SÉANCE
du mardi 28 octobre 2025
7e séance de la session ordinaire 2025-2026
Présidence de M. Alain Marc, vice-président
La séance est ouverte à 14 h 30.
Lutte contre la vie chère dans les outre-mer (Procédure accélérée)
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi de lutte contre la vie chère dans les outre-mer.
La procédure accélérée a été engagée sur ce texte.
Discussion générale
Mme Naïma Moutchou, ministre des outre-mer . - La vie chère dans les outre-mer n'est pas un phénomène conjoncturel, une donnée à laquelle il faudrait se résoudre, mais un fléau structurel, qui ronge le pouvoir d'achat des ultramarins depuis des décennies. Aucun territoire n'est épargné. L'écart des prix avec l'Hexagone oscille autour de 15 % et dépasse souvent 40 % sur les produits alimentaires. Ces chiffres révèlent une fracture d'égalité entre les citoyens d'un même pays, une injustice à laquelle je ne m'habituerai pas. Vous pouvez compter sur la mobilisation du Gouvernement. Le Premier ministre, qui a qualifié ce sujet « d'urgence des urgences » lors de sa déclaration de politique générale, m'a chargée de mener ce combat prioritaire.
Nos compatriotes attendent une chose : que les prix baissent. Ce texte vise à avancer sur le chemin de l'égalité. La cherté de la vie est aussi une question de cohésion nationale. De tels écarts de prix se traduisent en écarts de destin et nourrissent un sentiment d'abandon : quand la République n'y répond pas, elle s'affaiblit.
En cause, des facteurs économiques naturels - coût de l'éloignement, taille réduite des marchés - mais aussi des héritages de l'histoire : abus de position dominante, dépendance trop forte aux importations.
Ce projet de loi n'est pas né dans un bureau ministériel ; profondément transpartisan, il résulte d'une concertation approfondie avec les parlementaires ultramarins. Beaucoup d'articles sont inspirés de propositions de loi de différents bords, parfois opposés, notamment celle de la députée Béatrice Bellay, celle de Victorin Lurel - dont l'engagement en faveur de l'égalité réelle a durablement marqué ce ministère - ou encore celle de Micheline Jacques. Nous avons également puisé dans les conclusions de la mission d'information de la délégation sénatoriale aux outre-mer. Je salue le travail efficace mené avec Audrey Bélim autour de sa proposition de loi sur l'encadrement des loyers et l'habitat outre-mer. C'est la bonne manière de légiférer dans le contexte politique actuel, où la recherche du compromis est une exigence démocratique.
Ce texte se compose de quatre titres. Le titre Ier, « Agir pour le pouvoir d'achat », comprenait à l'origine cinq articles, mais l'article 1er, qui permettait aux entreprises de commerce de détail de retirer le prix du transport du seuil de revente à perte (SRP), a été supprimé en commission, par crainte de renforcer les positions dominantes des gros distributeurs et de fragiliser le commerce de proximité. Selon nous, ce risque était à relativiser. Cependant, je respecte votre choix et ne présenterai pas d'amendement de rétablissement.
L'article 2 renforce le bouclier qualité prix (BQP) en lui fixant pour objectif de réduire le différentiel de prix vis-à-vis de l'Hexagone et en l'élargissant aux services - prestations de téléphonie ou entretien automobile. Il s'assure également de la qualité des produits concernés. Il introduit des mécanismes de responsabilité, dont un name and shame et des sanctions pour les entreprises qui ne respecteraient pas leurs engagements. C'est une véritable refondation de cet outil.
À l'article 3, la commission a musclé le pouvoir d'alerte des observatoires des prix, des marges et des revenus (OPMR) et élargi la demande d'analyse aux présidents d'exécutifs. Nous y souscrivons.
À l'article 4, vous avez prévu l'élargissement à d'autres territoires de l'expérimentation d'un e-hub en Martinique et favorisé les petites entreprises locales ainsi que celles qui respectent les critères sociaux et environnementaux. Nous croyons en cette expérimentation.
La commission a supprimé l'article 5 - une habilitation à légiférer par ordonnance. Le Gouvernement proposera d'inscrire en dur dans le texte un dispositif visant à réduire les frais d'approche sur les produits de grande consommation importés en s'appuyant sur un système de péréquation avec les produits à plus forte valeur ajoutée. Cet article est déterminant pour achever la mise en oeuvre du protocole d'objectifs et de moyens de lutte contre la vie chère martiniquais d'octobre 2024. Ce mécanisme de péréquation volontaire pourra être mis en place par l'ensemble des acteurs de la chaîne de commercialisation : détaillants, producteurs, grossistes ou importateurs, entreprises de fret et transitaires. Il sera élargi à tous les outre-mer. Un organisme percevra les contributions et opérera les restitutions destinées à réduire les prix des produits de grande consommation. Ce mécanisme fera donc appel à des contributions volontaires et privées, dont celle de la CMA-CGM. L'État apportera son expertise, mais une participation financière serait contraire au droit des aides d'État. Je veux, comme vous, un dispositif qui fonctionne et vous inviterai donc à adopter cet amendement. Le protocole martiniquais, fondé sur l'engagement et la responsabilité des acteurs, a d'ores et déjà fait baisser les prix de 10 à 15 %.
Le titre II vise à renforcer la transparence, qui est la condition de la confiance. Sans données fiables, sans contrôle effectif, pas de régulation possible. Ces articles renforcent les obligations des grandes enseignes, sans fragiliser les petits commerces. Il s'agit de lever l'opacité sur la formation des prix, d'identifier les abus de position dominante et de restaurer la confiance du consommateur. Vous avez ajouté trois nouveaux articles, que le Gouvernement soutient. Je proposerai néanmoins une réécriture de l'article 6 quater, qui présente en l'état des difficultés au regard du secret des affaires et du secret fiscal.
Le titre III renforce la concurrence. Il dote l'Autorité de la concurrence de deux membres supplémentaires, experts sur les économies ultramarines, et d'un service d'instruction dédié.
Le titre IV, « Soutenir le tissu économique ultramarin », montre que notre ambition dépasse la seule régulation. Il faut rompre avec la dépendance aux importations, favoriser la production locale et l'autonomie alimentaire, améliorer la compétitivité. L'article 13 protège les produits substituables aux importations ; les articles 14 et 15 favorisent l'accès des PME ultramarines à la commande publique. Ce travail de renaissance est d'ores et déjà engagé : une circulaire adressée aux préfets le 10 juillet dernier leur demande de bâtir de véritables stratégies de transformation économique autour des filières locales - agriculture, pêche, énergie, numérique. C'est la condition pour bâtir une économie de production diversifiée et renforcer l'intégration régionale.
Car il faut aussi mieux inscrire les outre-mer dans leur environnement régional. D'où la décision prise lors du comité interministériel des outre-mer (Ciom) du 10 juillet dernier de demander au secrétariat général des affaires européennes (SGAE) une proposition d'adaptation des textes européens aux réalités ultramarines, à soumettre à la Commission.
Ce projet de loi, déjà ambitieux, a été amélioré par le travail remarquable de votre commission ; nul doute qu'il le sera encore en séance publique. Il envoie un signal fort : celui d'un État qui agit contre une injustice presque intériorisée. La vie chère est une épreuve de vérité pour la République. Soyons à la hauteur ! (Applaudissements sur les travées du RDPI et du groupe INDEP)
M. Frédéric Buval, rapporteur de la commission des affaires économiques . - (Applaudissements sur les travées du RDPI et au banc des commissions) Ce projet de loi est un rescapé de l'instabilité politique qui touche notre pays. Près de dix ministres ont occupé le portefeuille des outre-mer depuis 2017, rarement pour plus d'un an.
Les crises sociales liées à la vie chère se succèdent : 2009 en Guadeloupe et Martinique, 2012 à La Réunion, 2017 en Guyane, 2024 en Martinique. À chaque fois, une loi : Lodeom en 2009, loi Lurel sur la régulation économique outre-mer en 2012, loi sur l'égalité réelle outre-mer (Erom) en 2017, et maintenant ce projet de loi.
Malgré cela, les écarts de prix avec l'Hexagone ont progressé pour atteindre 9 % à La Réunion, 15 % en Guyane, à la Martinique et en Guadeloupe, 31 % en Polynésie française. Pour les produits alimentaires, c'est 36,7 % à La Réunion, 40,2 % à la Martinique, 41,8 % en Guadeloupe. Un panier de courses de 100 euros dans l'Hexagone coûte 140 euros à Fort-de-France, alors que le revenu moyen y est plus faible et la part des personnes vivant sous le seuil de pauvreté plus élevée !
Les causes de ces écarts sont connues. La vie chère est un phénomène multifactoriel : étroitesse des marchés domestiques, tissu économique constitué de TPE et PME, frais d'approche très élevés, faible nombre d'acteurs dans la distribution favorisant des situations oligopolistiques. Des grands groupes contrôlent toute la chaîne de valeur. La dépendance aux importations provenant de l'Hexagone, survivance obsolète, traduit une intégration régionale insuffisante. Le tissu productif reste spécialisé dans un faible nombre de productions, notamment agricoles, destinées à l'exportation.
La dernière crise de la vie chère dans mon territoire a été apaisée, sinon éteinte, par la signature d'un protocole visant à faire baisser les prix de 6 000 produits alimentaires. Un an plus tard, seule la moitié du chemin a été parcourue. Grâce à l'abaissement de l'octroi de mer et de la TVA, la hausse des prix des produits alimentaires y est plus faible qu'ailleurs - mais si l'État revient sur les engagements pris sur la compensation des frais d'approche, les braises de la contestation pourraient aisément se rallumer. Restons attentifs aux attentes de nos compatriotes. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; M. Vincent Louault et Mme Micheline Jacques applaudissent également.)
Mme Micheline Jacques, rapporteur de la commission des affaires économiques . - (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC ; M. Bernard Buis applaudit également.) Malgré son titre ambitieux, ce projet de loi n'est pas de nature à changer la donne. Nous en espérions beaucoup - or les mesures proposées, même cumulées, n'auront qu'un effet mineur sur la formation des prix en outre-mer, du moins à court terme. Attention à ne pas susciter de faux espoirs. Non, ce texte ne fera pas disparaître la vie chère en outre-mer ! Il renforcera tout au plus la législation en vigueur pour faciliter l'accès aux produits de première nécessité et gagner en transparence. C'est mieux que rien, certes, mais tellement insuffisant !
La vie chère, ce sont des prix trop élevés par rapport à des revenus insuffisants. Or le texte est muet sur la question des revenus du travail et du soutien au tissu économique ultramarin. (Mme Évelyne Perrot le confirme.) Les écarts de prix ont pourtant des raisons structurelles. La hausse des revenus du travail par l'activité économique, l'accroissement des richesses et la création d'emplois doivent être un axe essentiel de la lutte contre la vie chère.
Rien non plus sur l'intégration des outre-mer dans leur environnement régional. Que le commerce des territoires ultramarins se fasse essentiellement avec l'Hexagone et, plus largement, avec les pays européens, constitue dans bien des cas une aberration économique et environnementale, source de surcoûts.
Mme Évelyne Perrot. - C'est juste !
Mme Micheline Jacques, rapporteur. - Faire transiter les crevettes de Madagascar par Rungis pour les commercialiser à Mayotte n'a aucun sens ! Idem pour les citrons du Brésil vendus en Guyane !
Troisième sujet absent : l'économie informelle, qui pèse sur la situation économique de nombre de nos compatriotes ultramarins.
Nous avons donc été déçus par ce texte d'affichage, qui se contente de mesures mineures dont l'impact ne sera guère significatif.
La commission l'a néanmoins adopté, en y apportant des modifications visant notamment à soutenir le tissu économique local : suppression de l'article 1er qui aurait abaissé le SRP au profit de la grande distribution et au détriment des petits commerces ; meilleure valorisation des produits locaux dans le BQP, étendu aux services ; ajout de garanties pour éviter que l'expérimentation du e-hub ne se fasse au détriment des entreprises martiniquaises ; suppression de l'article 5, à charge pour le Gouvernement de proposer un mécanisme de péréquation des frais d'approche. Celui-ci a annoncé un amendement en ce sens, mais la commission a émis une réserve sur une modification très attendue par notre collègue M. Buval, compte tenu des accords signés en Martinique en octobre 2024.
Les autres modifications adoptées en commission visaient à renforcer la transparence et les sanctions ainsi que le pouvoir des instances chargées de lutter contre la vie chère. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et du RDPI)
Mme Anne-Catherine Loisier . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; M. Vincent Louault applaudit également.) Ce projet de loi complète plusieurs propositions de loi déjà adoptées, mais aurait pu aller plus loin, avec des mesures plus concrètes.
Très attendu, il comporte néanmoins plusieurs insuffisances. D'abord sur l'octroi de mer, qui protège la production locale, garantit l'autonomie fiscale et budgétaire des collectivités ultramarines, et assure le maintien des services publics. Nous serons attentifs aux amendements sur ce sujet - plus largement, nous devrons réfléchir à faire évoluer cet impôt.
La deuxième insuffisance concerne les centrales d'achat - sujet dont nous avons beaucoup parlé lors des lois Égalim. Les conditions générales de vente dans les accords-cadres conclus entre fournisseurs et centrales d'achat au niveau national excluent quasi systématiquement les outre-mer des circuits d'approvisionnement ou de promotion. En 2018, on a invoqué le BQP. Résultat, les outre-mer ne bénéficient pas des promotions négociées par les centrales d'achats des groupes et s'approvisionnent donc à des tarifs beaucoup plus élevés, et margés.
L'importateur-grossiste local étant souvent l'agent de la marque sur le territoire, cela revient, pour le commerçant, à s'approvisionner chez son concurrent. La libre concurrence loyale et vertueuse s'en trouve compromise, ce qui contribue aux prix élevés des produits de grande consommation.
C'est pourquoi la délégation aux outre-mer préconisait d'interdire l'exclusion des outre-mer du champ d'application des conditions générales de vente des contrats entre centrales d'achat. Il faudra approfondir cette question avec les industriels et les distributeurs.
Le groupe UC votera ce texte, quoiqu'incomplet, car nous soutenons toute mesure allant dans le sens d'une meilleure qualité de vie pour nos concitoyens ultramarins. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, du RDPI, sur quelques travées du groupe INDEP et au banc des commissions)
M. Pierre-Jean Verzelen . - Plus 37 % à La Réunion, 40 % en Martinique, 42 % en Guadeloupe : voilà les écarts de prix constatés entre l'Hexagone et les départements ultramarins. Ces écarts considérables concernent l'alimentation mais aussi les services. Ils pèsent sur le pouvoir d'achat des habitants des DROM, qui représentent 3 % de la population française mais 24 % de nos concitoyens en situation de grande pauvreté.
La double insularité, l'étroitesse des marchés, les situations d'oligopole, l'éloignement géographique de l'Hexagone renforcent les écarts de prix. À nous de les réduire. Le présent texte n'est pas le premier : la Lodeom en 2009, la loi Lurel en 2012, la loi Égalité réelle outre-mer en 2017 ont porté des mesures souvent efficaces, mais globalement insuffisantes, puisque les écarts de prix persistent et s'aggravent.
Nous travaillons depuis longtemps sur ces sujets. Rien que cette année, nous avons voté une loi sur l'encadrement des loyers et un texte sur la vie chère, et la délégation a publié un rapport très complet, qui appelle à un plan d'action global et structurel.
Ce texte, qui n'est ni le premier ni le dernier, aurait pu être plus ambitieux. Il aurait dû traiter de l'intégration régionale des outre-mer, alors que 60 % des biens de consommation proviennent encore de l'Hexagone, ou encore de l'octroi de mer : cette taxe incomprise et critiquée pourrait être un levier pour développer la production locale.
La mesure sociale la plus efficace, c'est le travail : lutter contre le chômage systémique, c'est aussi lutter contre la vie chère. Nous regrettons le silence du texte à cet égard.
Certaines mesures seront toutefois bénéfiques : le BQP, étendu aux services, ou la possibilité pour les OPMR de saisir le préfet, mais aussi la DGCCRF. Renforcer la transparence des prix dans la grande distribution est essentiel. Les entreprises devront désormais transmettre des informations sur leurs marges avant et arrière.
Pour dynamiser la concurrence, le texte abaisse le seuil de contrôle des commissions départementales d'aménagement commercial (CDAC). Ces contrôles devront être menés avec bon sens, surtout en zone rurale.
Deux membres experts de l'outre-mer rejoindront l'Autorité de la concurrence. Enfin, les acheteurs publics pourront réserver jusqu'à 20 % de leurs marchés aux microentreprises, PME, TPE ou artisans locaux.
Ce texte ne réglera pas tout. Néanmoins, il comporte des avancées : nous le voterons.
Mme Viviane Malet . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) C'est peu dire que ce projet de loi était attendu. Depuis 2009, pas moins de trois manifestations contre la vie chère aux Antilles et à La Réunion. Durant cette période, le Parlement a adopté trois lois - qui n'ont pas suffi pour améliorer un quotidien de plus en plus difficile, tant les écarts de prix avec l'Hexagone sont importants. Ces écarts sont dus non à la distance - selon l'Autorité de la concurrence, les coûts de transport représentent moins de 5 % du coût d'achat des produits importés - mais aux pratiques commerciales.
Ce projet de loi va dans le bon sens, mais appelle des mesures complémentaires : rien sur le développement économique, le coût du travail, le chômage, les prix de la construction...
Il faudrait aussi améliorer le BQP, l'étendre à d'autres biens mais aussi à certains services. Les récentes avancées pour le diversifier concernent peu de produits. Je présenterai un amendement pour y intégrer, à titre expérimental à La Réunion, l'équipement électroménager et informatique, les matériels de construction ou l'outillage - ce qui inciterait nos habitants à mieux se protéger contre les aléas climatiques - l'eau, l'énergie et les transports.
Il faut aussi renforcer la visibilité des produits du BQP dans les linéaires. Selon l'Autorité de la concurrence, ces produits représentaient, en 2019, entre 3,5 et 4,9 % de l'activité totale des grands distributeurs. Je proposerai donc, à titre d'expérimentation à La Réunion, que la loi instaure un pourcentage minimal du BQP à l'intérieur du chiffre d'affaires des entreprises de distribution.
Enfin, la loi pourrait imposer une part minimale de produits locaux, sans frais de transport. La loi de 2012 comportait une disposition en ce sens - restée lettre morte, faute de décret d'application.
?uvrez avec les parlementaires, madame la ministre, pour que ce texte n'apparaisse pas comme une série de simples mesures administratives. Nous espérons une écoute attentive du Gouvernement. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Patricia Schillinger applaudit également.)
M. Dominique Théophile . - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Merci à Micheline Jacques et à Frédéric Buval pour leur travail.
Dans nos territoires, la vie chère a un nom, un visage et une histoire. Depuis 2009, elle est le fil rouge de toutes les crispations : en Guadeloupe avec le mouvement du LKP, par exemple. Ce mouvement n'était pas une colère passagère mais le signe d'un épuisement collectif face à la « profitation » qui transforme l'isolement insulaire en rente privée. En réponse, la loi Lurel devait réguler les prix, encadrer les marges, redonner du pouvoir aux observatoires et restaurer la confiance. Treize ans plus tard, la vie n'a jamais été aussi chère !
Pour les produits de base, les écarts sont abyssaux : un litre de lait coûte 65 centimes dans l'Hexagone, 1,25 euro en Guadeloupe ; 200 grammes de café soluble coûtent 4,24 euros dans l'Hexagone, 10,62 euros en Martinique ! En dix ans, l'écart s'est creusé. Le texte de 2012 n'a pas corrigé les causes profondes : absence de concurrence réelle, dépendance logistique, captation des marges par quelques importateurs. En 2009, selon l'Autorité de la concurrence, plus de 50 % des produits étaient vendus 55 % plus cher qu'en métropole. Depuis, rien n'a changé.
Hélas, ce texte est un cautère sur une jambe de bois. Un texte bavard de plus, quand nos territoires réclament du concret. Nos concitoyens attendent la vérité sur les marges, la transparence des circuits, la traçabilité des coûts. Ils ont besoin d'un choc de vérité pour savoir qui profite réellement de l'insularité, et d'un choc de courage qui reconnaisse que la vie chère est due à une défaillance politique et non à l'éloignement.
Combien de temps allons-nous accepter que certaines marques soient trois fois plus chères que dans l'Hexagone ? Ce n'est pas une revendication, c'est une exigence de justice économique. Derrière chaque étiquette, il y a une mère qui calcule, une jeune qui renonce, une famille qui s'endette. Comment comprendre qu'en 2025, les salaires les plus bas coexistent avec les prix les plus élevés ? Comment accepter qu'être Français d'outre-mer coûte plus cher qu'être Français dans l'Hexagone ?
La viande brésilienne vendue en Guyane passe par Rungis : nous restons isolés dans un système fermé, déconnectés de notre environnement régional. Nous ne pouvons plus prôner la continuité territoriale sans pratiquer la continuité économique ! Instaurons une vraie péréquation : dans une République une et indivisible, le prix du lait ne saurait varier du simple au triple selon la latitude.
Ceux qui se gavent s'opposent aux évolutions institutionnelles, à la refonte de la fiscalité locale ou au développement endogène, car ils y perdraient leurs privilèges !
Le problème de la vie chère est avant tout financier. L'article 40 de la Constitution nous empêche hélas d'agir. En l'état, ce texte est un placebo. Il faut l'amender profondément. Le RDPI se prononcera en fonction du sort de nos amendements. Sinon, ce texte ne servira à rien : nous ne ferons que de la littérature, quand il faut faire de l'arithmétique ! (Applaudissements sur les travées du RDPI, des groupes SER et CRCE-K, ainsi que sur quelques travées du groupe UC ; Mme Viviane Malet applaudit également.)
Mme Audrey Bélim . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Le surcoût pour les produits alimentaires s'élève à 37 % à La Réunion, alors que 36 % de Réunionnais vivent sous le seuil de pauvreté. Les territoires ultramarins sont les plus pauvres de France, mais aussi les territoires les plus chers de France.
Parlons de la faiblesse des revenus ! J'ai porté la loi relative à l'encadrement des loyers outre-mer, dont la hausse était devenue insupportable. À moyen terme, l'adaptation des normes de construction réduira les coûts. Nous attendons les décrets, madame la ministre. Les propositions de loi de Mme Bellay ou de M. Lurel s'attaquaient aussi au fléau de la vie chère.
À ce stade, ce texte nous paraît insuffisant. Le projet de budget pour 2026 prévoit 350 millions de baisse pour la Lodeom. Les signaux envoyés par Berçy sont contradictoires avec la volonté affichée ici.
Autre limite : la restriction des thématiques abordées dans le texte initial limite les amendements. Rien sur le logement, le foncier, l'agriculture, l'alimentation ou les revenus. Madame la ministre, nous vous prenons au mot : j'ai déposé une trentaine d'amendements, autant de propositions concrètes pour nos concitoyens ultramarins. Ils attendent des mesures ayant un impact mesurable sur le ticket de caisse ! Lutte contre la concentration verticale, fin du blocage géographique sur les sites et plateformes, personnalité juridique pour les OPMR, quotas d'insertion dans la commande publique... Améliorons ce texte. Nos concitoyens ultramarins nous regardent ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER, et sur quelques travées du groupe CRCE-K ; M. Akli Mellouli applaudit également.)
Mme Evelyne Corbière Naminzo . - (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K) Toujours les mêmes discours, les mêmes promesses de s'attaquer à la vie chère outre-mer. Or les constats demeurent : des prix plus élevés de 30 à 70 %, une concentration entre quelques grands groupes d'import-distribution, une dépendance logistique structurelle.
Les crises sociales se succèdent, se ressemblent, tout comme les vaines réponses des pouvoirs publics. Certains se gavent, tandis que d'autres triment.
Rien sur les revenus, les bas salaires ou la prime d'activité ultramarine, alors que les revenus médians en outre-mer sont inférieurs de 40 % à ceux de l'Hexagone. Faut-il abandonner l'idée de vivre dignement de son travail ? Quid du coût du logement, souvent le premier poste de dépense ? De plus en plus de familles doivent choisir entre se loger et se nourrir.
Où sont les mesures pour soutenir le tissu économique, alors que le taux de défaillance de nos TPE-PME explose, tandis que les syndicats dénoncent les situations de monopole ?
En réalité, les effets de ce texte seront limités. Si les constats sont justes, les réponses ne sont pas à la hauteur. Ce texte ne rompt avec aucune logique, aucun rapport de force. Il ne touche pas aux causes structurelles. Derrière les chiffres se cache un système hérité d'un autre âge où une poignée - les mêmes depuis 50 ans - contrôlent tout. Bref, une économie de comptoir, un héritage colonial !
En Martinique, le groupe Bernard Hayot (GBH) détient plus de 60 % du commerce alimentaire et non alimentaire. À La Réunion, depuis le rachat de Vindémia, GBH et Leclerc contrôlent près de 70 % du marché de la grande distribution. En Guadeloupe, trois entreprises se partagent 90 % des importations de produits de première nécessité. Tant qu'on ne touchera pas à cette rente de situation, on ne réglera rien.
Que dire des centrales d'achat installées à l'étranger et utilisées par les distributeurs pour cacher leurs marges ? Cela représente 20 à 30 % des surcoûts ! Ce texte veut renforcer la transparence. C'est louable, mais les observatoires n'ont pas les moyens pour agir. La DGCCRF ne compte que deux agents pour tout un département !
Le BQP est certes renforcé, mais reste centré sur les produits, sans véritable stratégie de soutien à la production locale ni évaluation.
De belles intentions, mais sans outils, sans contraintes, sans volonté de bousculer les oligopoles. Ce texte ne rompt avec rien, il conforte un modèle d'économie de rente, de comptoir. Or la vie chère n'est pas une abstraction : c'est une mère qui paye le lait et les yaourts deux fois plus cher à La Réunion que dans l'Hexagone.
Nous pourrons vraiment agir contre la vie chère en outre-mer quand nous voterons dans le PLF les amendements déclarés irrecevables aujourd'hui. Le groupe CRCE-K s'abstiendra sur ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K et du GEST)
M. Akli Mellouli . - Je veux dire notre solidarité à nos compatriotes de Guadeloupe, touchés par un tremblement de terre. (M. Stéphane Demilly renchérit.)
L'outre-mer est une part vivante de la République mais ces territoires sont fragilisés par la vie chère, qui mine la cohésion sociale et ronge la promesse d'égalité. Les écarts de prix avec l'Hexagone sont indécents. Ils traduisent des repas sautés, des médicaments qu'on n'achète plus. Nos compatriotes ultramarins dénoncent cette injustice. Leurs mobilisations font entendre le cri d'un peuple qui veut vivre dignement.
Le présent texte ne traite que des pratiques de la grande distribution. Rien sur les véritables déterminants de la vie chère : la politique économique d'exonérations de cotisations sociales, la stagnation des salaires comme des prestations sociales, la crise du logement, la faiblesse du soutien aux productions locales. Les aides à la production agricole se concentrent sur les produits exportés. Le Gouvernement promet de lutter contre la vie chère - mais le projet de budget réduit d'un tiers les crédits du programme « Conditions de vie en outre-mer » !
Il y a malgré tout des pistes prometteuses dans ce texte. D'abord le BQP, qui contient les prix, favorise les négociations. Mais il ne saurait être efficace que s'il valorise les produits locaux.
Il faut mettre fin au cercle vicieux : plus on importe, plus on paie cher et moins on produit. Derrière les grandes surfaces, ce sont souvent de puissants groupes d'importation, parfois en situation de monopole, qui fixent leurs marges loin de tout contrôle réel. Favoriser les produits locaux, c'est du bon sens économique, écologique et social. C'est aussi la clé pour retrouver une souveraineté alimentaire et réduire la dépendance logistique qui alimente la cherté.
Le BQP doit devenir un levier de transformation structurelle des circuits d'approvisionnement ; cela suppose qu'une part significative du panier soit issue de la production locale.
Deuxième point : la transparence. Les articles 6 et 7 vont dans la bonne direction : trop souvent, les marges arrière gonflent les prix sans qu'on puisse le prouver. Mais pour assurer la transparence, il faut des contrôles et des sanctions ; or l'OPMR est démuni de moyens et d'effectifs face à l'ampleur de ses missions.
Je le redis clairement, il faut au minimum multiplier par quatre les moyens des OPMR. Un observatoire renforcé, c'est une République qui regarde enfin la vérité des prix.
Troisième enjeu : la concurrence déloyale. Les articles 8 à 10 comportent des avancées certaines en luttant contre certains fournisseurs, qui pratiquent encore des tarifs plus élevés pour les DROM-COM sans autre raison que leur éloignement. La lutte contre la trop grande concentration qui étouffe le petit commerce est aussi une bonne chose, à condition que l'Autorité de la concurrence dispose, elle aussi, des moyens spécifiques pour les outre-mer.
Dernier point fondamental : la dignité économique est le socle de la dignité humaine. La vie chère est un problème de justice : elle creuse les inégalités, nourrit les frustrations et affaiblit le lien qui unit chaque citoyen à la République.
La lutte contre la vie chère est donc une politique de cohésion nationale, pas une faveur accordée à quelques-uns. Il n'y a pas de dignité sans justice, et pas de liberté sans égalité, disait Aimé Césaire. (Applaudissements sur les travées du GEST et des groupes SER et CRCE-K)
M. Victorin Lurel. - Bravo !
M. Philippe Grosvalet . - Mobilisations de 2009 en Guadeloupe et en Martinique, de 2012 à La Réunion, de 2017 en Guyane et à l'automne 2024 en Martinique : à chaque fois, le même constat est fait : les populations ultramarines paient plus cher les biens de consommation, alors que la pauvreté y est plus fréquente.
Un litre de lait ou un kilogramme de tomates sont ainsi 30 à 50 % plus chers outre-mer que dans l'Hexagone. Le taux de pauvreté dépasse les 30 % en Guadeloupe et à La Réunion, atteignant plus de 50 % en Guyane et même 77 % à Mayotte. C'est une double peine.
On peut l'affirmer, les lois précédentes n'ont pas résorbé la vie chère en outre-mer ; c'est pourtant ce qu'ambitionne ce texte grâce à plus de transparence, un renforcement du BQP, de nouvelles obligations pour les grands distributeurs et l'expérimentation d'un e-hub logistique en Martinique ? toutes mesures utiles, mais dont l'impact risque d'être minime sur le ticket de caisse.
L'avis du Conseil d'État sur le texte révélait déjà une série de mesures « paillettes », peu prometteuses, voire complexifiant le travail des collectivités territoriales.
Aucune baisse structurelle de prix n'est garantie, pas de soutien renforcé au tissu local ni de réflexion sur l'intégration économique régionale.
Rien sur la question des revenus du travail, l'emploi local et la hausse des minima sociaux.
Il faut davantage soutenir la production locale et l'intégration régionale, alors que 90 % de la consommation alimentaire est importée ; réfléchir à une réforme de l'octroi de mer concertée et équilibrée entre l'exclusion des produits de première nécessité et le maintien du financement des collectivités.
Enfin, la fluidité et la densité des liaisons maritimes avec l'Hexagone sont fondamentales. La décision de CMA-CGM de supprimer l'escale du grand port maritime de Nantes-Saint-Nazaire sur la route des Antilles, héritage du XIXe siècle, met gravement en péril l'industrie portuaire de la Loire-Atlantique et fragilise la chaîne logistique des produits à date limite de consommation.
Ce projet de loi n'est pas le grand soir pour le caddie de nos compatriotes d'outre-mer. Des amendements pourraient lui apporter un peu de chair ; nous y serons attentifs. Le RDSE appréciera les avancées qui rendraient ce texte moins homéopathique.
M. Stéphane Demilly . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Rapporteur pour l'océan Indien à la délégation aux outre-mer ? dont je salue la présidente Micheline Jacques ? je souligne la portée de ce projet de loi en associant tous mes collègues du groupe UC, dont je connais l'attachement aux outre-mer.
Ce texte vise à répondre à une urgence aussi ancienne que profonde : le coût de la vie outre-mer.
Derrière les chiffres qui ont été cités, c'est une terrible réalité pour les familles, les retraités, les jeunes, les travailleurs.
L'éloignement, les coûts logistiques et l'insuffisante concurrence sont des facteurs structurels de la vie chère.
Ce texte renforce le BQP en associant les élus locaux et les associations de consommateurs. Il impose aux grandes enseignes des obligations renforcées pour la transmission d'informations sur les marges, préalable indispensable à toute politique efficace de lutte contre la vie chère.
Il prévoit un service public logistique en Martinique. Je salue le travail des rapporteurs qui proposent de l'accorder aux autres régions ultramarines après deux ans. Un meilleur maillage de la logistique, un soutien aux filières locales et un appui renforcé aux PME-PMI sont autant de leviers pour réduire la dépendance aux importations et, par voie de conséquence, pour redonner de la résilience à nos économies ultramarines.
À La Réunion comme à Mayotte, le fret maritime est un facteur majeur de renchérissement des prix. La maîtrise des coûts de transport doit devenir un levier stratégique de lutte contre la vie chère, au même titre que la politique de concurrence.
Le renforcement du rôle de l'Autorité de la concurrence à l'article 10 est un signal fort pour restaurer la concurrence, mais il faut veiller à l'effectivité des sanctions.
Enfin, les dispositifs de préférence locale dans les marchés publics constituent une opportunité pour les PME ultramarines. Ces parts réservées ne devront pas rester des promesses et il faudra veiller scrupuleusement à leur concrétisation. Le picard Condorcet disait que l'égalité ce n'était pas rendre les choses semblables, mais faire en sorte que chacun puisse vivre dignement là où il est.
Si ce texte n'est pas parfait, prenons-le pour un voeu pour que l'éloignement ne soit pas synonyme d'abandon et d'injustice. Enrichissons-le pour faire ensemble de la lutte contre la vie chère un plan concret pour tous nos compatriotes. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et au banc des commissions)
Mme Annick Petrus . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Ce texte touche directement la vie quotidienne de nos concitoyens : la vie chère outre-mer n'est pas un problème ponctuel, mais structurel ; en cause, l'éloignement, la dépendance aux approvisionnements extérieurs, l'étroitesse des marchés et le coût logistique à chaque étape.
À Saint-Martin, c'est particulièrement visible : la plupart des marchandises transitent par la Guadeloupe, ce qui est source de surcoût. La concurrence immédiate de la partie néerlandaise de l'île influence aussi les prix comme les pratiques de consommation. Ces contraintes pèsent sur les familles et les entreprises.
Sans présenter de mesures structurelles, ce texte améliore la situation sur les produits de première nécessité. La commission des affaires économiques a supprimé l'article 1er : c'est un choix de responsabilité. Lutter contre la vie chère oui, mais sans fragiliser ceux qui travaillent et qui embauchent.
La commission a renforcé le BQP en généralisant son extension aux services. La transparence sur les marges et la chaîne d'approvisionnement est essentielle, car la confiance ne se décrète pas, elle se construit dans la clarté.
Ce texte comporte des orientations utiles, mais leur effet restera limité si les déterminants structurels de la vie chère ne sont pas davantage intégrés.
La lutte contre la vie chère doit s'attaquer aux frais d'approche. La quasi-totalité des biens transite par la Guadeloupe, aussi le prix augmente-t-il plusieurs fois avant de toucher une étagère. La vie chère n'est pas une abstraction, mais une réalité douloureuse dans le caddie ou le panier du marché.
Mon premier amendement prévoit que l'OPMR analyse chaque année les coûts d'approvisionnement vers Saint-Martin et les possibilités de diversification des approvisionnements.
Mon deuxième amendement a trait au BQP. Les produits qu'il couvre devraient pouvoir être identifiés clairement par les consommateurs, qui doivent aujourd'hui deviner lesquels sont concernés. Il faut une mise en valeur claire en rayon.
Les initiatives locales, comme le maraîchage ou l'élevage extensif, doivent être soutenues. Leur volume ne remplace pas celui des importations, mais elles construisent une résilience, une souveraineté alimentaire progressive.
Il faut également soutenir l'emploi. À Saint-Martin, les entreprises sont de très petite taille et subissent des surcoûts logistiques de 25 à 30 %, sans compter la concurrence directe de Sint Maarten.
On ne peut pas agir sur le pouvoir d'achat en affaiblissant les outils qui permettent d'investir. Il faut tenir compte des structures économiques et des équilibres locaux. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Saïd Omar Oili . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; M. Teva Rohfritsch applaudit également.) Avec mes collègues ultramarins, nous partageons les mêmes problèmes et la même injustice. Le combat contre la vie chère fait partie de ces engagements qui alimentent notre solidarité et notre force dans nos territoires oubliés de la République.
Ce projet de loi présenté par Manuel Valls est une reconnaissance de la légitimité de nos revendications. Mais l'efficacité des mesures doit être évaluée sur le terrain. Sénateur depuis deux ans, je suis étonné de constater que nous consacrons beaucoup de temps à l'élaboration des textes, mais pas à assez à vérifier leur application.
Trois lois ont été votées depuis Chido ; je serai intraitable sur leur application. Je perçois les résistances des administrations à rendre des comptes sur l'application des textes votés par le Parlement. Comment voulez-vous que nos populations fassent confiance aux élus si les lois qu'ils votent restent lettre morte ?
Je serai vigilant sur l'application de ce texte dans mon territoire. Je constate la faiblesse des moyens des administrations déconcentrées sur mon territoire et suis très pessimiste pour la suite.
À Mayotte, Chido n'a rien arrangé à la vie chère. Les prix des matériaux de construction explosent ; notre agriculture a été ravagée, avec des fruits et légumes qui viennent à manquer. Nous subissons une crise de l'eau depuis des années, ce qui conduit les familles à acheter des bouteilles et à devoir aménager leur maison pour les stocker.
Nous sommes surpris d'apprendre dans la presse la vente par la préfecture de l'eau en bouteille qui devait être distribuée aux populations. Les populations des outre-mer n'en peuvent plus. La question de la vie chère doit devenir une priorité. (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; Mme Évelyne Corbière Naminzo applaudit également.)
Mme Catherine Conconne . - Je vous souhaite la bienvenue, madame la ministre, en toute sororité.
C'est une loi « extincteur » que nous examinons. Au dernier trimestre de 2024, la Martinique est à feu et à sang ; un ministre arrive et dégaine une réponse pour calmer le feu, au propre comme au figuré. Mais la situation ne changera pas grâce à cette loi.
J'ai une pensée pour les centaines d'entreprises pillées, incendiées, et pour les milliers de travailleurs qui ont perdu leur emploi.
Cette loi procède d'un mauvais diagnostic, d'a priori, d'idées préconçues qui installent un déni et le confort d'un écran de fumée en renvoyant dos à dos les acteurs.
Ce texte m'a rappelé la fois où nous sommes allés avec mes collègues visiter les îles du Salut, où était installé le bagne. Il donne l'impression que sur ces îles, on aurait enfermé tous les profiteurs, tous ceux qui abusent du consommateur. Il n'y en aurait pas en Île-de-France, à Marseille, dans les Ardennes... Ils seraient tous concentrés chez nous ! (Sourires)
Dix ministres se sont succédé, et c'est toujours le même discours, les mêmes recettes homéopathiques, le même écran de fumée, les mêmes expressions, les mêmes intentions molles !
Avec, en plus, une surproduction de contrôles, de surcontrôles, de contrôles de contrôles - avec quels moyens, quand les services de l'État sont drastiquement réduits ? Et une absence totale de mesures pour compenser les surcoûts liés à l'éloignement.
Guillaume Chevrollier a rendu, avec moi, un excellent rapport sur ce sujet (on le confirme à droite) qui pourrait vous inspirer sur la continuité territoriale... Pas moins de 187 millions d'euros ont été donnés à la toute proche Corse, et pas un kopeck pour nous, alors que nos surcoûts sont objectifs ?
Aucune mesure ou presque pour la production locale ! Je pense aux petits planteurs de canne et aux agriculteurs qui n'ont pas de lieu pour vendre directement leur production aux consommateurs. Vendredi, je rentrerai dans mon pays la tête basse ; mais comme je suis une femme d'ouverture, je suis à votre disposition pour engager enfin un vrai programme de développement. (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; MM. Teva Rohfritsch et Philippe Grosvalet et Mmes Lana Tetuanui et Evelyne Perrot applaudissent également.)
Mme Naïma Moutchou, ministre. - Je remercie ceux qui soutiennent ce projet de loi et ceux qui tendent la main pour parfaire le travail.
Ce texte ne règle pas tout, c'est vrai ! Mais il a le mérite de s'attaquer au problème du pouvoir d'achat et des prix. Il s'inscrit dans le champ économique et concurrentiel et pas dans le champ budgétaire - c'est un choix. J'ai toujours dit que les revenus étaient trop bas et je soutiendrai ce que proposera le Gouvernement en ce sens - si le temps le lui permet. Ce texte permettra de discuter des prix dans l'attente de s'attaquer à la question des revenus et du développement économique.
L'intégration régionale ne pouvait pas être inscrite dans ce projet de loi : cela ne relève pas de la loi. Le SGAE y travaille : un règlement européen est à l'étude.
Même chose sur l'octroi de mer : je ne peux pas avancer sans avoir concerté.
Monsieur le rapporteur Buval, l'État a tenu ses engagements dans le cadre du protocole pour la Martinique ; la TVA a baissé de 10 % en juillet 2025 pour les 6 000 produits concernés.
Nous avons avancé sur le mécanisme de péréquation évoqué à l'article 5.
Madame Malet, le BQP fonctionne très bien, mais nous voulons préserver sa souplesse. Cet outil doit aussi encourager l'économie locale, je suis d'accord avec vous. Ce point n'a pas été assez développé. Je vous propose que nous y travaillions ensemble.
Madame Bélim, faire baisser les coûts de la construction est effectivement un levier d'action majeur. Je travaille à la publication d'un décret pour tenir compte des matériaux environnementaux et des environnements régionaux. Je m'engage à le faire d'ici à la fin de l'année. Nous aurons l'occasion d'en parler.
Je suis dans une position bienveillante, car je connais les défauts de ce texte qui n'aborde pas tout, mais constitue une base de travail que vous pouvez enrichir, et qui reprend certains de vos travaux. La coconstruction est donc possible.
Discussion des articles
Avant l'article 1er (Supprimé)
M. le président. - Amendement n°119 de Mme Corbière Naminzo et alii.
Mme Evelyne Corbière Naminzo. - Ce projet de loi traite nos concitoyens ultramarins comme s'ils n'étaient que des consommateurs. Or ils se heurtent à la vie chère d'abord lorsqu'ils cherchent à se loger. On compte 54,7 % de locataires en Guadeloupe, 49,6 % en Guyane et 45,4 % à La Réunion, contre 40 % dans l'Hexagone. Or les prix des loyers sont supérieurs de 5 % en Guadeloupe et jusqu'à 10 % en Guyane.
Rapporté aux revenus, plus faibles, le logement est donc un poste de dépense majeur. Cela se voit dans les chiffres records des impayés : en 2023, 7 800 impayés ont été signalés à La Réunion. Nous proposons donc d'étendre les compétences des OPMR aux prix des loyers résidentiels et commerciaux.
Mme Micheline Jacques, rapporteur. - Confier cette nouvelle mission aux OPMR n'est pas pertinent, car ceux-ci, dont les missions sont nombreuses, sont sous-dotés. Avis défavorable.
Mme Naïma Moutchou, ministre. - Même avis ; les observatoires locaux des loyers traitent déjà ces questions. Votre amendement est donc satisfait.
Mme Viviane Artigalas. - La surveillance des loyers est particulièrement importante outre-mer. Mais confier cette nouvelle compétence à des organismes sous-dotés n'est pas une bonne solution. Madame la ministre, il faudrait créer de vrais observatoires de surveillance des loyers en outre-mer.
Mme Evelyne Corbière Naminzo. - Quand on habite l'outre-mer, on n'est pas confronté à la vie chère uniquement pour faire ses courses alimentaires. Le travail ne paie pas et les familles ont un budget restreint. Nous allons au-devant d'une année de gel budgétaire. Envisageons le problème de la vie chère de façon globale.
Si les OPMR ne sont pas suffisamment dotés, je le regrette. Mais il faut prendre en considération à la fois la charge alimentaire et celle des loyers.
L'amendement n°119 n'est pas adopté.
L'article 1er demeure supprimé.
Après l'article 1er (Supprimé)
M. le président. - Amendement n°28 rectifié de M. Lurel et alii.
M. Victorin Lurel. - Madame la ministre, c'est votre loi ; elle portera votre nom. Présentée par Manuel Valls, vidée de l'article 1er et des ordonnances, elle ne contient rien.
Budget constant, financement par péréquation, par compensation... : pas un kopeck de l'État, pas de solidarité nationale. Et je ne parle pas du projet de loi de finances : c'est un massacre !
Madame la ministre, vous avez une chance historique. Pour ma part, cela fait presque vingt-cinq ans que je cours après de petits pas faits ensemble - ceux qu'Aimé Césaire aimait engranger.
Madame la ministre, si vous refusez les propositions qui sont faites, et cette chance historique, les dysfonctionnements structurels ne seront pas corrigés. Vous et certains autres, vous croyez à la liberté. J'y crois aussi. Mais si c'est la liberté du renard libre dans le poulailler libre, vous avez les résultats que nous connaissons depuis soixante ans.
Vous avez parlé de bienveillance, j'espère que vous en ferez preuve à l'égard des amendements portant sur l'intégration, sur le gel des enseignes pour tenir le marché. Il faut du structurel, de l'audace !
M. le président. - Sous-amendement n°151 de Mme Bélim.
Mme Audrey Bélim. - Ce sous-amendement conserve le calendrier actuel des négociations commerciales visées à La Réunion.
M. Frédéric Buval, rapporteur. - Avis défavorable au sous-amendement : il est difficile d'abroger une disposition uniquement pour La Réunion et il est difficile d'en mesurer l'impact. Concernant l'amendement n°28 rectifié, la volonté de faire profiter plus tôt d'une baisse de prix est louable, mais peu réaliste. Sagesse.
Mme Naïma Moutchou, ministre. - Le dispositif visé par l'amendement n°28 rectifié n'est plus en vigueur. Les dates de négociation sont désormais fixées du 1er décembre au 1er mars.
Par ailleurs, si les négociations étaient plus favorables au niveau national, les outre-mer ne pourraient pas en profiter.
Retrait, sinon avis défavorable, ainsi que sur le sous-amendement ; mais je ne ferme pas la porte. Je pourrai avoir une position bienveillante sur d'autres amendements.
Mme Catherine Conconne. - Je remercie la commission qui a compris le sens de nos amendements de suppression de l'article 1er.
Son seul avantage était de faire la démonstration du fait que les frais de transport obèrent toujours le prix de revient et pèsent sur le prix de vente aux consommateurs.
Cet article aurait plongé le petit commerce dans le désarroi, car les grandes surfaces auraient pu vendre beaucoup moins cher.
M. Victorin Lurel. - Le sous-amendement de Mme Bélim vise à conserver le calendrier actuel.
Nous demandions à avancer de deux mois le calendrier, pour l'aligner sur Égalim. Une signature au plus tard le 15 janvier pour les TPE et le 31 janvier pour les grandes entreprises aurait permis de profiter d'une dynamique nationale. Les arrêtés préfectoraux qui closent les négociations sont pris en juin, juillet, voire en août ! Six mois après, tout le monde a oublié !
Je retire l'amendement, mais j'attire votre attention sur l'amendement n°74, qui donne au préfet la possibilité d'arrêter les négociations au plus tard le 31 mars.
L'amendement n°28 rectifié est retiré.
Le sous-amendement n°151 n'a plus d'objet.
Article 2
M. le président. - Amendement n°29 rectifié de M. Lurel et alii.
M. Victorin Lurel. - Défendu.
M. le président. - Amendement n°117 de Mme Corbière Naminzo et du groupe CRCE-K.
Mme Evelyne Corbière Naminzo. - La vie chère a un impact sur la santé. Nous souhaitons renforcer la qualité nutritionnelle des produits du BQP, en reprenant la préconisation du Cese d'un avis préalable de l'ARS sur la liste de produits retenus dans le panier annuel du BQP. Les outre-mer affichent des taux d'obésité et de diabète supérieurs à ceux de l'Hexagone. C'est du bon sens.
M. le président. - Amendement n°79 de M. Lurel et du groupe SER.
M. Victorin Lurel. - Défendu.
Mme Micheline Jacques, rapporteur. - Avis défavorable.
Mme Naïma Moutchou, ministre. - Sagesse sur l'amendement n°29 rectifié : j'y suis favorable sur le fond, mais il requiert une petite réécriture. Retrait de l'amendement n°117 au profit de l'amendement n°79, auquel je suis favorable. Le préfet pourra déjà saisir l'ARS en tant que de besoin : il n'est pas nécessaire de l'écrire.
Mme Evelyne Corbière Naminzo. - L'ARS n'est pas une association de consommateurs, et elle devrait donner un avis sur l'ensemble des produits, et non ponctuellement sur saisine du préfet. Je maintiens mon amendement.
L'amendement n°29 rectifié n'est pas adopté non plus que les amendements nos117 et 79.
M. le président. - Amendement n°74 de M. Lurel et du groupe SER.
M. Victorin Lurel. - On ne peut pas rester six mois à négocier. Il faut une date butoir après trois mois pour que le préfet puisse arrêter les négociations, comme le ministre le fait dans l'Hexagone.
M. Frédéric Buval, rapporteur. - Cela rigidifierait le processus de négociation, surtout si l'avis de l'OPMR n'a pas été rendu à cette date. Avis défavorable.
Mme Naïma Moutchou, ministre. - Avis favorable à cette date butoir pour le BQP, qui va dans le bon sens.
L'amendement n°74 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°75 de M. Lurel et du groupe SER.
M. Victorin Lurel. - Ne restreignons pas le champ de la négociation au seul commerce alimentaire.
M. le président. - Amendement n°76 de M. Lurel et du groupe SER.
M. Victorin Lurel. - Défendu.
M. Frédéric Buval, rapporteur. - Le problème de la vie chère en outre-mer repose principalement sur les écarts des prix alimentaires avec l'Hexagone. Étendre le dispositif constituerait une restriction trop importante à la liberté du commerce et de l'industrie. Avis défavorable à l'amendement n°75.
Sur l'amendement n°76, la restriction de la négociation a été décidée à la suite de l'avis du Conseil d'État sur le projet de loi. Avis défavorable.
Mme Naïma Moutchou, ministre. - L'amendement n 75 va dans le bon sens : avis favorable. En revanche, avis défavorable à l'amendement n 76 qui risquerait de rigidifier la procédure.
M. Victorin Lurel. - Il y aura deux négociations : le BQP, pour les produits de première nécessité et de grande consommation, et une négociation sur les services, notamment culturels. Je retire l'amendement n 76 au bénéfice des observations de Mme la ministre.
L'amendement n°76 est retiré.
L'amendement n°75 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°77 de M. Lurel et du groupe SER.
M. Victorin Lurel. - Les produits de grande consommation font l'objet d'une définition juridique, mais pas les produits de première nécessité. Pour éviter des effets de bord, intégrons ces derniers dans les premiers.
Mme Micheline Jacques, rapporteur. - Le BQP est conçu pour modérer les prix des produits de grande consommation définis par le code de commerce, dont les produits alimentaires et d'hygiène font partie. L'amendement est satisfait : retrait, sinon avis défavorable.
Mme Naïma Moutchou, ministre. - La notion de produits de première nécessité n'est pas circonscrite juridiquement. Sagesse, néanmoins, car l'amendement souligne l'objectif important visé par le BQP.
M. Victorin Lurel. - Chère et estimée rapporteure, les codes comportent déjà une définition des produits de première nécessité. Notre amendement vise à rassurer en rassemblant les périmètres.
L'amendement n°77 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°78 de M. Lurel et du groupe SER.
M. Victorin Lurel. - Nous devons promouvoir les produits locaux au sein du BQP.
Nous avons modifié le code de la commande publique - j'y ai pris ma part. Sans tomber dans le protectionnisme, on peut valoriser les produits locaux lorsque ceux-ci émettent peu de gaz à effet de serre. Cette pondération est possible pour alimenter les hôpitaux, les Ehpad ou encore les cantines scolaires.
Mme Micheline Jacques, rapporteur. - Nous partageons la volonté d'offrir des produits de qualité aux consommateurs ultramarins : nous avons déjà ajouté en commission un objectif de promotion des produits locaux. Inutile d'en faire davantage : cela renchérirait les prix de ces produits : avis défavorable.
Mme Naïma Moutchou, ministre. - Cette piste est intéressante, car elle attirera l'attention des négociateurs sur la nécessité de promouvoir les produits locaux, tout en les laissant décider. Avis favorable.
M. Victorin Lurel. - Nulle volonté de modifier le code des marchés publics. Nous pouvons respecter les législations française et européenne tout en promouvant les productions locales.
Je comprendrais que vous ne défendiez pas la production locale, mais je vous suivrai pas.
L'amendement n°78 est adopté.
M. le président. - Amendement n°120 de M. Salmon et alii.
M. Daniel Salmon. - L'élaboration de la liste du BQP doit promouvoir les produits locaux. Nous souhaitons renforcer cette disposition. Cette part de produits locaux est variable selon les caractéristiques du marché et censément entrée en vigueur depuis la publication du décret du 29 juillet 2025. Il serait utile de prévoir une part minimale, car c'est un levier pertinent pour soutenir la production locale : cela aidera les consommateurs, mais aussi les producteurs locaux. Ainsi, les prix des produits essentiels diminueront.
M. Frédéric Buval, rapporteur. - Cet amendement nous semble déjà satisfait : le décret de décembre 2012 a été complété en juillet dernier en vue de promouvoir la production locale. Avis défavorable.
Mme Naïma Moutchou, ministre. - Avis favorable. La production locale est un vecteur de développement des territoires ; cela peut aussi améliorer le pouvoir d'achat de nos concitoyens ultramarins. Les préfets pourront décider selon les réalités des territoires.
M. Daniel Salmon. - Merci pour votre soutien, madame la ministre. Les produits locaux sont bons pour les ultramarins car moins chers, bons pour l'économie ultramarine et aussi pour l'écologie, surtout s'ils sont biologiques. Contribuer à l'autonomie alimentaire des territoires d'outre-mer est une bonne chose.
M. Victorin Lurel. - Je soutiens cet amendement.
Mme Catherine Conconne. - Attention aux fausses bonnes idées ! Produire localement coûte très cher et on pourrait forcer les producteurs locaux à baisser leurs prix. (On renchérit au banc des commissions.)
Mme Annick Girardin. - Merci !
Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente de la commission des affaires économiques. - Bravo !
Mme Catherine Conconne. - Les producteurs locaux sont déjà contraints de vendre moins cher, et parfois en dessous de leur coût de production. (Mmes Dominique Estrosi Sassone et Micheline Jacques approuvent.) Nous souffrons d'une sous-production généralisée : nous compensons à peine 20 % de notre consommation locale par une production locale. Des idées peuvent sembler géniales à Paris sans l'être dans des territoires éloignés où il y a des surcoûts.
M. Akli Mellouli. - Si nous partons du postulat qu'il ne faut rien faire, par exemple parce que l'OMPR ne peut rien faire, rentrons chez nous !
Nous parlons de substitution à l'importation. Ce n'est pas une fausse bonne idée, vu les coûts de transport.
Avoir plus de produits locaux est une bonne idée ; nous débattrons des moyens nécessaires au développement de nos filières agricoles lors du prochain budget.
M. Victorin Lurel. - Bravo !
L'amendement n°120 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°80 de M. Lurel et du groupe SER.
M. Victorin Lurel. - Le Gouvernement me demandera sûrement de retirer cet amendement. L'adjectif « principales » est fragile sur le plan juridique : quelles entreprises sont concernées ? Sept ou huit tout au plus. Il reviendra aux préfets d'apprécier la situation. Si le seuil est placé trop haut, on ne peut plus rien contrôler. C'est un amendement de bon sens.
Mme Micheline Jacques, rapporteur. - La commission a rendu obligatoire la négociation annuelle d'un BQP dédié aux services, qui n'était que facultative dans le projet de loi initial. Inutile de mobiliser tous les acteurs économiques : plus la table de négociations sera fournie, plus il sera difficile de parvenir au consensus. En outre, une entreprise non participante aux négociations peut adhérer ensuite au BQP. Avis défavorable.
Mme Naïma Moutchou, ministre. - Envisager la participation de toutes les entreprises n'est pas réaliste et peut fragiliser le dispositif : laissons la main au préfet. Avis défavorable.
Madame Conconne, vous m'avez reproché de ne pas aller assez loin dans le développement économique des territoires. Certes, il peut y avoir un effet inflationniste à court terme, mais cela développe aussi le pouvoir d'achat et l'emploi.
Mme Catherine Conconne. - Vous prenez tout à l'envers !
L'amendement n°80 est retiré.
M. le président. - Amendement n°149 de Mme Jacques et M. Buval, au nom de la commission des affaires économiques.
M. Frédéric Buval, rapporteur. - Précisons la nature des services devant faire l'objet d'une négociation en vue de l'élaboration du BQP : entretien automobile, télécommunications, notamment.
M. le président. - Amendement n°81 de M. Lurel et du groupe SER.
M. Victorin Lurel. - Nous souhaitons intégrer les offres de téléphonie mobile et d'internet dans la liste des négociations, de même que les prestations automobiles.
M. Frédéric Buval, rapporteur. - Avis défavorable à l'amendement n°81.
Mme Naïma Moutchou, ministre. - Avis favorable à l'amendement n°149 et avis défavorable à l'amendement n°81.
L'amendement n°149 est adopté.
L'amendement n°81 n'a plus d'objet.
M. le président. - Amendement n°121 de M. Mellouli et alii.
M. Akli Mellouli. - Les ultramarins ont aussi une vie sociale et culturelle ! Il faut ajouter les produits et services culturels à la liste des négociations annuelles, alors que le prix des livres est plus élevé que dans l'Hexagone. En effet, les livres, en dehors du champ scolaire, dérogent à la loi de 1981. D'où des inégalités inacceptables : cet amendement serait un pas vers l'accès à l'éducation pour tous.
Mme Micheline Jacques, rapporteur. - Les auteurs de l'amendement regrettent que le prix unique du livre ne s'applique pas dans les territoires d'outre-mer. Toutefois, les prix restent encadrés : en moyenne, 15 % d'écart avec l'Hexagone, contre 40 % pour les produits alimentaires en moyenne.
En outre, la loi visant à assurer la pérennité des établissements de spectacles cinématographiques et l'accès au cinéma dans les outre mer, proposée par Catherine Conconne, a été adoptée en 2023. Avis défavorable.
Mme Naïma Moutchou, ministre. - Avis défavorable pour les mêmes raisons.
Mme Catherine Conconne. - Tout inscrire dans le BQP serait souhaitable, mais soyons réalistes ! Dans mon territoire, seules deux librairies survivent, et dix ont fermé. Elles sont à flux tendu ; leur existence tient à un fil d'araignée. Demander à baisser le prix du livre, pourquoi pas ? Mais a-t-on prévu une compensation ? Qui paierait ? L'État ?
Je suis la première à souhaiter que les prix baissent, mais veillons à maintenir les équilibres économiques existants, notamment en raison des coûts de transport.
Mme Annick Girardin. - Je rejoins Catherine Conconne. Bien sûr, nous voulons tous que les prix baissent en outre-mer. Dans mon territoire subsiste une seule librairie ! La réalité des territoires ultramarins est diverse. Certes, le problème de la vie chère est commun à tous, mais les solutions diffèrent selon les territoires concernés : Martinique, Guadeloupe ...
Chez moi, le plus gros problème, c'est la suradministration - ce n'est pas forcément le cas ailleurs. À quoi bon tous ces contrôles ? La solution passe par la déconcentration ! (Mme Catherine Conconne applaudit.)
M. Akli Mellouli. - Nous déplorons tous la fermeture des librairies, Hexagone compris.
Nous n'avons pas de moyens et l'inertie vaudrait mieux que le mouvement ?
Mme Annick Girardin. - Il faut une aide au transport !
M. Akli Mellouli. - Les produits culturels coûtent très cher dans les outre-mer : dès lors, il faut les inscrire dans ce texte. C'est une question de philosophie politique. Si nous ne pouvons rien faire, dites-le-moi, cela ne sert à rien d'examiner un tel projet de loi !
Les ultramarins sont des citoyens à part entière, qui ont aussi besoin de culture pour s'émanciper.
M. Victorin Lurel. - Je souhaite aussi intégrer les produits culturels dans le BQP. Il faudrait peut-être des négociations différentes selon les produits.
Akli Mellouli a pris l'exemple du livre, dont le prix est réglementé. Mais d'autres services culturels restent inaccessibles. J'ai du mal à comprendre l'opposition de mes collègues.
Mme Catherine Conconne. - Nous aussi, nous avons du mal à comprendre !
Mme Evelyne Corbière Naminzo. - Notre groupe votera cet amendement : le BQP ne saurait se cantonner aux seuls produits permettant à nos concitoyens de survivre.
Les familles ultramarines sont confrontées à la vie chère lorsqu'elles doivent acheter un livre. Et vous voudriez qu'elles renoncent à ce type d'achat ? Le BQP ne doit pas intégrer les seuls produits alimentaires !
M. Saïd Omar Oili. - Ce débat est surréaliste ! Nous n'avons pas les mêmes territoires ; à Mayotte, 78 % de la population est sous le seuil de pauvreté. On ne peut appliquer les mêmes solutions à tous les territoires. Il faut différencier les solutions ! (Mme Annick Girardin applaudit.)
M. Dominique Théophile. - Comme je le disais dans mon intervention liminaire, c'est de la littérature, alors que quand on parle de prix, on parle de marges, de résultats. Le stockage, le transport : tout cela a un coût ! Nous en sommes conscients.
Si nous voulons améliorer la vie de nos concitoyens, il faut s'attaquer aux marges ! Pour y parvenir, il faut regarder les différences entre les outre-mer et l'Hexagone. Seul l'État peut se charger de la péréquation. (Mme Catherine Conconne applaudit.) On ne peut dissocier la loi sur la vie chère et le budget de l'État.
Les territoires ultramarins sont un joyau pour la France, avec 80 % de l'espace maritime : il faut savoir ce que l'on veut ! Nous avons autour de nous des pays qui peuvent faire davantage. (Mme Catherine Conconne et M. Saïd Omar Oili applaudissent.)
L'amendement n°121 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°82 de M. Lurel et du groupe SER.
M. Victorin Lurel. - J'ai l'impression que nous reprochons au Gouvernement de présenter ce texte, alors que nous avons adopté une proposition de loi le 5 mars dernier, dont le Gouvernement reprend certains éléments. Même sur les amendements les plus simples de coordination, vous appelez à voter contre, et demandez plus de décentralisation et d'autonomie. J'estime, pour ma part, que la politique des petits pas permet d'engranger les dividendes.
Voulons-nous changer structurellement les choses ? Ces amendements n'ont rien d'epsilonesque !
Ici, nous souhaitons intégrer les pièces détachées automobiles et les petits équipements électroménagers au BQP. Édouard Philippe, lors du dixième anniversaire de l'Autorité de la concurrence, annonçait vouloir revoir la propriété intellectuelle sur les pièces détachées automobiles. La France est le seul pays où vous devez vous adresser à des opérateurs agréés, en raison du droit de la propriété intellectuelle, certes réduit désormais de 25 à 10 ans. Ce n'est pas de la bureaucratie supplémentaire : nous demandons de la libéralisation.
M. Frédéric Buval, rapporteur. - Cet amendement va trop loin. Le Conseil d'État a reconnu au BQP un objectif d'intérêt général quand il concerne des produits de consommation. Toute extension à d'autres produits risquerait de fragiliser le dispositif. Avis défavorable.
Mme Naïma Moutchou, ministre. - Le champ du BQP a déjà été ouvert par un amendement de la commission et un autre qui ont été adoptés. Il faut laisser la main au représentant de l'État pour ces sujets. Avis défavorable.
M. Akli Mellouli. - Quelque chose m'échappe peut-être. Il ne s'agit pas de contraindre, mais de définir un périmètre de négociation, ce qui est le principe même du BQP ! Laissons à chaque territoire la liberté de négocier ou non.
Il y a une unité nationale, et non pas une uniformité qui créerait des inégalités.
M. Victorin Lurel. - Le BQP inclura des produits alimentaires, agroalimentaires, du petit électroménager aussi, par exemple. Il faut plusieurs négociations, dont une négociation à part avec la filière automobile pour obtenir une modération sur les pièces détachées.
Depuis toujours, nous encourageons la modération et le volontariat sans mettre de contribution supplémentaire - je le sais pour avoir exercé des responsabilités.
Il manque une volonté gouvernementale. Tout est dans le BQP, vous êtes en train de l'abîmer et de le tuer.
Mme Catherine Conconne. - Je rate très peu de séances de l'OPMR. Je suis quelque peu heurtée par les propos tenus ici à ce sujet. À l'OPMR de Martinique, nous avons inclus les prestations automobiles et le bricolage. Pourquoi ajouter des contraintes, au risque de fragiliser le dispositif ? Je ne comprends pas.
Sur les biens culturels, une loi a été votée pour le cinéma. Les spectacles sont moins chers chez nous qu'ici - deux fois plus moins. Arrêtons de dire que nous n'avons pas accès à la culture ; oui on se cultive, on bénéficie du pass Culture dans nos territoires. Si nous réduisons le prix des biens culturels, cela fragilisera le secteur, donc les artistes. Qui va payer pour ces mesures ?
Mme Naïma Moutchou, ministre. - Je vois de l'obligation et non de la souplesse dans cet amendement. Faites confiance au préfet. Les produits de bricolage ne figurent pas dans la liste à La Réunion mais la discussion a bien eu lieu.
L'amendement n°82 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°83 de M. Lurel et du groupe SER.
M. Victorin Lurel. - Avec le BQP, il est question d'incitation, de lois comportementales. Mais quand des entreprises ne respectent pas leurs obligations, il n'y a pas de sanction. De premières sanctions figurent dans le texte. Nous demandons de faire savoir qui participe et qui ne participe pas aux négociations relatives au BQP, dans une logique de name and shame.
M. Frédéric Buval, rapporteur. - Je doute que les entreprises conviées à participer au BQP adhèrent à cette disposition. Ne stigmatisons pas à outrance les acteurs économiques ultramarins. Sagesse.
M. Victorin Lurel. - Quelle surprise !
Mme Catherine Conconne. - Acceptez la démocratie et la négociation.
Mme Naïma Moutchou, ministre. - Je crains la confusion : on dirait que l'entreprise n'a pas participé et ensuite celle-ci pourrait adhérer au BQP. Mais je transforme mon avis défavorable en avis de sagesse pour rejoindre le rapporteur.
M. le président. - Vous voyez, les débats en séance ont parfois le pouvoir de modifier un avis !
L'amendement n°83 est adopté.
Présidence de M. Pierre Ouzoulias, vice-président
M. le président. - Amendement n°16 rectifié de Mme Malet et alii.
Mme Viviane Malet. - Les avancées de ces dernières années sont trop faibles. Nous souhaitons élargir le BQP à des produits basiques à titre expérimental à La Réunion et de le renommer « bouclier contre la vie chère ».
Mme Micheline Jacques, rapporteur. - L'adoption de cet amendement transformerait l'économie réunionnaise en économie presque entièrement réglementée, ce qui n'est pas l'objectif du BQP. La création, par ce projet de loi, d'un BQP services, que la commission des affaires économiques a rendu obligatoire, constitue une première réponse. Le préfet pourra se saisir de la question de l'entretien automobile ou des abonnements téléphoniques avec l'appui des OPMR. Retrait, sinon avis défavorable.
Mme Naïma Moutchou, ministre. - Cet amendement contient une longue liste ! Il n'est pas opportun d'inclure de telles énumérations dans la loi. Comment fonctionnerait ce bouclier pour des produits qui relèvent de quatre autres mécanismes ? Avis défavorable.
L'amendement n°16 rectifié est retiré.
M. le président. - Amendement n°17 rectifié de Mme Malet et alii.
Mme Viviane Malet. - Cet amendement vise à instaurer un pourcentage minimal de produits locaux dans la liste des produits dont les prix sont modérés, de façon progressive de 55 % du chiffre d'affaires total en valeur pour 2026 à 75 % en 2030 et au-delà. Il s'agit d'encourager la consommation de produits locaux par la population réunionnaise.
Mme Micheline Jacques, rapporteur. - La promotion des productions locales a été prise en compte ; nous avons adopté un amendement en ce sens. La Réunion est allée plus loin en la matière et est en mesure d'assumer cet objectif ambitieux. Sagesse.
Mme Naïma Moutchou, ministre. - Je crains la mise en place de cadres trop contraignants. Laissons de la place à la souplesse et à l'adaptation. Retrait sinon avis défavorable.
L'amendement n°17 rectifié est adopté.
M. le président. - Amendement n°18 rectifié de Mme Malet et alii.
Mme Viviane Malet. - Cet amendement vise à faire en sorte que les produits du BQP ne soient pas les parents pauvres des linéaires de magasins. Ils représentaient entre 4,5 et 4,9 % de l'activité des distributeurs. Prévoyons un pourcentage minimum de ces produits dans le BQP, lui aussi progressif.
Mme Micheline Jacques, rapporteur. - Ce n'est pas le rôle du législateur de traiter de la part du chiffre d'affaires des distributeurs. Avis défavorable.
Mme Naïma Moutchou, ministre. - Même avis.
L'amendement n°18 rectifié est retiré.
L'article 2, modifié, est adopté.
Après l'article 2
M. le président. - Amendement n°1 rectifié de M. Fouassin et du RDPI.
M. Stéphane Fouassin. - Dans nos territoires d'outre-mer, la consigne n'est pas une idée nouvelle. Il s'agit de reconnaître et renforcer ces pratiques vertueuses en les intégrant au BQP. En encourageant la consigne et le réemploi, nous faisons un pas concret vers l'économie circulaire.
M. le président. - Amendement identique n°46 de Mme Bélim et du groupe SER.
Mme Audrey Bélim. - Cette consigne est une solution concrète pour réduire le volume de déchets à traiter mais surtout pour développer des circuits courts adaptés aux réalités insulaires.
M. le président. - Amendement identique n°142 de Mme Malet.
Mme Viviane Malet. - Cet amendement correspond aux recommandations du rapport de la délégation aux outre-mer.
À La Réunion, un système de réemploi sur les bouteilles de bières fonctionne très bien depuis plusieurs années. Il fournit un petit revenu complémentaire aux personnes concernées et évite d'enfouir des tonnes de verre.
M. Frédéric Buval, rapporteur. - Une telle faculté n'a pas besoin d'être ouverte par la loi. Aux acteurs locaux de s'en saisir lors de la négociation du BQP. Avis défavorable.
Mme Naïma Moutchou, ministre. - Avis favorable : cela favorise l'économie circulaire.
Les amendements identiques nos1 rectifié, 46 et 142 sont adoptés et deviennent un article additionnel.
M. le président. - Amendement n°38 rectifié ter de Mme Pétrus et alii.
Mme Annick Petrus. - Le BQP est une mesure utile mais ne peut remplir son rôle que s'il est visible. À Saint-Martin, les accords ont été signés en 2024, les acteurs ont joué le jeu, mais les produits sont trop peu ou mal signalés dans les magasins. Résultat : les consommateurs se trompent parfois.
Assurons une mise en valeur claire des produits du BQP : aucune charge pour les enseignes, mais une garantie réelle d'information. Si l'État met en place des outils de régulation, il faut que ces derniers soient accessibles. Nous rendons ainsi la République tangible pour les Saint-Martinois.
M. Frédéric Buval, rapporteur. - Cette problématique est commune à tous les outre-mer. La réponse ne peut faire l'objet d'une mesure ne touchant qu'un seul territoire. Les acteurs locaux doivent se saisir du problème lors des négociations du BQP. C'est aussi l'affaire des agents de la DGCCRF lors des contrôles qu'ils mènent ; des amendes sont prévues en cas de manquements. Avis défavorable.
Mme Naïma Moutchou, ministre. - Je comprends l'objet de votre amendement. Le décret de juillet 2025 prévoit des mesures en la matière. L'amendement est donc satisfait. Retrait sinon avis défavorable.
L'amendement n°38 rectifié ter n'est pas adopté.
Article 3
M. le président. - Amendement n°2 rectifié de M. Fouassin et du RDPI.
M. Stéphane Fouassin. - Il s'agit de rendre opérationnel le mécanisme de contrôle des prix, qui est trop centralisé. Lors du passage du cyclone Chido, chaque heure comptait. Or la publication du décret de fixation des prix a pris quatre jours. Autorisons le préfet à intervenir temporairement en la matière pour lutter efficacement contre les dérives tarifaires.
M. le président. - Amendement identique n°64 de Mme Bélim et du groupe SER.
Mme Audrey Bélim. - L'article 15 de la loi Lurel n'a jamais été mis en oeuvre en raison de sa lourdeur excessive et de son inadéquation aux réalités locales. L'erreur est humaine, mais persévérer est diabolique. Pourquoi maintenir une telle procédure qui ne fonctionne pas ?
Mme Micheline Jacques, rapporteur. - Il s'agit de déconcentrer la procédure de régulation des prix en permettant au préfet de prendre des mesures temporaires. Cette mesure ne changerait pas profondément la logique de déclenchement, la procédure continuant de relever de l'État. Surtout, elle réduirait la sécurité juridique du dispositif. Avis défavorable.
Mme Naïma Moutchou, ministre. - Vous supprimez le décret en Conseil d'État et l'avis de l'Autorité de la concurrence, gages de sécurité juridique au regard de la liberté d'entreprendre. La procédure actuelle a été mise en oeuvre à plusieurs reprises, notamment après Chido, sans qu'aucune défaillance ne soit relevée. Retrait, sinon avis défavorable.
M. Victorin Lurel. - Je comprends la prudence de la ministre, moins celle de la commission. Quatre jours, on peut trouver que c'est bref ou que c'est long... Nous voulons plus de réactivité. Or un décret en Conseil d'État après avis de l'Autorité de la concurrence, c'est lourd et long. Chez moi, lors des pénuries d'eau, le prix du mètre cube dépasse parfois 10 euros. Le préfet doit pouvoir réagir rapidement ! Faisons preuve d'audace.
M. Saïd Omar Oili. - J'ai vécu Chido. Les prix ont augmenté de plus de 50 %, parce qu'il n'y avait plus rien. Il a fallu quatre jours pour que le préfet prenne les mesures nécessaires. Il doit pouvoir agir plus vite, sans attendre les directives de Paris. C'est une mesure de sagesse et de responsabilité.
Les amendements identiques nos2 rectifié et 64 sont adoptés.
M. le président. - Amendement n°84 de M. Lurel et du groupe SER.
M. Victorin Lurel. - Le texte subordonne la réglementation à des circonstances exceptionnelles ou des prix excessifs. Ce conditionnement ferme la procédure. Nous voulons un État réactif sans condition.
M. Frédéric Buval, rapporteur. - Les conditions prévues sont suffisamment larges. Avis défavorable.
Mme Naïma Moutchou, ministre. - Même avis. L'adverbe « notamment » rendrait le dispositif trop flou, ce qui risquerait même de le rendre inopérant. Retrait ?
L'amendement n°84 est retiré.
M. le président. - Amendement n°20 rectifié de Mme Ramia et du RDPI.
Mme Salama Ramia. - Le préfet doit pouvoir intervenir lorsque les conditions de déclenchement du plan Orsec ne sont pas réunies. Mayotte connaît une crise de l'eau sans précédent : les coupures d'eau peuvent durer quatre jours. Nous répondre que cela ira mieux en 2027, après les travaux de l'usine de dessalement, n'est pas acceptable ! Il faut une intervention locale en temps réel, pour plus d'efficacité.
M. Frédéric Buval, rapporteur. - Le prix de l'eau en bouteille outre-mer peut déjà être réglementé. Le Gouvernement a agi rapidement après le cyclone qui a frappé Mayotte. Une procédure simplifiée n'est pas pertinente. Avis défavorable.
Mme Naïma Moutchou, ministre. - Je suis embarrassée : sur le principe, je suis favorable à votre amendement, mais l'adoption des amendements identiques nos2 rectifié et 64 accorde déjà des compétences élargies au représentant de l'État. Sagesse, en attendant la suite de la navette.
L'amendement n°20 rectifié est adopté.
M. le président. - Amendement n°47 de Mme Bélim et du groupe SER.
Mme Audrey Bélim. - Précisons la notion de circonstances exceptionnelles pour sécuriser le dispositif et en faciliter le déclenchement. Des hausses de prix abusives ont été constatées à La Réunion après les cyclones de 2018 et 2022 comme à la suite des épidémies de chikungunya et de dengue. Les perturbations affectant les transports entraînent également des tensions inflationnistes structurantes. Nous voulons donc outiller juridiquement l'État pour qu'il puisse intervenir rapidement et sécuriser les préfets en leur donnant des critères clairs.
Mme Micheline Jacques, rapporteur. - Nous ne sommes pas convaincus que l'énumération proposée, même non limitative, faciliterait le déclenchement de la procédure. De manière paradoxale, elle pourrait même le restreindre. Avis défavorable.
Mme Naïma Moutchou, ministre. - Les précisions proposées ne rigidifient rien. Avis favorable.
L'amendement n°47 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°85 de M. Lurel et du groupe SER.
M. Victorin Lurel. - Les associations de consommateurs agréées, susceptibles d'ester en justice, doivent pouvoir saisir le préfet lorsqu'elles constatent des hausses de prix excessives.
Mme Micheline Jacques, rapporteur. - L'article 6 élargit la faculté de saisine aux présidents d'OPMR : c'est suffisant pour améliorer la réactivité du Gouvernement. Avis défavorable. (M. Victorin Lurel le déplore.)
Mme Naïma Moutchou, ministre. - Même avis.
L'amendement n°85 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°86 de M. Lurel et du groupe SER.
M. Victorin Lurel. - Pour garantir une plus grande réactivité de l'État, le préfet devrait répondre dans un délai d'un mois.
M. Frédéric Buval, rapporteur. - Dans ce délai, les préfets devraient aussi fournir une réponse motivée. Ce serait trop contraignant pour eux, sans faciliter le déclenchement du dispositif. Avis défavorable.
Mme Naïma Moutchou, ministre. - Même avis : le délai proposé serait insuffisant en pratique et la notification interférerait avec le pouvoir du Premier ministre.
M. Victorin Lurel. - Le second argument de Mme la ministre me paraît sérieux.
L'amendement n°86 est retiré.
M. le président. - Amendement n°37 rectifié ter de Mme Petrus et alii.
Mme Annick Petrus. - Il faut faire la transparence sur les mécanismes de la vie chère à Saint-Martin, qui ne sont pas les mêmes que dans les autres territoires ultramarins. Compte tenu de cette singularité, liée en particulier à la double insularité, nous ne pouvons pas être considérés comme un simple appendice. L'OPMR devrait consacrer une analyse spécifique à Saint-Martin dans son rapport annuel, afin notamment d'objectiver les coûts logistiques et les frais d'approche et de présenter des pistes de diversification : ce serait un outil d'aide à la décision en même temps qu'une marque de reconnaissance. Nous ne proposons pas une structure nouvelle, mais souhaitons un regard lucide et adapté sur notre territoire.
M. Frédéric Buval, rapporteur. - Préciser dans la loi le contenu de ce rapport n'est pas justifié. S'il s'agit d'un amendement d'appel, la question est bien suivie. Retrait, sinon avis défavorable.
Mme Naïma Moutchou, ministre. - Même avis.
L'amendement n°37 rectifié ter n'est pas adopté.
L'article 3, modifié, est adopté.
Après l'article 3
M. le président. - Amendement n°87 de M. Lurel et du groupe SER.
M. Victorin Lurel. - Nous continuons de chercher à améliorer le texte sans l'alourdir. Il s'agit d'ajouter les situations anormales de marché aux conditions de déclenchement de la procédure de réglementation des prix. L'expression « manifestement anormale » figurait dans un texte antérieur. Il y a aussi le problème des marges excessives - mais encore faut-il que celles-ci puissent être objectivées...
Mme Micheline Jacques, rapporteur. - Les conditions prévues sont suffisamment larges : avis défavorable.
Mme Naïma Moutchou, ministre. - Sur la forme, le dispositif proposé s'appliquerait aussi dans l'Hexagone, ce qui excède l'objet du présent projet de loi. Sur le fond, la notion de marges excessives serait d'un maniement difficile. Le cadre actuel nous paraît suffisant. Avis défavorable.
M. Victorin Lurel. - Que l'Hexagone s'inspire un peu de ce qui se passe en outre-mer ne serait pas une mauvaise chose... (Sourires)
L'amendement n°87 est retiré.
M. le président. - Amendement n°48 de Mme Bélim et du groupe SER.
Mme Audrey Bélim. - Nous voulons doter les OPMR de la personnalité morale, une demande très largement soutenue dans les territoires ultramarins. Au reste, cette évolution a été votée par l'Assemblée nationale en février dernier, à la faveur de l'examen de la proposition de loi socialiste visant à lutter contre la vie chère et à réguler la concentration des acteurs économiques en outre-mer. L'absence de personnalité juridique est un frein à l'action de ces structures, s'ajoutant à leur sous-dotation financière et humaine. Cette mesure serait une première étape dans le renforcement de leur efficacité.
Mme Micheline Jacques, rapporteur. - Une réflexion sur le sujet a été lancée par le Gouvernement : il n'y a pas d'urgence à voter cette mesure. Il faut surtout mieux articuler les moyens de ces structures avec leurs missions. Avis défavorable à ce stade, mais le Gouvernement peut-il préciser ses intentions ?
Mme Naïma Moutchou, ministre. - Il est légitime de vouloir renforcer les pouvoirs des OPMR. Des décrets ont été pris en ce sens fin juillet, et l'article 6 bis a également cette ambition. Mais il faut pouvoir s'appuyer sur un bilan précis. C'est pourquoi je serai favorable à l'amendement suivant, qui demande un rapport sur le sujet. En l'absence de ces éléments de fond, doter les OPMR de la personnalité morale ne me semble pas souhaitable pour le moment. Avis défavorable.
M. Victorin Lurel. - Je suis un peu estomaqué... Les OPMR ont été créés, par M. Mariton, il y a plus de quinze ans. Or ils ne sont toujours que virtuels, pour ainsi dire, sans pouvoir ni budget. Et les choses pourraient rester en l'état ? Vous refusez donc de donner une personnalité morale à ces structures : je sais bien que ce n'est pas dans l'air du temps, puisque vous voulez supprimer les autorités indépendantes... Il est pourtant nécessaire de structurer les OPMR et de leur donner des moyens. Pardonnez-moi, j'allais dire un mot un peu vulgaire ; je me retiens pour rester élégant.
Mme Annick Girardin. - M. Lurel et moi avons été ministres des outre-mer : madame la ministre, nous avons lu les mêmes fiches que vous... Reste que le système actuel ne fonctionne pas. Les moyens des OPMR ne sont pas suffisants, même s'ils ont été multipliés par trois à la demande du Président de la République. Sur le plan des effectifs, en particulier, le compte n'y est pas. Peut-être pouvez-vous prendre l'engagement d'aller plus vite ? Quels sont les prochains rendez-vous précis que nous pourrions nous donner ?
Mme Naïma Moutchou, ministre. - Je le répète : sur le principe, l'idée est intéressante, mais nous avons besoin d'éléments de fond. C'est pourquoi je donnerai un avis favorable à la demande de rapport qui sera examinée dans quelques instants. Mon cabinet est à votre disposition pour avancer.
L'amendement n°48 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°106 de Mme Bélim et du groupe SER.
Mme Audrey Bélim. - Amendement de repli : nous demandons un rapport sur les pistes d'évolution des OPMR.
M. Frédéric Buval, rapporteur. - Il faut, en effet, mieux articuler les moyens de ces structures à leurs missions, mais nul besoin d'un énième rapport sur le sujet. Avis défavorable.
Mme Naïma Moutchou, ministre. - Madame Girardin, j'ai sous les yeux ma fiche, sur laquelle est inscrit un avis défavorable. Mais, comme je l'ai annoncé, ce rapport me paraît utile et je donne un avis favorable !
L'amendement n°106 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°68 de M. Lurel et du groupe SER.
M. Victorin Lurel. - Nous souhaitons compléter le dispositif d'encadrement des frais bancaires, figurant dans la loi de 2012 qui porte mon nom, en précisant les frais qui y sont soumis. Il reste en effet à faire dans ce domaine - je pense en particulier aux frais de tenue de compte.
M. Frédéric Buval, rapporteur. - Le dispositif proposé n'aurait aucun effet pratique, l'encadrement des frais bancaires étant déjà prévu : avis défavorable.
Mme Naïma Moutchou, ministre. - Ce n'est pas une question anodine. Sagesse.
Mme Audrey Bélim. - La commission d'enquête de 2023 pointait déjà les écarts en matière de frais bancaires entre l'Hexagone et l'outre-mer. Et on ne ferait toujours rien ? Ces frais concernent tous nos concitoyens ultramarins. Si on veut vraiment lutter contre la vie chère, il faut agir sur tous les leviers !
M. Victorin Lurel. - J'entends les propos de notre excellent rapporteur, mais l'Observatoire des tarifs bancaires a montré en avril dernier que dix-sept prestations ne respectaient pas la moyenne pondérée, en violation de la loi. Nous devons corriger tout cela !
L'amendement n°68 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°34 rectifié de M. Lurel et alii.
M. Victorin Lurel. - Moult rapports - le dernier de l'IGF - ont été publiés sur la réglementation des produits pétroliers. En 2014, des arrêtés-cadres ont été pris pour encadrer le prix des carburants. Grâce à une fiscalité locale vertueuse, les écarts en notre défaveur restent contenus. Toutefois, certaines pratiques demeurent inacceptables, comme les frais de trading, qui peuvent représenter 4,7 dollars par baril. Il faut les contrôler !
M. le président. - Amendement n°32 rectifié de M. Lurel et alii.
M. Victorin Lurel. - Défendu.
M. Frédéric Buval, rapporteur. - Le sujet est d'importance, mais le Sénat n'est guère friand de rapports, et ce n'est pas un rapport de plus qui résoudrait les problèmes. Avis défavorable.
Mme Naïma Moutchou, ministre. - En effet, la réponse n'est pas dans un rapport. Des groupes de travail ont été mis en place à la suite du Ciom de 2023. Je reviendrai vers vous prochainement avec des solutions concrètes. Avis défavorable.
L'amendement n°34 rectifié n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°32 rectifié.
M. le président. - Amendement n°33 rectifié de M. Lurel et alii.
M. Victorin Lurel. - On accuse souvent les élus de manquer de courage face aux professions réglementées, juridiques ou de santé. Lorsque M. Macron a défendu sa loi libéralisant la vie économique, il a tenté d'introduire plus de concurrence dans certaines professions. Ainsi des notaires - chez nous, c'est 25 % plus cher ! Mais aussi des huissiers ou des pharmaciens - les écarts de prix avec l'Hexagone atteignent 40 et 32 %... Je ne dis pas que ce n'est pas nécessaire ; je dis qu'un rapport serait utile à l'information du Parlement.
M. Frédéric Buval, rapporteur. - Encore une demande de rapport, cette fois sur les majorations applicables aux tarifs réglementés des professions du droit dans les outre-mer. Avis défavorable.
Mme Naïma Moutchou, ministre. - Il n'y a pas de tabou, sur aucun sujet. L'Autorité de la concurrence a publié un avis en 2019 : c'est trop ancien pour justifier une révision des taux de majoration. Des données supplémentaires seraient en effet intéressantes. Avis favorable.
L'amendement n°33 rectifié n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°35 rectifié de M. Lurel et alii.
M. Victorin Lurel. - Dans le même esprit, il s'agit ici des tarifs des professionnels de santé. Je le répète : je ne demande pas une suppression des majorations, mais une évaluation en vue d'éventuelles révisions. Il s'agit de vérifier si les écarts de prix sont toujours justifiés. Merci pour votre soutien, madame la ministre.
M. Frédéric Buval, rapporteur. - Même avis que précédemment.
Mme Naïma Moutchou, ministre. - La majoration des prix de vente des médicaments par les officines ultramarines se justifie par les coûts d'approvisionnement élevés liés à l'éloignement. Toutefois, un rapport pour objectiver ces coûts paraît opportun dans le contexte de vie chère. Avis favorable.
Mme Catherine Conconne. - Attention à l'effet boomerang ! Nombre de pharmacies risquent la liquidation judiciaire, du fait notamment de la concurrence féroce des parapharmacies. Faisons donc très attention à ne pas faire s'effondrer le système. Non, tous les pharmaciens ne sont pas riches : certains touchent le Smic, d'autres ne se paient pas tous les mois. Ils emploient de nombreuses personnes et font face à des coûts élevés, notamment pour le stockage. Ne déshabillons pas Saint-Paul pour habiller Saint-Pierre !
L'amendement n° 35 rectifié n'est pas adopté.
Article 4
M. le président. - Amendement n°40 de Mme Conconne et alii.
Mme Catherine Conconne. - Il s'agit de supprimer l'article. Je l'ai dit dans la discussion générale : ce texte a été élaboré à la hâte, sur des arguments pas toujours fondés ; il aurait mérité plus de concertation. Pour vivre sur place, je peux vous dire que certains éléments manquent pour avoir une appréciation juste. Ainsi, des entreprises privées ont investi dans le domaine de la logistique. Or l'article 4 prévoit une concession : que vont-elles devenir ? Au reste, si l'État a du foncier en Martinique près du port ou de l'aéroport, nous sommes très preneurs - pour ma part, je n'en connais pas... Bref, on invente un truc pour faire croire que l'État ne peut rien faire ni rien mettre sur la table pour assurer la continuité territoriale !
M. Frédéric Buval, rapporteur. - Le développement du e-commerce, entravé en Martinique par des difficultés structurelles, souffre d'une carence de l'initiative privée. La création d'un e-hub engendrerait de nouveaux flux commerciaux. La commission a adopté un amendement privilégiant les entreprises établies en Martinique, un autre prévoyant que les entreprises utilisant le e-hub devront respecter les normes de RSE. Moyennant ces garde-fous, l'expérimentation proposée mérite d'être tentée. Elle renforcera la concurrence et permettra de lutter contre des oligopoles. Avis défavorable.
Mme Naïma Moutchou, ministre. - Même avis. Il s'agit d'une expérimentation : mutualiser la logistique dans un contexte de défaillance du marché. Vous dénoncez des imprécisions, mais de nombreuses modalités relèvent du cahier des charges. L'objectif n'est pas de concurrencer les opérateurs existants, mais d'agir en complémentarité.
La dynamique du petit import constitue une avancée : le consommateur martiniquais a accès à des produits issus du e-commerce. Or le système actuel, fondé sur des initiatives informelles plus ou moins encadrées, ne permet pas la structuration de ce type de commerce ni de garanties suffisantes sur la traçabilité et la conformité des produits. Il engendre opacités tarifaires et risques juridiques.
L'expérimentation du e-hub vise à remédier à cette fragmentation en proposant une solution logistique collective, solide sur le plan juridique et transparente. Les acteurs économiques locaux pourront intégrer la chaîne du e-commerce et les consommateurs accéder à des produits dans un cadre sécurisé, sans se faire avoir. Je suis donc particulièrement défavorable à cette demande de suppression.
Mme Catherine Conconne. - L'expérimentation se fait déjà, puisque trois ou quatre plateformes font ce que vous décrivez ! Pourquoi les prix baisseraient-ils ? Quelle est la valeur ajoutée de ce système inventé par l'État ? Aucune !
Vous dites que les consommateurs ne doivent pas se faire avoir : c'est révélateur... Il y aurait des loups, des escrocs partout !
La concession proposée ne présente aucun, absolument aucun intérêt. On marche sur la tête !
M. Dominique Théophile. - Si l'article était supprimé, mon amendement deviendrait-il sans objet ? Dans l'affirmative, pourquoi n'est-il pas intégré à une discussion commune ?
M. le président. - Les amendements de suppression sont toujours examinés en premier.
M. Akli Mellouli. - Je n'ai pas la chance d'habiter en Martinique, mais je voterai cet amendement. S'il faut un hub, c'est pour soutenir la production locale, comme à Rungis. On perd le sens des réalités...
M. Victorin Lurel. - Je partage l'esprit des propos de Mme Conconne. L'État ne met rien sur la table, n'aide pas la mise en oeuvre des projets. Ici, il mettrait en place une concession. Mais l'acteur privé devra rentabiliser son investissement - c'était le même problème pour les bandes passantes, et nous avons dû nous battre pour faire baisser les tarifs. L'État devrait pallier les défaillances des acteurs privés, mais, en l'occurrence, il y a des acteurs qui investissent ! L'État, lui, ne met pas un kopeck dans cette initiative, pas un sou vaillant. Supprimons cet article.
Mme Naïma Moutchou, ministre. - Je voudrais tenter de convaincre Mme Conconne - ou au moins la faire douter... Vous nous dites que vous êtes satisfaite du e-commerce en Martinique ? Les Martiniquais ne le sont pas...
Mme Catherine Conconne. - Vous connaissez mieux que moi les Martiniquais ? Bravo !
Mme Naïma Moutchou, ministre. - La délégation, la Direction générale des entreprises (DGE) et les acteurs locaux font le même constat : le e-commerce est 10 à 50 fois plus faible en outre-mer que dans l'Hexagone. Les grandes enseignes - Amazon, Cdiscount - ne livrent pas les départements d'outre-mer...
Mme Catherine Conconne. - C'est faux !
Mme Naïma Moutchou, ministre. - ...contraignant les consommateurs à passer par des réexpéditeurs ou des plateformes émergentes. C'est une rupture d'égalité dans l'accès aux biens de consommation. Pourtant, on observe une explosion des flux asiatiques : la demande est donc bien là !
Sur la question foncière, un certain nombre de friches à réhabiliter ont déjà été repérées.
Il n'y a pas de concurrence déloyale. Il s'agit de renforcer le tissu commercial ultramarin en offrant aux commerçants physiques locaux un canal logistique structuré. Leurs opérations de stockage et de livraison en seront facilitées.
Monsieur Lurel, on ne peut pas dire « il faut supprimer le dispositif » et en même temps demander son extension aux autres collectivités ! Si vous voulez l'étendre, c'est qu'il y a bien un intérêt à l'expérimenter.
Mme Catherine Conconne. - Tout cela est faux !
M. Daniel Salmon. - Respectons l'avis de l'assemblée de la Martinique, qui s'oppose à la création de ce hub.
Mme Catherine Conconne. - J'en suis membre !
L'amendement n°40 n'est pas adopté.
(Mme Catherine Conconne proteste.)
M. le président. - Amendement n°23 de M. Théophile.
M. Dominique Théophile. - Cet amendement ramène de cinq à trois ans la durée de l'expérimentation. Trois ans, c'est suffisant pour évaluer la pertinence du dispositif et l'élargir rapidement à d'autres collectivités comme Mayotte.
M. Frédéric Buval, rapporteur. - Si l'expérimentation n'est pas concluante, on y mettra fin. Si c'est un succès, elle sera pérennisée et étendue à d'autres territoires.
La durée de cinq ans permettra d'amortir les investissements et de faire évoluer durablement les comportements d'achats. Mais trois ans, c'est trop court : la recherche d'un opérateur risque d'être infructueuse. Avis défavorable.
Mme Naïma Moutchou, ministre. - Conservons un calendrier réaliste. Après l'appel d'offres, une phase de montée en charge est à prévoir, puis une phase de maturation du service ; une durée de cinq ans permet ainsi d'avoir une évaluation plus complète et d'amortir les investissements engagés. Avis défavorable.
Mme Catherine Conconne. - Quelle qu'en soit la durée, je m'oppose à ce dispositif qui n'est pas soutenu par les Martiniquais. Un acteur local a été repéré par Amazon à l'occasion d'une audition au Sénat. Amazon lui a proposé de devenir son bras armé sur le territoire ; maintenant, c'est fait ! Alors, pourquoi ce dispositif ? Qui va payer ?
Je connais un peu mieux mon pays que d'autres ! Ce dispositif ne verra pas le jour, je m'en occupe personnellement.
Mme Salama Ramia. - Tous les territoires ne sont pas les mêmes. À Mayotte, les acteurs économiques souhaitent cette expérimentation dans l'océan Indien, car nous connaissons d'énormes difficultés logistiques ! Malheureusement, mon amendement a été jugé irrecevable.
Mme Catherine Conconne. - Changeons d'océan ! Passons de l'Atlantique à l'Indien !
Mme Micheline Jacques, rapporteur. - Il n'était pas question de plateformes semi-publiques lors des travaux de la délégation. Nous avons auditionné toutes les personnes concernées, dont le représentant de la collectivité territoriale de Martinique (CTM) qui avait laissé entendre que sa collectivité soutenait la demande et qu'elle mettrait à disposition un hangar de 1 200 m2. Je suis confuse, car je n'ai pas l'habitude de prendre des initiatives pour des territoires autres que le mien. Nous avons travaillé avec Frédéric Buval qui représente aussi la Martinique.
Mme Catherine Conconne. - Élue à la CTM, je sais ce que nous avons proposé, qui n'a rien à voir !
Mme Evelyne Corbière Naminzo. - Nous aussi avions déposé un amendement pour étendre ce service public logistique maritime à La Réunion, notamment - mais il a été déclaré irrecevable.
Pour réduire la dépendance structurelle de nos territoires aux importations de métropole, il faut diversifier les approvisionnements et importer les produits de consommation courante depuis nos voisins géographiques. Nous déplorons que le projet de loi ne renforce pas l'insertion des outre-mer dans leur environnement régional. La diversification des approvisionnements pourrait réduire les coûts logistiques de 15 à 20 % et diviser l'empreinte carbone par deux ! Les accords régionaux sont sous-exploités. Pourtant, ils sécuriseraient les approvisionnements et soutiendraient l'économie locale.
Le rapport de la délégation aux outre-mer le dit : il est « urgent d'engager les investissements nécessaires, sans lesquels il est inenvisageable de concevoir une stratégie économique crédible vis-à-vis des partenaires régionaux. » (M. Pascal Savoldelli applaudit.)
M. Victorin Lurel. - Madame la ministre, nulle incohérence dans mes positions.
On demande plus de responsabilité et d'autonomie, pour des collectivités majeures, mais vous choisissez d'imposer par le sommet.
Comment allez-vous choisir ce délégataire ? Pourquoi pas Amazon ou une autre très grande plateforme numérique ? Si vous privilégiez une entreprise locale, il faudra justifier votre choix.
L'amendement n°23 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°148 de Mme Jacques et M. Buval, au nom de la commission des affaires économiques.
M. Frédéric Buval, rapporteur. - Le e-hub ne doit pas être un cheval de Troie pour Shein, Temu ou Amazon : il doit être réservé aux entreprises martiniquaises. Nous avons travaillé à une rédaction juridiquement plus sécurisée.
Mme Naïma Moutchou, ministre. - L'article 4 prévoit que les entreprises établies en Martinique en bénéficient en priorité. Si l'objectif est louable, il y a un risque de rupture d'égalité (Mme Catherine Conconne ironise) et l'on s'expose à une incompatibilité avec le droit européen.
Avec votre amendement, le dispositif est ouvert à tous, mais, dans les faits, il bénéficiera avant tout aux acteurs locaux. Cette rédaction me semble juridiquement solide. Avis favorable.
Mme Catherine Conconne. - On touche aux limites du système. On évite Temu, Shein et Amazon, mais pour mettre qui ?
Élue à la CTM, je sais un peu ce qu'il s'y passe... La CTM a souhaité que des infrastructures soient prévues pour des importations en zone franche, d'où la proposition de hangar.
Il y a trois semaines, le président du conseil exécutif, Serge Letchimy, m'a dit : « Vous les parlementaires, vous voulez qu'on importe à tout-va tout ce qui se fait dans le monde ! » Je lui ai dit que cela ne passerait pas par moi. Il m'a répondu : « Je connais ta philosophie politique, je compte sur toi. » Je sais de quoi je parle !
Nous revendiquons un pouvoir normatif autonome. Quelle est la valeur ajoutée de l'État dans ce dossier ? Rien ! Pas un kopeck ! Laissez-nous faire nos affaires ! (Sourires ; MM. Saïd Omar Oili et Philippe Grosvalet applaudissent.)
M. Victorin Lurel. - D'après l'exposé des motifs, le but n'est pas d'exclure certaines entreprises, mais l'effet sera le même. Vous allez au-devant d'un problème juridique : vous serez obligés de caviarder le règlement et de faire une fausse mise en concurrence. C'est une usine à gaz !
La ministre affirme que l'on pourra exporter, mais l'État est défaillant ! Il prend une initiative qu'il ne finance pas. Je m'abstiendrai, pour faire plaisir à la rapporteure Micheline Jacques.
L'amendement n°148 est adopté.
L'article 4, modifié, est adopté.
Après l'article 4
M. le président. - Amendement n°30 rectifié de M. Lurel et alii.
M. Victorin Lurel. - Il s'agit d'une demande de rapport pour inciter à la création de centrales régionales d'approvisionnement. MM. Carenco et Valls étaient d'accord. Les centrales d'achat existantes acceptent enfin la compétition. C'est un amendement d'appel.
Mme Micheline Jacques, rapporteur. - Outre la position traditionnelle du Sénat sur les demandes de rapport, les missions de ces centrales se recouperaient largement avec celles du e-hub. Avis défavorable.
Mme Naïma Moutchou, ministre. - Même avis.
L'amendement n°30 rectifié n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°88 de M. Lurel et du groupe SER.
M. Victorin Lurel. - Il s'agit de contrôler l'effectivité de la répercussion des baisses de fiscalité sur le niveau des prix de détail. Gare aux captations de marges !
Mme Micheline Jacques, rapporteur. - Ce dispositif est lourd et contraignant, alors que la relation entre baisse de la fiscalité et baisse des prix n'est pas directe. Avis défavorable.
Mme Naïma Moutchou, ministre. - Même avis.
L'amendement n°88 n'est pas adopté.
Article 5 (Supprimé)
M. le président. - Amendement n°140 du Gouvernement.
Mme Naïma Moutchou, ministre. - L'article 5 habilitait le Gouvernement à prendre par ordonnance des mesures pour réduire les frais d'approche sur les produits de première nécessité importés, grâce à la péréquation avec les frais d'approche des produits à plus forte valeur ajoutée. En effet, selon la chambre de commerce et d'industrie (CCI) de Martinique, ces frais représentent 12 % du prix de vente au consommateur et 67 % du différentiel de prix avec l'Hexagone.
La commission des affaires économiques a supprimé cet article préférant que les dispositions soient écrites directement dans la loi.
Le mécanisme devait être consolidé au regard du droit européen - d'où la demande d'habilitation. Mais nous avons travaillé pour inscrire ce dispositif dans le dur.
Cet amendement introduit donc un mécanisme de péréquation des frais d'approche par l'ensemble des acteurs de la chaîne de commercialisation, afin de faire baisser le prix de vente des produits de grande consommation. Le mécanisme sera étendu à l'ensemble des collectivités territoriales de l'article 73 de la Constitution. Un organisme dédié sera chargé de percevoir les contributions et d'opérer les restitutions.
Comme prévu par le point 12 du protocole, des contributions volontaires privées, notamment celle de la CMA-CGM, pourront intervenir - cette entreprise ne pourra toutefois pas être la seule à contribuer.
Comme prévu par le point 13, l'État accompagne ce dispositif par l'expertise de ses services, mais les modalités juridiques retenues ne prévoient pas sa participation financière, car cela serait contraire au droit européen sur les aides d'État.
Je serai donc défavorable aux amendements prévoyant une participation de l'État : ce n'est pas ce qui était prévu et cela mettrait en danger tout le dispositif. (Mme Catherine Conconne proteste.)
Je rappelle que le protocole martiniquais a permis, en moins d'un an, une baisse moyenne des prix de 10 %.
M. le président. - Sous-amendement n°146 de MM. Salmon et Mellouli.
M. Daniel Salmon. - Il faut recentrer le mécanisme de péréquation des frais d'approche sur les produits de première nécessité, car le périmètre très large de l'amendement du Gouvernement - les produits de grande consommation - peut inclure des produits non indispensables, comme les aliments trop sucrés. Nous connaissons le problème de l'obésité dans les outre-mer. Concentrons-nous sur l'essentiel : fruits, légumes, viande et produits laitiers.
M. le président. - Sous-amendement n°147 de MM. Salmon et Mellouli.
M. Daniel Salmon. - Nous précisons la composition du comité de gestion. Faisons de ce mécanisme de péréquation un véritable outil au service du pouvoir de vivre des citoyens ultramarins.
En l'état, seules les entreprises concernées sont gestionnaires du dispositif. Nous devons intégrer des représentants des collectivités territoriales et des acteurs locaux, reconnus pour leur expertise dans la protection des consommateurs, afin que le mécanisme ne soit pas détourné au profit exclusif des entreprises.
M. le président. - Amendement n°138 de M. Patriat et du RDPI.
M. François Patriat. - Madame la ministre, nous allons avoir ici un vrai désaccord. Le protocole conclu en Martinique le 16 octobre 2024 prévoyait que l'État prenne sa part dans ce dispositif. Or l'amendement n°140 du Gouvernement ne traduit qu'imparfaitement cet engagement. La parole donnée doit être respectée.
Mme Catherine Conconne. - Très bien.
M. François Patriat. - Soit le Gouvernement rectifie sa rédaction, soit il faudra voter notre amendement, qui reprend l'esprit des engagements qui avaient permis l'arrêt des émeutes. L'État doit apporter son aide, au même titre que les collectivités territoriales et les acteurs privés. Il y va de la confiance entre l'État et les territoires ultramarins.
M. Frédéric Buval, rapporteur. - Sur l'amendement n°140, la mécanique retenue, certes complexe, est la seule à être conforme au droit européen. Mais elle doit aussi être conforme aux engagements pris par l'État dans le protocole d'octobre 2024, qui prévoit dans son point 13 que l'État « accompagnera ce projet par l'expertise de ses services » et qu'il précisera « les conditions de sa participation financière ». La commission aurait pu être favorable si le texte du Gouvernement avait été modifié, mais tel n'a pas été le cas. Avis défavorable.
Concernant le sous-amendement n°146, la notion de produits de grande consommation correspond à celle retenue par le BQP : conservons une notion unique. Avis défavorable à titre personnel, car ce sous-amendement, déposé tardivement, n'a pas pu être examiné par la commission. Sagesse sur le sous-amendement n°147, qui n'a pas non plus été examiné par la commission.
Enfin, si le Gouvernement ne modifie pas son amendement, l'amendement de repli n°138 constituerait un compromis acceptable puisqu'il associe les acteurs publics à la péréquation. Sagesse.
Mme Naïma Moutchou, ministre. - Je souhaite que nous nous en tenions à la rédaction proposée par le Gouvernement.
Monsieur Patriat, le respect de la parole donnée est effectivement important. Mais au point 12 du protocole, il est écrit que « l'État contribuera à la mise en place d'un mécanisme de compensation » et il est fait mention de « contributions volontaires et privées ». Et au point 13, il est écrit que « l'État accompagnera ce projet par l'expertise de ses services et précisera, selon les modalités juridiques retenues, les conditions de sa participation financière. » Il n'y avait donc aucun engagement ferme à la participation financière de l'État. Ce n'est pas écrit noir sur blanc !
Le dispositif que nous proposons est le seul conforme au droit européen. Proposer autre chose nous conduirait tous à l'échec. Nous avons travaillé tous les scénarios ! C'est le seul juridiquement solide. Si l'amendement n'est pas voté, le projet de loi risque d'être vidé de sa substance.
M. Victorin Lurel. - Belle illustration de la méthode du Gouvernement : pas de financement, des compensations, des péréquations...
L'interprétation du protocole par la ministre est jésuitique. (Sourires) Son amendement est une trahison du protocole ! (Mme Catherine Conconne applaudit.)
On parle de contributions volontaires. Mais cela marche petitement, car peu contribuent volontairement. Comment un État comme la France, cinquième puissance mondiale, peut-il s'exonérer de la solidarité nationale pour ses outre-mer ? (Mme Catherine Conconne renchérit.)
La continuité territoriale, ça marche en Corse. Cela existe chez nous pour les personnes, et pour certains biens, comme les biens agricoles. Une ligne de votre budget permet d'aider le fret.
Madame la ministre, respectez le protocole signé en Martinique. Même mon excellent collègue Patriat, qui soutient le Gouvernement, a présenté un amendement pour dire que la parole de l'État n'est pas respectée. En l'état, cela n'est pas acceptable !
Mme Catherine Conconne. - Je vais plagier feu un homme politique français : « C'est un scandale ! » Cela vous parle sans doute, monsieur le président... (Sourires)
Permettez-moi de vous rappeler le contexte de signature de ce protocole : le préfet de l'époque, signant au nom de l'État, a choisi cette rédaction prudente, faute de disposer de marge de manoeuvre financière, nous renvoyant au projet de loi de finances. Je sais de quoi je parle : cela s'est passé dans mon pays, en Martinique.
Et vous me parlez d'écueil juridique ! En 1975, un dispositif de continuité territoriale a été instauré pour la Corse, sans aucun problème juridique. Il est renouvelé chaque année et Catherine Vautrin a même ajouté 30 millions d'euros l'an dernier : aucun problème ! Mais pour nous, les éloignés de la République, il y a un problème avec le droit européen !
Je vous le répète : cet amendement est un scandale ! (M Saïd Omar Oili applaudit.)
Mme Audrey Bélim. - Quid des pertes de parts de marché pour la production locale si le prix des produits baisse grâce à la péréquation ? N'empiète-t-on pas trop sur le fonctionnement du marché ? Écoutons nos collègues de Martinique, qui étaient en première ligne.
M. François Patriat. - M. Lurel a dit vrai : il est rare que je m'oppose au Gouvernement. Mais là, il y a un vrai désaccord de fond.
Nos amis ultramarins ont le sentiment que l'État a donné sa parole. L'interprétation juridique de Mme la ministre lui appartient, mais elle ne correspond pas aux attentes des Martiniquais.
Madame la ministre, si l'amendement que j'ai présenté au nom de mon groupe est adopté, il y aura un article 5. Laissons le texte aller à l'Assemblée nationale, dans cette rédaction qui donne satisfaction à nos collègues ultramarins.
Mme Annick Girardin. - Nous ne pouvons pas trahir ceux qui ont participé aux négociations ni faire l'économie d'une réponse sur la péréquation. Mais il faut prendre du temps.
L'expérimentation pourrait débuter par les pays et territoires d'outre-mer (PTOM), qui ne sont pas soumis au droit européen, mais ce serait injuste, car la problématique vient d'abord de la Martinique.
Un préfet ne prend pas de décision sans avoir eu quelques garanties.
Nous devons trouver des solutions d'apaisement.
M. Daniel Salmon. - L'absence des associations de consommateurs et des collectivités territoriales au sein du comité de gestion est regrettable : mon sous-amendement n°47 est fondamental.
Mme Naïma Moutchou, ministre. - La continuité territoriale avec la Corse passe par une délégation de service public (DSP). Or je ne crois pas que nous ayons de candidat pour un tel dispositif... En outre, le schéma de la DSP corse est relativement fragile. Ce n'est pas, en réalité, une situation enviable.
J'ai tenté de restituer objectivement le contenu de l'accord, en vous en donnant lecture, sans extrapoler ni interpréter. La participation financière a été imaginée « selon les modalités juridiques retenues ». En l'occurrence, aucune modalité juridique n'a été retenue.
Monsieur le président, je demande une suspension de séance de quelques minutes.
La séance, suspendue à 19 h 20, reprend à 19 h 30.
Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente de la commission. - Nous ne sommes pas favorables à l'amendement n°140 du Gouvernement. Si l'amendement n°138 de François Patriat n'est pas sécurisé, avis défavorable : nous souhaitons en rester au texte de la commission, et donc à la suppression de l'article 5.
Le sous-amendement n°146 n'est pas adopté, non plus que le sous-amendement n°147 et les amendements nos140 et 138.
L'article 5 demeure supprimé.
Après l'article 5 (Supprimé)
M. le président. - Amendement n°49 de Mme Bélim et du groupe SER.
Mme Audrey Bélim. - Nous voulons supprimer le mécanisme de la double taxation à la TVA sur les colis postaux des particuliers, à destination ou au départ des outre-mer. La TVA est en effet payée d'abord lors de l'achat, puis lors du dédouanement du colis outre-mer. Au regard du droit de l'Union européenne, bien que faisant partie du territoire douanier européen, les outre-mer sont en effet considérés, sur le plan fiscal, comme des pays non membres. Ce statut hybride est la source d'une injustice majeure bien identifiée par une mission flash de l'Assemblée nationale en juin 2025.
Cet amendement s'inscrit dans le respect de l'article 73 de la Constitution, permettant l'adaptation de la législation aux réalités ultramarines.
Mme Micheline Jacques, rapporteur. - Les DROM font bien partie de l'Union européenne, mais pas de son territoire fiscal : ils sont assimilés à des États non membres de l'Union européenne, y compris dans leurs relations avec l'Hexagone. Dès lors que ces colis contiennent autre chose que des documents, une déclaration en douane est donc obligatoire.
Cependant, des franchises existent : de l'Hexagone vers les DROM, les ventes commerciales sont exonérées jusqu'à 22 euros inclus ; en l'absence de transaction commerciale, c'est 45 euros des DROM vers l'Hexagone et 400 euros dans le sens inverse.
Les franchises des DROM vers l'Hexagone sont basses, mais ne peuvent être rehaussées, car cela relève du législateur européen qui fixe une franchise unique pour tous les États membres. Pour avancer, il faut inciter le Gouvernement à soutenir une initiative en ce sens. Avis défavorable.
Mme Naïma Moutchou, ministre. - Même avis.
M. Victorin Lurel. - Nous sommes considérés comme des territoires d'exportation du point de vue fiscal. Nous sommes donc censés payer 0 % ici et 8,5 % là-bas. Il y a quelques années, lors d'un achat dans un grand magasin, on ne payait pas la TVA. Mais désormais, ce n'est plus possible : on paie deux fois ! (Mme Audrey Bélim le confirme.) Attention, ce n'est pas une discrimination d'être territoire d'exportation, mais une faveur ; le problème est qu'elle n'est plus appliquée. Je crois que nous devons à notre collègue Dominique Théophile la franchise de 400 euros.
Ajoutez à cela les frais postaux... Il y a quinze jours, au Moule, les frais demandés étaient plus importants que la valeur du colis : cela a fini en bagarre !
Avec Eric Jalton, nous avions tenté de pousser l'idée d'une continuité postale dans le cadre du projet de loi Égalité réelle outre-mer. Ce principe existe un peu en Polynésie française, mais pas ailleurs. Nous avons besoin d'une loi plus globale, plus polysémique, pour répondre aux besoins des outre-mer.
À la demande du groupe SER, l'amendement n°49 est mis aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°8 :
| Nombre de votants | 341 | 
| Nombre de suffrages exprimés | 341 | 
| Pour l'adoption | 134 | 
| Contre | 207 | 
L'amendement n°49 n'est pas adopté.
Article 6
Mme Annick Girardin . - Ce texte a été érigé en priorité par le Gouvernement et présenté comme l'alpha et l'oméga pour lutter contre la vie chère dans les outre-mer. Soyons vigilants : nous risquons d'engendrer des frustrations. Disons bien que nous avons cherché à améliorer les choses, mais que ce ne sera pas une solution à tous les problèmes.
À l'article 6, l'ajout de contraintes et de rigidités serait mal perçu à Saint-Pierre-et-Miquelon, déjà suradministré. Mon territoire compte une seule grande surface commerciale : attention à la pression permanente !
M. Fabien Gay . - La vie chère pose de nombreuses questions : salaires, accès au logement, intégration régionale. Mais elle est intimement liée à la transparence des grands groupes. (M. Akli Mellouli approuve.) Dans un système issu de la colonisation, celui de la « profitation », quelques grandes familles détiennent 80 % du marché, de la supérette à la location de voiture. Mais ces grands groupes, comme GBH, ne publient pas leurs comptes ! Il a fallu que quatre lanceurs d'alerte saisissent la justice pour qu'il le fasse au bout de dix ans de lutte.
Nous ne pouvons agir si nous ne connaissons pas la marge arrière de ces groupes. Bien sûr, il y a l'éloignement et l'octroi de mer, mais quand quatre familles se partagent le gâteau, il faut plus de transparence. C'est seulement à ce moment-là que nous saurons quoi faire pour résoudre le problème. Ne bloquez pas ces initiatives, madame la ministre !
Mme Catherine Conconne . - Soyons transparents sur la transparence : cette demande est satisfaite ! Depuis l'année dernière, tout est transmis à la DGCCRF dont trois fonctionnaires épluchent les documents de caisse et les factures d'achat... (M. Victorin Lurel le conteste du geste.)
On parle de concentration ? Il existe sept groupes de distribution à la Martinique ; eh bien, c'est le même nombre qu'en France. Sept groupes pour 68 millions d'habitants d'un côté, le même nombre pour 350 000 habitants de l'autre. Tous ceux qui ont voulu venir ont fait marche arrière. Le marché est tellement étroit qu'il est peu attractif : on se marche sur les pieds ! Il faut bien connaître la situation et être transparent sur la transparence.
M. Victorin Lurel . - Sans vouloir m'opposer à quiconque, il existe des oligopoles en outre-mer, voire une cartellisation. Mais le pire, c'est l'intégration verticale, une chaîne parfaitement opaque, avec des prix d'intermédiation, des prix de cession interne et des remontées de dividendes dans des holdings... (M. Fabien Gay le confirme.) C'est cela qui gangrène le paysage concurrentiel.
Je suis un homme de gauche, mais j'ai bien voulu accepter le dogme de la concurrence, selon lequel le marché règle tout : le renard libre dans le poulailler libre. Depuis 1986, nous n'encadrons rien, nous « régulons » ? mais cette régulation est tellement modérée que cela ne règle rien ! Et cela dure depuis cinquante ans !
Mme la ministre vient d'arriver aux affaires ; mais la consigne semble bien être : nous ne finançons rien ; quelles que soient les distorsions, ce n'est pas notre affaire, on s'en bat l'oeil !
Fabien Gay a raison : il y a une béance statistique. La Cour d'appel, seule compétente en matière de concurrence, vous déboute face à des avocats de qualité, missionnés par les grands groupes. La DGCCRF garde par-devers elle tous ces documents : ce n'est pas acceptable ! C'est désespérant.
M. le président. - Amendement n°89 de M. Lurel et du groupe SER.
M. Victorin Lurel. - Nous supprimons les mots « à prédominance alimentaire ».
M. Frédéric Buval, rapporteur. - L'idée d'étendre aux commerces autres qu'alimentaires semble séduisante, mais il faut circonscrire l'obligation. Avis défavorable.
Mme Naïma Moutchou, ministre. - Mme Conconne a raison, la transparence temporaire a été mise en place en Martinique et cela fonctionne.
Je partage la volonté de M. Lurel d'étendre la transparence, et de ne pas la limiter aux seuls commerces à prédominance alimentaire. Avis favorable.
À l'issue d'une épreuve à main levée déclarée douteuse, l'amendement n°89, mis aux voix par assis et levé, n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°90 de M. Lurel et du groupe SER.
M. Victorin Lurel. - Baissons la surface des établissements soumis à l'obligation de transmission des comptes de 400 m2 - qui ne correspond à rien - à 350 m2, comme en Nouvelle-Calédonie.
Mme Micheline Jacques, rapporteur. - Cela peut sembler pertinent, mais requiert l'expertise du Gouvernement.
Mme Naïma Moutchou, ministre. - Avis défavorable. Ce seuil inhabituel ailleurs qu'en Nouvelle-Calédonie créerait une charge supplémentaire pour les entreprises exploitant une surface intermédiaire.
Mme Micheline Jacques, rapporteur. - Avis défavorable, dès lors.
M. Victorin Lurel. - Ce qui est inhabituel, c'est le seuil de 400 m². De plus, dans certains territoires, comme à Mayotte, les surfaces n'atteignent que rarement 300 m². (M. Saïd Omar Oili le confirme.)
Mme Evelyne Corbière Naminzo. - Nous voterons cet amendement pour les raisons avancées par M. Lurel.
Nous parlons de territoires insulaires, en dehors de la Guyane. Or la pression foncière génère de la spéculation, avec des incidences sur les loyers. Votons cet amendement de bon sens : nos territoires ne sont pas extensibles. Quand il n'y a plus de solutions, on ne peut pas aller sur la mer !
L'amendement n°90 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°91 de M. Lurel et du groupe SER.
M. Victorin Lurel. - Défendu.
L'amendement n°91, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
 
                                                             
                                                             
                                                             
                                                             
                                                             
                                                             
                                                            