II. RENFORCER NOTRE SOUVERAINETÉ NÉCESSITE D'INVESTIR MASSIVEMENT ET DURABLEMENT EN FAVEUR DE LA RECHERCHE NUCLÉAIRE, SPATIALE ET NUMÉRIQUE
A. LA NOUVELLE BAISSE DES CRÉDITS EN FAVEUR DES CAPACITÉS DE RECHERCHE DU CEA ENVISAGÉE PAR LE GOUVERNEMENT N'EST PAS ACCEPTABLE DANS LE CONTEXTE DE LA RELANCE DE LA FILIÈRE NUCLÉAIRE
Alors que la filière nucléaire française, qui faisait depuis plusieurs décennies la fierté de notre pays, avait subi un regrettable déclin depuis les années 2010 à la suite de la catastrophe de Fukushima, ce qui avait affecté le rayonnement du Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), le renouveau engagé ces dernières années à la suite du discours de Belfort prononcé par le Président de la République le 10 février 20222(*) ne s'était pas pour autant traduit par une hausse de crédits dans le domaine de la recherche nucléaire suffisante eu égard aux besoins.
Cette situation tend à perdurer dans le cadre du PLF 2026.
De fait, la hausse des crédits affectés au CEA entre la LFI 2025 et le PLF 2026 doit être fortement relativisée, dans la mesure où elle résulte principalement de deux mouvements de crédits visant simplement à rétablir des modifications d'importance qui avaient été apportées lors de l'examen pour le moins difficile du PLF 2025, à savoir :
- le rétablissement du financement des charges nucléaires de long terme des installations du CEA au niveau prévu initialement dans le PLF 2025, soit 780 M€, alors qu'une suppression de 190 M€ avait été adoptée en LFI 20253(*) ; or les engagements pris vis-à-vis des autorités de sûreté et la structure des dépenses d'assainissement et de démantèlement sont incompatibles avec une réduction massive de ces crédits, dans la mesure où celle-ci conduirait à des coûts ultérieurs supportés par l'État supérieurs puisqu'il faudrait annuler des contrats pluriannuels à réaliser par des entreprises, principalement françaises, puis relancer les consultations et les contractualisations ;
- le rétablissement des crédits relatifs à la recherche duale, là encore au niveau du PLF 2025. La LFI 2025 avait en effet réduit de 14,3 M€ (soit 64 %) les crédits du programme 191 « recherche duale (civile et militaire) » alloués au CEA. Depuis 2015, les crédits en faveur de la recherche duale au CEA ont diminué de près de 30 %. Or ces crédits permettent notamment de financer le volet R&D du programme interministériel de lutte contre le terrorisme NRBC-E, plus que jamais nécessaires dans un contexte géopolitique très dégradé.
Pour le reste, les crédits portés par le programme 172, loin de connaître une augmentation au titre de la LPR, diminuent de 1 M€ par rapport à 2025, ce qui constitue une rupture par rapport à la période précédente.
De fait, les moyens obtenus par le CEA sur ce programme lors des années passées avaient permis de renforcer l'emploi scientifique, de financer l'augmentation de la masse salariale et les emplois nouveaux et de contribuer à l'amélioration de la capacité d'investissement de l'établissement.
À cette stabilisation des moyens généraux viennent en outre s'ajouter les effets du changement de jurisprudence relatif à la fin de l'exonération de la taxe foncière sur les propriétés bâties et non bâties pour les établissements publics industriels et commerciaux qui se traduit par un surcoût de 20 millions d'euros pour le CEA, non compensé par l'État.
Tableau présentant les évolutions
des crédits du CEA
entre le PLF 2025, la LFI 2025 et
le PLF 2026
Source : CEA
Quant aux crédits relatifs à la R&D nucléaire, ils sont en forte baisse de 15 M€ alors que 18,5 M€ avaient déjà été supprimés en 2025, ce qui avait conduit le CEA, pour ne pas pénaliser ces dépenses indispensables, à réduire à due concurrence ses dépenses pourtant nécessaires d'assainissement et de démantèlement (cf. supra).
Le rapporteur considère que cette diminution des crédits en faveur de la R&D nucléaire entre en contradiction flagrante avec l'objectif de relance de la filière nucléaire portée de longue date par la commission des affaires économiques et que le Gouvernement a officiellement fait sienne depuis 2022 et n'a cessé depuis de renouveler dans le cadre des réunions du Conseil de politique nucléaire.
C'est la raison pour laquelle il soutient pleinement l'amendement de Jean-François Rapin, rapporteur spécial au nom de la commission des finances des crédits de la recherche, visant à rétablir ces 15 M€ destinés à financer la R&D nucléaire.
Pour autant, il convient de ne pas s'illusionner : même si ces 15 M€ sont bien in fine rétablis, le renforcement de la R&D dans le domaine du nucléaire civil sera clairement revu à la baisse par rapport aux ambitions initialement exprimées à l'occasion du Conseil de politique nucléaire du 18 juillet 2023 : pour 2026, les effectifs seront simplement stabilisés au niveau de 2025 et le CEA devra proposer une priorisation du financement pour les installations essentielles au maintien de la R&D nucléaire dans les prochaines années par la mobilisation de crédits du plan de relance et de France 2030.
En outre, si le soutien aux start-up du nucléaire se poursuivra, ce soutien sera nécessairement inférieur à ce qui était prévu dans la trajectoire précédente compte tenu de la réduction des moyens. S'agissant des small modular reactors (SMR) et autres réacteurs innovants, les actions du CEA seront ainsi principalement centrées sur le développement de concepts ou d'usages innovants., le CEA prévoyant de mobiliser 63 ETPT4(*) et 12 M€ en coûts directs sur cette thématique.
* 2 Au-delà des dispositions prises pour prolonger l'exploitation du parc nucléaire existant, ce discours avait notamment acté la construction de six nouveaux réacteurs de type EPR 2 sur les sites de Penly, de Gravelines et du Bugey.
* 3 Cette réduction de subvention avait vocation à être compensée en gestion par un versement en provenance du ministère des Armées, qui est attendu par le CEA d'ici la fin de l'année 2025.
* 4 Équivalent temps plein travaillé.
