L. PROGRAMME 226 « TRANSPORTS TERRESTRES ET MARITIMES »

Le programme 226 « Transports terrestres et maritimes » est constitué essentiellement de subventions aux transports ferroviaires et aux transports urbains. Sa caractéristique principale est surtout la place prédominante des opérateurs : l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF), Voies navigables de France (VNF) et l'établissement public de sécurité ferroviaire (EPSF) auxquels s'ajoutent les deux intervenants en matière de transports ferroviaires la SNCF et RFF.

1. L'absence regrettée d'informations consolidées sur les opérateurs

a) Une exécution qui doit peu au responsable de programme

Le taux d'exécution des autorisations d'engagement et des crédits de paiement par rapport aux crédits ouverts en 2008 est satisfaisant et s'élève à 94 % 143 ( * ) . Il convient toutefois de noter que le responsable de programme n'est que marginalement en charge de l'exécution budgétaire dans la mesure où les dépenses d'intervention , constituées de subventions aux opérateurs précités, atteignent 94,4 % des autorisations d'engagement et 95,6 % des crédits de paiement .

Dans cette perspective, l'examen de la performance du programme 226 « Transports terrestres et maritimes » paraît « biaisé ». Ce sont en effet les résultats des opérateurs et assez peu ceux de la direction générale responsable du programme qui sont fournis.

Il est intéressant de savoir que l'indicateur de coût kilométrique moyen des opérations de régénération du réseau ferroviaire s'est dégradé en raison de l'augmentation des prix des fournitures, et malgré les efforts de productivité de RFF ; mais le « responsable » de programme est-il celui qui doit rendre des comptes au Parlement, ou au ministère sur cette question ?

La responsabilisation des gestionnaires de programme que souhaitait le Parlement lorsqu'il a adopté la nouvelle constitution financière semble inopérante lorsque les programmes concernés sont constitués à plus de 90 % de subventions à des opérateurs.

b) La nécessaire consolidation des comptes des opérateurs

Le Grenelle de l'environnement comporte des articles essentiels qui traitent directement des nouvelles orientations de la politique des transports, et en particulier du renforcement des modes de transport non-routier. Le ministère de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire s'est profondément rénové en 2008 pour être à la hauteur des enjeux environnementaux ainsi définis.

Au cours de l'année 2008, une nouvelle direction générale a été créée : la direction générale des infrastructures, des transports et de la mer (DGITM). Elle regroupe l'ensemble des modes de transport terrestres et maritimes, et se veut, selon le rapport de performance le « véritable levier d'une politique intermodale ambitieuse ».

Cette réforme de l'administration s'est accompagnée de la refonte des programmes de la présente mission, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2009. Le programme 226 « Transports terrestres et maritimes » est inclus dans le nouveau programme « Infrastructures et services de transports » qui comprend, outre les transports terrestres et maritimes, les infrastructures routières, la gestion des trafics et les infrastructures aéroportuaires. L'année 2008 est donc la dernière année d'exécution du présent programme. De ce fait, le tableau de suivi des crédits de paiement associés à la consommation des autorisations d'engagement, qui permet de juger de la soutenabilité d'une politique publique 144 ( * ) ne prévoit pas cette année de montant de reports d'autorisations d'engagement et de crédits de paiement.

Le montant de ces reports sera fusionné avec celui des reports du nouveau programme 203 « Infrastructures et services de transports ». Il est précisé qu'il s'élève à 101 millions d'euros d'autorisations d'engagement et à 122,5 millions d'euros de crédits de paiement.

Cette présentation ne semble pas complète, et pourrait être considérée comme peu sincère. Il est impératif que ce tableau de suivi de la soutenabilité de la politique publique engagée soit complété par un tableau identique consolidant les données des opérateurs subventionnés par le présent programme . Il est anormal que le Parlement n'ait pas une vision complète des engagements pris par les opérateurs sur la base de subventions votées en loi de finances. En l'absence de ces informations, il n'est en effet pas possible d'évaluer la soutenabilité des engagements pris dans le domaine des transports terrestres et maritimes .

2. Deux « risques budgétaires » substantiels

Selon le rapport annuel du contrôleur budgétaire et comptable 145 ( * ) , deux risques budgétaires caractérisent le domaine des transports.

a) La non comptabilisation des engagements relatifs à la ligne Lyon-Turin

Il indique ainsi que : « l'engagement de deux opérations d'un coût très important, même s'il est encore mal connu, fait peser un risque sur le financement de l'ensemble des infrastructures : la ligne ferroviaire de Lyon-Turin et son double tunnel de 52 kms d'une part, le canal à grand gabarit Seine-Nord d'autre part. Il est manifeste que le financement de ces opérations n'est envisageable qu'au prix d'une augmentation très sensible des crédits destinées aux transports, ou du renoncement à de nombreux projets ».

Vos rapporteurs spéciaux observent que la Cour des comptes a également attiré l'attention sur les engagements relatifs à la ligne ferroviaire de Lyon-Turin qui ne figurent pas au bilan de l'Etat .

Ils souhaitent que le projet de loi de finances pour 2010 précise les modalités de financement de ces deux infrastructures, jusqu'à la date d'achèvement prévue des deux ouvrages, et que le projet de loi de règlement pour 2009 intègre précisément les engagements déjà effectués .

Selon les informations transmises par les services du ministère interrogés sur cette question : « Les provisions ont été comptabilisées par rapport aux seuls engagements existants concernant ce projet, c'est à dire les études, dont le creusement de galeries de reconnaissance (175 millions d'euros d'engagement cumulé de l'AFITF sur 2005-2008).

En revanche, il n'est pas apparu opportun de provisionner aujourd'hui le projet global (2.500 millions d'euros pour la seule part française de la section internationale), car celui-ci n'a pas encore fait l'objet d'une décision formelle décidant de le mener à terme. Une telle décision nécessitera d'ailleurs la signature d'un nouveau traité entre la France et l'Italie, qui tiendra compte de l'ensemble des procédures, expertises et négociations sur le tracé en cours.

Les négociations actuelles côté italien devraient entraîner un renchérissement du coût du projet, mais la position française est que cela ne doit pas affecter la participation de la France ».

b) L'AFITF engage 5 milliards d'euros de plus que ses recettes

Le rapport annuel du contrôleur budgétaire et comptable donne des informations précises sur les engagements de l'AFITF , qui ne figurent pas dans le rapport annuel de performances .

Il est ainsi précisé que : « l'autre risque [budgétaire], lui, est particulier au domaine des transports et au mode d'ouverture des crédits qui le finance. Un établissement public, l'Agence de financement des infrastructures et des transports de France, a été créé en 2004 à cette fin, et financé par une partie du produit de la cession du capital des sociétés d'autoroutes (4 milliards d'euros), ainsi que par des recettes courantes de l'ordre de 0,8 milliard d'euros par an que lui affecte la loi de finances.

A la fin de 2008 , l'AFITF avait consommé la quasi-totalité des recettes ainsi constituées, mais s'était engagée au-delà, de 3 milliards d'euros envers l'Etat (qu'elle finance par voie de fonds de concours) et de 2 milliards d'euros envers des tiers. Les recettes courantes ne pouvant couvrir les dépenses de l'établissement, il est prévu de lui affecter le produit de la « taxe poids-lourds » instituée par l'article 153 de la loi de finances pour 2009. Dans l'attente de la perception du produit de cette taxe, qui suppose des investissements préalables assez longs, des crédits sont ouverts au budget de 2009 pour une subvention à cet établissement (proche de 1,2 milliard d'euros). Une telle situation n'est assurément pas durable et la date à laquelle le financement de l'AFITF sera assuré par la nouvelle recette est encore incertaine ».

Vos rapporteurs spéciaux partagent les inquiétudes du contrôleur sur le financement de l'AFITF à moyen terme .

Les perspectives de financement de l'AFITF doivent être améliorées d'une façon ou d'une autre dans les meilleurs délais . Deux questions se posent :

- les conséquences en termes de responsabilité du directeur de programme et de souplesse de gestion du recours aux fonds de concours qu'induit l'AFITF ;

- et la viabilité d'un opérateur de financement sans ressources.

Le contrôleur budgétaire et comptable note également, au sujet de l'AFITF, que : « l'ensemble des conventions passées par l'AFITF est suivi de manière assez précise et sûre pour que les objectifs de cohérence et de correction soient atteints (certes, il s'agit d'un établissement public et non du budget de l'Etat, mais il est « transparent », et, sur le plan comptable, ses chiffres sont directement intégrés dans le bilan de l'Etat) ; si les opérations imputées sur le budget de l'AFITF sont un jour transférées sur le budget général (comme pour les précédentes affectations de recettes pour les investissements de transport : Fonds spécial des grands travaux, Fonds spécial d'investissements routiers, Fonds d'aménagement de la région d'Ile-de-France, Fonds d'investissement des transports terrestres), il faudra veiller à maintenir cette clarté ».

Vos rapporteurs spéciaux partagent ce souhait.

* 143 Le taux d'exécution des crédits ouverts en loi de finances initiale est de 107 % en autorisations d'engagement et 116 % en crédits de paiement, avant prise en compte des ouvertures et annulations de crédits en cours d'année, et notamment des fonds de concours de 478 millions d'euros en autorisations d'engagement et 496 millions d'euros en crédits de paiement.

* 144 La soutenabilité budgétaire consiste en l'adéquation des projets de dépenses d'un responsable administratif aux capacités d'engagement et droits de paiement qui lui sont notifiés ou qui sont susceptibles de lui être délégués dans le futur. Elle mesure sa capacité à honorer les engagements qu'il entend souscrire , selon le décret n° 2005-54 du 27 janvier 2005 relatif au contrôle financier au sein des administrations de l'État.

* 145 Rapport annuel du contrôleur budgétaire et comptable relatif à l'exécution budgétaire et aux situations financières et comptables ministérielles de l'année 2008 pour le ministère de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire.

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