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Table des matières



Libération de Cécile Kohler et Jacques Paris

Hommage aux victimes d'Oléron

Questions d'actualité

Commission d'enquête sur les aides publiquesaux grandes entreprises

M. Fabien Gay

M. Roland Lescure, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle, énergétique et numérique

Libération de Cécile Kohler et Jacques Paris

Mme Olivia Richard

M. Jean-Noël Barrot, ministre de l'Europe et des affaires étrangères

COP et diminution de l'APD

M. Ronan Dantec

Mme Monique Barbut, ministre de la transition écologique, de la biodiversité et des négociations internationales sur le climat et la nature

PLF et compétitivité des entreprises

M. Olivier Rietmann

M. Roland Lescure, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle, énergétique et numérique

Fonds d'amorçage pour la reconstruction de Mayotte

Mme Salama Ramia

Mme Naïma Moutchou, ministre des outre-mer

Comptes bancaires des candidats aux élections municipales

Mme Laure Darcos

M. Roland Lescure, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle, énergétique et numérique

PLF et apprentissage

M. Christian Bilhac

M. David Amiel, ministre délégué chargé de la fonction publique et de la réforme de l'État

Dotations d'investissement pour les collectivités rurales

Mme Isabelle Briquet

Mme Françoise Gatel, ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation

PLF

Mme Marie-Pierre Mouton

M. David Amiel, ministre délégué chargé de la fonction publique et de la réforme de l'État

Manque d'AESH

Mme Marie-Pierre Monier

M. Edouard Geffray, ministre de l'éducation nationale

Protoxyde d'azote (I)

M. François Bonhomme

Mme Marie-Pierre Vedrenne, ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur

Protoxyde d'azote (II)

M. Guislain Cambier

Mme Marie-Pierre Vedrenne, ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur

Déremboursement des cures thermales

M. Jean-Marc Boyer

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée chargée de l'autonomie et des personnes handicapées

Shein

M. Hussein Bourgi

M. Serge Papin, ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat, du tourisme et du pouvoir d'achat

Programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE)

M. Daniel Gremillet

M. Roland Lescure, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle, énergétique et numérique

Avenir de Novasco

M. Jean-Marie Mizzon

M. Roland Lescure, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle, énergétique et numérique

Candidatures (Nominations)

Structures économiques face aux risques de blanchiment (Procédure accélérée)

Discussion générale

Mme Nathalie Goulet, auteur de la proposition de loi

M. Stéphane Sautarel, rapporteur de la commission des finances

M. Hervé Reynaud, rapporteur pour avis de la commission des lois

M. David Amiel, ministre délégué chargé de la fonction publique et de la réforme de l'État

Mme Catherine Belrhiti

Mme Salama Ramia

M. Vincent Éblé

M. Pascal Savoldelli

M. Grégory Blanc

M. Raphaël Daubet

Mme Nathalie Goulet

M. Marc Laménie

Mme Nadine Bellurot

M. Michel Canévet

M. Étienne Blanc

Discussion des articles

Article 1er (Supprimé)

Article 2

M. Guy Benarroche

Article 3

Article 5

Article 7

Après l'article 7

Après l'article 9

Ordre du jour du jeudi 6 novembre 2025




SÉANCE

du mercredi 5 novembre 2025

11e séance de la session ordinaire 2025-2026

Présidence de M. Didier Mandelli, vice-président

La séance est ouverte à 15 heures.

Libération de Cécile Kohler et Jacques Paris

M. le président.  - Nous avons appris avec un immense soulagement la libération de nos compatriotes Cécile Kohler et Jacques Paris, retenus prisonniers en Iran depuis mai 2022. (Mmes et MM. les sénateurs et Mmes et MM. les membres du Gouvernement se lèvent et applaudissent.) C'est une première étape. Le dialogue et la diplomatie doivent se poursuivre, afin de permettre leur retour à Paris.

Hommage aux victimes d'Oléron

M. le président.  - Nous avons appris avec une vive émotion qu'un automobiliste avait volontairement fauché plusieurs piétons et cyclistes ce matin sur l'île d'Oléron, faisant une dizaine de blessés dont deux dans un état grave. L'individu a pu être interpellé grâce à l'action rapide des forces de l'ordre.

Au nom du Sénat tout entier, et particulièrement de nos collègues de la Charente-Maritime, Corinne Imbert, Daniel Laurent et Mickaël Vallet, j'exprime ma solidarité et mes pensées aux blessés et à leurs familles.

Questions d'actualité

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.

M. le Président du Sénat, qui assiste à des obsèques, ne peut présider notre séance.

Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.

Chacun sera attentif au respect des uns et des autres et du temps de parole.

Commission d'enquête sur les aides publiquesaux grandes entreprises

M. Fabien Gay .  - (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K et sur quelques travées du groupe SER) Une soif de justice sociale et fiscale grandit. Deux idées sont majoritaires dans la population : côté recettes, la taxe Zucman, enterrée à l'Assemblée nationale par les droites et l'extrême droite coalisées ; côté dépenses, les 211 milliards d'euros d'aides aux entreprises identifiés par notre commission d'enquête, à Olivier Rietmann et moi - quatre fois le budget de l'éducation nationale !

Notre travail a été caricaturé : nous n'avons jamais proposé la suppression des aides publiques, qui sont des leviers économiques essentiels. Notre travail a aussi été invisibilisé : pas moins de vingt-six recommandations ont été adoptées à l'unanimité, préconisant plus de transparence dans une jungle de 2 267 dispositifs d'aide, leur conditionnement, leur suivi et leur évaluation.

Depuis, nous attendons une réaction du Gouvernement. Monsieur le Premier ministre, allez-vous enterrer notre rapport sans même nous recevoir, au mépris de votre engagement devant l'intersyndicale ? Ou soutenir nos amendements, voire une proposition de loi transpartisane ?

L'argent public n'est pas pour les actionnaires. ! À la suite de l'audition de ses dirigeants, d'un Complément d'enquête et de ma tribune dans Libération, Michelin s'est engagé à rembourser 4,3 millions d'euros qui n'ont jamais été investis sur le sol français. Pouvez-vous vous engager à ce que ce remboursement intervienne dans les meilleurs délais ? (Applaudissements à gauche et sur des travées du RDSE)

M. Roland Lescure, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle, énergétique et numérique .  - Permettez-moi de saluer le travail de votre commission d'enquête - complet, rigoureux, médiatisé.

La France est le pays d'Europe qui aide le plus ses entreprises ; c'est aussi celui qui les taxe le plus. (M. Fabien Gay proteste ; M. Vincent Delahaye approuve.) La transparence doit être absolue, sur les aides comme sur la fiscalité.

Le Premier ministre m'a demandé de vous recevoir, avec Amélie de Montchalin, pour évoquer les recommandations de votre commission d'enquête.

Nous souhaitons renforcer la transparence sur la fiscalité et sur les aides le plus rapidement possible. Une plateforme dédiée aux petites aides existe déjà - c'est paradoxal, j'en conviens. Bientôt, toutes les aides apparaîtront sur cette plateforme.

Contrairement à ce que l'on entend parfois, l'immense majorité des aides est conditionnée : le crédit d'impôt recherche l'est à de l'investissement dans la recherche (exclamations ironiques sur les travées des groupes CRCE-K et SER) ; les allègements de charges, à de l'emploi.

Ce n'est pas tous les jours qu'une entreprise souhaite faire un chèque à l'État : nous travaillons avec Michelin pour mener ce dossier à bon port. (MM. François Patriat et Bernard Fialaire applaudissent.)

Libération de Cécile Kohler et Jacques Paris

Mme Olivia Richard .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; M. Vincent Louault applaudit également.) Quel soulagement ! Hier, notre ambassadeur en Iran est allé chercher Cécile Kohler et Jacques Paris à la prison d'Evin, après 1 277 jours de captivité. Ces moments-là donnent un sens à la mission diplomatique, disait-il ce matin sur France Inter.

Ma gratitude va aux équipes de l'ambassade, notamment Pierre Cochard, son prédécesseur Nicolas Roche et le premier conseiller Rémy Bouallegue.

J'associe Ayda Hadizadeh, présidente du groupe d'amitié France-Iran de l'Assemblée nationale, à ma question : comment vont-ils ?

Après trois ans et demi de captivité dans des conditions inhumaines, Cécile et Jacques sont à l'abri à l'ambassade ; c'est l'aboutissement d'un travail diplomatique de longue haleine. Il n'y a plus de Français incarcérés en Iran.

Nos otages sont libres et en sécurité, mais en liberté conditionnelle. Nous partageons l'impatience de leurs proches. Quelles sont les prochaines étapes ? Peut-on lire dans cette libération le signal faible d'un dialogue plus constructif à venir avec le régime iranien ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains ; MM. Jean-Baptiste Lemoyne et Rachid Temal applaudissent également.)

M. Jean-Noël Barrot, ministre de l'Europe et des affaires étrangères .  - Merci d'avoir rendu hommage à notre ambassadeur, à son prédécesseur et à nos agents en poste à Téhéran. Je me suis entretenu ce matin avec Cécile Kohler et Jacques Paris. Je leur ai dit ma joie de les savoir en sécurité et en bonne forme. Je leur ai aussi fait part de l'immense élan de solidarité en France.

Ils m'ont chargé de transmettre leurs remerciements à tous celles et ceux qui se sont mobilisés pour que leur cause ne soit pas oubliée : aux agents du ministère, dont je salue le dévouement ; aux services de l'État qui ont contribué à ce résultat ; à tous les comités de soutien ; à vous-même, madame la présidente du groupe d'amitié, ainsi qu'à l'ensemble des parlementaires qui les ont soutenus.

C'est une très bonne nouvelle -  les conditions de leur détention étaient indignes. Mais ce n'est qu'une première étape avant leur libération définitive. Leur calvaire ne s'est pas arrêté à leur sortie de la prison d'Evin et ne s'arrêtera même pas à leur libération définitive au vu de ce qu'ils ont subi. Nous serons à leurs côtés.

Merci à vous et à tous celles et ceux qui les ont soutenus. (Applaudissements sur les travées du RDPI et du groupe UC et sur des travées des groupes INDEP et Les Républicains)

COP et diminution de l'APD

M. Ronan Dantec .  - (Applaudissements sur les travées du GEST ; Mme Karine Daniel applaudit également.) La COP de Belém sera celle d'un accord sur le financement de l'action climatique mondiale ou ne sera pas.

Le Conseil de l'Union européenne du 21 octobre considère que les flux financiers doivent être compatibles avec l'accord de Paris. En avril, le Conseil présidentiel pour les partenariats internationaux a fait du financement des énergies renouvelables dans le monde la première priorité de notre aide publique au développement (APD).

Pourtant, madame la ministre, vous partez au Brésil avec un budget en contradiction absolue avec l'urgence climatique : l'APD a diminué de 2,5 milliards d'euros en deux ans -  dont 700 millions de coupes pour 2026 !

Hier, à Bruxelles, vous affirmiez que nous devions autant réduire nos émissions de CO2 qu'accompagner les pays du sud pour qu'ils réduisent les leurs. Or nous ne serons même pas capables de respecter les engagements financiers pris lors des COP précédentes !

Comment assumez-vous une telle contradiction ? (Applaudissements sur les travées du GEST)

Mme Monique Barbut, ministre de la transition écologique, de la biodiversité et des négociations internationales sur le climat et la nature .  - La France est deuxième contributeur européen en matière d'APD et l'un des principaux contributeurs mondiaux de la finance-climat internationale.

M. Mickaël Vallet.  - On n'est pas la Lettonie, non plus !

Mme Monique Barbut, ministre.  - En 2024, nous avons mobilisé 7,2 milliards d'euros de financements-climat à destination des pays en développement, bien davantage que l'objectif de 6 milliards fixé par le Président de la République : nous tenons nos engagements financiers.

Au sein des financements-climat mondiaux, les financements publics sont par nature minoritaires, de l'ordre de 30 %. L'enjeu est aussi de mobiliser massivement des financements privés. C'est l'esprit du Pacte de Paris pour les peuples et la planète, conçu par le Président de la République en 2023.

Discutons aussi de financements innovants : quid d'une taxe carbone aux frontières dédiée au changement climatique ? (M. Yannick Jadot écarte les bras en signe de perplexité.)

Nous voulons faire de la finance-climat non pas une dépense, mais un levier au service d'une transition juste et solidaire. (Applaudissements sur quelques travées du RDPI)

M. Ronan Dantec.  - L'an dernier, le Sénat avait trouvé un accord pour éviter le coup de rabot sur l'APD. Mais le Gouvernement d'alors ne l'a pas respecté. Monsieur le Premier ministre, soutenez rétroactivement cet accord de consensus, vous qui les prisez, et remettez les 700 millions d'euros dans le budget 2026 ! (Applaudissements sur les travées du GEST ; M. Didier Marie applaudit également.)

PLF et compétitivité des entreprises

M. Olivier Rietmann .  - (Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Depuis plusieurs semaines, une étrange hostilité se déchaîne contre les chefs d'entreprise, érigés en ennemis publics numéro 1, en profiteurs qui ne paieraient pas d'impôts ! (Protestations sur les travées du groupe CRCE-K)

Pour les punir, l'Assemblée nationale s'est lancée dans un catalogue de pénalités de plus de 43 milliards d'euros !

Mais d'où viennent les plus de 1 200 milliards d'euros de recettes fiscales et sociales redistribuées ? D'où viennent les investissements qui font l'emploi en France ? D'où viennent l'innovation et la prise de risque, garants de notre souveraineté face aux Chinois et aux Américains ? De nos entreprises, bien sûr !

M. Mickaël Vallet.  - Et des travailleurs, accessoirement !

M. Olivier Rietmann.  - Lundi, le choc : l'exécutif s'est engagé à transmettre au Sénat tous les amendements votés par les députés. Au-delà de l'étrangeté procédurale, comment ne pas voir dans cette annonce l'adhésion du Gouvernement à l'obsession fiscale et au discours anti-productif ? (Protestations sur plusieurs travées du groupe SER)

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Incroyable !

M. Olivier Rietmann.  - Disons aux entreprises, haut et fort, que nous avons besoin d'elles. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Si le projet de loi de finances n'est pas adopté à l'Assemblée nationale, vous engagez-vous à transmettre au Sénat un texte délesté de tous les amendements anti-entreprises ? (Protestations à gauche ; vifs applaudissements à droite)

M. Roland Lescure, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle, énergétique et numérique .  - Un budget n'est pas juste un exercice comptable, c'est un exercice économique qui permet les autres politiques publiques, notamment de soutien à la compétitivité des entreprises. (M. Marc-Philippe Daubresse approuve.)

Jusqu'ici tout va bien : la croissance tient et la production industrielle a rebondi au mois de septembre. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains) Ne cassons pas la dynamique en cours.

M. Olivier Paccaud.  - Et Bruno Le Maire ?

M. Roland Lescure, ministre.  - Nous devons lever les incertitudes politiques, qui ont un effet sur l'économie, pour que nos entreprises continuent d'investir et d'exporter.

Le Premier ministre a fait un choix audacieux : laisser le débat se faire et ne pas recourir au 49.3. Les votes dépendent moins du Gouvernement qu'avant, mais nous donnons notre avis, comme je l'ai fait contre la taxe sur les multinationales.

Nous devons continuer à travailler ensemble pour aboutir à un budget sérieux et qui soutienne nos entreprises.

Laissons le débat se dérouler à l'Assemblée nationale, le Sénat le poursuivra ensuite. Ne préemptons pas les conditions du débat. (Applaudissements sur quelques travées du RDPI)

Fonds d'amorçage pour la reconstruction de Mayotte

Mme Salama Ramia .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Voilà bientôt un an que Chido frappait Mayotte. Les communes tirent la sonnette d'alarme, faute de toucher le fonds d'amorçage, pour la reconstruction des écoles notamment. Des notifications ont été reçues, mais toujours pas d'acompte : le non-paiement est la règle, et non l'exception.

À Mamoudzou -  96 millions d'euros de dégâts  - , la commune a demandé 9 millions d'euros pour la rénovation des écoles, mais seuls 2 millions ont été notifiés et pas un seul euro n'a été débloqué. Zéro !

Comment les communes se relèveront-elles dans ces conditions ? L'inquiétude grandit, d'autant que la saison cyclonique a débuté. Quelles sont les raisons de ce retard ? Quand l'État honorera-t-il ses engagements ? (Applaudissements sur les travées du RDPI ; Mme Anne-Sophie Patru, MM. Stéphane Demilly et Olivier Bitz applaudissent également.)

Mme Naïma Moutchou, ministre des outre-mer .  - Je salue votre engagement et votre travail sur la loi d'urgence et sur la loi de programmation pour la refondation de Mayotte.

De nombreux dossiers ont reçu un accord de principe : l'État s'est engagé à hauteur de 91 millions d'euros, auxquels s'ajoutent 9 millions d'euros pour le ramassage des déchets.

J'ai entendu les critiques des maires sur les délais de validation et d'instruction. Les municipalités ont été accompagnées par la préfecture, mais des dossiers ont été modifiés et le manque d'ingénierie a ralenti le processus. Nous avons déjà autorisé 37 millions d'euros et versé 23,5 millions de crédits de paiement.

Oui, il faut faire plus, plus vite. Je veillerai à la bonne consommation de l'enveloppe avant la fin de l'année. Le soutien de l'État se poursuit avec 200 millions d'euros inscrits au budget 2026. (M. François Patriat applaudit.)

Comptes bancaires des candidats aux élections municipales

Mme Laure Darcos .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) J'exprime la solidarité du groupe Les Indépendants aux victimes de l'attaque survenue sur l'île d'Oléron et à leurs familles.

Au-delà de la polémique sur les règles relatives aux découverts bancaires, je vous alerte sur la vive inquiétude des candidats aux élections municipales. Tout candidat dans une commune de plus de 9 000 habitants doit ouvrir un compte de campagne. Or les banques pourraient facturer l'ouverture d'un compte entre 600 et 900 euros. Tel serait le prix à payer pour concourir à la vie démocratique de notre pays ! Cette pratique abusive ne trouve aucune justification.

Le rôle de la banque est négligeable, pour ne pas dire nul. Tout relève du mandataire financier, qui perçoit les recettes et règle les dépenses.

Les frais bancaires liés à la gestion de ces comptes sont considérés comme des dépenses électorales à prendre en compte dans le calcul du remboursement par l'État, à supposer que le candidat ait dépassé le seuil de 5 % des suffrages exprimés au premier tour.

La plupart des maires choisissent de se représenter en dépit des agressions qu'ils subissent et des ponctions financières croissantes dont font l'objet leurs communes, car ils ont l'intérêt général chevillé au corps.

Entendez-vous saisir la Fédération bancaire française afin que les banques harmonisent leurs pratiques et prélèvent des frais raisonnables ? Les citoyens doivent pouvoir concourir librement aux élections ! (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP et CRCE-K, sur plusieurs travées du groupe SER et sur quelques travées du groupe Les Républicains)

M. Roland Lescure, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle, énergétique et numérique .  - (M. Rachid Temal s'exclame.) À l'approche des élections municipales et un an et demi après des élections législatives qui n'étaient pas nécessairement attendues par tous, votre question met au jour les difficultés relatives à l'ouverture des comptes de campagne, que j'ai pu constater moi-même lors de mes trois candidatures.

Le poste de médiateur du crédit aux partis politiques avait été créé en 2017 pour répondre aux difficultés rencontrées par des candidats ennuyés par des procédures trop lourdes ou -  je le découvre avec votre question  - par des frais exagérés. Or ce poste est actuellement vacant. Je m'engage à le pourvoir très rapidement.

Le bilan établi par l'ancien médiateur fait état de 1 500 dossiers traités en six ans, soit 250 par an. C'est beaucoup. Il relevait en revanche peu de problèmes d'ouvertures de comptes (Mme Cécile Cukierman proteste), car les banquiers connaissent les candidats locaux. (Protestations sur plusieurs travées)

En tout cas, ce n'est pas parce que l'État rembourse les frais qu'ils doivent être aussi élevés. Je rencontre prochainement la Fédération bancaire française et votre question fera partie des très nombreux sujets que j'évoquerai avec elle.

Enfin, j'y insiste, il n'y a pas de durcissement des conditions du découvert.

PLF et apprentissage

M. Christian Bilhac .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE) L'apprentissage a fait ses preuves pour aider les jeunes à entrer dans la vie professionnelle et soutenir les entreprises. Nous avons progressé dans ce domaine, même si nous sommes encore loin de l'Allemagne.

Pourquoi un tel acharnement de la part du Gouvernement dans le projet de budget pour 2026 ? Depuis le 1er janvier, les coups de rabot s'accumulent : assujettissement à la CSG, contribution au remboursement de l'aide sociale, taxe de 750 euros pour les employeurs embauchant des apprentis de niveau Bac+3. Résultat : 6 000 apprentis en moins !

En outre, le PLFSS prévoit la suppression de l'exemption de cotisations salariales, soit une baisse de salaire net pouvant aller jusqu'à 187 euros pour les apprentis. Cela les placerait sous le seuil du revenu éligible pour la prime d'activité - c'est la double peine !

Pourtant, ces jeunes sont méritants. Avec un salaire mirobolant de 700 à 800 euros, les considérez-vous comme des nantis ?

Enfin vous supprimez l'aide de 500 euros pour obtenir le permis de conduire, pourtant indispensable en zone rurale : absence de justice sociale, et surtout, négation de la valeur travail.

Monsieur le ministre, maintiendrez-vous ces mesures déplorables ? (Applaudissements sur les travées du RDSE ; M. Akli Mellouli applaudit également.)

M. David Amiel, ministre délégué chargé de la fonction publique et de la réforme de l'État .  - Je vous prie d'excuser l'absence du ministre du travail, retenu par l'examen du PLFSS à l'Assemblée nationale.

Le Gouvernement est très attaché à la politique en faveur de l'apprentissage, qui est une réussite. Ainsi, nous avons franchi le cap du million d'apprentis ; c'était impensable voilà quelque temps.

C'est un succès et un tremplin vers l'emploi souvent pérenne et bien payé, notamment dans l'industrie.

Après les dispositifs de soutien mis en oeuvre face aux crises, une réflexion doit être menée sur le soutien général à l'apprentissage. L'exonération d'impôt sur le revenu et l'exonération partielle de CSG sont maintenues.

Un débat se tiendra sur les exonérations de cotisations. Le Parlement s'en saisira. L'aide aux permis de conduire ne dépend pas des ressources ou des autres aides que les apprentis peuvent toucher. Comptez sur la détermination du Gouvernement pour soutenir l'apprentissage. Ces jeunes travaillent et se battent pour obtenir un emploi pérenne. (Applaudissements sur des travées du RDPI)

M. Christian Bilhac.  - Je n'ai pas entendu que vous renonciez à ces mesures. Errare humanum est, perseverare diabolicum ! (On apprécie à droite ; applaudissements sur les travées du RDSE ; Mme Émilienne Poumirol applaudit également.)

Dotations d'investissement pour les collectivités rurales

Mme Isabelle Briquet .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) J'associe le groupe SER aux expressions de solidarité envers les victimes de la tentative d'assassinat survenue ce matin sur l'île d'Oléron.

Le Gouvernement annonce la création d'un fonds d'investissement pour les territoires (FIT). Meilleure lisibilité, mutualisation des moyens, simplification des procédures, est-il prétendu. Mais, en réalité, ce nouveau fonds fusionne trois instruments différents : la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL), la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) et la dotation politique de la ville (DPV). Trois instruments différents, trois objectifs complémentaires, trois politiques publiques au service d'une même ambition : soutenir les territoires dans leur diversité.

Ne nous y trompons pas, cette fusion n'est qu'un moyen pour mieux les réduire. Ce sera le cas dès 2026. Les élus locaux redoutent une dilution des priorités et une disparition d'outils ciblés. Ils ont raison. Vous prenez le risque d'effacer ces spécificités et de substituer à des politiques lisibles un dispositif uniforme, centralisé et technocratique.

Déjà amputé de 200 millions d'euros à sa naissance, ce fonds aux obscurs critères d'éligibilité fera-t-il des territoires ruraux les grands perdants de votre réforme ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur quelques travées du groupe CRCE-K ; M. Guy Benarroche applaudit également.)

Mme Françoise Gatel, ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation .  - Merci de votre question, dont nous avons longuement parlé hier. Les collectivités territoriales représentent 70 % de l'investissement public. Nous les saluons.

Nous présentons un budget de responsabilité et de redressement.

M. Pascal Allizard.  - Sobriété !

Mme Françoise Gatel, ministre.  - Cela implique que l'on espère des jours meilleurs pour améliorer les services rendus à la fois par les collectivités et par l'État.

Le rassemblement dans une seule enveloppe de la DETR, de la DSIL et de la DPV répond à une demande de simplification des préfets et des associations d'élus. Vous qui siégez à la commission DETR, vous savez que nous sommes tous très heureux de bénéficier d'un peu de chacun des trois instruments.

Une voix au centre.  - C'est faux !

Mme Françoise Gatel, ministre.  - Le montant de la DETR est maintenu dans ce fonds. Nous débattrons de tout cela.

Mme Isabelle Briquet.  - Je vous sais attentive à la ruralité. Vous saurez donc répondre aux associations d'élus qui sonnent l'alerte de la fin de la DETR. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

PLF

Mme Marie-Pierre Mouton .  - (Applaudissements prolongés sur les travées du groupe Les Républicains) Je rends hommage à notre collègue Gilbert Bouchet, à qui j'ai l'honneur de succéder. (Applaudissements)

Votre projet de loi de finances (PLF) pour 2026, c'est la politique du sparadrap ! Plutôt que de soigner la plaie des dépenses, vous posez le sparadrap de l'impôt. C'est facile et commode, mais, dans un pays qui détient le record des prélèvements obligatoires, c'est dangereux. Près de la moitié de votre effort de consolidation repose sur des mesures fiscales, pas sur une baisse en valeur des crédits de l'État ni sur une vraie réforme des politiques publiques. Hergé nous avait mis en garde sur le sparadrap du capitaine Haddock... Il est impossible à enlever !

La contribution différentielle sur les hauts revenus (CDHR) ne devait valoir que pour 2025, vous la reconduisez ; pareil pour la contribution exceptionnelle sur les bénéfices des grandes entreprises (CEBDGE), pareil pour le dispositif de lissage conjoncturel des recettes fiscales des collectivités territoriales (Dilico), puisque nous avons le droit cette année au Dilico 2... Le sparadrap éphémère colle toujours autant !

Quand soignerez-vous la plaie, c'est-à-dire la dépense, au lieu de masquer l'hémorragie par de nouveaux impôts ? (Applaudissements et bravos sur les travées des groupes Les Républicains et sur quelques travées du groupe U; Mme Laure Darcos applaudit également ; Mme Silvana Silvani s'exclame.)

M. David Amiel, ministre délégué chargé de la fonction publique et de la réforme de l'État .  - Regardons le chemin parcouru (murmures sur les travées du groupe Les Républicains) : entre 2017 et 2025, le taux de prélèvements obligatoires baisse de 35 milliards d'euros, autant d'argent pour les ménages et les entreprises ; l'écart entre les impôts payés en Allemagne et en France a diminué d'un tiers, du jamais vu.

L'effort proposé par le Gouvernement porte majoritairement sur les dépenses. L'effort demandé à l'État est historique. Nous proposons de poursuivre les baisses d'impôts de production - ainsi de la CVAE, qui percute de plein fouet notre industrie.

M. Yannick Jadot.  - Et les collectivités ?

M. David Amiel, ministre délégué.  - Le débat se poursuit au Parlement. Certains amendements déposés par LFI et le RN, à la volonté politique bien connue, sont contraires à la Constitution et au droit de l'Union européenne. Les mesures conformes au droit européen et à la Constitution ne font pas augmenter les impôts. (M. François Patriat applaudit.)

Mme Marie-Pierre Mouton.  - Ne méprisez pas les remèdes à la folie fiscale proposés par le rapporteur général Jean-François Husson (on renchérit à droite ; on ironise à gauche) et par Christine Lavarde, qui a accompli un travail remarquable sur la réorganisation des opérateurs et agences de l'État. (Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Manque d'AESH

Mme Marie-Pierre Monier .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) La loi Handicap a vingt ans. Un bel anniversaire, qui s'accompagne, hélas, d'un triste chiffre : à la rentrée de septembre, près de 50 000 enfants étaient sans accompagnant d'élève en situation de handicap (AESH), malgré la notification de leur situation.

Selon la commission d'enquête de l'Assemblée nationale sur les défaillances de prise en charge du handicap, 14 % des enfants ne bénéficient pas de l'accompagnement auquel ils ont droit, un tiers de plus que l'an dernier. Nous ne tenons pas la promesse de 2005.

Or les conséquences sont graves : une AESH qui manque - ce sont à 90 % des femmes - signifie de mauvaises conditions d'apprentissage pour les enfants concernés et des classes difficiles à gérer. Budget après budget, nous relayons les alertes des parents, des personnels éducatifs, des élus locaux et des AESH elles-mêmes. Le manque d'effectifs rend également difficile l'application de la loi Vial sur l'accompagnement pendant le temps méridien.

On a du mal à recruter, dites-vous. Cessez donc de payer les AESH en dessous du seuil de pauvreté, formez-les et donnez-leur un statut !

Le temps des rapports est fini : il faut agir, pour que chaque enfant bénéficie de l'accompagnement dont il a besoin et que nous lui avons promis. (Applaudissements à gauche)

M. Edouard Geffray, ministre de l'éducation nationale .  - Nous partageons l'objectif : tout enfant de la République doit avoir un parcours scolaire qui lui permette d'aller au bout de ses potentialités.

Ces dernières années, nous avons créé un service public de l'école inclusive : les AESH sont devenus le deuxième métier de l'éducation nationale. Il y a désormais autant d'enfants en situation de handicap dans le second degré que dans le premier - nombre d'entre eux vont jusqu'au baccalauréat, ce dont témoigne le nombre croissant d'aménagements de l'examen.

Mme Colombe Brossel.  - Et la question ?

M. Edouard Geffray, ministre.  - Reste l'enjeu de l'accompagnement humain des enfants. Même s'il n'en restait qu'un sans accompagnement, ce serait une situation humaine problématique de trop.

Le nombre de prescriptions augmente de 10 % par an : nous courons donc après ce phénomène, avec des situations territoriales et des viviers très variables. À la veille des vacances de Toussaint, 42 000 enfants n'étaient pas accompagnés. Nous continuerons de faire baisser ce nombre.

Nous prévoyons 1 200 postes supplémentaires d'AESH dans le budget pour 2026, et les créations se poursuivront sans doute les années suivantes. Mais nous devons aussi réfléchir au juste équilibre entre accessibilité et compensation, et probablement retravailler l'ensemble de la prise en charge de ce point de vue. (Applaudissements sur des travées du RDPI)

Mme Marie-Pierre Monier.  - Nous parlons d'enfants en souffrance, de familles mises en difficulté, de mères souvent obligées d'arrêter de travailler. La clé, c'est la titularisation des AESH ! (Applaudissements sur de nombreuses travées à gauche et sur des travées du RDSE ; Mmes Nadia Sollogoub et Jocelyne Antoine applaudissent également.)

Protoxyde d'azote (I)

M. François Bonhomme .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Il y a quelques jours, à Lille, Mathis a été tué par un chauffard multirécidiviste conduisant sous l'emprise du protoxyde d'azote, mis en examen pour homicide routier avec refus d'obtempérer et délit de fuite.

Ce n'est pas un fait divers. Chacun peut se procurer facilement du protoxyde d'azote sur internet, alors que la vente de ce produit est interdite aux mineurs. Le marché parallèle est alimenté par des réseaux de trafiquants étrangers qui exploitent une faille juridique : ils prétendent stocker des bouteilles à l'usage de la pâtisserie.

Deux propositions de loi ont été votées, l'une au Sénat, l'autre à l'Assemblée nationale, mais aucune n'a été inscrite à l'ordre du jour de l'autre chambre. Allez-vous enfin inscrire ces textes à l'ordre du jour du Parlement ? Comment comptez-vous lutter efficacement contre la vente de cette substance dangereuse ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe INDEP)

Mme Marie-Pierre Vedrenne, ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur .  - La mort du jeune Mathis, fauché par un chauffard à Lille, est un drame absolu ; il aurait fêté ses 20 ans aujourd'hui.

Un équipage de policiers a aperçu le conducteur circulant à vie allure et consommant du protoxyde d'azote. Il s'est, en outre, rendu coupable d'un refus d'obtempérer ? avec Laurent Nunez, nous serons intransigeants pour lutter contre ce phénomène.

Je sais que les deux chambres ont travaillé sur la question du protoxyde d'azote. Nous continuerons d'avancer pour lutter contre ce fléau, avec l'appui des parlementaires. (MM. François Patriat et Jean-Baptiste Lemoyne applaudissent ; marques d'insatisfaction sur de nombreuses travées.)

M. le président.  - Un peu d'attention, mes chers collègues, par égard pour la famille de la jeune victime.

M. François Bonhomme.  - Votre réponse est déplorative et décorative. Ce fléau n'est pas nouveau, et nous connaissons bien les conséquences de cette substance de même que les circuits utilisés par les trafiquants. Le volet préventif ne suffit pas, il faut combler la faille juridique. Nous attendons un interdit clair et une réponse pénale efficace. Hélas, il y a pire que l'absence de réponse : c'est ce simulacre de réponse...

Protoxyde d'azote (II)

M. Guislain Cambier .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Je reviens sur ce sujet. Le ministre de l'intérieur était dans le Nord avant-hier, à la suite du drame qui a coûté la vie à Mathis. Nous pensons à sa famille et à ses amis. La justice est saisie, je souhaite qu'elle soit particulièrement sévère avec le chauffard.

Ce drame met à nouveau en lumière l'usage détourné du protoxyde d'azote à des fins psychoactives, un fléau connu depuis une décennie. Une première proposition de loi, déposée par Valérie Létard, a été adoptée par notre assemblée. D'autres textes sont en cours d'examen.

Mais le Parlement mène ce combat seul : aucun gouvernement ne s'est emparé du sujet ! C'est d'autant plus choquant que nous parlons d'un fléau pour la santé publique, mais aussi pour l'environnement - les cartouches explosent dans les incinérateurs et les endommagent - et pour l'ordre public, notamment la sécurité routière.

Alors qu'un jeune sur dix a déjà consommé du protoxyde d'azote, dont la moitié au volant, le Gouvernement va-t-il enfin s'emparer du sujet ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur certaines travées du groupe Les Républicains)

Mme Marie-Pierre Vedrenne, ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur .  - Je vais préciser ma réponse.

Je le redis, le refus d'obtempérer est un fléau : le Gouvernement entend agir fermement sur ce point.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Ce n'est pas la question !

Mme Marie-Pierre Vedrenne, ministre déléguée.  - L'Assemblée nationale a adopté la proposition de loi d'Idir Boumertit et votre assemblée celle d'Ahmed Laouedj pour pénaliser la consommation détournée de protoxyde d'azote. Le Sénat a prévu de sanctionner aussi la détention et le transport du matériel d'extraction de ce gaz.

En outre, nous devons donner aux préfets la possibilité de prononcer une fermeture administrative des commerces ne respectant pas les règles.

Le Gouvernement sera pleinement engagé à vos côtés. (Marques de scepticisme sur de nombreuses travées)

M. François Bonhomme.  - C'est la même fiche !

Mme Marie-Pierre Vedrenne, ministre déléguée.  - Nous travaillerons aussi avec la DGCCRF.

M. Guislain Cambier.  - Allons au bout du travail ! Réunissez rapidement les députés et sénateurs qui ont travaillé sur le sujet, dont Isabelle Florennes et Jean-François Longeot. Comme les Pays-Bas, interdisons la vente des capsules aux particuliers et l'usage de ce produit au volant ! (« Bravo ! » et applaudissements sur de nombreuses travées)

Déremboursement des cures thermales

M. Jean-Marc Boyer .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Une cure thermale, ce n'est pas trois semaines de vacances au frais du contribuable. Les curistes sont des patients qui souffrent, et une soixantaine d'études cliniques prouvent l'efficacité de la médecine thermale.

M. Jean-Baptiste Lemoyne.  - Absolument !

M. Jean-Marc Boyer.  - L'année dernière, le remboursement des cures a coûté 244 millions d'euros, soit 0,1 % des dépenses d'assurance maladie.

Le Gouvernement parle de révision du niveau de prise en charge plutôt que de déremboursement, mais le résultat serait le même : des patients ne seraient plus soignés.

La baisse du taux de remboursement de 100 à 65 % pour les patients en affection de longue durée, et celle des forfaits thermaux de 65 à 15 %, ferait économiser 200 millions d'euros, dites-vous. Mais vous faites un mauvais calcul. Vous fragiliseriez les 88 stations thermales, essentiellement rurales, accroîtriez le recours aux médicaments et perdriez 212 millions d'euros de taxes et cotisations liées aux 25 000 emplois et 4,8 milliards d'euros de retombées économiques du secteur. Bref, en tapant sur les patients, vous risquez d'appauvrir les territoires, et finalement, l'État.

Non, la France n'est pas le dernier pays européen à rembourser les cures thermales ! Certains même les prennent mieux en charge.

Quand cesserez-vous de taper inutilement et injustement sur les cures thermales ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Gisèle Jourda et MM. Hussein Bourgi, Jean-Baptiste Lemoyne et Marc Laménie applaudissent également.)

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée chargée de l'autonomie et des personnes handicapées .  - Un projet de décret revient sur le remboursement intégral des cures thermales pour les patients en affection de longue durée ; M. Anglars m'a interrogée hier matin sur le sujet.

La France est l'un des derniers pays de l'OCDE à rembourser ces cures.

M. Jean-Marc Boyer.  - C'est faux !

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée.  - La dépense se monte à 200 millions d'euros pour l'assurance maladie. La Cnam a préconisé un déremboursement partiel.

Un déremboursement, ce n'est pas notre proposition : le reste des dépenses pourra être pris en charge par les complémentaires santé.

L'examen du PLFSS a débuté à l'Assemblée nationale. Sur ce sujet comme sur d'autres, le Gouvernement avance des propositions ; le Parlement débat et votera.

Shein

M. Hussein Bourgi .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Monsieur le Premier ministre, depuis le week-end dernier, les Français, médusés, estomaqués, découvrent que des entreprises vendent sur le territoire national des poupées pédopornographiques. (Huées à droite) La mondialisation et l'ubérisation du commerce génèrent ce qu'il y a de plus hideux, de plus scabreux. La pédopornographie est l'antichambre de la pédocriminalité. Que comptez-vous faire pour sanctionner les auteurs de ces infractions, ceux qui vendent et ceux qui achètent ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur plusieurs travées des groupes UC et Les Républicains)

M. Serge Papin, ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat, du tourisme et du pouvoir d'achat .  - Nous ne les laisserons pas faire. (Applaudissements sur plusieurs travées des groupes UC et Les Républicains)

Mme Sophie Primas.  - Très bien !

M. Serge Papin, ministre.  - Après les poupées à caractère pédopornographique, ce sont désormais des armes qui sont en vente sur Shein - l'une a servi à l'assassinat du jeune Elias, dans le 14e arrondissement de Paris, le 26 janvier dernier.

Si une plateforme veut vendre en France, elle doit respecter nos règles, nos normes, nos valeurs. Il faut dire non au Far West numérique.

Nous agissons. Sur instruction du Premier ministre, le Gouvernement engage la procédure de suspension de Shein. (Applaudissements, des travées du groupe SER aux travées du groupe Les Républicains)

Nous mesurons le temps nécessaire à la plateforme pour démontrer que ses contenus sont en conformité avec nos lois, et ferons un point d'étape dans 48 heures. Tous les services de l'État sont mobilisés pour intensifier les contrôles. (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur plusieurs travées des groupes UC et Les Républicains)

M. Hussein Bourgi.  - J'attendais de votre part trois réponses.

La première, vous l'avez apportée. J'avais été troublé par les propos du ministre de l'économie, qui hier semblait tergiverser. (M. Roland Lescure le conteste.)

Nous sommes pour la tolérance zéro en matière de pédocriminalité. (Applaudissements) Vous suspendez enfin le site, j'en prends acte avec satisfaction.

J'attendais aussi une réponse sur les actions initiées en matière policière et judiciaire. Avez-vous demandé communication de l'identité des clients ? Il y aurait parmi eux des récidivistes, déjà condamnés.

J'attendais enfin une réponse sur les initiatives que le ministre de l'Europe compte prendre avec ses homologues pour agir à l'échelle de l'Union européenne.

Mme Marie-Claire Carrère-Gée.  - Très bien !

M. Hussein Bourgi.  - Chaque société se construit sur des principes et des interdits.

Mme Sophie Primas.  - Il n'est pas interdit d'interdire ?

M. Hussein Bourgi.  - Ces interdits protègent les plus fragiles. Le droit doit être le bouclier qui protège les enfants et le glaive qui combat leurs prédateurs. (Applaudissements)

Programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE)

M. Daniel Gremillet .  - Monsieur le Premier ministre, la loi portant programmation pluriannuelle de l'énergie, la PPE, aurait dû être adoptée il y a deux ans. Face au retard pris, le Sénat a déposé une proposition de loi en avril 2024 ; nous attendons toujours son examen en deuxième lecture à l'Assemblée nationale. Hier, le ministre Lescure affirmait que le sujet était « au sommet de la pile » ? mais le récent courrier du ministre des relations avec le Parlement qui liste les priorités des quatre prochains mois n'en fait pas mention.

Vos prédécesseurs Michel Barnier et François Bayrou s'étaient engagés à ne pas publier la PPE par décret, mais à laisser la navette parlementaire se poursuivre. Et vous ? Quelles sont vos intentions ? Quel calendrier et quelle méthode envisagez-vous ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées des groupes UC et INDEP.)

M. Roland Lescure, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle, énergétique et numérique .  - Merci de votre travail sur ce sujet important, monsieur le sénateur.

En février 2022, le Président de la République a prononcé à Belfort un discours que la majorité d'entre vous, je crois, partage : relance d'un ambitieux programme nucléaire, avec six nouveaux réacteurs ; engagement fort sur les énergies renouvelables, dont l'éolien marin.

Au gré des vicissitudes de la vie politique, on a oscillé entre décret et proposition de loi. J'étais ministre de l'énergie, je n'ai pas eu le temps de publier le décret prévu.

M. François Bonhomme.  - On n'a pas le temps de suivre !

M. Roland Lescure, ministre.  - L'essentiel, désormais, est d'avancer. Dès le début 2026, nous devons lancer les appels d'offres sur l'éolien marin et commencer les travaux sur le nouveau nucléaire.

Mon équipe contactera les parlementaires les plus investis, dont vous êtes, pour un échange informel, puis nous reviendrons devant la représentation nationale pour proposer une stratégie afin d'avancer vite et bien. Ce sera en tout état de cause à l'automne.

M. Daniel Gremillet.  - Oui ou non, est-ce le Parlement qui conduira le débat à son terme ? (M. Yannick Jadot s'exclame.) Le Premier ministre a renoncé à l'article 49.3 de la Constitution pour faire vivre le débat budgétaire à l'Assemblée nationale. Ferez-vous également confiance au Parlement sur la PPE ? Allez-vous enfin donner une trajectoire énergétique à la France, alors que la bataille économique mondiale fait rage ? En matière d'énergie, nous vivons sur les décisions du passé ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP, ainsi que sur plusieurs travées du RDSE)

M. Guy Benarroche.  - Le nucléaire, c'est le passé !

Avenir de Novasco

M. Jean-Marie Mizzon .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) À ce rythme, nous n'aurons plus besoin d'un ministre de l'industrie, car il n'y en aura plus en France. (M. Alain Houpert applaudit.) On ne parle que de réindustrialiser - mais sans protéger le peu d'industrie qui nous reste !

Notre sidérurgie se meurt. Les sites de Novasco, ex-ArcelorMittal, vont fermer les uns après les autres. C'est le cas chez moi en Moselle, à Hagondange, où 450 emplois pourraient disparaître dès la semaine prochaine, mais aussi dans la Loire, le Nord et en Meurthe-et-Moselle.

Novasco connaît son quatrième redressement judiciaire en onze ans, car l'État, refusant d'entrer au capital, a privilégié comme repreneurs des financiers plutôt que des capitaines d'industrie : en 2024, Greybull Capital, un fonds d'investissement britannique, plutôt que Venete, un industriel italien sérieux.

Novasco est une entreprise à préserver : écologique, car elle recycle l'acier, moderne, car elle tourne à l'électricité, stratégique. Toutes les grandes puissances du G7 ont une industrie sidérurgique. Allez-vous enfin agir pour sauver la sidérurgie française ? (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP, ainsi que sur quelques travées du groupe SER)

M. Roland Lescure, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle, énergétique et numérique .  - Depuis huit ans, on a créé plus d'usines qu'on en a fermées ; on a créé 130 000 emplois industriels, alors que des millions avaient été détruits auparavant. (M. Laurent Somon en doute.) Nous devons amplifier, accélérer cette politique de réindustrialisation - ne l'oubliez pas lors de l'examen du budget.

Nous devons aussi agir en Européens, en faisant aboutir la clause de sauvegarde de l'industrie, cruciale pour sauver nos aciéries.

J'étais ministre de l'industrie quand la reprise d'Ascometal a été organisée en 2024. Il y a eu de bonnes nouvelles : Marcegaglia a repris les activités de Fos-sur-Mer, sauvant 300 emplois. Et de moins bonnes : le fonds Greybull n'a pas respecté ses engagements. J'ai demandé qu'on regarde cela de près.

L'essentiel, aujourd'hui, est de sauver les sites et les territoires. Deux offres de reprise seront examinées par le tribunal le 12 novembre prochain. Bercy travaille avec les repreneurs potentiels ; nous serons particulièrement sensibles au traitement réservé aux salariés et aux territoires. Sébastien Martin suivra le dossier directement.

La séance, suspendue à 16 h 15, reprend à 16 h 30.

Candidatures (Nominations)

M. le président.  - Des candidatures ont été publiées, une pour siéger au sein de la commission des finances, une pour siéger au sein de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale et une pour siéger au sein de la commission des affaires économiques.

Ces candidatures seront ratifiées si la Présidence n'a pas reçu d'opposition dans le délai d'une heure prévu par notre règlement.

Structures économiques face aux risques de blanchiment (Procédure accélérée)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi pour la sécurisation juridique des structures économiques face aux risques de blanchiment, présentée par Mme Nathalie Goulet et plusieurs de ses collègues, à la demande du groupe UC. La procédure accélérée a été engagée sur ce texte.

Discussion générale

Mme Nathalie Goulet, auteur de la proposition de loi .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains ; Mme Sophie Briante Guillemont applaudit également.) Je remercie le groupe UC et son président de m'avoir laissé travailler sur ce sujet, notamment au sein de la commission d'enquête sur la criminalité organisée. Je rends hommage aux policiers, gendarmes, douaniers et magistrats qui luttent contre la criminalité organisée et contre la fraude, malgré le poids de la bureaucratie et les contraintes budgétaires.

La commission d'enquête sur la criminalité organisée a complété le travail de la commission d'enquête sur le narcotrafic. Nous avons parlé d'autres trafics - de migrants, de bijoux - mais sans bénéficier du même portage politique.

Face à une délinquance toujours plus créative, le cadre juridique est décousu. Nous jouons au mikado législatif ! En examinant quatre textes parcellaires en moins de six mois, nos doigts de sylphides ont évité à tout prix de faire bouger les choses. Ce texte ne fait pas exception. La politique des petits pas n'est pas à la hauteur.

Changeons de méthode, en instituant une vision globale et financière des infractions. Les trafiquants, opportunistes, ne s'interdisent rien - or, drogue, migrants. Il ne suffit pas de les frapper au portefeuille : nous ne récupérons que 2 % des avoirs criminels, pas de quoi pavoiser. La plateforme d'identification des avoirs criminels (Piac) n'a même pas les licences adaptées pour accéder aux données des autres services !

Le criminel ne doit pas bénéficier de l'argent de son crime. Un criminel peut acheter en cryptoactifs de l'immobilier à Dubaï depuis sa cellule aux Baumettes.

Nous devons échanger les données de manière plus fluide. Interpol et Europol souhaitent se voir transmettre les dossiers de criminalité organisée, même jugés - leurs agents peuvent y trouver des données précieuses.

Payer d'abord, contrôler ensuite, c'est mal travailler : MaPrimeRénov', covid et taxe carbone sont des réservoirs inépuisables d'opportunité de fraude. Un fraudeur heureux est un fraudeur qui revient : nous avons vu les escrocs des quotas CO2 revenir au moment du covid.

Le problème est que nos propres services verrouillent les débats en invoquant l'article 45 de la Constitution. Avec 100 milliards d'euros de fraudes fiscales, 40 milliards de fraudes sociales, 50 milliards de blanchiment - seuls 2 % sont récupérés -, il est temps que cela cesse !

C'est dans ce contexte que s'inscrit cette modeste proposition de loi, qui vise à prévenir les fraudes, notamment des entreprises éphémères. On déplore entre 20 et 25 milliards d'euros par an de fraudes à la TVA. Il ne faut pas entraver la liberté d'entreprise, dit-on - et on ne change rien. Nous n'avons pas de définition des entreprises éphémères. La mission interministérielle de coordination antifraude (Micaf) aurait un guide - je ne l'ai pas trouvé -, peut-être bientôt un numéro vert ? J'ai bien trouvé un catalogue de formation de 2023 - le même que pour 2025. Les besoins n'auraient-ils pas évolué ?

L'article 4 du texte vise à obliger les entreprises à déclarer leurs comptes à l'étranger. Selon la DGFiP, cela nuirait à l'attractivité de la France. (M. David Amiel en doute.) Les États-Unis, eux, n'ont pas cette lecture. Cette déclaration devrait être obligatoire.

Blanchir est devenu un métier, un service. Il faut s'y attaquer - d'où cette proposition de loi modeste mais énergique.

Il y a les experts de la conformité, mais écoutons les praticiens. La délinquance financière est un levier de la criminalité organisée, qui est un facteur de déstabilisation des démocraties. Le blanchiment des flux criminels irrigue des pans entiers de l'économie légale.

Je remercie le Gouvernement d'avoir appliqué la procédure accélérée. Nous débattrons du projet de loi relatif à la lutte contre les fraudes sociales et fiscales la semaine prochaine, puis lors de l'examen du budget. Il y a beaucoup d'argent dehors. Monsieur le ministre, avant de frapper le contribuable au portefeuille, frappez les fraudeurs ! (Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains et INDEP, du RDSE et du GEST)

M. Stéphane Sautarel, rapporteur de la commission des finances .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Je remercie Mme Goulet et M. Daubet de ce texte qui s'inscrit dans la continuité de leur commission d'enquête sur la délinquance financière. Ils ont montré combien est nécessaire la lutte contre le blanchiment et la criminalité organisée.

Quatre des neuf articles ont été délégués au fond à la commission des lois.

Trois textes auront été examinés en trois semaines : proposition de loi visant à renforcer la lutte contre la fraude bancaire, projet de loi de lutte contre les fraudes sociales et fiscales et la présente proposition de loi. Chacun ne traite qu'une partie du problème, ce qui n'est pas satisfaisant tant le sujet est large.

La commission a modifié, parfois substantiellement, les articles qu'elle a eus à examiner. L'article 1er déterminait les critères de détection d'une société éphémère et imposait, au nom de la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme (LCB-FT), l'obligation, notamment aux greffiers des tribunaux de commerce, de signaler à Tracfin des éléments laissant supposer l'existence d'une telle société. Nous l'avons supprimé, par souci de souplesse et d'efficacité. Inscrire cette définition dans la loi aurait permis aux entreprises fraudeuses d'échapper aux contrôles. Au demeurant, l'obligation de déclaration est satisfaite par le droit existant. Aussi, je vous proposerai de retirer les amendements visant à rétablir l'article.

Les sociétés commerciales ne sont assujetties à aucune obligation de déclaration des comptes détenus à l'étranger, contrairement aux personnes privées physiques. L'article 4 leur étend cette obligation. C'est un bouleversement pour les entreprises, qui demande aussi à la DGFiP de se réorganiser pour stocker et traiter ces nouvelles données. Décalons d'un an la mise en oeuvre pour que les services puissent s'organiser.

Je vous invite néanmoins à la prudence : une telle évolution imposera des charges administratives importantes aux sociétés. Les multinationales ont par définition de multiples comptes à l'étranger.

La commission a largement réécrit l'article 5. L'automatisation est un atout pour lutter contre les circuits frauduleux : utilisons les nouveautés technologiques. On imagine mal des employés de banque devoir valider manuellement un paiement par carte bleue ou un retrait. Je vous propose donc la suppression de cet article, qui créerait une distorsion de concurrence défavorable à la France. Je demande le retrait de l'amendement qui prévoit d'inclure les prestataires de services en cryptoactifs. Préservons l'efficacité opérationnelle des contrôles.

L'article 6 vise à mettre en place un registre national des comptes rebonds. Il a été satisfait par l'adoption de la proposition de loi sur la fraude bancaire la semaine dernière ; nous l'avons donc supprimé.

L'article 7 permet à l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) d'exiger d'un établissement qu'il fasse effectuer un audit par un prestataire externe validé par l'ACPR. Je ne proposerai qu'un amendement rédactionnel.

Ce texte, qui cherche à lutter efficacement contre le blanchiment, s'inscrit dans un arsenal législatif déjà robuste. Je vous propose de l'adopter. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP)

M. Hervé Reynaud, rapporteur pour avis de la commission des lois .  - (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, INDEP et du RDSE) La commission a approuvé sans réserve la philosophie du texte, qui reprend les travaux - denses - de la commission d'enquête de Mme Goulet et M. Daubet. La lutte contre le blanchiment doit être une priorité. C'est l'une des cinq menaces les plus graves qui pèsent sur notre société, selon Interpol.

Il faut frapper les criminels au portefeuille. L'ampleur du phénomène est édifiante. Aussi, les contrôles doivent être renforcés.

Des progrès ont été réalisés, à la suite de travaux du Sénat - je pense à la loi Narcotrafic ou à la loi Avoirs criminels. Entre 38 et 58 milliards d'euros de flux illicites circulent en France, recouvrés à hauteur de 2 % : c'est dire la vulnérabilité de notre tissu économique face à l'infiltration criminelle.

La commission des lois, saisie au fond sur les articles 2, 3, 8 et 9, a sécurisé juridiquement les rédactions, supprimé des redondances et proposé des mécanismes plus opérationnels, répondant aux besoins du terrain. Nous avons travaillé ensemble avec Stéphane Sautarel : je le remercie pour sa capacité à fédérer.

L'article 2 autorise le Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce à créer un nouveau fichier recensant les fausses identités et prête-noms. Il serait aisément contournable et emporterait un risque de double peine pour les victimes d'usurpation d'identité, prête-noms malgré elle. Nous préférons nous appuyer sur les appels à la vigilance de Tracfin, qui peut signaler des individus à risque ; nous souhaitons que le signalement inclue aussi les identités fictives.

L'article 3 propose de retracer l'origine des fonds dans le cadre d'une cession amiable. Cela créerait une charge administrative importante pour les acteurs économiques : Tracfin aurait reçu un nombre de déclarations de soupçons trop nombreux, nous lui avons substitué une mesure de vigilance complémentaire.

L'article 8 renforce les prérogatives des greffiers des tribunaux de commerce ; nous avons supprimé les éléments redondants. L'article 9 expérimente un accès direct des greffiers aux données cadastrales ; nous l'avons sécurisé juridiquement et ajusté dans le temps.

Face aux commerces douteux présents dans nos territoires, nous devons juguler ce qui s'apparente à un crime contre la démocratie et à une incitation à la corruption. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP ; M. Raphaël Daubet applaudit également.)

M. David Amiel, ministre délégué chargé de la fonction publique et de la réforme de l'État .  - Merci à Mme Goulet et à M. Daubet de permettre au Parlement de se saisir d'un sujet aussi essentiel. Le blanchiment est le crime de tous les crimes : il autorise, facilite et prépare d'autres crimes, alimente les réseaux criminels et réinjecte dans l'économie légale des sommes d'argent illégales.

Mais ce texte n'est qu'une étape. Il faudra aller plus loin. Ce sera l'objet du projet de loi Fraudes examiné la semaine prochaine au Sénat.

Il faut effectivement une nouvelle méthode, une approche complète, en agissant contre le blanchiment et contre la fraude. En matière de fraude, il faut lutter contre la fraude fiscale comme sociale, et, au sein de cette dernière, contre la fraude aux prestations sociales et contre la fraude aux cotisations.

Pouvoirs renforcés de Tracfin, obligation de vérifier l'origine des fonds lors d'opérations sensibles : vos dispositions sont utiles, car documentées par votre commission d'enquête, qui a montré l'ampleur du phénomène.

Ce texte a pour but de faciliter le contrôle des greffes des tribunaux de commerce lors de la création et de la reprise d'entreprises, mais aussi de lutter contre la création de comptes bancaires de transit de fonds issus d'activités criminelles.

La lutte contre le blanchiment s'est améliorée : je salue le travail de Tracfin, des douanes, de la DGFiP, qui se sentent souvent un peu seuls. Nous leur montrons qu'il y a une volonté politique de les doter d'outils efficaces.

Préférons la culture du résultat à celle des annonces. Personne n'est pour la fraude. Ce qui doit guider nos travaux, c'est l'efficacité opérationnelle de l'ensemble des acteurs, administratifs et économiques. Je comprends que les travaux en commission y ont veillé. Nous devons proposer des mesures opérationnelles, claires et proportionnées.

Nous devons mener un travail équilibré. Si je salue les avancées réalisées en commission, certaines dispositions gagneraient encore à être affinées. Le Gouvernement accompagnera ces travaux, et c'est pourquoi nous avons engagé la procédure accélérée.

L'article 4 pourrait être amélioré. Les particuliers et les entreprises n'ont pas les mêmes obligations de déclaration de comptes à l'étranger, mais des obligations spécifiques s'appliquent aux entreprises. Si le Gouvernement partage l'intention des auteurs du texte, évitons un empilement d'obligations qui entraverait les travaux des services. Simplification administrative et efficacité opérationnelle de la lutte contre le blanchiment et la fraude, tels sont nos objectifs. L'article 4 n'a pas encore trouvé son équilibre ; j'émettrai donc un avis de sagesse.

Nous partageons l'ambition de l'article 5, qui appelle à plus de vigilance sur les interfaces automatisées ; toutefois, les outils existent.

L'article 7 mérite un travail de précision plus poussé.

En conclusion, la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme se gagne par l'action collective. Ce texte n'est qu'une étape, et le Parlement devra veiller à contrôler l'efficacité des mesures prises. Dès la semaine prochaine, nous poursuivrons le travail en examinant le projet de loi Fraudes.

Le Gouvernement donnera un avis favorable sur cette proposition de loi, moyennant un travail technique sur certaines dispositions. (Applaudissements sur les travées du RDPI, du RDSE et des groupes INDEP, UC et Les Républicains)

Mme Catherine Belrhiti .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le blanchiment constitue un risque majeur ; selon la Cour des comptes européenne, c'est 1,3 % du PIB européen.

La commission d'enquête présidée par Raphaël Daubet, dont la rapporteure était Nathalie Goulet, a mis en lumière l'ampleur du phénomène : des dizaines de milliards d'euros échappent chaque année à la France, et alimentent les mafias, enrichissent les individus et, dans certains cas, financent le terrorisme.

Il est indispensable de disposer d'un cadre législatif clair et efficace.

En Moselle, les flux économiques et financiers sont importants avec le Luxembourg et l'Allemagne. Je suis bien informée de nos vulnérabilités : des sociétés-écrans au Luxembourg permettent de faire transiter des fonds en liquide. Le défi est de contrôler ces points de friction tout en préservant le dynamisme d'un territoire ouvert.

La proposition de loi renforce les moyens d'action des services de contrôle et d'enquête. Je salue nos deux rapporteurs dont les amendements ont donné plus de consistance au texte. La définition des sociétés éphémères est précisée et le contrôle des opérations financières à risque est renforcé. L'ACPR disposera de pouvoirs accrus pour imposer des audits. Le fisc aura accès de manière sécurisée aux données cadastrales. Le suivi des flux financiers est facilité. L'efficacité de la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme s'en trouvera significativement améliorée.

Ce texte est un signal fort : le Sénat s'engage fermement contre le blanchiment, pour sécuriser notre économie. Tous les acteurs publics et privés doivent collaborer pleinement. Ensemble, faisons en sorte que la France demeure en pointe dans ce domaine. Le groupe Les Républicains votera cette proposition de loi. (Applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains ; Mme Nathalie Goulet et M. Raphaël Daubet applaudissent également.)

Mme Salama Ramia .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI ; Mme Nathalie Goulet applaudit également.) Je remercie chaleureusement la commission des finances et la commission des lois pour leur travail. En un temps record, ils ont su proposer des modifications pertinentes pour améliorer ce texte. La collaboration a été menée en bonne intelligence avec Bercy. Je remercie Nathalie Goulet dont l'engagement constant contre la délinquance financière force l'admiration. Je n'oublie pas Raphaël Daubet, président de la commission d'enquête.

Cette proposition de loi est l'aboutissement d'un travail parlementaire de fond, documenté et rigoureux. Enfin, je salue le Gouvernement qui prend cette problématique à bras-le-corps.

Cette proposition de loi illustre parfaitement ce que doit être notre action : transpartisane, déterminée et implacable face aux fléaux qui minent notre économie et notre société.

Le blanchiment de capitaux est vertigineux : entre 38 et 58 milliards d'euros de flux annuels sont recyclés dans le circuit légal. Or nous n'en récupérons que 2 %. C'est clairement insuffisant.

Pendant que les réseaux criminels prospèrent, que des fortunes illicites se fondent dans notre économie légale, l'État peine à récupérer les fruits de ces activités criminelles. Cette situation doit cesser.

Mme Nathalie Goulet.  - Bien !

Mme Salama Ramia.  - Le blanchiment fait des victimes : il finance le terrorisme, alimente les trafics qui détruisent nos quartiers, fausse la concurrence, pénalise les entreprises honnêtes, fragilise la confiance.

Cette proposition de loi apporte une première réponse essentielle, en créant des outils concrets contre le blanchiment. Elle renforce la vigilance, améliore la traçabilité des flux, donne les moyens de protéger notre économie contre l'infiltration de capitaux criminels.

Ainsi, nous pourrons mieux détecter, mieux prévenir et mieux sanctionner, sans que l'activité économique légitime n'en soit paralysée.

Ce texte lance un message fort : la France ne sera pas un territoire où l'argent sale peut circuler librement. Ce n'est pas un sujet de gauche ou de droite, mais de confiance, de justice et d'État de droit. Nous transcendons ici les appartenances partisanes.

Mme Nathalie Goulet.  - Très bien !

Mme Salama Ramia.  - Nous avons une responsabilité collective. Le RDPI a toujours placé la lutte contre la fraude et le blanchiment au coeur de ses priorités, et il votera avec force cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du RDPI, du groupe UC, du RDSE et du groupe INDEP ; Mme Catherine Conconne applaudit également.)

M. Vincent Éblé .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Voilà un texte aussi technique que nécessaire. Il répond à une question majeure : comment protéger notre économie du blanchiment qui sape la confiance publique ?

La France et l'Europe ont été secouées depuis dix ans par une série de scandales financiers : Panama Papers, CumEx Files, escroquerie à la TVA, scandales liés aux cryptoactifs. Ce sont des milliards d'euros qui échappent chaque année au contrôle des États, au financement de nos politiques publiques et à la loyauté du marché.

Ces affaires ont révélé la fragilité de nos mécanismes de prévention : trop d'acteurs, trop peu de coordination, face à une ingénierie criminelle désormais mondialisée.

La France a réagi avec de nombreux mécanismes -  loi Sapin II, renforcement de Tracfin, montée en puissance du parquet national financier (PNF), transposition des directives européennes  - mais les réseaux criminels, aussi, se sont adaptés. Ils exploitent désormais les zones grises, avec des entreprises éphémères et des prête-noms.

Il faut boucher les angles morts. C'est l'objet de cette proposition de loi qui rapproche nos standards de ceux prévus par la future autorité européenne de lutte contre le blanchiment : l'Amla (Anti-Money Laundering Authority). Nous devons adapter notre droit à des pratiques criminelles qui n'ont, elles, ni frontières ni délais.

Je salue la cohérence du travail mené au Sénat depuis plusieurs années. La commission des finances a été pionnière dans l'analyse des dispositifs de lutte contre la fraude et le blanchiment. Nous avions alerté contre la fraude carrousel à la TVA, qui coûte des milliards d'euros chaque année à la collectivité, ainsi que sur les CumEx Files, qui coûtent 1 à 3 milliards d'euros par an au budget de la France. (Mme Nathalie Goulet approuve.)

Les montages CumCum et CumEx ne sont pas des abstractions. C'est le casse fiscal du siècle, qui fragilise le consentement à l'impôt.

Notre Haute Assemblée n'a pas attendu pour agir. En 2018, sous ma présidence de la commission des finances, nous avions constitué un groupe de suivi. Le consensus transpartisan qui s'est ensuivi a conduit à des amendements au budget 2019. Tous les groupes politiques avaient déposé à l'époque le même amendement créant une retenue à la source de 30 % sur les opérations suspectes, à charge aux bénéficiaires non-résidents de prouver la légitimité des dividendes. C'est une fierté.

Pendant que certains multiplient les effets d'annonce, le Sénat, lui, travaille, écoute, amende, construit. Nous savons encore dialoguer entre groupes politiques, avec le sens de l'intérêt général. Nous avançons sans bruit, mais avec méthode et responsabilité.

Cette proposition de loi s'inscrit dans cet esprit : anticiper les risques plutôt que de courir après les scandales. Elle complète nos initiatives précédentes. Elle renforce les maillons faibles sans complexifier l'édifice, et complète sans les contredire les instruments existants. C'est un texte de consolidation et non d'empilement.

Ce texte comble les failles de notre code monétaire et financier, en favorisant la détection des entreprises éphémères, ces chevaux de Troie de la fraude. Il améliore la traçabilité des entités fictives, renforce la vigilance autour des comptes rebonds et encadre les néobanques. Il conforte le rôle des greffiers des tribunaux de commerce, acteurs discrets, mais essentiels de la sécurité publique.

Ces dispositions précises et équilibrées visent à assainir l'environnement économique sans alourdir les formalités pour les acteurs honnêtes.

Le groupe SER partage l'objectif de ce texte : faire reculer l'économie souterraine et protéger la probité des affaires. Néanmoins, nous voterons l'amendement n°3 qui rétablit la notion d'entreprise éphémère tout en renvoyant ses critères à un décret, évitant ainsi de rigidifier le droit.

En revanche, nous sommes réservés sur certains amendements susceptibles d'affaiblir la portée des vérifications sur l'origine des fonds.

Nous voterons les amendements du groupe CRCE-K sur les cryptoactifs et soutiendrons également les propositions de renforcement des pouvoirs de vérification des greffes avant déclaration de soupçon.

Nous ne pouvons pas voter l'amendement n°1 de Mme Goulet imposant une immatriculation au registre du commerce aux associations exerçant une activité économique : l'intention est légitime, mais la méthode paraît inadaptée. Une telle mesure risquerait d'affaiblir le tissu associatif, pilier de notre vie démocratique et sociale. Ce travail doit être mené en concertation avec les acteurs concernés.

La commission des finances a fait oeuvre utile. Nous souhaitons que la navette poursuive le travail. L'enjeu n'est pas de produire une loi symbolique, mais applicable et évaluable. L'efficacité d'un texte se mesure moins à sa sévérité qu'à sa capacité à être appliqué partout et par tous.

La transparence des bénéficiaires effectifs et la traçabilité des flux financiers seront les priorités du futur parquet européen anti-blanchiment. En votant cette proposition de loi, nous montrons que la France anticipe. Ce n'est pas un hasard si le Sénat se saisit de cette question.

Chaque société-écran qui prospère, c'est une part de confiance républicaine qui s'érode. Lutter contre le blanchiment, c'est défendre non seulement la République économique, mais aussi la République morale.

Le groupe SER votera cette proposition de loi équilibrée. (Applaudissements sur les travées du GEST, du RDSE et du groupe INDEP ; Mme Nathalie Goulet applaudit également.)

M. Pascal Savoldelli .  - (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K) Cette proposition de loi est directement issue des travaux de la commission d'enquête présidée par Raphaël Daubet et dont la rapporteure était Nathalie Goulet.

Monsieur le ministre, vous avez fait un petit cavalier législatif en évoquant la fraude sociale et fiscale... Vous défendez le Gouvernement à outrance, je comprends, mais mettons les choses à leur place ! (M. David Amiel et M. Stéphane Sautarel s'en amusent.)

Entre 38 et 58 milliards d'euros issus d'activités criminelles seraient recyclés chaque année dans notre économie. En France, 2 à 3 % seulement des signalements à Tracfin débouchent sur des poursuites.

La délinquance financière n'a pas le visage d'un gangster. Elle s'appuie sur des cabinets d'avocats, des banques. Elle gangrène des secteurs entiers, capte de l'argent public, influence des décisions économiques. C'est un crime en col blanc, qui n'est pas une anomalie, mais une composante à part entière du capitalisme mondialisé.

La proposition de loi place la prévention au coeur de la régulation économique. Le modèle de sanction a posteriori est trop tardif. L'entreprise privée ne doit plus être considérée comme un simple agent de l'économie libre, mais aussi comme un point potentiel d'introduction de flux illicites. L'alerte est sérieuse. Nous avons un devoir de vigilance.

Le passage du texte en commission a modifié certains équilibres. La portée du texte en a été fortement affaiblie. La définition légale de l'entreprise éphémère a été supprimée. Dommage : l'angle mort perdure.

La création d'un fichier national des identités fictives et prête-noms a été abandonnée. Or Tracfin a-t-il les moyens de suivre de telles identités en temps réel ? Non.

La substitution de l'obligation systématique de justification de l'origine des fonds par une simple vigilance à la discrétion du professionnel chargé de l'acte marque un infléchissement significatif. Sous couvert de simplification administrative, on déplace la responsabilité de la prévention vers l'appréciation subjective des acteurs privés. Cette rédaction risque de conduire à des pratiques hétérogènes.

Il y a néanmoins des avancées telles que l'extension de déclaration de comptes bancaires à l'étranger ou l'accès des greffes au cadastre.

Dure réalité : la finance va parfois plus vite que la loi. Et la valeur se substitue à la monnaie. Les cryptoactifs, avenir prétendu de la liberté économique, deviennent une richesse sans contrôle. Comme le dit Éric Bocquet - cela fera plaisir à Nathalie Goulet (Mme Nathalie Goulet sourit) : pendant que nous dormons, l'argent circule, s'échappe, se cache.

Nous voterons cette proposition de loi, car la criminalité financière affaiblit l'État, mine la démocratie et renforce les inégalités. Il faut néanmoins des moyens techniques et humains. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K, SER, du GEST, du groupe INDEP et du RDSE ; Mme Nathalie Goulet applaudit également.)

M. Grégory Blanc .  - (Applaudissements sur les travées du GEST) Le blanchiment est au coeur des trafics. Les trafiquants agissent pour gagner de l'argent. Sans appât du gain, pas de corruption, pas de narcotrafic, pas de fraude fiscale organisée, pas de traite des êtres humains. Avec le blanchiment, l'argent sale se fond dans l'économie licite.

Je salue le travail de la commission d'enquête dont j'ai été membre, qui a été pilotée énergiquement par Nathalie Goulet et Raphaël Daubet.

Si ce texte est qualitatif, il a subi un programme de lavage élevé en température. Ce n'est plus que l'ombre de la proposition de loi initiale, après un sévère rétrécissement au lavage, dû à l'empilement législatif et à l'arrivée du projet de loi Fraudes. Il aurait fallu embrasser la criminalité financière dans toutes ses dimensions. (Mme Nathalie Goulet approuve.)

Nous assistons à un véritable saucissonnage législatif avec toute une galaxie de textes, dont la proposition de loi Cazenave au titre présomptueux... (Mme Nathalie Goulet renchérit.)

La criminalité financière est systémique ; la réponse doit l'être aussi.

Monsieur le ministre, il ne tient qu'au Gouvernement de présenter un texte complet, et non un texte cosmétique se concentrant sur la fraude sociale et pas suffisamment sur la fraude fiscale, comme celui que nous examinerons la semaine prochaine.

Sur le fond, les avancées sont réelles : les outils sont là, mais restent limités. En commission, plusieurs articles ont été affaiblis. Nous le regrettons, mais nous y reviendrons la semaine prochaine.

À l'article 1er, avec Raphaël Daubet nous avons déposé un amendement rétablissant la définition des entreprises éphémères, c'est une nécessité. Sans cadre clair, les sociétés-écrans fleuriront toujours.

Nous voterons les amendements qui enrichiront ce texte, notamment ceux concernant les cryptomonnaies et ceux de Nathalie Goulet.

La question de l'effectivité reste entière. Les constats de la commission d'enquête sont clairs : la législation a des lacunes, mais nos services manquent de moyens. (Mme Nathalie Goulet le confirme.)

C'est pourquoi il faut un projet de loi complet, incluant dispositions législatives et moyens, en lien avec la coordination européenne.

Je suis choqué d'entendre que lutter contre le blanchiment peut aboutir à affaiblir l'attractivité de la France. J'invite chacun à mieux réfléchir au sens de ces propos. (Applaudissements sur les travées du GEST et du RDSE ; Mme Nathalie Goulet et M. Laurent Somon applaudissement également.)

M. Raphaël Daubet .  - Je ne partage pas l'avis de Nathalie Goulet. Ce texte n'est pas un petit texte, mais le fruit d'un travail parlementaire rigoureux, celui de la commission d'enquête que j'ai eu l'honneur de présider. Je remercie le groupe UC, son président Hervé Marseille ainsi que Nathalie Goulet qui m'a entraîné dans son sillage avec la passion impétueuse et virevoltante qu'on lui connaît. Je ne dis pas que ce fut toujours simple d'être son président... (Rires) Mais ce fut toujours amical et passionnant. Je remercie également les rapporteurs.

Ce texte est plus ambitieux qu'il n'en a l'air : il prépare un changement de culture dans la lutte contre le crime organisé. Ne plus se contenter d'une détection a posteriori, mais instaurer une traçabilité ex ante ; ne pas ajouter une couche de bureaucratie supplémentaire, mais armer ceux qui sont au contact du réel pour détecter les signaux faibles : greffes, banques, notaires, experts-comptables.

Le travail de la commission d'enquête sur le narcotrafic a été très précieux, en ce qu'il a souligné la nécessité de changer d'angle : il faut appréhender la criminalité par le prisme du blanchiment. Dans tous les cas, les criminels doivent blanchir les fonds, ce qui expose nos démocraties à des risques de corruption.

L'argent sale se mêle à l'argent propre, dans un empoisonnement invisible de nos démocraties. Les criminels jouissent de leur argent, même dans leur prison ou lorsqu'ils en sortent.

Il faut fermer les brèches : entreprises éphémères, cessions d'entreprises mal contrôlées, comptes bancaires à l'étranger pour les sociétés commerciales, comptes rebonds dans certaines néobanques.

Il faut aussi donner aux greffiers des tribunaux de commerce des leviers d'action et de contrôle opérationnels, afin de déplacer la lutte contre le blanchiment du champ judiciaire répressif vers le champ administratif préventif. C'est une transformation culturelle majeure.

Je comprends la difficulté que pose une définition des sociétés éphémères, comptes rebonds et néobanques. Mais elle est indispensable.

Je consens au report d'un an pour l'obligation de déclarer les comptes à l'étranger, mais j'insiste, là aussi, sur son importance pour prendre la mesure de la dimension internationale du crime organisé.

Certains s'inquiéteront d'un risque de suradministration. Mais en la matière et vu l'ampleur du phénomène, nous n'avons pas intérêt à défendre la simplification au détriment du contrôle. Nous avons besoin d'un État qui anticipe, détecte, empêche.

Voter ce texte, c'est comprendre que pour lutter contre la criminalité organisée, il faut l'asphyxier financièrement ; c'est ainsi que la France rétablira l'ordre public, la justice économique et sa souveraineté. (Applaudissements sur toutes les travées, à l'exception de celles du groupe CRCE-K)

Mme Nathalie Goulet .  - Il est passé par ici, il repassera par là...

Je remercie le président Raphaël Daubet qui est entré à pieds joints dans ce sujet. Nous avons fait un travail formidable, notamment avec Étienne Blanc.

Le temps parlementaire nous a empêchés de présenter le texte plus ambitieux que nous avions préparé, cher Grégory Blanc. Monsieur le ministre, si nous avons un jour le temps, il nous faudra y revenir.

Pourquoi un enregistrement des associations ayant une activité commerciale ? Le secteur associatif engendre un chiffre d'affaires de 120 milliards d'euros chaque année. Certaines associations à but non lucratif ont une activité économique, mais sans contrôle. Même si elles sont rattrapées par la patrouille de l'impôt sur les sociétés, les contrôles juridiques -  bénéficiaires effectifs, sécurisation des transactions...  - ne se font pas. L'Allemagne, la Belgique, les Pays-Bas, le Luxembourg, la Pologne et le Portugal disposent pourtant de tels registres. Évidemment, il ne s'agit pas d'y inscrire les producteurs de camemberts ou les associations culturelles, mais les structures dépassant un certain seuil !

Nous avons plusieurs exemples de dysfonctionnements. Le Groupe d'action financière (Gafi) a rendu un rapport éloquent en 2022, montrant les failles de la France. Certes, chère Sophie Primas, la loi confortant le respect des principes de la République a amélioré le contrôle des associations, mais le sujet reste entier.

Certaines associations cultuelles ont un chiffre d'affaires très important. D'autres dysfonctionnements d'associations ont été révélés, comme chez Equalis, dont le directeur a été condamné pour un détournement de fonds de 600 000 euros. Chacun se souvient du scandale de l'Association pour la recherche sur le cancer (ARC). SOS Éducation a été condamnée pour émission abusive de reçus fiscaux. BarakaCity a été interdite ici, mais on la retrouve ailleurs. Nous en reparlerons lors de l'examen du PLF : ce sujet revient comme mars en carême, puisque je dépose chaque année le même amendement pour contrôler les rescrits.

Ce débat n'aboutira pas aujourd'hui, mais il reviendra demain. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, du GEST, du groupe Les Républicains, du RDSE et du groupe CRCE-K.)

M. Marc Laménie .  - (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains) Merci aux deux rapporteurs et aux deux auteurs de la proposition de loi, qui ont conduit la commission d'enquête dont elle est issue.

Entre 12 et 20 milliards d'euros : c'est le chiffre d'affaires annuel estimé des réseaux spécialisés dans le blanchiment d'argent en France. Pour rappel, le montant alloué à la justice pour 2025 est de 12 milliards d'euros, celui alloué au logement de 23 milliards d'euros.

Le chiffre d'affaires produit par le blanchiment ne peut pas être équivalent à ces postes budgétaires essentiels.

Au total, le montant annuel des flux blanchis serait compris entre 38 et 58 milliards, pour un taux de récupération par l'État de seulement 2 %.

Il y a urgence à agir efficacement. Nathalie Goulet et Raphaël Daubet ont été en première ligne avec leur commission d'enquête et ses cinquante recommandations articulées autour de trois axes : mieux comprendre le blanchiment, définir une stratégie de lutte et développer la coopération internationale.

Cette proposition de loi se concentre sur une matière plus restreinte. Une réforme plus large avait été envisagée, mais le calendrier législatif était déjà chargé : la semaine dernière, une proposition de loi sur la fraude bancaire, la semaine prochaine, un projet de loi contre la fraude. L'idée est d'avoir des textes ciblés, afin d'apporter des réponses rapides.

L'objectif de ce texte est de donner aux autorités les moyens de mieux lutter contre les dérives entrepreneuriales liées à la criminalité financière. En commission, il a été enrichi par les deux rapporteurs, dont le travail a notamment sécurisé juridiquement les recommandations concernant Tracfin ou encore l'administration des douanes, que je connais bien, mon département des Ardennes étant frontalier.

L'article 4 initial étendait les obligations de déclaration à tous les comptes bancaires détenus à l'étranger par les sociétés commerciales. Un amendement du rapporteur a permis une application différée pour que l'administration puisse s'y préparer.

Le texte lance également une expérimentation permettant aux greffiers de consulter les données cadastrales.

Le groupe Les Indépendants votera ce texte, qui permettra de mieux lutter contre les nouvelles formes de blanchiment. La criminalité financière ne s'arrête pas à nos frontières.

Donnons à l'État les moyens de s'en prémunir ; c'est nécessaire à notre pacte républicain (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains et du RDSE)

Mme Nadine Bellurot .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Nous assistons à l'émergence de nouvelles formes de criminalité. Les réseaux peuvent être très structurés à l'international avec des ramifications locales. Le lien très fort entre la délinquance locale et les trafics internationaux nécessite une fluidité de l'information entre les services, pour une stratégie de lutte efficace.

Nous avions fait ce constat en 2023 avec Jérôme Durain dans le cadre de notre rapport sur la police judiciaire. Les réseaux profitent du cloisonnement de nos administrations, qui travaillent en silo et manquent de moyens.

Entre 38 et 58 milliards d'euros de flux criminel infiltrent notre économie légale alors que seuls 2 % sont saisis. Cela met en danger notre République et déstabilise nos institutions.

La criminalité organisée, dans laquelle baigne notamment le narcotrafic, est un fléau. La loi Narcotrafic a permis des avancées. Je salue son rapporteur et co-auteur, Étienne Blanc.

Lutter contre le blanchiment est l'une des seules manières efficaces de priver la criminalité organisée de sa raison d'être. Cette lutte ne se gagne pas seulement sur le terrain, mais aussi dans les livres de comptes. Le Sénat a fait sa part du travail en adoptant plusieurs propositions de loi. Mais des marges de progrès subsistent.

Vice-présidente de la commission d'enquête sur la délinquance financière, je salue le travail remarquable de Nathalie Goulet et de Raphaël Daubet, ainsi que leur engagement sans faille.

Quelques recommandations sont reprises ici. Chaque acteur est responsabilisé et les administrations sont dotées de moyens opérationnels et proportionnés. Il y a urgence à protéger notre économie.

À l'heure ou le projet de loi de finances pour 2026 demande beaucoup ? beaucoup trop ? aux Français et aux collectivités territoriales, la lutte contre la fraude et le blanchiment est un levier concret pour rééquilibrer nos comptes publics. (Mme Nathalie Goulet approuve.) Frappons la criminalité organisée au portefeuille ! Le blanchiment, c'est le crime qui permet tous les autres. (Applaudissements sur les travées des groupeLes Républicains et UC et du RDSE ; M. Marc Laménie applaudit également.)

Mme Nathalie Goulet.  - Bravo !

M. Michel Canévet .  - Le groupe Union Centriste a fait de la lutte contre les fraudes un cheval de bataille, notamment sous la houlette de Nathalie Goulet.

La commission d'enquête contre la délinquance financière a émis cinquante recommandations. Si certaines sont législatives, de nombreuses autres reviennent à mieux organiser les services de l'État. J'espère que le Gouvernement s'en saisira.

À un moment où les comptes publics sont très dégradés et où le recours à la fiscalité peut être considéré comme excessif, il importe que la lutte contre les fraudes soit au centre de l'action publique.

Nous devons approfondir le travail autour des pouvoirs des greffiers.

Nous devons réfléchir sur la capacité à payer, c'est-à-dire la capacité des services à saisir les actifs lorsque des fraudes sont identifiées. Nous avons beaucoup à faire dans ce domaine. Le Trésor public dispose d'outils en la matière, mais ce n'est pas le cas des institutions sociales. Je pense notamment à l'Urssaf : à cause du travail dissimulé, près de 1 milliard d'euros de cotisations ne rentrent pas dans les caisses. Le temps que les jugements soient rendus, les sommes reversées sont inférieures de 10 % à la fraude constatée.

Nous invitons le Gouvernement à se saisir des propositions. Il faut agir ! (Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains, du RDSE et du GEST ; M. Marc Laménie applaudit également.)

M. Étienne Blanc .  - Le 15 juin dernier, nous nous sommes dotés d'un texte puissant pour lutter contre le narcotrafic, dans le sillage des travaux menés par notre commission d'enquête.

Pour le dire trivialement, nos investigations nous ont donné le tournis. Le narcotrafic dans notre pays, ce sont 7 milliards d'euros de chiffre d'affaires - pas si loin du budget du ministère de la justice - et une rentabilité phénoménale : 5 000 euros investis à Bogota peuvent rapporter 1 million d'euros en France un an plus tard. C'est une masse colossale de petites coupures, car les consommateurs paient en espèces - rarement en billets de 100 euros ou plus.

Or nous ne saisissons chaque année que 140 millions d'euros liés au narcotrafic, sur un total de 1,4 milliard d'euros de saisies criminelles. C'est absolument dérisoire. Le reste de l'argent s'évapore en voitures et biens de luxe, mais aussi dans l'immobilier et l'économie réelle, car les narcotrafiquants gèrent des entreprises, des hôtels et des commerces divers, ce qui leur donne une capacité formidable à faire circuler les flux.

Voilà ce à quoi nous devons nous attaquer. Je salue ce texte excellent, qui sera une brique de plus dans la lutte contre la criminalité. Ce combat requiert des moyens puissants de surveillance, d'enquête et de répression. Nous devons travailler plus étroitement avec, notamment, les greffiers des tribunaux de commerce et les notaires. Il faut aussi mieux mobiliser Tracfin, dont nous avons mesuré la finesse de l'action.

Ce travail reste largement inabouti, notamment pour deux raisons. D'abord, notre difficulté à anticiper : les narcotrafiquants ont toujours trois à quatre coups d'avance. Ensuite, l'épineuse question des cryptomonnaies. Songez que Trump vient de gracier Changpeng Zhao, qui a blanchi de l'argent pendant des années avec Binance - en Europe, nous ne pouvons pas l'accepter, car nous en avons été victimes !

Quelles sont les intentions du Gouvernement en matière de lutte contre le blanchiment au sein du système des cryptomonnaies ? Essayez de faire en sorte que les trafiquants n'aient pas trop d'avance sur nous. (Applaudissements)

Discussion des articles

Article 1er (Supprimé)

M. le président.  - Amendement n°2 rectifié de Mme Goulet.

Mme Nathalie Goulet.  - Je le retire au profit du suivant.

L'amendement n°2 rectifié est retiré.

M. le président.  - Amendement n°3 rectifié de MM. Grégory Blanc et Daubet et du GEST.

M. Grégory Blanc.  - La commission a supprimé la définition des sociétés éphémères, qui serait trop rigide. Nous considérons qu'il est absolument nécessaire de faire mention de ce problème dans la loi. Les critères de définition seraient renvoyés à un décret en Conseil d'État, pour laisser à l'administration la latitude de s'adapter aux évolutions des formes de criminalité.

M. Stéphane Sautarel, rapporteur.  - Nous partageons l'objectif des auteurs de l'amendement, mais maintenons notre position dans un souci d'efficacité. Il n'est pas opportun de rendre publics les critères de détection des pratiques criminelles. En outre, le guide élaboré par la Micaf vous satisfait. Retrait, sinon avis défavorable.

M. David Amiel, ministre délégué.  - Avis défavorable, pour les mêmes raisons.

Mme Nathalie Goulet.  - Des responsables auditionnés par la commission d'enquête nous ont dit l'exact contraire. Il y a aussi un problème d'acculturation à résoudre. La définition des critères par voie réglementaire assure une certaine souplesse. Ce dispositif ne nuira pas à l'action des services.

Je travaille depuis longtemps sur les sociétés de domiciliation ; les travaux de M. Éblé sur la fraude à la TVA ne datent pas d'hier : entre 20 et 25 milliards d'euros ! Changeons de paradigme. Je soutiens fermement cet amendement.

M. David Amiel, ministre délégué.  - Figer la définition risquerait de fragiliser les déclarations de soupçon. En creux, cela pourrait suggérer que ce qui est hors du champ du décret ne peut pas donner lieu à déclaration. En outre, un décret en Conseil d'État ne se change pas tous les jours. Face à une situation très évolutive, l'enjeu principal est la sensibilisation des professionnels par l'administration.

M. Grégory Blanc.  - Devant la commission d'enquête, certains acteurs ont expliqué que l'objectif était aussi d'obtenir davantage de déclarations de soupçon. Oui, il faut d'abord sensibiliser sur le terrain, expliquer la distinction entre fraude et activités légales, clarifier le champ du blanchiment où licite et illicite se confondent. Nous proposons de faire référence dans la loi aux sociétés éphémères et de laisser le Gouvernement en définir les critères, pour plus d'agilité.

M. Stéphane Sautarel, rapporteur.  - Je signale que les greffiers des tribunaux de commerce sont largement revenus sur leur première position : ils sont très réservés sur le dispositif proposé. Encore une fois, nous partageons l'objectif, mais laissons l'administration s'adapter.

À la demande du groupe Les Républicains et du GEST, l'amendement n°3 rectifié est mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°21 :

Nombre de votants 342
Nombre de suffrages exprimés 342
Pour l'adoption 175
Contre 167

L'amendement n°3 rectifié est adopté. L'article 1er est ainsi rédigé.

Article 2

M. Guy Benarroche .  - Merci à Mme Goulet d'avoir déposé ce texte dans la continuité de notre commission d'enquête.

Le rôle joué par les tribunaux de commerce est essentiel. Le Gouvernement doit le renforcer dans le projet à loi à venir sur les fraudes.

Tous les acteurs du monde judiciaire le disent : la traque des criminels suppose une meilleure coordination. De ce point de vue, l'importance des tribunaux des affaires économiques est sous-estimée. Ils devraient être destinataires de toutes les informations utiles, pour une meilleure coordination des services ; c'est le cas des informations relatives au fichier mentionné à cet article, mais pas seulement.

L'article 2 est adopté.

Article 3

M. le président.  - Amendement n°6 de M. Reynaud.

M. Hervé Reynaud.  - Il s'agit d'apporter des clarifications à la mesure de vigilance complémentaire prévue en cas de cession amiable.

L'amendement n°6, approuvé par la commission et le Gouvernement, est adopté.

L'article 3, modifié, est adopté.

L'article 4 est adopté.

Article 5

M. le président.  - Amendement n°8 de M. Sautarel, au nom de la commission des finances.

M. Stéphane Sautarel, rapporteur.  - Nous proposons la suppression de l'article, en accord avec l'auteur du texte, compte tenu notamment de l'efficacité de certains systèmes de contrôle automatisé.

L'amendement n°8, approuvé par le Gouvernement, est adopté et l'article 5 est supprimé.

L'amendement n°4 devient sans objet.

Article 7

M. le président.  - Amendement n°9 de M. Sautarel, au nom de la commission des finances.

L'amendement rédactionnel n°9, accepté par le Gouvernement, est adopté.

L'article 7, modifié, est adopté.

Après l'article 7

M. le président.  - Amendement n°5 de MM. Savoldelli, Barros et du groupe CRCE-K.

M. Pascal Savoldelli.  - Nous demandons un rapport sur les technologies visant à dissimuler l'origine ou la destination des fonds, en particulier les crypto-monnaies à anonymat renforcé et les portefeuilles anonymisants, dans le prolongement des constats de la commission d'enquête et des principes d'application sectorielle publiés en 2024 par l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution.

Ainsi, les mixers et tumblers servent à brouiller la traçabilité des flux. Ces pratiques entravent la mise en oeuvre des obligations de vigilance. Elles participent à une logique d'autorégulation privée dans laquelle certains acteurs cherchent à soustraire la circulation du capital à tout cadre collectif de contrôle.

Qui contrôle les flux et dans quel intérêt ? C'est une question de souveraineté. Documentons rigoureusement les usages, les risques et les possibilités d'encadrement ou d'interdiction ciblée.

M. Stéphane Sautarel, rapporteur.  - Je partage la préoccupation de nos collègues, qui rejoint celle exprimée par Étienne Blanc. Mais nous savons que les moyens de l'administration ne sont pas illimités. Qu'en pense le Gouvernement ?

M. David Amiel, ministre délégué.  - C'est un enjeu central de la lutte contre le blanchiment, car ces outils permettent de dissimuler les transactions. Des travaux ont été menés à ce sujet dès 2019 lors de l'examen de la loi Pacte. Le règlement du 31 mai 2024 interdit les prestataires de services sur cryptoactifs de tenir des comptes anonymes ; son entrée en vigueur a été anticipée par la loi Narcotrafic.

L'enjeu est de mettre en oeuvre ces dispositifs et de les évaluer. Le ministre de l'économie apportera des précisons dans quelques jours. Demande de retrait, mais travaillons sur ce sujet.

M. Pascal Savoldelli.  - Je connais les réticences à l'égard des rapports, mais notre demande s'inscrit dans le prolongement de la commission d'enquête. Ce n'est pas un amendement idéologique, mais de vigilance. Nous avons besoin d'informations précises pour nous doter de moyens d'action.

Mme Nathalie Goulet.  - Par tradition, le Sénat déteste les rapports. Mais 100 % des dossiers de criminalité comportent des cryptoactifs. Et je mets au défi 5 % des parlementaires d'expliquer ce qu'est la blockchain... Certains services au sein d'un même ministère utilisent des logiciels incompatibles entre eux : c'est dire le besoin d'acculturation. Trois ou quatre directives sont en préparation. C'est le sujet d'actualité ! Lors de la discussion budgétaire, nous assisterons à un concours Lépine de taxes sur la blockchain : le Gouvernement serait sage de donner un avis de sagesse...

M. Stéphane Sautarel, rapporteur.  - Compte tenu de l'enjeu, avis favorable. Le contenu pourra être précisé dans la navette. Je compte sur la sagesse du Gouvernement.

M. David Amiel, ministre délégué.  - Oui, il faut avancer sur ce sujet urgent. Je souhaite que Parlement, Gouvernement et administrations travaillent ensemble, sans attendre un rapport. Je comprends néanmoins qu'il faille manifester une volonté politique. Dès lors, sagesse. (Nombreuses marques de satisfaction)

Mme Nathalie Goulet.  - Merci !

L'amendement n°5 est adopté et devient un article additionnel.

L'article 8 est adopté.

L'article 9 est adopté.

Après l'article 9

M. le président.  - Amendement n°1 rectifié bis de Mme Goulet et alii.

Mme Nathalie Goulet.  - N'étant pas une femme de renoncement, je maintiens -  mollement  - cet amendement, qui n'a convaincu ni la commission ni le Gouvernement. Il prévoit l'enregistrement au registre du commerce et des sociétés (RCS) des associations exerçant une activité économique à partir d'un certain niveau. Je pense à telle association qui réalise 6 milliards d'euros de chiffre d'affaires, qui emploie 150 salariés, mais ne fait l'objet d'aucun contrôle -  ni des bénéficiaires, ni des bilans, ni de rien. Il faudra y travailler avec les greffes.

M. Hervé Reynaud, rapporteur pour avis.  - Avis défavorable, même si nous partageons l'objectif. La vocation du RCS est de rassembler des entités commerciales pour obtenir la délivrance d'un Kbis ? dont les associations n'ont pas besoin par définition. Votre amendement y intégrerait des milliers d'associations, avec un statut hétérogène.

J'ajoute que des obligations s'imposent déjà aux associations exerçant une activité économique.

Il nous parait irréaliste de légiférer par amendement sur un tel sujet - Mme Goulet emploie d'ailleurs le futur. Il faudra traiter cette question plus en profondeur. Retrait sinon avis défavorable.

M. David Amiel, ministre délégué.  - En effet, il faut se pencher sur le rôle des associations -  mais la notion « d'association exerçant des activités économiques » embrasse bien plus que celles que vous voulez cibler. Votre amendement imposerait aux associations de s'inscrire à la fois au registre national des associations et au RCS, rendrait payantes des démarches aujourd'hui gratuites et complexifierait la tâche des organismes de contrôle. Ce n'est pas la bonne réponse. Continuons à y travailler. Retrait sinon avis défavorable.

Mme Nathalie Goulet.  - Soit, je retire l'amendement. (Marques de satisfaction à droite)

L'amendement n°1 rectifié bis est retiré.

La proposition de loi, modifiée, est adoptée.

(Applaudissements)

M. Laurent Somon.  - À l'unanimité !

Prochaine séance demain, jeudi 6 novembre 2025 à 10 h 30.

La séance est levée à 18 h 40.

Pour le Directeur des Comptes rendus du Sénat,

Rosalie Delpech

Chef de publication

Ordre du jour du jeudi 6 novembre 2025

Séance publique

De 10 h 30 à 13 heures et de 14 h 30 à 16 heures, à l'issue de l'espace réservé au RDSE et au plus tard de 16 heures à 20 heures

Présidence : M. Pierre Ouzoulias, vice-président, Mme Anne Chain-Larché, vice-présidente

1Proposition de loi visant à libérer l'accès aux soins dentaires, présentée par M. Raphaël Daubet (Procédure accélérée) (texte de la commission, n°85, 2025-2026)

2. Proposition de loi visant à créer un fichier national des personnes inéligibles, présentée par Mme Sophie Briante Guillemont et plusieurs de ses collègues (texte de la commission, n°90, 2025-2026)

3. Proposition de loi constitutionnelle visant à protéger la Constitution, en limitant sa révision à la voie de l'article 89, présentée par M. Éric Kerrouche et plusieurs de ses collègues (n°551, 2024-2025)

4. Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, élevant Alfred Dreyfus au grade de général de brigade (texte de la commission, n°88, 2025-2026)