III. LA POURSUITE DE LA RÉPONSE BÂTIMENTAIRE À LA SURPOPULATION CARCÉRALE EST NÉCESSAIRE, MAIS STRUCTURELLEMENT INSUFFISANTE
A. LES RETARDS DE MISE EN oeUVRE DU « PLAN 15 000 » CONTINUENT DE S'ACCUMULER, ALORS QUE CELUI-CI EST DÉJÀ OBSOLÈTE
La mise en oeuvre du plan de création de 15 000 nouvelles places de prisons en dix ans (dit « plan 15 000 »), lancé en 2018, se poursuit en 2026.
À deux ans de son terme, l'exécution du plan n'est qu'à mi-parcours. Fin octobre 2025, 25 établissements ont été livrés comportant 7 504 places brutes créées, soit 5 531 places « nettes » une fois prises en compte les fermetures d'établissement intervenues dans le même temps.
Le calendrier initial est désormais largement hors d'atteinte, et ce même si près de 6 500 places brutes sont en phase de travaux, en phase d'études de conceptions, ou bien prévues au sein de marchés de travaux en cours. Pendant que les retards s'accumulent, près de 14 opérations (sur la cinquantaine que le plan compte) sont aujourd'hui prêtes à être lancées par l'agence pour l'immobilier de la justice et n'attendent plus, pour être mises en oeuvre, qu'une signature que le ministère de l'économie et des finances se refuse à donner pour des raisons purement budgétaires.
En tout état de cause, le « plan 15 000 » paraît déjà obsolète compte tenu de la réalité de la situation. Au moment de sa conception en 2017, ce plan se donnait pour objectif d'atteindre les 75 000 places opérationnelles en 2027, soit un total déjà nettement inférieur au nombre actuel de détenus, qui avoisine les 85 000. Le nombre de places opérationnelles aujourd'hui « manquantes » ne serait-ce que pour ramener la densité carcérale à 100 % s'établit à 22 361, soit bien plus que la cible du plan.
À l'aune de ce constat, la réponse bâtimentaire qui a jusqu'alors été apportée au problème de la surpopulation carcérale, bien que nécessaire, est structurellement insuffisante. Eu égard à la dynamique des incarcérations, la politique de création de places, par ailleurs très coûteuse pour le budget de l'État, avec près de 500 millions d'euros de nouvelles autorisations d'engagement prévues à ce titre en 2026, ressemble de plus en plus à une tentative de vider l'océan à la petite cuillère.

