ( * ) . Selon la Direction générale des entreprises du ministère de l'Économie et des Finances, entendue par le groupe de suivi, « le contrôle des concentrations est celui qui nécessite le plus d'ajustements . » 138 ( * )

Toutefois, sous l'impulsion du Conseil européen, la Commission européenne semble désormais prête à prendre un virage majeur. Dans son livre blanc, publié le 17 juin 2020, relatif à l'établissement de conditions de concurrence égales pour tous en ce qui concerne les subventions étrangères, elle relève effectivement qu'il existe un nombre croissant de cas dans lesquels les subventions étrangères semblent avoir facilité l'acquisition d'entreprises de l'UE ou faussé les décisions d'investissements, les opérations de marché ou les politiques tarifaires de leurs bénéficiaires, ou encore favorisé la soumission d'offres dans une procédure de passation de marchés publics, au détriment des entreprises non subventionnées.

LE LIVRE BLANC DE LA COMMISSION EUROPÉENNE :
TROIS OUTILS INÉDITS POUR RÉDUIRE LES DISTORSIONS DE CONCURRENCE
PROVENANT DE PAYS TIERS ?

Le livre blanc relatif à l'établissement de conditions de concurrence égales pour tous en ce qui concerne les subventions étrangères, publié le 17 juin 2020 par la Commission européenne, prévoit la mise en place d'un nouveau cadre d'action permettant de remédier plus efficacement aux distorsions provenant de marchés tiers. Ce cadre se déclinerait en trois modules :

- le premier permettrait d'identifier, grâce à une surveillance du marché effectuée par la Commission mais aussi les autorités nationales de la concurrence, les situations susceptibles de générer des distorsions au sein du marché unique en raison de subventions étrangères. En cas de distorsion identifiée, et dont l'impact négatif serait supérieur à l'incidence positive pour l'UE, l'autorité pourrait imposer des remèdes tels que des « paiements réparateurs » ou des « mesures correctives de nature structurelle ou comportementale » ;

- le second module viserait plus spécifiquement les opérations d'acquisition de participations dans des entreprises européennes, en veillant à ce que les entreprises subventionnées ne soient pas, par le biais de ces subventions, mises en situation d'avantage indu. Un système de notification préalable de ces subventions à la Commission européenne serait mis en place, dans lequel celle-ci pourrait imposer des engagements ou même interdire l'opération ;

- enfin, le troisième module mettrait en place un mécanisme similaire pour les subventions reçues par les entreprises soumissionnaires de marchés publics . Celles-ci devraient informer les entités publiques adjudicatrices de ces subventions, ces dernières pouvant ensuite exclure l'entreprise en cas de concurrence faussée.

Soumis à consultation jusqu'à la fin du mois de septembre 2020, ce livre blanc pourrait déboucher, au vu de l'ampleur des dispositifs envisagés, sur une évolution sensible de la législation européenne . Il s'agit d'un projet ambitieux, mais dont l'articulation avec la politique antisubventions et avec les mécanismes de filtrage de l'investissement devront être précisés. Les rapporteurs entendent à ce titre soumettre à la Commission européenne une contribution, dans le cadre de la consultation qui vient d'être lancée.

Les rapporteurs soulignent en outre que de tels nouveaux outils, tout comme ceux qui existent déjà, ne seront pleinement efficaces que si une réelle volonté politique amène la Commission européenne à les mobiliser , en dépit de considérations diplomatiques ou d'une relative frilosité juridique. On ne peut que souhaiter qu'une évolution franche du droit sur ce point la conduise à se saisir plus résolument de ses capacités accrues.

Enfin, comme le relèvent une note récente du Conseil d'analyse économique 139 ( * ) , le rapport du Parlement européen précité et les représentants des entreprises entendus par les rapporteurs 140 ( * ) , ces efforts devront bien entendu s'accompagner de la poursuite du dialogue visant à une harmonisation des droits de la concurrence au niveau mondial , y compris une plus grande réciprocité , incluant, par exemple, un égal accès aux marchés publics.

Recommandation n° 6 : Rendre effectives dans les meilleurs délais les propositions du livre blanc de la Commission européenne en adaptant les textes et les lignes directrices de la Commission afin de lutter plus efficacement contre les comportements abusifs constatés sur le marché européen de la part d'entreprises actives dans des pays tiers.

3. Rendre plus flexible l'application du droit européen de la concurrence

Certes le niveau des amendes infligées par la Commission pour sanctionner des ententes et des abus de position dominante a fortement augmenté au cours des dernières années, mais les capacités financières des contrevenants et les délais de mise en oeuvre limitent fortement l'efficacité de ces sanctions .

Pour appréhender les enjeux mondiaux contemporains et appuyer la stratégie industrielle européenne, en particulier en préservant l'innovation, la mise en oeuvre du droit européen de la concurrence doit être plus réactive et mieux adaptée à ces enjeux.

Certaines de ces évolutions peuvent être faites à droit constant, sous réserve d'aménagements des lignes directrices de la Commission. Elles pourraient en outre être facilitées par un assouplissement du cadre réglementaire. Sans compter le développement d'un encadrement a priori, définissant les obligations de certains acteurs et donc les pratiques prohibées, à l'égard tant des consommateurs que des entreprises.

a) Recourir davantage aux mesures provisoires

Pour limiter les effets parfois dévastateurs de la longueur des délais d'enquête et des débats contradictoires qui lui sont nécessaires pour rapporter la preuve d'atteintes à la concurrence résultant d'ententes ou d'abus de position dominante, il apparaît indispensable que la Commission puisse prendre rapidement des mesures conservatoires afin de figer l'état de la concurrence et empêcher le développement des effets destructeurs et irréversibles de ces comportements sur le marché.

Or, le cadre actuel , fixé par l'article 8 du règlement (CE) n° 1/2003, est particulièrement exigeant quant au prononcé de telles mesures . Il impose en effet à la Commission d'effectuer un constat d'infraction prima facie et de rapporter la preuve du caractère irréparable de l'atteinte grave et immédiate qui en résulte pour la concurrence.

Soucieuse de ne pas être sanctionnée par la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE), la Commission privilégie la prise d'engagements, telle que prévue à l'article 9 du règlement 141 ( * ) , mais les délais de mise en oeuvre sont longs car il lui faut d'abord finaliser ses investigations et informer les entreprises concernées de son évaluation préliminaire.

Certaines autorités nationales de la concurrence ont une pratique beaucoup plus aisée des mesures conservatoires , dans le cadre des dispositions prises pour la mise en oeuvre de l'article 5 du règlement (CE) n° 1/2003, qui se contente d'indiquer à cet égard, et donc sans définir de critères, que les autorités nationales de la concurrence doivent être compétentes pour « ordonner des mesures provisoires » 142 ( * ) .

Si l'urgence est toujours un élément déterminant, la caractérisation de la suspicion d'atteinte à la concurrence est en revanche plus on moins exigeante, selon l'interprétation qu'en donnent les autorités et les juridictions qui contrôlent les décisions de ces dernières en la matière. En France, l'article L. 464-1 du code de commerce requiert ainsi la démonstration que la pratique en cause porte « une atteinte grave », - ce qui est moins exigeant que le caractère « irréparable » dont la démonstration est imposée à la Commission européenne par le règlement (CE) n° 1/2003 -, « et immédiate » à des intérêts largement définis : « l'économie générale, celle du secteur intéressé, l'intérêt des consommateurs ou celui de l'entreprise plaignante ». Contrairement à la Commission, l'Autorité de la concurrence française n'a pas à caractériser, à ce stade, les pratiques contestées (ce qu'impose le constat prima facie exigé de la Commission), mais simplement à en apprécier les conséquences.

C'est ainsi que le Conseil de la concurrence puis l'Autorité de la concurrence ont largement recouru à ces mesures depuis 1999 143 ( * ) , d'abord dans les secteurs libéralisés des communications électroniques et de la distribution d'énergie, puis dans le domaine numérique.

Au Royaume-Uni, l' Enterprise and Regulatory Reform Act de 2013 a assoupli les conditions requises pour imposer des mesures conservatoires à des entreprises qui font l'objet d'une enquête par la Competition and Markets Authority. Celle-ci doit simplement qualifier un dommage « significatif », au lieu du dommage « sérieux et irréparable » requis par la législation antérieure. Pour autant, aucune décision imposant de telles mesures n'a été prise depuis lors.

La question des pouvoirs des autorités nationales de concurrence en matière de mesures conservatoires est abordée par l'article 11 de la directive n° 2019/1 du 11 décembre 2018 visant à doter les autorités nationales de la concurrence des États membres des moyens de mettre en oeuvre plus efficacement les règles de concurrence et à garantir le bon fonctionnement du marché intérieur, dite « ECN+ », qui doit être transposée avant le 4 février 2021 144 ( * ) . Afin de limiter les risques actuels de concurrence réglementaire entre les autorités nationales de concurrence, des critères de mise en oeuvre des mesures conservatoires sont dorénavant définis. Ils sont malheureusement repris de l'article 8 du (CE) n° 1/2003 : l'urgence, un préjudice grave et irréparable et un constat prima facie d'infraction aux dispositions des articles 101 ou 102 du TFUE. Il s'agit certes d'une harmonisation minimale, qui n'interdit donc pas aux États membres de retenir des critères moins exigeants permettant de faciliter le recours à de telles mesures, , mais on ne peut que regretter ce caractère restrictif qui préjuge mal d'une évolution à brève échéance sur ce point, même si, lors de son audition par le groupe de suivi, la présidente de l'Autorité de la concurrence a indiqué que la Commission s'était engagée à revenir sur cette question dans les deux ans .

Dans une déclaration annexée à la directive, la Commission indique que « les mesures provisoires constituent potentiellement un outil essentiel permettant aux autorités de concurrence de veiller à ce que la concurrence ne soit pas faussée pendant le déroulement d'une enquête ». Un assouplissement des critères, sur le modèle français, permettrait indubitablement de conférer un caractère effectif à cet outil, dans les États membres comme au niveau européen 145 ( * ) .

Recommandation n° 7 : ordonner effectivement et rapidement des mesures provisoires, dans les conditions prévues par le règlement (CE) n° 1/2003 relatif à la mise en oeuvre des règles de concurrence prévues aux articles 101 et 102 du TFUE pour maintenir la concurrence dès lors que les comportements identifiés sont de nature à lui porter une atteinte grave, irréparable et immédiate.

Assouplir en outre ces conditions fixées par l'article 8 du règlement (CE) n° 1/2003 pour :

- supprimer le standard de preuve du caractère irréparable du préjudice en conservant, dans l'esprit du texte français, le seul risque d'atteinte grave et immédiate ;

- alléger l'exigence de constat prima facie d'infraction, en lui substituant le constat que la pratique relevée risque de porter une telle atteinte,

- élargir le champ des intérêts protégés justifiant des mesures provisoires en ne visant plus seulement l'atteinte aux règles de concurrence mais également, comme en droit français, l'atteinte à l'économie générale, à celle du secteur intéressé, à l'intérêt des consommateurs ou à l'entreprise plaignante.

b) Recourir davantage aux remèdes comportementaux pour éviter les cessions d'actifs stratégiques

Lorsqu'une opération de concentration soulève des enjeux concurrentiels, la Commission peut imposer des remèdes structurels ou accepter des engagements comportementaux qui ont pour objet de modifier l'attitude commerciale des parties à l'opération. Cette dernière approche permet d'éviter des cessions d'actifs pénalisantes pour les entreprises concernées, tout en assurant le maintien d'une concurrence effective.

De tels engagements peuvent également être mis en place en cas de pratiques anticoncurrentielles, à titre provisoire, dès qu'une telle pratique est identifiée, puis dans le cadre de la procédure de transaction. Dans tous les cas, la mise en oeuvre de ces engagements doit faire l'objet d'un suivi attentif, tant pour vérifier que les engagements pris sont effectivement respectés que pour s'assurer qu'ils atteignent l'objectif poursuivi.

En matière de concentration, lorsqu'il apparaît qu'une limitation excessive de la concurrence pourrait résulter du rapprochement d'activités similaires au sein de la nouvelle structure, le recours à des remèdes structurels est indéniablement plus simple. Telle est d'ailleurs la pratique quasi systématique de la Commission, au nom de l'efficacité, appréciée au regard du maintien ou du rétablissement de la concurrence.

Cette approche devrait être assouplie afin de ne pas contraindre systématiquement à des cessions d'actifs au profit des concurrents, en particulier extra-européens . Dès que cela apparaît possible, vos rapporteurs estiment que priorité devrait être donnée à des engagements comportementaux exigeants, de nature à maintenir la concurrence sur le marché considéré.

Le mode d'élaboration de ces engagements doit être particulièrement rigoureux 146 ( * ) . Ils sont proposés par les entreprises qui doivent les appliquer, et élaborés conjointement avec les acteurs du marché concernés, après une étude approfondie de l'environnement concurrentiel prenant notamment en compte la concurrence potentielle . Ils sont en principe publics, sous réserve des secrets d'affaires 147 ( * ) .

Pour que les remèdes comportementaux soient efficaces, il convient qu'ils aient un haut degré d'exigence , qu'ils respectent le principe de proportionnalité , que leur durée soit adaptée à l'évolution prévisionnelle de la concurrence , que leur périmètre territorial et structurel soit précisément défini et qu'ils présentent un caractère aisément vérifiable . Si tel n'est pas le cas, ils doivent pouvoir être révisés , y compris en cas d'évolution des données concurrentielles initiales, ce qui exige la mise en place d'un suivi effectif .

À cet égard, les rapporteurs saluent la proposition formulée par la Commission dans son livre blanc ( cf. supra ) de pouvoir prononcer de telles mesures lorsque la surveillance du marché qu'elle se propose d'exercer conjointement avec les autorités nationales révèle des distorsions de concurrence en raison de subventions étrangères.

Recommandation n° 8 : Pour maintenir une concurrence effective en cas de concentration, préférer aux engagements structurels, dès que cela est possible, des engagements comportementaux précis, exigeants, vérifiables et révisables en tant que de besoin, définis à l'issue d'une analyse approfondie du marché et de la concurrence potentielle, en association avec les acteurs du marché.

La Commission devra mettre en place un suivi rigoureux de l'exécution de ces engagements et de leur pertinence afin de pouvoir sanctionner leur non-respect et les adapter, si nécessaire, aux évolutions du marché.


* 121 Audition par les rapporteurs.

* 122 Competition policy and industrial policy: for a reform of European Law, Fondation Robert Schuman, janvier 2020.

* 123 Lignes directrices sur l'appréciation des concentrations horizontales au regard du règlement du Conseil relatif au contrôle des concentrations entre entreprises (2004/C 31/03), 5 février 2004 .

* 124 Article 101 du TFUE.

* 125 Horizontal Merger Guidelines, U.S. Department of Justice and the Federal Trade Commission , 19 août 2010.

* 126 Manifeste franco-allemand pour une politique industrielle adaptée au XXI e siècle, 19 février 2019.

* 127 Communication de la Commission sur la définition du marché en cause aux fins du droit communautaire de la concurrence, (97/C372/03), 9 décembre 1997 .

* 128 Chillin' Competition Conference, Brussels, 9 décembre 2019.

* 129 A. Fletcher, B. Lyons, Geographic Market Definition in European Commission Merger Control A Study for DG Competition, Centre for Competition Policy, University of East Anglia, Norwich.

* 130 En fonction des coûts de transport, le périmètre du marché pertinent retenu peut différer. Si un produit est particulièrement onéreux à transporter (comme le ciment), il peut raisonnablement être considéré qu'un consommateur s'approvisionnera dans un rayon restreint et non à l'échelle du globe. Par conséquent, la possibilité, de facto , de se tourner vers du ciment chinois ou indien est quasi nulle et le marché pertinent retenu sera local malgré la mondialisation.

* 131 Le Sénat a été précurseur à cet égard en adoptant à l'unanimité, le 19 février 2020, la proposition de la loi présentée par Mme Sophie Primas et plusieurs de ses collègues visant à garantir le libre choix du consommateur dans le cyberespac e.

* 132 Lettre envoyée par les quatre ministres de l'Économie à Mme Margrethe Vestager, le 4 février 2020.

* 133 Le règlement adopté en 2019 (Règlement (UE) 2019/452 du Parlement européen et du Conseil du 19 mars 2019 établissant un cadre pour le filtrage des investissements directs étrangers dans l'Union) permet notamment à la Commission d'émettre un avis sur un investissement constituant une menace pour un ou plusieurs États membres ou à un intérêt de l'Union. Il pose également certaines exigences minimales et harmonisées qui s'appliquent aux mécanismes de filtrage IDE mis en place au niveau national. Il ne s'agit toutefois pas d'un « filtrage européen » à la main de la Commission.

* 134 Lignes directrices de la Commission européenne sur l'appréciation des concentrations horizontales au regard du règlement du Conseil relatif au contrôle des concentrations entre entreprises, 2004 .

* 135 Audition de la DGE.

* 136 Dans ce cas précis, l'examen du rachat de l'aciérie serbe ne relevait pas de la compétence de la Commission européenne, car les seuils de valorisation n'étaient pas suffisants.

* 137 Auditions des rapporteurs.

* 138 Audition au Sénat.

* 139 Concurrence et commerce : quelles politiques pour l'Europe ? , Note n° 51 du Conseil d'Analyse Économique, mai 2019.

* 140 Audition du MEDEF et de la CPME.

* 141 Une trentaine d'engagements ont ainsi été validés par la Commission au cours des quinze dernières années.

* 142 En décembre 2013, les autorités nationales de la concurrence réunies au sein du Réseau européen de la concurrence (REC) ont adopté une recommandation sur le recours aux mesures provisoires, en particulier lorsqu'il est avéré que la décision au fond interviendra trop tardivement pour éviter la disparition des concurrents de l'entreprise qui abusent d'une position dominante ; cette recommandation comporte un certain nombre de suggestions d'harmonisation pour une mise en oeuvre effective de mesures conservatoires.

* 143 Voir notamment le rapport d'information Sénat n° 674 (2016-2017) du 20 juillet 2017 présenté par M. Philippe Bonnecarrère, au nom de la commission des affaires européennes, sur la proposition de résolution précitée de Mme Catherine Morin-Dessailly .

* 144 L'article 61 du projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et à la souveraineté culturelle, en cours d'examen à l'Assemblée nationale, habilite le Gouvernement à procéder à la transposition, dans le code de la consommation, de cette directive, qui est d'harmonisation minimale, ce qui permet à la France de maintenir son cadre actuel.

* 145 La proposition n° 9 du rapport d'information n° 2451 (XV législature), présenté en décembre 2019 par les députés Patrice Anato et Constance Le Grip, au nom de la commission des affaires européennes de l'Assemblée nationale, préconise également de « flexibiliser les conditions de mise en oeuvre des mesures provisoires ».

* 146 Voir sur ce point le récent rapport de l'Autorité de la concurrence, Les engagements comportementaux .

* 147 Art. 20 du règlement 139/2004 du 20 janvier 2004.

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