B. DES MOYENS EN FAVEUR DES ORGANISMES DE RECHERCHE GÉNÉRALISTES QUI SE STABILISENT À DÉFAUT D'AUGMENTER, MAIS PEUVENT DISSIMULER DES HAUSSES DE CHARGE NON COMPENSÉES

1. Après quatre années de renforcement significatif et une première année de stabilisation, les moyens d'intervention de l'ANR se maintiendront à un niveau satisfaisant en 2026

À compter de la mise en oeuvre de la LPR en 2021, l'Agence nationale de la recherche (ANR) avait été l'opérateur dont les moyens s'étaient le plus renforcés, avec une hausse très significative de plus de 76 % de son budget entre 2020 et 2024, laquelle était nécessaire pour améliorer le taux de sélection des projets qui lui étaient soumis par les chercheurs.

La LPR visait à porter le taux de succès aux appels à projets (AAP) de l'ANR à 30 % à l'horizon 2027. Le taux de succès des AAP de l'ANR a effectivement connu une progression significative grâce à l'élan de la LPR, passant de 19,2 % en 2020 à 25,2 % et 24,2 % en 2023 et 2024, respectivement. À ce jour, le taux de succès 2025 n'est pas établi de façon définitive mais il devrait se situer 1,5 point en dessous en 2024, soit entre 22,5 et 23 %.

Après une stabilité en 2025, les crédits d'intervention de l'ANR en faveur des appels à projets connaîtront en 2026 une légère hausse de 20 millions d'euros, ce qui devrait continuer à permettre que près d'un quart des projets de recherche déposés à l'ANR bénéficient d'un financement, ratio qui, en principe, permet d'éviter de sacrifier d'excellents projets comme c'était trop souvent le cas dans les années 2010.

Un problème important devra toutefois être rapidement résolu, lié au fait que les décaissements (CP) de l'ANR augmentent avec un délai par rapport aux engagements (AE) car ils suivent le cycle de vie des projets. Les décaissements augmentent donc encore actuellement sous le coup des engagements élevés des années passées prévus par la LPR : même en stabilisant les engagements, les décaissements continueront ainsi à augmenter pendant plusieurs années, l'écart actuel entre AE et CP s'élevant à 280 M€ environ.

En 2025, le niveau de recettes de l'ANR (correspondant au CP de l'État) était en stabilité par rapport à 2024. Dans la mesure où ce niveau était insuffisant pour financer les décaissements prévus, le budget d'intervention a alors été baissé de 90 M€ en AE (par rapport à une hausse affichée de 120 M€) et des mesures de lissage des décaissements ont été mises en place dont l'effet estimé en 2025 est de 160 M€.

Évolution du nombre de projets déposés et du taux de sélection de l'ANR

Source : Agence nationale de la recherche

Pour 2026, le PLF place l'ANR dans une situation similaire, le problème de fond persistant : le niveau de CP programmé ne permet pas de faire face aux décaissements prévus, ce qui laisse courir le risque d'une régression brutale, c'est-à-dire d'une forte baisse de financement de nouveaux projets.

Il importe donc que le Gouvernement s'empare de cette difficulté pour trouver rapidement une solution qui ne perturbe pas le bon déroulement des projets engagés ni ne provoque une hausse brutale du niveau de sélectivité de nouveaux projets.

2. Le CNRS pourrait voir son attractivité dégradée par l'accumulation des charges non compensées

Dans un contexte de forte compétition internationale pour attirer et fidéliser les talents scientifiques, le CNRS se doit impérativement de poursuivre la mise en oeuvre de sa stratégie de renforcement de son attractivité.

En matière de recrutement par concours (270 chercheurs par an de 2023 à 2027), les indicateurs demeurent à ce stade plutôt rassurant, puisque les candidatures ont augmenté en 2025, la part des candidats étrangers représentant désormais 42 % et celle des lauréats non nationaux 34 % des admis.

Autre signal encourageant : dans le contexte de dégradation des libertés académiques aux États-Unis à l'oeuvre depuis le début de l'année 2025, le CNRS a lancé, dans le cadre du programme Choose France for Science, l'appel Choose CNRS, qui a permis de recueillir quelque 700 candidatures de scientifiques au cours des six derniers mois. Il est d'ailleurs permis de regretter que les faibles moyens financiers consacrés au programme Choose France for Science ne permettent in fine de recruter qu'une centaine de scientifiques étrangers, toutes universités et organismes de recherche confondus.

Si cette attractivité du CNRS s'explique avant tout par sa tradition d'excellence scientifique et la qualité souvent exceptionnelle de ses infrastructures de recherche, elle passe également par une politique de rémunération et de carrière dynamique (garantie d'une rémunération minimale de deux SMIC pour les jeunes chercheurs, amélioration des perspectives de promotion, recours accru au CDI, etc.).

Or cette politique apparaît aujourd'hui menacée par l'accumulation des charges non compensées transférées à l'établissement, qui tendent à assécher la trésorerie libre d'emploi.

Au titre de 2025, ces charges nouvelles avaient déjà représenté quelque 200 millions d'euros. Elles devraient augmenter de 60 millions d'euros supplémentaires en 2026, en raison d'une hausse de la contribution au CAS Pensions ainsi que d'une absence de financement de la protection sociale complémentaire et du glissement vieillesse-technicité (GVT).

Il importera donc de limiter au maximum le recours à ce type d'expédients budgétaires dans les années à venir, au risque de fragiliser le premier organisme de recherche de notre pays qu'il nous faut collectivement armer pour qu'il puisse, dans tous ses domaines d'expertise, demeurer au meilleur niveau mondial.

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