Lundi 15 décembre 2025
- Présidence de M. Claude Raynal, président -
La réunion est ouverte à 11 heures.
Projet de loi de finances pour 2026 - Examen des amendements du Gouvernement de coordination à l'article d'équilibre et à l'article liminaire
M. Claude Raynal, président. - Nous examinons ce matin les amendements de coordination déposés par le Gouvernement à l'article d'équilibre et à l'article liminaire du projet de loi de finances (PLF) pour 2026.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Le Gouvernement a déposé ce matin neuf amendements, qui sont tous des amendements de coordination. C'est beaucoup, car souvent la coordination ne concerne que l'article liminaire et l'article d'équilibre. Si vous me le permettez, monsieur le président, pour plus de clarté, je les présenterai tous ensemble.
Ces amendements peuvent être répartis en trois catégories.
En premier lieu, six amendements prennent uniquement en compte les conséquences du vote du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), dans sa version adoptée par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture.
Je dois souligner que notre vote ne porte évidemment pas sur le fond du PLFSS : il s'agit non pas de dire si nous sommes d'accord, ou non, avec les mesures adoptées par l'Assemblée nationale, mais uniquement de prendre en compte ces votes, de manière technique et dans un souci de sincérité, dans le texte du PLF, qui sera ensuite soumis à la commission mixte paritaire (CMP).
Sur le fond, il s'agit, d'une part, de la compensation par l'État de charges de la sécurité sociale, et, d'autre part, de dépenses nouvelles qui incombent à l'État employeur.
Ainsi, l'amendement COORD-3 vise à accroître de 3,079 milliards d'euros les crédits du programme 103 « Accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi » de la mission « Travail, emploi et administration des ministères sociaux » afin de compenser diverses charges prévues par le PLFSS : en particulier, pour 2,3 milliards d'euros, l'article 12 quinquies du PLFSS prévoit la compensation de la part salariale de l'exonération sur les heures supplémentaires.
L'amendement COORD-4 tend à augmenter, pour sa part, de 2,137 milliards d'euros les crédits du même programme afin de compenser, essentiellement, la réforme des allégements généraux de 2025.
L'amendement COORD-5 prévoit d'accroître de 32 millions d'euros les crédits de deux programmes de la même mission afin de tenir compte de la revalorisation de l'allocation de solidarité spécifique (ASS) et de l'allocation versée aux bénéficiaires du contrat d'engagement jeune (CEJ) découlant de la suppression de l'article 44 du PLFSS, qui prévoyait le gel du montant des prestations sociales.
Pour la même raison, l'amendement COORD-2 vise à rehausser de 317,3 millions d'euros les crédits de deux programmes de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » au titre du dégel des montants forfaitaires de la prime d'activité et du revenu de solidarité active (RSA).
Pour la même raison encore, l'amendement COORD-1 tend à augmenter de 83,8 millions d'euros les crédits de trois programmes de la mission « Régimes sociaux et de retraite ».
Enfin, l'amendement COORD-7 vise à accroître de 602,5 millions d'euros les crédits du compte d'affectation spéciale (CAS) « Pensions » afin de prendre en compte, là encore, la suppression du gel des prestations sociales et notamment des retraites, mais aussi la suspension de la réforme des retraites pour ce qui concerne les fonctionnaires.
En effet, alors que le projet de loi de finances prévoyait une stabilité des montants versés, le nouveau calcul repose sur des hypothèses de revalorisation à + 0,9 % le 1er janvier 2026 et + 0,8 % le 1er avril 2026 en fonction des régimes. Cet amendement vise donc à accroître les crédits versés par le CAS « Pensions », mais n'en modifie pas les recettes. Par conséquent, le solde annuel du CAS « Pensions » passe de + 38,6 millions d'euros à - 564,0 millions d'euros.
Au total, nous constatons que le vote du PLFSS par l'Assemblée nationale entraîne un accroissement de 6,3 milliards d'euros des dépenses nettes de l'État. Ce transfert de charges massif permet de masquer partiellement, côté PLFSS, la dégradation considérable des comptes de la sécurité sociale entraînée par le vote de l'Assemblée nationale.
Ces six amendements étant de la coordination avec le texte du PLFSS, je proposerai un avis de sagesse pour les raisons que j'ai évoquées.
Par ailleurs, un amendement prévoit une modification de crédits consécutive aux votes du Sénat lors de l'examen de la seconde partie du PLF. Il s'agit donc d'une coordination interne au PLF.
L'amendement COORD-6 vise ainsi à diminuer de 56,4 millions d'euros les crédits du programme 103 précité. En effet, le Sénat a adopté des mesures d'économies supplémentaires sur le compte personnel de formation (CPF) afin de compenser le maintien de l'aide au permis de conduire pour les apprentis et le maintien des bilans de compétences parmi les formations financées par le CPF. Les économies adoptées permettant de compenser les économies rejetées, les dépenses du programme 103 se trouvent minorées de 56 millions d'euros par rapport aux prévisions du PLF initial. Je proposerai un avis favorable sur cet amendement puisqu'il s'agit d'une conséquence des votes du Sénat.
Enfin, deux amendements tirent, de manière traditionnelle, les conséquences des votes du Sénat sur le PLF, mais aussi du PLFSS voté par l'Assemblée nationale, dans l'article liminaire et dans l'article d'équilibre.
À l'article d'équilibre, le solde budgétaire de l'État résultant de l'adoption de l'amendement COORD-8 serait de - 135,7 milliards d'euros, soit une dégradation de 11,4 milliards d'euros par rapport au texte transmis au Sénat, ce qui est considérable.
Comme indiqué précédemment, cette hausse est en majorité indépendante des votes du Sénat : les votes du Sénat ont ainsi dégradé le solde de 5,1 milliards d'euros tandis que ceux sur le PLFSS l'ont dégradé de 6,3 milliards d'euros. La dégradation du solde par les votes du Sénat résulte directement d'une baisse des recettes votées en première partie plus importante que la baisse des dépenses que sommes parvenus à voter en seconde partie du PLF. Selon moi, c'est clairement un problème auquel il nous faudra remédier en CMP. Autant je pense qu'on ne peut pas demander au Sénat de compenser les dégradations des finances publiques résultant des accords entre le Gouvernement et l'Assemblée nationale, autant je ne souhaite pas que le Sénat se rende responsable d'une accentuation de cette dégradation des comptes publics.
Comme l'amendement à l'article d'équilibre résulte largement des votes de l'Assemblée sur le PLFSS, je proposerai un avis de sagesse.
S'agissant enfin de l'amendement COORD-9, qui met à jour l'article liminaire, je proposerai également un avis de sagesse.
Au total, alors que le déficit, toutes administrations publiques, devait être de 4,7 % dans le PLF initial - et, je le rappelle, de 4,6 % dans le plan budgétaire et structurel de moyen terme (PSMT) et dans la première présentation du budget l'été dernier -, nous atteignons 5,3 % de déficit - c'est au-delà de tout ce que nous avions pu imaginer. Cela résulte pour l'essentiel des conséquences à tirer du PLFSS adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, qui aggrave le déficit de plus de 8 milliards d'euros, soit 0,3 % de PIB. Si l'on y rajoute les amendements de crédits supplémentaires du Gouvernement sur la deuxième partie du PLF, qui ajoutent 0,1 point de PIB, on atteint déjà 5,1 % de déficit.
Le Gouvernement préserve l'illusion d'un budget de la sécurité sociale maîtrisé, ce qui est très loin de la réalité : 4,6 milliards d'euros de déficit de la sécurité sociale sont transférés vers le budget de l'État. Le déficit des administrations de sécurité sociale avant transferts passe de 17,5 milliards d'euros dans le texte initial à 24 milliards d'euros. Je rappelle que, dans la note que le Gouvernement a fait circuler pour inciter les députés à voter un PLFSS, les conséquences de l'absence d'un PLFSS étaient un dérapage du déficit, passant de 20 à 30 milliards d'euros : le Gouvernement et les députés ont déjà fait la moitié du chemin ! Par la magie des transferts État-sécurité sociale, ce déficit des administrations de sécurité sociale serait maintenu légèrement en dessous de 20 milliards.
J'insiste sur un point : rien qu'en ajoutant les effets du PLFSS négocié entre le Gouvernement et l'Assemblée nationale et ceux des amendements coûteux du Gouvernement lui-même sur le PLF au Sénat, on est déjà à 5,1 % de déficit, soit au-delà de l'objectif de 5 % annoncé par le Premier ministre. Je comprends donc que le Gouvernement a d'ores et déjà abandonné la cible de déficit à 5 %, à moins de durcir la copie initiale du PLF pour compenser les conséquences du vote intervenu à l'Assemblée nationale... Si c'est le prix à payer pour préserver la stabilité, je crains que cela n'excède bientôt le coût de l'instabilité...
Nous n'avons d'autre choix que d'accepter cet amendement de coordination. Aussi, je vous propose un avis de sagesse.
M. Marc Laménie. - Merci, monsieur le rapporteur général, pour cette présentation technique. Si j'ai bien compris, l'augmentation du déficit s'explique en grande partie par le vote du PLFSS à l'Assemblée nationale. Quelle en est la proportion par rapport aux votes des missions ?
M. Pascal Savoldelli. - Il n'est pas facile d'appréhender cet exercice. Je comprends de votre exposé que le Gouvernement tire les conséquences à l'article d'équilibre de l'adoption du sous-amendement visant à minorer de 1,9 milliard les crédits du programme « Remboursements et dégrèvements d'impôts d'État » de la mission « Remboursements et dégrèvements ». Cela ne semblait pas évident en séance publique.
Plus globalement, tire-t-on d'habitude dans le PLF les conséquences des votes intervenus en PLFSS ? J'ai l'impression que c'est la première fois...
M. Vincent Capo-Canellas. - Je remercie le rapporteur général de cette présentation. Deux questions se posent. Premièrement, peut-on atteindre l'objectif de 5 % de déficit ? Deuxièmement, dans quelles conditions ?
Je comprends que le Sénat a « dégradé » de 5,1 milliards d'euros le solde à cause d'une baisse des recettes plus importante. Quel devrait être l'effort à consentir si l'on voulait viser l'objectif de 5 % de déficit ?
M. Claude Raynal, président. - Il est vrai qu'il est toujours difficile d'appréhender tous ces éléments de coordination en fin d'examen du texte, même si la synthèse du rapporteur général est assez claire.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - J'entends bien que la plupart de nos collègues n'y comprennent plus rien ! Le Gouvernement doit absolument assumer le fait qu'il passe d'un déficit affiché de 4,7 % dans le projet de loi de finances initialement déposé à 5,3 %.
Monsieur Savoldelli, le Gouvernement procède toujours à de petits ajustements à l'article d'équilibre et à l'article liminaire, mais je ne suis pas certain que cela se soit déjà produit à un tel niveau... ou il y a bien longtemps.
M. Claude Raynal, président. - Les années précédentes, les ajustements consécutifs au vote du PLFSS étaient plus mineurs. Cette année, ils ne sont pas marginaux.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Pour preuve, l'un des amendements de coordination porte sur 3,079 milliards d'euros, un autre sur 2,137 milliards et un autre encore sur 32 millions.
M. Claude Raynal, président. - Pour répondre à Pascal Savoldelli, le sous-amendement portant une minoration de 1,9 milliard a été intégré par le Gouvernement, actant notre vote, sans plus d'explication.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - J'ajoute qu'il n'y aura pas de seconde délibération.
M. Rémi Féraud. - Pour aller au bout du raisonnement, l'accroissement des dépenses à hauteur de 6,3 milliards d'euros dans le cadre du PLFSS est la conséquence de choix politiques, y compris en dehors du Sénat. En revanche, il en va autrement s'agissant du sous-amendement de minoration de 1,9 milliard d'euros, le Gouvernement se prononçant contre vendredi soir au motif que l'évaluation serait de 70 millions d'euros. Or, aujourd'hui, il l'intègre à l'article d'équilibre. Il est difficile de s'y retrouver : s'agit-il de 70 millions ou de 1,9 milliard ?
M. Claude Raynal, président. - Au-delà, pouvez-vous nous rappeler, monsieur le rapporteur général, la part liée au vote du PLFSS et celle qui est due aux votes du Sénat.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Les votes du Sénat ont dégradé le solde à hauteur de 5,1 milliards d'euros, contre 6,3 milliards pour le vote du PLFSS.
M. Claude Raynal, président. - Soit un total de 11,4 milliards d'euros. Dans ce cas, pourquoi parlez-vous de 9 milliards pour atteindre l'objectif de déficit à 4,7 % ?
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Pour ramener le déficit de 5,3 % à 5 %. L'objectif de 4,7 % est enterré depuis le début.
EXAMEN DES AMENDEMENTS DE COORDINATION DU GOUVERNEMENT
Article 49 (crédits de la mission)
La commission s'en remet à la sagesse du Sénat sur les amendements COORD-1, COORD-2, COORD-3, COORD-4 et COORD-5.
La commission émet un avis favorable à l'amendement COORD-6.
Article 51 (état D)
La commission s'en remet à la sagesse du Sénat sur l'amendement COORD-7.
Article 48 (état A).
La commission s'en remet à la sagesse du Sénat sur l'amendement COORD-8.
Article liminaire
La commission s'en remet à la sagesse du Sénat sur l'amendement COORD-9.
La réunion est close à 11 h 25.