M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 2, 5 rectifié et 7.

(Les amendements sont adoptés.)

M. le président. En conséquence, l'article 3 est supprimé.

Les trois articles de la proposition de loi ayant été successivement rejetés par le Sénat, je constate qu'un vote sur l'ensemble n'est pas nécessaire, puisqu'il n'y a plus de texte.

En conséquence, la proposition de loi n'est pas adoptée.

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à douze heures trente, est reprise à douze heures trente-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

Article 3 (début)
Dossier législatif : proposition de loi visant à se libérer de l'obligation alimentaire à l'égard d'un parent défaillant
 

2

 
Dossier législatif : proposition de loi visant à garantir un cadre fiscal stable, juste et lisible pour nos micro-entrepreneurs et nos petites entreprises
Article 1er

Cadre fiscal stable, juste et lisible pour nos micro-entrepreneurs et petites entreprises

Adoption définitive d'une proposition de loi dans le texte de la commission

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, visant à garantir un cadre fiscal stable, juste et lisible pour nos micro-entrepreneurs et petites entreprises (proposition n° 677 (2024-2025), texte de la commission n° 26, rapport n° 25).

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. Serge Papin, ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat, du tourisme et du pouvoir d'achat.

M. Serge Papin, ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat, du tourisme et du pouvoir d'achat. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je me présente aujourd'hui devant vous avec beaucoup d'humilité, d'autant qu'il s'agit de ma première intervention dans cet hémicycle.

Compte tenu de l'heure, je propose que nous fassions preuve d'esprit de synthèse pour ne pas faire durer trop longtemps le supplice de Tantale… (Sourires.)

Ce qui me guide aujourd'hui dans mon intervention, c'est l'intérêt général. Or, même sur ce dossier complexe, qui a occupé les débats en 2025, avec de nombreux allers-retours entre les différentes parties prenantes, il me semble que l'intérêt général passe par la recherche d'un compromis.

Le Gouvernement porte précisément une position équilibrée, qui traduit les attentes et les préoccupations des uns et des autres, exprimées ces derniers mois, en particulier lors de la grande concertation organisée par ma prédécesseure, la ministre Véronique Louwagie.

Permettez-moi de commencer par rappeler rapidement la genèse de la réforme de la franchise en base de TVA.

La mesure adoptée dans le cadre de la loi de finances pour 2025, à savoir l'abaissement de tous les seuils à 25 000 euros, n'est pas née d'une vision technocratique. Elle répondait à une demande forte et ancienne de nombreux acteurs économiques, qui dénonçaient, depuis des années, une distorsion de concurrence manifeste entre les entreprises qui sont soumises à la TVA et celles qui bénéficient de la franchise.

Cette réforme avait également été portée, je tiens à le souligner, par plusieurs initiatives parlementaires de différents bords politiques. Elle n'entraînait aucune remise en cause du régime simplifié et fiscalement avantageux des micro-entrepreneurs. Elle visait simplement à en adapter les seuils dans un contexte économique français et européen en pleine mutation.

Le gouvernement de l'époque a entendu les inquiétudes des micro-entrepreneurs qui se sont sentis fragilisés, mais aussi celles des parlementaires et des fédérations professionnelles. Le Gouvernement n'a pas ignoré ces voix et a choisi de suspendre l'entrée en vigueur de la réforme par voie d'instruction ministérielle, puis d'ouvrir une large concertation. Une cinquantaine d'organisations ont été consultées : des fédérations, des syndicats professionnels et des représentants des auto-entrepreneurs, mais aussi des parlementaires.

Trois constats ont émergé de cette consultation.

Premièrement, une majorité d'acteurs économiques soutiennent la réforme introduite en loi de finances, en particulier les fédérations du bâtiment, la Confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment (Capeb) et la Fédération française du bâtiment (FFB), pour lesquelles il s'agit d'une demande urgente. Ces acteurs rappellent que les distorsions de concurrence sont particulièrement sensibles dans les secteurs à forte intensité de main-d'œuvre locale.

Deuxièmement, d'autres organisations ont exprimé une opposition, qu'elle soit symbolique, par attachement au modèle de l'auto-entrepreneuriat, ou économique.

Troisièmement, et enfin, de façon plus pragmatique, de nombreux acteurs, sans s'opposer à l'esprit de la réforme, ont proposé des ajustements pour mieux en cibler les effets. L'idée d'un seuil à 37 500 euros, plus équilibré, a été largement partagée.

Fort de ces échanges, le Gouvernement a défini une nouvelle orientation, que nous avons inscrite dans le cadre du projet de loi de finances pour 2026. Cette orientation repose sur trois principes.

Le premier est la simplicité, avec un seuil commun à 37 500 euros pour l'ensemble des prestations de services et de vente de biens, soit une forte augmentation par rapport au seuil de la réforme initiale, qui, je le rappelle, était de 25 000 euros. Ce retour à 37 500 euros signifie que la situation ne change pas pour un grand nombre de micro-entrepreneurs ; ainsi en va-t-il pour les prestations de services, notamment dans le secteur des services à la personne.

Le deuxième principe est l'équité, avec un seuil abaissé à 25 000 euros pour les acteurs du bâtiment. Je rappelle que cela est réclamé par les syndicats professionnels du bâtiment, qui sont particulièrement exposés à la concurrence des entreprises étrangères, dans un cadre européen réformé qui, du reste, n'est pas aussi bienveillant que nous le sommes avec les micro-entreprises – la situation est moins bonne ailleurs en Europe.

Le troisième principe est la clarté, avec un régime plus lisible pour les entrepreneurs et plus cohérent avec celui de nos voisins européens.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous propose ici une lecture quelque peu inversée, car je pense sincèrement que cette réforme constitue un moyen d'encourager les entrepreneurs à passer à une autre étape. En effet, si nous maintenons le seuil de 85 000 euros, nous incitons les micro-entrepreneurs à rester dans leur zone de confort. Si les charges sont allégées, le revenu n'est pas très différent, donc tout va bien… En ce cas, pourquoi changer ?

Cela me fait d'ailleurs penser à l'obligation légale de créer un comité d'entreprise à partir de 50 salariés. Je connais de très nombreuses entreprises que ce seuil dissuade de se développer, si bien qu'elles n'embauchent plus !

Le seuil de 85 000 euros risque d'avoir le même effet ! Les entreprises se diront que tout va bien. Alors que, si nous fixons le seuil d'assujettissement à la TVA à 37 500 euros, ce qui me paraît un bon compromis, nous suggérons aussi aux auto-entrepreneurs de passer un cap et de construire des entreprises plus robustes.

La micro-entreprise devient alors une façon de mettre le pied à l'étrier, vers des entreprises qui seront plus structurées et qui, surtout, vont embaucher. Nous évitons ainsi ce qui me semble être des distorsions de concurrence – en tant que ministre des petites et moyennes entreprises (PME) et des très petites entreprises (TPE), je sais que celles-ci ont des demandes formes en termes d'équité !

L'approche du Gouvernement est donc pragmatique. Elle conduit à diviser par quatre le nombre d'entités affectées par rapport à la réforme de 2025. Elle s'aligne sur les pratiques européennes – je rappelle que l'Allemagne ou la Belgique ont, pour leur part, fixé leur seuil à 25 000 euros, et que l'Espagne l'a ramené à zéro : dans ce pays, il n'y a pas de franchise de TVA. Elle permet d'éviter l'effet de seuil tout en maintenant les avantages fiscaux et sociaux du régime.

Mesdames, messieurs les sénateurs, nous avons la responsabilité de défendre l'esprit d'entreprise sous toutes ses formes. Mais nous avons aussi le devoir de corriger les déséquilibres. Or, avec la franchise à 85 000 euros, il y a, me semble-t-il, un déséquilibre.

Le débat que nous avons aujourd'hui ne doit pas nous conduire à opposer les micro-entrepreneurs aux artisans ni les indépendants aux PME. Il nous invite simplement à construire, collectivement, un cadre fiscal stable, mais aussi pérenne – il ne faudrait pas que l'on y revienne, car nous devons aussi donner de la visibilité –, pour que chacun puisse entreprendre dans des conditions équitables.

Dans cette tâche, gardons toujours à l'esprit que la simplicité est importante : la simplicité de la construction d'une micro-entreprise est aussi un objectif essentiel.

C'est dans cet esprit que le Gouvernement poursuivra son action et que je vous invite à prendre position. (M. Marc Laménie applaudit.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Baptiste Blanc, vice-président de la commission des finances, en remplacement de M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances.

M. Jean-Baptiste Blanc, vice-président de la commission des finances, en remplacement de M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j'ai en effet l'honneur de suppléer au pied levé notre rapporteur général, Jean-François Husson, qui m'a invité à prononcer ses mots en son nom.

Le régime de la franchise en base de TVA bénéficie aujourd'hui à environ 2,1 millions de petites entreprises, entrepreneurs individuels ou micro-entreprises – autrement dit, aux auto-entrepreneurs –, qui sont ainsi exemptés du paiement de la TVA en deçà de certains seuils de chiffre d'affaires annuel.

Révisés en loi de finances pour 2024 dans le cadre de la transposition d'une directive européenne, avant de l'être à nouveau, comme nous le verrons, en loi de finances pour 2025, ces seuils se décomposent en quatre types, selon l'activité concernée : 85 000 euros pour les livraisons de biens, les ventes à consommer sur place et les prestations d'hébergement ; 37 500 euros pour les autres prestations de services ; 50 000 euros pour les activités « cœur de métier » des avocats, auteurs et artistes-interprètes ; 35 000 euros pour les activités « connexes » de ces mêmes professions.

À l'occasion de l'examen du projet de loi de finances pour 2025, le gouvernement de Michel Barnier a proposé, par un amendement en première délibération et en première lecture au Sénat, une réforme d'ampleur des seuils d'application de la franchise en base de TVA, visant à instituer un seuil unique, fixé à 25 000 euros pour l'ensemble des activités.

Lors de cette première délibération, notre commission a émis un avis défavorable sur cette mesure, qui a ainsi été rejetée par le Sénat.

Cet avis défavorable s'appuyait sur les éléments suivants : le caractère particulièrement tardif de la présentation de la réforme ; la nécessité de prendre en compte la diversité des situations et des tailles des entreprises ; le montant élevé d'une telle mesure d'augmentation des recettes fiscales, avec un impact récurrent en année pleine estimé à 780 millions d'euros pour les finances publiques, dont environ la moitié pour l'État ; enfin, le caractère limité du risque de distorsion de concurrence au niveau européen mis en avant par l'exécutif.

Cependant, en seconde délibération, le Gouvernement a redéposé un amendement identique, auquel notre commission a alors donné un avis favorable, par solidarité avec la majorité gouvernementale et par souci de préserver le solde public.

Cette mesure a ainsi été retenue par le Sénat, puis dans le texte de la commission mixte paritaire (CMP), avant d'être finalement adoptée par les deux assemblées en lecture des conclusions de la CMP, à l'article 32 de la loi de finances initiale pour 2025.

L'adoption de cette réforme a suscité de vives réactions parmi les acteurs économiques visés, notamment de la part des auto-entrepreneurs. Avec environ 134 000 entrepreneurs concernés, ceux-ci représentent en effet deux tiers des acteurs affectés par la perte du bénéfice de la franchise en base de TVA résultant de l'abaissement du seuil de chiffre d'affaires à 25 000 euros.

Dans ce contexte, le ministre de l'économie de l'époque, M. Éric Lombard, a annoncé, dès le 6 février 2025 au soir, soit seulement quelques heures après l'adoption définitive du projet de loi de finances pour 2025, la suspension de la réforme, le temps d'organiser une concertation avec les parties prenantes. Cette suspension a ensuite été prorogée une première fois le 28 février, jusqu'au 1er juin, avant d'être actée le 30 avril, pour l'ensemble de l'année 2025.

À la suite d'une pétition déposée sur le site du Sénat ayant recueilli plus de 100 000 signatures, notre commission a conduit, au printemps 2025, une mission d'information flash, afin d'entendre les différents acteurs concernés et de faire la lumière sur les enjeux de la réforme.

À cette occasion, nous avons relevé, sur l'initiative du rapporteur général de la commission des finances, qui rapportait cette mission flash, l'improvisation et l'impréparation de cette révision significative des seuils de chiffre d'affaires et souligné ses conséquences préjudiciables pour l'équilibre économique de nombreux secteurs d'activité et professions, allant des avocats aux kinésithérapeutes.

C'est dans ce contexte que s'inscrit la présente proposition de loi visant à garantir un cadre fiscal stable, juste et lisible pour nos micro-entrepreneurs et nos petites entreprises, déposée à l'Assemblée nationale le 17 avril 2025 par M. Paul Midy. Le 2 juin 2025, l'Assemblée a adopté, à l'unanimité, le texte en première lecture, avec modifications.

L'article 1er prévoit l'abrogation de la révision des seuils de la franchise en base de TVA, avec un retour aux quatre seuils de chiffre d'affaires antérieurement en vigueur. Quant à l'article 2, il vise, conformément aux dispositions de l'article 40 de la Constitution relatives à la recevabilité financière des initiatives parlementaires, à gager la diminution de recettes de TVA pour l'État résultant de l'article 1er.

Le dispositif proposé permet ainsi de conforter la sécurité juridique des acteurs économiques concernés, alors que la suspension de la réforme actée par le Gouvernement repose, à ce stade, sur un simple rescrit de l'administration fiscale.

Si aucun recours devant la juridiction administrative n'a été formé à ce jour, la direction de la législation fiscale a reconnu que « toute association professionnelle qui [...] aurait pour objet de défendre un secteur d'activité face à la concurrence déloyale aurait un intérêt à agir ».

En vue d'assurer la sécurité juridique des acteurs économiques concernés, la commission des finances vous propose donc, mes chers collègues, d'adopter la présente proposition de loi sans modification.

M. Jean-Baptiste Blanc, vice-président de la commission des finances. Pour conclure, certains d'entre vous s'interrogeront peut-être sur le sort de l'article 25 du projet de loi de finances pour 2026, évoqué par M. le ministre, qui propose une autre version de la réforme de la franchise en base de TVA.

La commission des finances propose de renvoyer cette question à la discussion, qui interviendra le mois prochain, du projet de loi de finances pour 2026 lui-même, qui fera l'objet d'un rapport de Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances.

La présente proposition de loi permet, pour sa part, je le répète, de sécuriser juridiquement la loi fiscale applicable actuellement. La commission des finances propose, pour cette raison, de l'adopter dans une version conforme à celle qu'a adoptée l'Assemblée nationale. Cela permettra une entrée en vigueur rapide du texte.

C'est pourquoi la commission des finances a demandé le retrait des amendements qui ont été déposés sur ce texte. (M. François Patriat applaudit.)

M. le président. Mes chers collègues, en accord avec la commission des finances et le Gouvernement, je vous propose de poursuivre jusqu'à son terme l'examen de ce texte, sur lequel deux amendements restent en discussion, ce matin et ce début d'après-midi.

Nous pourrions ainsi en terminer autour de treize heures trente.

Il n'y a pas d'opposition ?...

Il en est ainsi décidé.

La parole est à M. Ahmed Laouedj.

M. Ahmed Laouedj. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, aujourd'hui marque une étape importante : celle qui permettra de rétablir une forme de clarté et de stabilité pour des milliers de petites entreprises et de micro-entrepreneurs dans notre pays.

La réforme du régime de la franchise en base de TVA, telle qu'elle a été introduite dans la loi de finances pour 2025, a créé une incertitude juridique et économique considérable pour près de 206 000 entreprises.

Derrière ce chiffre, ce sont des réalités humaines, des artisans, des commerçants et des indépendants qui ont besoin de règles claires pour travailler sereinement.

Dans mon département de la Seine-Saint-Denis, ce sont près de 30 000 micro-entrepreneurs qui ont été directement concernés.

Beaucoup d'entre eux interviennent dans des secteurs essentiels : les services à la personne, le bâtiment, le transport, la livraison ou encore les activités de proximité.

Ces femmes et ces hommes sont au cœur de la vitalité économique de nos territoires. L'instabilité fiscale est l'un des pires signaux que l'on puisse leur envoyer. Quand les règles changent brutalement, sans concertation suffisante, ce sont les petites entreprises qui trinquent les premières. Et il faut rappeler que la capacité de ces petites structures à absorber un choc administratif ou fiscal est bien plus faible que celle d'une grande entreprise !

C'est pourquoi je me réjouis que la présente proposition de loi vise à rétablir les plafonds antérieurs de franchise de TVA, à savoir 37 500 euros pour les prestations de services et 85 000 euros pour les activités commerciales. Cette mesure va apporter de la visibilité et de la sécurité juridique à celles et ceux qui, souvent, n'ont pas d'autre protection que la solidité de leur activité économique.

Toutefois, il ne s'agit pas simplement de corriger une erreur : il s'agit aussi de mieux faire les choses pour l'avenir. Ce texte est en effet l'occasion de tirer une leçon importante : toute réforme touchant les très petites entreprises et les indépendants doit être construite avec eux, et non pas seulement pour eux.

Dans le secteur du bâtiment notamment, qui est très présent dans mon département, la réforme initiale a été particulièrement mal vécue. Elle faisait peser un risque direct sur l'équilibre économique de nombreuses entreprises déjà fragilisées par la conjoncture.

Les concertations menées par le ministère de l'économie ont permis d'aboutir à une approche plus fine et différenciée : 25 000 euros pour le bâtiment, 37 500 euros pour les autres secteurs. C'est une avancée, mais ce qui compte surtout, c'est la méthode – écouter, concerter, construire.

Je veux aussi rappeler que, pour nombre de micro-entrepreneurs, ce statut est non pas une stratégie d'optimisation, mais un outil d'émancipation économique, puisque 31 % d'entre eux exercent une activité salariée à côté. Cumulant souvent plusieurs emplois pour compléter leurs revenus, ces travailleurs participent pleinement à la vie économique du pays.

Dans ce contexte, il faut également aborder la question du salariat déguisé, qui reste une réalité dans certains secteurs, notamment ceux qui sont liés aux plateformes numériques. Ce statut doit être un tremplin, pas une trappe à précarité. Il nous appartient donc de garantir un cadre fiscal stable, mais aussi un cadre social protecteur.

À cet égard, cette proposition de loi va dans le bon sens. Elle sécurise l'année 2025, tient compte de la spécificité des secteurs concernés et permet d'aborder plus sereinement les débats autour de la nouvelle réforme proposée par le projet de loi de finances pour 2026, une réforme qui, je l'espère, reposera sur une vraie stratégie de développement des micro-entreprises, et non sur des ajustements budgétaires de court terme.

Je veux, pour conclure, insister sur ce que me disent régulièrement les entrepreneurs de la Seine-Saint-Denis : ce qu'ils attendent, ce ne sont pas des aides extraordinaires ; c'est, surtout, de la lisibilité, de la stabilité et de la confiance. Quand les règles sont claires et prévisibles, ils savent faire le reste. Ils savent créer, investir et embaucher.

C'est en pensant à eux, aux artisans, aux commerçants, aux livreurs et aux travailleurs indépendants de nos territoires que les membres du groupe RDSE voteront cette proposition de loi à l'unanimité. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – M. Marc Laménie applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Vincent Delahaye. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. Marc Laménie applaudit également.)

M. Vincent Delahaye. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le texte que nous examinons aujourd'hui vise à corriger deux incohérences ou injustices. La première touche directement nos entrepreneurs, la seconde concerne le rôle du Parlement.

Pour ce qui est de nos entrepreneurs, il s'agit de revenir sur une mesure fiscale qui aurait fragilisé de manière extrêmement grave des centaines de milliers de micro-entreprises et petites entreprises.

Un dimanche après-midi, à la faveur d'une seconde délibération massive, avec pas moins d'une vingtaine d'amendements, le gouvernement de Michel Barnier avait fait adopter en catimini une réforme du régime de la franchise en base de TVA. Non seulement agir en catimini, en l'espèce comme en général, n'est pas une bonne méthode, mais, avant toute décision, il devrait y avoir une concertation.

Monsieur le ministre, vous nous avez beaucoup parlé de concertation, mais la bonne méthode, c'est de concerter avant de décider ! Si nous pouvions en faire une règle générale d'application sur de nombreux sujets, nous nous exonérerions de bien des problèmes…

Cette réforme a profondément modifié les seuils de chiffre d'affaires applicables, en instaurant un seuil unique fixé à 25 000 euros, contre 85 000 euros pour les activités commerciales et 37 500 euros pour les prestations de services jusqu'alors en vigueur. En clair, une large part des micro-entrepreneurs et des petites entreprises se serait brutalement retrouvée assujettie à la TVA.

Au total, près de 200 000 entrepreneurs étaient concernés, dont un tiers d'auto-entrepreneurs et deux tiers de TPE. Pour chacun d'eux, la charge supplémentaire représentait, en moyenne, 4 000 euros par an. Pour des personnes qui ne roulent pas sur l'or, ce n'est pas rien…

Dans un contexte d'instabilité politique, de crise économique et de concurrence internationale accrue, un tel signal envoyé à nos entreprises aurait été catastrophique.

S'il existe des distorsions de concurrence, il convient, bien sûr, de les éliminer. Cela suppose toutefois une méthode transparente, et non un amendement au débotté, en réalité motivé par un objectif de rendement budgétaire.

Heureusement, le Sénat s'est mobilisé. Dès avril 2025, notre assemblée a été saisie d'une pétition ayant recueilli plus de 100 000 signataires pour alerter sur les dangers de cette réforme. Dans la foulée, une mission de la commission des finances a démontré le caractère improvisé et mal évalué de cette mesure.

Notre action a porté ses fruits. Le Gouvernement a reporté à plusieurs reprises son entrée en vigueur avant d'annoncer, le 30 avril dernier, sa suspension jusqu'au 31 décembre 2025.

Mais de quelle manière la réforme a-t-elle été suspendue ? Par un simple rescrit de l'administration fiscale ! Cet outil est certes utile, mais il ne peut en aucun cas remplacer la loi votée par le Parlement. Et c'est bien là que se situe la seconde injustice.

Au fond, ce débat pose une question importante : qui fait la loi en France ? L'exécutif, par circulaire, par instruction ou par rescrit, ou bien le Parlement, c'est-à-dire le pouvoir législatif, dont la vocation historique est de garantir le consentement à l'impôt ?

La Constitution est claire : selon son article 34, il revient à la loi de fixer les règles relatives à l'assiette, au taux et aux modalités de recouvrement des impositions de toute nature. Autrement dit, c'est bien au législateur qu'il appartient de décider de l'impôt, d'en fixer les règles, de les modifier ou, le cas échéant, de les suspendre.

Or, en l'espèce, le Parlement a été contourné. Le Gouvernement a choisi de suspendre la réforme par un simple rescrit, sans associer les représentants du peuple.

Ce procédé n'est pas acceptable. Il affaiblit la place du Parlement et crée une insécurité juridique dangereuse, confirmée d'ailleurs par la direction de la législation fiscale elle-même.

Pour cette raison, la présente proposition de loi est nécessaire. Elle vise trois objectifs : sécuriser juridiquement la suspension de la réforme, rétablir les plafonds de la franchise en base de TVA tels qu'ils existaient avant le 1er mars 2025 et redonner toute sa place au Parlement dans l'élaboration de la loi.

Par ce texte, nous envoyons un signal clair, aux entrepreneurs, qui pourront continuer à développer leur activité dans un cadre fiscal stable, juste et lisible, ainsi qu'aux citoyens, pour rappeler que le Parlement est non pas une chambre d'enregistrement, mais le cœur vivant de notre démocratie.

Le groupe Union Centriste votera en faveur de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et RDPI. – M. Marc Laménie applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Marc Laménie. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. Marc Laménie. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans notre hémicycle, il y a deux visions opposées de l'économie. La première tire ses hypothèses des ouvrages de Karl Marx et conclut à la nécessité d'une économie administrée par l'État. La seconde, dont j'espère qu'elle est majoritaire ici, est celle d'une économie qui s'exerce librement dans un cadre juridique permettant la juste concurrence.

Pour notre part, comme Frédéric Bastiat avant nous, nous pensons que la concurrence est la liberté et l'absence d'oppression.

Ces deux visions de l'économie ne s'affrontent heureusement en France que dans les discours, puisque nous vivons dans un pays qui essaie de respecter la liberté d'entreprendre. À cet égard, j'invite les collègues qui le déplorent ou le regrettent à comparer la réussite du dirigisme économique de la Corée du Nord aux dégâts de la liberté économique de la Corée du Sud…

Comme vous le savez, les entrepreneurs français sont écrasés par les impôts, les taxes et les contributions sociales – cette réalité est souvent rappelée –, au point que le fonctionnement normal d'une entreprise qui vient d'être créée ne peut être atteint qu'au prix de ristournes fiscales.

C'est cette pression intense des prélèvements obligatoires qui nous a conduits à créer, en 2008, un régime dérogatoire pour les micro-entreprises, que le public connaît comme étant celui des auto-entrepreneurs.

Ce régime est accompagné de mesures fiscales et sociales, dont une exemption du paiement de la TVA pour les petites entreprises dès lors qu'elles réalisent un chiffre d'affaires annuel inférieur à des seuils déterminés. Le rapporteur général et nos collègues de la commission des finances s'y sont penchés dans le cadre d'une mission flash – je le dis sous le contrôle de notre président de la commission des finances.

Sans cette exemption d'impôt, nous aurions tout simplement moins de micro-entrepreneurs et de petites entreprises, voire nous n'en aurions pas du tout. Nos collègues ont rappelé l'importance et même la nécessité de ce soutien.

Il faut donc maintenir cette exemption d'impôt. Nous pourrions même, dans un véhicule législatif différent, débattre d'une exemption pour de très nombreuses autres entreprises. Il me semble que notre économie ne s'en porterait que mieux.

Pour autant, il faut reconnaître que l'introduction du régime de micro-entrepreneur et de la franchise fiscale a également créé des distorsions de concurrence que nous pouvons regretter et qui sont la cause de ce texte. En effet, le secteur du bâtiment – celui-ci, par la voix de ses fédérations, comme la Capeb, a alerté nombre d'entre nous sur le terrain – est particulièrement touché par un phénomène qui ne s'est, heureusement, pas encore trop répandu dans les autres branches d'activités.

Dans certaines entreprises artisanales, des salariés sont appelés à démissionner de leur poste pour être réembauchés sous le régime du micro-entrepreneur. Ce commun accord entre employeur et ex-employé n'a qu'un seul objectif : profiter de la réduction d'impôts et de cotisations. C'est donc le retour des tâcherons du bâtiment, payés à l'acte, la journée ou la prestation et privés des amortisseurs sociaux du salariat.

C'est aussi un déséquilibre de la concurrence entre les entreprises du bâtiment qui recourent au salariat et celles qui profitent de ce salariat déguisé pour bénéficier abusivement des baisses de fiscalité offertes aux micro-entrepreneurs et aux petites entreprises.

C'est la raison pour laquelle le Parlement a maladroitement essayé de légiférer l'an dernier sur le sujet.

Mes chers collègues, mettre en péril des dizaines de milliers de micro-entrepreneurs pour assainir la concurrence dans un seul secteur n'est pas souhaitable. Il est donc nécessaire de suspendre la réforme votée lors du PLF pour 2025.

Nous aurons l'occasion de débattre, dans un autre véhicule législatif, du dispositif qui nous est présenté par le Gouvernement pour lutter contre le déséquilibre concurrentiel dont souffre le secteur de la construction.

Il est notamment proposé un taux différencié pour le bâtiment. Si ce dispositif vise simplement à rétablir la juste concurrence au service de la liberté économique, il aura notre soutien. Mais si son objectif est seulement de créer une nouvelle ressource fiscale, alors nous ne pourrons nous y associer.

La présente proposition de loi a pour objet de rétablir le droit commun : les sénateurs du groupe Les Indépendants la voteront. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)