EXAMEN EN COMMISSION

__________

MERCREDI 15 FÉVRIER 2023

M. François-Noël Buffet , président . - Nous abordons maintenant l'examen du rapport d'information sur les services pénitentiaires d'insertion et de probation (SPIP).

Mme Marie Mercier , rapporteur . - Nous avons le plaisir de vous présenter les conclusions de la mission d'information que nous avons conduite au cours de l'année écoulée afin d'évaluer l'activité des SPIP.

Ces services demeurent peu connus, alors qu'ils jouent un rôle important dans la chaîne pénale. Ils assurent l'articulation entre le « dedans », la prison, et le « dehors », la vie en dehors de la détention. Ils assument d'abord une mission d'aide à la décision auprès des magistrats en leur apportant des informations sur les personnes placées sous main de justice. Ils sont également chargés de contrôler le respect des obligations imposées par le juge, par exemple dans le cadre d'un contrôle judiciaire ou d'un sursis probatoire. Enfin, ils travaillent à prévenir la récidive et à favoriser la réinsertion. Ils sont en quelque sorte une tour de contrôle.

Alors pourquoi évaluer les SPIP ? Ces services ont bénéficié de renforts substantiels depuis bientôt dix ans. Entre 2014 et 2023, leurs effectifs sont passés de 4 000 à 6 700 agents. La création d'un millier de postes a été décidée en 2014 par le gouvernement de Jean-Marc Ayrault, puis la loi de programmation pour la justice 2018-2022 a autorisé 1 500 embauches supplémentaires. S'y est ajoutée une revalorisation statutaire puisque le corps des conseillers pénitentiaires d'insertion et de probation (CPIP) est passé de la catégorie B à la catégorie A de la fonction publique en janvier 2019. Un bilan d'étape nous a donc semblé utile afin d'apprécier l'impact de cet effort budgétaire et d'estimer s'il demeure des besoins insatisfaits.

Trop souvent, l'activité des SPIP est évoquée à l'occasion d'un drame, par exemple si une personne condamnée commet un nouveau crime après une libération conditionnelle. Les CPIP vivent mal ces mises en cause répétées, et il a nous a paru important de procéder à une évaluation plus objective et dépassionnée de leur activité. Ces agents sont extrêmement investis dans leur métier.

On dénombre aujourd'hui 104 SPIP, en métropole et en outre-mer, les services étant organisés à l'échelle du département ou de la collectivité. Le directeur du SPIP est placé sous l'autorité du directeur interrégional des services pénitentiaires et dépend, au niveau central, de la direction de l'administration pénitentiaire (DAP), plus particulièrement de la sous-direction en charge de l'insertion et de la probation. Au sein de chaque département, le SPIP peut compter des antennes, dédiées à un ou plusieurs établissements pénitentiaires, au milieu ouvert ou à compétence mixte. La structuration des services a beaucoup progressé depuis une vingtaine d'années, la création, en 2005, du corps des directeurs pénitentiaires d'insertion et de probation (DPIP) marquant une étape importante dans ce processus, de même que la création récente d'organigrammes de référence.

Mme Laurence Harribey , rapporteure . - Marie Mercier vient de rappeler que les SPIP avaient bénéficié d'importants recrutements. La quarantaine d'auditions auxquelles nous avons procédé ont cependant montré qu'ils avaient connu une transformation profonde de leur métier qui va bien au-delà de cet aspect quantitatif.

Les SPIP sont nés assez récemment, en 1999, de la fusion des comités de probation et d'assistance aux libérés et des services socio-éducatifs qui intervenaient dans les établissements pénitentiaires. À l'origine, leur activité s'inscrivait donc dans le champ du travail social et éducatif, ce qui n'est plus vraiment le cas aujourd'hui. La culture socio-éducative reste néanmoins encore très présente.

Sous l'influence de la recherche menée dans les pays anglo-saxons - la France était à la traîne sur ce sujet -, l'activité des CPIP a en effet évolué pour s'ancrer désormais dans la criminologie. On est passé d'une mission socio-éducative à une mission d'évaluation du risque de récidive. Après le diagnostic sur ce risque, le CPIP élabore un programme de prévention de la récidive, avec des actions individualisées. Le recrutement des CPIP s'est modifié en conséquence, faisant désormais la part belle aux juristes, de même que les enseignements dispensés par l'École nationale d'administration pénitentiaire (Enap).

Au sein du corps des CPIP, coexistent aujourd'hui deux cultures professionnelles : les plus anciens se considèrent encore comme des travailleurs sociaux et regrettent l'évolution de leur métier, les plus jeunes se perçoivent comme des psychologues-criminologues. La tendance est la même dans les pays anglo-saxons et nordiques.

Si l'on dresse un premier bilan des transformations que nous venons d'esquisser, on relève un certain nombre de résultats positifs. Malgré l'augmentation du nombre de personnes détenues et du nombre de personnes suivies en milieu ouvert, les recrutements effectués ont permis de faire diminuer le nombre de dossiers suivis par chaque CPIP, passé de 80 il y a cinq ans à environ 70 aujourd'hui, avec d'importantes différences territoriales. Le renforcement des SPIP a par ailleurs accompagné la montée en puissance de la surveillance électronique.

Les juges de l'application des peines (JAP) perçoivent une amélioration de la qualité des écrits qui leur sont remis. La direction de l'administration pénitentiaire a mis en place un référentiel des pratiques opérationnelles (RPO 1), une méthodologie importée des pays anglo-saxons, qui a contribué à harmoniser les pratiques des professionnels, même s'il ne faut pas tomber dans une systématisation des pratiques et faire disparaître la dimension humaine. Les SPIP se sont investis avec succès dans la lutte contre la radicalisation et contre les violences intrafamiliales.

Certains de nos interlocuteurs ont toutefois exprimé un jugement plus critique. L'Association nationale des visiteurs de personnes sous main de justice a ainsi déploré que trop de sorties de détention restent insuffisamment préparées. Le Conseil national des barreaux (CNB) a également regretté que les rapports remis par le SPIP au juge de l'application des peines soient transmis trop tardivement à l'avocat, ce qui ne lui ne permet pas de préparer convenablement la défense de son client. Le CNB a perçu des lacunes concernant la maîtrise du droit des étrangers chez certains conseillers pénitentiaires d'insertion et de probation.

Il est difficile d'apprécier si l'effort consenti en faveur des SPIP a eu un impact sur la récidive. La direction de l'administration pénitentiaire est consciente de cette difficulté et elle souhaite désormais bénéficier d'outils méthodologiques pour appréhender la récidive sur la base d'une comparaison avec un groupe de contrôle, ce qui permettrait de mieux évaluer l'efficacité des peines et de la probation.

Dans ce contexte, nous croyons utile de renforcer pendant encore quelques années les effectifs des SPIP, en veillant à garantir la pluridisciplinarité des équipes. Les recrutements opérés jusqu'à présent ont permis de remédier aux manques les plus criants, sans que la situation devienne pour autant confortable.

Nous proposons de viser un ratio de 60 dossiers par CPIP en moyenne - je rappelle que nous en sommes plutôt à 70, voire plus dans certains territoires. Ce ratio est souvent cité comme une référence dans les comparaisons européennes. Le recrutement de 600 CPIP supplémentaires permettrait d'atteindre cet objectif. L'investissement peut être source d'économies s'il permet d'obtenir de meilleurs résultats en termes de réinsertion. Il doit bien sûr s'accompagner d'une politique immobilière adaptée. Lorsque je me suis rendue au SPIP de Bordeaux dans mon département de la Gironde, j'ai constaté que les conditions n'étaient pas optimales.

Se pose aussi la question de l'attractivité de la filière : si le statut des CPIP a été revalorisé avec leur passage en catégorie A, le métier de directeur pénitentiaire d'insertion et de probation (DPIP) demeure en revanche insuffisamment attractif. L'an dernier, plus de 90 postes de DPIP étaient vacants. Les directeurs constatent que l'écart de rémunération avec les CPIP s'est beaucoup réduit. La personnalité du directeur et sa capacité à faire travailler ensemble une série de métiers sont également des facteurs importants. Une revalorisation de leur traitement indiciaire pour le rapprocher des A+ mérite d'être envisagée. Son impact budgétaire serait modique puisque l'on compte moins de 500 DPIP en équivalent temps plein.

J'ai évoqué le tournant vers la criminologie qui a fait évoluer les pratiques professionnelles des CPIP. Pour porter ses fruits, il doit s'accompagner à notre sens d'une véritable pluridisciplinarité dans les services. Il ne faut pas oublier l'aspect insertion et accompagnement social, ce qui suppose la mise en place d'un écosystème d'acteurs. À Marseille, nous avons vu que tous les acteurs étaient réunis autour de la table, chacun dans son rôle.

L'ancrage de l'identité professionnelle des CPIP dans le champ pénal implique, en contrepartie, le recrutement d'assistants de service social. Leur nombre dans les SPIP est passé en cinq ans de 61 à 104. En moyenne, on en compte donc à peine plus d'un par département ! L'objectif serait de porter le nombre d'assistants de service social à 150.

Les personnes entendues ont en outre insisté sur l'importance des fonctions support. Certaines organisations syndicales plaident pour la création d'un greffe des services d'insertion et de probation. Nous n'avons pas retenu cette proposition - d'autant que nous manquons déjà de greffiers -, mais il nous paraît important de rappeler la nécessité de disposer dans les SPIP d'un personnel administratif bien formé, afin que les conseillers puissent se concentrer sur leur coeur de mission.

Enfin, il nous faut évoquer l'apport des surveillants pénitentiaires au fonctionnement des SPIP. Leur présence est indispensable : ils apportent un regard complémentaire de celui du CPIP sur le comportement de la personne condamnée qu'ils observent au quotidien.

J'évoquerai à présent les questions d'organisation avant de rendre la parole à Marie Mercier qui traitera de l'enjeu central des partenariats.

Au cours des États généraux de la justice a été débattue l'idée de créer une agence de la prévention de la récidive et de la probation. Cette proposition était défendue par le groupe thématique « justice pénitentiaire et de réinsertion », mais elle n'a pas été retenue dans le rapport définitif, le rapport Sauvé.

Pour ses promoteurs - je pense notamment à Isabelle Gorce, ancienne directrice de l'administration pénitentiaire -, la création d'une agence présenterait plusieurs avantages : souplesse dans l'organisation et le recrutement, positionnement interministériel plus affirmé et « décentrage » par rapport au poids de la gestion carcérale. Mais, selon nous, elle ferait aussi courir le risque d'une coordination plus difficile avec la DAP et celui d'une moindre continuité entre le milieu fermé et le milieu ouvert, ce qui explique que nous ne l'ayons pas retenue.

Plutôt qu'un grand « mécano » institutionnel, nous insistons sur l'importance du travail interministériel, qui doit être organisé au niveau national et décliné localement. En mars 2022, une feuille de route a été signée par le ministre de la justice, la ministre du travail et la ministre déléguée à l'insertion pour accompagner la réinsertion professionnelle des personnes placées sous main de justice, ce qui est un exemple de bonne pratique.

Nous soulignons également l'intérêt qu'il y aurait à resserrer les liens entre l'administration pénitentiaire et le monde universitaire pour développer la recherche en criminologie, ainsi que l'évaluation des politiques pénales.

Mme Marie Mercier , rapporteur . - Le dernier volet de notre étude est consacré aux relations qu'entretient le SPIP avec l'autorité judiciaire, avec les associations socio-judiciaires et avec ses partenaires dans le champ de l'emploi et de l'insertion. Le SPIP doit préparer la sortie, sur le plan tant du logement que de l'emploi.

C'est avec le juge de l'application des peines (JAP) que le SPIP travaille le plus étroitement, notamment pour préparer les mesures d'aménagement de peine. La loi « Justice de proximité » du 8 avril 2021 a transféré au directeur pénitentiaire d'insertion et de probation certaines tâches assumées jusque-là par le JAP, en ce qui concerne la mise en oeuvre des peines de travail d'intérêt général. D'autres ajustements de ce type seraient à notre avis envisageables, ce qui allégerait la charge de travail des JAP tout en donnant davantage de responsabilités aux DPIP.

Avec le juge d'instruction, les interactions sont plus ponctuelles : le SPIP peut être amené à réaliser à sa demande une enquête sociale ou à mettre en oeuvre une mesure de sûreté. Les juges d'instruction que nous avons entendus nous ont cependant alertées sur la nécessité de mieux sensibiliser les CPIP aux contraintes propres à l'instruction, qui imposent le respect d'un certain formalisme pour qu'un document puisse être soumis au contradictoire. C'est un point sur lequel la formation des CPIP pourrait donc être améliorée.

Pour resserrer les liens entre le SPIP et la formation de jugement, nous vous proposons également d'expérimenter une permanence du SPIP auprès du tribunal correctionnel, ce qui permettrait d'amorcer sans délai le suivi du condamné dès le prononcé de la peine.

L'activité d'insertion et de probation se caractérise par la coexistence d'un secteur public - les SPIP - et d'associations socio-judiciaires de droit privé, qui peuvent se voir confier les mêmes missions. Nous avons observé que la relation entre ces deux catégories d'acteurs était parfois empreinte de méfiance alors qu'ils poursuivent le même objectif.

Historiquement, le secteur associatif est surtout présent sur le pré-sentenciel, et les SPIP sur le post-sentenciel. Au moment de l'adoption de la loi de programmation pour la justice, la Chancellerie avait pour ambition de repositionner les SPIP sur le pré-sentenciel, notamment en leur confiant plus d'enquêtes sociales rapides, mais cette orientation semble avoir été appliquée de manière très inégale sur le territoire au vu des témoignages que nous avons recueillis.

Nous avons réfléchi à ce qui pourrait constituer une répartition des tâches optimales entre le secteur public et le secteur associatif, mais nous avons rapidement rencontré un écueil : le tissu associatif étant très hétérogène selon les territoires, il ne nous paraît pas réaliste d'appliquer de manière rigide une formule unique.

En revanche, pour renforcer la confiance entre les acteurs, nous pensons qu'il serait judicieux de mettre en place une habilitation des associations, sur le modèle de ce qui existe pour la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ). Une telle habilitation, renouvelée régulièrement, apporterait aux magistrats la garantie de la qualité de la prise en charge et de la probité des personnels exerçant au sein de ces structures.

Par ailleurs, je crois utile d'évoquer les partenariats tissés entre les SPIP et les acteurs de l'insertion, de la formation et de l'emploi. Le SPIP a besoin de s'appuyer sur des partenaires extérieurs pour construire des parcours cohérents et faire le lien entre le milieu fermé et le milieu ouvert.

Dans le champ de l'insertion, nos interlocuteurs ont souligné que la question de l'accès à un logement à la fin de la détention restait souvent problématique. Les SPIP devraient travailler plus en amont avec les services intégrés d'accueil et d'orientation (SIAO). Un recours plus fréquent au placement à l'extérieur permettrait également d'organiser des transitions plus fluides entre la détention et la fin de la peine. Il faut préparer la sortie et éviter la récidive.

Concernant le service public de l'emploi, nous avons observé que les rapports avec Pôle emploi étaient anciens et structurés, tandis que le partenariat avec les missions locales paraît quelque peu négligé. La convention entre l'Union nationale des missions locales et le ministère de la justice, arrivée à échéance en 2020, n'a jamais été renouvelée. Conclure une nouvelle convention serait une bonne manière de relancer le partenariat au service de la réinsertion des jeunes placés sous main de justice.

Dans le champ de la formation, les échanges que nous avons eus avec Régions de France suggèrent que les rapports entre les SPIP et les conseils régionaux demeurent très disparates selon les territoires. Si en Auvergne-Rhône-Alpes des échanges existent au quotidien entre le SPIP et le référent formation à la région, dans d'autres territoires les rapports se résument à quelques réunions d'information dans l'année. Beaucoup reste donc à faire alors que le nombre de personnes détenues bénéficiant d'une formation a baissé depuis le transfert de cette compétence aux régions, passant de 20 000 en 2007 à 9 000 aujourd'hui. Une dégringolade, alors même que les formations sont bien suivies par les détenus !

Un élément transversal qu'il me paraît important de mentionner pour terminer concerne l'accès au numérique en détention. Alors que le numérique est partout présent dans nos sociétés, il est paradoxal de vouloir préparer la sortie de détention en interdisant l'utilisation d'internet. Les CPIP sont tentés de responsabiliser les personnes détenues en leur faisant accomplir seules certaines démarches, mais l'absence d'accès à internet a au contraire pour effet de les rendre dépendantes de leur CPIP. La recherche d'emploi, le suivi d'une formation sont également compliqués. Désireuse d'avancer sur ce sujet, la DAP mène une expérimentation dans plusieurs établissements pénitentiaires. Sans méconnaître les enjeux en termes de sécurité, nous espérons que cette expérimentation sera concluante et que l'accès au numérique pourra être élargi dans l'ensemble des établissements.

Mme Laurence Harribey , rapporteure . - Pour conclure cette présentation, j'aimerais replacer notre objet d'étude dans le contexte plus général de notre politique pénale.

Il va sans dire que les efforts consentis pour remédier aux sous-effectifs dans les SPIP seront de peu de portée si le nombre de personnes emprisonnées ou suivies en milieu ouvert continue d'augmenter. Il est difficile, quelle que soit la bonne volonté des personnels, d'accompagner vers la réinsertion les personnes détenues lorsque le taux d'occupation de l'établissement pénitentiaire atteint 150 % ou 200 %, comme dans la prison de Gradignan.

Les courtes peines de prison sont particulièrement difficiles à gérer pour le SPIP, car elles ne permettent pas d'amorcer un véritable travail de réinsertion. Dans ce cas, le risque est grand que la prison fonctionne surtout comme une école de la délinquance. La loi de programmation pour la justice comportait un « bloc peine » qui avait pour ambition de réduire le nombre de courtes peines d'emprisonnement. À ce jour, le bilan que l'on peut en dresser est décevant : le rapport Sauvé indique que le prononcé de peines comprises entre un et six mois d'emprisonnement est devenu moins fréquent, mais que le nombre de peines entre six mois et un an a augmenté en parallèle, entraînant un allongement de la durée moyenne des courtes peines.

Nous ne pourrons faire l'économie à terme d'une évaluation de ces dispositions qui conditionnent en grande partie le succès ou l'échec de nos efforts en matière de réinsertion et de probation. D'où nos dix propositions, que nous avons organisées en deux chapitres : la poursuite de l'investissement en veillant à garantir la pluridisciplinarité des services ; des services au coeur d'un réseau d'acteurs.

M. François-Noël Buffet , président . - Merci pour ce travail précis.

M. Alain Marc . - Je félicite les rapporteures pour leur travail. Leurs conclusions corroborent ce que nous constatons régulièrement lors de la préparation de l'avis budgétaire sur l'administration pénitentiaire. Je pense particulièrement à la question de l'évaluation, qui est, pour l'ensemble des politiques publiques, nettement insuffisante. D'autant que l'évaluation est souvent conduite en interne, par le ministère de la justice... Il faudrait prendre exemple sur les pays anglo-saxons, dans lesquels l'évaluation est faite de façon régulière et approfondie.

S'agissant de la politique immobilière, le ministère loue, quelquefois à des prix exorbitants, des locaux, pas forcément toujours adaptés. Pourriez-vous m'apporter des précisions sur ce point ?

Lors de ma visite de l'Enap l'année dernière, le problème du faible nombre de candidats au concours de surveillant pénitentiaire avait été évoqué. La situation est-elle la même pour les CPIP ? Disposez-vous de chiffres pour 2022 ?

Mme Brigitte Lherbier . - Je connais bien le sujet pour avoir dirigé un Institut d'études judiciaires pendant vingt-cinq ans. La criminologie est une matière intellectuellement passionnante, que les étudiants suivaient pour préparer les concours de la magistrature ou de commissaire de police. Mais ils ne souhaitaient pas en faire leur métier, car ils avaient du mal à trouver ensuite des postes correspondant à leur niveau de formation.

Les SPIP font peur ! À Tourcoing et à Roubaix, nous avons mis en place de nombreux chantiers d'insertion et des travaux d'intérêt général, en lien avec les SPIP. La collaboration avec les JAP permet de trouver les meilleurs candidats à la réinsertion. Même en faisant preuve d'une grande volonté, il est toutefois très difficile de trouver des places pour les anciens détenus en raison de la frilosité et des craintes de ceux qui pourraient les accueillir.

M. Alain Richard . - Je salue la qualité du travail de nos collègues. L'une de leurs recommandations me paraît particulièrement judicieuse, celle de prévoir l'agrément des associations. Le chemin est escarpé : dans notre pays, le droit des associations est une vache sacrée !

Les associations péri-administratives sont devenues une technique de gestion de services publics dans un certain nombre de domaines socio-éducatifs. Ce sont des associations sans associés : le noyau des intervenants est constitué de personnes respectables, souvent issues du milieu professionnel, comme des procureurs ou des avocats à la retraite. Évaluer ces personnes pour déterminer de la pertinence d'une association relève de la fiction ! Le mécanisme d'agrément permettrait en réalité de faire une inspection du personnel salarié. Si une telle disposition était inscrite dans la loi, les termes choisis devront être bien pesés. Avons-nous des précédents d'homologations d'associations de ce type ? Le contrôle devrait porter sur la réalité de la prestation de service.

M. Guy Benarroche . - Je remercie les rapporteures pour l'exhaustivité de leur travail. Les SPIP ont un rôle majeur pour éviter la récidive et réinsérer les personnes qui sortent de détention.

À Marseille, les CPIP suivent une centaine de dossiers, bien au-delà de la moyenne nationale. De nombreux personnels quittent leur poste, et les budgets alloués ne sont pas suffisants.

Le rapport Sauvé préconisait de revaloriser les DPIP pour les rapprocher des A+. Leur maintien en catégorie A, comme les CPIP, pose problème pour l'évolution de carrière de ce corps. Le garde des Sceaux avait envisagé une mise en place de cette mesure de revalorisation en 2023 ou 2024. Avez-vous des éléments d'information sur ce sujet ?

Mme Catherine Di Folco . - Je remercie les rapporteures pour leur travail très fourni.

De nombreuses préconisations ont des conséquences financières. Quelle serait l'enveloppe financière nécessaire pour leur mise en oeuvre ?

Mme Laurence Harribey , rapporteure . - Sur l'évaluation, nous sommes tous d'accord ! Certains analystes disent qu'une politique publique est là non pour résoudre un problème, mais pour révéler la manière selon laquelle on envisage ce problème. L'évaluation de notre politique pénale montrerait qu'on accorde davantage d'importance à la question pénitentiaire qu'à la prévention de la récidive. Le rapport Sauvé est intéressant car il ouvre d'autres champs de perception.

En ce qui concerne la politique immobilière, j'ai constaté à Bordeaux que les locaux étaient également loués, à des tarifs élevés. Le déménagement est repoussé d'année en année. L'argument souvent invoqué est celui de la flexibilité qu'offrirait une location, qui permet de s'adapter aux besoins.

S'agissant du dernier concours externe de CPIP, le nombre d'inscrits était de 2 332, mais 842 candidats seulement étaient présents aux épreuves : 410 admissibles, et 211 admis. La sélection est bonne si on la rapporte au nombre d'inscrits, moins si on la compare au nombre de candidats ayant réellement passé l'épreuve.

M. Alain Marc . - Le tamis a de larges mailles !

Mme Laurence Harribey , rapporteure . - Le passage en catégorie A a tout de même amélioré l'attractivité du métier. Nous n'avons pas d'information précise sur la revalorisation du statut des directeurs.

Mme Marie Mercier , rapporteur . - Je partage la réflexion de Brigitte Lherbier. Comment donner envie de faire le métier de CPIP ?

Monsieur Richard, en ce qui concerne l'agrément, il faudrait s'inspirer du mécanisme d'habilitation pour les associations intervenant dans le champ de la PJJ et de l'aide sociale à l'enfance (ASE). Les sachants qui occupent leur retraite dans les associations s'octroient en quelque sorte un mandat à vie.

M. Alain Richard . - Heureusement qu'ils sont là !

Mme Marie Mercier , rapporteur . - Oui, et nous en sommes ravis. Mais ils ne doivent pas, j'y insiste, s'octroyer un mandat à vie.

Mme Laurence Harribey , rapporteure . - L'agrément permettrait de prévoir des critères d'évaluation, et présenterait l'avantage d'être valable pour une certaine durée, par exemple cinq ans. Il est bon de devoir rendre des comptes.

Nous n'avons pas d'éléments précis sur le chiffrage financier de nos propositions.

Mme Marie Mercier , rapporteur . - Nous attendons la réponse de la DAP que nous avons interrogée à ce sujet.

Mme Laurence Harribey , rapporteure . - Nous avons été passionnées par le sujet, mais nous devons rester humbles. Il s'agit d'un rapport d'étape, et nous ne proposons pas de faire une révolution institutionnelle. La commission des lois doit continuer à suivre ce sujet, car nous assistons à un changement important du métier.

Mme Marie Mercier , rapporteur . - Il faudrait faire un effort budgétaire, mais il serait modeste au regard de l'objectif, éviter la récidive. Les directeurs savent que certains détenus qui sortent risquent de retourner en prison. Comme l'a dit l'une des personnes que nous avons entendues, il ne faut pas construire de prisons sinon elles se remplissent... Nous avons visité le centre pénitentiaire des Baumettes-II : alors qu'il venait d'être inauguré, il était déjà plein !

M. François-Noël Buffet , président . - Dans le cadre des États généraux de la justice, nous avons fortement insisté non seulement sur l'importance de prévoir les moyens humains, matériels et financiers nécessaires pour permettre aux SPIP d'accomplir leurs missions, mais également sur la nécessité d'une évaluation.

Les recommandations sont adoptées.

La commission adopte le rapport d'information et en autorise la publication.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page