Mme Antoinette Guhl. Cet amendement vise à supprimer l'article ayant pour objet la dissolution de l'Institut national de la consommation (INC). En effet, cela reviendrait à affaiblir la protection économique des Français.

L'INC édite le magazine 60 millions de consommateurs, seul média public totalement indépendant consacré à l'information. Ainsi, depuis plus de cinquante ans, ce dernier alerte sur ce que personne d'autre ne révèle : la place des aliments ultratransformés dans l'alimentation des enfants, les plastifiants présents dans certaines huiles d'olive, les pratiques contestables des assureurs sur les catastrophes naturelles, ou encore l'assurance vie. Aucun opérateur privé n'effectuera de telles enquêtes, à contre-courant d'intérêts économiques puissants.

En outre, l'INC, ce n'est pas qu'un magazine, puisqu'il apporte aussi un appui technique indispensable pour les associations de consommateurs.

Mme la présidente. La parole est à M. Christian Redon-Sarrazy, pour présenter l'amendement n° II-2273 rectifié.

Mme la présidente. La parole est à M. Fabien Gay, pour présenter l'amendement n° II-2303.

M. Fabien Gay. Cet amendement est identique à celui de nos deux collègues.

Dissoudre l'INC, c'est en finir avec un institut indépendant, ainsi qu'avec un journal, 60 millions de consommateurs – et de consommatrices –, très important, surtout à un moment où les fraudes sur les produits et les scandales sanitaires sont légion. Il est crucial de disposer d'un magazine indépendant des puissances de l'argent et de la pression des lobbies, dans un monde où la presse se concentre dans les mains de quelques-uns. Cela étant, d'aucuns remarqueront que c'est plutôt logique, compte tenu de la volonté de Mme la ministre de la culture de livrer le service public de l'information aux intérêts privés… (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Laurent Lafon s'exclame.)

Oui, mes chers collègues, il y a toujours une logique. Toujours ! Je suis prêt à en débattre avec vous quand vous voulez, dans cet hémicycle comme à l'extérieur.

Enfin, liquider l'INC coûterait 8 millions d'euros, alors que, pour le faire fonctionner, il faut 1,6 million d'euros par an ; le faire n'est donc même pas justifié par une raison budgétaire.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Thierry Cozic, rapporteur spécial. La dissolution de l'INC s'inscrit dans le contexte de difficultés financières importantes, essentiellement liées à l'effondrement des ventes du magazine 60 millions de consommateurs. Cette situation est regrettable, mais la commission en prend acte. Ainsi, le maintien d'une activité subventionnée par l'État au sein de l'INC n'apparaît plus justifié, faute de perspectives sérieuses d'un retour à l'équilibre.

Par ailleurs, les coûts de structure de l'établissement ne permettent pas davantage de le maintenir dans une version recentrée sur d'autres missions, dont le périmètre serait très limité. Je demande donc le retrait de ces amendements.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Sébastien Martin, ministre délégué. Malgré des mesures de soutien et des aides exceptionnelles apportées chaque année depuis 2020, la situation financière de l'institut est aujourd'hui très dégradée, au point qu'il pourrait se trouver en cessation de paiement dans les prochains mois.

Avec une baisse structurelle des ventes, l'activité du magazine 60 millions de consommateurs devrait être de nouveau déficitaire. La revue est par ailleurs connue pour ses tests de produits, mais, pour pouvoir les réaliser, elle est obligée de respecter les règles de la commande publique, ce qui engendre des délais qui nuisent à sa réactivité.

Le récent rapport de la Cour des comptes partage ce diagnostic et préconise de « mettre fin en 2025 à l'activité de presse de l'INC ». Si nous voulons donner un avenir à ce magazine, il est temps qu'il change de modèle. Nous émettons donc un avis défavorable sur ces amendements.

Mme la présidente. La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.

M. Fabien Gay. Pardon de vous le dire, mais aucun magazine ou journal de la presse écrite n'est à l'équilibre ! Aucun, y compris ceux qui sont soutenus par les milliardaires. Le Parisien a déclaré 34 millions d'euros de pertes en 2024. Pourtant, nous ne pouvons pas dire – en tout cas selon vos critères – que Bernard Arnault gère mal sa fortune.

La question n'est donc pas seulement économique ou comptable ; elle est avant tout politique. Allez-vous fermer le dernier magazine indépendant des puissances de l'argent et de la pression des lobbies ? Assumerez-vous ce choix politique ? Tel est l'enjeu.

Par ailleurs, même dans une logique strictement comptable, votre décision ne tient pas la route. En 2024, vous avez engagé 3,4 millions d'euros pour moderniser le magazine et, un an et demi après, vous décideriez de le fermer… Cette décision vous coûtera 8 millions d'euros, contre 1,6 million d'euros chaque année pour le maintenir.

Je le répète : la question n'est pas comptable, elle est politique. Ce choix politique de fermer ce magazine, vous devrez l'assumer !

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos II-2240, II-2273 rectifié et II-2303.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 71.

(L'article 71 est adopté.)

compte de concours financiers : prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés

Mme la présidente. Nous allons procéder à l'examen des crédits du compte de concours financiers « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés », figurant à l'état D.

ÉTAT D

(En euros)

Mission / Programme

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés

75 050 000

225 050 000

Prêts et avances pour le logement des agents de l'État

50 000

50 000

Prêts pour le développement économique et social

75 000 000

75 000 000

Soutien à la filière nickel en Nouvelle-Calédonie

0

0

Prêts octroyés dans le cadre des programmes des investissements d'avenir

0

0

Prêts à la société concessionnaire de la liaison express entre Paris et l'aéroport Paris-Charles de Gaulle

0

150 000 000

Avances remboursables et prêts bonifiés aux entreprises touchées par la crise de la covid-19 ou par le conflit en Ukraine

0

0

Mme la présidente. L'amendement n° II-2279, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Prêts et avances pour le logement des agents de l'État

 

 

 

 

Prêts pour le développement économique et social

 

 

 

 

Soutien à la filière nickel en Nouvelle-Calédonie

200 000 000

 

200 000 000

 

Prêts octroyés dans le cadre des programmes des investissements d'avenir

 

 

 

 

Prêts à la société concessionnaire de la liaison express entre Paris et l'aéroport Paris-Charles de Gaulle

 

 

 

 

Avances remboursables et prêts bonifiés aux entreprises touchées par la crise de la covid-19 ou par le conflit en Ukraine

 

 

 

 

TOTAL

200 000 000

 

200 000 000

 

SOLDE

+ 200 000 000

+ 200 000 000

La parole est à M. le ministre délégué.

M. Sébastien Martin, ministre délégué. Le présent amendement vise à doter de 200 millions d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement le programme 878 « Soutien à la filière nickel en Nouvelle-Calédonie ».

En effet, la filière métallurgique du nickel en Nouvelle-Calédonie connaît des difficultés structurelles persistantes, qui ont été renforcées par la crise qu'a connue ce territoire récemment. L'État a soutenu depuis plusieurs années les usines de transformation du nickel, mais ce modèle n'est pas durable et une solution pérenne doit être trouvée pour l'avenir.

Dans ce contexte, les autorités locales compétentes, avec l'appui de l'État, ont entrepris d'élaborer un plan de transformation de la filière nickel au premier semestre 2026, ce qui permettra d'envisager différentes options pour chaque site. Afin d'accompagner l'élaboration de ce plan, l'État s'engage à soutenir les industriels du secteur du nickel durant cette période transitoire à travers le programme 878.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Thierry Cozic, rapporteur spécial. Favorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Georges Naturel, pour explication de vote.

M. Georges Naturel. Je remercie le Gouvernement de cette proposition.

La filière nickel est en crise depuis un certain temps, compte tenu de la concurrence, mais la situation s'est aggravée avec les événements de l'an dernier. La filière représente tout de même 20 % de l'activité industrielle de la Nouvelle-Calédonie. Aujourd'hui, une usine sur trois est fermée, et je ne vous donnerai pas les chiffres du chômage. Il est donc urgent et important de soutenir le secteur.

Il faut maintenir l'activité, mais surtout – c'est la volonté des élus calédoniens – essayer de réfléchir à une stratégie de long terme pour le nickel en Nouvelle-Calédonie. Nous disposons de cette richesse en France et en Europe : à nous de l'utiliser à bon escient.

Je vous invite donc, mes chers collègues, à voter en faveur de cet amendement.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° II-2279.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. Nous allons procéder au vote des crédits du compte de concours financiers « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés », figurant à l'état D.

Je n'ai été saisie d'aucune demande d'explication de vote avant l'expiration du délai limite.

Je mets aux voix ces crédits, modifiés.

(Les crédits sont adoptés.)

investir pour la france de 2030

Mme la présidente. Nous allons procéder à l'examen des crédits de la mission « Investir pour la France de 2030 », figurant à l'état B.

ÉTAT B

(En euros)

Mission / Programme

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

Investir pour la France de 2030

450 000 000

5 497 829 332

Soutien des progrès de l'enseignement et de la recherche

0

200 693 126

Valorisation de la recherche

0

32 161 600

Accélération de la modernisation des entreprises

0

136 660 000

Financement des investissements stratégiques

0

3 753 875 009

Financement structurel des écosystèmes d'innovation

450 000 000

1 374 439 597

Mme la présidente. L'amendement n° II-19, présenté par M. Husson, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Soutien des progrès de l'enseignement et de la recherche

 

 

 

 

Valorisation de la recherche

 

 

 

 

Accélération de la modernisation des entreprises

 

 

 

 

Financement des investissements stratégiques

 

 

 

814 000 000

Financement structurel des écosystèmes d'innovation

 

 

 

193 000 000

TOTAL

 

 

 

1 007 000 000

SOLDE

- 1 007 000 000

La parole est à M. le rapporteur général.

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Cet amendement de la commission des finances vise à tirer les conséquences de la gestion du plan France 2030, dans le cadre de laquelle, depuis deux ans, d'importantes surestimations budgétaires ont été constatées. Sur l'initiative du Gouvernement, nous avons retiré 1,2 milliard d'euros en 2024, puis 1,6 milliard d'euros en 2025. Vous comprendrez donc notre volonté de rendre plus sincères les inscriptions budgétaires.

Je veux dire également, monsieur le ministre, que les propositions de la commission des finances font suite à la lecture rigoureuse des documents que le secrétariat général pour l'investissement (SGPI) a remis, noir sur blanc, au Sénat. Par conséquent, toutes les accusations et fausses informations qui ont circulé et qui continuent de circuler ne sont pas acceptables, parce qu'elles sont une forme d'insulte et de mépris du Parlement.

Mme la présidente. Le sous-amendement n° II-2343, présenté par MM. Raynal et Ros et Mme Espagnac, est ainsi libellé :

Amendement II-19

Dans les crédits de paiement du programme « Financement des investissements stratégiques », remplacer le montant :

814 000 000

par le montant :

100 000 000

Dans les crédits de paiement du programme « Financement structurel des écosystèmes d'innovation », remplacer le montant :

193 000 000

par le montant :

0

La parole est à M. Claude Raynal.

M. Claude Raynal. Depuis deux ans, la mission « Investir pour la France de 2030 » a déjà subi plus de 3 milliards d'euros d'annulations de crédits. Pour 2026, la dotation inscrite est d'environ 5,5 milliards d'euros. Or, sur ce montant, près de 5 milliards sont déjà fléchés vers des engagements contractuels pris les années précédentes.

La capacité réelle de nouveaux investissements se limite donc à quelque 500 millions d'euros, soit déjà deux fois moins qu'en 2024. Dans ce contexte, retrancher encore 1 milliard d'euros revient non pas à ajuster la trajectoire, mais à organiser une année blanche de la politique industrielle de l'État. Plus aucun projet ne serait financé.

Les États-Unis, vous le savez, ont fait le choix inverse, en mobilisant plusieurs centaines de milliards de dollars pour attirer les industries stratégiques. La Chine poursuit depuis des années une stratégie industrielle appuyée par des soutiens publics considérables. Face à cela, que proposons-nous ? Une remise en cause de la parole de l'État, incapable d'assurer la continuité de ses engagements sur des projets pluriannuels lourds…

Mme la présidente. Le sous-amendement n° II-2283 rectifié quinquies, présenté par MM. V. Louault et Chasseing, Mme L. Darcos, MM. Grand, Brault, Wattebled et A. Marc et Mme de La Provôté, est ainsi libellé :

Amendement II-19

Dans les crédits de paiement du programme « Financement des investissements stratégiques », remplacer le montant :

814 000 000

par le montant :

293 000 000

Dans les crédits de paiement du programme « Financement structurel des écosystèmes d'innovation », remplacer le montant :

193 000 000

par le montant :

0

La parole est à M. Vincent Louault.

M. Vincent Louault. Monsieur le rapporteur général, je partage le début de votre analyse concernant la défiance que l'on peut ressentir à l'égard du SGPI. Je siège au comité de surveillance des investissements d'avenir (CSIA), et il y aurait en effet beaucoup à dire.

Mais notre rôle, ici, est de faire passer des messages politiques. Il s'agit quand même d'un amendement à 1 milliard, et on pouvait lire ce matin dans Le Figaro qu'un « amendement du Sénat prévoit de suspendre toutes nouvelles aides à l'innovation pour 2026 ». Je ne voudrais pas que l'on retienne ce message politique des débats qui nous occupent aujourd'hui.

Monsieur le rapporteur général, sachant que les investissements des entreprises sont le plus souvent financés à 10 % ou 20 % par des subventions lors de leur engagement, nous ne pouvons pas vous suivre sur ce point. Notre groupe ne votera donc pas cet amendement. Le faire, je le répète, ce serait envoyer un très mauvais message.

En revanche, je partage à 100 % l'analyse à laquelle vous-même et M. Somon vous êtes livrés en commission. Je vous appuierai toujours pour obtenir de vraies réponses et des justifications. J'ai moi-même rédigé un rapport au CSIA sur France 2030, mais il a été mis sous embargo par le Gouvernement, parce qu'il ne lui plaisait pas.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Laurent Somon, rapporteur spécial. Je comprends que cet amendement, d'un montant de 1 milliard d'euros, puisse émouvoir, mais je souhaite remettre les choses en perspective.

Je rappellerai tout d'abord que, sur les 54 milliards d'euros disponibles dans la mission France 2030, 2 milliards d'euros n'ont pas été affectés. J'ai indiqué préalablement que le Gouvernement s'était engagé à ce que l'intégralité des crédits soit distribuée, ou du moins affectée à la fin de 2026. Il reste donc bien 2 milliards d'euros pour engager de nouveaux projets.

Je rappellerai aussi que nous ne formulons pas nos propositions en fonction de ce que dit la presse. Ce n'est pas Le Figaro qui décide de la politique économique et budgétaire de notre pays.

Je précise enfin que, au regard de la crise que nous connaissons, il est nécessaire de redresser les finances publiques.

Notre proposition s'inscrit surtout dans une logique de crédibilité de la parole publique, avec la volonté de soutenir le secteur productif.

Comme l'a dit M. Brault tout à l'heure dans son intervention liminaire, les entreprises demandent de la stabilité : non pas des subventions accordées au gré des décisions de divers organismes, mais de la visibilité fiscale et réglementaire. Il faut d'abord travailler sur ces sujets, ce qu'a fait la majorité sénatoriale dans ce projet de loi de finances.

Par ailleurs, l'exercice 2025 a démontré une nouvelle fois les difficultés rencontrées par le Gouvernement pour piloter de façon fiable et transparente les aides du plan France 2030, en dépit de la situation de crise que traversent les comptes publics. J'ai déjà souligné que c'était le SGPI, et donc le Gouvernement, qui avait diminué au fil des ans les crédits affectés aux nouveaux projets innovants.

Je souhaite également préciser un certain nombre de points.

Non seulement nous ne savons pas ce que deviennent les 2 milliards d'euros que j'évoquais précédemment, faute de transparence – je rejoins M. Louault –, mais nous ne savons pas non plus ce que deviennent les reliquats des appels à projets lancés depuis le début du plan France 2030. Je vous rappelle que nous les estimons à 300 millions d'euros environ.

Nous ne connaissons pas non plus précisément les retours sur les avances remboursables consenties aux entreprises. Quelque 300 millions d'euros de remboursement ont été perçus en 2025, mais nous n'avons pas de visibilité sur la manière dont ces fonds sont reçus ni sur la façon dont ils sont ensuite ventilés.

Je rappelle également que c'est le Gouvernement qui, dans les PLFG pour 2024 et 2025, a supprimé respectivement 1,6 milliard et 1,2 milliard d'euros, ce qui prouve bien que les trésoreries sont pléthoriques. Comme chaque année, les crédits de paiement prévus dans le projet de loi de finances pour 2026 incluent environ 300 millions d'euros à allouer aux nouveaux projets qui pourraient être signés dans l'année, sachant qu'une avance est prévue dès la signature de la convention.

Tous ces éléments nous laissent à penser que les trésoreries des opérateurs sont particulièrement floues. Plus de 5 milliards d'euros sont encore à verser cette année au titre des crédits de paiement. Eu égard aux annulations des années précédentes et au fait que 2 milliards d'euros supplémentaires restent à affecter, le SGPI conserve des possibilités pour innover. Si nos débats renvoient une mauvaise image aux entreprises, c'est une fausse impression, car, encore une fois, les moyens sont là.

Monsieur Louault, c'est précisément en raison de ce manque de transparence, parce que nous n'avons pas suffisamment d'informations de la part du SGPI, que nous avons décidé de creuser le sujet et de faire cette proposition. Nous attendons par ailleurs depuis deux ans un rapport du comité de surveillance des investissements d'avenir… Comment voulez-vous, dans ces conditions, que nous sachions si les orientations prises sont les bonnes ?

La commission émet un avis défavorable sur les deux sous-amendements. (M. le rapporteur général de la commission des finances et Mme Sophie Primas applaudissent.)

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Sébastien Martin, ministre délégué. Monsieur Husson, le Gouvernement ne s'exprime que par la voix de ses ministres. J'ai un profond respect pour le rôle des parlementaires.

Nous nous connaissons depuis longtemps.

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Et nous nous apprécions.

M. Sébastien Martin, ministre délégué. Oui, nous nous apprécions, et je ne doute pas de la sincérité de vos questionnements et de vos doutes, les vôtres, mais également ceux de cette assemblée.

Il y a encore quelques mois, j'étais parlementaire et je suis toujours élu local. Comme je l'ai indiqué tout à l'heure à la tribune, nous avons toutes et tous le droit de poser des questions et de vouloir de la transparence, encore plus lorsque l'on siège au sein de l'une des deux assemblées parlementaires de notre pays.

S'il s'avère nécessaire de renforcer la transparence, le Gouvernement fera bien évidemment diligence aux demandes justes et légitimes des parlementaires en faveur d'une information claire. Je rappelle que des rapports sur l'avancement du plan sont adressés chaque trimestre à tous les présidents de commission. Si ces documents ne sont pas assez précis, je suis bien évidemment prêt à vous recevoir pour que nous les examinions ensemble.

J'en viens maintenant aux chiffres avancés dans le débat budgétaire, et aux raisons pour lesquelles nous sollicitons pour France 2030 des moyens à hauteur de 5,5 milliards d'euros en 2026.

Nous allons décaisser 7,8 milliards d'euros pour soutenir les projets de la mission. Nous allons tout d'abord mobiliser la trésorerie des opérateurs à hauteur de 3,6 milliards d'euros. Une fois cette trésorerie utilisée, il restera encore un besoin de 4,2 milliards d'euros. Pour prendre de nouveaux engagements, et donc ne pas avoir une année blanche, nous proposons 1,3 milliard d'euros de crédits supplémentaires.

Si nous enlevons 1 milliard d'euros, nous ne pourrons mettre que 300 millions d'euros de plus sur la table pour financer, à partir de 2026, de nouveaux appels à projets et continuer à accompagner les projets au long cours qui ont besoin de crédits.

Très concrètement, ces 1,3 milliard d'euros permettraient – j'emploie le conditionnel – de consacrer 200 millions d'euros à l'industrie automobile – je sais à quel point vous êtes toutes et tous mobilisés sur cette question –, 340 millions d'euros d'aides à l'innovation et aux premières usines, distribuées par Bpifrance sur tout le territoire, 165 millions d'euros au Corac, 30 millions d'euros au Conseil d'orientation de la recherche et de l'innovation de la filière ferroviaire (Corifer), 200 millions d'euros à de grands projets de recherche fondamentale et technologique, 50 millions d'euros à des usines de recyclage, 50 millions d'euros aux technologies duales, 265 millions d'euros à l'intelligence artificielle et à la robotique.

Ces sommes vont bénéficier à des entreprises que vous connaissez : Verkor dans la région de Dunkerque, Renault Alpine, les usines de freins de Safran, le secteur spatial et la formation, à un moment où nous avons besoin d'accroître les compétences de nos salariés pour les faire mieux travailler.

Mesdames, messieurs les sénateurs, bien évidemment, vous déciderez souverainement du sort que vous souhaitez réserver à cette demande de crédits supplémentaires, à l'heure où les contraintes budgétaires sont réelles, mais où notre économie traverse aussi des moments difficiles.

J'émettrai donc un avis de sagesse sur le sous-amendement du sénateur Louault, qui nous permettra peut-être de parvenir, d'ici à la CMP, au meilleur équilibre possible pour les crédits de France 2030.

Mme la présidente. La parole est à Mme Karine Daniel, pour explication de vote.

Mme Karine Daniel. Monsieur le rapporteur spécial, il est quelque peu désespérant pour les parlementaires qui siègent au CSIA d'entendre qu'aucun contrôle n'est exercé sur les crédits et l'action de France 2030. Nous avons mené un nombre incalculable d'auditions et notre rapport sortira dans quelques semaines.

Le plan France 2030 est important pour les entreprises et les territoires, en particulier les instituts de recherche technologique (IRT) établis en région et les établissements d'enseignement supérieur et de recherche – c'est la partie du rapport que j'ai rédigée. Prévoir une année blanche sur l'innovation aurait pour effet de dégrader notre croissance de demain.

Nous nous opposerons donc à l'amendement du rapporteur général. En revanche, nous soutiendrons les sous-amendements de MM. Raynal et Louault.

Mme la présidente. La parole est à Mme Vanina Paoli-Gagin, pour explication de vote.

Mme Vanina Paoli-Gagin. Nous ne devons pas faire d'amalgame entre les problématiques de contrôle – nous avons des outils, il faut les utiliser – et les grands enjeux à l'œuvre dans France 2030.

Dans les années 1980, nous faisions de grands travaux en France pendant que se fabriquaient les géants du numérique dans la Silicon Valley, qui sont désormais devenus ce que nous savons. Dans les années 1990, nous étions dans la mondialisation heureuse. En 2000, nous nous sommes fixé comme objectif de consacrer 3 % de notre PIB à la recherche et développement, mais nous sommes encore très loin du compte. Nous nous faisons dépasser par la Corée du Sud ; quant à la Chine, elle a atteint un pourcentage supérieur au nôtre dans un temps extrêmement contraint.

Nous ne pouvons pas accepter de rogner sur les crédits de France 2030, malgré tous les reproches que l'on peut éventuellement formuler à cette mission. Réveillons-nous, mes chers collègues : nous devons absolument voter pour le sous-amendement de Vincent Louault. (M. Emmanuel Capus applaudit.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Thomas Dossus, rapporteur spécial. Cet amendement, qui tend à mettre en pause la politique d'innovation du pays, est un triple non-sens économique, écologique et même budgétaire.

C'est un non-sens économique, parce que toute la compétition mondiale est aujourd'hui axée sur les investissements dans l'innovation ; c'est un non-sens écologique, puisque France 2030 concerne beaucoup de nouvelles technologies de décarbonation ; c'est un non-sens budgétaire, enfin, puisque ce programme a été pensé justement pour pouvoir résister aux aléas financiers et à la trajectoire parfois complexe que suit notre pays en la matière.

Il apparaît en outre complètement absurde, l'année où le prix Nobel d'économie est décerné à un Français qui a fondé toute sa théorie de la croissance sur les besoins d'investissement public dans l'innovation, de mettre en pause la politique d'innovation française.

Des amendements de ce type mettent en danger l'avenir de notre pays et contribuent à son déclassement.

Mme la présidente. La parole est à Mme Frédérique Espagnac, pour explication de vote.

Mme Frédérique Espagnac. À mon tour, je veux dire avec force pourquoi il ne faut absolument pas voter l'amendement de suspension du budget consacré à France 2030. Ce serait une erreur stratégique majeure pour notre pays et nos territoires.

Dans les Pyrénées-Atlantiques, nous voyons très concrètement ce que France 2030 permet de construire : de nombreuses entreprises pionnières, créatrices d'emploi, dans l'innovation et des implantations d'unités de production majeures pour notre avenir, en particulier dans le bassin de Lacq. Je pourrais citer aussi des projets à Saint-Nazaire ou dans la vallée de la chimie, notamment en Isère.

Supprimer ces crédits, c'est prendre le risque que ces projets et beaucoup d'autres ne voient jamais le jour. Bpifrance nous le dit très clairement : un grand nombre de projets lauréats n'ont pas encore bouclé leur financement. Mercredi, au conseil d'administration de l'institution où je représentais le Sénat et la commission des finances, Nicolas Dufourcq nous a alertés sur l'avenir des investissements dans nos territoires.

Sans ces crédits en 2026, les financements seront incomplets et ces entreprises ne pourront tout simplement pas lancer leurs usines ni lever les capitaux privés dont elles ont besoin. À l'heure où la concurrence américaine et chinoise est féroce, où nos entreprises bataillent pour rester sur nos territoires…

Mme la présidente. Votre temps est écoulé, ma chère collègue.

La parole est à M. Vincent Louault, pour explication de vote.

M. Vincent Louault. Je ne cherche nullement à contester la pureté de la démonstration de M. Somon, et mon propos ne se veut nullement agressif. Encore une fois, s'il faut créer une commission d'enquête sur le SGPI, je serai le premier à dire : « Allons-y ! » J'ai été très frustré par l'absence de réponse et la non-publication de mes rapports, même si on m'a dit qu'il s'agissait d'un problème de procédure. J'aurais aimé que le travail nourri des sénateurs, des députés, des chefs d'entreprise et des scientifiques qui font partie du CSIA soit un peu plus respecté.

Ensuite, nous sommes d'accord, il faut trouver des milliards et faire des efforts financiers. Pas de problème ! Mais lorsque l'on supprime l'article 42 du PLF et que l'on remet 1,1 milliard sur l'éolien et le financement du biogaz, on oublie juste qu'il suffisait de 700 millions pour 2026. On peut donc déjà faire 300 millions d'euros d'économies. De même, quand on analyse les 13 milliards du programme 345 du ministère de l'environnement, on peut trouver 1,5 milliard.

Je peux donc assez facilement gager ce que je veux vous faire perdre, monsieur Husson. Je comprends votre pureté d'analyse, monsieur le rapporteur général, mais je vous le demande solennellement : ne laissons pas prospérer cette image d'un Sénat qui serait contre l'innovation et la recherche, c'est-à-dire contre tout ce qui fait la sève de notre pays !