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Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.


Table des matières



Questions d'actualité

Filière photovoltaïque

M. Ronan Dantec

M. Thomas Cazenave, ministre délégué chargé des comptes publics

Drame de Viry-Châtillon (I)

M. Jean-Raymond Hugonet

Mme Nicole Belloubet, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse

Recul du trait de côte

M. Dominique Théophile

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires

Drame de Viry-Châtillon (II)

Mme Laure Darcos

Mme Nicole Belloubet, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse

Jeux en ligne illégaux

Mme Nathalie Delattre

M. Thomas Cazenave, ministre délégué chargé des comptes publics

Politique sanitaire de l'eau

M. Alexandre Ouizille

M. Frédéric Valletoux, ministre délégué chargé de la santé et de la prévention

Situation à Gaza

Mme Michelle Gréaume

M. Stéphane Séjourné, ministre de l'Europe et des affaires étrangères

Surpopulation carcérale

M. Michel Canévet

Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée chargée de l'enfance, de la jeunesse et des familles

Liberté d'enseignement

M. Max Brisson

Mme Nicole Belloubet, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse

Avenir de la PAC

M. Jean-Claude Tissot

M. Marc Fesneau, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire

Finances publiques

M. Stéphane Sautarel

M. Thomas Cazenave, ministre délégué chargé des comptes publics

Indemnisation chômage des travailleurs frontaliers

M. Loïc Hervé

Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé et des solidarités

Financement des hôpitaux privés

Mme Florence Lassarade

M. Frédéric Valletoux, ministre délégué chargé de la santé et de la prévention

Réforme de la fonction publique

M. Pierre-Alain Roiron

M. Stanislas Guerini, ministre de la transformation et de la fonction publiques

Violences islamistes à l'école

Mme Valérie Boyer

Mme Nicole Belloubet, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse

Transfert des compétences eau et assainissement

M. Jean-Michel Arnaud

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires

CMP (Nominations)

Échec en CMP

Abrogation de la réforme des retraites

Discussion générale

Mme Monique Lubin, auteure de la proposition de loi

Mme Marion Canalès, rapporteure de la commission des affaires sociales

Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée chargée de l'enfance, de la jeunesse et des familles

M. Olivier Henno

Mme Raymonde Poncet Monge

Mme Cathy Apourceau-Poly

M. Henri Cabanel

M. Martin Lévrier

Mme Annie Le Houerou

Mme Pascale Gruny

M. Christopher Szczurek

M. Daniel Chasseing

Exception d'irrecevabilité

Rappels au règlement

Service civique

Discussion générale

M. Patrick Kanner, auteur de la proposition de loi

Mme Sylvie Robert, rapporteure de la commission de la culture, de la communication, de l'éducation et du sport

Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée chargée de l'enfance, de la jeunesse et des familles

Mme Mathilde Ollivier

M. Gérard Lahellec

M. Henri Cabanel

M. Martin Lévrier

M. David Ros

M. Cédric Vial

Mme Marie-Claude Lermytte

M. Pierre-Antoine Levi

M. Stéphane Piednoir

Discussion des articles

Article 1er

Article 2

Article 3

Vote sur l'ensemble

Mme Mathilde Ollivier

M. Patrick Kanner

Mme Annick Billon

Mme Sylvie Robert, rapporteure de la commission de la culture, de la communication, de l'éducation et du sport

M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture, de la communication, de l'éducation et du sport

Mise au point au sujet d'un vote

Conférence des présidents

Haut-commissariat au plan : quel bilan et quelle influence sur les politiques publiques depuis 2020 ?

M. Daniel Salmon, pour le GEST

Mme Evelyne Corbière Naminzo

M. Christian Bilhac

M. Bernard Buis

Mme Nicole Bonnefoy

M. Jean-Baptiste Blanc

Mme Vanina Paoli-Gagin

Mme Denise Saint-Pé

Mme Anne Souyris

M. Michaël Weber

M. Marc Laménie

M. Jean-Marie Vanlerenberghe

Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée chargée du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement

M. Thomas Dossus, pour le GEST

Ordre du jour du jeudi 11 avril 2024




SÉANCE

du mercredi 10 avril 2024

81e séance de la session ordinaire 2023-2024

Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires : Mme Alexandra Borchio Fontimp, M. Guy Benarroche.

La séance est ouverte à 15 heures.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Questions d'actualité

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.

Je vous prie d'excuser l'absence du Premier ministre, en voyage officiel au Canada.

Je vous rappelle que cette séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.

Chacun sera attentif au respect des uns et des autres et du temps de parole.

Filière photovoltaïque

M. Ronan Dantec .  - (Applaudissements sur les travées du GEST) Dans quelques jours, l'entreprise Systovi, à Carquefou, fermera peut-être ses portes, faute de repreneur. Il aura suffi de quelques semaines et d'un dumping extrême des fabricants chinois de panneaux photovoltaïques pour mettre à bas un modèle économique pourtant solide.

Alors que le réarmement industriel sature les discours gouvernementaux, l'État reste muet. On nous parle, certes, de futures megafactories ; mais elles ne se feront que si l'Europe se met en ordre de bataille douanière contre le dumping chinois. En attendant, nos entreprises innovantes meurent faute de soutien.

Systovi devait aussi son succès à des collectivités territoriales tournées vers l'innovation et soucieuses d'acheter local et national. La transition territoriale est au coeur de la planification écologique - Christophe Béchu le martèle à longueur de COP régionales. Or la loi Accélération des énergies renouvelables prévoit un partage de la valeur au profit notamment du bloc communal, mais les décrets d'application tardent, privant les collectivités de ressources précieuses.

Oui ou non, ces décrets, qu'on dit bloqués à Bercy, vont-ils être publiés ? Et allez-vous préserver la filière photovoltaïque française ? Il y a urgence climatique : ne seriez-vous pas en train de l'oublier ? (Applaudissements sur les travées du GEST et sur certaines travées du groupe SER ; M. Michel Savin applaudit également.)

M. Thomas Cazenave, ministre délégué chargé des comptes publics .  - Je vous prie d'excuser l'absence de Roland Lescure, en déplacement au Canada avec le Premier ministre.

Comme vous, nous voulons faire de la France la première grande nation verte. C'est pourquoi nous investissons comme jamais dans les énergies renouvelables. Les autres leviers, nucléaire et sobriété, doivent être aussi activés.

Résultat : nous avons battu l'année dernière un record d'installation de nouvelles capacités photovoltaïques, à 3,1 gigawatts.

M. Yannick Jadot.  - Qui produit ?

M. Thomas Cazenave, ministre délégué.  - La production électrique de toutes les filières décarbonées progresse. Il y a quelques jours, à Manosque, Bruno Le Maire et Roland Lescure ont annoncé le rehaussement à 6 gigawattheures de notre objectif annuel de déploiement du solaire.

M. Yannick Jadot.  - Et l'industrie ?

M. Thomas Cazenave, ministre délégué.  - La publication du décret sur l'agrivoltaïsme accélérera le mouvement par la libération du foncier ; les communes ont déjà identifié 180 000 zones.

Le déploiement des énergies renouvelables est une opportunité pour réindustrialiser notre pays. C'est le sens du crédit d'impôt industrie verte ou de l'accompagnement de l'installation des gigafactories...

S'agissant de Systovi, nous suivons le dossier avec une grande attention. Nous accompagnons l'entreprise et sommes prêts à travailler avec vous. (M. François Patriat applaudit.)

M. Ronan Dantec.  - Nous avons tous, au Sénat, voté le partage de la valeur. Il est très inquiétant que vous n'ayez pris aucun engagement sur le sujet ! (Applaudissements sur les travées du GEST et sur quelques travées du groupe SER)

Drame de Viry-Châtillon (I)

M. Jean-Raymond Hugonet .  - (Applaudissements nourris sur les travées du groupe Les Républicains) Nonobstant son déplacement au Canada, ma question s'adresse à M. le Premier ministre.

La classe politique dans son ensemble a exprimé son indignation et sa compassion après la mort tragique de Shemseddine, le 5 avril, à Viry-Châtillon. Le massacre sauvage de cet adolescent de 15 ans par cinq individus, dont quatre mineurs, s'ajoute à une liste déjà bien trop longue.

Au-delà des éternelles déclarations médiatiques et d'une fermeté de façade qui ne trompe plus personne, au-delà du déni idéologique qui paralyse l'action publique, au-delà des sempiternelles déclarations solennelles du Président de la République jurant que la main de l'État ne tremblera pas ou que l'école doit rester un sanctuaire - alors qu'elle est devenue un coupe-gorge (murmures désapprobateurs à gauche et sur certaines travées au centre) -, comment le Gouvernement compte-t-il enfin agir en profondeur face à une situation qui n'a rien à voir avec la fatalité ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC ; M. Joshua Hochart applaudit également.)

Mme Nicole Belloubet, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse .  - Non, l'école n'est pas un coupe-gorge, et je trouve gravissime que vous parliez de la sorte. (Applaudissements à gauche et sur les travées du RDPI, du RDSE et du groupe INDEP ; MJean-Marie Vanlerenberghe et Mme Isabelle Florennes applaudissent également.) Tout le personnel est arc-bouté pour que l'école reste un lieu de sécurité et de sérénité. Nous nous employons pour qu'il en soit ainsi.

À Viry-Châtillon, aux côtés de la communauté éducative, j'ai partagé l'infinie douleur qui a saisi le collège à l'annonce de la mort de Shemseddine. Ce ne sont pas que des mots. Quand on appartient à une famille, on vibre de ses sentiments et on n'a qu'un désir : la protéger.

C'est ce que nous faisons, en mettant en place un véritable bouclier de sécurité autour des établissements scolaires (marques d'ironie sur certaines travées à droite ; M. Bruno Retailleau soupire), fondé sur les forces de l'ordre, le travail pédagogique, le respect des valeurs républicaines et les dispositifs de prévention et de protection destinés aux agents, sans oublier un enseignement fondé sur la science. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; M. Bernard Fialaire et Mme Isabelle Florennes applaudissent également.)

Une voix à droite.  - Encore du bla-bla !

M. Jean-Raymond Hugonet.  - Les territoires perdus de la République ; antisémitisme, racisme et sexisme en milieu scolaire : cet ouvrage collectif est paru il y a douze ans ! Les diagnostics sont posés depuis longtemps. L'ultraviolence juvénile n'est pas le fruit du hasard. Partout, l'autorité est bafouée et l'anomie nous guette. À l'heure où les piliers de notre société sont consciencieusement dynamités, l'urgence commande d'agir. Quand ouvrirez-vous enfin les yeux ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC)

Recul du trait de côte

M. Dominique Théophile .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Le 8 mars dernier, l'inspection générale de l'environnement et du développement durable a rendu public un rapport alarmant sur les conséquences du recul du trait de côte. Il vient d'être complété par un rapport du Cerema (Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement).

Les chiffres font froid dans le dos. En 2028, environ mille bâtiments pourraient être touchés. En 2050, le niveau de la mer aura monté d'un mètre, selon le Giec : 5 200 logements et 1 400 locaux d'activité seraient alors affectés, pour une valeur de 1,2 milliard d'euros.

Ces scénarios illustrent les possibles conséquences de l'inaction face au changement climatique. Nombre de nos compatriotes, dans l'Hexagone comme en outre-mer, seraient contraints de déménager ou d'adapter leur logement. La Guadeloupe figure parmi les départements les plus exposés, avec 500 foyers menacés.

Le bail réel d'adaptation à l'érosion côtière instauré par la loi Climat et résilience concerne avant tout les propriétaires, or en Guadeloupe, la majorité des victimes de l'érosion ne le sont pas. Il faut anticiper et aider les acteurs locaux, déjà engagés. Comment comptez-vous les accompagner, rendre le relogement des familles concernées le moins pénible possible et renforcer l'information des acquéreurs et des locataires ? (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires .  - Connaissant votre engagement pour les récifs coralliens et les Drom en général, je ne suis pas surpris de votre question - d'actualité, car le Cerema vient de faire paraître ses cartes aux horizons 2030, 2050 et 2100.

Mon ministère a commandé ces cartes pour favoriser une prise de conscience. Car 2050, ce n'est pas si loin. À cet horizon, plus de 5 000 logements sont menacés, dont 10 % en Guadeloupe. C'est dire s'il faut se pencher précisément sur la situation de votre territoire.

Une mission d'inspection spécifique sur les outre-mer est en cours pour affiner la typologie des habitats, qui est particulière dans ces territoires. Le plan d'adaptation qui sera prochainement présenté traitera de la montée des océans. Le projet de loi de finances pour 2025 prévoira les accompagnements budgétaires nécessaires.

Par ailleurs, une mission confiée à des élus locaux et à la députée Sophie Panonacle étudie, en liaison avec l'Association nationale des élus du littoral, notamment le maire des Sables-d'Olonne, le panier de financements possibles. Quelle part pour l'information, l'indemnisation, la construction en rétro-littoral ?

Un impératif : ne pas rester inactif. Ici, il faudra construire des digues ; là, planter des mangroves ; ailleurs, ne pas mener un combat perdu contre la mer. Vous aurez l'occasion de débattre rapidement de ces questions. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur quelques travées du RDPI)

Drame de Viry-Châtillon (II)

Mme Laure Darcos .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) Shemseddine avait 15 ans et sortait de son cours de musique : il a été tabassé à mort par plusieurs jeunes encapuchonnés pour la simple raison qu'il fréquentait une jeune fille et que cela déplaisait à ses frères. Présente comme vous, vendredi dernier, sur les lieux de ce meurtre barbare, au côté du maire de Viry-Châtillon, mon ami Jean-Marie Vilain, j'ai croisé ses camarades en pleurs, terrorisés et se demandant : à qui le tour ?

Au coeur d'une société déboussolée, l'école a vocation à être un sanctuaire de la République, formant nos enfants au respect mutuel et aux droits humains. Élèves et professeurs doivent s'y sentir en sécurité.

Les communes ne cessent d'investir dans les quartiers populaires pour que chacun, dans sa différence, vive en harmonie avec les autres. À Viry-Châtillon, les efforts consentis sont considérables. Que faire de plus, de mieux ?

Je me sens découragée devant l'ultraviolence de mineurs de plus en plus jeunes, qui perdent le sens du bien et du mal, influencés par les réseaux sociaux. Pouvons-nous accepter leur haine de la police, des pompiers, des élus, des enseignants ? (La voix de l'oratrice tremble sous le coup de l'émotion.) Pouvons-nous nous habituer à un ensauvagement qui vire à la barbarie ordinaire ?

Il faudra punir très sévèrement les meurtriers et rappeler qu'en France, le respect de la vie d'autrui est un devoir fondamental. Par ailleurs, l'infantilisation des femmes par un patriarcat moyenâgeux n'a pas sa place dans la République.

Une voix féminine à droite.  - Très bien !

Mme Laure Darcos.  - L'éducation à la sexualité doit pouvoir être dispensée en toute sérénité.

Notre indignation ne ramènera pas Shemseddine à la vie. (La voix de l'oratrice se charge d'émotion.) Mais pouvons-nous espérer que ce drame serve une véritable prise de conscience et un sursaut collectif ? (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP, sur de nombreuses travées du groupe UC et sur certaines travées du groupe Les Républicains ; M. Mickaël Vallet applaudit également.)

Mme Nicole Belloubet, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse .  - Nous sommes tous anéantis. Mais nous devons tout faire pour que le bouclier dont j'ai parlé il y a quelques instants se mette effectivement en place.

Nous ne devons pas nous décourager, en aucune manière. Continuons à nous arc-bouter pour que l'école demeure un sanctuaire, non pas entièrement clos, mais protecteur et capable de construire des ponts vers l'extérieur.

Je salue le maire de Viry-Châtillon pour ses propos mesurés et l'action qu'il mène. En particulier, il a mis en place des cellules de soutien psychologique à la MJC pour la prise en charge des jeunes choqués.

L'enseignement fondé sur la science, l'égalité entre les filles et les garçons, le respect des valeurs de la République, le respect des jeunes entre eux et l'éducation affective et sexuelle sont des incontournables au sein de notre communauté éducative. C'est par eux que nous l'emporterons. (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur plusieurs travées du RDSE et du groupe INDEP ; Mme Laurence Rossignol applaudit également.)

Jeux en ligne illégaux

Mme Nathalie Delattre .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE) L'année dernière, plus de 4,5 millions de Français ont utilisé, souvent à leur insu, des sites et applications illégaux de jeux de casino en ligne. Basées à l'étranger, ces entreprises profitent de notre défaut de régulation pour cibler les jeunes, avec à la clé d'importants profits.

L'absence de règles surexpose nos concitoyens, notamment à la captation de données personnelles, à la fraude ou à l'installation de programmes malveillants. Elle nourrit la cybercriminalité qui participe au financement d'activités terroristes.

Ces sites frauduleux posent aussi de sérieuses questions de santé publique. Ils réalisent près de 80 % de leurs bénéfices sur des joueurs ayant une pratique à risque, dont le quart sont âgés de 18 à 24 ans. Pendant que nos établissements de jeux physiques ou de paris en ligne sont, heureusement, soumis à une obligation de surveillance et de traitement en matière d'addiction, c'est le jackpot pour les sites illégaux.

La loi Pacte a confié des pouvoirs étendus à l'Autorité nationale des jeux pour lutter contre cette offre illégale, en vain. L'inspection générale des finances souligne la nécessité de lutter contre ces pratiques illicites.

La légalisation des casinos en ligne serait un moyen efficace d'assécher l'offre illégale, comme le montre l'exemple néerlandais. En outre, elle pourrait rapporter près d'1 milliard d'euros de recettes à l'État.

Comptez-vous, comme le Royaume-Uni, l'Italie, l'Espagne, l'Allemagne, la Belgique et tant d'autres pays, légaliser les casinos en ligne ? (Applaudissements sur les travées du RDSE)

M. Thomas Cazenave, ministre délégué chargé des comptes publics .  - (M. Mickaël Vallet : « Rien ne va plus ! ») Les jeux illégaux en ligne posent de nombreux problèmes. Vous dites qu'il n'y a pas de règles, mais il y en a une : les casinos en ligne sont interdits.

Ils posent problème à ceux qui respectent les règles, établissements physiques ou jeux en ligne, mais surtout en matière de santé publique. Le taux de prévalence des jeux excessifs atteint 46 % pour les casinos en ligne, contre 11 % pour les paris sportifs.

Dans les pays qui ont opté pour la libéralisation, il y a toujours une offre illégale. Notre objectif, c'est de bloquer ces sites.

Depuis 2022, l'Autorité nationale des jeux peut décider un tel blocage. Et ça marche ! (Mme Nathalie Delattre se montre dubitative.) En un an et demi, 946 procès-verbaux ont été dressés, 355 ordres administratifs émis et 1 500 sites bloqués. Continuons à resserrer l'étau contre ceux qui ne respectent pas la réglementation. (Applaudissements sur plusieurs travées du RDPI)

Politique sanitaire de l'eau

M. Alexandre Ouizille .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) J'ai une pénible impression de déjà-vu. Le 7 février dernier, Hervé Gillé et Élisabeth Doineau interrogeaient le Gouvernement sur les pratiques illégales des fabricants et industriels de l'eau minérale. Bruno Le Maire leur a répondu qu'il s'agissait d'un scandale, d'une tromperie commerciale, dont l'autorité judiciaire était saisie et que le Gouvernement s'en donnait quitus.

Or il y a du nouveau, y compris d'un point de vue sanitaire. Voyez les révélations du Monde et de France Info : depuis octobre 2023, vous disposez d'une étude de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses), qui met gravement en cause l'industriel Nestlé, dont la qualité des eaux minérales n'est pas garantie. On a retrouvé de la matière fécale dans certains prélèvements ! (Murmures consternés sur plusieurs travées)

Ce n'est pas qu'une question pour l'autorité judiciaire : nous sommes ici au coeur des prérogatives du Gouvernement.

L'étude sera-t-elle publiée ?

Pourquoi ne l'avez-vous pas évoquée le 7 février ?

Le plan de vigilance renforcé qu'elle juge nécessaire sera-t-il mis en oeuvre ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER, du GEST et sur quelques travées du groupe CRCE-K)

M. Frédéric Valletoux, ministre délégué chargé de la santé et de la prévention .  - L'eau est le produit alimentaire le plus contrôlé en France. Les agences de l'eau et les agences régionales de santé (ARS) assurent chaque jour des dizaines de contrôles. (Marques d'ironie sur les travées du groupe SER)

M. Hussein Bourgi.  - C'est inquiétant, alors !

M. Frédéric Valletoux, ministre délégué.  - Des révélations récentes auraient montré que Nestlé Waters n'aurait pas respecté les règles sur l'utilisation de certains produits.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Exact !

M. Frédéric Valletoux, ministre délégué.  - Une enquête préliminaire pour tromperie a été ouverte contre cette entreprise par le parquet d'Épinal.

Toutefois, le contrôle sanitaire réalisé par les ARS sur les sites qui auraient utilisé des produits interdits a toujours montré que les eaux respectaient les normes sanitaires. Je tiens à rassurer nos concitoyens : les eaux mises en vente respectaient et respectent les normes.

Les ARS Grand Est et Occitanie ont demandé la mise en oeuvre d'un plan de surveillance renforcée de la sécurité sanitaire des filières d'eau conditionnée. Ce plan est bien engagé, sur les deux sites concernés.

Selon l'Anses, certaines sources seraient sujettes à des contaminations saisonnières, du fait des intempéries. Il faut donc des contrôles réguliers, dont se chargent les ARS.

La sécurité sanitaire est une priorité absolue, je veux le dire aux Français. Le Gouvernement est intransigeant sur ce point.

M. Mickaël Vallet et M. Hervé Gillé.  - Et le rapport ?

M. Frédéric Valletoux, ministre délégué.  - Par ailleurs, ayant été nommé ministre le 8 février, je ne peux vous répondre sur le 7... (Applaudissements sur quelques travées du RDPI)

M. Alexandre Ouizille.  - Cela fait trois à zéro, monsieur le ministre. Trois questions, zéro réponse !

Vous avez été nommé le 8, mais il y avait bien un gouvernement dans ce pays, le 7 !

Le sujet est majeur, il nous faut des éclaircissements. (Applaudissements sur les travées du groupe SER, du GEST et sur plusieurs travées du groupe CRCE-K)

Situation à Gaza

Mme Michelle Gréaume .  - Dans une tribune signée conjointement avec le président égyptien Al-Sissi et le roi Abdallah II de Jordanie, le Président de la République a appelé à un cessez-le-feu et a affirmé sa volonté d'aboutir à une solution à deux États. À Gaza, plus d'enfants ont été tués en quatre mois qu'en quatre ans à travers le monde.

Mais les déclarations restent sans portée si les décisions ne suivent pas. Depuis six mois, aucune résolution, aucune injonction de la Cour internationale de justice (CIJ) n'ont fait fléchir Benyamin Netanyahu.

Cette guerre dépasse très largement la seule volonté de punir le Hamas des atrocités perpétrées le 7 octobre dernier, que nous condamnons de nouveau sans hésitation. Monsieur le ministre, agissez immédiatement et fermement.

Faites pression pour qu'Israël applique les mesures conservatoires décidées par la CIJ. Faites pression sur les États-Unis pour qu'ils cessent leurs livraisons d'équipements et appliquons aussi cette exigence à nous-mêmes. Cessez de prêcher la paix en alimentant la guerre.

Faites pression au sein de l'Union européenne pour abroger l'accord d'association avec Israël et pour imposer des sanctions. (Protestations à droite)

Allons-nous nous associer à l'Espagne, à la Belgique, à l'Irlande, à Malte et à la Slovénie pour reconnaître l'État palestinien, en vue d'assurer la coexistence pacifique des deux peuples au sein de deux États ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K et du GEST ; M. Philippe Grosvalet applaudit également ; plusieurs exclamations à droite.)

M. Stéphane Séjourné, ministre de l'Europe et des affaires étrangères .  - La position française sur ce conflit est claire.

La guerre que le Hamas a déclenchée contre Israël le 7 octobre - le plus grand massacre antisémite du XXIe siècle - engendre une tragédie : 42 Français ont été tués, trois sont encore otages à Gaza et nous faisons tout pour les libérer.

Cette tragédie est aussi celle du peuple palestinien, qui manque de tout. Celui-ci ne doit pas payer pour les crimes du Hamas. Israël doit faire en sorte que l'aide alimentaire arrive en quantité suffisante. La France a lancé une initiative au Conseil de sécurité : notre résolution appelle à un cessez-le-feu immédiat et à la libération de tous les otages ; elle rappelle les grands paramètres de la solution à deux États.

Nous négocions aussi sur le volet humanitaire : la France a été un des premiers pays à y contribuer ; hier encore, un largage a eu lieu avec les Jordaniens.

Il n'existe pas de projet de sanction globale à ce stade contre Israël. La France a déjà pris des sanctions contre les colons responsables de violences en Cisjordanie. (Murmures à gauche ; applaudissements sur les travées du RDPI)

Surpopulation carcérale

M. Michel Canévet .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe INDEP) « La prison au bord de l'implosion », titrait hier Le Télégramme.

De fait, la contrôleure générale des lieux de privation de liberté (CGLPL) a rappelé ce week-end que nos prisons comptent 76 000 détenus pour 61 600 places.

Emmanuel Capus me parlait de la surpopulation dans la prison d'Angers. (M. Emmanuel Capus le confirme.) La prison de Brest aussi est un bon exemple : 484 détenus, cent de plus qu'il y a un an, pour 253 places. La cour d'assises du Finistère jugera cette semaine un détenu qui a assassiné un codétenu en août 2021. Aujourd'hui, par-dessus les murs de la prison, des barrettes de shit sont lancées, avec des lames. Trois détenus s'entassent dans des cellules de neuf mètres carrés, et des agents, dont la médecin et l'infirmière, ont été agressés physiquement.

Que compte faire le Gouvernement, au-delà des 4 100 places construites sur les 15 000 prévues ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées des groupes INDEP et Les Républicains)

Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée chargée de l'enfance, de la jeunesse et des familles .  - Les conditions de détention sont au coeur des préoccupations du garde des sceaux, dont je vous prie d'excuser l'absence ; il est en déplacement au Québec avec le Premier ministre.

La prison est nécessaire pour punir les condamnés et protéger nos concitoyens. Mais elle doit offrir des conditions dignes.

La livraison de 15 000 places nouvelles est un programme ambitieux. Au 1er janvier dernier, 19 établissements avaient déjà été livrés, et la moitié des établissements prévus seront opérationnels cette année.

L'administration pénitentiaire poursuit les transferts accélérés de condamnés vers les établissements pour que leur peine soit effectuée ; de fait, cela limitera la surpopulation carcérale.

Oui, le taux d'occupation de la maison d'arrêt de Brest est particulièrement élevé. Le futur centre pénitentiaire de Vannes devrait y remédier quelque peu. Des signalements spécifiques ont été opérés auprès de la directrice interrégionale.

Les taux d'octroi de libérations sous contrainte prononcées par l'autorité judiciaire sont plus élevés à Brest qu'ailleurs - 69 % -, car c'est une mesure pour lutter contre la surpopulation carcérale. Nous avons aussi investi 11 millions d'euros pour sécuriser le site. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. Michel Canévet.  - La situation est préoccupante et appelle des actions immédiates, sans quoi nous ferons face à une multiplication des faits divers dans les établissements. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe INDEP ; Mme Sylvie Goy-Chavent applaudit également.)

Liberté d'enseignement

M. Max Brisson .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Détournements de fonds publics, caisse noire, fraudes, systèmes hors de contrôle, ségrégation scolaire, omerta politique : voilà le bilan du rapport sur le financement public de l'enseignement privé sous contrat de Paul Vannier, député LFI, et Christopher Weissberg, député Renaissance.

Ce rapport jette l'opprobre sur l'ensemble du privé sous contrat et les services de votre ministère, sans susciter le trouble des députés Renaissance. Pour le Gouvernement, l'enseignement privé sous contrat concourt-il encore au service public de l'éducation ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC ; M. Alain Marc applaudit également ; Mme Raymonde Poncet Monge ironise.)

Mme Nicole Belloubet, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse .  - Les choses sont claires : nous avons une Constitution, qui pose des règles interprétées par le Conseil constitutionnel, parmi lesquelles la liberté d'enseignement, qui, depuis 1977, est un principe fondamental reconnu par les lois de la République (PFRLR). Les établissements privés sous contrat participent donc de l'enseignement aux côtés des établissements publics. Je suis attachée au respect de ces textes, notamment la loi de 1959.

Des établissements privés accueillent des enfants divers, à l'image de nos territoires, comme le font les établissements publics. Dans d'autres, il y a moins de mixité sociale et scolaire : c'est un constat que nous pouvons partager. Cela étant, les établissements privés sous contrat doivent respecter les règles et les programmes. (M. Pierre Ouzoulias renchérit.) Nous nous en assurons.

Nous souhaitons accentuer le contrôle administratif, pédagogique et financier de ces établissements, en lien avec les directions régionales des finances publiques. Le secrétariat général de l'enseignement catholique (Sgec) en est d'accord, et je présenterai un plan pluriannuel en ce sens.

L'article 1er du code de l'éducation indique que la mixité est assurée par les établissements publics et privés sous contrat. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; Mme Laurence Rossignol applaudit également.)

M. Max Brisson.  - J'aurais pu vous répondre diversité, souplesse, réussite du privé dans bien des territoires et difficultés rencontrées dans d'autres. J'aurais pu inviter à sortir de la caricature et à trouver dans le privé quelques clés de réussite pour redonner ses lettres de noblesse au public. (M. Mickaël Vallet proteste.)

Mais ceux qui, au nom de leur dogme, malmènent le public, ne constatent-ils pas, impuissants, la réussite de ceux qui sont restés à l'écart de certaines folies destructrices ? Est-ce la faute de l'enseignement privé de ne pas avoir passé par-dessus bord les principes d'autorité, de mérite, de respect, d'assiduité et d'excellence, qui ont longtemps fait les beaux jours de l'école publique ? Si celle-ci se portait mieux, le privé serait-il un problème ?

M. Mickaël Vallet.  - Et l'éducation à la sexualité ?

M. Max Brisson.  - Pour plaire à quelques enragés, devons-nous piétiner la liberté de choix des parents et détruire l'école qui fonctionne encore ? Les laisserons-nous faire ? (Acclamations sur les travées du groupe Les Républicains ; protestations à gauche ; M. Yannick Jadot lève les bras au ciel.)

Avenir de la PAC

M. Jean-Claude Tissot .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Le 26 mars dernier, une révision de la PAC a été validée et les ennemies de la PAC identifiées : la conditionnalité et les mesures environnementales - pourtant bien timides.

Ce détricotage environnemental, auquel la France a participé, oublie que les agriculteurs sont les premières victimes du dérèglement climatique et qu'ils demandent à être correctement rémunérés pour leur travail.

Cette PAC à bout de souffle ne protège ni les agriculteurs ni les consommateurs contre la volatilité des prix et n'incite pas à l'indispensable transition agroécologique.

Alors, changeons de logiciel : sortons des aides à la superficie et aux volumes pour aller vers des aides sur l'actif agricole (M. Laurent Duplomb s'exclame) ; plafonnons-les, comme en Espagne (quelques protestations sur les travées du groupe Les Républicains) ; mettons en place un système d'aides contracycliques ; renforçons les mesures agroécologiques avec des critères ambitieux ; valorisons les services environnementaux rendus par les paysans.

Alors que le Conseil d'État a sévèrement jugé votre projet de loi d'orientation agricole, il est temps de changer de méthode. La France va devoir revoir son plan stratégique national. Comptez-vous profiter de cette occasion pour y inclure des mesures permettant de remettre du revenu dans les fermes ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST ; M. Jean-Marc Boyer s'exclame.)

M. Marc Fesneau, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire .  - La PAC est dans sa première année d'exécution : n'en changeons pas en cours de route, car les agriculteurs ont besoin de stabilité. Ils ont aussi besoin de simplification : j'assume les mesures prises, avec l'appui de 26 des 27 pays de l'Union. (On ironise sur les travées du GEST et du groupe SER.)

Nous n'avons pas réduit nos objectifs environnementaux. (Marques d'indignation sur quelques travées du groupe SER et du GEST) Voyez ce que nous avons prévu sur les jachères. Les agriculteurs ont besoin d'être accompagnés dans les transitions, car les défis sont immenses.

Ensuite, nous avons lancé, au niveau européen, un débat sur la rémunération : la Commission européenne s'est engagée à travailler sur une sorte d'Égalim européen, ainsi que sur la commande publique.

Enfin, nous devons préparer la PAC 2027, pour faire face aux chocs économiques, géopolitiques et climatiques.

S'agissant de la loi d'orientation,...

M. Hervé Gillé.  - Quand ?

M. Marc Fesneau, ministre.  - ... certaines de ses dispositions tiennent compte de la transition. (Applaudissements sur quelques travées du RDPI)

Finances publiques

M. Stéphane Sautarel .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Je n'imaginais pas venir au secours du ministre de l'économie et des finances (exclamations ironiques à droite), tant sa responsabilité est grande dans la situation catastrophique de nos finances publiques depuis sept ans.

Pourtant, le voici l'allié du Parlement, plaidant pour un collectif budgétaire, car la digue du déficit et de la dette a lâché. Ce tsunami menace l'archipel français.

Mais voilà que le Président de la République déclare qu'il ne voit pas l'intérêt d'un projet de loi de finances rectificative et que le problème ce ne sont pas les dépenses excessives, mais les moindres recettes... Bref, c'est pas nous, c'est la conjoncture - voire les Français qui ne contribuent pas suffisamment.

Eh bien non : c'est vous qui avez fait 1 000 milliards d'euros de dépenses publiques supplémentaires et porté notre dette à bientôt 3 000 milliards d'euros !

Le passage devant le Parlement ne dépend pas d'un fait du prince ; c'est une obligation constitutionnelle. (M. Jean-François Husson approuve.)

Le Président de la République accable les partenaires sociaux, les collectivités territoriales et, surtout, les Français, coupables de ne pas payer assez d'impôts. Voilà peut-être la préfiguration de votre plan caché post-élections européennes. Recevoir des leçons du mauvais élève de la classe est humiliant pour nous, élus locaux. (« Très bien ! » à droite)

Confirmez-vous que vous n'augmenterez pas les impôts ni ne réduirez les dépenses au-delà des 10 milliards d'euros annoncés ? Est-ce à dire que le déficit en 2024 sera bien supérieur à 5 % ? (« Bravo ! » et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Thomas Cazenave, ministre délégué chargé des comptes publics .  - Le contexte économique a changé. (Exclamations et marques d'ironie sur les travées du groupe Les Républicains) Nos chiffres s'en ressentent.

Nous avons perdu 20 milliards d'euros de recettes en 2023, et le ralentissement économique pèsera en 2024 - nous revoyons nos prévisions. Et oui, les dépenses de l'État ont été maîtrisées. (Vives protestations sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Jean-François Husson.  - C'est une plaisanterie !

M. Thomas Cazenave, ministre délégué.  - Elles ont baissé de 8 milliards d'euros en 2023. Le programme de stabilité, présenté en conseil des ministres la semaine prochaine, prévoit 5,1 % de déficit pour 2024, ce qui suppose de nouveaux efforts.

M. Patrick Kanner.  - Qui va les faire ?

M. Thomas Cazenave, ministre délégué.  - Nous avons annulé 10 milliards d'euros de crédits, dans le respect de la LOLF et du Parlement.

M. Patrick Kanner.  - Déposez un PLFR !

M. Thomas Cazenave, ministre délégué.  - Comment faire ces économies sans texte financier ? D'abord, grâce aux 7 milliards d'euros de réserves de précaution dans les budgets ministériels. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Jean-François Husson.  - Et les crédits reportés ?

M. Thomas Cazenave, ministre délégué.  - Nous avons aussi engagé un dialogue avec les collectivités territoriales, qui doivent participer au redressement des comptes publics. (Vives protestations à droite ; un brouhaha désapprobateur s'installe et couvre progressivement la voix de l'orateur.)

Nul plan caché : nous n'augmenterons pas les impôts des Français. Mais nous n'excluons pas d'agir sur les rentes - contribution des énergéticiens ou rachats d'actions. Je regrette que le groupe Les Républicains n'ait pas répondu à l'invitation de Bruno Le Maire pour travailler sur les pistes d'économies : vous étiez absents ! (Applaudissements sur les travées du RDPI ; bronca à droite)

M. Stéphane Sautarel.  - Notre rapporteur général y était ; mais le ministre des finances n'est pas là aujourd'hui. Alors, voici un message pour lui et le Président de la République : la confiance, elle est déjà « pétée », pour reprendre son terme. Votre déni de réalité ne fera qu'amplifier le fossé entre vous, les Français et leurs représentants. Méditez cette phrase d'un grand Auvergnat : « il vaut mieux partir quand on peut rester que rester quand on doit partir. » (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur plusieurs travées du groupe UC)

Indemnisation chômage des travailleurs frontaliers

M. Loïc Hervé .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) À l'heure des économies tous azimuts, le régime d'indemnisation chômage des travailleurs frontaliers interroge plus que jamais. Actuellement, un Français domicilié en France qui perd son emploi dans un État membre de l'Espace économique européen (EEE) ou en Suisse est indemnisé par l'Unédic.

La Suisse emploie 43 % des transfrontaliers français, avec des rémunérations bien supérieures aux nôtres : le salaire minimum y est de 4 400 euros bruts, contre 1 767 euros en France. Entre 2012 et 2020, ces dépenses de l'Unédic ont explosé de 540 à 920 millions par an - 70 % de cette augmentation concerne la Suisse.

Cette règle internationale dessert la France. Rééquilibrerez-vous les choses ? (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP et sur quelques travées du groupe Les Républicains)

Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé et des solidarités .  - Vous avez tout à fait raison : les règles d'indemnisation du chômage des frontaliers sont régies par un règlement européen de 2004. Ces règles sont particulièrement défavorables à la France, car c'est le pays de résidence du chômeur qui verse les prestations, non le pays de cotisation. Le règlement prévoit une compensation, mais très insuffisante.

Malheureusement, ce problème ne relève pas du droit interne ni de la réforme de l'assurance chômage, mais du droit européen. Il nécessite un consensus avec les autres États membres. La France porte un projet de révision de ce règlement pour que l'État de l'emploi prenne en charge cette indemnisation, mais d'autres États s'y opposent. Ces négociations durent depuis 2016.

Nous sommes déterminés, et j'espère, avec les trois autres ministres concernés, faire avancer ce dossier. (Applaudissements sur les travées du RDPI et du groupe INDEP ; Mme Véronique Guillotin applaudit également.)

M. Loïc Hervé.  - Cela représente 9 milliards depuis 2016 !

Mme Catherine Vautrin, ministre.  - Je ne suis là que depuis trois mois...

M. Loïc Hervé.  - Ce n'est pas faute d'avoir alerté vos prédécesseurs.

M. Jean-François Husson.  - Eh oui !

M. Loïc Hervé.  - J'entends votre volontarisme, mais agissez, par respect pour les salariés et les entreprises françaises qui assument la charge de ces indemnisations. Les élections européennes sont peut-être le moment opportun pour avancer. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP, ainsi que sur plusieurs travées du groupe Les Républicains ; Mme Raymonde Poncet Monge applaudit également.)

Financement des hôpitaux privés

Mme Florence Lassarade .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) L'hôpital public et l'hôpital privé font face à une crise majeure, financière et de ressources humaines. Le Gouvernement a annoncé sans concertation une hausse des tarifs publics de plus de 4,3 %, alors que le privé devra se contenter d'une hausse indigente de 0,3 %. Ce traitement inique est justifié par le dynamisme de l'activité du privé. Mais c'était pour compenser la faiblesse de celle du public ! Contrairement aux idées reçues, le privé contribue aussi à la prise en charge des populations précaires et il est parfois le dernier recours dans les déserts médicaux.

Votre mesure va aggraver la situation. Cette année, la moitié des établissements privés seront en déficit.

La séance du psychologue en accès direct va être revalorisée à 50 euros, quand celle du médecin généraliste - bac+10 - pourrait passer à 30 euros et celle du psychiatre - bac+12 - à 57 euros. On appréciera...

Les médecins libéraux et les hôpitaux privés seront en grève à compter du 3 juin. Les Français ne peuvent être soignés sans eux.

Quels moyens pour le secteur privé lucratif ? Quelles mesures concrètes pour les médecins libéraux ? (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains ; Mme Solanges Nadille applaudit également.)

M. Frédéric Valletoux, ministre délégué chargé de la santé et de la prévention .  - Le public et le privé ont toute leur place dans le système de santé, chacun dans son rôle. Je suis attentif à la complémentarité des offres et à l'équité de traitement. Notre politique de territorialisation fait coopérer les professionnels publics et privés.

M. Fabien Genet.  - Tant qu'il en reste !

M. Frédéric Valletoux, ministre délégué.  - Vous évoquez la répartition des 106 milliards d'euros votés pour les établissements dans l'Ondam de 2024. C'est une enveloppe fermée, avec une régulation prix-volume : la hausse des tarifs dépend du volume d'activité. Cela permet aussi la prise en compte des décisions de l'État employeur.

Mme Sophie Primas.  - Dans le privé aussi ! (M. Philippe Mouiller renchérit.)

M. Frédéric Valletoux, ministre délégué.  - Nous avons prévu 1 milliard d'euros pour les heures de nuit et de garde, sur un total de 3 milliards d'euros supplémentaires pour 2024.

M. Bruno Retailleau.  - Il n'a rien compris !

M. le président.  - Veuillez conclure.

M. Frédéric Valletoux, ministre délégué.  - Les critères pris en compte sont les mêmes que l'établissement soit public ou privé. (Applaudissements sur plusieurs travées du RDPI ; M. Bruno Retailleau mime quelques mouvements de brasse.)

Réforme de la fonction publique

M. Pierre-Alain Roiron .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) « La justice, c'est sanctionner les agents qui ne font pas suffisamment leur travail », a dit le ministre de la fonction publique. Après l'assurance chômage, les retraites, vous vous attaquez au coeur de notre service public : les fonctionnaires.

Vous préférez une simple concertation, au résultat connu d'avance, à de réelles négociations - toujours la verticalité.

Vous prônez l'individualisation et la part aléatoire des rémunérations, alors que l'attractivité de l'emploi public réside dans l'emploi à vie, qui évite la concurrence salariale avec le privé et la corruption. Vous ne répondez pas aux préoccupations majeures que sont l'égalité femmes-hommes ou la revalorisation des salaires.

Alors que nombre de nos territoires souffrent de l'absence de services publics, qui contribue à la montée de l'extrême droite, jusqu'où irez-vous ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST ; M. Ian Brossat applaudit également.)

M. Stanislas Guerini, ministre de la transformation et de la fonction publiques .  - Je veux saluer les agents publics de notre pays (exclamations à gauche), ceux qui, dans nos écoles, dans nos commissariats, dans nos hôpitaux, dans nos collectivités, font vivre le service public. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe SER)

Comme eux, je suis attaché au statut et aux fondamentaux de la fonction publique. C'est un ensemble de droits - égalité d'accès aux emplois, protection contre l'arbitraire - et de devoirs - probité, neutralité, sens du service au public, adaptabilité.

Mais le statut est-il le statu quo ? (Mme Colombe Brossel manifeste son agacement.) Tout va-t-il bien dans la fonction publique, comme vous semblez le penser ?

Mme Laurence Rossignol.  - Non, tout ne va pas bien !

M. Stanislas Guerini, ministre.  - Je ne le crois pas.

Peut-on tout expliquer ? Vous êtes en contact avec les employeurs territoriaux. Comment expliquer à un maire qu'il ne peut titulariser un apprenti en poste depuis deux ans dans sa commune ? Qu'il ne peut promouvoir des agents méritants parce que les quotas de promotion sont nationaux ? (« Ce n'est pas la question ! » sur les travées du groupe SER) Que, si un agent sur cent ne fait pas son travail, il ne peut être sanctionné ? N'est-ce pas décourageant pour les 99 autres ? (Applaudissements sur les travées du RDPI, du groupe INDEP et sur quelques travées du groupe UC ; protestations à gauche)

Ce sujet est au coeur de la concertation que j'ai ouverte avec les organisations syndicales et les employeurs publics. Ce projet de réforme sera un rendez-vous important. De même, j'ai ouvert des négociations sur les rémunérations et les conditions de travail. C'est ainsi que nous relèverons le défi de l'attractivité et de l'efficacité. (Applaudissements sur les travées du RDPI, du groupe INDEP et sur de nombreuses travées du groupe UC ; M. Yannick Jadot s'exclame.)

M. Pierre-Alain Roiron.  - Selon le Premier ministre, « quand tu casses, tu répares ». Or, depuis 2017, vous avez beaucoup cassé. Appliquez à vous-même vos propres méthodes ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

Violences islamistes à l'école

Mme Valérie Boyer .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Nul n'ignore le point commun entre Samuel Paty, Dominique Bernard et le proviseur du lycée Maurice-Ravel. Combien se taisent et ont peur ? Après Mila, Shemseddine, tué à coups de pied par deux frères qui « protégeaient l'honneur » de leur soeur ; et Samara, 14 ans, lynchée pour s'être habillée « à l'européenne ».

Vous dites qu'un enfant par classe est harcelé. Mais combien de petits Français comme Samara ou Shemseddine sont-ils menacés, harcelés pour une réputation aux allures de charia ? Ces situations sont-elles recensées dans la liste des atteintes à la laïcité ? Avec quelles conséquences ? Que faites-vous pour écarter les harceleurs, sanctionner leurs parents et empêcher l'islamisme de poursuivre la conquête de nos écoles ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Nicole Belloubet, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse .  - Nous sommes arc-boutés sur la laïcité comme sur la lutte contre le harcèlement. La laïcité est le terrain neutre qui permet des enseignements fondés sur la science, non la croyance, d'où notre intransigeance : loi de 2004, interdiction de l'abaya et, aujourd'hui, notre action pour faire respecter la laïcité.

Sur le harcèlement, nous déployons une politique globale, qui passe d'abord par le 100 % détection : c'en est fini du « pas de vagues », tous les faits doivent nous remonter pour être traités au niveau de l'établissement ou de l'académie. Par des actions de formation, d'accompagnement des enseignants. Par des sanctions également : depuis le décret de 2023, un élève harceleur peut être exclu.

Je ne peux faire l'inventaire de toutes les mesures déployées : numéro 3018, conseils de discipline, vie scolaire... Cela ne suffira pas pour vous dire à quel point nous luttons contre le harcèlement. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; Mme Véronique Guillotin applaudit également.)

Mme Valérie Boyer.  - Sur Samara et Shemseddine, vous n'avez pas répondu. S'agit-il d'un contrôle social par la police du vêtement, comme en Iran ? Bruno Retailleau, l'a dit : aujourd'hui, la charia s'applique dans certains quartiers, avec des crimes d'honneur et une police des moeurs.

Responsabilisation des parents, suspension des allocations, uniforme, respect de la laïcité dans le sport, interdiction du voile pour les accompagnatrices scolaires (mouvements à gauche) : pourquoi vous y être systématiquement opposés depuis des années ?

Nous voyons apparaître des zones, non pas de « non-droit », mais d'un autre droit, où l'islamisme s'affiche en uniforme et menace nos enfants, nos enseignants, nos proviseurs, où l'impunité l'emporte sur l'autorité. La violence, le communautarisme comblent le vide laissé par le refus de transmettre ce qui nous lie, la culture et l'autorité. Combien de temps et de vies perdus avant que vous n'agissiez ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Transfert des compétences eau et assainissement

M. Jean-Michel Arnaud .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur plusieurs travées du groupe INDEP) Le 30 mars 2023, sur les rives du lac de Serre-Ponçon, le Président de la République, évoquant le transfert des compétences eau et assainissement, a prôné un modèle pluriel, différencié et reposant sur l'intelligence du territoire.

M. Pierre Jean Rochette.  - Bravo !

M. Jean-Michel Arnaud.  - Il a envisagé de nouveaux syndicats, une intercommunalité choisie, des solutions mutualisées.

Avec plusieurs sénateurs, nous avons proposé la création de syndicats supra-communaux et le transfert des compétences eau et assainissement aux syndicats sans subdélégation.

Monsieur le ministre, nous avons travaillé dans un esprit de confiance. Pouvez-vous indiquer au Sénat quel véhicule législatif vous comptez utiliser pour avancer ? (« Bravo ! » et applaudissements sur les travées du groupe UC et sur plusieurs travées des groupes INDEP et Les Républicains ; M. Jean-Yves Roux applaudit également.)

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires .  - J'ai le souvenir de ce trop court moment partagé avec le président Darnaud, le sénateur Menonville et vous-même (sourires), lorsque nous avons fait le point sur la proposition de loi Roux.

Le Président de la République a pris deux engagements. D'abord, la sécurisation du retour de la compétence des départements pour financer les interconnexions en matière d'eau, qui figure dans le projet de loi orientation agricole. (« Ah ! » sur les travées du groupe Les Républicains) Ensuite, l'assouplissement de l'obligation d'intercommunalisation fixée par la loi NOTRe, dont nous avons déjà reporté l'échéance de 2020 à 2026.

Mme Sophie Primas.  - On n'en veut pas !

M. Christophe Béchu, ministre.  - Avant la fin de l'année, nous voterons le dispositif alternatif évoqué ; le chemin législatif débutera au Sénat. Il s'agit de permettre une gestion de l'eau à l'échelle infracommunautaire.

M. Olivier Cigolotti.  - Très bien !

M. Christophe Béchu, ministre.  - Nous ne voulons pas garder la commune isolée, car il y a une corrélation entre la carte de ces communes et celle des problèmes de sécheresse.

Il faut sortir d'un jardin à la française trop rigide, tenir compte des particularités des zones de montagne et sous-denses. (M. Loïc Hervé renchérit.)

Cela vaudra pour l'avenir, car il ne s'agit pas de revenir sur les transferts déjà intervenus. Le préfet pourra être le garant du dispositif, dans le cadre d'un schéma départemental de gestion de l'eau. (Quelques applaudissements sur les travées du groupe INDEP et du RDPI ; M. Loïc Hervé esquisse une moue dubitative.)

Mme Françoise Gatel.  - On progresse !

M. Jean-Michel Arnaud.  - Pour une fois, vous avez été clair. (Sourires) Il faut tenir le calendrier. Il nous reste 90 semaines avant le 1er janvier 2026. La solution évoquée est globalement satisfaisante ; je vous invite à concrétiser vos engagements. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur plusieurs travées des groupes Les Républicains et INDEP)

M. Michel Savin.  - Très bien !

La séance est suspendue à 16 h 20.

Présidence de M. Dominique Théophile, vice-président

La séance reprend à 16 h 35.

CMP (Nominations)

M. le président.  - Des candidatures pour siéger au sein de la commission mixte paritaire chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi améliorant l'efficacité des dispositifs de saisie et de confiscation des avoirs criminels ont été publiées.

Ces candidatures seront ratifiées si la Présidence n'a pas reçu d'opposition dans le délai d'une heure prévu par notre règlement.

Échec en CMP

M. le président.  - La commission mixte paritaire chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à lutter contre les discriminations par la pratique de tests individuels et statistiques n'est pas parvenue à l'adoption d'un texte commun.

Abrogation de la réforme des retraites

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi d'abrogation de la réforme des retraites portant l'âge légal de départ à 64 ans, présentée par Mme Monique Lubin, M. Patrick Kanner, Mme Annie Le Houerou et plusieurs de leurs collègues à la demande du groupe SER.

Discussion générale

Mme Monique Lubin, auteure de la proposition de loi .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST ; Mme Cathy Apourceau-Poly applaudit également.) Un an après l'adoption du projet de loi allongeant la durée du travail, les retraites reviennent en débat dans cet hémicycle où les majorités présidentielle et sénatoriale ont repoussé l'âge de départ à la retraite, avant un passage au forceps à l'Assemblée par le 49.3.

Ainsi, la volonté des Français a été ignorée, alors que des millions d'entre eux l'ont exprimée. À rebours de ses engagements de campagne, le Président a obtenu un report qui pèsera sur « ceux qui ne sont rien », selon son expression. Mais tout ça pour ça ! Pour quel gain ? Nous n'avons cessé de rappeler que pour 300 milliards d'euros de pensions versées par an, un déficit de 12 milliards était gérable.

Depuis 2017, les retraités subissent la baisse de leur pouvoir d'achat. Contrairement aux assertions alarmistes du Gouvernement, les comptes des retraites étaient équilibrés en 2023. Mais les Cassandre des retraites, plutôt que de part de PIB, évoquent le solde pour inquiéter les Français, tant ce dernier peut varier soudainement - ce que montre le dernier débat du Conseil d'orientation des retraites (COR).

La fin des exonérations de cotisations sociales aurait d'ailleurs pu combler ce déficit.

L'équilibre devrait revenir en 2030, mais au-delà, les effets de la réforme se dissiperont. La question des recettes demeure irrésolue, et la réforme accroîtra, à terme, les dépenses.

Par manque de recettes, le déficit public pour 2023 s'établit à 5,5 % du PIB. Responsable de la dérive du budget de l'État, le Gouvernement ne change pas sa politique. Pourtant, le choix de s'attaquer aux recettes de l'État en baissant les impôts des entreprises et des plus riches a fait la démonstration de son inanité. Le Gouvernement préfère inspecter les caisses des assurances sociales et tirer profit de ses petites machineries réglementaires et législatives pour soustraire aux partenaires sociaux la gestion de la protection sociale. La tentative de ponctionner 1 milliard d'euros de l'Agirc-Arrco a échoué, et le Gouvernement veut prélever 12 milliards d'euros sur l'Unédic sur la période 2023-2026 - cela coûtera 1 milliard d'euros à l'association, contrainte de s'endetter.

Sans politique de sauvegarde de protection des actifs, le Gouvernement veut surtout corriger le résultat budgétaire de ses choix politiques. Il met en péril le modèle de l'assurance chômage pour renflouer d'autres caisses qu'il a mal gérées. L'Agirc-Arrco, rigoureusement gérée par les partenaires sociaux, se porte bien.

Ce n'est pas pour sauver le système des retraites que le Gouvernement a imposé sa réforme paramétrique, qui n'offre pas de solution de long terme.

Celle-ci a déjà un coût social important. À moyen et long terme, on crée des actifs vulnérables, des seniors sans emploi ni retraite. En 2021, 16,7 % des personnes âgées de 62 ans sont dans cette situation, dépendant du RSA, d'une pension d'invalidité ou du revenu du conjoint.

Selon les travaux de la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees) et de la direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares) présentés fin janvier 2023 au COR, 300 000 personnes supplémentaires seront maintenues dans le sas de précarité entre emploi et retraite, soit 100 000 allocataires supplémentaires des minima sociaux, 120 000 pour les pensions d'invalidité, et 80 000 chômeurs indemnisés et personnes sans emploi mais n'ayant droit à aucune prestation spécifique. Le Gouvernement en avait connaissance, puisqu'il évaluait le coût budgétaire de son texte dans son étude d'impact. Le décalage de la retraite à 64 ans devait générer une économie de pensions de 15 milliards d'euros mais aussi une hausse de 5 milliards de prestations sociales. Loin de corriger le tir, le Gouvernement a supprimé l'allocation de solidarité spécifique (ASS), forçant les seniors à solliciter le RSA à des départements déjà débordés.

Tous les travaux menés depuis 2017 le montrent : aucun projet de réforme des retraites visant à faire travailler les gens plus longtemps ne peut ignorer l'emploi des seniors et la pénibilité.

Pour finir, on songe à raboter les droits au chômage des seniors. Le Gouvernement risque de jeter des centaines de milliers de personnes dans la précarité et de grever les budgets des collectivités. Cela ne trompe personne : nos arguments d'il y a un an demeurent valables.

Ces effets délétères sur les seniors affecteront particulièrement les femmes.

Le solde du système de retraites tient compte de régimes spéciaux comme celui des fonctionnaires de l'État, à l'équilibre. Ceux-ci ne l'alourdissent donc pas : ce solde est une notion largement conventionnelle, dans ces conditions.

Pour refinancer le système de retraites, l'économiste Michaël Zemmour démontrait qu'il faudrait augmenter les cotisations de 0,8 point, soit 14 euros par mois pour un salarié au Smic.

Certains s'étonnent de notre proposition de loi, mais il s'agit de marquer un an d'actualité et de dire que nous n'en avons pas fini avec la protection de notre système de retraites, alors que nous voyons poindre une nouvelle prolongation de la durée de travail, à laquelle nous sommes totalement opposés.

Mes chers collègues, vous qui doutez, oui, tout cela est très sérieux. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST ; M. Ian Brossat et Mme Cathy Apourceau-Poly applaudissent également.)

Mme Marion Canalès, rapporteure de la commission des affaires sociales .  - Voici le contexte dans lequel nous abordons ce texte : l'échec, cette nuit, des négociations pour un « nouveau pacte de la vie au travail » et le report de la réunion entérinant l'avenant senior de la convention Unédic, prévue initialement ce matin.

Il y a un an, plusieurs d'entre nous craignaient pour l'emploi des seniors ; le doute persiste. Voilà un an que l'âge de départ a été relevé à 64 ans, que le taux plein a été porté à 43 annuités, que la fermeture des régimes spéciaux a été actée -  avec publication rapide des décrets d'application. Les décrets d'octroi de trimestres supplémentaires aux sapeurs-pompiers volontaires, eux, ne sont toujours pas publiés. Nous sommes nombreux à dénoncer cet empressement à géométrie variable...

Cette réforme a été largement contestée, sur le fond comme sur la forme : débat réduit à 50 jours, corseté par les articles 44.3 et 49.3 de la Constitution et le vote contraint... Pourtant, le COR démontrait que le système resterait déficitaire de 2030 à 2070, la réforme aggravant même la situation à cet horizon. Le Gouvernement ne peut pas dire qu'il n'était pas averti ! Les rapporteurs Élisabeth Doineau et René-Paul Savary rappelaient les hypothèses irréalistes de taux de chômage, et d'un déficit sous-estimé de 6 milliards d'euros en 2030.

Les projections du Gouvernement reposaient sur l'hypothèse d'une sous-indexation continue des pensions par l'Agirc-Arrco jusqu'en 2033, préemptant les décisions des partenaires sociaux. Or ceux-ci ont rendu le cumul emploi-retraite créateur de droits, supprimé le bonus-malus créé en 2019 et revalorisé les pensions au niveau de l'inflation. Dès lors, le régime devrait être déficitaire dès 2025 et le rester à l'horizon de 2037.

Le système de retraite ne sera donc pas à l'équilibre en 2030, contrairement à ce qu'affirmait le Gouvernement lors de l'examen du texte. Un an après, la réforme n'est pas aussi efficace que ce qui était affirmé. Pendant ce temps, elle touche la vie quotidienne des Français : en 2070, l'âge moyen de départ à la retraite sera relevé de six mois pour atteindre 64,6 ans, un niveau jamais atteint depuis la génération née avant 1910, quand l'espérance de vie en bonne santé est de 63 ans...

Ne nions pas la réalité. Un tiers des assurés sociaux ne sont pas en emploi dans l'année précédant la retraite. Ils resteront donc dans cette situation plus longtemps, d'où une hausse mécanique des dépenses sociales, accentuée par ceux qui y entreront. Le surcoût induit atteindrait 3 milliards d'euros. Voici la contre-productivité sociale de cette réforme : pour chaque euro économisé pour les retraites, 25 centimes seront dépensés au titre de prestations sociales.

Suppression de l'ASS, allongement du délai de carence, réforme de l'assurance chômage : tout cela vise à amoindrir le coût financier de la réforme des retraites, sans en limiter le coût social.

Les premières perdantes de la réforme sont les femmes, comme l'avait dit Monique Lubin. En effet, leurs trimestres de cotisation au titre de la naissance des enfants leur permettent d'atteindre le taux plein avant les hommes, avec un âge moyen de départ à la retraite légèrement inférieur. Or ces majorations seront écrasées par ces deux années de plus. Pour la génération 1972, les hommes partiront cinq mois plus tard à la retraite, et les femmes neuf mois, alors qu'elles sont moins payées, et plus victimes d'accidents du travail. En vingt ans, le nombre d'accidents du travail a baissé de 27 % pour les hommes, quand il a augmenté de 46 % pour les femmes.

À en croire le Gouvernement, cette réforme était sociale. La revalorisation de 100 euros des minima de pension devait garantir 1 200 euros de retraite. Mais leur montant n'a augmenté que de 30 euros en moyenne, et seulement 20 000 personnes sur les 500 000 bénéficiaires ont perçu l'intégralité des 100 euros.

Le bilan budgétaire de la réforme est trop maigre au vu de son bilan social. Je suis personnellement favorable à cette proposition de loi, même si la commission des affaires sociales ne l'a pas adoptée.

Le COR rappelait que les dépenses de retraites représentaient 13,8 % du PIB en 2021 ; ce sera 13,7 % en 2070. Comment un pays ruiné au lendemain d'une guerre mondiale a-t-il pu construire ce système, que le Gouvernement, désormais à la tête d'un pays qui n'a jamais été aussi riche, se propose de ruiner ?

M. Patrick Kanner.  - Très bien !

Mme Marion Canalès, rapporteure.  - Les solutions sont du côté des recettes, à commencer par le relèvement d'un point des cotisations patronales, prôné par François Bayrou - 8 milliards d'euros de recettes. N'oublions pas les 60 milliards d'euros de recettes perdues chaque année, les 60 milliards que coûte l'absence de simplification soulignée par Olivier Rietmann et relevée par Gabriel Attal.

Faisons preuve de pragmatisme, non d'idéologie. Il faut chercher l'argent où il est, alors que le Gouvernement renonce à 3 milliards d'euros en supprimant l'ISF, et refuse de s'interroger sur les superprofits.

Mais le nerf de la guerre, c'est l'emploi des seniors : un taux d'emploi des 60-64 ans de 82 %, comme aux Pays-Bas, rapporterait 140 milliards d'euros de recettes supplémentaires.

Ce n'est pas en réduisant l'indemnisation chômage des seniors, comme l'envisage Bruno Le Maire, que le problème sera réglé.

« Tant qu'on n'a pas réglé le problème du chômage, ce serait assez hypocrite de décaler l'âge légal de départ à la retraite », déclarait Emmanuel Macron ; il avait raison. Je vous invite, en mon nom propre, à voter pour cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K et du GEST)

Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée chargée de l'enfance, de la jeunesse et des familles .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI) À nouveau, nous débattons de la réforme des retraites, un an après sa promulgation. Cette réforme a fait l'objet de quatre mois de concertation, 175 heures de débat au Parlement. À nouveau, le Gouvernement la défendra.

Le précieux temps parlementaire, aujourd'hui, est réservé à un coup de communication.

M. Mickaël Vallet.  - Cela nous regarde ! C'est à nous d'en juger !

M. Patrick Kanner.  - C'est inadmissible !

Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée.  - Sans surprise, le Gouvernement s'y opposera. Vous entendez abroger une réforme déjà entrée en vigueur, aggravant de 14 milliards d'euros notre déficit en 2030, supprimant la revalorisation de 185 000 pensions chaque année. Pis, 550 000 petites pensions ont reçu une revalorisation moyenne de 50 euros par mois depuis septembre : reprendrez-vous les sommes reçues ? Et le milliard d'euros consacré à la prévention sur le quinquennat, qu'en faites-vous ? (Mme Corinne Féret proteste.)

Finalement, un accord entre l'Assemblée nationale et le Sénat avait été trouvé. Le noeud, c'est l'allongement de la durée d'activité à 64 ans et l'accélération de la loi Touraine. N'évitons pas le débat.

Mme Émilienne Poumirol.  - Il n'y a pas eu de débat ! Tous ces artifices...

Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée.  - Il s'agit de faire travailler plus longtemps les Français qui le peuvent. C'est d'abord le choix qu'ont fait nos voisins, qui est la clé de l'emploi des seniors. Nous avons fait un choix équilibré et progressif, préservant les carrières longues et difficiles. (Mme Émilienne Poumirol ironise.)

Cette assemblée a d'ailleurs régulièrement défendu l'augmentation de l'âge légal.

Travailler plus longtemps, c'est aussi le moyen le plus juste de financer les avancées de cette réforme. (M. Jean-Claude Tissot s'exclame.) Or vous proposez de l'abroger, soit léguer 150 milliards de déficit aux générations suivantes ! Ce n'est pas acceptable.

Mme Émilienne Poumirol.  - N'importe quoi !

Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée.  - Les financements alternatifs que vous proposez, c'est la suppression des allègements de cotisations sociales des entreprises ou la hausse du coût du travail, qui auraient en réalité un impact délétère sur l'emploi. (Mme Émilienne Poumirol ironise.)

Le ministre de l'économie présentera prochainement un projet de loi de simplification de la vie des entreprises et la ministre du travail présentera un projet de loi Acte II de la réforme du travail. Les entreprises les attendent. (MmeLaurence Rossignol et Émilienne Poumirol protestent.)

Mme Émilienne Poumirol.  - Encore des exonérations !

Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée.  - Je remarque que vous gagez également sur le tabac... Mais c'est le jeu dans un texte financier...

Mme Monique Lubin.  - Comme pour les retraites agricoles.

Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée.  - Vous proposez de revenir sur un texte déjà voté.

Mme Émilienne Poumirol.  - Eh oui !

M. Joshua Hochart.  - Ce n'est pas la faute des socialistes...

Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée.  - Le débat sur l'article 40 ne peut être contesté par personne, quand on parle de 14 milliards d'euros de dépenses.

Mme Corinne Féret.  - Bien sûr...

Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée.  - Débattre de la pertinence de certains articles de la Constitution n'est pas un problème, mais cette proposition de loi ordinaire n'est pas le bon moyen.

Mme Colombe Brossel.  - Ce n'est jamais le bon moment !

Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée.  - L'accompagnement des femmes et des seniors est essentiel, mais vous n'y répondez pas.

Le moteur de la démocratie, c'est de débattre.

Mme Corinne Féret et M. Patrick Kanner.  - Bien sûr...

Mme Laurence Rossignol.  - On vous a vu à l'oeuvre...

Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée.  - Je vous assure, et je le dis aux Français : nous sommes au travail. Nous savons où nous voulons aller.

Mme Corinne Féret.  - On voit bien le résultat !

Mme Émilienne Poumirol.  - Contre les petits...

Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée.  - Nous voulons emmener la France vers le plein emploi. Nous voulons une société du travail, une société du plein emploi pour tous, du bon emploi partout. (Protestations sur les travers du groupe SER)

Mme Laurence Rossignol.  - Vous y croyez, vous, à ce que vous racontez ?

Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée.  - Oui, madame la sénatrice.

C'est notre projet, construire une société du travail, avec un travail qui rémunère.

Mme Laurence Rossignol.  - Elle y croit...

Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée.  - Conformément à l'engagement du Président de la République, nous continuons à travailler avec les organisations syndicales en ce sens. Nous nous opposons à ce projet de suppression. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; M. Emmanuel Capus applaudit également.)

M. Olivier Henno .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; Mmes Pascale Gruny et Marie-Do Aeschlimann applaudissent également.) Bien sûr, il n'appartient pas à un groupe de juger du sérieux d'une proposition de loi. Notre devoir est de dire ce que nous en pensons et d'expliquer notre vote. Sans surprise, le groupe UC votera contre cette proposition de loi de rétropédalage. Cela me fait penser à l'émission d'Eugène Saccomano, On refait le match. C'était intéressant au début, mais on finissait par s'en lasser...

Pourquoi revenir sur cette réforme, et uniquement sur elle ?

Mme Laurence Rossignol.  - Parce que les Français le veulent !

M. Olivier Henno.  - Vous auriez pu revenir aussi sur les réformes Balladur, Fillon, ou sur le passage de l'âge légal à 60 ans... (M. Emmanuel Capus approuve ; protestations sur quelques travées du groupe SER)

Pourquoi ne l'avez-vous pas fait ? Car entre-temps il y a eu la réforme Touraine, qui a eu des conséquences sur les salariés.

Mme Cathy Apourceau-Poly.  - C'était avant !

M. Olivier Henno.  - Vous n'avez pas proposé le retour à la retraite à 60 ans.

Voilà votre drame : quand vous exercez le pouvoir, vous faites preuve de responsabilité. La réforme Touraine était une bonne réforme, responsable, qui a permis d'équilibrer les régimes. (Protestations sur les travées du groupe SER)

M. Jean-Claude Tissot.  - C'est pour cela que vous ne l'avez pas votée...

M. Olivier Henno.  - Évidemment, cela vous gêne que l'on dise cela ! (Protestations sur les travées du groupe SER)

Mme Colombe Brossel.  - La situation n'était pas la même !

M. Olivier Henno.  - Deux logiques s'affrontent : la responsabilité au pouvoir, et la culture de l'opposition.

En matière d'exonérations de charges...

M. Mickaël Vallet.  - De cotisations !

M. Olivier Henno.  - ... vous avez voté le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE), chers collègues ! C'est une exonération massive : 4 %, puis 6 % de la masse salariale, soit 40 milliards d'euros !

Ce n'était pas une mauvaise mesure, voyez-vous...

Mme Laurence Rossignol.  - Vous adorez quand on gouverne, alors !

M. Olivier Henno.  - Mais je déteste votre démagogie.

M. Mickaël Vallet.  - Et vous êtes idéologues...

M. Jean-Claude Tissot.  - Nous allons revenir !

M. Olivier Henno.  - Vous avez un double discours : cela ne sert pas l'idée que je me fais de la démocratie. (M. Michel Canévet applaudit.)

M. Emmanuel Capus.  - Excellent !

M. Olivier Henno.  - Le pays souffre d'un déficit budgétaire qui atteindra 5,5 %.

Mme Laurence Rossignol.  - Lorsque nous gouvernions, c'était mieux...

M. Olivier Henno.  - On dépensera 14,4 % du PIB pour les retraites, contre 11,9 % en Europe. La part des dépenses publiques atteindra 57 %.

Il n'est pas responsable de faire croire aux Français que nous pouvons travailler moins.

Mme Colombe Brossel.  - Ce sont encore les salariés qui paient...

M. Olivier Henno.  - La dette, c'est mettre nos dépenses de soins à la charge des autres, en les reportant. Cela pose problème, car les autres, ce sont nos enfants !

Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée.  - Vous avez raison.

Mme Colombe Brossel.  - Oh là là...

M. Olivier Henno.  - Reporter les décisions importantes, c'est un mal courant de la société française.

M. Jean-Claude Tissot.  - Parlez-en à Marc Fesneau...

M. Olivier Henno.  - Pour avoir un scénario de prévision, il faut se mettre d'accord. Or vous préférez la fuite en avant à la réalité.

Cette proposition de loi tombe bien mal. La non-maîtrise des dépenses publiques, voilà la critique à faire au Gouvernement.

Mme Laurence Rossignol.  - Nous étions meilleurs qu'eux...

M. Olivier Henno.  - Il n'a pas su tourner le dos au « quoi qu'il en coûte ». Nous voterons contre cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; Mme Chantal Deseyne applaudit également.)

Mme Raymonde Poncet Monge .  - (Applaudissements sur les travées du GEST ; Mme Colombe Brossel applaudit également.) Il y a un an, l'acte II de la feuille de route antisociale du Gouvernement, la réforme des retraites, était activée par 49.3 après une atteinte à l'assurance chômage que vous promettez d'aggraver, et juste avant la loi Plein emploi instaurant France Travail et réformant le RSA, sur le modèle des lois Hartz qui ont augmenté le taux de pauvreté de 50 % en Allemagne.

Ce texte, rejeté par 93 % des actifs, a été imposé après un bridage sans précédent du débat parlementaire avec la complicité de la droite parlementaire, par un Gouvernement dont l'impéritie ne cesse de se manifester alors qu'il annonçait un retour à l'équilibre en 2030, ce que contredit le COR : l'ensemble des régimes auraient un besoin de financement de 0,2 à 0,3 point de PIB, soit 5 à 8 milliards d'euros en 2030.

Le Gouvernement fait mine aujourd'hui de découvrir les prévisions des économistes en évoquant une mauvaise conjoncture.

Or, comme n'a cessé de le répéter le COR, les régimes de retraites font face à un problème de ressources, non de dépenses. Son analyse est éloignée des dogmes surannés de l'orthodoxie libérale. Mais vous avez veillé à ce que ses travaux incluent les effets de vos contre-réformes...

Pourtant, c'est bien un problème de ressources qui se présente : multiplication des primes désocialisées à l'effet substitutif prouvé, déflation salariale, modification du cumul emploi-retraite qui allonge le temps de travail...

Nous avons soutenu la revalorisation du minimum contributif, dont la Drees souligne les effets redistributifs. Toutefois, la revalorisation n'est en moyenne que de 30 euros et elle ne correspond qu'à l'application d'une promesse liée au recul précédent de l'âge de départ à la retraite. De même la surcote pour les femmes ne représente que la moitié de ce qu'elles auraient dû toucher.

Vous n'avez pas renoncé à ponctionner l'Agirc-Arrco et l'Unédic, par un pitoyable jeu de bonneteau alors que la dette prise en compte dans le pacte de stabilité est stabilisée.

Au passage, vous brutalisez les corps intermédiaires et le paritarisme.

Rien n'invalide notre analyse de votre contre-réforme.

Le GEST votera cette proposition de loi. Mieux, une fois au Gouvernement, nous abrogerons votre réforme ! (Applaudissements sur les travées du GEST et des groupes SER et CRCE-K)

Mme Cathy Apourceau-Poly .  - La réforme des retraites d'Emmanuel Macron était prévue dans les recommandations du semestre européen depuis des années. Obsession des gouvernements libéraux et de la Commission européenne, elle devait favoriser les retraites individuelles.

Notre groupe a été constamment opposé aux réformes Balladur, Fillon, Raffarin, Woerth et Touraine.

Le 14 avril 2023, le Conseil constitutionnel a validé officiellement le recul social le plus grave de la décennie.

Dès le 18 avril, notre groupe déposait une proposition de loi visant à l'abrogation de la réforme des retraites. Nous nous sommes retrouvés sur ce point avec le groupe SER, qui a déposé cette proposition de loi le 26 février : les progressistes, contre le Gouvernement et la majorité sénatoriale ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE-K)

Cette réforme s'inscrivait dans une logique purement budgétaire. Le président Retailleau s'était impliqué personnellement pour allonger la durée de cotisation à 43 annuités et reculer l'âge de départ à 64 ans pour préserver le système de retraite par répartition. Ce qui ne l'a pas empêché de voter l'amendement de Jean-François Husson sur l'introduction d'une part de retraite par capitalisation...

Le double discours des Républicains est éloquent ! Les fonds de pension américains si chers à vos coeurs vous remercient.

Ce débat aux accents de déjà-vu donnera l'occasion au Gouvernement et à la majorité sénatoriale de justifier une réforme injuste, inefficace, inégalitaire.

Le déficit des retraites, à l'origine de cette réforme scélérate, n'est pas dû aux travailleurs et aux retraités, mais aux politiques d'austérité de Bruxelles, qui ont conduit au non-remplacement des départs à la retraite dans la fonction publique notamment.

Le démantèlement des acquis sociaux se fait au détriment de la prise en compte de la pénibilité des métiers - je pense aux cheminots, aux électriciens et aux gaziers...

Le Gouvernement s'est attaqué aux plus précaires. L'augmentation de la durée de cotisation frappe en premier lieu les femmes et ceux qui ont eu des carrières hachées ou suivi des études longues. Vous avez aggravé la précarité tout en préservant les riches et puissants.

Le Gouvernement a refusé systématiquement nos propositions de mettre à contribution les revenus du capital pour augmenter les recettes en taxant les milliards d'euros de dividendes versés chaque année ou en augmentant les cotisations des entreprises.

Nous portons un projet solidaire où l'humain prime les finances.

Vous avez choisi le passage en force, avec le 49.3.

Le CRCE-K votera l'abrogation de cette réforme antisociale ! (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K, SER et du GEST)

Mme Laurence Rossignol.  - Sans perdre son sang-froid ! (Sourires)

M. Henri Cabanel .  - La mémoire est courte. La réforme Touraine adoptée le 18 décembre 2013, vous l'avez oubliée ? L'objectif de ce texte, entré en vigueur en 2020, était de faire passer le nombre de trimestres de cotisation à 172, soit 43 annuités.

Sachant que l'on obtient un emploi stable vers 23 ans, la grande majorité des personnes nées après 1973 prendra sa retraite à 64 ans et plus. La suite, nous la connaissons. D'un côté, des milliers d'amendements déposés pour faire obstruction, de l'autre le 49.3 et, ici, le 44.3 qui n'ont pas grandi le Gouvernement.

Aucun syndicat n'a cautionné ce texte, auquel la majorité des Français étaient opposés. Résultat : exit les vrais sujets, tels que les carrières longues, la pénibilité, la situation des femmes... Un goût amer pour tous ceux qui avaient compris les enjeux du vieillissement démographique et du désenchantement du milieu professionnel.

Le RDSE a toujours défendu la retraite à points. Les rapports du COR en ont attesté la possibilité. C'était d'ailleurs la réforme proposée par le Président de la République en 2019, qui a été abandonnée à la suite de la crise sanitaire et des contestations sociales. Mais pas de débat à ce sujet...

Avec cette réforme, l'éléphant a accouché d'une souris.

Revenir avec une proposition de loi au seul indicateur de l'âge de départ, c'est légiférer pour légiférer. C'est faire preuve en réalité d'un opportunisme politique, à quelques semaines des élections européennes.

C'est pourquoi une majorité des membres de mon groupe ne souhaite pas participer à ce vote. Exit les carrières longues, la pénibilité et les carrières hachées des femmes, les seniors. Ce sujet devient préoccupant car porter à 43 annuités de cotisation à taux plein suppose de travailler sur l'employabilité. Quand on voit l'échec des négociations cette semaine, l'inquiétude est de mise...

Quelque 33 % des salariés ont déclaré un arrêt de travail en 2022, avec une hausse notable des arrêts chez les plus jeunes, à cause de maladies professionnelles, notamment les troubles musculosquelettiques, et de pathologies psychologiques. L'enjeu, c'est le bien-être au travail. Au-delà des querelles politiques, il faut avancer.

Unissons-nous pour le bien-être des travailleurs ! (Applaudissements sur les travées du RDSE)

Mme Marie Lebec, ministre déléguée chargée des relations avec le Parlement.  - Brillant !

M. Martin Lévrier .  - Tout le monde nous envie notre système de retraites par répartition fondé sur la solidarité intergénérationnelle.

Le principe est simple : les cotisations des actifs servent à payer les pensions des retraités. Ce système d'équilibre peut s'effondrer si tout le monde n'y trouve pas son compte. En 1980, on comptait 2,8 actifs pour un retraité. Ce ratio n'était plus que de 1,67 en 2020, et il sera de 1,23 en 2050. Le socle se dégradant, nous ne pouvions rester les bras ballants.

Trois possibilités s'offraient alors : diminuer la pension des retraités, augmenter la durée de cotisations des actifs ou le taux de cotisation...

Le Gouvernement a choisi d'allonger la durée du travail, dans la suite de la réforme socialiste de Mme Touraine. (Protestations sur les travées du groupe SER)

Mme Monique Lubin.  - Ce n'est pas pareil !

M. Martin Lévrier.  - Un jeune commençant à travailler à 21 ans aurait eu le droit de prendre sa retraite à taux plein à 64 ans.

Cette loi de 2013 devait entrer très lentement en vigueur. Sauf erreur de ma part, les socialistes et leurs alliés, sauf les communistes, l'ont soutenue sans réticence.

Nous avons amélioré cette réforme en aidant les plus vulnérables. (Marques d'ironie sur les travées du groupe SER)

Mme Colombe Brossel.  - C'est une blague ?

M. Mickaël Vallet.  - Cela s'est vu dans la rue !

M. Martin Lévrier.  - Kafka, sors de cet hémicycle ! Empêtrés dans leur opposition systématique, nos collègues ont-ils mesuré les conséquences de ce qu'ils souhaitent ? (Protestations sur les travées du groupe SER)

Mme Colombe Brossel.  - C'est cela...

M. Martin Lévrier.  - Il faudrait vingt ans pour en sentir les effets... Je m'étonne que mes collègues socialistes, qui revendiquent les valeurs fondamentales d'égalité et de solidarité, ne se soient pas demandé comment récupérer les 20 milliards d'euros. (Mme Émilienne Poumirol s'exclame.)

Mme Colombe Brossel.  - C'est cela...

M. Martin Lévrier.  - Le déséquilibre de ce système n'ira qu'en s'aggravant. Quand bien même le taux de fécondité s'établirait d'un coup de baguette magique à trois enfants par femme, il faudrait vingt ans pour en sentir les effets.

M. Mickaël Vallet.  - Vous appelez cela une baguette magique, vous !

M. Martin Lévrier.  - Êtes-vous prêts à revenir sur tout ce qui a été fait pour les aidants, par exemple ? Moi, non. Pendant 70 % des débats, vous avez monopolisé la parole. Que proposez-vous ? (Protestations sur les travées du groupe SER ; Mme Raymonde Poncet-Monge proteste également.)

Ni suggestion, ni solution, pour le système le plus solidaire qui soit !

Il y a un an, vous avez dénigré la valeur travail pour conclure que la réforme enlèverait deux ans de vie aux actifs. (Protestations sur les travées du groupe SER)

M. Jean-Claude Tissot.  - J'ai travaillé 44 ans !

Mme Émilienne Poumirol.  - Il n'y a pas que vous qui avez travaillé !

M. Martin Lévrier.  - Donc le travail tue ? Mais alors, qui paiera les retraites ? (Marques d'ironie sur les travées du groupe SER)

Comment pouvons-nous faire en sorte que le travail soit une source d'épanouissement pour tous ? C'est à ce défi que nous devons répondre ensemble.

M. Mickaël Vallet.  - Ça promet !

M. Martin Lévrier.  - Oui, cette réforme a des points abrasifs, mais est-ce une raison pour l'abroger ? Nous devons la vérité aux Français.

M. Mickaël Vallet.  - Commencez par trouver 10 milliards d'euros !

M. Martin Lévrier.  - Notre groupe s'opposera avec vigueur à votre proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP ; M. Michel Canévet applaudit également.)

Mme Annie Le Houerou .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Malgré la mobilisation des syndicats et des manifestations sans précédent, le Gouvernement a réduit l'examen du texte en ayant recours à un projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale (PLFRSS) et au 49.3 à l'Assemblée nationale. Résultat : les débats ont été d'une rare intensité, ici, au Sénat.

Pour la première fois, la majorité sénatoriale, en soutien du Gouvernement, a utilisé l'article 38 du règlement pour abréger nos débats. Le Gouvernement a eu recours à l'article 44.3 de la Constitution et a forcé le Sénat à s'exprimer par blocs d'amendements. Il a bafoué le rôle du Parlement.

Les conséquences de la réforme ne sont pas digérées. Elle reposait sur la promesse d'un système équilibré d'ici à 2030 : on en est loin !

Au contraire, elle emporte de graves conséquences pour les plus fragiles, avec une hausse de 3,2 milliards d'euros des dépenses sociales hors retraites : 1,8 milliard pour les pensions d'invalidité, 1,3 milliard pour les allocations chômage, 970 millions pour les indemnités journalières et 830 millions d'euros pour l'ASS. Pour les personnes concernées, ce n'est pas de la communication, madame la ministre !

Avec de telles prévisions, on comprend mieux l'empressement du Gouvernement à réformer l'assurance chômage et à supprimer l'ASS.

Cette réforme pénalise ceux qui ont commencé à travailler tôt. Un quart des hommes les moins aisés décède avant 62 ans et ne touche donc pas sa retraite. Les ordonnances Pénicaud ont supprimé quatre des dix critères de pénibilité.

Les seniors sont aussi pénalisés. Les chômeurs de 60 ans ont peu de chances de retrouver un emploi. Les mesures timides en faveur de l'emploi des seniors ont été invalidées par le Conseil constitutionnel.

Le Gouvernement a changé l'ordre des priorités : une réforme drastique, puis des discussions sur les conditions de travail. Plutôt que d'encourager les entreprises à recruter, il multiplie les annonces de réductions des droits - notamment au chômage, comme si le fait de rester sans emploi était un choix volontaire.

Les femmes sont les grandes perdantes de la réforme. Le report de l'âge légal de départ à la retraite à 64 ans les oblige à travailler deux ans de plus sans avantage significatif - alors que les hommes sont déjà obligés de travailler au-delà de 62 ans pour obtenir une retraite à taux plein ; ils sont donc moins impactés.

L'augmentation de 100 euros du minimum contributif (Mico) ne profite qu'à une infime minorité des assurés. Quelle déception !

Pourtant, des solutions existent. La question des recettes ne doit pas être un tabou. Une augmentation d'un point du taux de cotisation patronale générerait 6,8 milliards d'euros de recettes si elle ne touchait que l'assiette plafonnée.

Les allégements généraux de cotisations sociales représentent une perte de 60 milliards d'euros pour la sécurité sociale en 2022. En 2020, le Gouvernement a réduit les impôts de production de plus de 10 milliards d'euros. Le remplacement de l'ISF par l'IFI a fait perdre 3 milliards d'euros. Même la présidente de l'Assemblée nationale évoque une taxe sur les superprofits !

Le groupe SER continue de s'opposer à cette réforme brutale. Je salue en particulier le travail de Monique Lubin. (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; Mme Raymonde Poncet Monge applaudit également, tandis que M. Emmanuel Capus s'exclame.)

Mme Pascale Gruny .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Olivier Henno applaudit également.) En voyant arriver cette proposition de loi sur le bureau du Sénat, j'ai d'abord cru à une mauvaise plaisanterie. (Exclamations sur les travées du groupe SER, M. Emmanuel Capus applaudit.)

M. Michel Canévet.  - Bravo !

Mme Pascale Gruny.  - Au-delà de l'affichage politique et dogmatique de ce texte, voyons combien abroger la réforme de 2023 serait une folie. Être parlementaire, c'est faire preuve de responsabilité et parfois prendre des décisions qui ne font pas plaisir, mais qui sont nécessaires pour préserver notre pacte social. Le but est non pas de sanctionner les Français, mais de s'assurer que leurs retraites et celles de leurs enfants seront payées.

Pour financer les retraites, il y a trois possibilités : baisser les pensions, car leur niveau moyen était de 101 % du niveau des actifs en 2019 et devrait passer à 85 %, voire à 75 % en 2070 ; nous nous y refusons. Nous nous refusons aussi à augmenter les cotisations, comme le suggère la rapporteure, car les prélèvements obligatoires sont déjà trop élevés -  48 % du PIB  - , et cela serait mauvais pour la compétitivité des entreprises françaises.

M. Emmanuel Capus.  - Et voilà !

Mme Pascale Gruny.  - Je regrette que les syndicats patronaux n'aient pas été auditionnés -  preuve du caractère orienté de votre démarche...

Troisième solution : travailler un peu plus longtemps. C'est la voie la plus raisonnable. Depuis 1950, nous avons gagné quinze ans d'espérance de vie.

Avec un départ à 64 ans, nous sommes en deçà d'autres pays : 65 ans en Belgique ou 67 ans en Allemagne, en Italie ou au Danemark.

J'ai une question pour nos collègues socialistes : pourquoi vous opposez-vous au départ à 64 ans après l'avoir voté en 2014 ?

Même sans cette réforme, les 64 ans auraient été atteints dans le courant des années 2030, avec la réforme de Marisol Touraine, ministre du gouvernement socialiste Hollande-Ayrault... Visiblement, vous avez la mémoire courte. (Mme Raymonde Poncet Monge s'exclame.)

Mme Corinne Féret.  - Pas du tout !

Mme Pascale Gruny.  - Aucun dogmatisme ne réglera la question démographique, le ratio cotisants-retraités passant de 1,7 à 1,2 entre 2020 et 2070.

Malgré la réforme, le rapport du Sénat sur le PLFSS pour 2024 montre une dégradation de la trajectoire financière de la branche vieillesse, avec le vieillissement démographique, le ralentissement de l'augmentation des salaires et les problèmes du régime des fonctionnaires territoriaux.

Réformer les retraites, c'est se donner la possibilité d'augmenter le taux d'emploi des seniors pour générer de nouvelles recettes.

Enfin et surtout, en abrogeant cette réforme, vous abrogez les apports que le Sénat a obtenus de haute lutte : création de l'assurance vieillesse des aidants, revalorisation des minima sociaux, création de la pension d'orphelin, nouveaux droits pour les carrières longues - 30 % de nouveaux retraités sont partis avant l'âge légal, contre 20 % en 2022, entre autres.

Cette réforme est la seule voie possible pour sauver notre système. Bien sûr, elle n'est pas parfaite : nous aurions voulu aller plus loin, notamment sur l'emploi des seniors.

Plutôt que de l'abroger, concentrons nos efforts sur une nouvelle loi Travail en améliorant la prévention en matière de santé et de sécurité, pour que les Français soient en bonne santé au moment de la retraite.

Cette proposition de loi est symptomatique du décalage de la gauche française avec la réalité vécue.

À chaque fois qu'elle s'est trouvée au pouvoir...

Mme Monique Lubin.  - Heureusement qu'il y a eu 1981 !

Mme Pascale Gruny.  - ... elle a fait croire aux Français qu'ils pourraient travailler moins (Mme Annie Le Houerou proteste) : retraite à 60 ans avec François Mitterrand, 35 heures de Mme Aubry - une idée tellement lumineuse qu'aucun pays n'en a voulu.

Mme Corinne Féret.  - Nous n'avons pas les mêmes valeurs, c'est sûr !

Mme Pascale Gruny.  - Le groupe Les Républicains ne laissera pas pénaliser l'équilibre de nos retraites, pour que le pacte conclu après-guerre reste bien vivant. Je vous invite à rejeter ce texte.

Pour ma part, cela me fait mal au ventre, lorsque je rencontre des jeunes qui me disent que, demain, ils n'auront pas de retraite. (Protestations sur les travées du groupe SER ; applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, INDEP et du RDPI)

M. Christopher Szczurek .  - Deux ans après avoir fait réélire Macron, les socialistes croient pouvoir se racheter auprès de nos compatriotes avec une proposition de loi salutaire, mais celle-ci n'a aucune chance d'aboutir.

La gauche semble prise d'un certain remords, mais ce petit coup parlementaire ne trompera personne, surtout pas les classes populaires.

Quant à la droite, nous regrettons qu'elle se soit convertie aux arguments des think tanks libéraux, qui font fi de l'espérance de vie en bonne santé. Le descendant d'ouvrier et de mineur que je suis ne peut que le déplorer.

La majorité sénatoriale appelle à un effort de nos compatriotes compte tenu de la situation financière. Nous partageons le constat, mais, à nos yeux, le recul de l'âge de la retraite n'en fait pas partie.

N'oublions pas non plus la responsabilité du Gouvernement, élu sur une promesse de sérieux financier : le COR prévoit un déficit du système des retraites dès 2027, annonçant un nouveau tour de vis pour nos compatriotes.

Reconnaissons qu'Emmanuel Macron n'a trahi personne, puisque cette réforme était annoncée dans son programme en 2022. Tous ceux qui l'ont soutenu ici le savaient.

Nous avons des pistes d'économie : le coût sans cesse plus lourd de l'immigration et de l'insécurité ou la contribution nette - beaucoup trop nette - de la France au budget de l'Union européenne.

Nous ne soutenons pas un droit fumeux à la paresse, mais défendons un droit au repos après des années de travail. Il faut soulager nos compatriotes ayant eu les carrières les plus pénibles. La retraite, socle de notre pacte social, doit être réformée et la proposition présidentielle de Marine Le Pen reste valable.

Nous voterons cette proposition de loi, justement parce que nous ne sommes pas sectaires : nous votons les textes allant dans l'intérêt de nos compatriotes, même si nous combattons leurs auteurs. (M. Joshua Hochart applaudit ; M. Emmanuel Capus s'exclame.)

M. Daniel Chasseing .  - (Mme Corinne Bourcier et M. Martin Lévrier applaudissent.) La réforme des retraites de 2023 a été perçue comme une contrainte par 70 % de nos concitoyens.

La commission des affaires sociales a apporté de nombreuses atténuations en prenant en compte les carrières longues ou la situation des femmes ou des aidants, entre autres.

Ces améliorations ont conduit au vote du projet de loi. Faut-il le remettre en cause ? Le COR et la Drees ont annoncé un déficit de 20 milliards d'euros à partir de 2030. Ce déficit augmentera si rien n'est fait : nous passerons à 21 millions de retraités en 2035 contre 17 millions en 2020.

Le coût des retraites représente un quart des dépenses publiques.

Les cotisations de l'État employeur représentent 74 % des retraites des fonctionnaires civils - c'est davantage pour les régimes spéciaux.

Pour le secteur privé, l'État subventionne aussi les exonérations qui ont remplacé le CICE, mis en place par le bon sens corrézien de François Hollande, lequel a permis de créer plus d'emplois.

Mais la situation financière du pays, avec 3 000 milliards d'euros de dette et 5,3 % de déficit en 2023, permet-elle de subventionner davantage les retraites ? Non.

Marisol Touraine et le PS l'avaient bien compris en 2015, en présentant un projet de loi qui retardait l'âge de départ à 64 ans.

Les partenaires sociaux doivent être davantage associés aux réflexions.

Nous devons rétablir les quatre critères de pénibilité supprimés en 2017 et garantir que les travailleurs seniors ne soient pas dans la précarité. Seuls 57 % des Français âgés de 55 à 64 ans ont un emploi - c'est 70 % en Allemagne. Il faut augmenter le nombre de cotisants de 10 % pour équilibrer les retraites en 2030.

Développer l'emploi des seniors sans augmenter la précarité : voilà l'objectif social commun pour nos enfants et l'avenir de la France. Nous ne voterons pas cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur quelques travées des groupes Les Républicains et UC ; Mme Patricia Schillinger applaudit également.)

Exception d'irrecevabilité

Mme Marie Lebec, ministre déléguée.  - En application de l'article 40 de la Constitution, le Gouvernement considère que cette proposition de loi n'est pas recevable et ne peut donc être soumise à discussion. (Protestations à gauche)

Mme Annie Le Houerou.  - Refus de débattre !

Mme Émilienne Poumirol.  - Encore une fois !

M. le président.  - Conformément à l'article 45, alinéa 4, du règlement, le Gouvernement soulève une exception d'irrecevabilité fondée sur l'article 40 de la Constitution à l'encontre de la présente proposition de loi.

En application de l'article 45 du règlement du Sénat, l'irrecevabilité est admise de droit et sans débat si elle est affirmée par la commission des finances.

J'interroge M. Stéphane Sautarel, vice-président de la commission des finances.

Mme Émilienne Poumirol.  - M. Kanner avait demandé la parole avant !

M. Stéphane Sautarel, vice-président de la commission des finances.  - Nous allons dès à présent réunir la commission pour nous prononcer ; je sollicite une suspension de séance de quinze minutes.

Rappels au règlement

M. Patrick Kanner.  - Mesdames les ministres, la messe est dite. Il y a deux poids, deux mesures : le président Mouiller a présenté une proposition de loi sur les retraites agricoles avec exactement le même gage - elle aggravait aussi les charges publiques, mais là, pas d'article 40. Même chose pour la proposition de loi visant à pérenniser les jardins d'enfants.

Avec le soutien manifeste de la majorité sénatoriale, vous voulez nous donner des leçons, avec 3 100 milliards d'euros de dette et plus de 5 % de déficit en 2024. Or vous refusez un projet de loi de finances rectificative ou un débat en vertu de l'article 50-1.

Vous décidez d'arrêter le débat. Le climat se dégrade, notamment à l'encontre des parlementaires : nous saurons nous en souvenir longuement. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST ; MM. Joshua Hochart et Christopher Szczurek applaudissent également.)

Mme Céline Brulin.  - Je me fonde sur l'article 32 bis du règlement.

Le recours à l'article 40 mériterait aussi une réunion de la commission des affaires sociales.

Nous sommes là dans un espace réservé, une niche parlementaire ; il serait bien de tenir ce débat afin de dresser un premier bilan de la réforme.

Amélioration de la retraite des femmes, de l'emploi des seniors, revalorisation des petites pensions - seulement 30 euros en moyenne... On est loin de ce qui était annoncé !

Madame la ministre, vous nous donnez, sur un ton péremptoire, des leçons de sérieux budgétaire... (Mme Marie Lebec s'en défend.) Pardon, mais je crois que vous n'êtes pas en mesure de le faire. (Applaudissements à gauche)

Enfin, la majorité sénatoriale est aussi délégitimée par le recours à l'article 40 décidé par le Gouvernement.

M. Michel Canévet.  - Non !

Mme Céline Brulin.  - Nous avons voté des propositions de loi en faveur des secrétaires de mairie ou des AESH, à l'unanimité. (Plusieurs sénateurs au centre et à droite frappent leur pupitre, le temps de parole de l'oratrice étant écoulé.)

Nous avons voté à l'unanimité une proposition de loi pour que les TPE puissent bénéficier du tarif réglementé. Hier, nous avons débattu d'une proposition de loi restreignant le droit de grève : nous l'avons combattue, mais le débat était légitime. J'espère que nous défendrons tous d'une même voix le droit d'initiative parlementaire. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K et SER ; Mme Monique de Marco applaudit également.)

Mme Cathy Apourceau-Poly.  - Je me fonde sur l'article 38 bis sur du règlement.

Le Gouvernement utilise l'article 40 pour déclarer cette proposition de loi irrecevable. Monsieur Sautarel, dans un espace réservé, l'interprétation de l'article est souple pour permettre l'expression des groupes minoritaires.

Nous défendons le droit d'initiative parlementaire prévu à l'article 45 de la Constitution.

Jusqu'à présent, au Sénat, les propositions de loi étaient protégées de cette épée de Damoclès. Si demain, elles sont toutes visées par cet article, nous ne pourrons plus discuter de la proposition de loi sur les retraites agricoles d'André Chassaigne, ni de celle du président Mouiller. Le Parlement peut donc s'autodissoudre !

Nous connaissons l'état des rapports de force au Sénat : l'issue du vote est certaine. Dès lors, pourquoi vouloir interdire le débat ? (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe SER)

Mme Laurence Rossignol.  - Cette proposition de loi serait politique, dites-vous ? C'est le cas de bon nombre de propositions de loi, y compris venant de la droite de l'hémicycle !

Beaucoup de Français digèrent difficilement ce qui s'est passé l'an passé.

Madame la ministre, vous avez brandi l'article 40. Enfin, vous dialoguez avec le Parlement ! Depuis trois mois que le Premier ministre a été nommé, le Conseil des ministres n'a adopté qu'un seul projet de loi, sur la Nouvelle-Calédonie.

Vous n'assumez pas votre fonction. Le Gouvernement a pourtant l'initiative des projets de loi ! C'est pourquoi nous déposons des propositions de loi, dans l'intérêt des Français et des salariés. Ils en ont bien besoin, alors que se profile la réforme de l'assurance chômage ou celle de la fonction publique. Tout cela démontre qu'il faut faire de la politique pour parler aux couches populaires. (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur plusieurs travées du GEST et du groupe CRCE-K)

M. Emmanuel Capus.  - (Marques d'exaspération à gauche) Je m'appuie sur l'article 45 du règlement.

Je tiens à rassurer mes collègues, nous venons d'achever le débat. (Marques de protestation à gauche) Je partage l'avis de Daniel Chasseing : la réforme des retraites était indispensable. Il ne restait qu'un article unique, sans amendement, à examiner. Le débat a bien eu lieu ! (MM. Thomas Dossus et Rémi Cardon, ainsi que Mme Cathy Apourceau-Poly protestent vivement.)

Le Gouvernement demande le renvoi en commission des finances pour examiner la recevabilité du texte. Ne soyez pas défaitistes ! La commission déterminera s'il y a une dépense ou non. (Soupirs sur les travées du groupe SER)

Si la proposition de loi ne crée pas de charges supplémentaires, nous en discuterons. Pas de panique ! Ayez confiance en vos collègues de la commission des finances ! (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur plusieurs travées du RDPI)

M. Thomas Dossus.  - Des sénateurs et des sénatrices qui ne siègent pas à la commission des finances souhaitent aussi s'exprimer... (Mme Audrey Linkenheld renchérit.)

Inutile de rappeler le débat baroque de l'an passé, qui n'avait pu aboutir.

Le Gouvernement, ne souhaitant pas exposer son fiasco budgétaire, ne met pas à l'ordre du jour un projet de loi de finances rectificative en dépit de la situation financière. Aujourd'hui, vous cherchez une nouvelle fois à esquiver le débat parlementaire. C'est scandaleux !

En opposant l'article 40 à une proposition de loi examinée dans un espace réservé, on crée une jurisprudence dangereuse -  nombre d'initiatives de la droite pourraient être concernées. (Applaudissements sur les travées du GEST et sur plusieurs travées du groupe SER)

M. Pascal Savoldelli.  - Rappel au règlement, au titre de l'article 45, alinéa 4.

Énième acte d'autoritarisme, le Gouvernement se dérobe en invoquant l'article 40 ! La démarche est un peu curieuse. Ici, majoritairement (l'orateur désigne les travées de droite), nous avons qualifié votre budget d'insincère. Vous vous êtes corrigés vous-mêmes par décret. Et voilà que vous utilisez abusivement l'article 40, après avoir abusé de l'article 49.3 à l'Assemblée nationale.

Vous nous invitez à ne pas être dans l'opposition stérile. Je siège à la commission des finances : il est tout à fait possible de créer de nouvelles dépenses fiscales ou d'élargir des niches fiscales existantes, et les crédits peuvent être reportés de dizaines de milliards d'euros, article 40 ou non ! Il faut le dire !

J'apprends cet après-midi, lors des questions au Gouvernement, que vous disposez d'un matelas de 7 milliards d'euros !

Respectez cette initiative parlementaire. On a déjà trop manqué de respect de la population et au Parlement. Allons au bout du débat ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K et sur plusieurs travées du groupe SER)

M. Stéphane Sautarel.  - Je ne me prononçais pas sur le fond mais uniquement sur la forme. Notre règlement prévoit la consultation de la commission : ce n'est pas une décision personnelle du président ou du vice-président de la commission des finances. (M. Patrick Kanner le confirme.)

La séance, suspendue à 18 h 10, reprend à 18 h 30.

M. le président.  - Je vous rappelle qu'en application de l'article 45 du règlement du Sénat, l'irrecevabilité est admise de droit et sans débat si elle est affirmée par la commission des finances.

Quel est l'avis de la commission des finances ?

M. Stéphane Sautarel, vice-président de la commission des finances.  - La commission des finances estime la proposition de loi irrecevable au titre de l'article 40. (Protestations à gauche)

La proposition de loi est déclarée irrecevable.

Mme Monique Lubin.  - Et voilà !

Service civique

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi visant à renforcer le service civique, présentée par M. Patrick Kanner et plusieurs de ses collègues, à la demande du groupe SER.

Discussion générale

M. Patrick Kanner, auteur de la proposition de loi .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Alors que des crises à répétition fragilisent notre nation, je m'adresse à vous comme législateur et défenseur d'une génération en quête d'actions concrètes.

La jeunesse française, animée par des idéaux et un fort désir d'engagement, manque d'opportunités, de moyens et de confiance en l'avenir. Comment y remédier ? La réponse réside, en partie, dans le renforcement du service civique - plus de 780 000 jeunes accompagnés depuis sa création !

Cette réussite résulte des valeurs et des compétences promues : solidarité, conscience collective, diversité des expériences sociales, développement d'aptitudes favorisant l'insertion professionnelle. Cela en fait un pilier essentiel de notre tissu socio-éducatif, et même un vecteur d'orientation. Négligé depuis 2017 au profit d'un dispositif inspiré de la culture militaire, ce dispositif citoyen, ancré dans l'éducation populaire, éprouvé et transpartisan, a notre préférence.

L'engagement résulte d'un choix personnel : il ne doit pas être pas imposé par le Gouvernement. Dans un contexte de tensions exacerbées - je rappelle les émeutes de juillet dernier -, c'est essentiel. Dès 2022, Stéphane Piednoir qualifiait le service civique « d'école de l'engagement citoyen à valoriser davantage ». (M. Stéphane Piednoir le confirme.)

Voici donc une proposition de loi ambitieuse, construite autour de cinq axes stratégiques.

D'abord, élargir l'accès au service civique jusqu'à 30 ans. Je salue la proposition pragmatique de Sylvie Robert qui le limite à 27 ans, même si je défendrai l'expérimentation d'un élargissement pendant trois ans.

Deuxièmement, diversifier les structures d'accueil en incluant les institutions de la République. Si cette proposition prospère, le Sénat, l'Assemblée nationale, le Cese pourront recevoir des services civiques.

Troisièmement, lutter contre son invisibilité en en faisant une mission nationale, avec la possibilité d'une année de césure dans le parcours académique et la garantie d'un retour en formation.

Quatrièmement, revaloriser l'indemnité qui reste largement en dessous du seuil de pauvreté. Les 18-25 ans sont les plus exposés à la précarité. Les 620 euros actuels - 505 euros versés par l'État, 115 euros par l'organisme d'accueil - sont un frein pour les jeunes issus des milieux défavorisés. Tous ceux qui le souhaitent doivent pouvoir s'engager sans crainte pour leur subsistance. Face à l'inaction du Gouvernement, les parlementaires doivent prendre leurs responsabilités.

Enfin, valoriser l'engagement dans les parcours académiques et professionnels - comme Parcoursup ou les concours de la fonction publique - pour envoyer un message clair : la République reconnaît, valorise et récompense le service rendu.

Plus qu'une réforme, nous proposons un appel à l'action.

Originellement imaginé comme un engagement accessible à tous, le service civique est à la croisée des chemins. L'emploi déguisé ou la sélection sur compétences sont des pratiques condamnables qui favorisent l'élitisme au détriment de la mixité. Madame la ministre, il faut renforcer les contrôles par l'agence du service civique et l'inspection du travail, former et accompagner les tuteurs et augmenter les ressources mises à leur disposition.

L'objectif de mixité sociale se heurte à l'exclusion économique. Faute d'une hausse de l'indemnité - le service civique est préférable selon moi au RSA -, la prise en charge des frais de transport ou l'attribution d'un logement étudiant pourraient être envisagées. Seule une détermination continue fera du service civique un véritable instrument d'émancipation.

Faisons-en la pierre angulaire d'une République bienveillante et empathique, un pilier de notre cohésion nationale, le catalyseur d'une génération prête à faire face aux défis de notre époque. C'est ensemble que nous bâtirons une France plus forte, plus unie et plus inclusive. (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; MM. Henri Cabanel et Martin Lévrier applaudissent également.)

Mme Sylvie Robert, rapporteure de la commission de la culture, de la communication, de l'éducation et du sport .  - « Une école de l'engagement citoyen à davantage valoriser » : telle est la définition du service civique que lui donnait la mission d'information d'Henri Cabanel et Stéphane Piednoir.

Depuis sa création, le service civique n'a cessé de progresser, jusqu'à 80 000 missions par an. Il a trouvé sa place. De même au sein de la classe politique : issu d'une proposition de loi sénatoriale, il a été mis en place sous Nicolas Sarkozy, est monté en puissance sous François Hollande, puis a été intégré à « 1 jeune, 1 solution » par Emmanuel Macron. Des jeunes très différents deviennent volontaires.

Le Sénat, de manière transpartisane, souligne l'utilité du dispositif dans un contexte budgétaire compliqué pour l'agence du service civique -  on évoque une annulation de 110 millions d'euros de crédits.

Cette forme d'engagement demeure trop méconnue. La commission de la culture a sécurisé la césure, prévoyant le droit à réintégrer la formation suivie avant la mission, car l'âge moyen des volontaires est de 21 ans. En revanche, elle a supprimé l'obligation de tenir compte de cet engagement dans l'examen des candidatures en filière sélective, pour prévenir toute rupture d'égalité.

Le montant de l'indemnité, récemment porté à 620 euros, est parfois un frein. Je propose de l'aligner sur la rémunération d'une première année d'alternance. Nous en débattrons. En revanche, la commission est revenue sur l'allocation de fin de contrat, qui fait doublon avec les droits acquis au titre du compte d'engagement citoyen (CEC). Elle a aussi élargi l'utilisation des droits acquis en CEC au titre du service civique au paiement des frais d'inscription en formation initiale.

La proposition de loi prévoit que l'aide financière pour les structures d'accueil est modulée en fonction du profil du volontaire accueilli.

Le texte initial portait à 30 ans l'âge maximal. Par souci d'équilibre entre engagement et insertion professionnelle, j'ai proposé à la commission une limite de 27 ans, au lieu de 25.

Le texte améliore la formation des jeunes volontaires, qui sera réalisée par des organismes accrédités, avec trois jours obligatoires de formation.

Les organismes agréés pourront aussi faire de l'intermédiation : c'est ainsi qu'une intercommunalité pourra mettre un volontaire à la disposition d'une commune ou d'une association.

Grâce à la commission, les anciens volontaires pourront bénéficier d'une dérogation aux conditions de diplôme ou de titre pour s'inscrire à un concours. Pour le troisième concours, la durée du service civique sera prise en compte dans le calcul de la durée d'expérience professionnelle exigée. Elle sera également incluse dans les périodes prises en compte pour une validation des acquis de l'expérience (VAE).

Quinze ans après la création du service civique, ce texte, une nouvelle fois à l'initiative du Sénat, ouvre une nouvelle étape. Dans un contexte morose, c'est un signal de confiance envers la jeunesse et la promesse d'en faire une priorité dans notre société. (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; MM. Martin Lévrier et Henri Cabanel applaudissent également.)

Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée chargée de l'enfance, de la jeunesse et des familles .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI) C'est un plaisir de débattre du service civique et, plus largement, de la société de l'engagement que nous voulons construire avec et pour les jeunes. Je mets un point d'honneur à accompagner chaque jeune vers toutes les formes d'engagement : service civique, bénévolat, jeunes sapeurs-pompiers, service national universel (SNU), réserve opérationnelle, démocratie scolaire, scoutisme.

Monsieur Kanner, vous avez raison : c'est dans une société de l'engagement que l'on crée du lien. Dans un contexte de montée des violences, la confiance est la réponse. Elle passe par l'engagement.

Le service civique existe depuis quatorze ans et c'est un succès : plus de 775 000 jeunes se sont engagés. Ancré dans nos territoires et dans une génération entière, il continue à évoluer.

Dans nos territoires ruraux, l'engagement se fait souvent dans l'école ou la mairie, mais peut aussi se faire dans les Ehpad ou les associations sportives. Avec Christophe Béchu, nous avons lancé il y a deux jours le service civique écologique pour plus de 50 000 jeunes. Nous allons aussi proposer un service civique d'urgence, en cas d'inondation ou de canicule. Il faut faire confiance aux jeunes et adapter le service civique à leurs aspirations.

La situation s'améliore, mais il reste des freins à lever : augmenter le taux d'engagement sur les territoires ruraux, de 21 %, ou de jeunes en situation de handicap. Le service civique reste trop peu connu, en dépit d'une grande campagne sur les abribus et les réseaux sociaux.

La difficulté à se loger dans les métropoles est également un frein. Le service civique jeune et nature apporte une réponse complémentaire. Foyers de jeunes travailleurs, maisons des adolescents, logements communaux sont autant de solutions.

Il faut également mieux reconnaître de ces magnifiques parcours. L'an dernier, 150 000 jeunes ont fait un service civique, un record ! Neuf sur dix sont satisfaits de leur aventure. Plus de 60 % s'engagent, après leur mission, dans une association ou un conseil municipal des jeunes. Le service civique renforce la cohésion nationale et la mixité sociale.

La rapporteure a amélioré ce texte en commission, mais j'ai néanmoins quelques réserves.

Le service civique est une mission d'engagement, il ne doit pas se substituer à l'emploi. C'est pourquoi nous avons renforcé l'Agence du service civique et veillons à mieux cibler les contrôles, moyennant un outil informatique dédié.

La navette pourra améliorer la rédaction de l'article relatif au service civique d'urgence.

Nous ne sommes pas favorables à l'obligation d'accompagnement par les services académiques, car cela rapproche trop le service civique de l'insertion professionnelle. De même, le compte d'engagement citoyen ne doit pas être fléché sur la formation professionnelle.

La moyenne d'âge des volontaires est de 21 ans. Je cherche à accueillir des plus jeunes, mais aller jusqu'à 27 ans rapprocherait trop de l'insertion professionnelle.

Je salue la qualité des travaux de la commission. Je crois à la vertu de ce magnifique engagement : laissons à notre jeunesse la liberté du choix de son engagement, faisons-lui confiance jusqu'au bout. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; Mme Marie-Claude Lermytte applaudit également.)

Mme Mathilde Ollivier .  - (Applaudissements sur les travées du GEST) Après l'examen de notre proposition de loi sur l'allocation universelle d'études, je me réjouis de revoir la jeunesse au coeur de nos débats.

Oui, le service civique s'inscrit dans une volonté d'ouverture et de découverte du monde associatif. Il est souvent un premier pas dans le monde du travail, une perspective, après un décrochage scolaire par exemple. Chez les écologistes, nous y sommes favorables - mais nous refusons de fermer les yeux. Élargir le service civique sans l'encadrer, c'est risquer de le dénaturer et de précariser les jeunes. Sa montée en puissance ne doit pas se muer en fuite en avant.

Sans garde-fous pour éviter le travail dissimulé, le report de l'âge limite, l'élargissement à certaines institutions, l'augmentation de l'indemnité ne sont pas souhaitables. On risque d'aboutir à un service civique à deux vitesses - selon l'étude du Centre d'études et de recherches sur les qualifications (Céreq), les jeunes les plus diplômés s'engagent par goût de l'intérêt général, les autres recherchent des revenus et une opportunité professionnelle.

Au coeur du sujet, l'indemnisation : 620 euros, c'est moins de la moitié du Smic. Je vois déjà les sénateurs de droite réagir. Si vous ne prenez pas conscience de la précarité des jeunes, nous n'avancerons pas ! J'espère que vous appliquerez votre mantra de la rigueur budgétaire au SNU, qui représente 2 000 euros par mois et par jeune...

Proposons un autre chemin à notre jeunesse : un service civique amélioré, avec une indemnisation nettement accrue, des missions respectées, un temps de travail encadré et dix jours de formation.

Madame la ministre, avec le SNU, vous voulez mettre la jeunesse au pas.

Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée.  - Non !

Mme Mathilde Ollivier.  - Le service civique écologique est un nouveau gadget, alors qu'il existe déjà plus de mille annonces en ligne pour des services civiques dans le champ de l'environnement !

M. Michel Savin.  - C'est vrai !

Mme Mathilde Ollivier.  - Cette proposition de loi n'est pas à la hauteur du défi posé par la précarité de la jeunesse. Notre vote dépendra des amendements adoptés. (Applaudissements sur les travées du GEST)

M. Gérard Lahellec .  - (Mme Annie Le Houerou applaudit.) Le plus grand mérite de cette proposition de loi est d'avoir pointé l'équilibre subtil entre engagement volontaire pour servir les valeurs de la République et insertion vers l'emploi - qui n'est pas la raison d'être du service civique.

Je remercie Mme la rapporteure d'avoir souligné les limites de l'appréciation parlementaire sur le SNU, ce sujet n'ayant jamais fait l'objet d'un débat ni même d'une information devant la représentation nationale.

Chaque époque a eu son lot d'inventions en direction de la jeunesse : les travaux d'utilité collective (TUC), les contrats emploi solidarité (CES), entre autres.

Le service civique offre aux jeunes de 16 à 25 ans la possibilité de s'engager dans une mission d'intérêt général. Tout ceci est très bien, mais ses faiblesses sont de taille.

Il ne parvient toujours pas à satisfaire l'un de ses objectifs : renforcer la mixité sociale -  le dernier rapport de la Cour des comptes le démontre.

La convergence entre engagement volontaire et appropriation des notions d'intérêt général et de citoyenneté demeure fragile. Le service civique est davantage considéré comme un facilitateur d'accès à l'emploi que comme un engagement en faveur de l'intérêt général.

Enfin, restons vigilants sur la non-substitution à l'emploi durable, comme l'a rappelé Patrick Kanner. Le service civique ne doit pas pallier le manque de moyens des associations ou des services publics.

Avec un taux de chômage de 17,4 % chez les 18-25 ans en novembre 2023, la France enregistre un taux supérieur à la moyenne européenne. Le service civique est donc un moyen de subsistance et d'insertion professionnelle. Nous devrions donc intervenir prioritairement pour soutenir les emplois aidés, avec un salaire décent.

Nous nous abstiendrons sur ce texte.

M. Henri Cabanel .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Shemseddine avait 15 ans, il est mort jeudi dernier à Viry-Châtillon. Deux jours plus tôt, Samira était frappée à Montpellier. Des jeunes qui massacrent d'autres jeunes : qu'avons-nous raté ?

Les valeurs semblent oubliées ou peut-être n'ont-elles jamais été acquises. Le service militaire unissait les classes sociales, dans un objectif de défense de la patrie. Les pouvoirs publics ont senti qu'il fallait renouer avec l'engagement public.

Le RDSE s'est toujours engagé sur ces enjeux. Yvon Collin est l'auteur de la proposition de loi qui est devenue la loi de mars 2010.

Le service civique a été renforcé par la loi de 2017, qui l'a étendu à plus de 770 000 jeunes. Le budget devait être porté à 1 milliard d'euros en 2028, mais l'enveloppe budgétaire est restée stable, autour de 500 millions d'euros, en raison notamment du SNU. Mais pourquoi opposer les deux ? Il faut tout faire pour rebâtir le sens du commun.

Comme l'a dit Fabien Roussel mardi matin à la radio, ces drames sont des faits de société et non plus des faits divers. Il faut revenir aux bases de l'éducation morale et civique : civisme, civilité, solidarité. La citoyenneté, c'est vivre ensemble, et non imposer sa loi aux autres.

Comme Bernard Fialaire, je souscris à cette proposition de loi.

Dans mon rapport de juin 2022, j'avais pointé avec Stéphane Piednoir le sentiment d'illégitimité ressenti par certains jeunes. Nous avions alors formulé 23 recommandations. Sur le service civique, nous avions préconisé une attention particulière au milieu rural compte tenu des difficultés de mobilité et logement. Il faut aussi aller dans les quartiers difficiles, pour renouer un lien qui s'est brisé. Je salue les jeunes de l'association Avas, à Vaulx-en-Velin, qui travaillent sur la citoyenneté : être citoyen et se sentir citoyen, ce n'est pas la même chose. Tous les mineurs et les non-nationaux sont d'ailleurs exclus de la citoyenneté ; il faudrait se pencher sur ce problème.

Le service civique risque de pâtir des récentes annonces de coupes budgétaires, alors que ce dispositif devrait être une priorité d'État.

Mon groupe votera cette proposition de loi, à l'unanimité. (Applaudissements sur les travées du RDSE ; applaudissements et exclamations enthousiastes sur les travées du groupe SER ; Mme Patricia Schillinger applaudit également.)

Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée.  - Excellent !

M. Martin Lévrier .  - Créé en 2010, le service civique est ouvert aux jeunes de 16 à 25 ans - 30 ans pour les personnes en situation de handicap.

Le service civique est une chance pour la France et pour les jeunes, qui peuvent développer leur sens des responsabilités, leur engagement citoyen et leur solidarité. Ils acquièrent de nouvelles compétences et une expérience professionnelle, rencontrent de nouvelles personnes, découvrent de nouveaux horizons, gagnent en maturité et en autonomie.

Pour le pays, le service civique est une chance : il renforce la cohésion sociale et le vivre ensemble et contribue à une société plus solidaire et plus inclusive. Il sensibilise les jeunes aux valeurs de la République et les encourage à participer à la vie de la cité. Il est un outil essentiel de promotion de la citoyenneté et de la démocratie. Il permet de répondre aux défis sociaux et environnementaux de notre époque.

Le présent texte vise à le rendre accessible à tous les jeunes. C'est une étape importante. Davantage de jeunes pourront s'engager dans une mission d'intérêt général. La qualité des missions, l'accompagnement et l'encadrement légal seront améliorés.

Je salue la recherche constante de compromis de la rapporteure.

M. Laurent Lafon.  - Elle est parfaite !

M. Martin Lévrier.  - La commission a fixé l'âge limite à 27 ans, ce qui est problématique au vu de l'insertion de ces personnes sur le marché de l'emploi. Par ailleurs, l'âge moyen des volontaires étant de 21 ans, cette mesure ne concernera pas grand monde.

Les volontaires pourront remplir des missions d'urgence en dehors de leurs contrats. L'allocation de fin de contrat a été supprimée, car elle faisait double emploi avec le CEC. Ce dernier pourra financer les frais d'inscription en formation initiale. Le retour à la formation sera garanti pour les étudiants en césure. La possibilité pour les établissements d'enseignement supérieur de prendre en compte un service civique dans l'inscription en premier cycle a été précisée. L'obligation d'intégrer cet élément dans les critères des filières sélectives a été supprimée. Le service civique sera valorisé dans les concours publics.

La question de la rémunération du service civique mérite d'être retravaillée, en concertation avec l'ensemble des parties prenantes.

Ce qui fonctionne doit être soutenu, c'est pourquoi notre groupe adoptera cette proposition de loi, pour renforcer la cohésion sociale, développer la citoyenneté et construire une société plus solidaire. (Applaudissements sur quelques travées du groupe SER)

M. David Ros .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) « Que les jeunes soient persuadés que l'expérience enseigne bien des choses, et aux plus grands cerveaux plus qu'aux petits » : cette phrase de François Guichardin, auteur du XVIe siècle, rappelle la place essentielle de la formation et de l'expérience dans l'apprentissage du citoyen.

Les récentes violences entre jeunes montrent combien nous avons besoin de faire nation. Shemseddine, 15 ans, est décédé après avoir été roué de coups, en Essonne, sur mon territoire. Je redis tout mon soutien aux parents, amis, élus, équipes pédagogiques.

Le service civique est un des moyens pour lutter contre l'engrenage de la violence. Il faut que la jeunesse retrouve le sens de l'engagement citoyen. C'est un outil utile qui a fait ses preuves. Plébiscité par les jeunes, il est un levier d'intégration. À la différence du SNU, c'est un outil de mixité sociale.

Or le gouvernement annonce « en même temps » de nouvelles missions et une baisse de 100 millions d'euros du budget, au risque de mettre en péril 50 000 missions. (Mme Sarah El Haïry fait non de la tête.)

Le présent texte, enrichi par le travail de la rapporteure dans un esprit consensuel, vise à mieux intégrer la jeunesse à notre société. Faute de pouvoir mieux financer le service civique, il vise à en renforcer l'attrait. Ses dispositions sont vectrices d'intégration et de vivre-ensemble, dont nous avons tant besoin.

Ce dispositif n'est pas encore assez connu. Il n'est pas normal qu'il faille se rapprocher des missions locales, déjà débordées, pour en entendre parler ! Lycées et établissements de l'enseignement supérieur devront donc informer leurs élèves et étudiants.

L'élargissement du dispositif aux jeunes adultes jusqu'à 27 ans est une autre avancée.

L'indemnité devrait s'établir à 750 euros. Certes, c'est une dépense, dans un contexte financier tendu, mais pensons au long terme : ne fermons pas la porte aux jeunes les plus précaires. Le service civique est bon pour l'emploi et donc pour les comptes sociaux.

Le texte présente des avancées aussi pour la valorisation de l'engagement des volontaires dans les études supérieures, la fonction publique et la VAE.

Il renforce l'attractivité d'un dispositif efficace et lui donne un second souffle, ou plutôt une seconde jeunesse ! (On apprécie à gauche.)

Le groupe SER votera cette proposition de loi, non parce qu'elle est portée par notre président de notre groupe, mais parce qu'elle est nécessaire et utile.

La jeunesse de notre pays n'est pas le problème, elle est la solution aux problèmes de notre pays. Victor Hugo disait que « la jeunesse est le sourire de l'avenir devant un inconnu qui est lui-même ». Redonnons le sourire à notre jeunesse ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

M. Cédric Vial .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le service civique permet de s'engager pendant six à douze mois dans les domaines de la culture, de la citoyenneté européenne, de la santé, de la solidarité, du sport. Depuis 2010, plus d'un demi-million de jeunes ont effectué une mission, pour un budget annuel d'environ 440 millions d'euros. Le nombre de missions réalisées a quadruplé en dix ans, mais le dispositif peut encore être amélioré.

Nous remercions Patrick Kanner d'avoir ouvert ce débat sur la place des jeunes dans notre société.

Le groupe Les Républicains souhaite voter ce texte, malgré quelques réserves. Nous remercions la rapporteure, qui a su rapprocher les points de vue.

Certains diront que les jeunes se désengagent et se désintéressent de la démocratie. Je ne le crois pas.

Les outils existants sont plus ou moins connus et plus ou moins cohérents. Le service civique est l'un d'entre eux et il est efficace. Il accueille des jeunes des quartiers populaires, en proportion beaucoup plus importante que le SNU, qui accueille principalement des jeunes dont les parents appartiennent aux corps en uniforme.

Mme Nicole Belloubet a récemment déclaré, devant notre commission de la culture, que le gel des crédits impacterait probablement le service civique : triste signal adressé à la jeunesse qui veut s'en sortir ou s'engager pour une cause ou son pays.

Le texte propose de revaloriser l'indemnisation à 751 euros. Cela pourrait avoir du sens, dans un contexte de forte inflation, mais entraînerait 80 à 100 millions d'euros de dépenses supplémentaires, soit 20 % des crédits annuels du service civique, avec le risque de conduire à la suppression de 20 000 missions. Sauf si le Gouvernement est prêt à s'engager (Mme Sarah El Haïry sourit.), je défendrai un amendement visant à supprimer cette disposition.

Le lien entre la nation et la jeunesse va devoir être réinventé. Mais c'est une autre histoire, qui reste à écrire - celle d'un gouvernement qui aurait des perspectives fortes pour sa jeunesse. (Applaudissements sur quelques travées des groupes Les Républicains et SER)

Mme Marie-Claude Lermytte .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) Guider les usagers au sein de la préfecture, animer une épicerie solidaire, lutter contre la fracture numérique, développer des actions culturelles en milieu carcéral : autant de missions variées et essentielles proposées en service civique. Je rends hommage aux équipes de la mission locale de Bourbourg-Gravelines-Rives de l'Aa et à tous les encadrants de ces jeunes.

En encourageant les jeunes à participer au service civique, nous créeons des citoyens engagés et cultivons un sentiment d'appartenance et de solidarité. L'engagement permet aux jeunes de s'épanouir.

Depuis 2010, le nombre de volontaires ne cesse de progresser. En 2023, 150 000 ont réalisé une mission - une année record !

Je remercie Patrick Kanner et le groupe SER d'avoir inscrit ce texte à l'ordre du jour.

Madame la ministre, il faut mieux communiquer sur les réussites du dispositif. La facilitation du parcours étudiant est une bonne mesure, tout comme la possibilité de réaliser une mission d'urgence. Je salue aussi la création d'un service civique écologique.

Madame la ministre, je reprends vos mots : nous nous sommes attachés à déterminer quelle jeunesse nous voulions laisser à la planète, nous voulons savoir quelle planète nous allons laisser à la jeunesse.

Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée.  - C'est vrai !

Mme Marie-Claude Lermytte.  - Le groupe Les Indépendants souscrit aux objectifs de ce texte et restera attentif aux échanges. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP ; M. Martin Lévrier applaudit également.)

M. Pierre-Antoine Levi .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Depuis sa création en 2010, le service civique a mobilisé plus de 780 000 jeunes. Je salue son initiateur, Yvon Collin, ancien sénateur du Tarn-et-Garonne, et remercie le président Kanner ainsi que la rapporteure.

Nous écrivons un nouveau chapitre de l'histoire d'un dispositif qui a gagné le coeur de nos jeunes : ils sont 84 % à le recommander, 58 % à vouloir poursuivre un engagement bénévole après leur mission. Mais malgré les succès, des défis demeurent : méconnaissance, insuffisance de l'indemnité pour les jeunes en situation précaire, valorisation à renforcer. Avec 88 300 nouveaux engagements en 2023, il faut soutenir cette montée en puissance.

Le texte, remanié en commission, soulève des points de vigilance. Ainsi, aligner l'indemnité sur celle des apprentis est une fausse bonne idée : n'incitons pas les entreprises à privilégier les services civiques aux embauches traditionnelles. Prudence également sur l'extension de l'âge limite à 27 ans : nous saluons l'amendement de Patrick Kanner tendant à en faire une simple expérimentation. Le service civique doit demeurer une expérience enrichissante et accessible, sans compromettre sa qualité ou ses objectifs fondamentaux.

Le texte vise à renforcer l'information auprès des jeunes et à diversifier les missions proposées, pour que le service civique continue de favoriser la mixité sociale.

Cet engagement doit également être reconnu et valorisé, tant dans le parcours éducatif que professionnel. Il faut proposer des missions de qualité, encadrées par un tutorat, complétées par une formation civique et citoyenne, pour que le service civique remplisse sa mission d'engagement et de cohésion sociale - ce qui suppose que l'Agence du service civique travaille avec les structures d'accueil.

La méconnaissance du dispositif par les jeunes est un obstacle, d'où l'importance d'une campagne d'information ciblée, pour le distinguer d'autres formes d'engagement ou d'insertion professionnelle.

La création d'un cadre juridique pour la participation à des missions d'urgence est bienvenue.

Cette proposition de loi est l'occasion d'adapter aux défis contemporains un dispositif qui a fait ses preuves. Le groupe UC tient à ce que le service civique reste un vecteur d'engagement citoyen et de développement personnel. Nous voterons la proposition de loi, à condition que ces points de vigilance soient retenus. (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; M. Henri Cabanel applaudit également.)

M. Stéphane Piednoir .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le constat de l'abstention galopante aux divers scrutins, en particulier chez les jeunes, avait incité le groupe RDSE à lancer une mission d'information, que j'ai eu l'honneur de présider, visant à renforcer la culture citoyenne. Le rapporteur Henri Cabanel s'était notamment penché sur le service civique, dont le succès n'est plus à démontrer.

Quelques points de vigilance ont été formulés : le président Kanner les a pris en compte. Le service civique ne doit pas se transformer en emploi précaire. Pour éviter toute forme de dissimulation, la proposition de loi favorise les missions réalisées en binôme - je défendrai un amendement précisant la rédaction.

De même, il est indispensable d'augmenter la durée de formation pour assurer les fondamentaux inhérents à ce parcours citoyen. Les jeunes le réclament : deux jours, c'est insuffisant.

Le report de la limite d'âge fait débat. Certains accusent déjà le groupe socialiste de proposer une mesure ultralibérale d'exploitation des jeunes par le patronat jusqu'à 30 ans ! Restons-en à la limite actuelle.

L'augmentation de l'indemnité coûterait, selon les calculs de Cédric Vial, plus de 150 millions d'euros. En l'état de nos finances publiques, je ne peux le soutenir, d'autant que le Gouvernement est tenté de faire des économies budgétaires sur le service civique et le SNU... Surtout, l'indemnité s'apparenterait dès lors à un revenu minimum, supérieur au RSA. Je salue le travail de Sylvie Robert pour limiter cette hausse, mais je préconise de revenir au montant initial.

Malgré ces divergences, nous nous retrouvons autour du renforcement du service civique, sans le dénaturer. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)

Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée.  - Sur le volet budgétaire, les 100 millions d'euros portent exclusivement sur la trésorerie de l'Agence du service civique, non sur le nombre ou la durée des missions : ils provenaient du plan de relance.

Sur les indemnités, je rejoins M. Piednoir. Les plus fragiles - boursiers, foyer au RSA - bénéficient déjà d'une aide complémentaire de 114 euros.

Les services civiques écologiques sont de belles opportunités : nous voulons aller jusqu'à 50 000 missions, avec des financements nouveaux portés par l'Ademe notamment, et des ambassadeurs dédiés. Ils ne se substituent pas aux missions actuelles mais s'y ajoutent.

Discussion des articles

Article 1er

M. le président.  - Amendement n°7 rectifié, présenté par M. Kanner et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

I. - Après l'alinéa 1

Insérer deux alinéas ainsi rédigés : 

...° Avant l'article L.120-1, il est inséré un article additionnel L. 120-1-... ainsi rédigé :

« Article L.120-1-.... - Par dérogation aux conditions d'âge prévues à la première phrase du premier alinéa du II de l'article L. 120-1, une expérimentation est conduite pour une durée de trois ans, à compter de la publication de la loi n°..... visant à renforcer le service civique, afin d'étendre aux personnes de 26 ans et 27 ans révolus, la possibilité de réaliser un engagement de service civique, dans les conditions prévues au même article L. 120-1.

« À l'issue de l'expérimentation, le Gouvernement présente au Parlement un rapport de bilan, en précisant, notamment, le profil et le niveau de formation des jeunes de 25 à 27 ans ayant accompli un engagement de service civique, leur taux d'intégration, à la suite de cet engagement, dans une formation professionnelle ou dans l'enseignement supérieur ou dans un emploi, ainsi que le coût estimé de la généralisation du dispositif à cette tranche d'âge. » ;

II. - Alinéa 3

Supprimer cet alinéa.

M. Patrick Kanner.  - J'avais initialement proposé de porter l'âge plafond de 25 à 30 ans. Nous avons trouvé un accord, avec Sylvie Robert, pour 27 ans, mais des interrogations subsistaient. D'où cet amendement d'atterrissage, qui prévoit une expérimentation.

À 25 ans, le service civique peut être une solution d'insertion préférable au RSA - même s'il ne s'agit pas d'un emploi aidé.

M. le président.  - Amendement n°1 rectifié, présenté par M. Piednoir, Mme Di Folco, M. Burgoa, Mmes Estrosi Sassone et Joseph, MM. Sido, Saury, Lefèvre, Grosperrin, Milon, Savin et Michallet, Mmes P. Martin et Micouleau, M. Klinger, Mme Pluchet, MM. Belin et Rapin, Mme Nédélec, MM. Sautarel et Reynaud, Mmes Garnier et Lassarade, M. Bruyen, Mme Gruny et M. D. Laurent.

Alinéa 3

Supprimer cet alinéa.

M. Stéphane Piednoir.  - Cet amendement revient au plafond de 25 ans. Je n'avais pas connaissance de cette nouvelle proposition de M. Kanner lors du dépôt de mon amendement : nous serons attentifs aux arguments de la rapporteure.

M. le président.  - Amendement identique n°8, présenté par Mmes Ollivier et de Marco, MM. Benarroche, G. Blanc, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée, Souyris et M. Vogel.

Mme Mathilde Ollivier.  - Il serait préjudiciable d'élargir le dispositif existant aux plus de 25 ans sans l'améliorer car le risque de précarité en serait augmenté. L'âge moyen est de 21 ans. Selon le Céreq, 22 % des jeunes effectuent un service civique au cours de leur formation, 30 % dans les six mois qui la suivent. Plus le niveau de diplôme est élevé, plus le service civique intervient tôt dans le parcours. Preuve que l'âge n'est pas un sujet. Plutôt que de chercher à augmenter les effectifs, accordons aux jeunes volontaires actuels un cadre et une indemnité convenable.

Mme Sylvie Robert, rapporteure.  - Nous en avons longuement débattu en commission ; j'avais proposé un compromis à 27 ans. Nos échanges se sont poursuivis toute la semaine - je vous en remercie à mon tour. L'amendement de M. Kanner propose une expérimentation sur trois ans, c'est un compromis sénatorial. Qui dit expérimentation, dit évaluation. Dès lors, avis favorable à l'amendement n°7 rectifié. Son adoption ferait tomber les deux autres.

Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée.  - Avis favorable aux amendements nos1 rectifié et 8. Rapprocher le service civique d'un dispositif d'insertion professionnelle le mettrait en péril. Avis défavorable à l'amendement n°7 rectifié, même si j'entends qu'un consensus existe sur l'expérimentation.

M. Cédric Vial.  - Le service civique n'est pas un dispositif d'insertion professionnelle, mais d'engagement. Les jeunes concernés sont généralement soit en décrochage scolaire, soit en césure avant, par exemple, de changer d'orientation, soit en fin de cursus. L'âge moyen est de 21 ans. Je ne vois pas l'intérêt de porter l'âge limite au-delà de 25 ans, sinon pour les personnes en situation de handicap.

Cela dit, l'expérimentation nous convient : nous verrons bien. Les départements, les missions locales peuvent être intéressés.

Gare toutefois à ne pas dévoyer le service civique. Nous voterons l'amendement n°7 rectifié.

M. Stéphane Piednoir.  - J'ai pris note de l'avis favorable du Gouvernement. La rapporteure parlait de compromis : il s'agit en l'espèce d'un compromis sur le compromis. (Sourires) Une évaluation s'imposera. Je retire l'amendement n°1 rectifié.

L'amendement n°1 rectifié est retiré.

L'amendement n°7 rectifié est adopté.

L'amendement n°8 n'a plus d'objet.

M. le président.  - Amendement n°2 rectifié, présenté par M. Piednoir, Mme Di Folco, M. Burgoa, Mmes Estrosi Sassone et Joseph, MM. Sido, Saury, Lefèvre, Grosperrin, Milon, Savin et Michallet, Mmes P. Martin et Micouleau, M. Klinger, Mme Pluchet, MM. Belin et Rapin, Mme Nédélec, M. Sautarel, Mme Lassarade et M. D. Laurent.

Alinéa 5

Remplacer les mots :

Lorsque la nature de la mission et de l'organisme le permet

par les mots :

À l'exception des cas où la nature de la mission et de l'organisme ne le permet pas

M. Stéphane Piednoir.  - Il est important que les missions de service civique soient effectuées par binôme, afin d'éviter toute dissimulation d'emploi. Avec cet amendement, je force le trait, en inversant la charge de la preuve.

Mme Sylvie Robert, rapporteure.  - Je comprends l'intention, mais prévoir une mission collective par défaut risque d'être un frein au service civique. Les organismes devront démontrer pourquoi la mission n'est pas possible... Avis défavorable.

Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée.  - Je comprends la philosophie de l'amendement, mais 36 % des structures accueillent un seul jeune en service civique. Cela fragiliserait les territoires ruraux et les petites associations. Demande de retrait. Il y aura des contrôles pour vérifier qu'il ne s'agit pas d'emploi dissimulé.

L'amendement n°2 rectifié est retiré.

M. le président.  - Amendement n°10 rectifié bis, présenté par Mme Billon, MM. Lafon, Levi et C. Vial, Mmes Ventalon et Perrot, MM. Laugier, Brisson, Courtial et Henno, Mme Tetuanui, M. Cambier, Mme Guidez, M. Michallet, Mme Borchio Fontimp, M. Menonville, Mme Belrhiti, MM. Kern et H. Leroy, Mmes Morin-Desailly et Romagny, MM. Genet et Duffourg, Mmes Jacquemet et Muller-Bronn et M. Pillefer.

Alinéas 6 et 7

Supprimer ces alinéas.

Mme Annick Billon.  - Je veux réaffirmer mon attachement au service civique et saluer le travail de l'auteur et de la rapporteure.

La commission a ouvert le service civique aux titulaires de la protection temporaire. Or depuis sa création, le nombre de demandes est supérieur au nombre de missions proposées. À vouloir trop élargir le dispositif à de nouveaux publics, on risque de le dénaturer.

Mme Sylvie Robert, rapporteure.  - À titre personnel, je tenais à cet élargissement aux jeunes bénéficiant de la protection temporaire. La directrice de l'Agence du service civique a dit regretter de ne pas pouvoir accueillir quelques jeunes Ukrainiens.

Pour autant, la commission a émis un avis favorable à votre amendement. C'est ainsi !

Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée.  - En réalité, nous avons suffisamment de missions, il faut toutefois veiller à leur bonne répartition sur le territoire. Je ne vois pas de risque particulier pour l'accueil des jeunes Ukrainiens, peu nombreux. Avis défavorable.

M. Patrick Kanner.  - Une fois n'est pas coutume, je suis d'accord avec Mme la ministre. (Sourires) Quelques centaines de jeunes à peine seraient concernés. C'est une main tendue aux jeunes Ukrainiens en quête de solidarité, peut-être d'insertion. Dans le climat actuel, je regrette que la commission ait décidé de ne pas leur tendre cette main.

Mme Annick Billon.  - Je maintiens mon amendement. À vouloir trop étendre le périmètre de nos outils, on les dénature. Attention à rester dans les limites de l'objectif !

À la demande du groupe Les Républicains, l'amendement n°10 rectifié bis est mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°176.

Nombre de votants 341
Nombre de suffrages exprimés 324
Pour l'adoption 189
Contre 135

L'amendement n°10 rectifié bis est adopté.

M. le président.  - Amendement n°6, présenté par Mmes Ollivier et de Marco, MM. Benarroche, G. Blanc, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée, Souyris et M. Vogel.

Après l'alinéa 7

Insérer un alinéa ainsi rédigé : 

...° Le second alinéa de l'article L. 120-8 du même code est remplacé par un alinéa ainsi rédigé : 

« Sans préjudice des dispositions prévues à l'article L. 433-1 du code de l'action sociale et des familles, la durée hebdomadaire du contrat de service civique ne peut dépasser trente-cinq heures, réparties au maximum sur cinq jours. » ;

Mme Mathilde Ollivier.  - La durée maximale hebdomadaire du service civique est actuellement de 48 heures sur six jours pour les plus de 18 ans, et de 35 heures sur cinq jours pour les 16-18 ans.

Les organismes ne doivent pas surexploiter les volontaires. Il faut prévenir des dérives et homogénéiser les situations à 35 heures et cinq jours, pour la sécurité et le bien-être des volontaires.

Mme Sylvie Robert, rapporteure.  - Cela interdirait de dépasser les 35 heures hebdomadaires, même ponctuellement - par exemple, pendant la durée d'un festival. Surtout, cela renforce le risque de confusion entre service civique et emploi. Avis défavorable.

Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée.  - Avis défavorable, pour préserver la liberté d'organisation des missions, notamment dans le monde culturel ou sportif. Les contrôles sont soutenus, nous sommes vigilants. Pendant le Covid, des associations étudiantes ont organisé leur temps en fonction des besoins : moins d'heures pendant les partiels, davantage au moment de la rentrée, par exemple.

Mme Mathilde Ollivier.  - Un petit calcul : 48 heures c'est 9,6 heures sur cinq jours, 12 heures sur quatre jours. C'est trop pour un jeune en service civique. Réduisons à 35 heures.

L'amendement n°6 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°9 rectifié ter, présenté par Mme Billon, MM. Lafon, Levi et C. Vial, Mmes Ventalon et Perrot, MM. Laugier, Brisson, Courtial et Henno, Mme Tetuanui, M. Cambier, Mme Guidez, M. Michallet, Mme Borchio Fontimp, M. Menonville, Mme Belrhiti, MM. Kern et H. Leroy, Mme Morin-Desailly, M. Folliot, Mmes Romagny et Saint-Pé, MM. Delcros, Genet et Duffourg, Mmes Jacquemet et Muller-Bronn et MM. Pillefer et Gremillet.

Après l'alinéa 13

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« À la fin de la période d'engagement de service civique, la personne morale agréée et la personne volontaire rendent compte à l'Agence du service civique respectivement du nombre de jours de formation assurés et du nombre de jours de formation suivis.

Mme Annick Billon.  - La proposition de loi portait initialement la durée de la formation citoyenne de deux à cinq jours. La commission a proposé trois jours. La rapporteure nous a alertés sur le coût supplémentaire et sur une obligation de formation déjà non satisfaite - un quart des jeunes engagés n'en bénéficient pas, la moitié seulement font deux journées. Les formations sont payées, mais pas exécutées. Renforçons les contrôles, madame la ministre !

Mme Sylvie Robert, rapporteure.  - Le corollaire du passage à trois jours est une hausse des contrôles. Avis favorable.

Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée.  - Sagesse, pour renforcer la confiance - même si l'amendement est satisfait au plan réglementaire.

L'amendement n°9 rectifié ter est adopté.

M. le président.  - Amendement n°3 rectifié, présenté par M. Piednoir, Mme Di Folco, M. Burgoa, Mmes Estrosi Sassone et Joseph, MM. Sido, Saury, Lefèvre, Grosperrin, Milon, Savin et Michallet, Mmes P. Martin et Micouleau, M. Klinger, Mme Pluchet, MM. Belin et Rapin, Mme Nédélec, MM. Sautarel et Bruyen et Mmes Borchio Fontimp et Gruny.

Alinéa 15

Supprimer cet alinéa.

M. Stéphane Piednoir.  - Revenons à l'indemnité existante.

M. le président.  - Amendement identique n°4 rectifié quater, présenté par M. C. Vial, Mme Ventalon, M. Levi, Mme Billon, MM. Darnaud, H. Leroy, Bacchi, Brisson, Cambier et Laugier, Mmes Demas, Bellurot et Garnier, M. Ruelle, Mme Lassarade, MM. Anglars, Lafon et Kern, Mmes Morin-Desailly, Romagny, de La Provôté et Saint-Pé, M. Genet et Mmes Gatel et Jacquemet.

M. Cédric Vial.  - Une revalorisation de l'indemnité à 750 euros coûterait entre 80 et 100 millions d'euros, soit 17 000 à 18 000 missions de moins - sauf annonce de Mme la ministre... (Mme la ministre sourit.)

Il y a déjà plus de demandes que de missions. N'envoyons pas un mauvais signal en en réduisant le nombre, même si l'indexation pourrait être nécessaire à l'avenir.

Mme Sylvie Robert, rapporteure.  - Je tenais à revaloriser l'indemnité - 751 euros est un compromis, qui correspond à la première année en contrat d'apprentissage pour les 18-20 ans. Cela dit, la commission a émis un avis favorable à ces amendements. Donc acte.

Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée.  - Je salue la sagesse des sénateurs Piednoir et Vial. Il faut garantir la qualité des missions, sans en réduire le nombre. Les indemnités sont déjà indexées sur le point d'indice. Nous agissons plutôt sur les dépenses de logement, via l'association InSite, et de transport. Avis favorable.

M. Patrick Kanner.  - Madame la ministre, je regrette que vous ne débloquiez pas quelques millions de plus. Pour le gouvernement auquel j'ai appartenu, le service civique était une priorité budgétaire. Ce n'est plus le cas, je le regrette. Cela aurait permis de mieux reconnaître des dizaines de milliers de jeunes, car avec 620 euros, on est loin de l'émancipation financière.

J'aurais même souhaité aller plus loin que le compromis de Mme Robert. Tout ce qui évite à un jeune de demander le RSA va dans le bon sens. Je relève toutefois que M. Vial, et la majorité sénatoriale avec lui, était prêt à nous suivre s'il y avait eu un geste du Gouvernement. Or ce geste n'est pas venu... (Sourires)

Mme Mathilde Ollivier.  - En loi de finances, Mme Thévenot avait évoqué une hausse de l'indemnité. Chers collègues, quand prendrez-vous conscience de la précarité des jeunes, qui gonflent les files d'attente aux banques alimentaires - avec parmi eux, des jeunes en service civique ? Qui peut vivre avec 600 euros par mois ?

Certains jeunes s'investissent dans le service civique par goût de l'engagement, d'autres sont avant tout motivés par l'indemnité. D'où la nécessité de la revoir à la hausse.

M. Max Brisson.  - J'entrais, plein d'espérance, dans cet hémicycle (sourires) : après l'excellent compromis de notre rapporteure, le remarquable plaidoyer du président Kanner, j'espérais que nous trouverions une solution, madame la ministre. Nous aurions alors apporté notre plein soutien et retiré nos amendements.

Mais nous refusons que la proposition de Sylvie Robert aboutisse à réduire le nombre de contrats, à enveloppe constante, voire réduite - l'audition de Mme Belloubet ne nous avait pas rassurés, nous voilà très déçus. Nous voterons ces amendements.

À la demande du groupe Les Républicains, les amendements identiques nos3 rectifié et 4 rectifié quater sont mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°177 :

Nombre de votants 341
Nombre de suffrages exprimés 341
Pour l'adoption 245
Contre   96

Les amendements identiques nos3 rectifié et 4 rectifié quater sont adoptés.

L'article 1er, modifié, est adopté.

L'article 1er bis est adopté.

Article 2

M. le président.  - Amendement n°13, présenté par Mme S. Robert, au nom de la commission.

I. - Après l'alinéa 2

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

...° La vingt-troisième ligne du tableau constituant le second alinéa du I de l'article L. 165-1 est remplacée par deux lignes ainsi rédigées :

« 

L. 122-3

Résultant de la loi n°  du    visant à renforcer le service civique

L. 122-4 et L. 122-5

Résultant de l'ordonnance n° 2000-549 du 15 juin 2000

 » ;

II.  -  Compléter cet article par cinq alinéas ainsi rédigés :

...° Le tableau constituant le second alinéa du I des articles L. 685-1, L. 686-1 et L. 687-1 est ainsi modifié :

...) La treizième ligne est ainsi rédigée :

« 

L. 611-12

Résultant de la loi n°  du    visant à renforcer le service civique

 » ;

...) La seizième ligne est ainsi rédigée :

« 

L. 612-13

Résultant de la loi n°  du    visant à renforcer le service civique

 ».

L'amendement de coordination n°13, accepté par le Gouvernement, est adopté.

L'article 2, modifié, est adopté.

Article 3

M. le président.  - Amendement n°11 rectifié ter, présenté par Mme Billon, MM. Lafon, Levi et C. Vial, Mmes Ventalon et Perrot, MM. Laugier, Brisson, Courtial et Henno, Mme Tetuanui, M. Cambier, Mme Guidez, M. Michallet, Mme Borchio Fontimp, M. Menonville, Mme Belrhiti, MM. Kern et H. Leroy, Mmes Morin-Desailly, Romagny et Saint-Pé, MM. Delcros, Genet et Duffourg, Mmes Jacquemet et Muller-Bronn et MM. Pillefer et Gremillet.

Alinéas 4 et 5

Supprimer ces alinéas.

Mme Annick Billon.  - Cet article permet aux anciens volontaires du service civique de déroger aux conditions de diplôme pour les concours de la fonction publique. Cette dérogation est actuellement réservée aux parents de trois enfants et aux sportifs de haut niveau. Mais le service civique, d'un an maximum, n'a pas vocation à remplacer les études et par conséquent les titres et diplômes reçus. L'amendement n°9 de la rapporteure, adopté en commission, sécurise d'ailleurs la réintégration dans le cursus. La dérogation n'est donc pas justifiée.

Mme Sylvie Robert, rapporteure.  - Tous les candidats passent les mêmes épreuves : l'égal accès aux emplois publics est maintenu, et cela valorise le service civique. Je suis personnellement en faveur de cette dérogation. Néanmoins, la commission a émis un avis favorable à votre amendement.

Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée.  - Avis favorable.

À la demande du groupe Les Républicains, l'amendement n°11 rectifié ter est mis aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici le résultat du scrutin n°178 :

Nombre de votants 341
Nombre de suffrages exprimés 341
Pour l'adoption 227
Contre 114

L'amendement n°11 rectifié ter est adopté.

L'article 3, modifié, est adopté.

L'article 3 bis est adopté, de même que l'article 4.

Vote sur l'ensemble

Mme Mathilde Ollivier .  - La proposition de loi a été détricotée. L'augmentation de l'indemnité a été rejetée, ce qui revient à réserver l'engagement aux plus aisés. Cédric Vial défendait pourtant la mixité du service civique, mais cela suppose une indemnité suffisante !

Autre point problématique : l'ouverture aux assemblées parlementaires et à la fonction publique, alors qu'on est déjà passé de 12 % à 38 % de services civiques dans l'administration entre 2014 et 2021. Le service civique ne doit pas servir à pourvoir des emplois à moindre coût - le reportage de « Cash Investigation » à ce sujet était accablant : 5 000 services civiques chez Pôle emploi, beaucoup dans les administrations financières...

Quant au compromis autour de l'élargissement jusqu'à 27 ans, cela nous alerte. Le GEST votera contre le texte.

M. Patrick Kanner .  - Si certains voient le verre à moitié vide, nous le voyons à moitié plein. Nous saluons le travail de la rapporteure et la recherche de consensus toute sénatoriale qui a guidé nos échanges. Un vote pour est nécessaire pour permettre au texte de prospérer.

À défaut d'ouvertures budgétaires, je relève les ouvertures de principe de la ministre, qui a appelé à conforter cette belle politique publique. J'aurais aimé aller plus loin, mais nous voterons néanmoins le texte - même si la question de l'indemnité reste une déception.

Mme Annick Billon .  - Le groupe UC votera le texte issu de nos débats. Nous avons progressé en commission et en séance. Nous sommes tous attachés au service civique, qui a besoin de moyens et d'être développé dans tous les territoires. Madame la ministre, nous comptons sur vous pour défendre son budget. La semaine dernière, les propos de Nicole Belloubet laissaient craindre une réduction, depuis infirmée. (Applaudissements sur quelques travées du groupe UC)

Mme Sylvie Robert, rapporteure de la commission de la culture, de la communication, de l'éducation et du sport .  - Nous avons cheminé ensemble vers un compromis qui en décevra certains - je regrette le vote contre de nos amis écologistes. Mais, par étapes, nous progressons. J'espère un examen à l'Assemblée nationale.

Il était important que le Sénat se positionne sur l'engagement des jeunes, surtout dans une société qui ne va pas bien. Je me félicite de nos avancées collectives.

M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture, de la communication, de l'éducation et du sport .  - Je remercie notre rapporteure : nous connaissons son talent, nous avons découvert sa capacité à trouver des compromis. Je remercie également le président Kanner qui a permis ce débat et identifié des points d'amélioration. Je salue les concessions qu'il a consenties pour permettre son adoption.

L'important était que le Sénat exprime son soutien au service civique, dont il est à l'origine. Merci au président Kanner de nous en avoir donné l'occasion.

À la demande du groupe SER, la proposition de loi est mise aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici le résultat du scrutin n°179 :

Nombre de votants 341
Nombre de suffrages exprimés 323
Pour l'adoption 307
Contre   16

La proposition de loi, modifiée, est adoptée.

(Applaudissements sur toutes les travées, à l'exception du GEST et du groupe CRCE-K)

Mise au point au sujet d'un vote

M. Pierre-Antoine Levi.  - Lors du scrutin n°176 sur l'amendement n°10 rectifié bis, Nadia Sollogoub souhaitait ne pas prendre part au vote.

Acte en est donné.

Conférence des présidents

M. le président.  - Les conclusions adoptées par la Conférence des présidents réunie ce soir sont consultables sur le site du Sénat.

En l'absence d'observations, je les considère comme adoptées.

Les conclusions de la Conférence des présidents sont adoptées.

La séance est suspendue à 20 h 30.

Présidence de M. Pierre Ouzoulias, vice-président

La séance est reprise à 22 h 00.

Haut-commissariat au plan : quel bilan et quelle influence sur les politiques publiques depuis 2020 ?

M. le président.  - L'ordre du jour appelle le débat sur le thème : « Haut-commissariat au plan : quel bilan et quelle influence sur les politiques publiques depuis 2020 ? » à la demande du GEST.

M. Daniel Salmon, pour le GEST .  - La réflexion prospective est plus que jamais indispensable. Analyser, anticiper, imaginer les futurs possibles, prendre en compte les incertitudes est essentiel. La planification est une tradition bien française. Déjà en 1944, le Conseil national de la Résistance s'inspire des politiques du plan pour définir des politiques sociales : sécurité sociale, système éducatif, nationalisation de certains secteurs clés de l'économie, entre autres.

En 1946, le haut-commissariat au plan imaginé par Jean Monnet sur le modèle américain du New Deal est lancé pour reconstruire après la guerre.

Dès la fin des années 1970, la planification s'épuise et a moins de sens dans le contexte de mondialisation et de libéralisation croissante. Sous le gouvernement de Dominique de Villepin, le sort du commissariat au plan est scellé. À cette époque, rares sont ceux qui cherchent à s'extraire de la mainmise du marché piloté par des politiques ultralibérales.

En 2020, la planification est remise au goût du jour par Jean Castex, à la suite de la crise du covid. François Bayrou a été nommé haut-commissaire au plan et à la prospective afin « d'éclairer les choix collectifs » de la nation « pour maintenir ou reconstruire sa souveraineté et une autonomie européenne face à l'impact des évolutions démographiques, à la grande transition écologique, aux bouleversements du numérique et à la recomposition des chaînes de valeur mondiales ». Joli programme !

Présentée comme « tout sauf un lot de consolation », cette réanimation, en fin de quinquennat, d'un commissariat au plan a laissé certains perplexes. Il nous a semblé intéressant d'en dresser le bilan, trois ans après. De nombreux sujets sont traités, mais de manière cloisonnée. D'un point de vue quantitatif, seize rapports ont été remis. D'un point de vue qualitatif, les sujets sont certes intéressants, mais traités en silo, sans transversalité ni prise en compte des défis actuels.

C'est là que le bât blesse : toute prospective reste vaine si elle se maintient dans des réponses techno-solutionnistes, sans imaginer les risques de chocs.

Notre avenir dépend des actions entreprises aujourd'hui pour préserver les ressources et les écosystèmes. L'innovation technologique, les changements sociaux et économiques doivent s'envisager sous le prisme de la finitude de la planète. « Celui qui croit que la croissance peut être infinie dans un monde fini est soit un fou, soit un économiste », écrivait Kenneth Boulding. Il faudrait 2,7 planètes si chacun disposait du niveau de vie par tête des Français ! Le 2 août 2023, nous avions consommé toutes les ressources que la planète peut régénérer en une année. Le jour du dépassement arrivera quelques jours plus tôt cette année. Tout cela, le haut-commissariat au plan ne le prend pas en compte, bloqué dans le logiciel de consommation de masse des Trente Glorieuses.

La note sur le déficit du commerce extérieur est éclairante : le seul angle choisi est la balance commerciale, non contrebalancée par l'impact négatif des productions sur l'environnement : perte de biodiversité, usage des sols, ici et ailleurs. Ainsi, si 60 % de l'excédent agricole dépend des céréales, la France reste dépendante du soja brésilien et des engrais importés, sans que cette spécialisation agricole soit interrogée.

Une planification écologique digne de ce nom est indispensable. Il faut répondre aux enjeux d'indépendance stratégique et aligner la stratégie nationale sur les enjeux climatiques et sociaux. Il ne s'agit pas seulement de décarboner, mais de produire utile et durable.

Une véritable planification doit aussi concerner l'aménagement du territoire, avec les mobilités, notamment ferrées. Laisser faire le marché amène à toujours plus de concentration. Il faut des politiques qui restaurent les services publics, et n'abandonnent pas les territoires.

Il faut aussi une articulation avec France Stratégie, France 2030, le commissariat général à l'investissement et les lois de programmation qui se multiplient... Plutôt qu'une planification qui n'en porte que le nom, nous proposons une véritable feuille de route, tournée notamment vers la santé mentale et physique de nos concitoyens et associant l'ensemble de la société, sur le modèle des conventions citoyennes. Pour réussir, la planification doit aussi être ascendante, non seulement descendante.

Réapproprions-nous le temps long pour construire la résilience, investir dans l'adaptation et l'atténuation du changement climatique.

Le travail du haut-commissariat, trop imprégné de vieux paradigmes, n'imagine pas de croissance sans prédation des ressources de la planète. Nous restons sur notre faim ! Car la planification est essentielle pour sortir des impasses du court-termisme et ne pas courir après l'actualité et d'aller de surprise en surprise, comme notre Président de la République. (Applaudissements sur les travées du GEST ; Mme Nicole Bonnefoy applaudit également.)

Mme Evelyne Corbière Naminzo .  - Le plan est né à la Libération pour refonder l'économie française sur des bases nouvelles, et reconstruire le pays au sortir de la guerre.

L'enjeu était de penser les orientations économiques et industrielles selon les besoins, les ressources et les ambitions du pays.

Cela s'est exprimé par le lancement de grands projets industriels : TGV, aéronautique, énergie...

Après sa mise en sommeil en 2005, l'urgence écologique et la désindustrialisation ont de nouveau rendu la planification nécessaire. D'où le réveil du haut-commissariat au plan en 2020. Mais comme se le demande Le Monde, à quoi sert-il ? Cette fonction résulte d'une prise en compte de l'expérience de la planification. Mais est-ce vraiment le retour de l'État stratège, au service d'une France présente sur tous les océans avec ses territoires ultramarins, ou un élément de communication politique ? Nous n'aurons sans doute pas la réponse à cette question ce soir...

Renouons avec une véritable planification, loin des enjeux purement électoraux. Nous devons dégager des objectifs de moyen terme cohérents, pour agir dans le temps long. Il faut une planification écologique calibrée sur l'urgence climatique.

Agissons pour une souveraineté alimentaire et énergétique, le renforcement du capital humain et la planification des savoirs, en associant toutes les parties prenantes.

La planification doit faire société en associant les représentants des salariés, des chefs d'entreprise, les experts, les cadres, les associations, les élus locaux. L'enjeu est de se réapproprier le temps long.

Notre pays fait face à des défis majeurs, tant la casse de l'outil de production est forte. L'école et l'université sont réduites à peau de chagrin, à la merci de Parcoursup. La coopération bienveillante des entreprises ne saurait suffire, car les grandes entreprises privées sont mues par le souci d'optimiser leurs profits. Mais, comme le dit François Bayrou, la planification est un projet de justice sociale, au service de l'éducation et de la santé par l'aménagement des régions, pour réduire les inégalités.

Il faut renouer avec l'interventionnisme de l'État, à rebours des politiques actuelles, au service du capitalisme prédateur. (M. Philippe Grosvalet applaudit.)

M. Christian Bilhac .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE ; M. Guy Benarroche applaudit également.) Gouverner, c'est prévoir. C'était vrai hier, cela l'est encore aujourd'hui.

Ce débat a le mérite d'attirer l'attention sur une structure passée, c'est le cas de le dire, au second plan... D'où la question posée par ce débat.

Il devait accompagner le plan de relance du Gouvernement après la crise sanitaire, avec une visibilité publique grâce à la présidence de François Bayrou. Mais il s'agissait en vérité d'une renaissance, le premier commissariat au plan ayant été créé après la Seconde Guerre mondiale sous l'égide de Jean Monnet et de Félix Gouin.

Les objectifs, définis en commun avec les partenaires sociaux, visaient à orienter les investissements vers les secteurs prioritaires pour reconstruire la France. Pour illustrer le succès des Trente Glorieuses, je prendrai l'exemple de la mission Racine, créée en 1963. Elle visait à aménager le littoral du Languedoc-Roussillon, par l'assainissement, la démoustication, la construction de stations balnéaires pour les classes moyennes et populaires. Elle a équipé un territoire alors en crise.

Depuis, le contexte a changé. En 1981, sortant du bureau du président Mitterrand, Michel Rocard qualifiait sa nomination comme ministre du plan de « mise au placard ». (Sourires)

Aujourd'hui, le vrai ministre du plan, c'est Emmanuel Macron !

Une voix sur les travées du groupe Les Républicains.  - Eh oui !

M. Christian Bilhac.  - Tous les grands projets stratégiques sont annoncés depuis l'Élysée, sans aucune référence aux travaux du haut-commissariat au plan. Quels sont ses liens avec les contrats de plan État-région (CPER) ? Aucun, alors que l'aménagement du territoire est un axe essentiel.

Le mot planification est redevenu porteur, après plusieurs années de ringardisation sémantique. On évoquait depuis 2017 la start-up nation... On avait créé le Centre d'analyse stratégique, devenu en 2013 France Stratégie.

Pourquoi donc créer une nouvelle structure ? C'est une spécificité française d'ajouter des étages au millefeuille administratif, mais je crains que ces structures perdent en efficacité.

Doté d'un budget annuel de 15 millions d'euros, sur les crédits du Premier ministre, le haut-commissariat au plan est chargé d'orienter les politiques publiques en matière de souveraineté économique, de démographie, d'environnement, de santé... Vaste programme, aurait dit le Général ! Le haut-commissariat au plan a rendu une douzaine de rapports, mais il n'a pas le monopole du conseil et de la prospective ; la liste est longue : France Stratégie, Secrétariat général à la planification écologique, Bpifrance, Conseil d'analyse économique, Conservatoire national des arts et musées (Cnam), Conseil national de la refondation... J'en oublie peut-être, vous me pardonnerez. Toujours est-il que le rapport d'activité de France Stratégie est deux fois plus long que celui du haut-commissariat au plan, de 24 pages.

L'existence de ces multiples comités Théodule devrait nous interroger sur un besoin de simplification, source d'économies -  c'est important par les temps qui courent !

Le bilan du haut-commissariat est donc inexistant, alors que les enjeux sont considérables. (M. Laurent Somon fait mine d'applaudir.) Un constat s'impose : nous n'avons plus de plan. Ni de plan B, ni de bons plans, mais plutôt un comité Théodule plan-plan. (Sourires et applaudissements)

Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée chargée du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement.  - Par les temps qui courent, il faut aussi de la vérité dans les chiffres. Vous évoquiez 15 millions d'euros de budget pour le haut-commissariat au plan, alors qu'il est en réalité de 500 000 euros : 350 000 euros au titre du plan, 150 000 pour les conseils nationaux de la refondation.

M. Bernard Buis .  - Abandonnée depuis près de vingt ans, l'idée de planification a été réhabilitée par Emmanuel Macron en septembre 2020, date de la naissance du haut-commissariat au plan, avec pour chef d'orchestre François Bayrou.

Au risque de vous décevoir, chers collègues, vous ne m'entendrez pas dire que son bilan est remarquable, que son organisation doit rester inchangée et que ses résultats sont sans pareil. Mais je vais tenter de vous convaincre que cette instance a tout son sens, (M. Thomas Dossus ironise) à condition d'avoir les moyens de ses ambitions.

Avec la crise sanitaire, le dérèglement climatique et le retour de la guerre en Europe, l'idée que nous pourrions vivre paisiblement sans nous préoccuper de l'avenir a été réduite à peau de chagrin. À l'image de l'abondance rêvée d'une oasis dans le désert mondialisé, le mirage de la profusion s'est peu à peu dissipé, laissant ainsi s'ancrer la notion de souveraineté à tous les niveaux. Mais, paralysés par l'urgence et soumis aux notifications instantanées de l'actualité, peut-être avions-nous oublié la nécessité d'anticiper, de réfléchir à long terme et de préparer l'avenir. Or c'est le rôle justement du haut-commissariat au plan !

Est-ce une idée nouvelle ? Non, Jean Monnet est devenu commissaire général au plan le 3 janvier 1946, un poste qui a fait l'unanimité jusque dans les années 1980. Aujourd'hui, 78 ans plus tard, son existence a tout son sens. Il peut être encore plus utile.

Comment la France peut-elle être souveraine sans données objectives, sans être éclairée par des travaux indépendants et des services compétents ? Même avec les services du Sénat, nous n'avons pas l'apanage des rapports prospectifs...

J'ai pris le temps de lire le dernier rapport de 24 pages de l'instance. Certes, certaines pages laissent perplexes, mais elle a travaillé sur des sujets effectivement stratégiques : de la démographie à la géothermie, en passant par l'aquaculture, « tout saute, tourbillonne, voltige sous nos yeux, pour finir par atterrir miraculeusement » dans ce rapport. Je n'ai pas le talent d'interprétation de Louis de Funès dans L'Aile ou la cuisse, mais le développement de l'aquaculture est un sujet de souveraineté alimentaire, alors que 83 % des poissons d'élevage consommés en France sont importés !

Quelle est l'influence du haut-commissariat au plan ? De nombreux points soulevés par lui sur le vieillissement de la population ont été repris dans la récente proposition de loi Bien vieillir. Le 22 février 2023, Agnès Pannier-Runacher a présenté en compagnie du haut-commissaire un plan d'action sur la géothermie, sujet majeur pour la souveraineté énergétique.

N'oublions pas les partenariats avec les autres instances, ou encore la réunion des sherpas avec les représentants des forces sociales et économiques du pays.

Le haut-commissariat au plan a donc une influence sur les politiques publiques, qui doit être renforcée.

Cependant, il pourrait avoir une utilité tout autre si son organisation était réformée. Avec une équipe de dix personnes, a-t-il les moyens de ses ambitions ? Pourquoi ne pas s'inspirer davantage des 160 agents du commissariat général au plan du général de Gaulle ? Ne faudrait-il pas renforcer l'articulation avec les autres instances prospectives, évoquées précédemment, et mutualiser des moyens ? Ne faudrait-il pas aussi renforcer les liens du haut-commissariat avec la société civile, et faire du Cese son véritable commanditaire ?

Les pistes envisagées sont donc multiples pour améliorer l'efficacité de cette instance. Elle n'a que quatre ans, aidons-la à grandir et à s'épanouir. (Applaudissements sur les travées du RDSE)

Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée.  - Vous avez raison, il faut une meilleure communication autour des travaux du haut-commissariat au plan. Ils sont bien transmis au Président de la République et au Secrétaire général de l'Élysée, au Premier ministre et à son directeur de cabinet, ainsi qu'aux membres du Gouvernement concernés, aux opérateurs de l'État, aux présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat et aux présidents de commissions, aux députés européens concernés, au président du Cese.

Le haut-commissaire au plan doit rester autonome, pour prendre de la hauteur sur les sujets. Il a ainsi traité du sujet des médicaments, et de celui des retraites - je puis en témoigner, puisque j'étais parlementaire à l'époque.

Les budgets doivent être stables. Ils l'ont été, et ont même augmenté, pour faire face à l'importance des défis sociaux et environnementaux.

Mme Nicole Bonnefoy .  - En septembre 2020, en pleine crise sanitaire, le Président de la République nommait François Bayrou haut-commissaire au plan, à défaut d'un maroquin... avec une lettre de mission floue, pour un titre pompeux et symbolique, dans une France sonnée par le covid et la crise des gilets jaunes.

Selon sa lettre de mission, il doit « éclairer les choix des pouvoirs publics au regard des enjeux démographiques, économiques, sociaux, environnementaux, sanitaires, technologiques et culturels » ; qui trop embrasse mal étreint, madame la ministre ! Vaste programme pour un haut-commissaire assisté de dix collaborateurs, alors que les enjeux de long terme ne manquent pas.

Paradoxalement, nous avons un haut-commissariat au plan sans planification - comme le secrétaire général à la planification écologique rattaché au Premier ministre : en d'autres termes, des Powerpoint, mais pas de quoi passer à l'action. Pis, la transition écologique perd 1,2 milliard d'euros de crédits !

Le rapport d'activité du haut-commissariat au plan est éclairant pour noter la faiblesse du travail effectué, dont la plus-value est peu compréhensible par rapport à France Stratégie, qui a succédé en 2006 au commissariat général au plan...

Depuis septembre 2022, le haut-commissaire au plan est en outre secrétaire général du Conseil national de la refondation.

Les rapports eux-mêmes ne sont pas inintéressants, mais ils accompagnent l'action du Gouvernement a posteriori, comme un exercice d'autosatisfaction.

Sur la question agricole, dans une note de juillet 2021 intitulée « Agriculture : enjeu de reconquête », pas un mot sur la transition agroécologique, pourtant étayée scientifiquement. Certes, l'Espagne et l'Allemagne consomment davantage de pesticides, rapporté à leur surface agricole utile. Quand on se compare, on se rassure, mais il s'agit, surtout, de ne pas avancer. La culture du maïs est même encensée pour sa capture de carbone, sans évoquer ses besoins hydriques.

À l'inverse, le 2 avril dernier, le Haut Conseil pour le climat (HCC) a rempli son rôle en dénonçant le risque de recul de l'ambition climatique de l'État. Nous devrions rattraper notre retard !

M. Daniel Salmon.  - Absolument !

Mme Nicole Bonnefoy.  - Plusieurs textes majeurs de planification se font toujours attendre : la loi de programmation énergie climat (LPEC), la stratégie française énergie climat, la stratégie nationale bas-carbone (SNBC), le troisième plan national d'adaptation au changement climatique (Pnacc) et la troisième programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE). Qu'attendons-nous pour avancer, madame la ministre ?

Le haut-commissaire est régulièrement auditionné par notre assemblée, mais le haut-commissariat au plan a des difficultés pour s'imposer comme interlocuteur stratégique des politiques publiques. Ni l'État ni le Parlement n'en ont besoin pour prévoir le temps long. Alors que le Gouvernement cherche des économies, qu'il repère ses erreurs plutôt que de faucher des crédits nécessaires à la transition écologique.

Madame la ministre, quelle sera la date de publication des documents de planification économique pour qu'ils soient débattus au Sénat ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée.  - Le HCC reconnaît en effet nos bons résultats : une réduction de 4 % des gaz à effet de serre en un an. (Protestations sur les travées du GEST)

M. Ronan Dantec.  - C'est moins 6 % au niveau européen !

Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée.  - Continuons, toutefois, à améliorer nos efforts - c'est une ambition nationale, non une querelle partisane.

Le Président de la République et le Gouvernement ont présenté l'ensemble des trajectoires climatiques et énergétiques en septembre 2023, dans le cadre de la planification écologique. Nous sommes le premier pays au monde à avoir un plan aussi précis, déjà financé de manière historique - 8 milliards d'euros de plus en 2024.

La programmation pluriannuelle de l'énergie, finalisée, est déjà en consultation. La SNBC sera mise en consultation avant la fin de ce mois, comme le Pnacc.

M. Jean-Baptiste Blanc .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Comme l'observe le haut-commissaire lui-même, le plan a toujours eu des relations difficiles avec les gouvernements. Cette remarque incisive de M. Bayrou nous invite à en analyser le rôle.

Ce haut-commissaire se heurte donc à des défis évidents, et son influence demeure relative. Ainsi, ce pivot de l'après-guerre a vu son influence s'étioler, jusqu'à sa dissolution en 2006.

Recréé en 2020, avec quelle fidélité s'acquitte-t-il de sa mission ? Est-il à la hauteur des espérances contenues dans le décret du 1er septembre 2020 ? Malgré seize notes analytiques, sa pertinence demeure questionnable. La place qu'il revendique dans le renouveau nucléaire français contraste avec sa place dans l'opinion publique, et la question de sa coopération avec les autres instances se pose.

Quelle coordination avec les autres institutions : Cese, France Stratégie, France 2030, le Centre de recherches politiques de Sciences Po (Cevipof), le secrétariat général à la planification écologique, le Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD) et tant d'autres ?

Séminaires, calendriers : autant d'éléments rationnels qui devraient être divulgués au Parlement.

Quels projets de loi et décrets font-ils référence aux notes du haut-commissariat au plan ? Lesquelles de ses notes ont-elles été citées ? Serait-il un outil d'influence de pouvoir plutôt que de politiques publiques ? Quel est son rôle sur les réseaux sociaux ? Quels sont ses taux d'engagement ?

Son implication dans le plan sur la géothermie illustre sa capacité à illustrer un dialogue productif. Cela démontre la nécessité de clarifier son action. Mais le rôle du haut-commissaire est ambigu, car il est président d'un parti politique, élu local. Son influence est-elle liée à ce cumul ?

Transition écologique, santé, retraite... Il faut passer de la réflexion à une coordination efficace des outils. Il est impérieux de rationaliser, alors que le rapport Pisani-Ferry estime que la transition écologique devrait coûter 66 milliards d'euros par an d'ici à 2030. Qui les financera ?

On ne dira rien du zéro artificialisation nette (ZAN) dont le modèle économique est un impensé public, et qui appelle rapidement des solutions financières et fiscales. On parle de 40 milliards d'euros pour la reconquête des friches, mais il n'y a toujours pas de modèle économique.

L'heure n'est plus aux discours. La planification ne peut plus attendre, comme la territorialisation. Il faut donc adapter nos outils et associer le Parlement et les élus locaux.

Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée.  - Au-delà des prospectives, il faut faire le bilan de l'action du haut-commissariat au plan.

Ainsi, à l'aune du covid, nous avons oeuvré pour industrialiser et gagner en souveraineté sur les médicaments les plus consommés par les Français, à partir des travaux du haut-commissaire.

De même, ses travaux actuels sur la santé mentale éclaireront nos politiques.

La fonction première du haut-commissaire n'est pas de générer des likes sur les réseaux sociaux, mais d'agir concrètement pour les Français.

Mme Vanina Paoli-Gagin .  - Pendant 60 ans, le haut-commissariat au plan a structuré nos politiques publiques. Nous en bénéficions encore aujourd'hui : centrales nucléaires, TGV... Il a ainsi garanti la continuité de projets structurants, au-delà des alternances politiques. Le parc nucléaire est une réalisation unique sous la Ve République : voulu par le général de Gaulle, pensé sous Pompidou, poursuivi sous Valéry Giscard d'Estaing, maintenu par Mitterrand, entretenu par Chirac et défendu par Sarkozy, il aura finalement été sabordé sous Hollande. Heureusement, les réalisations du plan Messmer ont résisté à l'accord entre les socialistes et les écologistes.

Après vingt ans de travaux et douze ans de retard pour l'EPR de Flamanville, où est l'efficacité de la planification ? Dans les années 1980, nous mettions en service jusqu'à six réacteurs nucléaires par an ! (Marques d'ironie sur les travées du GEST)

De telles performances nous paraissent aujourd'hui hors de portée. Que s'est-il donc passé ?

En 2006, on a voulu relancer ce vieux commissariat en le renommant, son vieux nom paraissant suranné, trop « Trente Glorieuses », mais, ce faisant, on a changé sa fonction. Pendant des années, de nombreux dirigeants se sont fourvoyés en poursuivant l'idée d'un pays sans usines. Il aura fallu une succession de crises sans précédent pour revenir à la raison et retrouver l'urgence du temps long.

Pour réindustrialiser le pays, relancer le nucléaire, garantir notre souveraineté sanitaire et alimentaire, nous devons définir des objectifs stratégiques. Tout ce qui place le débat politique dans le temps long sert les intérêts de la France. C'est l'objet de ce débat - je n'imagine pas une seconde nos collègues écologistes céder à quelque tentation politicienne... (On le confirme sur les travées du GEST.)

En visant le Gouvernement et sa majorité, vous critiquez ce que vous défendez depuis des années. Attaquer le haut-commissariat au plan pour défendre la planification écologique, c'est comme critiquer les chasseurs pour mieux défendre la chasse. Cela ne fonctionne pas !

Le problème du haut-commissariat au plan n'est pas la qualité de ses travaux, mais le fait que personne ne les applique. C'est un laboratoire d'idées, par un démonstrateur - tout est dans le langage : le commissariat général du plan est devenu commissariat général au plan, comme s'il perdait toute prise et voyait la planification de manière lointaine...

Les Chinois sont devenus les champions de la planification. Ils ont industrialisé une idée française. Quand l'objectif est fixé, tout l'appareil d'État se mobilise.

M. Daniel Salmon.  - Le génie chinois...

Mme Vanina Paoli-Gagin.  - Il faut non pas rejouer les Trente Glorieuses, mais répondre au défi du XXIe siècle. Depuis 2020, le haut-commissariat au plan a publié d'excellents rapports, mais, s'ils ne font que garnir les bibliothèques, la France se condamne au déclassement.

Il faut entrer dans l'âge du faire en mettant notre appareil productif au service de la planification. En France, on n'a pas de pétrole, mais on a des idées (Mme Prisca Thevenot apprécie) : reste à les mettre en oeuvre !

Mme Denise Saint-Pé .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Je remercie le GEST d'avoir demandé ce débat. Le Parlement doit dresser le bilan du haut-commissariat au plan. En 2020, la pandémie venait de nous rappeler les risques de la dépendance à l'étranger, en matière de médicaments et de vaccins, notamment.

Il fallait donc prendre du recul et dépasser le diagnostic pour anticiper et proposer. C'est ce que le haut-commissariat au plan a fait, à travers plus d'une quinzaine de notes didactiques et synthétiques, souvent suivies d'effets. Ainsi, notre politique énergétique actuelle repose sur le triptyque énoncé par Emmanuel Macron au discours de Belfort : renouvelables, nucléaire, sobriété. Comment ne pas y voir l'influence du haut-commissariat au plan, (« A! » sur les travées du GEST) qui publiait en mars 2021 une note sur l'électricité invitant à un nouveau mix énergétique fondé sur les énergies renouvelables, intermittentes, l'électricité pilotable et décarbonée, essentiellement nucléaire, et les économies d'énergie ? Cette note alertait en outre le Gouvernement sur le risque de black-out, devenu concret un an plus tard du fait de la guerre en Ukraine et des problèmes de corrosion sous contrainte de nos centrales nucléaires.

De même, la note d'octobre 2022 a été reprise dans le plan Géothermie du Gouvernement.

En revanche, le haut-commissariat ne peut susciter de réponse à court terme sur d'autres sujets, tant ils s'inscrivent dans le temps long, comme la note de décembre 2020 sur les produits vitaux et secteurs stratégiques, qui invite le Gouvernement à adopter des politiques ciblant par exemple l'aquaculture. Il serait injuste de le lui reprocher, alors que ces politiques requièrent du temps et de l'argent.

Pour une institution qui n'a pas 4 ans, qui dispose de seulement 8 ETP et d'un budget de 500 000 euros, il a déjà un bilan dont il peut être fier. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et du RDPI)

Mme Anne Souyris .  - (Applaudissements sur les travées du GEST) Ce débat pourrait se résumer ainsi : quelle est l'utilité du haut-commissariat au plan ?

Prenons l'accès au médicament : en 2023, 37 % des Français déclaraient subir une pénurie de médicaments. Ces pénuries sont de plus en plus fréquentes - je renvoie aux travaux de la commission d'enquête animée par Sonia de La Provôté et Laurence Cohen. Heureusement, le haut-commissariat au plan avait publié une note en février 2022 sur ce sujet ; il avait demandé à l'Igas de l'assister.

Mais je relève à quel point cette note se fondait sur le seul rapport de l'Igas, avec les mêmes propos - moins précis, toutefois, dans la note du haut-commissariat... En outre, ses recommandations n'ont jamais été suivies. Si l'Igas a ainsi établi un indice pour croiser criticité thérapeutique et industrie des médicaments, il n'a été appliqué qu'à la cardiologie et à l'anesthésie-réanimation. Rien pour identifier la vulnérabilité aux pénuries pour les 454 médicaments considérés comme essentiels.

Pourtant, des solutions existent, comme la relocalisation de la production des principes actifs. Ainsi, 80 % de la consommation européenne est encore produite en Inde et en Chine. Le haut-commissariat n'a pas abordé la production publique des produits les plus critiques, comme le recommandait pourtant un rapport d'information de Pascale Gruny et Laurence Harribey. Aucun signe non plus de l'agence de l'innovation et de la souveraineté sanitaire, pourtant préconisée.

Des rapports qui ne sont suivis d'aucune action ne servent à rien. Or les pénuries accroissent les inégalités. Ainsi, selon l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), lorsque l'amoxicilline pour les enfants faisait l'objet de pénuries, il était recommandé de broyer les comprimés pour adultes et de doser avec une seringue, procédure peu familière et risquant de favoriser l'antibiorésistance.

Autre exemple signifiant : une étude a montré que le risque de récidive de cancer de la vessie était passé à de 16 % à 46 % pour les patients soignés pendant la période de pénurie.

Enfin, les pénuries ont un coût.

Le rejet d'une greffe du rein faute de médicament antirejet entraîne un traitement dont le coût revient à 80 000 euros par an.

Quelle est la plus-value du haut-commissariat au plan comparée aux inspections générales, dont les travaux sont les mêmes et les recommandations ne sont pas plus suivies ? Pour les médicaments, il n'y en a pas... (Applaudissements sur les travées du GEST ; M. Michaël Weber applaudit également.)

Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée.  - Peut-être ne l'avez-vous pas vu, madame Souyris, mais il y a bien un plan de relocalisation de 450 molécules. (Mme Anne Souyris en doute.) Si ! Convenez avec moi que cela ne se fait pas en un claquement de doigts, après des années d'abandon.

Nous devons trouver des solutions ensemble, nationales et européennes, comme nous l'avons fait pendant la crise covid, avec par exemple l'initiative Covax.

Mme Anne Souyris.  - Je remarque tout de même qu'aucune production publique n'est pensée en France.

Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée.  - Si !

Mme Anne Souyris.  - Non, aucune. Il y a eu quelques sauvetages d'industries in extremis, et, au niveau européen, c'est le grand néant ! (Mme Prisca Thevenot manifeste son désaccord.)

M. Michaël Weber .  - À quoi le haut-commissariat au plan sert-il vraiment ?

Nous connaissons l'attrait du Gouvernement pour les effets d'annonce, mais les concepts éloquents ne sont souvent que des idées creuses. Le discours est ponctué de références gaullistes bien senties : refondation, grand débat, réarmement -  autant de mots à portée symbolique, prononcés avec verve, mais vidés de sens. Le président Macron, qui souhaitait incarner le renouveau, excelle en sophistique - l'apparente sagesse.

S'ensuivent d'autres avatars de cette stratégie de communication : Conseil national de la refondation, grand débat national, secrétariat général à la planification écologique ... Soit ces instances n'ont pas de leviers et de moyens pour agir, soit elles ne sont pas décisives dans les arbitrages. Ainsi, quelle place le haut-commissariat au plan occupe-t-il dans l'organigramme du Gouvernement ? Il est, au mieux, un groupe de réflexion gouvernementale. Il n'a de gaulliste que le nom.

La lettre de mission mentionne l'objectif d'éclairer les choix de la nation pour restaurer sa souveraineté. Il traite de sujets divers, sans cohérence ni modernité ou espoir. Ce haut-commissariat est déjà suranné, à l'image de son président - un commissariat au plan sans plan, le Don Quichotte d'une planification imaginaire, comme le résumait un journaliste.

Tout cela serait anecdotique sans le coût de cette instance. L'institution est séparée entre Paris et Pau... L'imposture est grossière. La déception laisse place à la colère, car il faut répondre aux défis de la transition écologique et énergétique et à de nombreux enjeux sociaux, que l'on ne peut plus laisser aux intérêts particuliers de court terme. Il faut une vision stratégique et politique pour définir des objectifs de long terme et freiner le rechargement climatique. Même en 1967, le plan avait été plus imaginatif, rencontrant les territoires en 4L pour revenir avec des idées, comme les parcs naturels régionaux, qui me sont chers.

Même depuis Pau, sa planification est aujourd'hui vide de sens, de moyens, de résultats.

Ne perdez plus de temps, mettez du contenu ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur plusieurs travées du GEST)

M. Marc Laménie .  - Merci aux collègues du GEST d'organiser ce débat.

Quel bilan pour le haut-commissariat au plan ? Quelle influence sur les politiques publiques depuis 2020 ? Vaste sujet...

Daniel Salmon a justement rappelé l'historique : après-guerre, Trente Glorieuses, les grands chantiers d'aménagement du territoire... Souvenons-nous du célèbre Paris et le désert français.

Les problématiques liées au monde agricole ont été évoquées, de même que les grands projets comme le nucléaire. Ainsi, mon département, les Ardennes, abrite une centrale nucléaire. Ce sont d'importants chantiers.

Le général de Gaulle, Jean Monnet : ces personnalités ont marqué notre pays.

Cela nous invite à reconsidérer le budget de l'État, celui de la sécurité sociale, le lien entre le représentant de l'État et les collectivités territoriales : les enjeux sont nombreux.

N'oublions pas les TGV, mais aussi les trains d'équilibre du territoire (TET), les dessertes locales ou les voies navigables, autant de sujets ayant des conséquences sur toute l'activité économique.

Le haut-commissariat au plan existe depuis 2020, avec des moyens humains certes limités. Quelles conséquences pour nos territoires, de métropole et d'outre-mer ?

Quid du rôle des représentants de l'État dans les territoires ?

Quelles perspectives pour l'avenir ? (Applaudissements sur quelques travées du GEST ; M. Christian Bilhac applaudit également.)

Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée.  - L'aménagement du territoire est l'un des sujets sur lesquels le haut-commissariat au plan travaillera dans les prochaines semaines, au même titre que la santé mentale. (Applaudissements sur les travées du RDPI et du groupe UC)

M. Jean-Marie Vanlerenberghe .  - Si j'ai bien compris votre question, monsieur Salmon, vous doutez de l'utilité et de l'influence du haut-commissariat au plan sur les politiques publiques... (L'intéressé le confirme.)

Je vous rassure, le constat n'est pas nouveau, et François Bayrou nous le rappelle : historiquement, le plan a toujours eu des relations difficiles avec le Gouvernement.

En 1946, l'heure était à la modernisation du pays. Il fallait planifier pour reconstruire l'économie française - une ardente obligation, selon le général de Gaulle. Des objectifs chiffrés ont été définis pour chaque secteur économique jusqu'à la fin des années 1980. Nous en sommes très loin aujourd'hui : ne comparons pas ce qui n'est pas comparable.

Fallait-il supprimer le commissariat général au plan en 2006 pour le remplacer par le Centre d'analyse stratégique, devenu France Stratégie ? Cette dernière mène une politique d'évaluation, non de prospective stratégique. Tout est dit.

La force du plan ne résidait pas dans ses outils de modélisation, mais dans sa démarche prospective à moyen et long termes, dans le fait de poser les bonnes questions au bon moment - c'était l'ADN du plan. La concertation démocratique a été l'un des éléments moteurs de la méthode de Pierre Massé. Elle est, plus que jamais, d'actualité.

Le plan doit éclairer les choix collectifs sur les grands enjeux et sensibiliser l'opinion publique sur ces sujets, ainsi que François Bayrou l'écrit dans son rapport d'activité.

Les comités et conseils en tout genre ne manquent pas au Gouvernement, encore faut-il les coordonner. Le plan doit jouer, disait le regretté Daniel Cohen, un rôle de chef d'orchestre. Et c'est le rôle que s'est donné François Bayrou quand il a été nommé en 2020.

Selon vous, monsieur Salmon, les notes du plan n'auraient eu aucune influence sur l?action gouvernementale. Pourtant, le travail du plan sur la nouvelle stratégie nucléaire a été déterminant pour le discours de Belfort. Sur les retraites, François Bayrou a alerté les pouvoirs publics sur les 30 milliards d'euros nécessaires pour équilibrer notre système de retraite. D'autres travaux sont en cours sur la santé mentale et l'eau.

Peut-être faut-il désormais lui donner plus de moyens -  autrefois le plan avait dix fois plus d'effectifs  - , pour bâtir une vision ambitieuse pour la France de demain.

Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée chargée du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement .  - En 1946, le général de Gaulle crée le commissariat général au plan, avec pour mission de moderniser la France et de la préparer aux enjeux de l'après-guerre.

En septembre 2020, lorsque le Président de la République décide de faire renaître le plan après vingt ans d'abandon, il lui confie la mission d'éclairer la décision publique et le débat démocratique. En somme : penser le souhaitable, réfléchir le faisable et construire le possible.

La crise du covid a été l'occasion d'une prise de conscience douloureuse et nous a conduits à réfléchir à notre projet de société. C'est la mission qui a été fixée au haut-commissariat au plan : enraciner les défis de long terme dans le débat public. Il doit aider notre pays à trouver un chemin de souveraineté et de puissance. Il doit s'affranchir de la dictature de l'urgence et de la tyrannie de l'immédiat. C'est une respiration bienvenue.

Ministre chargée du renouveau démocratique, j'ai la conviction que la clé réside dans notre capacité collective à prendre du recul, pour définir notre but et rassembler la communauté nationale.

Ce n'est pas toujours facile. C'est pourquoi le rôle du haut-commissariat au plan est précieux pour notre démocratie, que les enjeux soient démographiques, sociaux, environnementaux ou culturels.

Des épidémies à la pénurie de médicaments, de la désindustrialisation à l'avenir de l'agriculture, de la démographie à la dette, le haut-commissariat au plan s'est emparé de sujets sensibles et essentiels pour notre avenir, par lesquels nous faisons nation. Cela passe par des orientations stratégiques claires et opérationnelles, parfois assorties d'éléments de planification.

Je remercie le haut-commissaire, François Bayrou, et ses équipes pour le travail réalisé ces trois dernières années.

Les prochains travaux du haut-commissariat au plan, sur la santé mentale ou la formation professionnelle, touchent directement au quotidien de nos concitoyens et sont attendus. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; Mme Denise Saint-Pé et M. Jean-Marie Vanlerenberghe applaudissent également.)

M. Thomas Dossus, pour le GEST .  - (Applaudissements sur les travées du GEST ; M. Michaël Weber applaudit également.) Merci à toutes et tous pour votre participation à ce débat, qui aura eu le mérite de nous faire consulter les quinze rapports publiés par le haut-commissariat au plan en trois ans -  ce qui ne nous a pas pris trop de temps...

Mais des travaux de planification, nous n'en manquons pas ! Lois de programmation, secrétariat général à la planification écologique, stratégie d'innovation France 2030, plan national d'adaptation au changement climatique : notre haut-commissariat au plan ne devrait pas chômer pour éclairer ces travaux... Sans compter l'Insee, la Cour des comptes, le Haut Conseil pour le climat ou encore le Cese : la prospective et l'analyse ne manquent pas dans les services de l'État.

À quoi sert donc encore le haut-commissariat au plan ? Madame la ministre, je suis au regret de vous le dire : vos réponses et vos non-réponses ne nous permettent pas d'y voir plus clair...

Daniel Salmon l'a dit : nous n'avons jamais eu autant besoin de planification. La crise climatique nous oblige.

Mais commencer un chantier avant d'avoir fini les plans, ce n'est pas la bonne façon de procéder, comme l'a dit le président d'EDF à propos du nucléaire. C'est pourtant la méthode du Gouvernement, qui nous a fait examiner les lois Nucléaire, Énergies renouvelables et Industrie verte, sans que nous ayons encore débattu ni de la programmation de l'énergie ni de la stratégie bas-carbone. Quand le Gouvernement renonce à avoir un plan, difficile pour le haut-commissaire au plan de se sentir investi de sa mission !

Le rapport public de la Cour des comptes souligne en 700 pages -  deux fois plus que tout ce que le haut-commissariat a produit en trois ans...  - l'urgente adaptation au changement climatique : le besoin de plan est évident, vital même.

Au-delà du haut-commissariat au plan, anecdotique, c'est le rôle de l'État stratège qu'il faut redéfinir. En effet, le travail de qualité des opérateurs est souvent ignoré par les politiques gouvernementales.

Et quid de la démocratie ? En France, la planification est verticale. La nomination du haut-commissaire, fait du prince par excellence, peut expliquer la défiance à son égard. Associons davantage la société civile, les citoyens, le monde économique et les collectivités territoriales, pour bâtir une vision de long terme. Tout ne peut pas être décidé à Paris dans un tableur Excel.

La première urgence est de repenser la légitimité démocratique du haut-commissaire au plan, aujourd'hui quasi nulle. Ainsi, il pourrait venir présenter régulièrement ses travaux devant le Parlement, comme le fait le Premier président de la Cour des comptes.

Sans procès d'intention, j'affirme que la fonction de haut-commissaire au plan n'est pas en adéquation avec l'ampleur des enjeux à venir.

Repensons la planification, pour reconstruire un récit commun, optimiste. Il faut penser le temps long, de manière partagée. (Applaudissements sur les travées du GEST et du groupe CRCE-K ; M. Marc Laménie applaudit également.)

Prochaine séance demain, jeudi 11 avril 2024, à 10 h 30.

La séance est levée à 23 h 25.

Pour le Directeur des Comptes rendus du Sénat,

Rosalie Delpech

Chef de publication

Ordre du jour du jeudi 11 avril 2024

Séance publique

De 10 h 30 à 13 heures et de 14 30 à 16 heures

Présidence :

Mme Sylvie Vermeillet, vice-présidente, M. Loïc Hervé, vice-président.

Secrétaire : Mme Marie-Pierre Richer.

1. Proposition de loi visant à endiguer la prolifération du frelon asiatique et à préserver la filière apicole, présentée par M. Michel Masset et plusieurs de ses collègues (texte de la commission, n°501, 2023-2024)

2. Proposition de loi tendant à préserver l'accès aux pharmacies dans les communes rurales, présentée par Mmes Maryse Carrère, Guylène Pantel et plusieurs de leurs collègues (texte de la commission, n°503, 2023-2024)