Rapport n° 22 (2017-2018) de M. François PILLET , fait au nom de la commission des lois, déposé le 11 octobre 2017

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N° 22

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2017-2018

Enregistré à la Présidence du Sénat le 11 octobre 2017

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur le projet de loi ratifiant l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats , du régime général et de la preuve des obligations ,

Par M. François PILLET,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Philippe Bas , président ; MM. François Pillet, Jean-Pierre Sueur, François-Noël Buffet, Jacques Bigot, Mmes Catherine Di Folco, Sophie Joissains, M. Arnaud de Belenet, Mme Nathalie Delattre, MM. Pierre-Yves Collombat, Alain Marc , vice-présidents ; M. Christophe-André Frassa, Mme Laurence Harribey, MM. Loïc Hervé, André Reichardt , secrétaires ; Mme Esther Benbassa, MM. François Bonhomme, Philippe Bonnecarrère, Mmes Agnès Canayer, Maryse Carrère, Josiane Costes, MM. Mathieu Darnaud, Marc-Philippe Daubresse, Mme Jacky Deromedi, MM. Yves Détraigne, Jérôme Durain, Mme Jacqueline Eustache-Brinio, MM. Jean-Luc Fichet, Pierre Frogier, Mmes Françoise Gatel, Marie-Pierre de la Gontrie, M. François Grosdidier, Mme Muriel Jourda, MM. Patrick Kanner, Éric Kerrouche, Jean-Yves Leconte, Sébastien Leroux, Henri Leroy, Mme Brigitte Lherbier, MM. Didier Marie, Hervé Marseille, Jean Louis Masson, Mme Marie Mercier, MM. Thani Mohamed Soilihi, Alain Richard, Simon Sutour, Mmes Lana Tetuanui, Catherine Troendlé, M. Dany Wattebled .

Voir les numéros :

Sénat :

578 (2016-2017) et 23 (2017-2018)

LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION DES LOIS

Réunie le mercredi 11 octobre 2017, sous la présidence de M. Philippe Bas , président , la commission des lois a examiné le rapport de M. François Pillet , rapporteur , et établi son texte sur le projet de loi n° 578 (2016-2017) ratifiant l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations .

M. François Pillet, rapporteur, a rappelé que le Sénat s'était opposé, en 2014 et 2015, lors de l'examen de la loi d'habilitation, à ce que le Gouvernement procède par ordonnance à la réforme du droit des contrats, compte tenu de l'impact, sur toute la société, d'une réforme aussi fondamentale. De plus, il a estimé qu'il n'était pas satisfaisant de devoir ratifier une ordonnance d'une telle importance plus d'un an après son entrée en vigueur.

Cependant, dans un esprit de responsabilité, le rapporteur a proposé de ratifier l'ordonnance et de limiter les modifications à lui apporter , pour ne pas contribuer à l'instabilité législative et pour prendre en compte le fait que les praticiens du droit des contrats ont déjà dû s'approprier les nouvelles règles.

Les auditions et la consultation à laquelle le rapporteur a procédé, auprès de tous les présidents de juridiction, bâtonniers et autres représentants des professionnels du droit, ont fait apparaître plusieurs malfaçons notables ou difficultés fortes d'interprétation , exigeant de modifier certains articles du code civil issus de l'ordonnance.

Ainsi, la commission des lois a adopté 14 amendements présentés par son rapporteur, visant notamment à préciser la définition du contrat d'adhésion et le champ de la sanction des clauses abusives dans ces contrats, à mieux articuler les règles en matière de capacité et de représentation avec le droit des sociétés, à supprimer le pouvoir de révision du contrat par le juge en cas de changement imprévisible de circonstances, à préciser les critères autorisant le paiement en devises sur le territoire français et à affirmer clairement que la loi nouvelle ne doit pas s'appliquer aux contrats conclus antérieurement.

En outre, pour dissiper certaines inquiétudes, sur proposition de son rapporteur, la commission a voulu lever plusieurs difficultés d'interprétation , sans modifier le texte , en précisant, au stade de la ratification de l'ordonnance, le sens qu'il convenait de donner à certaines dispositions. Ces clarifications concernent notamment la distinction entre règles impératives et supplétives ainsi que l'articulation entre droit commun et droit spécial. Sur ce second point, la commission a par exemple considéré que le dispositif de sanction des clauses abusives du code civil n'était pas applicable dans les champs couverts par les dispositions similaires du code de la consommation et du code de commerce.

La commission des lois a adopté le projet de loi ainsi modifié .

EXPOSÉ GÉNÉRAL

Mesdames, Messieurs,

Votre commission des lois, à l'initiative de son rapporteur, a voulu examiner le projet de loi ratifiant l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations 1 ( * ) dans un esprit de responsabilité , dès lors que l'ordonnance est entrée en vigueur le 1 er octobre 2016, il y a plus d'un an.

Les praticiens, juristes d'entreprise, rédacteurs de contrats, notaires, avocats et autres professionnels du droit, mais aussi les magistrats et juges consulaires, se forment et doivent s'approprier cette ample réforme, même si elle n'a encore donné lieu à aucune décision juridictionnelle connue, selon les informations mentionnées à votre rapporteur. Cet effort d'appropriation doit être respecté, de sorte que votre rapporteur n'a pas entendu proposer de procéder à la « réforme de la réforme » , quels que soient les critiques ou les regrets que cette réforme peut susciter, à juste titre - ne serait-ce qu'avec la disparition de la cause 2 ( * ) , largement dénoncée au Liban ou en Amérique latine, dont le droit civil est souvent inspiré du droit français...

Cette attitude signifie que votre commission n'a procédé qu'avec précaution à des modifications des dispositions du code civil issues de l'ordonnance , lorsque cela lui paraissait indispensable pour assurer la clarté, la cohérence et la lisibilité du droit applicable ainsi que pour renforcer l'attractivité de notre droit civil sur la scène internationale, en corrigeant des malfaçons et des imperfections objectives, sans revenir sur les choix opérés au stade de la rédaction de l'ordonnance par le Gouvernement.

Votre rapporteur tient cependant à rappeler que le Sénat tout entier s'était opposé à ce que la réforme fondamentale du droit des contrats fût réalisée par ordonnance , en raison de son impact étendu à toute la société, entreprises comme particuliers, nonobstant son caractère prétendument technique . L'attitude responsable de votre commission - laquelle persiste à considérer que le recours à une ordonnance était un mauvais choix - mérite d'autant plus d'être soulignée. À cet égard, votre rapporteur estime qu'il n'est pas satisfaisant de devoir ratifier l'ordonnance plus d'un an après son entrée en vigueur , d'autant que presque huit mois s'étaient déjà écoulés auparavant depuis sa publication, au cours desquels la ratification aurait pu être demandée au Parlement.

Dans le cadre de ses auditions, votre rapporteur a souhaité entendre largement l'opinion de la doctrine, qui s'est abondamment exprimée depuis la publication de l'ordonnance en février 2016.

Au-delà de ses auditions, votre rapporteur a souhaité solliciter l'avis éclairé des praticiens, en consultant par écrit l'ensemble des présidents des tribunaux de grande instance et présidents des tribunaux de commerce, des bâtonniers, des présidents des chambres départementales des notaires et des huissiers de justice et des présidents des conseils régionaux de l'ordre des experts-comptables. Il a reçu 62 contributions écrites, la plupart concluant à ce que la réforme restait trop récente pour soulever des difficultés notables d'application.

En tout état de cause, au-delà de l'effort d'une meilleure lisibilité du droit et des clarifications qui seront apportées au stade de la ratification de l'ordonnance, la réforme du droit des contrats a inévitablement ouvert une longue phase d'incertitude, pour au moins dix ans, dans l'attente de la formation d'une jurisprudence permettant d'en connaître plus clairement les modalités d'application.

Une fois l'ordonnance portant réforme du droit des contrats ratifiée, votre commission attendra du Gouvernement qu'il présente rapidement un projet de loi portant réforme du droit de la responsabilité civile , elle aussi attendue depuis longtemps et pour laquelle un avant-projet a été soumis à consultation publique par le ministère de la justice en avril 2016 et un projet rendu public en mars 2017 3 ( * ) .

I. L'OPPOSITION DU SÉNAT À RÉFORMER PAR ORDONNANCE LE DROIT DES CONTRATS

L'ordonnance dont le présent projet de loi propose la ratification, sans modification, a été prise sur le fondement de l'habilitation accordée par l'article 8 de la loi n° 2015-177 du 16 février 2015 relative à la modernisation et à la simplification du droit et des procédures dans les domaines de la justice et des affaires intérieures, rappelée dans l'encadré ci-après. Ce texte avait été examiné en 2014 et 2015 par votre commission, sur le rapport de notre collègue Thani Mohamed Soilihi 4 ( * ) . L'habilitation concernait près de 300 articles, constituant ainsi la réforme la plus ambitieuse du code civil, par son volume, depuis 1804 .

Article 8 de la loi n° 2015-177 du 16 février 2015
relative à la modernisation et à la simplification du droit et des procédures
dans les domaines de la justice et des affaires intérieures
(habilitation du Gouvernement à réformer le droit des contrats par ordonnance)

Dans les conditions prévues à l'article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par voie d'ordonnance les mesures relevant du domaine de la loi nécessaires pour modifier la structure et le contenu du livre III du code civil, afin de moderniser, de simplifier, d'améliorer la lisibilité, de renforcer l'accessibilité du droit commun des contrats, du régime des obligations et du droit de la preuve, de garantir la sécurité juridique et l'efficacité de la norme et, à cette fin :

1° Affirmer les principes généraux du droit des contrats tels que la bonne foi et la liberté contractuelle ; énumérer et définir les principales catégories de contrats ; préciser les règles relatives au processus de conclusion du contrat, y compris conclu par voie électronique, afin de clarifier les dispositions applicables en matière de négociation, d'offre et d'acceptation de contrat, notamment s'agissant de sa date et du lieu de sa formation, de promesse de contrat et de pacte de préférence ;

2° Simplifier les règles applicables aux conditions de validité du contrat, qui comprennent celles relatives au consentement, à la capacité, à la représentation et au contenu du contrat, en consacrant en particulier le devoir d'information et la notion de clause abusive et en introduisant des dispositions permettant de sanctionner le comportement d'une partie qui abuse de la situation de faiblesse de l'autre ;

3° Affirmer le principe du consensualisme et présenter ses exceptions, en indiquant les principales règles applicables à la forme du contrat ;

4° Clarifier les règles relatives à la nullité et à la caducité, qui sanctionnent les conditions de validité et de forme du contrat ;

5° Clarifier les dispositions relatives à l'interprétation du contrat et spécifier celles qui sont propres aux contrats d'adhésion ;

6° Préciser les règles relatives aux effets du contrat entre les parties et à l'égard des tiers, en consacrant la possibilité pour celles-ci d'adapter leur contrat en cas de changement imprévisible de circonstances ;

7° Clarifier les règles relatives à la durée du contrat ;

8° Regrouper les règles applicables à l'inexécution du contrat et introduire la possibilité d'une résolution unilatérale par notification ;

9° Moderniser les règles applicables à la gestion d'affaires et au paiement de l'indu et consacrer la notion d'enrichissement sans cause ;

10° Introduire un régime général des obligations et clarifier et moderniser ses règles ; préciser en particulier celles relatives aux différentes modalités de l'obligation, en distinguant les obligations conditionnelles, à terme, cumulatives, alternatives, facultatives, solidaires et à prestation indivisible ; adapter les règles du paiement et expliciter les règles applicables aux autres formes d'extinction de l'obligation résultant de la remise de dette, de la compensation et de la confusion ;

11° Regrouper l'ensemble des opérations destinées à modifier le rapport d'obligation ; consacrer, dans les principales actions ouvertes au créancier, les actions directes en paiement prévues par la loi ; moderniser les règles relatives à la cession de créance, à la novation et à la délégation ; consacrer la cession de dette et la cession de contrat ; préciser les règles applicables aux restitutions, notamment en cas d'anéantissement du contrat ;

12° Clarifier et simplifier l'ensemble des règles applicables à la preuve des obligations ; en conséquence, énoncer d'abord celles relatives à la charge de la preuve, aux présomptions légales, à l'autorité de chose jugée, aux conventions sur la preuve et à l'admission de la preuve ; préciser, ensuite, les conditions d'admissibilité des modes de preuve des faits et des actes juridiques ; détailler, enfin, les régimes applicables aux différents modes de preuve ;

13° Aménager et modifier toutes dispositions de nature législative permettant d'assurer la mise en oeuvre et de tirer les conséquences des modifications apportées en application des 1° à 12°.

A. L'OPPOSITION RÉSOLUE DU SÉNAT TOUT ENTIER À LA MÉTHODE DES ORDONNANCES

En première lecture de la loi n° 2015-177 du 16 février 2015 précitée, soumise en premier lieu au Sénat par le Gouvernement, votre commission unanime, suivie par le Sénat tout entier, avait estimé qu'une réforme d'une telle ampleur de notre droit civil était trop fondamentale pour être conduite par ordonnance et devait être examinée par le Parlement. Ce seul désaccord a conduit à l'échec de la commission mixte paritaire réunie sur ce projet de loi, le Sénat réitérant sa position en nouvelle lecture, après le renouvellement sénatorial de septembre 2014.

Votre commission s'était opposée à la méthode retenue pour réaliser la réforme, sans aucunement contester la nécessité de cette dernière, qu'elle avait au contraire elle aussi soulignée. Votre rapporteur renvoie au rapport de notre collègue Thani Mohamed Soilihi, qui défendit avec clarté le principe selon lequel « une réforme du droit civil de cette ampleur doit être soumise au Parlement », avec nombre d'arguments à l'appui 5 ( * ) . Notre assemblée en fit une « question de principe », comme l'indique ce rapport.

Saisi de ce seul grief, le Conseil constitutionnel ne contesta pas qu'il pût être procédé à la réforme du droit des contrats par ordonnance, dès lors que l'habilitation ne méconnaissait pas les exigences qui résultaient de l'article 38 de la Constitution 6 ( * ) .

La loi d'habilitation fut promulguée le 16 février 2015 et, dès le 25 février, un avant-projet d'ordonnance fut soumis par le ministère de la justice à la consultation publique 7 ( * ) . Le délai d'habilitation était fixé à douze mois, de sorte que l'ordonnance fut délibérée en conseil des ministres et signée par le Président de la République le 10 février 2016, puis publiée au Journal officiel le lendemain. Le délai prévu pour l'habilitation a donc été respecté et, de même, le projet de loi de ratification a été déposé dans le délai de six mois prévu par la loi n° 2015-177 du 16 février 2015 précitée 8 ( * ) .

Pour anticiper et préparer la ratification de cette ordonnance, votre commission a désigné son rapporteur très tôt, lors de sa réunion du 2 mars 2016, dans les jours suivant la publication de l'ordonnance au Journal officiel .

B. L'OFFICE LIMITÉ DU LÉGISLATEUR AU STADE DE LA RATIFICATION

La ratification permet de conférer valeur législative aux dispositions issues de l'ordonnance, qui n'ont auparavant qu'une valeur réglementaire. De ce fait, le régime juridictionnel de ces dispositions, relevant jusque-là de la compétence du Conseil d'État, est modifié, permettant en particulier de soulever à leur encontre une question prioritaire de constitutionnalité.

Dès lors que l'ordonnance est déjà entrée en vigueur, le Parlement ne peut plus disposer de la même latitude pour modifier ses dispositions lors de sa ratification. Le Conseil constitutionnel a d'ailleurs eu l'occasion de le rappeler, dans deux décisions récentes en 2015 et 2017.

En premier lieu, dans sa décision portant précisément sur la loi qui prévoyait l'habilitation en vue de réformer le droit des contrats, s'appuyant sur l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, le Conseil a affirmé « que, si le législateur peut modifier rétroactivement une règle de droit, c'est à la condition de poursuivre un but d'intérêt général suffisant et de respecter tant les décisions de justice ayant force de chose jugée que le principe de non-rétroactivité des peines et des sanctions ; que, d'autre part, le législateur ne saurait porter aux contrats légalement conclus une atteinte qui ne soit justifiée par un motif d'intérêt général suffisant sans méconnaître les exigences résultant des articles 4 et 16 de la Déclaration de 1789 ». Le Conseil a aussi souligné que le législateur, « lorsqu'il modifie, notamment à l'occasion de sa ratification, les dispositions d'une ordonnance entrées en vigueur, (...) est tenu au respect de ces exigences ».

En second lieu, le Conseil a énoncé, de façon plus systématique, que « lors de la ratification d'une ordonnance entrée en vigueur, le législateur est tenu au respect [des] règles et principes de valeur constitutionnelle » 9 ( * ) .

Dans son rapport, notre collègue Thani Mohamed Soilihi estimait, à juste titre, qu'il était « malaisé de remettre en cause, au moment de la ratification, les grands équilibres du texte et les choix qui le déterminent » et que « la ratification, qui devrait être par excellence le moment du contrôle parlementaire, n'autorise ainsi souvent, lorsqu'elle intervient, qu'un examen formel, qui corrige quelques imperfections », sans compter les inconvénients, pour les praticiens appliquant la loi nouvelle, pouvant résulter des modifications apportées une nouvelle fois à l'état du droit.

Ainsi, votre commission ne peut que constater, pour la déplorer, la capacité limitée du Parlement à intervenir au stade de la ratification sur les dispositions d'une ordonnance et, éventuellement, à revenir sur certaines d'entre elles, pour des motifs tant juridiques que pratiques, dès lors que l'ordonnance est déjà entrée en vigueur, sauf à transformer celle-ci en droit intermédiaire, au détriment de l'exigence légitime de stabilité du droit.

II. LES OBJECTIFS DE LA RÉFORME : AMÉLIORER LA LISIBILITÉ ET RENFORCER L'ATTRACTIVITÉ DU DROIT FRANÇAIS

Avant l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, les articles du code civil relatifs au droit des obligations n'avaient quasiment pas été modifiés depuis 1804, conduisant à un droit très jurisprudentiel, c'est-à-dire moins accessible et moins prévisible, en particulier pour les praticiens et les acteurs économiques - paradoxe dans un pays de droit écrit et codifié.

La réforme réalisée par cette ordonnance est l'aboutissement d'un processus engagé depuis le début des années 2000. Entre-temps, plusieurs de nos voisins européens ont modernisé leur droit des contrats 10 ( * ) .

A. UNE RÉFORME NÉCESSAIRE, LONGTEMPS ATTENDUE, INITIÉE PAR UN CONTEXTE EUROPÉEN EN ÉVOLUTION

Dans une communication effectuée le 11 juillet 2001 concernant le droit européen des contrats 11 ( * ) , la Commission européenne avait émis l'idée de créer un droit européen des contrats unifié, voire un code civil européen, afin de renforcer l'efficacité du marché unique, pour les entreprises comme pour les consommateurs, au-delà des harmonisations sectorielles réalisées jusque-là, notamment pour les contrats de consommation, les retards de paiement en matière commerciale ou encore le commerce électronique.

La Commission appuya son initiative sur les travaux universitaires élaborés au cours de cette période, sous l'égide principalement de Giuseppe Gandolfi, professeur à l'université de Pavie, et d'Ole Landö, professeur à l'école de commerce de Copenhague.

En 2001 a été publié un projet de code européen des contrats, élaboré dans le cadre de l'Académie des privatistes européens 12 ( * ) , sous la direction de Giuseppe Gandolfi - dit « projet Gandolfi » -, engagé en 1995. Parallèlement, dans le cadre d'une commission du droit européen des contrats, créée en 1976 et subventionnée par la Commission européenne, ont été élaborés, sous la direction d'Ole Landö, des principes du droit européen des contrats 13 ( * ) , publiés en trois étapes en 1995, 2000 et 2003 - dits « principes Landö ». On peut aussi évoquer les principes Unidroit relatifs aux contrats du commerce international 14 ( * ) , élaborés par l'Institut international pour l'unification du droit privé, à Rome, sous la direction de Michael Joachim Bonell, professeur à Rome, publiés en 1994 et 2004, et depuis en 2010 et 2016.

Dans sa communication de 2001, la Commission européenne lança une consultation sur « la nécessité d'une action communautaire plus étendue en matière de droit des contrats », en vue d'« élargir le débat », et présenta plusieurs options. Toutefois, les réticences exprimées à l'encontre de ce projet, en particulier de la part des États membres de l'Union européenne, conduisirent la Commission à réviser ses ambitions, en proposant en 2003 d'établir un cadre commun de référence en matière contractuelle, non contraignant pour les États membres, mais susceptible d'inspirer le droit communautaire comme les législations nationales. Pour l'élaboration de ce cadre commun, la Commission mit en place et finança un réseau commun pour le droit européen des contrats, dans le cadre d'un programme de recherche. Au sein de ce réseau travaillèrent deux groupes académiques distincts, en parallèle. Le premier réunissait pour l'occasion l'Association Henri Capitant et la Société de législation comparée, tandis que le second était le Groupe d'étude sur le code civil européen, créé en 1999 et présidé par Christian von Bar, professeur à l'université d'Osnabrück. Ce second groupe, allant bien au-delà d'un cadre commun, a abouti en réalité à une proposition de code civil européen, traitant du droit des obligations, du droit de la responsabilité et du droit de la vente - dit « projet von Bar ». Si le premier groupe était animé par des universitaires français - Denis Mazeaud et Bénédicte Fauvarque-Cosson, professeurs à l'université Paris II Panthéon-Assas -, le second n'en comprenait aucun.

Par la suite, en 2004, la Commission européenne confia à un groupe de recherche composé d'universitaires de l'ensemble des États membres
- dénommé « Research Group on the Existing EC Private Law » ou « Acquis Group » - la mission de rédiger les principes de ce cadre de référence. Cette mission donna lieu à une publication provisoire en 2007 puis définitive en 2009, qui allait là encore bien au-delà de simples principes directeurs et, à l'instar du « projet von Bar » qu'en réalité il prolongeait, proposait de créer un véritable code civil européen.

La Commission publia ensuite, le 1 er juillet 2010, un livre vert pour ouvrir une nouvelle consultation sur la base de plusieurs options, tout en ayant institué en avril 2010 un groupe d'experts afin de réaliser une étude de faisabilité sur une future initiative européenne en droit des contrats, sur la base des travaux antérieurs relatifs au cadre commun de référence. L'étude de faisabilité a été remise en mai 2011. Ces nouveaux travaux ont débouché sur la présentation, en octobre 2011, d'une proposition de règlement relatif à un droit commun européen de la vente, instaurant un régime optionnel à côté des législations nationales - un « 28 ème régime » facultatif - ne couvrant pas tout le champ du droit des contrats. Ce règlement, pourtant modeste, n'est pas parvenu au terme du processus législatif européen.

La première décennie du siècle connut donc d'intenses travaux sur le droit européen des contrats, tant dans le cadre des institutions européennes que dans les milieux universitaires. Pour autant, ces initiatives rencontrèrent l'hostilité et suscitèrent l'inquiétude en France, en particulier au sein de la doctrine, tant elles ignoraient le droit français. Cette situation conduisit à lancer les premiers travaux sur la réforme du droit des contrats et à ouvrir la réflexion sur sa modernisation, largement alimentée par la doctrine, parallèlement à la célébration du bicentenaire du code civil en 2004. L'objectif était de doter la France d'un droit plus moderne et plus lisible, de nature à peser davantage dans d'éventuelles négociations sur la création d'un droit européen des contrats, lequel n'a finalement jamais vu le jour.

Outre les débats et diverses contributions académiques, deux projets complets de réforme ont ainsi été conçus au cours de la même décennie, en premier lieu par un groupe de travail créé en 2003, sous le parrainage de l'Association Henri Capitant, composé d'universitaires et présidé par Pierre Catala, professeur à l'université Paris II Panthéon-Assas - dit « avant-projet Catala » 15 ( * ) , remis au garde des sceaux en 2005. Par la suite, un second projet a été élaboré, par un groupe de travail constitué dans le cadre de l'Académie des sciences morales et politiques, sous la direction de François Terré, lui aussi professeur à l'université Paris II Panthéon-Assas
- dit « avant-projet Terré » 16 ( * ) , publié en 2008.

Parallèlement à ces projets universitaires, qui ont permis d'alimenter ses propres travaux, le ministère de la justice a également rendu public un avant-projet de réforme du droit des obligations, à la suite de la publication de l'« avant-projet Terré », en deux volets : en 2008 sur le droit des contrats et en 2011 sur le régime général des obligations et les quasi-contrats. Ces textes ont donné lieu à une consultation publique, sans suite législative.

Ainsi, la réforme que le Sénat est désormais invité à ratifier constitue l'aboutissement d'un long processus, d'une décennie de réflexion française, aiguillonnée par des tentatives inabouties d'harmonisation européenne.

B. UNE RÉFORME GLOBALEMENT ET LARGEMENT APPROUVÉE

L'avant-projet d'ordonnance portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, publié en février 2015 et soumis à consultation publique, suscita plus de 300 contributions adressées à la chancellerie, représentant plus de 3 200 pages au total.

Les sources de cette ordonnance sont multiples, au premier rang desquelles figurent l'« avant-projet Catala » et l'« avant-projet Terré », ainsi que la jurisprudence de la Cour de cassation, mais le rapport de présentation de l'ordonnance au Président de la République 17 ( * ) revendique expressément comme autre source d'inspiration les projets d'harmonisation européenne du droit des contrats.

L'intention du Gouvernement a été de moderniser et de rendre plus lisible le droit français des contrats sans le bouleverser, en l'adaptant aux enjeux contemporains et en prenant mieux en compte l'impératif d'efficacité économique du droit des contrats, tout en consolidant la jurisprudence.

Le rapport au Président de la République énonce les deux objectifs poursuivis par le Gouvernement : d'une part, renforcer la sécurité juridique du droit des contrats, en améliorant sa lisibilité et son accessibilité, et d'autre part, renforcer l'attractivité du droit français , du point de vue strictement économique, vis-à-vis des entreprises, mais également du point de vue de l'influence du système juridique français à l'étranger.

Votre rapporteur s'interroge sur ce deuxième objectif, dont l'atteinte est impossible à vérifier, tant l'attractivité du droit ne semble pas dépendre de facteurs étroitement juridiques, mais bien davantage de la puissance économique de l'État, de la réputation de ses juridictions ou encore de celle de ses cabinets d'avocats. Une entreprise faisant du « law shopping » choisit rarement un droit en fonction uniquement de sa qualité intrinsèque. Au moins votre rapporteur souhaite-t-il que la réforme ait rendu le droit français des contrats plus attractif pour les entreprises françaises et plus adapté à la vie des affaires. Modernisé, le droit français devrait également redevenir une référence, mieux prise en compte dans les travaux européens, à la différence des années 2000 où ceux-ci l'ignoraient ou le contredisaient.

En revanche, le premier objectif est manifestement atteint, au vu des auditions et des consultations menées par votre rapporteur, sous réserve de quelques dispositions qui demeurent abondamment discutées, un an après l'entrée en vigueur de l'ordonnance.

Les nouvelles dispositions du code civil issues de l'ordonnance se caractérisent effectivement par une plus grande clarté de la rédaction, avec un « vocabulaire contemporain » 18 ( * ) , ainsi que par un plan du livre III du code, « plus pédagogique » 19 ( * ) , qui distingue mieux le droit des obligations en général et le droit des contrats. Les chapitres portant sur le contrat sont didactiques, en suivant la vie du contrat à compter de sa formation et jusqu'à sa fin. Votre rapporteur tient à souligner ce progrès de la lisibilité du code.

En outre, en codifiant autant que possible la jurisprudence établie de la Cour de cassation, la réforme améliore grandement l'accessibilité du droit des contrats en faisant mieux coïncider le droit positif et le droit écrit, dans le respect de la tradition juridique française, alors qu'il était particulièrement jurisprudentiel, au point que l'on pouvait dire que le droit n'était plus dans le code. Comme l'indiquait Pierre Catala dans la présentation de son avant-projet, il faut que « la loi soit, avant la jurisprudence, mère de l'ordre juridique ». En principe, la jurisprudence a été codifiée à droit constant, mais parfois la réforme a voulu surmonter une jurisprudence jugée excessive ou trop rigide, comme en matière d'exécution forcée en nature par exemple, ou bien clarifier l'état du droit en cas de jurisprudence incertaine ou erratique.

Votre rapporteur veut spécialement souligner l'intérêt du chapitre introductif au droit des contrats. Il énonce d'abord les principes directeurs du droit des contrats, que sont le consensualisme, la liberté contractuelle et la force obligatoire du contrat, mais aussi le respect de l'ordre public et de la bonne foi, associés à une définition du contrat fondée sur l'autonomie de la volonté des parties, dans un ensemble cohérent, clair et concis. Il précise ensuite les modalités de l'articulation entre le droit commun du code civil et les droits particuliers en matière de contrats, sujet alimentant d'abondants débats. Enfin, il définit les différentes catégories de contrats.

Un autre débat important concerne l'application de la réforme aux contrats conclus avant son entrée en vigueur, au vu notamment d'arrêts récents de la Cour de cassation en la matière.

La réforme procède aussi à une actualisation et à une modernisation, avec quelques innovations. Alors que la cause disparaît, même si demeurent, selon votre rapporteur, ses éléments constitutifs 20 ( * ) , font leur entrée dans le code civil, par exemple, la promesse unilatérale de contrat et la cession de contrat ou de dette, mécanismes déjà connus de la pratique que la réforme vient fixer. Sont créées plusieurs actions interrogatoires ou interpellatives, de nature à assurer dans certaines situations une meilleure information des parties. La réforme institue une obligation précontractuelle d'information, qui se veut la déclinaison du principe de bonne foi désormais applicable au stade des négociations, avant même la formation du contrat - période que la jurisprudence avait déjà visitée.

La réforme est marquée par le développement de l'unilatéralisme , en matière par exemple de résolution du contrat ou de fixation du prix, de façon à permettre aux parties de ne pas avoir à saisir le juge, avec un souci accru de maintenir le contrat plutôt que d'y mettre fin, mais également par l' accroissement du rôle du juge , au travers d'autres dispositions.

Ces deux tendances contraires sont également critiquées. Toutefois, le renforcement des pouvoirs du juge sur le contrat l'est bien davantage, en particulier par les représentants des milieux économiques - mais aussi par une large partie de la doctrine - chez qui il suscite des craintes de voir le juge devenir un régulateur du contrat ou exercer une véritable police du contrat, au détriment de la liberté contractuelle et de l'autonomie des parties. Ces nouvelles prérogatives du juge lui permettraient de réviser le contrat ou d'y mettre fin, à la demande d'une partie seulement, en cas de changement de circonstances imprévisible, de réputer non écrites des clauses abusives dans les contrats d'adhésion dont les conditions générales ont été imposées par une des parties ou de sanctionner l'abus de l'état de dépendance d'une partie. L'idée que le juge puisse, dans le dispositif de l'imprévision, modifier le contrat paraît très contestable voire inconcevable pour beaucoup.

Ainsi, alors que le Gouvernement a entendu renforcer l'attractivité du droit des contrats en direction des entreprises, nombre de personnes entendues en audition ont indiqué que la réforme, en l'état, ne détournerait pas les grandes entreprises françaises du droit suisse, du droit anglais ou du droit de l'État de New York, utilisés en fonction de la nature de leurs relations commerciales et de leur secteur d'activité, et inciterait encore moins les entreprises étrangères à choisir le droit français, pour leurs contrats internationaux. En effet, le renforcement du rôle du juge sur le contrat, qui est source d'imprévisibilité et d'aléa judiciaire dans l'exécution du contrat, serait un symbole négatif pour l'attractivité du droit français. Certains ont considéré que les modes alternatifs de règlement des litiges s'en trouveraient davantage utilisés en matière contractuelle.

Certes, l'idée sous-jacente de ces nouvelles prérogatives du juge est de mieux protéger la partie faible au contrat, selon un principe de « justice contractuelle » 21 ( * ) , mais c'est sans doute là qu'il faut voir, pour votre rapporteur, la dimension la plus politique et la plus novatrice d'une réforme pourtant présentée comme essentiellement technique pour justifier le recours à une ordonnance. Alors que l'habilitation n'était pas aussi explicite sur de telles innovations, celles-ci auraient justifié à elles seules l'examen de la réforme par le Parlement .

Dans son rapport, notre collègue Thani Mohamed Soilihi considérait d'ailleurs que « la réforme du droit des obligations pose des questions politiques majeures, qu'il revient au seul Parlement de trancher », s'agissant en particulier de « l'équilibre à retenir entre l'impératif de justice dans le contrat, qui peut justifier une plus grande intervention du juge, ou une modification des termes du contrat, et celui qui s'attache à l'autonomie contractuelle et à la sécurité juridique du contrat, qui peut justifier qu'une partie reste tenue par ces engagements, même s'ils lui deviennent défavorables ».

Certes circonscrites, ces innovations modifient l'esprit du droit des contrats dans le code civil , en l'éloignant de l'idée d'équilibre et d'égalité des parties 22 ( * ) , alors qu'il appartient aux droits spéciaux - baux d'habitation et baux commerciaux, code de la consommation... - d'appréhender les cas de relations contractuelles structurellement déséquilibrées.

Néanmoins, dès lors que l'ordonnance, globalement bien reçue par la doctrine et par les praticiens, consolide, modernise et clarifie le droit des contrats, sans le bouleverser ni constituer une rupture, et que très peu de dispositions demeurent sérieusement contestées, la ratification n'en est que moins difficile pour votre commission, à condition toutefois d'apporter les corrections de nature à répondre aux critiques les plus fondées.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES LOIS : RATIFIER L'ORDONNANCE EN VIGUEUR, EN PRÉCISANT L'INTENTION DU LÉGISLATEUR ET EN CORRIGEANT SES MALFAÇONS

Sur la proposition de son rapporteur, pour répondre aux difficultés d'interprétation ainsi qu'aux critiques encourues par certaines dispositions, votre commission a procédé de deux manières complémentaires, de façon à limiter les modifications au droit en vigueur depuis le 1 er octobre 2016 et à ne pas contribuer à l'instabilité législative et à la coexistence de trois régimes juridiques différents, dans un esprit de responsabilité et dans le respect de la logique et de la cohérence de la réforme.

Pour autant, elle ne pouvait pas se borner à ratifier l'ordonnance sans aucune modification, tant certaines dispositions suscitent de légitimes critiques, tandis que d'autres comportent des malfaçons ou des imprécisions objectives. Votre rapporteur n'a pas proposé d'aller au-delà de la correction de ces dispositions.

Ainsi, d'une part, au titre des travaux préparatoires de la ratification de l'ordonnance, votre commission a voulu donner une interprétation claire à certaines dispositions , de nature à lever les ambiguïtés et à dissiper les inquiétudes.

D'autre part, par voie d'amendements au projet de loi de ratification afin de modifier des articles du code civil issus de l'ordonnance, elle a tenu à apporter les corrections minimales qui s'avéraient indispensables . Elle a ainsi adopté au total 14 amendements , sur la proposition de son rapporteur.

Dans son analyse, votre commission a également été attentive au développement de la jurisprudence du Conseil constitutionnel en matière de liberté contractuelle et de droit au maintien des contrats légalement conclus, en particulier sur la difficile question de l'application de la loi nouvelle aux contrats conclus sous l'empire de la loi ancienne.

Trois questions générales demeurent discutées, un an après l'entrée en vigueur de l'ordonnance et plus d'un an et demi après sa publication, comme l'ont montré les auditions de votre rapporteur : la distinction entre règles impératives et règles supplétives, l'articulation entre droit commun et droit spécial et l'application de la loi dans le temps. Sur ces trois questions, votre commission a souhaité clarifier l'intention du législateur, dans le cadre des travaux de ratification de l'ordonnance. En effet, en dépit d'un rapport au Président de la République plus détaillé et pédagogique qu'à l'habitude, il n'existe pas à proprement parler de travaux préparatoires à l'ordonnance, accessibles à qui voudrait connaître l'intention du législateur délégué qu'a été le Gouvernement. Il appartient aux travaux parlementaires de procéder par conséquent à cette clarification, attendue des praticiens.

À titre d'information complémentaire au rapport au Président de la République, votre rapporteur renvoie également aux observations formulées par le ministère de la justice en réponse aux propositions d'interprétation ou de modification émises par le Haut comité juridique de la place financière de Paris, dans un rapport publié en mai 2017 23 ( * ) .

A. EXPLICITER L'INTENTION DU LÉGISLATEUR POUR SURMONTER DES DIFFICULTÉS D'INTERPRÉTATION ET DISSIPER DES AMBIGUÏTÉS DE RÉDACTION

Sauf en cas de trop forte indétermination de la solution à appliquer, votre commission n'a pas souhaité modifier les dispositions du code civil issues de l'ordonnance qui soulevaient des doutes au regard du caractère impératif ou supplétif ou au regard de l'articulation entre droit commun et droit spécial. Elle a préféré apporter une règle générale d'interprétation, ci-après, destinée à résoudre les éventuelles difficultés, pour faire connaître l'intention du législateur à cet égard au stade de la ratification.

En outre, lorsque des dispositions plus ponctuelles de l'ordonnance ont soulevé des difficultés particulières d'interprétation, votre commission s'est aussi attachée à préciser ou expliciter l'interprétation la plus pertinente. Ces clarifications prennent place, pour la plupart, dans le cadre de l'examen des articles additionnels introduits par votre commission au sein du projet de loi de ratification, dans la suite du présent rapport.

Certes, il restera dans le code civil des « standards » juridiques flous, souvent critiqués lors des auditions de votre rapporteur. Votre commission n'ayant pas souhaité apporter un trop grand nombre de modifications à un texte déjà entré en vigueur, il appartiendra au juge d'en préciser les contours - et votre commission n'ignore pas que l'intervention du juge est aussi un facteur d'aléa et d'incertitude en matière contractuelle.

1. La distinction entre règles impératives et règles supplétives

En premier lieu, nombre de praticiens s'interrogent sur le caractère impératif ou supplétif de certaines dispositions issues de l'ordonnance.

Le rapport au Président de la République indique que l'ordonnance, conformément à la « tradition du code civil » 24 ( * ) , « n'affirme pas expressément dans un article spécifique le caractère supplétif de volonté de ses dispositions », mais est bien « supplétive de volonté sauf disposition contraire », « sauf mention contraire explicite de la nature impérative du texte concerné ». Votre commission fait sienne cette interprétation, de sorte que doivent seules être considérées comme impératives les dispositions expressément mentionnées comme telles dans le texte de l'ordonnance ou celles dont la rédaction indique sans ambiguïté le caractère impératif . Les autres dispositions peuvent être écartées par les parties et, en cas d'incertitude, votre commission considère que le caractère impératif ne saurait prévaloir.

Dès lors, entrent dans la catégorie des dispositions impératives celles qui comportent une mention expresse de leur valeur d'ordre public, celles qui, sauf à être dépourvues d'effet réel, exigent le respect des règles d'ordre public ou réputent non écrites certaines clauses, ainsi que celles dont il se déduit clairement, au vu de leur rédaction, qu'elles ne peuvent être écartées ou pour lesquelles il n'est pas possible de concevoir une clause d'exemption.

Parmi ces dispositions que votre commission qualifie d'impératives, on peut citer notamment :

- article 1102 du code civil, dont le deuxième alinéa précise que « la liberté contractuelle ne permet pas de déroger aux règles qui intéressent l'ordre public », complété par l'article 1162, selon lequel « le contrat ne peut déroger à l'ordre public ni par ses stipulations, ni par son but » ;

- article 1104, qui affirme le principe selon lequel « les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi » ;

- article 1112, qui affirme que les négociations précontractuelles « doivent impérativement satisfaire aux exigences de la bonne foi » et prévoit l'engagement de la responsabilité pour « faute commise dans les négociations » ;

- article 1112-1, qui crée un devoir d'information précontractuel que « les parties ne peuvent ni limiter, ni exclure » ;

- article 1128, sur les conditions nécessaires à la validité du contrat, et plus globalement l'ensemble des articles relatifs à la validité (articles 1128 à 1171), car ils ne sauraient être écartés en raison de leur nature même ;

- article 1170, qui répute non écrite « toute clause qui prive de sa substance l'obligation essentielle du débiteur » ;

- article 1171, dont le premier alinéa répute non écrite, « dans un contrat d'adhésion, toute clause qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat » ;

- article 1231-5, dont l'avant-alinéa répute non écrite toute stipulation qui exclurait, en cas de défaut d'exécution du contrat, la faculté pour le juge de modifier le montant de la pénalité contractuellement prévue « si elle est manifestement excessive ou dérisoire » ou pour tenir compte du cas où « l'engagement a été exécuté en partie » ;

- article 1245-14, dont le premier alinéa répute non écrites « les clauses qui visent à écarter ou à limiter la responsabilité du fait des produits défectueux », sauf dans certains cas entre professionnels 25 ( * ) ;

- article 1343-5, dont l'avant-dernier alinéa répute non écrite toute stipulation qui exclurait la possibilité pour le juge de décider le report ou l'échelonnement du paiement de dettes, en tenant compte « de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier ».

2. L'articulation entre droit commun et droit spécial

En deuxième lieu, si l'article 1105 du code civil prévoit que les règles générales du droit commun des contrats « s'appliquent sous réserve » des règles particulières à certains contrats, établies par des droits spéciaux, en vertu de la règle specialia generalibus derogant , la question de l'articulation entre droit commun et droit spécial soulève des incertitudes pratiques , s'agissant en particulier du droit des sociétés. Ainsi, lorsque le droit spécial est muet sur un sujet, le droit commun doit-il nécessairement trouver à s'appliquer ?

Sur ce point, le rapport au Président de la République précise que « les règles générales posées par l'ordonnance seront notamment écartées lorsqu'il sera impossible de les appliquer simultanément avec certaines règles prévues par le code civil pour régir les contrats spéciaux, ou celles résultant d'autres codes tels que le code de commerce ou le code de la consommation », sans résoudre la difficulté de façon complète.

Votre commission estime que le silence du droit spécial, de même que sa simple compatibilité avec le droit commun ne peuvent pas conduire automatiquement à l'application du droit commun : une appréciation au cas par cas devra être assurée, en prenant en compte la cohérence interne du droit spécial, car une application simultanée du droit commun et du droit spécial, même si elle est formellement possible, n'est pas toujours pertinente et justifiée. En particulier, l'application du droit commun ne peut conduire à dénaturer la cohérence ou méconnaître l'esprit du droit spécial .

Dans la suite du présent rapport, votre commission a cherché, autant que possible, à clarifier l'articulation entre droit commun et droit spécial lorsque la question se posait, le cas échéant en modifiant le droit issu de l'ordonnance. Néanmoins, il appartiendra au juge de clarifier les situations incertaines qui demeureraient, dans lesquelles le cumul du droit général et du droit spécial ne peut pas être aisément exclu au titre de l'impossibilité d'une application simultanée des deux corps de règles.

Une préoccupation particulière s'est exprimée dans ce domaine lors des auditions de votre rapporteur, s'agissant de l'application du droit des contrats à la convention de divorce par consentement mutuel, telle qu'elle résulte de la déjudiciarisation du divorce par consentement mutuel effectuée par la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXI e siècle. Dans sa circulaire d'application de cette réforme, le ministère de la justice a indiqué que le caractère purement conventionnel de ce divorce lui rendait applicables les dispositions du code civil relatives au droit des contrats, tout en ajoutant que, « s'il emprunte au droit des contrats, il s'en détache en raison de son caractère familial », avant d'évoquer à titre d'exemples quelques dispositions applicables. Cette relative indétermination suscite une certaine inquiétude, que là encore le juge devra dissiper. Ce divorce résultant non de la décision d'un juge, mais d'un acte d'avocat, il ne saurait bénéficier de la mise à l'abri de toute contestation, à l'instar de n'importe quelle autre convention, de façon à ce que puissent être contestés ses vices éventuels. Pour insatisfaisante que soit cette situation quant aux dispositions qui sont effectivement applicables à la convention de divorce, écarter l'application du droit des contrats purement et simplement créerait un vide juridique. Votre rapporteur considère qu'on ne saurait s'étonner de ce qu'un acte d'avocat, même enregistré par un notaire, ait moins de force juridique que la décision d'un juge, la réforme du divorce ayant délibérément remplacé la seconde par le premier - ce à quoi le Sénat s'était opposé. La difficulté semble finalement moins résider dans l'application du droit des contrats à la convention de divorce que dans la force juridique de l'acte d'avocat - sujet qui pourra être abordé dans le cadre des débats sur la réforme de la justice préparée par la chancellerie et dont les deux propositions de loi pour le redressement de la justice 26 ( * ) , déposées par notre collègue Philippe Bas, président de votre commission, et prochainement à l'ordre du jour du Sénat, constituent un préambule.

B. TRANCHER CLAIREMENT LA QUESTION DE L'APPLICATION DE LA LOI NOUVELLE AUX CONTRATS EN COURS

La troisième grande question, celle de l'application dans le temps de la loi nouvelle, nourrit de très intenses débats dans la doctrine et chez les praticiens, certains plaidant même pour une application du droit nouveau à tous les contrats en cours, dans un objectif de simplicité et d'uniformité du droit applicable. La jurisprudence récente de la Cour de cassation avive encore ces débats, car elle laisse supposer qu'elle pourrait faire application de larges pans de l'ordonnance aux contrats anciens 27 ( * ) .

Sur cette question, l'article 9 de l'ordonnance est clair : l'ordonnance est entrée en vigueur le 1 er octobre 2016 et « les contrats conclus avant cette date demeurent soumis à la loi ancienne », sous réserve de certaines dispositions de trois articles du code expressément rendues applicables à tous les contrats dès l'entrée en vigueur de l'ordonnance. Attachée aux exigences de sécurité juridique, de stabilité et de prévisibilité pour les parties, votre commission en approuve sans restriction les termes.

Pour autant, en dépit de cette rédaction, la jurisprudence classique de la Cour de cassation permet déjà d'appliquer certaines règles de la loi nouvelle aux contrats antérieurs, au titre de la théorie des effets légaux du contrat, selon laquelle les effets légaux du contrat sont régis par la loi en vigueur au moment où ils se produisent, ainsi qu'au titre des règles d'ordre public nouvelles qu'il semblerait justifié d'appliquer à tous les contrats. La jurisprudence plus récente, dans des arrêts de février et septembre 2017, semble aller encore au-delà, lorsqu'elle indique expressément que l'évolution du droit des contrats, telle qu'elle résulte de l'ordonnance, conduit la Cour à « apprécier différemment » les règles anciennes, pourtant supposées continuer à régir les contrats anciens.

Néanmoins, aller au-delà de ce que prévoit expressément l'article 9 de l'ordonnance en matière d'application de la loi nouvelle aux contrats en cours, en contredisant sa lettre comme son esprit, constituerait, selon votre commission, une dénaturation de l'intention du législateur . De plus, une telle interprétation pourrait heurter la protection constitutionnelle dont bénéficient les contrats légalement conclus , fondée sur le principe de la liberté contractuelle, suivant la jurisprudence rappelée dans l'encadré ci-après. Une telle protection, qui limite la marge d'appréciation du législateur lui-même, ne peut pas être ignorée.

La jurisprudence du Conseil constitutionnel
en matière de liberté contractuelle et de protection des contrats légalement conclus

Dès 1998, le Conseil constitutionnel a affirmé que « le législateur ne saurait porter à l'économie des conventions et contrats légalement conclus une atteinte d'une gravité telle qu'elle méconnaisse manifestement la liberté découlant de l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 » 28 ( * ) .

Ensuite, en 2000, le Conseil a reconnu une valeur constitutionnelle au principe de « la liberté contractuelle qui découle de l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen » 29 ( * ) , à laquelle ne doit pas être apportée une atteinte contraire à la Constitution, sauf motif d'intérêt général suffisant.

En 2002, le Conseil a affirmé plus clairement que « le législateur ne saurait porter aux contrats légalement conclus une atteinte qui ne soit justifiée par un motif d'intérêt général suffisant sans méconnaître les exigences résultant des articles 4 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 » 30 ( * ) .

En 2006, Le Conseil a indiqué que « le législateur peut (...) à des fins d'intérêt général (...) déroger au principe de la liberté contractuelle » 31 ( * ) .

En 2012, il a énoncé qu'« il est loisible au législateur d'apporter à la liberté d'entreprendre et à la liberté contractuelle, qui découlent de l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, des limitations liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par l'intérêt général, à la condition qu'il n'en résulte pas d'atteintes disproportionnées au regard de l'objectif poursuivi » 32 ( * ) .

En 2013, dans un considérant de principe, le Conseil constitutionnel a rappelé, en même temps, la valeur constitutionnelle du principe de la liberté contractuelle et la protection constitutionnelle dont bénéficient les contrats légalement conclus : « d'une part, il est loisible au législateur d'apporter à la liberté d'entreprendre et à la liberté contractuelle qui découlent de l'article 4 de la Déclaration de 1789, des limitations liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par l'intérêt général, à la condition qu'il n'en résulte pas d'atteintes disproportionnées au regard de l'objectif poursuivi » et « d'autre part, le législateur ne saurait porter aux contrats légalement conclus une atteinte qui ne soit justifiée par un motif d'intérêt général suffisant sans méconnaître les exigences résultant des articles 4 et 16 de la Déclaration de 1789 » 33 ( * ) .

Enfin, très récemment, en 2017, le Conseil a eu l'occasion de rappeler la protection dont doivent bénéficier les contrats légalement conclus : « le législateur ne saurait porter aux contrats légalement conclus une atteinte qui ne soit justifiée par un motif d'intérêt général suffisant sans méconnaître les exigences résultant de l'article 4 de la Déclaration de 1789 » 34 ( * ) .

En conséquence, à l'initiative de son rapporteur, votre commission a adopté un amendement tendant à affirmer plus clairement que les contrats conclus avant l'entrée en vigueur de l'ordonnance, le 1 er octobre 2016, doivent bien demeurer entièrement régis par la loi ancienne .

En revanche, s'agissant du renouvellement de contrat, y compris par tacite reconduction, votre commission rappelle qu'il donne naissance à un nouveau contrat, auquel s'applique donc la loi nouvelle, à la différence de la prorogation de contrat. S'agissant d'un contrat cadre conclu avant l'entrée en vigueur de la réforme, si ses contrats d'application ont été conclus après, ils sont régis par la loi nouvelle. Un contrat négocié avant la loi nouvelle, mais conclu après, reste soumis au droit ancien en cas de litige sur la négociation. Le document précité du Haut comité juridique de la place financière de Paris propose d'autres précisions interprétatives sur l'application de la loi dans le temps, que votre commission approuve pleinement, en matière d'offre ou de promesse de contrat, de rétractation de promesse unilatérale, d'avenant, de cession de contrat et de faits juridiques 35 ( * ) .

C. APPORTER DES CORRECTIONS PONCTUELLES AUX MALFAÇONS ET AUX IMPRÉCISIONS

Sur la proposition de son rapporteur, votre commission a également adopté 13 autres amendements, visant à apporter des corrections ponctuelles à des malfaçons de forme ou de fond du texte de l'ordonnance ainsi qu'à des dispositions imprécises ou soulevant des difficultés fortes d'interprétation.

Ainsi, votre commission a voulu clarifier les définitions respectives du contrat de gré à gré et du contrat d'adhésion , à l'article 1110 du code civil, en précisant que le contrat d'adhésion est celui qui comporte des clauses non négociables et déterminées à l'avance unilatéralement par l'une des parties (article 2 du projet de loi), et à mieux encadrer par cohérence le mécanisme de sanction des clauses abusives dans les contrats d'adhésion , à l'article 1171 du code, en le limitant aux clauses non négociables (article 7 du projet de loi). La définition du contrat d'adhésion et le mécanisme associé de sanction des clauses abusives, en raison de l'ambiguïté de leur rédaction, ont été les dispositions les plus critiquées, avec l'imprévision, dans les auditions de votre rapporteur.

Votre commission a aussi souhaité modifier l'article 1137 du code civil, afin de subordonner la nullité pour réticence dolosive aux hypothèses dans lesquelles une obligation d'information préalable existe , afin de répondre aux critiques sur l'incohérence du champ d'application de cet article avec celui introduisant un devoir d'information lors des pourparlers à l'article 1112-1 du code civil (article 5 du projet de loi).

Aux articles 1145 et 1161 du code civil, elle a veillé à l'articulation entre le code civil et, notamment, le droit des sociétés, en clarifiant les règles de capacité et de représentation concernant les personnes morales , pour éviter le risque de remise en cause des règles existantes (article 6 du projet de loi).

À l'article 1195 du code civil, votre commission a supprimé le pouvoir de révision du contrat confié au juge en cas de changement de circonstances imprévisible et a également exclu du champ d'application de l'article les instruments financiers (article 8 du projet de loi).

Elle a modifié l'article 1221 du code civil relatif à l' exécution forcée en nature , pour préciser que seul le débiteur de bonne foi peut bénéficier de l'exception qui permet d'écarter cette exécution lorsque son coût est manifestement disproportionné pour lui au regard de l'intérêt qu'en retirerait le créancier ( article 9 du projet de loi).

Dans le respect de l'esprit de l'ordonnance, elle a également entendu dissiper certaines ambiguïtés qui pouvaient résulter de la rédaction de :

- l'article 1112 du code civil relatif à la liberté des négociations précontractuelles , en prévoyant expressément que la perte de chance d'obtenir les avantages attendus du contrat est exclue du préjudice réparable (article 3 du projet de loi) ;

- l'article 1117 du code civil, en prévoyant la caducité de l'offre contractuelle en cas du décès du destinataire , tout comme cela est prévu en cas de décès de son auteur (article 4 du projet de loi) ;

- l'article 1165 du code civil, en précisant la possibilité de demander au juge la résolution du contrat de prestation de service en cas d'abus dans la fixation du prix , dans l'hypothèse où les parties ne se sont pas mises d'accord sur le prix lors de la conclusion du contrat et que le prix a été fixé unilatéralement par le prestataire (article 7 du projet de loi) ;

- l'article 1223 du code civil relatif au pouvoir unilatéral du créancier d'une obligation de réduire le prix qu'il doit en contrepartie, lorsqu'il estime que cette obligation est imparfaitement exécutée (article 9 du projet de loi) ;

- l'article 1304-4 du code civil, en prévoyant clairement que le bénéficiaire d'une condition suspensive ne peut plus y renoncer une fois que celle-ci est défaillie (article 10 du projet de loi) ;

- l'article 1305-5 du code civil, en précisant que l' inopposabilité de la déchéance du terme aux coobligés était également applicable aux cautions (article 10 du projet de loi) ;

- l'article 1347-6 du code civil, en affirmant clairement que, conformément au droit antérieur, la caution ou le codébiteur peut invoquer la compensation intervenue entre les parties dès lors que ses conditions sont réunies, alors même qu'elle n'a pas encore été déclenchée (article 14 du projet de loi).

En complétant l'article 1327 du code civil, votre commission a entendu harmoniser le formalisme qui s'attache à la cession de dette avec celui qui s'applique à la cession de contrat et à la cession de créance (article 11 du projet de loi).

Elle a aussi modifié l'article 1343-3 du code civil relatif à l' utilisation d'une monnaie étrangère pour le paiement, en France, d'une obligation de somme d'argent , car la rédaction retenue était plus restrictive que l'état du droit antérieur. Elle a ainsi substitué au critère du lien avec « un contrat international », le critère plus large du lien avec « une opération à caractère international » (article 13 du projet de loi).

*

* *

Votre commission a adopté le projet de loi ainsi modifié.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er - Ratification de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations

L'article unique du projet de loi se limite à proposer de ratifier, sans modification, l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations.

En dépit de l'opposition exprimée par le Sénat à utiliser la voie de la législation déléguée pour réformer le droit des contrats, votre commission considère qu'il y a lieu, à ce stade, de ratifier cette ordonnance , à condition toutefois d'y apporter certaines clarifications et corrections nécessaires , soit en explicitant l'interprétation de l'intention du législateur, soit en modifiant les articles du code civil issus de l'ordonnance.

Votre commission a adopté l'article 1 er sans modification .

Article 2 (nouveau) (art. 1102, 1110 et 1111 du code civil) - Les principes directeurs du contrat, la définition du contrat de gré à gré et du contrat d'adhésion, le contrat cadre et ses contrats d'application

Introduit par votre commission à l'initiative de son rapporteur, par l'adoption de l' amendement COM-1 rectifié bis , l'article 2 du projet de loi apporte plusieurs modifications au chapitre I er du sous-titre I er du titre III du livre III du code civil (articles 1101 à 1111-1), qui regroupe des dispositions dites liminaires, se rapportant à la définition du contrat, aux principes directeurs du contrat et aux différentes catégories de contrats.

. Le respect des bonnes moeurs dans les contrats (article 1102 du code civil)

En premier lieu, votre rapporteur a relevé une incohérence interne au sein du code civil, s'agissant des normes supérieures que les contrats ne peuvent écarter . Alors que l'article 6 du code civil, au sein de son titre préliminaire, précise qu'« on ne peut déroger, par des conventions particulières, aux lois qui intéressent l'ordre public et les bonnes moeurs », l'article 1102 énonce que « la liberté contractuelle ne permet pas de déroger aux règles qui intéressent l'ordre public », sans plus mentionner les bonnes moeurs. Si votre rapporteur comprend le souci de modernisation qui a pu prévaloir dans la rédaction de l'ordonnance, il n'est pas certain, à la lumière de ses auditions, que l'ordre public englobe entièrement les bonnes moeurs. En outre, les bonnes moeurs restent une notion connue en droit 36 ( * ) et utilisée par la jurisprudence, de façon souple et adaptée aux circonstances. Plus largement, la notion juridique de bonnes moeurs reste utilisée par le droit civil, par exemple comme critère pour la naturalisation 37 ( * ) ou pour le contrat de mariage 38 ( * ) .

Si votre rapporteur, en conséquence, jugeait nécessaire de procéder à une harmonisation avec l'article 6 du code civil et a proposé en ce sens une modification des principes directeurs du contrat, votre commission a estimé qu'il n'y avait pas lieu de le faire.

. La définition du contrat de gré à gré et du contrat d'adhésion (article 1110 du code civil)

Parmi les catégories de contrats énumérées par le code, l'article 1110 définit le contrat de gré à gré et le contrat d'adhésion, l'un étant conçu en principe comme le symétrique de l'autre. Le contrat de gré à gré est « celui dont les stipulations sont librement négociées entre les parties », tandis que le contrat d'adhésion est « celui dont les conditions générales, soustraites à la négociation, sont déterminées à l'avance par l'une des parties ».

Ce faisant, la réforme a consacré la notion doctrinale de contrat d'adhésion, dégagée au début du XX ème siècle par Raymond Saleilles et fondée sur l'idée que, dans certains contrats, la volonté d'une partie peut imposer à l'autre l'essentiel du contenu du contrat - notion doctrinale qui n'avait pas jusqu'à présent de réelle portée dans le droit positif français. À titre de comparaison, l'article 1379 du code civil du Québec comporte une disposition très similaire sur le contrat d'adhésion 39 ( * ) .

La définition du contrat d'adhésion permet d'asseoir le mécanisme de lutte contre les clauses abusives, prévu à l'article 1171, lequel ne concerne que cette forme de contrat. Dans le cours de l'élaboration de l'ordonnance, le cantonnement de ce mécanisme aux contrats d'adhésion a permis de limiter les inquiétudes qu'avaient fait naître l'introduction dans le droit commun, marqué par l'égalité des parties, d'un dispositif inspiré de droits spéciaux connaissant des contrats plus structurellement déséquilibrés, en droit de la consommation et en droit des relations commerciales 40 ( * ) .

La grande majorité des personnes entendues par votre rapporteur en audition ont indiqué que la définition du contrat d'adhésion, par elle-même ainsi que par rapport à la définition du contrat de gré à gré, n'était ni claire ni satisfaisante, et ce pour plusieurs raisons.

Ces deux définitions laissent un espace intermédiaire pour un tiers contrat - certes peut-être théorique -, dont des clauses seraient imposées unilatéralement par l'une des parties sans être des conditions générales. Ce n'est pas toutefois la difficulté la plus importante.

Définir le contrat de gré à gré comme celui dont les stipulations sont librement négociées peut avoir deux sens : un contrat dont les stipulations ont toutes été effectivement et librement négociées ou un contrat dont les stipulations n'ont pas toutes été négociées mais auraient toutes pu l'être. Si la jurisprudence retenait un critère de négociation effective, elle conduirait a contrario à une extension du champ du contrat d'adhésion, puisque les deux définitions se conçoivent comme complémentaires, et donc du champ des contrats susceptibles d'être contestés au titre de l'article 1171 du code. Cette ambiguïté doit être levée selon votre rapporteur, d'autant qu'elle pourrait poser une difficulté en matière de preuve, s'il fallait rapporter la preuve de la négociation effective.

Le fait que toutes les clauses n'aient pas été effectivement négociées et qu'une partie ait adhéré à des clauses proposées par l'autre partie sans les négocier ne signifie pas que l'on est en présence d'un contrat d'adhésion. Ce type de contrat se caractérise par le fait qu'une partie propose le contrat sans permettre à l'autre partie d'en discuter tout ou partie des stipulations, ce qui peut seul justifier le mécanisme de sanction des clauses abusives. En effet, il serait très contestable qu'une partie qui accepte des clauses sans vouloir les discuter soit admise ensuite à les contester au motif qu'elles présenteraient un caractère prétendument abusif.

Votre rapporteur estime donc que le critère distinctif pertinent est celui de la négociabilité des stipulations contractuelles et non celui, trop ambigu, de leur libre négociation, de façon à assurer une cohérence avec le dispositif de l'article 1171. Des stipulations qui ne sont pas négociables, déterminées unilatéralement par une partie, peuvent créer un déséquilibre significatif entre les droits des parties dans la mesure où la partie qui n'a pas pu les discuter doit les accepter, sans autre choix possible, si elle veut contracter. Il faut qu'une partie ne soit pas en mesure de négocier pour que la question du caractère abusif d'une clause puisse logiquement se poser .

En outre, la définition du contrat d'adhésion s'appuie sur la notion de conditions générales soustraites à la négociation et déterminées à l'avance par l'une des parties. Non seulement la notion de clauses soustraites à la négociation est là encore ambiguë - elle peut inclure des clauses qui auraient pu être négociées mais qui ne l'ont pas été effectivement -, mais le recours à la notion de conditions générales crée une incertitude, car celle-ci n'est pas définie, même si elle peut évoquer des notions connues dans certains droits particuliers.

Certes, l'article 1119 du code civil évoque lui aussi les conditions générales, mais dans une autre perspective, dans le cadre d'une distinction entre conditions générales et conditions particulières et d'une incompatibilité entre les conditions générales de chaque partie, de sorte que cet article ne permet guère d'éclairer la définition du contrat d'adhésion sur la base du critère des conditions générales.

Substituer à la notion de conditions générales celle de stipulations essentielles, comme cela a été évoqué lors des auditions de votre rapporteur, ne semble pas davantage satisfaisant, hors même ses contours indéterminés, qui nourriraient une abondante jurisprudence. En effet, des clauses abusives peuvent se trouver dans des stipulations qui ne sont pas jugées comme essentielles à la formation du contrat. Si la nature de la prestation, le prix, la référence à un indice, la durée ou encore les limitations ou exonérations de responsabilité sont sans doute des stipulations essentielles, qu'en est-il d'une clause, dans des contrats susceptibles d'être résiliés, prévoyant une durée de préavis excessivement longue pour résilier ou subordonnant la résiliation au versement d'une forte indemnité ?

Dès lors que des clauses peuvent être abusives sans figurer dans des conditions générales ou relever des stipulations essentielles du contrat, la jurisprudence pourrait interpréter extensivement de telles notions imprécises pour pouvoir leur faire application de l'article 1171. Votre rapporteur estime en conséquence que la notion de contrat d'adhésion doit être plus clairement définie, sur la base également du critère de négociabilité : en effet, l'absence de négociabilité d'une clause peut contraindre la partie qui la subit, car elle veut contracter, à un déséquilibre significatif constitutif de l'abus.

À l'initiative de son rapporteur, votre commission a donc clarifié la rédaction des deux définitions, en précisant que le contrat de gré à gré est celui dont les stipulations sont « librement négociables », tandis que le contrat d'adhésion est celui qui comporte des clauses « non négociables, déterminées à l'avance unilatéralement par l'une des parties ». Ces deux définitions deviennent ainsi réellement symétriques.

Par ailleurs, la définition du contrat d'adhésion a soulevé une autre interrogation dans le cadre des auditions de votre rapporteur : elle évoque des clauses « déterminées à l'avance », sans que l'on soit certain d'y inclure les cas où le contrat a été rédigé par un tiers à la demande de la partie (notaire, avocat, contrat-type de location saisonnière...). Votre commission considère que la rédaction incluait bien ce cas de figure. En tout état de cause, la rédaction retenue par votre commission ne comporte plus cette incertitude : quel que soit le rédacteur effectif de l'acte, il s'agit d'apprécier si la clause non négociable a été imposée par une partie, quand bien même celle-ci ne l'aurait pas matériellement rédigée elle-même.

Le contrat de gré à gré et le contrat d'adhésion étant ainsi définis, la question peut se poser de savoir si un contrat de gré à gré peut devenir un contrat d'adhésion, dans l'hypothèse où une nouvelle partie se substituerait à une partie présente à la conclusion du contrat ou adhérerait à un contrat de gré à gré déjà conclu sans pouvoir en discuter les stipulations, entraînant dès lors l'application potentielle de l'article 1171 - par exemple une société ou un autre groupement qui accueillerait postérieurement à sa création un nouvel associé, sans pour autant rediscuter les statuts, ou un pacte d'actionnaires qui accueillerait postérieurement à sa conclusion un nouvel actionnaire, sans rediscuter les termes du pacte. Votre commission estime qu'un contrat de gré à gré le demeure toujours, puisque le code le définit par les seules conditions de sa formation, c'est-à-dire les modalités de négociation de ses stipulations, de sorte que l'adhésion ultérieure d'une nouvelle partie ne saurait en aucun cas avoir d'effet quant à sa qualification de contrat de gré à gré.

. Le contrat cadre et ses contrats d'application (article 1111 du code civil)

La rédaction de l'article 1111 du code civil a soulevé un doute lors des auditions de votre rapporteur. Cet article définit le contrat cadre, qui est « un accord par lequel les parties conviennent des caractéristiques générales de leurs relations contractuelles futures », ainsi que les contrats d'application destinés à en assurer l'exécution dans le temps. Le code indique que les contrats d'application « précisent les modalités d'exécution » du contrat cadre. Afin de lever toute ambiguïté d'interprétation, votre commission indique que les contrats d'application sont bien des contrats autonomes . À cet égard, dans l'hypothèse où le contrat cadre a été conclu avant le 1 er octobre 2016 et des contrats d'application après cette date, ceux-ci sont bien régis, en tant que nouveaux contrats, par les dispositions issues de l'ordonnance.

Votre commission a adopté l'article 2 ainsi rédigé .

Article 3 (nouveau) (art. 1112 à 1112-2 du code civil) - Les négociations précontractuelles

Introduit par votre commission à l'initiative de son rapporteur, par l'adoption de l' amendement COM-2 , l'article 3 du projet de loi apporte plusieurs modifications à la sous-section 1 du chapitre II du sous-titre I er du titre III du livre III du code civil (articles 1112 à 1112-2), qui regroupe les dispositions relatives à la conclusion du contrat et se rapportant aux négociations précontractuelles. Suivant son rapporteur, votre commission a modifié l'article 1112 du code civil, tout en précisant aussi l'interprétation qu'elle entend donner aux articles 1112-1 et 1112-2, sans pour autant proposer de modifier ces dispositions.

. La liberté des négociations précontractuelles (article 1112 du code civil)

En premier lieu, conformément au principe constitutionnel de liberté contractuelle, l'article 1112 du code civil énonce que « l'initiative, le déroulement et la rupture des négociations précontractuelles sont libres ». Ce principe doit toutefois être concilié avec celui de la bonne foi , puisque les négociations « doivent impérativement satisfaire aux exigences de la bonne foi ». Conformément au rapport au Président de la République, il faut déduire de l'adverbe « impérativement », que le respect de ce principe de bonne foi est d'ordre public 41 ( * ) .

En second lieu, l'article 1112 traite du contentieux des négociations précontractuelles et vise à définir le régime de la sanction en cas de faute de l'une des parties commise à l'occasion de ces pourparlers. La responsabilité de l'auteur de la faute peut en effet être engagée, sous réserve d'une réparation du préjudice expressément restreinte par l'article.

Lors des auditions, la question de l'étendue du préjudice réparable a suscité des interrogations : exclut-il seulement les avantages attendus du contrat ou également le préjudice distinct de la perte de chance de conclure le contrat ?

Le rapport au Président de la République indique l'intention de consacrer la jurisprudence dite « Manoukian » 42 ( * ) , qui conduit à exclure du préjudice réparable non seulement les gains que permettaient d'espérer la conclusion du contrat , mais également la perte de chance 43 ( * ) de réaliser des gains 44 ( * ) .

Si le rapport au Président de la République semble bien vouloir consacrer cette jurisprudence 45 ( * ) , l'article 1112 ne fait pourtant mention expresse que de « la perte des avantages attendus du contrat », sans évoquer le préjudice de perte de chance. Il en résulte que la rédaction de l'article peut faire naître une incertitude et laisser penser que la perte de chance est admise en tant que préjudice réparable, contrairement avec ce qu'indique le rapport au Président de la République.

Afin de clarifier l'étendue du préjudice réparable , et de sécuriser le dispositif en se conformant à l'intention des rédacteurs de l'ordonnance révélée par le rapport au Président de la République, votre commission a, sur la proposition de son rapporteur, exclu expressément la perte de chance des préjudices réparables en cas de faute lors des pourparlers.

À l'inverse, votre rapporteur estime que la rédaction du texte permet bien la réparation du préjudice résultant des opportunités perdues de conclure un contrat avec un tiers , confortant une solution déjà admise par la jurisprudence 46 ( * ) .

. L'obligation précontractuelle d'information (article 1112-1 du code civil)

L'article 1112-1 du code civil consacre, en premier lieu, l'obligation pour une partie qui a connaissance d'une information « déterminante pour le consentement » de l'autre de la lui transmettre « dès lors que légitimement, cette dernière ignore cette information ou fait confiance à son cocontractant » : ces trois critères sont requis pour faire naître l'obligation d'information . L' « importance déterminante » des informations est expressément définie comme résultant du « lien direct et nécessaire avec le contenu du contrat 47 ( * ) ou la qualité des parties » 48 ( * ) . Ne sont donc pas visées l'ensemble des informations.

Si, lors des auditions organisées par votre rapporteur, certaines personnes ont pu souhaiter que soit exigé en parallèle du devoir d'information un devoir de s'informer , votre rapporteur souligne que le rapport au Président de la République indique bien qu'il faut déduire du critère de l'ignorance légitime que « le devoir de s'informer fixe (...) la limite de l'obligation précontractuelle d'information ». Ainsi, d'une part, lorsque l'information était accessible, l'ignorance du contractant ne sera plus légitime mais, d'autre part, lorsqu'un lien de « confiance » particulier existe, voire préexiste entre les deux parties, cette situation peut justifier un devoir d'information particulier.

En deuxième lieu, l'article 1112-1 du code civil exclut explicitement du devoir d'information « l'estimation de la valeur de la prestation » . Les rédacteurs de l'ordonnance ont ainsi fait le choix de consacrer la jurisprudence dite « Baldus », selon laquelle « aucune obligation d'information ne pesait sur l'acheteur » 49 ( * ) concernant la valeur d'un objet, même si celui-ci avait été acquis à un prix manifestement sous-évalué. L'ajout de cette disposition, qui ne figurait ni dans l'« avant-projet Catala », ni dans l'« avant-projet Terré », ni même dans l'avant-projet d'ordonnance du Gouvernement soumis à la consultation publique en 2015, est justifié par le rapport au Président de la République comme répondant au souci de ne pas « susciter une insécurité juridique et de répondre aux inquiétudes des entreprises ».

En troisième lieu, l'article 1112-1 du code civil fait peser la charge de la preuve de l'obligation d'information sur le créancier de celle-ci 50 ( * ) , tandis que le débiteur de cette même obligation doit quant à lui prouver qu'il l'a bien transmise.

En quatrième lieu, le caractère impératif de l'article 1112-1 du code civil est expressément mentionné à son cinquième alinéa : les parties ne peuvent pas déroger à cette obligation légale d'information précontractuelle.

En cinquième et dernier lieu, sont prévues les sanctions au manquement à l'obligation d'information précontractuelle , qui peuvent être cumulatives. Un tel manquement peut non seulement engager la responsabilité 51 ( * ) de celui qui en est l'auteur, mais il peut également entraîner l'annulation du contrat 52 ( * ) pour vice du consentement. La nullité prévue n'est encourue que si le manquement à l'obligation précontractuelle d'information constitue un dol ou a entraîné une erreur constitutive d'un vice du consentement. Pour être prononcée, la nullité doit être demandée par la partie dont le consentement a été vicié. Dès lors que le prononcé de la nullité lui est demandé, si les éléments constitutifs du vice du consentement allégué sont réunis, le juge est alors tenu de la prononcer, ne bénéficiant pas d'un pouvoir d'appréciation lui permettant d'écarter la nullité pour maintenir le contrat.

. L'obligation de confidentialité des négociations précontractuelles (article 1112-2 du code civil)

L'article 1112-2 du code civil vise à soumettre les parties négociatrices à une obligation de confidentialité. Deux comportements sont sanctionnés : l'utilisation ou la divulgation d'une information.

Deux principes tempèrent cette obligation de confidentialité : elle peut être levée sur autorisation de la partie qu'elle protège et elle ne peut aboutir à méconnaître une obligation d'information due à un tiers telle que celle prévue à l'article 1112-1 du code civil, dans le cadre d'autres négociations par exemple.

Votre rapporteur en conclut donc que, contrairement aux deux autres articles qui composent la sous-section consacrée aux négociations précontractuelles, cet article revêt un caractère supplétif .

Deux points ont toutefois suscité des interrogations lors des auditions de votre rapporteur, et auxquels il a souhaité apporter des clarifications, sans en modifier la rédaction.

En premier lieu, l'absence de définition précise de l'information confidentielle . Le qualificatif de « confidentielle » pourrait recouvrer toute information sensible dont la mise à profit par le partenaire ou par un tiers en ayant eu connaissance, pourrait nuire à celui que le secret protège. Les informations communiquées dans le cadre des pourparlers ne sont pas présumées confidentielles, elles ne le sont qu'en raison d'une déclaration expresse des parties en ce sens ou en considération de la nature des informations ou de la qualité des parties. Il appartiendra toutefois aux juridictions d'apprécier la nature confidentielle des informations selon les cas .

En second lieu, la durée de la confidentialité des informations visées à l'article 1112-2 du code civil, ainsi que les circonstances exceptionnelles permettant leur divulgation, ont pu interroger les praticiens. Il semble toutefois à ce stade délicat pour votre rapporteur de prévoir un délai fixe, eu égard à la diversité des informations pouvant être concernées. En conséquence, en l'absence de précision dans la loi sur ce point, les parties en pourparlers ont tout intérêt à régler ce sujet par avance dans un accord de négociation, en déterminant ensemble le périmètre des informations confidentielles, de même que la durée de l'accord de confidentialité .

En outre, votre rapporteur tient à préciser que l'action en responsabilité pour violation du devoir de confidentialité est soumise au régime de la prescription extinctive de droit commun prévu à l'article 2224 du code civil, étant rappelé que le délai de prescription de cinq années ne court qu'à compter du jour où le créancier du devoir de confidentialité a eu connaissance de la violation.

Votre commission a adopté l'article 3 ainsi rédigé .

Article 4 (nouveau) (art. 1117, 1119, 1123 et 1124 du code civil) - L'offre de contrat, le pacte de préférence et la promesse unilatérale de contrat

Introduit par votre commission à l'initiative de son rapporteur, par l'adoption de l' amendement COM-3 , l'article 4 du projet de loi apporte plusieurs modifications aux sous-sections 2 et 3 de la section 1 du chapitre II du sous-titre Ier du titre III du livre III du code civil (articles 1113 à 1124), qui regroupent les dispositions relatives à l'offre et à l'acceptation de contrat, ainsi qu'au pacte de préférence et à la promesse unilatérale de contrat. Suivant son rapporteur, votre commission a modifié les articles 1117 et 1123 du code civil, et également clarifié l'interprétation des articles 1119 et 1124 du même code, sans pour autant modifier ces dernières dispositions.

. La caducité de l'offre de contrat (article 1117 du code civil)

Deux hypothèses régissent la caducité 53 ( * ) de l'offre.

Dans la première hypothèse, l'offre n'engage plus le pollicitant 54 ( * ) , une fois un délai exprès ou raisonnable expiré 55 ( * ) . L'article 1117 du code civil clarifie la seconde hypothèse en réputant caduque toute offre en cas d'incapacité ou de décès de son auteur, peu importe qu'elle soit assortie d'un délai ou non 56 ( * ) .

Plusieurs personnes entendues par votre rapporteur ont fait part de leur étonnement de ne pas voir réglée la situation de la caducité de l'offre en cas de décès du destinataire . À ce sujet, la Cour de cassation considère pourtant que l'offre devient caduque et ne se transmet pas à ses héritiers 57 ( * ) . Selon certains auteurs, cette situation pourrait être traitée différemment lorsqu'il ne s'agit pas d'un contrat intuitu personae 58 ( * ) . Votre rapporteur juge donc une clarification d'autant plus nécessaire, le silence de la loi sur ce point lui semblant source d'incertitude et d'insécurité juridique.

Votre commission a donc décidé, sur sa proposition, de modifier l'article 1117 du code civil afin d'affirmer clairement la caducité de l'offre en cas de décès du destinataire .

. Les conditions générales (article 1119 du code civil)

Introduites dans le droit commun des contrats 59 ( * ) , à l'article 1119 du code civil, les conditions générales répondent désormais à un régime unifié codifiant la jurisprudence et qui s'articule autour de trois principes :

- elles doivent avoir été portées à la connaissance du cocontractant et faire l'objet d'une acceptation de sa part 60 ( * ) . Il résulte de ce principe que la partie qui entend imposer des conditions générales à son cocontractant doit apporter la preuve qu'elles ont bien été portées à sa connaissance et qu'il les a acceptées. Le corollaire implicite de ce principe est la lisibilité et l'intelligibilité de ces clauses, de façon à permettre un réel consentement 61 ( * ) ;

- les clauses incompatibles résultant de discordances entre les conditions générales invoquées par l'une et l'autre des parties sont déclarées sans effet 62 ( * ) ;

- les clauses particulières qui seraient incompatibles avec les clauses générales priment sur ces dernières 63 ( * ) , en application de la règle speciala generalibus derogant.

Lors des auditions de votre rapporteur, plusieurs intervenants se sont interrogés sur l'absence de définition des conditions générales. Votre rapporteur estime toutefois que les conditions générales peuvent être entendues dans leur sens classique et se définir comme les clauses-types déterminées à l'avance par une partie et destinées à s'appliquer à une multitude de contrats.

De surcroît, votre rapporteur juge utile de préciser que, conformément à l'article 1105 du code civil, l'application de l'article 1119 doit être écartée au profit des droits spéciaux 64 ( * ) .

En revanche, les « conditions générales » telles que mentionnées par l'article 1110 65 ( * ) relatif au contrat d'adhésion doivent être entendues dans un sens plus large, puisqu'il s'agit en réalité de viser toutes les stipulations du contrat qui sont soustraites à la négociation et qui peuvent excéder le champ des conditions générales du présent article. En raison de cette ambiguïté de rédaction, votre commission a d'ailleurs modifié la définition du contrat d'adhésion, en retirant la notion de conditions générales.

. Le pacte de préférence (article 1123 du code civil)

L'article 1123 vise à préciser le cadre juridique du pacte de préférence , dont la consécration dans le code civil a pour objet de mettre fin, selon le rapport au Président de la République, « aux inconvénients résultant des fluctuations jurisprudentielles ». Le pacte de préférence est ainsi défini comme « le contrat par lequel une partie s'engage à proposer prioritairement à son bénéficiaire de traiter avec lui pour le cas où elle déciderait de contracter ».

Le pacte de préférence crée une forme d'obligation éventuelle à la charge de l'une des parties, le promettant 66 ( * ) , et dont seul dépend le déclenchement de l'obligation : celle-ci devient effective lorsqu'il décide de « traiter » prioritairement avec le bénéficiaire, c'est-à-dire de lui adresser une forme d'offre de contracter ou d'invitation à entrer en pourparlers. Cette définition, qui ne fait mention ni d'un prix ni d'une durée, est conforme à la jurisprudence 67 ( * ) , et ne le distingue pas du droit commun des contrats 68 ( * ) .

L'article 1123 du code civil dispose ensuite que le non-respect du pacte de préférence 69 ( * ) est susceptible de faire l'objet d'une double sanction :

- d'une part, le bénéficiaire peut obtenir la réparation du préjudice subi ;

- d'autre part, à la double condition que le tiers ait conclu ledit contrat en ayant connaissance du pacte de préférence et de l'intention du bénéficiaire de s'en prévaloir, ce dernier peut également agir en nullité du contrat ou demander au juge de le substituer au tiers dans le contrat conclu 70 ( * ) .

Lors des auditions de votre rapporteur, plusieurs interrogations ont été soulevées quant à la mise en oeuvre concrète de ces dispositions relatives aux sanctions, et auxquelles votre rapporteur souhaite apporter des clarifications.

En premier lieu, en cas de violation du pacte , le bénéficiaire peut demander réparation au promettant , qui engage sa responsabilité contractuelle à son égard conformément au droit commun. Le préjudice réparable va au-delà de ce qui est prévu en cas de faute dans les pourparlers : en effet, le promettant a pris l'engagement de proposer en priorité le contrat au bénéficiaire. S'il viole son engagement, les dommages et intérêts doivent replacer le bénéficiaire dans la situation où il se serait trouvé si le promettant lui avait proposé la conclusion du contrat. Il peut donc se prévaloir de l'intérêt attendu du contrat. Le bénéficiaire peut également engager la responsabilité extracontractuelle du tiers fautif qui viole sciemment le pacte de préférence.

En deuxième lieu, l'article 1123 du code civil institue une action interrogatoire du tiers ayant eu connaissance de l'existence du pacte , cette disposition ayant la particularité, comme les deux autres procédures ayant un objet similaire 71 ( * ) , d'avoir été immédiatement rendue applicable aux contrats en cours dès l'entrée en vigueur de l'ordonnance 72 ( * ) . Le tiers dispose ainsi d'une faculté d'interroger le potentiel bénéficiaire sur ses intentions, celui-ci perdant son droit de substitution au tiers ou la faculté de demander la nullité du contrat s'il ne répond pas dans un délai fixé par le tiers demandeur.

L'action interrogatoire vise à éviter à un tiers de bonne foi de violer un pacte de préférence qui l'exposerait ensuite à la nullité du contrat conclu avec un promettant de mauvaise foi. Plusieurs personnes entendues par votre rapporteur ont toutefois porté à son attention le fait que, dans la pratique, le tiers pourrait bien ne pas avoir intérêt à faire usage de cette action interrogatoire, dans la mesure où cela présumerait sa connaissance des deux conditions préalables à l'action en nullité ou en substitution du bénéficiaire...Toutefois, votre rapporteur estime que le tiers qui, connaissant l'existence du pacte de préférence 73 ( * ) , omet de recourir à la procédure de l'action interrogatoire, commet une faute de nature à engager sa responsabilité extracontractuelle.

Toutefois, concernant l' encadrement de l'action interrogatoire , celle-ci se déroule par écrit, dans un délai fixé par le tiers et qui est simplement défini comme raisonnable. Il semble à votre rapporteur que l'absence de délai fixe profiterait toutefois surtout au tiers qui a intérêt à avoir une réponse rapide et fixerait unilatéralement le délai. Il pourrait en conséquence être opportun, dans un souci de sécurité juridique, d'encadrer cette faculté du tiers en fixant à deux mois le délai dans lequel le bénéficiaire doit faire parvenir au tiers sa réponse quant à l'existence du pacte et à son intention de s'en prévaloir. Sur proposition de son rapporteur, votre commission a donc modifié le texte en ce sens.

En troisième lieu, votre rapporteur a souhaité préciser diverses conséquences de la réponse ou de l'absence de réponse du bénéficiaire à la suite de son interpellation par le tiers . Tout d'abord, le défaut de réponse du bénéficiaire à l'action interrogatoire conduit à ce qu'il ne puisse plus se prévaloir ensuite de la nullité du contrat conclu par le promettant ni solliciter sa substitution au tiers, mais seulement obtenir des dommages et intérêts. Le pacte ne crée toutefois pas d'exception pour le cas où il comprendrait une clause de confidentialité. Dans cette hypothèse, il semble que le bénéficiaire aura néanmoins intérêt à informer le tiers qui l'interpelle de l'existence du pacte s'il souhaite s'en prévaloir. Par ailleurs, le bénéficiaire qui, interpellé par le tiers, fait part à ce dernier de l'existence d'un pacte de préférence et de son intention de s'en prévaloir n'est pas pour autant engagé à l'égard du promettant. De même, le défaut de réponse du bénéficiaire ne met pas fin au pacte de préférence : le promettant reste tenu par son engagement et le bénéficiaire pourra engager sa responsabilité contractuelle.

Enfin, le texte qui régit le pacte de préférence est supplétif dans le sens où les parties pourraient par exemple exclure la sanction de nullité et de substitution en cas de violation du pacte. En revanche, les parties ne peuvent pas, par leur convention, porter atteinte aux droits des tiers. Ainsi les parties ne pourraient contractuellement prévoir de priver les tiers de leur action interrogatoire.

En outre, le pacte de préférence est soumis, à défaut de délai expressément ou implicitement fixé par les parties, au régime de droit commun relatif à la durée du contrat 74 ( * ) , dans la mesure où il n'est pas incompatible avec les règles régissant le pacte de préférence.

. La promesse unilatérale de contrat (article 1124 du code civil)

Contrairement au pacte de préférence, la promesse unilatérale de contrat, prévue à l'article 1124 du code civil, constitue une véritable obligation unilatérale de la part du promettant, la formation du contrat ne dépendant plus que du consentement du bénéficiaire, au moyen de la levée du droit d'option qu'il détient. La formation du contrat préparé via une promesse unilatérale de contrat se fait en trois étapes : signature de la promesse, levée d'option par le bénéficiaire, et enfin conclusion du contrat promis.

À l'occasion des auditions menées par votre rapporteur, plusieurs personnes ont pu regretter l'absence de la promesse synallagmatique 75 ( * ) au sein de ce nouveau régime de la promesse unilatérale de contrat. La promesse de contrat synallagmatique semble toutefois ne présenter d'intérêt que pour certains contrats, ce qui semble donc relever d'une réforme des contrats spéciaux, et non du droit commun des contrats 76 ( * ) .

Comme pour le pacte de préférence, en l'absence de délai pour la durée définie dans la promesse unilatérale de contrat, celle-ci est soumise au régime de droit commun relatif à la durée du contrat.

Deux incidents au cours de la promesse unilatérale de contrat sont prévus : d'une part, la révocation de la promesse par le promettant et, d'autre part, la violation de la promesse par la conclusion d'un contrat conclu avec un tiers. Sur ces deux points et afin d'éviter toute confusion, votre rapporteur tient à apporter les deux précisions suivantes.

En premier lieu, la règle selon laquelle le promettant qui révoque la promesse pendant le temps laissé au bénéficiaire pour opter « n'empêche pas la formation du contrat » 77 ( * ) , laquelle revient sur la jurisprudence dite « Cruz » 78 ( * ) , pourra être écartée par une clause spéciale , si les parties en sont d'accord, pour simplement prévoir que la révocation de la promesse donne lieu à des dommages et intérêts, conformément au caractère d'ordre supplétif de l'article 1124.

En second lieu, la conclusion d'un contrat par le promettant avec un tiers en violation de la promesse unilatérale entraîne la nullité du contrat, mais seulement si le tiers en connaissait l'existence, et non comme pour le pacte de préférence à la double condition de la connaissance par le tiers de l'acte et de l'intention du bénéficiaire de s'en prévaloir. Le régime de la nullité semble donc plus aisé à mettre en oeuvre pour la promesse que pour le pacte de préférence : il répond à des conditions moins strictes et a pour effet la nullité d'office du contrat, alors que l'article 1123 du code civil dispose seulement que le bénéficiaire peut agir en nullité.

Votre commission a adopté l'article 4 ainsi rédigé .

Article 5 (nouveau) (art. 1130, 1132, 1137, 1138, et 1143 du code civil) - Les vices du consentement

Introduit par votre commission à l'initiative de son rapporteur, par l'adoption de l' amendement COM-4 , l'article 5 du projet de loi apporte plusieurs modifications au paragraphe 2 de la sous-section 1 de la section 2 du chapitre II du sous-titre I er du titre III du livre III du code civil (articles 1130 à 1144), qui regroupe les dispositions relatives aux vices du consentement. Suivant son rapporteur, votre commission a décidé de clarifier l'interprétation des articles 1130, 1132 et 1138 du code civil, et de modifier les dispositions des articles 1137 et 1143 du même code.

. Définition générale des vices du consentement, dol principal et dol incident (article 1130 du code civil)

L'article 1130 du code civil consacre expressément la règle jurisprudentielle selon laquelle l'erreur, le dol et la violence doivent présenter un caractère « déterminant » pour vicier le consentement de l'une des parties au contrat 79 ( * ) . Cette définition recouvre tant les hypothèses où la victime n'aurait pas contracté que celles où elle aurait contracté à des conditions substantiellement différentes. De surcroît, conformément à l'article 1131 du code civil, « les vices du consentement sont une cause de nullité relative 80 ( * ) du contrat ».

Lors des auditions qu'il a organisées, des interrogations ont été portées à la connaissance de votre rapporteur concernant l'application du dol, et auxquelles votre commission, suivant son rapporteur, a décidé d'apporter des clarifications.

Au sens de l'article 1130 du code civil, sont assimilées au dol tant l'hypothèse où la victime n'aurait pas contracté du tout , que celle où elle aurait contracté à des conditions substantiellement différentes . Dans ces deux cas, il est considéré que le consentement de la victime est pareillement vicié, ce qui justifie la sanction de nullité du contrat 81 ( * ) .

En revanche, dans le cas d'un dol incident , c'est-à-dire l'hypothèse où une victime aurait contracté à des conditions différentes mais sans que celles-ci le soient substantiellement , la situation n'est pas sanctionnée par la nullité du contrat, le consentement de la victime n'ayant pas été vicié. En conséquence, la victime peut seulement formuler une demande de dommages et intérêts .

. Erreur de droit et erreur de fait (article 1132 du code civil)

L'article 1132 du code civil a pour objet de transcrire l'état de la jurisprudence relative à l'erreur.

Peu importe l'erreur commise, il faut qu'elle soit excusable 82 ( * ) pour constituer une cause de nullité du contrat, qu'elle soit la conséquence d'une mauvaise appréciation de la réalité - l'erreur de fait 83 ( * ) - ou d'une méconnaissance d'une règle de droit - l'erreur de droit.

Lors des auditions qu'il a organisées, votre rapporteur a été alerté par certains intervenants sur l'inopportunité d'avoir consacré l'erreur de droit sur le même plan que l'erreur de fait.

Toutefois, selon votre commission, suivant l'interprétation de son rapporteur, la notion d'erreur de droit ne fait que consacrer la jurisprudence sur ce point, et l'article 1132 est clair : l'erreur inexcusable n'emporte pas nullité du contrat, qu'elle ait porté sur une qualité essentielle de la prestation ou de la personne.

Il n'est en effet nullement question d'élargir l'admission de l'erreur de droit en permettant à un contractant de prétendre qu'il s'est mépris sur la portée d'un texte légal, d'une jurisprudence ou même de son engagement contractuel. En effet, si la jurisprudence admet l'erreur de droit - et c'est à ce titre qu'elle est légalement consacrée - elle en a toujours fait une application mesurée en la refusant lorsqu'elle portait, par exemple, sur une décision judiciaire rendue pour d'autres parties ou sur les effets que le contrat doit produire 84 ( * ) .

. Définition du dol et réticence dolosive (article 1137 du code civil)

L'article 1137 du code civil, consacré à la définition du dol, constitue l'un des articles issus de l'ordonnance, ayant fait l'unanimité des critiques lors des auditions menées par votre rapporteur. La difficulté réside dans l'incohérence par l'article 1137, avec le champ de l'obligation d'information précontractuelle définie à l'article 1112-1.

L'article 1137 restreint les cas de réticence dolosive aux hypothèses de « dissimulation intentionnelle par l'un des contractants d'une information dont il sait le caractère déterminant pour l'autre partie ». Avec cette définition, l'ordonnance ne fait que reprendre la jurisprudence de la Cour de cassation 85 ( * ) . Pourtant, la reprise à l'identique de cette jurisprudence qui concerne la dissimulation d'information, alors même qu'une nouvelle obligation d'information a été consacrée par la réforme, pose, selon votre rapporteur, une difficulté d'interprétation et, plus encore, un risque d'insécurité juridique pour les contractants.

Dans le cadre des négociations précontractuelles, les informations que doivent s'échanger les parties sont encadrées selon trois principaux critères :

- ces informations doivent être déterminantes pour le consentement de l'autre partie, c'est-à-dire présenter un « lien direct et nécessaire avec le contenu du contrat ou la qualité des parties » ;

- la partie destinataire des informations doit les ignorer « légitimement » ou faire « confiance à son cocontractant » ;

- « ce devoir d'information ne porte pas sur la valeur de la prestation ».

À l'inverse, la nature des informations potentiellement concernées par le champ de la réticence dolosive est beaucoup plus large, n'étant limitée que par leur caractère « déterminant » pour le consentement de l'autre partie.

Les rédacteurs de l'ordonnance ont donc souhaité dissocier la réticence dolosive de l'obligation d'information précontractuelle , comme cela est confirmé par le rapport au Président de la République, qui indique que « la réticence dolosive est consacrée, sans toutefois la subordonner à l'existence d'une obligation d'information par ailleurs consacrée à l'article 1112-1 ».

La réticence dolosive, qui constitue un vice du consentement sanctionné par la nullité du contrat, est susceptible de s'appliquer à l'ensemble des informations ayant un caractère déterminant pour le consentement de l'autre partie, alors que l'obligation d'information précontractuelle ne s'applique qu'aux informations ayant un lien direct et nécessaire avec le contenu du contrat ou la qualité des parties.

Surtout, cette dernière n'impose pas aux contractants de s'informer mutuellement sur l'estimation qu'ils font de la valeur de la prestation, conformément à une jurisprudence bien connue dite « Baldus » 86 ( * ) .

Il résulte de cette incohérence que l'absence de mention de la valeur entre les parties lors des pourparlers, pourtant exclue d'une obligation légale d'information, pourrait par ailleurs être sanctionnée par la nullité du contrat si elle était reconnue comme constitutive d'une réticence dolosive.

Certes, cette dernière ne peut être constituée que si le contractant a fait preuve d'une intention de dissimulation destinée à tromper, ce qui constitue, selon le rapport au Président de la République, le critère distinctif entre les deux articles, mais il semble difficile de distinguer la dissimulation intentionnelle de la simple rétention d'information, car c'est toujours bien volontairement, en matière de prix, qu'un contractant s'abstient de mentionner la valeur de la prestation qu'il estime.

Afin de remédier à cette difficulté de l'ordonnance sans remettre en cause le fondement des deux articles, votre commission, à l'initiative de son rapporteur, a décidé de modifier le texte afin de subordonner la nullité pour réticence dolosive aux hypothèses dans lesquelles une obligation d'information préalable existe . Ce faisant, votre rapporteur reprend la version initiale de l'avant-projet d'ordonnance de la chancellerie publié en 2015.

. Dol émanant de tiers (article 1138 du code civil)

L'article 1138 du code civil précise les cas de dol exercé par des tiers, par exception à l'article 1137 qui dispose, conformément à une jurisprudence ancienne 87 ( * ) , que le dol intervient nécessairement à l'initiative d'une partie dans le but d'obtenir le consentement de l'autre. L'article 1138 prévoit donc des exceptions à ce principe.

La première exception concerne le dol émanant du « représentant, du gérant d'affaires, du préposé ou du porte-fort du contractant ». Dans le cas d'un dol commis par l'un de ces tiers limitativement énumérés, c'est le contractant représenté lui-même qui devra en assumer les conséquences, même s'il peut ensuite se retourner contre l'auteur du dol sur le fondement de la réparation du préjudice subi en raison de l'annulation du contrat.

La seconde exception concerne le dol qui serait commis par un « tiers de connivence » avec le cocontractant, étant entendu que, dans cette hypothèse, le contractant « de connivence » avec le tiers pourrait, de son côté, être reconnu coupable d'une réticence dolosive.

Enfin, certaines personnes se sont interrogées sur l'absence de la reprise par l'ordonnance d'une exception traditionnelle en jurisprudence, relative au domaine des donations, où le dol, quel qu'en soit l'auteur, justifie l'annulation d'une donation. Il n'est cependant, par cet article, nullement question, selon votre commission, de remettre en cause la solution selon laquelle le dol émanant d'un tiers est sanctionné dans le cadre d'une donation , solution justifiée au regard de la protection particulière du consentement en matière de libéralités 88 ( * ) .

. L'erreur résultant d'un dol (article 1139 du code civil)

L'article 1139 du code civil tire les conséquences du dol, tel qu'il est défini à l'article 1137, en énonçant que « l'erreur qui résulte d'un dol est toujours excusable » et constitue « une cause de nullité alors même qu'elle porterait sur la valeur de la prestation ou sur un simple motif du contrat ».

Cette définition pouvait donc poser problème en l'absence de modification de l'article 1137, qui définit le dol et en particulier la réticence dolosive : en cas de maintien de l'article 1137 dans sa rédaction en vigueur issue de l'ordonnance, constituerait donc bien une cause de nullité la dissimulation intentionnelle d'une information sur la valeur de la prestation ou un simple motif du contrat, alors que les parties ne sont pas tenues de se communiquer ces informations lors des négociations précontractuelles.

Dès lors que l'article 1137 a été modifié par votre commission, celle-ci considère que la réticence dolosive s'appliquant donc pour les mêmes informations que celles légalement requises, la nullité que prévoit l'article 1139 en conséquence du dol ne pose plus de difficulté. En effet, contrairement à la modification nécessaire, selon votre rapporteur, à l'article 1137, il ne s'agit pas de revenir ici sur le principe selon lequel, en cas de dol, même en cas de réticence dolosive, l'erreur commise par le cocontractant sera toujours sanctionnée par la nullité, même si elle grossière, et ce en droite ligne de la jurisprudence de la Cour de cassation selon laquelle « la réticence dolosive, à la supposer établie, rend toujours excusable l'erreur provoquée » 89 ( * ) .

. La violence et l'état de dépendance (article 1143 du code civil)

L'article 1143  du code civil a pour objet de sanctionner l'exploitation abusive des situations de dépendance, et constitue en ce sens l'une des principales innovations au sein de la classification des vices du consentement.

Selon le rapport au Président de la République, cette disposition a pour objet d'« assimiler à la violence l'abus de la dépendance dans laquelle se trouve [un] cocontractant », s'inscrivant dans le cadre de la jurisprudence de la Cour de cassation qui a reconnu 90 ( * ) , à ce titre, que la contrainte économique pouvait être sanctionnée sur le fondement du vice de violence. Dans une jurisprudence ultérieure de 2002, la Cour de cassation a établi une liste de critères permettant de qualifier plus précisément la notion de violence économique : « seule l'exploitation abusive d'une situation de dépendance économique, faite pour tirer profit de la crainte d'un mal menaçant directement les intérêts légitimes de la personne, peut vicier de violence son consentement » 91 ( * ) .

Pourtant, comme l'indique très clairement le rapport au Président de la République, il ne s'agit pas d'une consécration à droit constant de la jurisprudence relative à l'état de dépendance économique, mais plutôt de son extension , car « le texte est en réalité plus large » en visant « toutes les hypothèses de dépendance (...), ce qui permet une protection des personnes vulnérables et non pas seulement des entreprises dans leurs rapports entre elles ».

La violence de l'article 1143 ne peut ainsi être constituée que s'il y a réunion de plusieurs critères cumulatifs :

- l'existence d'un état de dépendance ;

- l'abus de cet état de dépendance par l'une des parties ;

- le fait d'obtenir de l'autre partie un engagement qu'elle n'aurait pas souscrit en l'absence d'une telle contrainte ;

- le fait d'en tirer un avantage manifestement excessif.

La caractérisation de l'abus doit en outre se lire en lien avec l'avantage manifestement excessif que doit en avoir tiré le cocontractant . C'est donc bien un profit illégitime qui permet de caractériser l'abus, cette précision ayant été ajoutée par rapport à l'avant-projet de la chancellerie, afin de « de répondre aux craintes des entreprises et d'objectiver l'appréciation de cet abus » 92 ( * ) , la violence constituant, in fine , la cause d'un vice du consentement, et donc de la nullité du contrat 93 ( * ) . Outre la nullité relative, la victime pourra obtenir des dommages et intérêts sur le fondement du quatrième alinéa de l'article 1178 du code civil 94 ( * ) , dès lors que l'annulation du contrat n'aura pas entièrement réparé son préjudice. Elle pourra même, si elle préfère laisser le contrat survivre, se contenter de solliciter des dommages et intérêts sur le fondement de l'article 1178 sans réclamer la nullité du contrat.

Si la sanction de nullité ne s'appliquerait que dans des cas où l'auteur de la violence présumée en tire un avantage manifestement excessif, ce qui restreint le champ d'application de l'article, il n'en reste pas moins que l'absence de qualification de l'état de dépendance pourrait avoir l'effet inverse et s'appliquer de manière très large 95 ( * ) , la définition potentielle de l'état de dépendance ouverte au juge apparaissant comme très vaste. L'avant-projet de la chancellerie mentionnait d'ailleurs un « état de nécessité » qui avait été jugé trop flou, mais la notion d'état de dépendance ne semble guère plus satisfaisante.

Votre rapporteur s'interroge donc sur la définition de l'état de dépendance . S'entend-il d'une relation de dépendance économique ou psychologique, ou d'une situation de faiblesse d'une partie par rapport à une autre ? Si la seconde interprétation devait l'emporter, elle pourrait ouvrir la voie à la contestation des contrats de toutes les personnes en situation de faiblesse, comme les personnes âgées ou malades par exemple, qui ne seraient pas placées sous un régime de protection légale (tutelle, curatelle, sauvegarde de justice) et ne pourraient se prévaloir de l'insanité d'esprit telle que prévue à l'article 1129 du code civil. Votre commission s'interroge sur l'argument qui justifierait de prévoir, au côté du régime des incapables, un nouveau régime de l'état de dépendance d'application presque plus large ? Le rapport au Président de la République est muet sur ce point.

En outre, le droit en vigueur sanctionne déjà l'abus d'un état qui semble se rapprocher de « l'état de dépendance » visé à l'article 1143 du code civil. Ainsi, les articles L. 132-14 et L. 132-15 du code de la consommation sanctionnent pénalement l'abus de la « faiblesse ou de l'ignorance » utilisé dans le but de faire souscrire à un consommateur des engagements contractuels. Plus généralement, le code pénal réprime à son article 223-15-2 l'abus « frauduleux de l'état d'ignorance ou de la situation de faiblesse » d'un mineur ou d'une personne d'une vulnérabilité particulière (âge, maladie, infirmité, déficience physique ou psychique, grossesse) qui la conduit à un acte ou une abstention qui lui sont « gravement préjudiciable ».

Devant le caractère trop imprécis et incertain de l'article 1143, votre commission a décidé, à l'initiative de son rapporteur, de modifier le texte afin de qualifier d' économique l'état de dépendance, de façon à rétablir une formulation connue et bien établie par la jurisprudence.

Votre commission a adopté l'article 5 ainsi rédigé .

Article 6 (nouveau) (art. 1145, 1158 et 1161 du code civil) - La capacité des personnes morales et les règles de représentation dans la formation du contrat

Introduit par votre commission à l'initiative de son rapporteur, par l'adoption de l' amendement COM-5 rectifié , l'article 6 du projet de loi apporte plusieurs modifications à la sous-section 2 de la section 2 du chapitre II du sous-titre I er du titre III du livre III du code civil (articles 1145 à 1161), laquelle traite de la capacité à contracter et de la représentation en matière contractuelle, pour les personnes physiques comme les personnes morales, dans le cadre plus large des dispositions relatives à la validité du contrat.

. La capacité des personnes morales (article 1145 du code civil)

Pour les personnes physiques comme pour les personnes morales, la capacité est une condition de validité des contrats. Si la capacité est absolue pour les personnes physiques, sauf en cas d'incapacité prévue par la loi - les majeurs protégés et les mineurs non émancipés -, elle est limitée pour les personnes morales, en vertu du principe de spécialité qui les régit, à raison de l'objet pour lequel elles ont été constituées.

L'article 1145 du code civil fixe le principe, déjà connu, de la capacité des personnes physiques, ainsi que celui de la capacité des personnes morales, ce qui constitue une nouveauté, « afin de répondre aux demandes des milieux économiques » selon le rapport au Président de la République, lesquels souhaitaient disposer dans le code d'une disposition de principe.

Toutefois, la formulation retenue est particulièrement restrictive et ne correspond pas aux notions communément admises en matière de capacité des personnes morales . L'article 1145 énonce que la capacité des personnes morales est limitée « aux actes utiles à la réalisation de leur objet tel que défini par leurs statuts et aux actes qui leur sont accessoires, dans le respect des règles applicables à chacune d'entre elles ». Les notions d'actes utiles ou accessoires ne sont pas connues du droit des sociétés ou du droit des associations.

Ainsi, les articles 2, 5 et 6 de la loi du 1 er juillet 1901 relative au contrat d'association traitent de la capacité juridique des associations sans recourir au critère d'utilité. De même, en droit des sociétés, même si le code de commerce ne comporte pas de disposition expresse sur la capacité, celle-ci est rattachée à la notion d'objet social : la société est engagée par les actes de ses dirigeants, lesquels doivent agir dans la limite de l'objet social 96 ( * ) .

La capacité des personnes morales doit leur permettre d'accomplir, par l'intermédiaire de leurs organes, l'objet social pour la réalisation duquel elles ont été constituées.

La disposition de l'article 1145 relative à la capacité des personnes morales n'a pas vocation, selon le Gouvernement, à ajouter au droit, mais à affirmer de manière générale le principe de capacité des personnes morales. Néanmoins, sa rédaction - qui suscite des interprétations très divergentes - ne manquera pas de faire naître un contentieux nouveau et inutile sur la base du critère d'utilité de l'acte pour la réalisation de l'objet de la personne morale, sans compter l'interrogation sur la sanction à appliquer. Il ressort des auditions de votre rapporteur que cette rédaction est restrictive par rapport à l'état du droit, précisé par la jurisprudence, en particulier pour le droit des sociétés.

Dès lors, à l'initiative de son rapporteur, votre commission a adopté une autre rédaction se bornant à affirmer le principe du caractère limité de la capacité des personnes morales, tout en indiquant que cette limite est fixée par les règles propres applicables à chaque personne morale .

. Le délai de l'action interrogatoire en matière de représentation (article 1158 du code civil)

Parmi les différentes formes d'actions interrogatoires instituées par l'ordonnance, l'article 1158 du code civil permet à un « tiers qui doute de l'étendue du pouvoir du représentant conventionnel à l'occasion d'un acte qu'il s'apprête à conclure » de demander au représenté de lui confirmer que le représentant est bien habilité à conclure cet acte, « dans un délai qu'il fixe et qui doit être raisonnable ».

Dans un souci de simplification et de clarté, à l'instar de ce que votre commission a prévu pour l'action interrogatoire de l'article 1123 en matière de pacte de préférence, votre commission, à l'initiative de son rapporteur, a décidé de fixer ce délai à deux mois, plutôt que de conserver la notion de délai raisonnable. En effet, dès lors que l'interrogation formelle à laquelle il est procédé appelle une réponse simple et évidente, il lui semble logique de prévoir un délai fixe et connu des parties comme des tiers, de façon à éviter un contentieux inutile sur le caractère raisonnable du délai.

. La gestion des conflits d'intérêts en matière de représentation et son articulation avec le droit des sociétés (article 1161 du code civil)

L'article 1161 du code civil nourrit de fortes inquiétudes quant à son articulation avec le droit des sociétés . Il dispose qu'un représentant « ne peut agir pour le compte des deux parties au contrat ni contracter pour son propre compte avec le représenté », sous peine de nullité de l'acte ainsi accompli, sauf autorisation préalable ou ratification a posteriori de l'acte par le représenté, réserve faite du cas où la loi l'autorise. Or, il est usuel que les dirigeants d'une société, qui en assurent la représentation, concluent des conventions avec la société elle-même, ou que des sociétés d'un même groupe concluent entre elles des conventions par l'intermédiaire de dirigeants qui peuvent souvent être les mêmes. En d'autres termes, dans la vie des sociétés, il est courant qu'un même représentant agisse pour le compte de deux sociétés parties au contrat ou qu'il contracte pour son propre compte avec la société qu'il représente - deux cas de figure désormais prohibés par l'article 1161, sauf autorisation ou ratification, ce qui représenterait une procédure lourde, a fortiori pour les conventions qui sont passées aujourd'hui sans formalisme particulier.

Toutefois, il existe un régime des conventions dites réglementées, au sein de certaines formes de sociétés commerciales - sociétés à responsabilité limitée, sociétés anonymes, sociétés en commandite par actions, sociétés par actions simplifiées 97 ( * ) - ainsi que pour les sociétés civiles devant être soumises à la qualification de « personnes morales de droit privé non commerçantes ayant une activité économique » 98 ( * ) , encadrant les conventions conclues entre la société et certaines personnes, dont ses dirigeants, par une procédure d'autorisation particulière. Ce régime tend à prévenir les risques de conflits d'intérêts et la conclusion d'actes au détriment de l'intérêt de la société par ses dirigeants et ses principaux actionnaires.

Ainsi, dans les sociétés anonymes, toute convention conclue entre la société, y compris par personne interposée, avec un de ses dirigeants, un de ses administrateurs ou un de ses actionnaires disposant de plus de 10 % des droits de vote ou avec la société qui la contrôle doit préalablement faire l'objet d'une autorisation par le conseil d'administration de la société. Cette autorisation doit être motivée « en justifiant de l'intérêt de la convention pour la société, notamment en précisant les conditions financières qui y sont attachées ». En outre, ces conventions sont soumises à l'approbation de l'assemblée générale des actionnaires et contrôlées par les commissaires aux comptes de la société, qui doivent aussi en faire rapport à l'assemblée générale. Les conventions dont l'exécution de poursuit sont réexaminées chaque année par le conseil. Enfin, les conventions peuvent annulées en cas de fraude ou, lorsqu'elles ont été conclues sans autorisation du conseil, si elles ont eu des « conséquences dommageables pour la société ». Le régime des conventions réglementées est donc particulièrement précis et encadré.

Dès lors, votre rapporteur constate que l'article 1161 du code civil ne peut pas, à l'évidence, s'appliquer au champ des conventions réglementées, en vertu de l'article 1105 du même code, en raison de l'incompatibilité entre les deux corps de règles.

En revanche, dans les mêmes sociétés, à côté des conventions dites réglementées, il existe des conventions dites libres, simples ou courantes, qui sont les « conventions portant sur des opérations courantes et conclues à des conditions normales » ainsi que les « conventions conclues entre deux sociétés dont l'une détient, directement ou indirectement, la totalité du capital de l'autre ». Ces conventions libres ne sont plus soumises à aucune procédure particulière ni aucune formalité, depuis la loi n° 2011-525 du 17 mai 2011 de simplification et d'amélioration de la qualité du droit, à l'initiative de notre ancien collègue Jean-Jacques Hyest.

Par construction, il n'existe donc pas de règle de gestion des conflits d'intérêts pour les conventions conclues entre la société et ses représentants s'agissant des conventions libres, de sorte que peut être posée la question de l'application de l'article 1161, même si votre rapporteur estime qu' une telle application serait incohérente avec l'économie du régime des conventions réglementées et libres , d'autant qu'elle conduirait à une sanction de nullité plus lourde. En effet, l'article 1161 n'apparaît pas formellement incompatible avec les dispositions prévoyant l'exonération du régime des conventions réglementées pour certaines conventions.

En outre, pour les autres formes de sociétés commerciales - sociétés de personnes que sont les sociétés en nom collectif et sociétés en commandite simple - et de sociétés civiles, qui ne prévoient aucun régime obligatoire de conventions réglementées 99 ( * ) , il n'existe a fortiori aucune règle faisant obstacle à l'application de l'article 1161. Dès lors, dans ce silence du droit spécial, le droit commun a-t-il vocation à s'appliquer ?

L'article 1105, selon lequel « les règles particulières à certains contrats sont établies dans les dispositions propres à chacun d'eux » et « les règles générales s'appliquent sous réserve de ces règles particulières », ne permet pas de résoudre cette difficulté, car formellement la lettre de l'article 1161 peut s'appliquer dans ces interstices du droit des sociétés, même si elle en contredit l'esprit.

Appliquer l'article 1161 aux conventions libres et aux conventions des sociétés qui ne connaissent pas de régime de conventions réglementées constituerait un grand bouleversement, qui ne correspondrait absolument pas à l'intention du législateur et à l'esprit du droit des sociétés.

Or, selon le Gouvernement, l'article 1161 a d'abord été conçu pour la protection des personnes physiques , mais ne visait pas à remettre en cause les pratiques des sociétés.

Dans ces conditions, afin d'éviter toute éventualité d'application des règles de l'article 1161 aux sociétés, votre commission a précisé, à l'initiative de son rapporteur, que cet article ne concernait que la représentation des personnes physiques. En outre, elle a apporté deux autres modifications, afin d'éviter certaines difficultés pratiques, en prévoyant le cas d'une pluralité de parties, et pas seulement de deux parties, et en prenant en compte le cas où, avec une pluralité de parties, des parties aux intérêts similaires veulent avoir le même représentant - hypothèse fréquente qui ne soulève aucune difficulté en matière de conflits d'intérêts : l'article 1161 prévoirait ainsi qu'un même représentant ne peut agir pour le compte de plusieurs parties au contrat en opposition d'intérêts. La notion d'opposition d'intérêts est déjà connue par le code civil, en particulier dans la configuration comparable du régime des biens des mineurs ou des majeurs protégés sous tutelle ou curatelle 100 ( * ) .

Votre commission a adopté l'article 6 ainsi rédigé .

Article 7 (nouveau) (art. 1162, 1165, 1166, 1167, 1170 et 1171 du code civil) - Le contenu du contrat

Introduit par votre commission à l'initiative de son rapporteur, par l'adoption de l' amendement COM-6 rectifié bis , l'article 7 du projet de loi apporte plusieurs modifications aux dispositions du code civil relatives au contenu du contrat, au sein de la sous-section 3 de la section 2 du chapitre II du sous-titre I er du titre III du livre III du code (articles 1162 à 1171).

. Le respect des bonnes moeurs dans les contrats (article 1162 du code civil)

L'article 1162 du code civil dispose que « le contrat ne peut déroger à l'ordre public ni par ses stipulations, ni par son but, que ce dernier ait été connu ou non par toutes les parties ». Par cohérence avec la position déjà retenue par votre commission pour l'article 1102, celle-ci n'a pas suivi la proposition de son rapporteur consistant à rétablir la mention des bonnes moeurs comme normes supérieures auxquelles le contrat ne peut déroger, en complément de l'ordre public.

. La sanction de l'abus dans la fixation du prix par le créancier dans les contrats de prestation de service en cas de défaut d'accord sur le prix avant l'exécution (article 1165 du code civil)

L'article 1165 du code civil prévoit, uniquement dans les contrats de prestation de service - incluant pour l'essentiel les contrats d'entreprise, appelés contrats de louage d'ouvrage et d'industrie dans le code civil 101 ( * ) -, que le prix peut être fixé par le créancier unilatéralement, dans l'hypothèse où les parties ne se sont pas mises d'accord sur le prix avant l'exécution du contrat. Cette hypothèse existe en pratique, en particulier pour des prestations intellectuelles qui ne peuvent pas être précisément évaluées à l'avance. Se trouve ici consacrée la jurisprudence, qui considère que la fixation du prix n'est pas une condition de validité du contrat d'entreprise.

Ce dispositif accorde cette faculté de fixation unilatérale du prix au « créancier » : il s'agit bien du créancier du prix et pas de celui de l'obligation, sans quoi le texte n'aurait guère de sens. Votre rapporteur tient ici à lever une ambiguïté résultant de la rédaction retenue.

Le créancier du prix n'aurait pas à motiver les modalités de calcul du prix qu'il demande, sauf en cas de contestation. Le code civil compense cette faculté de fixation unilatérale du prix par celui qui fournit la prestation par un mécanisme de sanction de l'abus, en prévoyant la possibilité de saisir le juge d'une demande d'obtention de dommages et intérêts. Le montant des dommages et intérêts est supposé correspondre à la partie excessive du prix, le dispositif étant présenté comme équivalent à la fixation ou la révision du prix par le juge.

Par comparaison, l'article 1164 du code civil dispose que les contrats cadres, tels que définis à l'article 1111, peuvent stipuler que le prix sera unilatéralement fixé par l'une des parties, à charge pour elle d'en motiver le montant en cas de contestation. L'abus peut être sanctionné par le juge par des dommages et intérêts, mais aussi par la résolution du contrat, sanction que ne prévoit pas l'article 1165 pour les contrats de prestation de service. Votre rapporteur ne voit pas de justification certaine dans cette disparité des sanctions, la fixation abusive du prix dans un contrat d'entreprise doit aussi pouvoir conduire le juge à en prononcer la résolution .

En outre, en analysant la jurisprudence que les articles 1164 et 1165 sont supposés codifier en matière de fixation unilatérale du prix, il semble à votre rapporteur, comme cela a été évoqué lors de ses auditions, que la résolution est aussi admise comme sanction en cas d'abus dans la fixation du prix 102 ( * ) . Dans ces conditions, sur sa proposition, votre commission a ajouté la faculté de demander au juge la résolution du contrat, dans une rédaction harmonisée avec celle de l'article 1164. Si cette faculté n'aura sans doute pas à s'appliquer dans la plupart des cas, dès lors que la prestation de service aura été exécutée et que le litige ne portera plus que sur le prix, elle pourrait être utile dans les contrats à exécution successive.

Outre l'indemnisation et la résolution, on aurait pu s'interroger sur le maintien de la faculté de saisir le juge pour lui demander de fixer le prix, pour faire face à la variété des situations et limiter d'éventuels effets pervers. En effet, si les dommages et intérêts sont conçus en principe pour compenser le caractère excessif du prix, on peut imaginer que le prix, même excessif, doive être payé immédiatement, tandis que les dommages et intérêts seront prononcés bien plus tard, en cas par exemple de référé tendant à demander le paiement du prix, qui sera légalement exigible et ne pourra pas encore être jugé excessif, sauf à ce que l'argumentation dénonçant l'abus dans la fixation du prix constitue une contestation sérieuse conduisant à ce que soit rejetée la demande de paiement en référé. L'hypothèse d'une cession de la créance à un tiers (affacturage...) qui en exigerait le paiement doit aussi être prise en compte. Toutefois, votre rapporteur estime qu'il n'y a plus lieu de remettre en cause les choix réalisés dans la rédaction de l'ordonnance, dès lors qu'ils ne posent pas de difficulté majeure ou ne constituent pas des malfaçons.

. Les contrats dans lesquels la qualité de la prestation n'est pas déterminée ou déterminable (article 1166 du code civil)

L'article 1166 du code civil dispose, dans l'hypothèse où la qualité de la prestation n'est pas déterminée ou déterminable, que le débiteur de l'obligation doit alors offrir une prestation de qualité « conforme aux attentes légitimes des parties en considération de sa nature, des usages et du montant de la contrepartie ». La notion d'attentes légitimes des parties a fait naître des interrogations, en raison de son caractère à la fois inusité et imprécis. Ces interrogations ont paru pertinentes à votre rapporteur, de sorte que, sur sa proposition, votre commission a prévu que la qualité de la prestation devait être « conforme à ce que pouvait raisonnablement attendre le créancier », et non les parties, en considération des mêmes éléments.

En effet, la notion de « personne raisonnable » ou bien de « caractère raisonnable » est déjà connue du code civil 103 ( * ) et, au surplus, le rapport au Président de la République indique, à l'appui de l'article 1166, que la qualité de la prestation qui ne pouvait être déterminée à l'avance doit correspondre à « la qualité que le créancier pouvait raisonnablement espérer ».

. La substitution d'indice dans un contrat (article 1167 du code civil)

L'article 1167 du code civil prévoit, lorsqu'il est fait référence à un indice dans un contrat, notamment pour la détermination du prix, que « celui-ci est remplacé par l'indice qui s'en rapproche le plus » lorsqu'il « n'existe pas ou a cessé d'exister ou d'être accessible ». Selon le rapport au Président de la République, cette disposition « reprend (...) la jurisprudence sur la faculté de substitution d'un nouvel indice à un indice disparu, et ce dans un souci légitime de sauvetage du contrat ».

Toutefois, selon les auditions de votre rapporteur, la jurisprudence visait également le cas d'un indice illicite qu'il était nécessaire de remplacer. En conséquence, votre commission considère que l'article 1167 doit bien être interprété comme incluant l'hypothèse de remplacement d'un indice illicite.

. La sanction des clauses abusives dans les contrats d'adhésion et son articulation avec la sanction des pratiques restrictives de concurrence (articles 1170 et 1171 du code civil)

En premier lieu, l'article 1170 du code civil consacre la jurisprudence bien connue dite « Chronopost » de 1996 104 ( * ) , par laquelle la Cour de cassation avait réputé non écrite une clause limitative de responsabilité en raison d'un manquement à une obligation essentielle du contrat, constituant une faute lourde, complétée par la jurisprudence dite « Faurecia » de 2010 105 ( * ) , selon laquelle « seule est réputée non écrite la clause limitative de réparation qui contredit la portée de l'obligation essentielle souscrite par le débiteur », en prévoyant une indemnisation dérisoire, vidant par là même l'obligation de toute substance. Pareille clause présente à l'évidence un caractère abusif, que le code doit sanctionner.

L'article 1170 dispose donc que « toute clause qui prive de sa substance l'obligation essentielle du débiteur est réputée non écrite ». En pratique, il semble n'avoir vocation à s'appliquer qu'aux clauses limitatives de responsabilité.

L'article 1171 du code civil prévoit, quant à lui, que toute clause dans un contrat d'adhésion créant un « déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat » est réputée non écrite. En d'autres termes, il instaure un mécanisme de lutte contre les clauses abusives dans cette seule catégorie de contrat, qui est le « terrain d'élection de ce type de clause » selon le rapport au Président de la République. L'avant-projet d'ordonnance ne limitait pas ce dispositif nouveau aux contrats d'adhésion, cette limitation de son champ ayant pour objet de répondre aux inquiétudes des milieux économiques. En tout état de cause, la présence de clauses abusives apparaît structurellement plus probable lorsque des clauses ont été imposées à une partie sans négociation possible. Par nature, une telle disposition doit être considérée comme étant d'ordre public.

L'article 1171 ajoute logiquement que l'appréciation du déséquilibre significatif ne porte « ni sur l'objet principal du contrat ni sur l'adéquation du prix à la prestation », auquel cas il n'y aurait plus de contrat possible si ses deux principaux éléments étaient porteurs d'abus.

Plusieurs personnes entendues en audition par votre rapporteur se sont interrogées sur l'utilité de conserver les deux articles 1170 et 1171. En effet, en pratique l'essentiel des hypothèses susceptibles d'être sanctionnées sur la base de l'article 1170 entre dans le champ de l'article 1171 par le biais du contrat d'adhésion, car il est peu vraisemblable qu'un contrat négocié comporte une clause privant de toute substance l'obligation essentielle du contrat. Toute en partageant cette interrogation, votre rapporteur a préféré conservé les deux dispositifs : leurs périmètres, au moins en droit, ne sont pas identiques et l'article 1170 consacre une jurisprudence qu'il n'y a pas lieu de remettre en cause.

Avant la réforme du droit des contrats, le droit français connaissait déjà deux dispositifs de lutte contre les clauses abusives, reposant sur la même notion de déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties, dans deux droits spéciaux - le code de la consommation et le code de commerce. La création d'un tel dispositif dans le droit commun, pourtant caractérisé par la liberté contractuelle et l'idée d'égalité des parties, constitue une réelle innovation, qui continue d'ailleurs de susciter de nombreuses critiques , comme l'ont montré les auditions de votre rapporteur. Toutefois, un dispositif de même nature figurait déjà dans l'« avant-projet Catala » puis dans l'« avant-projet Terré ».

Dans le cadre de la sanction par le code de commerce des pratiques restrictives de concurrence, l'article L. 442-6 précise que « le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers (...) de soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties » engage la responsabilité de son auteur. Une action en justice sur ce fondement peut aussi être engagée par le ministre chargé de l'économie - ce qui est fréquent en pratique - et par le parquet, lesquels peuvent notamment « faire constater la nullité des clauses ou contrats illicites » par le juge. Si le code ne prévoit, pour la partie lésée, que la réparation du préjudice résultant du déséquilibre significatif, la jurisprudence admet légitimement qu'elle puisse demander la nullité de la clause contestée : des juridictions ont déjà décidé qu'une telle clause devait être réputée non écrite 106 ( * ) .

Depuis son introduction par la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie, l'article L. 442-6 du code de commerce a donné lieu à une abondante jurisprudence, qui permet aujourd'hui de discerner assez aisément les clauses susceptibles d'être qualifiées d'abusives dans les contrats conclus entre professionnels.

Dans le cadre de la protection des consommateurs, l'article L. 212-1 du code de la consommation dispose que, « dans les contrats conclus entre professionnels et consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat » , tandis que son article L. 241-1 ajoute que ces clauses sont réputées non écrites et peuvent faire encourir au professionnel une amende administrative.

Les auditions conduites par votre rapporteur ont mis en lumière une incertitude sur l'articulation entre le droit commun de l'article 1171 du code civil et les droits spéciaux du code de la consommation et, surtout, du code de commerce, que l'article 1105 du code civil, par sa formulation générale selon laquelle « les règles particulières à certains contrats sont établies dans les dispositions propres à chacun d'eux » et « les règles générales s'appliquent sous réserve de ces règles particulières », ne permet pas d'élucider. Certains auteurs s'interrogent sur la possibilité de cumul de l'article 1171, prévoyant la nullité de la clause abusive, et de l'article L. 442-6, dont le texte ne prévoit que la réparation du préjudice, pour contester une même clause, dès lors que les sanctions sont cumulables.

De façon à expliciter l'intention du législateur lors de la ratification de l'ordonnance et à assurer la cohérence du droit, votre commission indique que l'article 1171 du code civil ne peut s'appliquer dans les champs déjà couverts par l'article L. 442-6 du code de commerce et par l'article L. 212-1 du code de la consommation , lesquels permettent déjà de sanctionner les clauses abusives dans les contrats entre professionnels et dans les contrats de consommation. L'article 1171 du code civil a pour vocation de sanctionner les clauses abusives dans les contrats d'adhésion qui ne relèveraient pas déjà de ces deux dispositifs existants. La jurisprudence relative à l'article L. 442-6, en admettant la nullité, invite d'ailleurs à cette interprétation, selon laquelle le droit spécial admettant une nullité, le droit commun prévoyant la même sanction n'a pas à s'appliquer.

Pour autant, les juridictions s'inspireront très vraisemblablement de la jurisprudence déjà établie au titre des deux dispositifs existants dans le code de commerce et dans le code de la consommation pour former leur pratique jurisprudentielle sur le nouveau dispositif du code civil.

Dès lors, l'article 1171 du code civil ne s'applique qu'à un champ assez limité de contrats d'adhésion ne relevant ni des relations commerciales - les relations entre un producteur, commerçant, industriel ou artisan et un « partenaire commercial » - ni du code de la consommation - les relations entre un professionnel et un consommateur. Seraient principalement concernés les contrats entre particuliers ne relevant pas déjà d'un droit spécial ainsi que les contrats conclus par les professions libérales, dont l'activité ne relève pas du champ commercial. Seraient aussi concernés les baux commerciaux, lorsque des bailleurs institutionnels imposent des contrats-types sans en permettre la négociation 107 ( * ) .

Votre rapporteur relève cependant ce qui apparaît, dans le dispositif de l'article 1171, comme une incohérence. Ce dispositif ne vise pas seulement les clauses des contrats d'adhésion qui ont été imposées sans pouvoir être négociées, mais concerne toutes les clauses, c'est-à-dire même celles qui ont pu être effectivement négociées. Or la logique du dispositif, dès lors qu'il est limité aux contrats d'adhésion, est de permettre de contester devant le juge, en raison de l'existence d'un déséquilibre significatif, les clauses qui n'ont pas pu être discutées, à l'initiative de la partie à qui elles ont été imposées.

En conséquence, par cohérence avec l'analyse développée à propos de la définition du contrat d'adhésion, à l'article 1110 du code civil, votre commission, sur la proposition de son rapporteur, a décidé de limiter la sanction des clauses abusives aux clauses non négociables unilatéralement déterminées par l'une des parties , dans les contrats d'adhésion.

Votre commission a adopté l'article 7 ainsi rédigé .

Article 8 (nouveau) (art. 1195 et 1213 à 1215 du code civil et art. L. 211-40-1 [nouveau] du code monétaire et financier) - Le régime de l'imprévision et la durée du contrat

Introduit par votre commission à l'initiative de son rapporteur, par l'adoption de l' amendement COM-7 rectifié , l'article 8 du projet de loi modifie la section 1 du chapitre IV du sous-titre I er du titre III du livre III du code civil (articles 1193 à 1198), qui regroupe des dispositions relatives aux effets du contrat entre les parties, et crée un nouvel article au sein du code monétaire et financier. Suivant son rapporteur, votre commission a modifié l'article 1195 du code civil, et clarifié l'interprétation des articles 1213 à 1215, sans pour autant les modifier.

. Le régime de la révision judiciaire pour imprévision (article 1195 du code civil)

Inspiré du droit comparé et des projets d'harmonisation européens, l'article 1195 du code civil consacre légalement la révision judiciaire pour imprévision.

L'institution de ce principe en droit civil français est justifiée, selon le rapport au Président de la République, par le fait que « la France est l'un des derniers pays d'Europe à ne pas reconnaître la théorie de l'imprévision comme cause modératrice de la force obligatoire du contrat ». L'objectif de « cette consécration, inspirée du droit comparé comme des projets d'harmonisation européens, [est ainsi de permettre] de lutter contre les déséquilibres contractuels majeurs qui surviennent en cours d'exécution, conformément à l'objectif de justice contractuelle poursuivi par l'ordonnance » . Lors des auditions menées par votre rapporteur, il lui a en effet été confirmé que la France faisait partie des trois derniers pays européens, avec la Belgique et le Luxembourg, à ne pas avoir de législation comparable.

Cette consécration constitue néanmoins une innovation majeure voire un bouleversement de l'ordre juridique civil français , dans la mesure où l'article 1195 du code civil, dans sa rédaction issue de l'ordonnance, revient sur l'un des grands arrêts de la jurisprudence civile dit « Canal de Craponne », rendu par la chambre civile de la Cour de cassation le 6 mars 1876, au visa de l'ancien article 1134 consacrant le principe de la force obligatoire du contrat. Selon cette décision de principe, « il n'appartient aux tribunaux, [dans aucun cas], quelque équitable que puisse leur paraître leur décision, de prendre en considération le temps et les circonstances pour modifier les conventions des parties et substituer des clauses nouvelles à celles qui ont été librement acceptées par les contractants ». Pour certaines personnes entendues par votre rapporteur, une telle disposition est inconcevable, dès lors qu'elle porte atteinte à la force obligatoire du contrat.

Si cette jurisprudence a pu connaître des aménagements au fil des années, comme l'obligation de renégocier des contrats devenus déséquilibrés sur le fondement de l'exigence de la bonne foi 108 ( * ) , ou l'admission des clauses d'adaptation ou de résiliation dites clauses de « hardship » 109 ( * ) , la jurisprudence n'a jamais reconnu d'obligation pour les parties ou pour le juge de réviser le contrat en cas d'imprévision, contrairement au droit administratif. La révision pour imprévision en matière administrative est en effet reconnue depuis le début du XX ème siècle par le Conseil d'État, sur le fondement de l'intérêt général et de l'impératif de continuité du service public 110 ( * ) .

L'article 1195 du code civil prévoit un processus en deux temps .

En premier lieu, il offre la faculté à l'une des parties de demander à son cocontractant la renégociation du contrat, sous réserve de la réunion cumulative de trois conditions :

- un changement de circonstances imprévisible lors de la conclusion du contrat,

- qui doit rendre l'exécution particulièrement onéreuse pour l'une des parties,

- cette dernière ne devant pas avoir accepté d'en supporter le risque au moment de la conclusion du contrat.

Cette phase de sollicitation de la renégociation et celle de la renégociation elle-même ne sont pas suspensives : la partie demanderesse « continue à exécuter ses obligations durant la renégociation ».

En second lieu, l'article régit la procédure de révision du contrat selon deux hypothèses distinctes :

- en cas de refus ou d'échec de la renégociation mais de volonté commune des parties sur le devenir du contrat, celles-ci peuvent convenir ensemble de la résolution du contrat « à la date et aux conditions qu'elles déterminent » ou bien « demander d'un commun accord au juge de procéder à son adaptation » ;

- ce n'est qu'à défaut d'accord des parties dans un délai raisonnable, que le juge peut intervenir sur demande de l'une d'elles, et « réviser le contrat ou y mettre fin, à la date et aux conditions qu'il fixe ».

Lors des auditions organisées par votre rapporteur, cette procédure de révision judiciaire du contrat pour imprévision a suscité de nombreuses inquiétudes : la quasi-totalité des organisations ou personnes entendues ont ainsi évoqué cette disposition nouvellement introduite dans le code civil.

Votre commission peut, suivant son rapporteur, apporter des éclaircissements quant à l'interprétation de l'article 1195.

En premier lieu, le champ d'application de l'article concerne bien tous les contrats et pas seulement les contrats à exécution successive régis par l'article 1111-1 du code civil 111 ( * ) , contrairement à ce qui avait été envisagé dans l'« avant-projet Catala », qui proposait une adaptation du contrat aux circonstances sans toutefois consacrer le principe de l'imprévision 112 ( * ) . Sont donc également concernés les pactes de préférence et promesses unilatérales respectivement régis par les articles 1123 et 1124 du code civil.

En deuxième lieu, votre commission confirme également le caractère supplétif de volonté de l'article 1195 du code civil. Il faut en effet déduire du critère selon lequel la partie demanderesse de la renégociation « n'avait pas accepté d'en assumer le risque », qu'à l'inverse, elle pourrait avoir accepté de l'assumer et donc d'écarter le régime de l'imprévision par une clause conventionnelle spécifiquement précisée dans le contrat. Cette interprétation est d'ailleurs expressément confirmée par le rapport au Président de la République, qui précise ainsi que, « comme l'implique la rédaction retenue, ce texte revêt un caractère supplétif, et les parties pourront convenir à l'avance de l'écarter pour choisir de supporter les conséquences de la survenance de telles circonstances qui viendraient bouleverser l'économie du contrat ». Si certains auteurs de la doctrine avaient pu émettre des doutes sur la légalité de clauses qui écarteraient totalement l'application de l'article 1195 sans prévoir de dispositif d'adaptation, et leur possible sanction sur le fondement de l'article 1171 relatif aux clauses abusives, les auditions menées par votre rapporteur l'ont conduit à conclure que le caractère supplétif de l'article permettait d'admettre les clauses d'exclusion totale du régime de l'imprévision.

En troisième lieu, votre rapporteur tient également à rappeler la différence entre l'imprévision et la force majeure en matière contractuelle régie par l'article 1218 113 ( * ) . Si les deux situations comprennent un facteur commun, le changement de circonstances imprévisible postérieur à la conclusion du contrat, la force majeure se distingue de l'imprévision par le fait que ces circonstances nouvelles ont rendu impossible l'exécution du contrat, alors que dans le cas de l'imprévision il a pu se poursuivre, entraînant toutefois une « exécution excessivement onéreuse ».

En quatrième lieu, concernant la procédure à suivre la demande de renégociation par le cocontractant constitue un préalable obligatoire à la saisine du juge. Ce n'est en effet qu'en cas d'échec ou de refus de la renégociation que le juge pourra être saisi. Votre rapporteur note toutefois que la résolution ou la demande de révision amiable du contrat est déjà prévue par le principe contractuel mutuus dissensus figurant désormais à l'article 1193 114 ( * ) du code civil et selon lequel les parties peuvent toujours, d'un commun accord, réviser ou mettre fin au contrat.

Ce sont les nouveaux pouvoirs conférés au juge sur le contenu et la vie du contrat qui ont suscité le plus de réticence et d'hostilité lors des auditions menées par votre rapporteur 115 ( * ) . Le juge devient quasiment, dans le cadre de la révision judiciaire telle qu'issue de l'article 1195 du code civil, une troisième partie au contrat, mais quelle est l'étendue réelle de ses pouvoirs ? Le juge saisi par une partie d'une demande de révision peut-il, par exemple, refuser de la prononcer et lui préférer la résolution ? Une partie pourrait-elle, le cas échéant, demander la révision d'un contrat déjà révisé par un autre juge ?

L'office du juge au titre de l'article 1195 pourrait ainsi entrer en contradiction avec l'article 5 du code civil qui dispose qu'« il est défendu aux juges de prononcer par voie de disposition générale et réglementaire sur les causes qui leur sont soumises ». Certaines personnes entendues par votre rapporteur ont justifié cette intervention du juge par l'idée qu'elle pousserait les parties à se mettre d'accord. Il semble à votre rapporteur que cette théorie pourrait bien au contraire favoriser l'insécurité juridique pour les parties au contrat.

Certaines juridictions interrogées par votre rapporteur ont d'ailleurs fait part de leur inquiétude que des juges aient à intervenir directement dans le contrat, d'autant plus que la responsabilité de l'État pourra dans ce cas être engagée dans les conditions de droit commun sur le fondement de l'article L. 141-3 du code de l'organisation judiciaire.

Votre rapporteur a noté deux interrogations d'ordre constitutionnel relatives au pouvoir de révision judiciaire sur demande de l'une des parties au contrat.

Tout d'abord, le champ de l'habilitation, indiqué au 6° de l'article 8 de la loi n° 2015-177 du 16 février 2015 relative à la modernisation et à la simplification du droit et des procédures dans les domaines de la justice et des affaires intérieures, encadrait précisément le futur mécanisme de régime d'imprévision contractuelle, et autorisait le Gouvernement à intervenir dans le domaine de la loi pour « préciser les règles relatives aux effets du contrat entre les parties et à l'égard des tiers, en consacrant la possibilité pour celles-ci d'adapter leur contrat en cas de changement imprévisible de circonstances ». L'habilitation désigne bien les parties comme pouvant adapter le contrat en cas de changement imprévisible de circonstances, et ne mentionne aucunement la possibilité de révision judiciaire en cas de désaccord des parties et sur demande d'une seule d'entre elles. Il semble donc à votre commission que le Gouvernement a clairement excédé le champ de l'habilitation législative consentie par le Parlement sur ce point. Cette disposition conférant un pouvoir de révision du contrat au juge sur demande de l'une des parties a donc été adoptée selon une procédure contraire à la Constitution 116 ( * ) .

Ensuite, l'intervention du juge dans la révision du contrat porte atteinte à l'article 1103 117 ( * ) du code civil, qui consacre le principe de la force obligatoire du contrat, de même qu'à l'article 1102 118 ( * ) du même code, qui consacre le principe de liberté contractuelle, principe qui a été reconnu par le Conseil constitutionnel comme découlant de l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, et auquel le législateur ne peut apporter des limitations que si elles sont « liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par l'intérêt général, à la condition qu'il n'en résulte pas d'atteintes disproportionnées au regard de l'objectif poursuivi » 119 ( * ) . Le Conseil constitutionnel a récemment rappelé ce principe, précisant que « le législateur ne saurait porter aux contrats légalement conclus une atteinte qui ne soit justifiée par un motif d'intérêt général suffisant sans méconnaître les exigences résultant de l'article 4 de la Déclaration de 1789 » 120 ( * ) .

Le pouvoir de révision judiciaire apparaît ainsi à votre rapporteur à la fois contraire à la sécurité juridique et source d'un nouveau contentieux, les conditions de cette révision étant relativement souples et les débiteurs de mauvaise foi risquant d'utiliser largement cette possibilité.

En conséquence, sur proposition de son rapporteur, votre commission a supprimé le pouvoir de révision judiciaire du contrat à l'initiative de l'une des parties , tout en conservant la capacité pour celle-ci de demander au juge d'y mettre fin.

Selon votre rapporteur, cette rédaction permet ainsi de revenir à l'esprit du projet initial du Gouvernement : soit les parties sont d'accord et elles acceptent de modifier le contrat, le cas échéant en demandant au juge son adaptation, soit elles sont en désaccord et, dans ce cas, les intentions originelles des parties au contrat ne pouvant plus être respectées, l'une des parties peut saisir le juge afin qu'il puisse y mettre fin.

Votre commission a également souhaité, sur proposition de son rapporteur, compte tenu des éléments portés à sa connaissance à l'occasion des auditions, exclure formellement du régime de l'imprévision les contrats relatifs aux instruments financiers , tels que définis à l'article L. 211-1 du code monétaire et financier et qui comprennent à la fois les titres financiers et les contrats financiers, en ajoutant un article L. 211-40-1 au code monétaire et financier à cette fin.

Si le droit des titres et contrats financiers intègre naturellement un aléa dans le contrat, pouvant donc laisser supposer que le régime de l'imprévision est écarté d'office dans la mesure où les parties acceptent d'en assumer le risque, il n'en reste pas moins que le régime de l'imprévision apparaît à votre rapporteur particulièrement mal adapté au secteur financier, très sensible au changement et volatile par nature, les changements de circonstances imprévisibles n'étant pas rares.

. L'application de la loi dans le temps et la durée du contrat (articles 1213 à 1215 du code civil)

Les articles 1213 à 1215 du code civil, relatifs à la durée du contrat, ont soulevé des interrogations de la part de certains praticiens quant à leur articulation avec l'application de la loi dans le temps, et auxquels votre commission, suivant l'avis de son rapporteur, souhaite apporter des clarifications.

Le contrat renouvelé (article 1214), même par tacite reconduction (article 1215), est soumis à la loi nouvelle, tandis que le contrat prorogé (article 1213), demeure régi par le droit sous l'empire duquel il a été conclu.

Ainsi, les dispositions issues de l'ordonnance s'appliquent non seulement aux contrats nouveaux conclus à partir du 1 er octobre 2016, mais également aux contrats renouvelés, à compter de cette date, puisqu'il ressort des termes de l'ordonnance qu'un tel renouvellement donne naissance à un contrat nouveau. La loi nouvelle vaut y compris lorsqu'il s'agit d'un contrat renouvelé par tacite reconduction, puisqu'aux termes de l'article 1215, une tacite reconduction « produit les mêmes effets que le renouvellement du contrat ».

Enfin, concernant le renouvellement du contrat qui donne lieu, par principe, à l'émission d'un contrat au contenu identique mais dont la durée est indéterminée, votre rapporteur confirme le caractère supplétif de cette disposition .

Votre commission a adopté l'article 8 ainsi rédigé .

Article 9 (nouveau) (art. 1217, 1221, 1223, 1225, 1226 et 1230 du code civil) - Les sanctions de l'inexécution du contrat

Introduit par votre commission à l'initiative de son rapporteur, par l'adoption de l' amendement COM-8 rectifié , l'article 9 du projet de loi modifie la section 5, relative à l'inexécution du contrat, du chapitre IV du sous-titre I er du titre III du livre III du code civil.

. L'exécution forcée en nature (article 1221 du code civil)

Au titre des sanctions de l'inexécution du contrat, l'article 1221 du code civil fixe les règles applicables à l'exécution forcée en nature. Cette sanction est placée après les dispositions consacrées à l'exception d'inexécution et avant les dispositions relatives à la réduction du prix et à la résolution du contrat, consacrant ainsi sa place de choix au sein des sanctions de l'inexécution du contrat.

Comme le souligne le rapport au Président de la République, l'article 1221 rompt avec la lettre de l'ancien article 1142 du code civil, qui posait le principe de la résolution en dommages et intérêts des obligations de faire ou de ne pas faire en cas d'inexécution de la part du débiteur, suivant en cela la jurisprudence de la Cour de cassation, qui avait déjà retenu une interprétation contraire à cet article.

En application de l'article 1221, au titre de l'exécution forcée en nature, le créancier a la faculté d'obtenir du débiteur une prestation conforme à celle qui était convenue dans le contrat 121 ( * ) .

Le texte prévoit deux situations dans lesquelles le créancier ne peut poursuivre l'exécution en nature de l'obligation.

Consacrant une jurisprudence constante de la Cour de cassation, le texte retient une première exception résultant de l'impossibilité d'exécuter. L'existence de cette impossibilité est laissée à l'appréciation du juge. Sous l'empire de l'ancien droit, celui-ci avait considéré que cette impossibilité pouvait par exemple être matérielle, en cas de destruction du bien notamment, juridique, à la suite de la cession du bien qui ne peut plus être de ce fait revendiqué, ou morale, si elle portait atteinte aux libertés individuelles du débiteur, cette dernière impossibilité étant appréciée très strictement.

L'article 1221 ajoute une seconde exception. L'exécution en nature ne peut être poursuivie « s'il existe une disproportion manifeste entre son coût pour le débiteur et son intérêt pour le créancier ».

Cette nouvelle exception découle de la volonté des rédacteurs de l'ordonnance de mettre fin à certaines solutions retenues par la jurisprudence qui consistaient à prononcer l'exécution forcée en nature, au nom du principe de la force obligatoire du contrat 122 ( * ) et des dispositions relatives à l'obligation de faire, dès lors qu'elle était possible, sans considération de son coût pour le débiteur. Le juge avait ainsi ordonné la démolition d'une maison du fait d'un niveau de construction inférieur de quelques centimètres aux stipulations contractuelles 123 ( * ) . De même, la Cour de cassation avait censuré un arrêt qui refusait la démolition et la reconstruction d'un ouvrage en raison du préjudice limité subi par le créancier comparé au montant exorbitant des travaux envisagés pour le débiteur 124 ( * ) .

Dans son principe, votre rapporteur approuve cette nouvelle exception, qui n'est en réalité qu'une simple déclinaison de la théorie de l'abus de droit . La règle demeure celle de l'exécution forcée de son engagement par le débiteur à la demande du créancier. En revanche, commettrait un abus de droit le créancier qui exigerait cette exécution alors que l'intérêt qu'elle lui procurerait serait disproportionné au regard du coût qu'elle représenterait pour le débiteur et que des dommages et intérêts pourraient lui fournir une compensation adéquate à un prix inférieur pour le débiteur.

La Cour de cassation semble avoir elle-même ouvert la voie en censurant un arrêt qui avait ordonné la démolition d'un ouvrage au motif que la cour d'appel n'avait pas recherché si cette démolition « constituait une sanction disproportionnée à la gravité des désordres et des non-conformités qui l'affectaient » 125 ( * ) .

En inscrivant cette exception dans la loi, les rédacteurs de l'ordonnance ont entendu mettre fin à ces hésitations de la jurisprudence, tout en limitant au maximum le jeu de cette exception qui constitue une atteinte à la force obligatoire du contrat.

La rédaction retenue pour l'article 1221 soulève cependant plusieurs interrogations de la part de la doctrine et des praticiens du droit.

L'exigence d'une « disproportion manifeste » entre le coût pour le débiteur et l'intérêt pour le créancier est certes plus précise et moins critiquée que la formule qui avait été retenue initialement dans le projet d'ordonnance, selon laquelle l'exécution en nature devait être écartée si son coût était « manifestement déraisonnable », cette appréciation ne prenant en considération que la situation du débiteur.

Cependant, au cours des auditions qu'il a organisées, votre rapporteur a pu constater que la nouvelle rédaction soulevait encore de nombreuses inquiétudes auprès des personnes entendues.

La principale crainte exprimée est celle de voir dans cette disposition une incitation pour le débiteur à exécuter son obligation de manière imparfaite toutes les fois où le gain attendu de cette inexécution sera supérieur aux dommages et intérêts qu'il pourrait être amené à verser, c'est-à-dire permettre au débiteur de mauvaise foi de profiter de sa « faute lucrative ». Sans aller jusqu'à évoquer de véritables gains pour le débiteur, n'est-il pas à craindre qu'un constructeur ne pouvant honorer tous les contrats qu'il a en cours choisisse de privilégier l'exécution parfaite de certains contrats au détriment d'autres contrats, n'encourant plus l'exécution forcée en nature, le cas échéant très coûteuse, mais seulement le versement de dommages et intérêts ?

Pour résoudre cette difficulté, et éviter ce genre de calculs du débiteur, votre rapporteur a proposé de prévoir qu'en cas de disproportion manifeste du coût pour le débiteur au regard de l'intérêt pour le créancier, il ne pourrait être fait échec à la demande d'exécution forcée en nature qu'au bénéfice du débiteur de bonne foi . Suivant son rapporteur, votre commission a décidé de modifier l'article 1221 du code civil en ce sens.

Par ailleurs, plusieurs personnes entendues par votre rapporteur, universitaires et professionnels, se sont inquiétées de savoir si les parties pourraient choisir d'écarter l'application à leur contrat de cette exception à la mise en oeuvre de l'exécution forcée en nature, reposant sur la mise en balance de son coût pour le débiteur et de son intérêt pour le créancier. Sans proposer de nouvelle modification du dispositif, votre commission a entendu préciser explicitement que l'application de cette exception pouvait être écartée par les parties au contrat .

. La réduction du prix (articles 1217 et 1223 du code civil)

L'article 1223 du code civil met en place un mécanisme de réduction du prix en cas d'exécution imparfaite du contrat. Cette sanction n'existait jusqu'à présent que dans certains textes spéciaux, comme en matière de garantie des vices cachés avec l'action estimatoire, en matière de vente immobilière ou en droit de la consommation depuis la directive européenne 1999/44/CE du 25 mai 1999 sur certains aspects de la vente et des garanties des biens de consommation.

Depuis le 1 er octobre 2016, ce mécanisme est devenu d'application générale. L'article 1223 permet au créancier, après mise en demeure du débiteur, d'accepter une exécution imparfaite du contrat et de solliciter une réduction proportionnelle du prix. L'hypothèse dans laquelle le créancier n'a pas encore payé le prix de l'obligation fait l'objet d'un traitement particulier. Le créancier notifie au débiteur « sa décision de réduire le prix dans les meilleurs délais ».

Selon le rapport au Président de la République, cette procédure a pour objet de permettre de procéder à « une révision du contrat à hauteur de ce à quoi il a réellement été exécuté en lieu et place de ce qui était contractuellement prévu ».

Ce mécanisme soulève néanmoins plusieurs interrogations de la part de la doctrine, interrogations partagées par votre rapporteur.

En premier lieu, la rédaction de cet article est quelque peu ambiguë. Si le créancier peut solliciter une réduction proportionnelle du prix, il n'est pas précisé auprès de qui cette sollicitation doit être faite : auprès du débiteur de l'obligation imparfaitement exécutée ou auprès du juge ?

Le rapport au Président de la République est éclairant sur ce point. Ses auteurs estiment que « l'article 1223 offre la possibilité au créancier d'une obligation imparfaitement exécutée d'accepter cette réduction, sans devoir saisir le juge en diminution du prix ». La sollicitation est donc adressée au débiteur de l'obligation. Votre rapporteur estime nécessaire de le préciser explicitement dans l'article 1223.

Il s'interroge ensuite sur l'intérêt de ce dispositif qui autorise les parties... à renégocier leur contrat, ce qu'elles peuvent naturellement faire sans texte. Le créancier de l'obligation imparfaitement exécutée mettrait en demeure le débiteur de respecter le contrat conclu. Celui-ci, se trouvant dans l'impossibilité d'exécuter le contrat, offrirait au créancier d'exécuter imparfaitement son obligation et le créancier de l'obligation pourrait en contrepartie solliciter une réduction proportionnelle du prix.

En réalité, l'effet recherché du dispositif n'est peut-être pas celui-là. Le terme qui prête à confusion est celui d'« acceptation », qui laisse supposer qu'une offre préalable d'exécution imparfaite a été faite par le débiteur au créancier. Or, il y a fort à parier que, dans de nombreux cas, le débiteur mis en demeure de s'exécuter ne se risquera pas à faire une telle offre, qui constituerait un aveu de sa défaillance. Dans l'esprit des rédacteurs de l'ordonnance, il semble que cette absence d'offre de la part du débiteur de l'obligation n'empêche pourtant pas le créancier d'« accepter » son exécution imparfaite et de mettre en oeuvre le mécanisme de réduction proportionnelle du prix. Le créancier est alors érigé en véritable juge de l'exécution du contrat.

Cette situation est sans grande conséquence dans l'hypothèse où le créancier de l'obligation imparfaitement exécutée a déjà acquitté le prix, puisqu'il ne pourra que solliciter la réduction du prix auprès du débiteur et saisir le juge en cas de refus de celui-ci d'obtempérer.

Il en va tout autrement si le créancier de l'obligation, qui estime que son exécution est imparfaite, n'a pas encore acquitté l'intégralité du prix. Dans cette hypothèse, le deuxième alinéa de l'article 1223 l'autorise à notifier au débiteur « sa décision de réduire le prix dans les meilleurs délais ». Le débiteur se voit alors imposer cette réduction, à charge pour lui de saisir le juge pour la contester. L'effet de la décision unilatérale est alors très fort puisque toute latitude est laissée au créancier pour apprécier l'ampleur de l'inexécution et le montant de la réduction demandée.

Cette deuxième hypothèse semble provoquer certaines inquiétudes, notamment de la part des professions exerçant une activité de conseil, telle que la profession d'avocat, qui craignent des abus.

En effet, un client pourrait accepter la convention d'honoraires de son avocat puis, par la suite, s'estimer insatisfait de l'exécution du contrat et décider de réduire les honoraires dus, estimant que la prestation ne valait pas le prix fixé. En donnant ce pouvoir unilatéral au créancier, les rédacteurs de l'ordonnance se sont écartés complètement de ce qu'est le contrat : la chose des parties.

Votre rapporteur s'interroge enfin sur la pertinence qu'il y a à créer une différence si sensible dans le pouvoir de réduire le prix, à partir d'un critère, prix déjà payé ou non, qui ne l'explique pas. Lorsque le créancier a déjà payé le prix, il ne peut que « sollicite r » une réduction auprès du débiteur, alors que s'il n'a pas totalement payé, il peut « décider » unilatéralement cette réduction.

En réalité, cet article a un effet limité. Il ne fait que déplacer le moment où le juge est susceptible d'intervenir, mais c'est toujours celui-ci qui aura le dernier mot. Avant l'ordonnance, le créancier ne pouvait obtenir une réduction du prix qu'indirectement, par l'octroi de dommages et intérêts par le juge. Avec le nouvel article 1223, la réduction du prix peut être décidée directement par le créancier de l'obligation. Soit le créancier a déjà payé le prix et, dans ce cas, les effets de cette décision sont assez limités, car si le débiteur ne rembourse pas au créancier la partie du prix qui correspond à la réduction unilatéralement décidée, le créancier devra saisir le juge. Soit le créancier n'a pas acquitté le prix dans sa totalité et impose la réduction au débiteur qui peut alors la contester en justice.

C'est pourquoi, suivant son rapporteur, votre commission a décidé de ne pas revenir sur cette disposition, mais seulement d'en clarifier la rédaction.

Ainsi, elle a supprimé la notion d'« acceptation » par le créancier d'une exécution imparfaite de l'obligation, qui pouvait laisser penser que la réduction du prix était conditionnée par une offre émanant du débiteur.

Votre commission a ensuite considéré qu'il n'existait pas de justification légitime à prévoir un régime différent selon que le prix a déjà été payé ou non, estimant que dans les deux hypothèses il s'agissait bien d'une décision unilatérale du créancier, la différence entre ces deux situations résultant plutôt du moment où le juge pourrait être appelé à exercer son contrôle. Elle a donc supprimé le terme « solliciter » qui s'appliquait à l'hypothèse dans laquelle la réduction du prix intervenait alors que le créancier de l'obligation imparfaitement exécutée s'était déjà acquitté du prix, bien consciente des limites de cette solution, puisque cette décision unilatérale du créancier sera sans effet si le débiteur refuse de rembourser la somme correspondante. Le créancier devra alors saisir le juge. La suppression du terme « solliciter » permet également de lever l'ambiguïté liée à l'indétermination, déjà évoquée, du destinataire de cette sollicitation.

Par cohérence, votre commission a également modifié l'article 1217 du code civil, qui énumère les différentes sanctions encourues en cas d'inexécution du contrat, pour remplacer, concernant le mécanisme de la réduction du prix, le mot « solliciter » par le mot « décider ».

En tout état de cause, cet article n'étant pas d'ordre public, les parties pourront toujours convenir d'écarter l'application de ce mécanisme à leur contrat. L'inexécution d'une obligation ou son exécution imparfaite se résoudra alors par l'allocation éventuelle de dommages et intérêts sur décision du juge.

. La résolution du contrat (articles 1225, 1226 et 1230 du code civil)

Face à plusieurs interrogations soulevées par les personnes qu'il a entendues, votre rapporteur a estimé utile de préciser la portée de plusieurs dispositions relatives à la résolution du contrat.

En premier lieu, l'article 1225 du code civil relatif aux clauses résolutoires impose de préciser « les engagements dont l'inexécution entraînera la résolution du contrat ». Certains auteurs se sont demandé si cette obligation devait contraindre les parties à dresser la liste, engagement par engagement, de ceux qui entraîneraient la résolution et si, de ce fait, les clauses résolutoires visant de manière générale tout type de manquement, courantes en pratique, seraient désormais invalidées.

Votre commission estime que tel ne devrait pas être le cas. Le texte autorise la survivance de ces clauses dites « balais ». Il exige seulement que la clause exprime les cas dans lesquels elle jouera, et ne s'oppose donc pas à l'insertion d'une clause qui préciserait qu'elle jouera en cas d'inexécution de toute obligation prévue au contrat. La jurisprudence antérieure validant ce type de clauses a donc vocation à survivre.

En deuxième lieu, pour répondre aux personnes entendues qui s'inquiétaient des effets de l'article 1226 du code civil, qui autorise la résolution du contrat par simple notification du créancier, après mise en demeure du débiteur, votre commission tient à préciser que cette disposition n'est pas d'ordre public, et que les parties pourront donc décider de rendre ce mécanisme inapplicable à leur contrat.

En dernier lieu, concernant l'article 1230 du code civil, qui rappelle que certaines clauses ont vocation à s'appliquer en dépit de la résolution du contrat, votre commission souligne que les illustrations données par le code, à savoir les clauses de confidentialité et de non-concurrence, ne sont pas exhaustives. La règle s'applique sans contestation à toutes les clauses qui ont pour objet de produire effet même en cas de rupture de la relation contractuelle, telles que les clauses relatives au règlement des différends, les clauses pénales prévues en cas d'inexécution ou les clauses limitatives de responsabilité.

Votre commission a adopté l'article 9 ainsi rédigé .

Article 10 (nouveau) (art. 1304-4 et 1305-5 du code civil) - Certaines modalités de l'obligation

Introduit par votre commission à l'initiative de son rapporteur, par l'adoption de l' amendement COM-9 , l'article 10 du projet de loi modifie le chapitre I er , relatif aux modalités de l'obligation, du titre IV du code civil.

. L'obligation conditionnelle : la renonciation aux effets de la condition suspensive défaillie (article 1304-4 du code civil)

En premier lieu, il est proposé de modifier l'article 1304-4 du code civil, relatif aux conditions dans lesquelles la partie au bénéfice exclusif de laquelle une condition suspensive a été stipulée peut y renoncer. Il est prévu qui peut y renoncer tant que celle-ci n'est pas accomplie.

Votre rapporteur s'est interrogé sur la pertinence de cette disposition, qui implique que le bénéficiaire de la condition suspensive ne peut plus y renoncer une fois qu'elle est accomplie.

Selon l'article 1304 du code civil, une condition est suspensive « lorsque son accomplissement rend l'obligation pure et simple ». Il n'y a donc aucun intérêt à préciser que le bénéficiaire ne peut plus renoncer à cette condition si elle est accomplie. En effet, par l'accomplissement de la condition, l'obligation est devenue pure et simple. Renoncer à cette condition, même accomplie, revient exactement au même résultat : l'obligation devient pure et simple.

La lecture du rapport au Président de la République ainsi que les précisions transmises par la chancellerie à votre rapporteur apportent quelques éclairages quant à l'objectif poursuivi par les rédacteurs de l'ordonnance. Ceux-ci ont entendu prévoir qu' une renonciation unilatérale du bénéficiaire à la condition suspensive ne pouvait intervenir après la défaillance de celle-ci , choisissant ainsi l'anéantissement automatique du contrat afin d'éviter sa remise en cause bien après cette défaillance. Ainsi, dans le cas d'une promesse de vente par exemple, le fait que l'acheteur n'ait pas obtenu de sa banque le prêt nécessaire à l'achat, alors que l'obtention du prêt constituait une condition suspensive de la réalisation de la vente, rendrait le contrat caduc.

Puisque seule la renonciation unilatérale du bénéficiaire de la condition défaillie serait prohibée, les parties pourraient toujours s'accorder pour décider de maintenir le contrat. C'est cette solution qui semble ressortir des termes du rapport au Président de la République, selon lesquels, « bien sûr, la partie qui avait intérêt à la condition pourra toujours y renoncer après cette défaillance si elle obtient l'accord de son cocontractant ».

Par ailleurs, l'article 1304-4 du code civil n'étant pas d'ordre public, les parties pourraient décider d'en disposer autrement.

Pour autant, bien que votre rapporteur ait tout à fait compris l'objectif poursuivi, il estime que la rédaction retenue pour l'article 1304-4 ne permet pas de l'atteindre, puisqu'il n'y est pas question d'interdire la renonciation du bénéficiaire à la condition suspensive défaillie mais bien la renonciation à la condition suspensive accomplie, ce qui est sans effet.

Pour permettre à cette disposition d'atteindre l'objectif qui lui avait été assigné par les rédacteurs de l'ordonnance, votre commission, à l'initiative de son rapporteur, a donc proposé une nouvelle rédaction de l'article 1304-4 affirmant clairement l'impossibilité pour le bénéficiaire d'une condition suspensive d'y renoncer une fois que celle-ci est défaillie.

. L'obligation à terme : l'inopposabilité de la déchéance du terme aux coobligés et aux cautions du débiteur (article 1305-5 du code civil)

En second lieu, il est proposé de modifier l'article 1305-5 du code civil relatif à l'inopposabilité de la déchéance du terme aux coobligés, pour ajouter que cette disposition est également applicable aux cautions.

En effet, la déchéance ayant par nature un caractère de sanction personnelle, elle ne doit pas produire d'effet sur les coobligés du débiteur déchu, sauf texte spécial dérogeant à cette règle. La jurisprudence sur ce point est constante, qu'il s'agisse d'une caution, même solidaire, ou de codébiteurs solidaires.

Il ressort de la lecture du rapport au Président de la République que le texte entendait viser tant les codébiteurs que les cautions.

Or, stricto sensu , le terme « coobligés » fait référence aux codébiteurs seulement. C'est la raison pour laquelle, à l'initiative de son rapporteur, votre commission a complété l'article 1305-5 pour viser expressément les cautions du débiteur déchu.

Votre commission a adopté l'article 10 ainsi rédigé .

Article 11 (nouveau) (art. 1216-1, 1216-3 et 1327 du code civil) - La cession de dette

Introduit par votre commission à l'initiative de son rapporteur, par l'adoption de l' amendement COM-10 , l'article 11 du projet de loi modifie l'article 1327 du code civil relatif à la cession de dette et précise l'interprétation que votre commission entend donner aux articles 1216-1 et 1216-3 relatifs à la cession de contrat, sans pour autant proposer de modifier ces dispositions.

. L'harmonisation du formalisme applicable à la cession de contrat, à la cession de créance et à la cession de dette (article 1327 du code civil)

Initialement, l'ordonnance avait prévu, pour la cession de créance uniquement, à l'article 1322 du code civil, un écrit à peine de nullité. Cette formalité était justifiée par la disparition de la signification par voie d'huissier, imposée par l'ancien article 1690 du code civil qui, par sa lourdeur, dissuadait les contractants d'utiliser ce mécanisme.

Par la suite, selon les éléments transmis par les services de la chancellerie à votre rapporteur, lors de l'examen du projet d'ordonnance par le Conseil d'État, l'exigence d'un écrit à peine de nullité a été ajoutée pour la cession de contrat, à l'article 1322, par souci de parallélisme avec la procédure retenue pour la cession de créance.

En revanche, l'article 1327 du code civil relatif à la cession de dette n'a, quant à lui, pas fait l'objet de modification lors de l'examen au Conseil d'État. Aucun écrit n'est exigé. Le contrat est donc resté consensuel. Cette divergence ne résulte pas d'un choix délibéré.

Plusieurs personnes entendues par votre rapporteur ont déploré cette exigence d'un écrit pour les cessions de contrat et les cessions de dette, estimant que ce formalisme était exagéré et risquait de freiner les opérations commerciales.

Pour autant, dans la mesure où des mécanismes comparables à la cession de créance prévoient déjà un écrit à peine de nullité, comme en matière de nantissement de créance ou de cession de créance entre professionnels, et en raison de la nécessité de maintenir tout de même des modalités d'opposabilité de la cession, à la suite de la suppression de la signification par voie d'huissier, il est apparu justifié à votre rapporteur de maintenir ce formalisme minimum.

Une dette n'étant que l'envers d'une créance, votre rapporteur estime, par cohérence, que l'exigence d'un écrit doit également être prévue pour la cession de dette, d'autant que le Conseil d'État a imposé la même condition pour la cession de contrat.

Pour l'ensemble de ces raisons, votre commission, à l'initiative de son rapporteur, a donc décidé de modifier en ce sens l'article 1327 du code civil.

. Les conditions de la libération du cédant (article 1216-1 du code civil) et de la survie des sûretés consenties par des tiers (article 1216-3 du code civil) lors de la cession de contrat

L'article 1216 du code civil prévoit qu'un cocontractant, le futur cédé, peut donner par avance son accord à la cession du contrat.

Certaines personnes entendues par votre rapporteur se sont émues de l'absence de précision, à l'article 1216-1 du code civil relatif à la libération du cédant, concernant la possibilité pour le cédé de consentir par avance à la libération du cédant.

De même, cette question a été soulevée devant votre rapporteur, concernant les sûretés consenties par des tiers. Celles-ci peuvent subsister malgré la libération du cédant, dès lors que les tiers qui les ont consenties ont donné leur accord. Cet accord pourrait-il également être donné par avance par les tiers qui consentent les sûretés ?

L'accord par avance sur le principe de la cession est expressément prévu à l'article 1216 du code civil. Rien n'interdit, à ce moment-là, d'en préciser également les modalités : libération du cédant (article 1216-1) et survie des sûretés (article 1216-3), sans qu'il soit besoin de l'inscrire expressément au sein de ces articles, qui découlent directement de l'article 1216. Dès lors que l'article 1216-1 n'exige pas de condition particulière pour le consentement à la libération du cédant, en dehors de son caractère exprès, ce consentement peut intervenir à tout moment. De même, dès lors que les exigences prévues le cas échéant par le droit des sûretés sont respectées, l'article 1216-3 ne fait pas obstacle à ce que les tiers donnent leur accord par avance à la subsistance des sûretés consenties.

Votre commission a adopté l'article 11 ainsi rédigé .

Article 12 (nouveau) (art. 1327-1 et 1352-4 du code civil) - Correction d'erreurs matérielles

Introduit par votre commission à l'initiative de son rapporteur, par l'adoption de l' amendement COM-11 , l'article 12 du projet de loi vise à corriger des erreurs de plume présentes au sein des articles 1327-1 et 1352-4 du code civil.

En premier lieu, l'article 1327-1 comporte une maladresse de rédaction unanimement signalée par la doctrine. Dans le cadre de la cession de dette, le texte exige en effet une notification au créancier ou une prise d'acte par ce dernier « s'il a par avance donné son accord à la cession ou n'y est pas intervenu ». Il convient de remplacer le mot « ou » par le mot « et ».

En effet, si l'accord du créancier à la cession a été donné par avance, par exemple dans une clause de cessibilité dans l'acte générateur de l'obligation, et qu'il n'est pas ensuite intervenu à l'acte de cession, il paraît opportun que l'opposabilité de la cession à son égard soit retardée au jour où il en a effectivement connaissance, c'est-à-dire au jour où elle lui est notifiée ou lorsqu'il en prend acte.

En second lieu, à l'article 1352-4, les mots « à un mineur » et « à un majeur » doivent être remplacés par les mots « par un mineur » et « par un majeur protégé ».

Cette disposition relative aux restitutions vise à prévoir que, lorsqu'elles sont dues par un mineur ou un majeur protégé, elles doivent être réduites à proportion du profit retiré par ces personnes de l'acte annulé.

La loi atténue ainsi les effets habituels de la nullité en faveur des personnes protégées, en prenant en considération l'avantage économique qu'elles ont, en définitive, conservé.

Ce texte se veut une reprise à droit constant de l'ancien article 1312. Toutefois, son interprétation est sujette à controverse en doctrine. Pour lever toute ambiguïté, il est proposé de remplacer la formulation « réduites à proportion du profit » par l'expression « à hauteur du profit ».

Votre commission a adopté l'article 12 ainsi rédigé .

Article 13 (nouveau) (art. 1343-3 du code civil) - Le paiement d'une obligation de somme d'argent en devises

Introduit par votre commission à l'initiative de son rapporteur, par l'adoption de l' amendement COM-12 rectifié , l'article 13 du projet de loi modifie l'article 1343-3 du code civil pour préciser les cas dans lesquels le paiement d'une obligation de somme d'argent peut se faire en monnaie étrangère.

Dans sa rédaction issue de l'ordonnance, l'article 1343-3 limite la possibilité de payer en devises, en France, une obligation de somme d'argent aux obligations procédant d'un contrat international ou d'un jugement étranger. Les représentants de professionnels, lors de leurs auditions, ont fait part à votre rapporteur de leur incompréhension face à cette mesure. Comme le souligne le Haut comité juridique de la place financière de Paris, dans son rapport du 10 mai 2017 126 ( * ) , « le nouveau texte pourrait ainsi remettre en cause la possibilité d'effectuer des paiements en devises en exécution de [certains] contrats internes » 127 ( * ) .

Selon les représentants des milieux économiques, entendus par votre rapporteur, il constituerait une régression par rapport au droit antérieur.

De plus, cette restriction à la liberté de paiement en devises est contraire à l'objectif poursuivi par la réforme de renforcer l'attractivité du droit français sur la scène internationale.

Dans une décision rendue en 1989 à propos d'un contrat de prêt, la Cour de cassation s'était référée à la notion plus souple d'« opération de commerce international » 128 ( * ) . Cette notion permettait aux parties de déterminer la monnaie de compte ou de paiement de leurs obligations même si le paiement devait être réalisé sur le sol français, dès lors qu'il pouvait être qualifié d'opération de commerce international.

Au cours de leurs auditions par votre rapporteur, les représentants du ministère de la justice et ceux du ministère de l'économie et des finances ont précisé que la volonté des rédacteurs de l'ordonnance n'était pas de procéder à une telle restriction et que des réflexions étaient en cours pour corriger cette malfaçon.

Lors des échanges intervenus avec les services du ministère de l'économie et des finances, il est apparu que cette notion d'« opération de commerce international » ne permettait pas non plus de couvrir l'ensemble des hypothèses dans lesquelles le paiement en monnaies étrangères était admis avant l'entrée en vigueur de l'ordonnance.

Pour s'approcher au plus près de l'état du droit antérieur et permettre aux entreprises d'utiliser la monnaie de leur choix, tout en n'affaiblissant pas la monnaie nationale, suivant son rapporteur, votre commission a retenu le critère d'« opération à caractère international », à la place de celui trop restrictif de lien avec un « contrat international », cette rédaction pouvant encore être affinée au cours de la navette parlementaire.

Elle n'a pas estimé opportun d'aller au-delà et de proposer d'ouvrir davantage les possibilités de paiement en devises d'obligations de somme d'argent car une telle modification relève d'un choix de politique monétaire qui n'entre pas dans le champ de compétences de votre commission.

Votre commission a adopté l'article 13 ainsi rédigé .

Article 14 (nouveau) (art. 1347-6 du code civil) - Les effets de la compensation à l'égard des tiers

Introduit par votre commission à l'initiative de son rapporteur, par l'adoption de l' amendement COM-13 , l'article 14 du projet de loi modifie l'article 1347-6 du code civil pour lever toute ambiguïté concernant :

- la possibilité pour la caution d'opposer au créancier la compensation intervenue entre le créancier et le débiteur ;

- la possibilité pour le codébiteur solidaire de se prévaloir de la compensation intervenue entre le créancier et l'un de ses coobligés.

S'agissant de la première hypothèse, comme l'ont relevé plusieurs personnes entendues par votre rapporteur, l'utilisation dans cet article du terme « intervenue » pourrait laisser penser que, si la compensation n'a pas été invoquée par le débiteur ou le créancier, la caution ne saurait s'en prévaloir.

Telle n'est pourtant pas la volonté des rédacteurs de l'ordonnance, qui ont entendu maintenir la solution retenue par le droit positif selon laquelle la caution peut invoquer la compensation dès lors que ses conditions sont réunies, alors même qu'elle n'a pas encore été déclenchée par le débiteur.

Une interprétation contraire reviendrait à vider le texte de tout intérêt. Or, une telle interprétation est favorisée, selon plusieurs auteurs, par le fait que l'article 1347, qui définit la compensation, prévoit désormais qu'elle doit être invoquée et qu'elle n'est donc pas automatique.

La problématique est la même pour le codébiteur, qui doit pouvoir se prévaloir de la compensation, dès lors que ses conditions sont remplies, alors même qu'elle n'aurait pas été invoquée par le créancier ou l'un de ses coobligés.

Pour mettre fin à toute controverse, votre commission, à l'initiative de son rapporteur, a modifié l'article 1347-6 pour supprimer le terme « intervenue ».

Votre commission a adopté l'article 14 ainsi rédigé .

Article 15 (nouveau) (art. 9 de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations) - Les conditions du maintien de la loi ancienne pour les contrats conclus avant le 1er octobre 2016

Introduit par votre commission à l'initiative de son rapporteur, par l'adoption de l' amendement COM-14 , l'article 15 du projet de loi tend à préciser les conditions du maintien de l'application des règles du code civil antérieures à l'entrée en vigueur de l'ordonnance, le 1 er octobre 2016, pour les contrats conclus antérieurement à cette même date.

Si l'article 9 de l'ordonnance dispose que « les contrats conclus avant cette date demeurent soumis à la loi ancienne », sous réserve des seuls articles instaurant des actions interrogatoires 129 ( * ) , la jurisprudence constante de la Cour de cassation considère qu'il y a lieu, en matière contractuelle, d'appliquer certaines dispositions de la loi nouvelle aux contrats en cours. En outre, des arrêts récents, postérieurs au 1 er octobre 2016, laissent penser que nombre de dispositions issues de l'ordonnance pourraient être rendues applicables aux contrats formés avant le 1 er octobre 2016.

Cette jurisprudence, présentée dans l'encadré ci-après, prévoit une application aux contrats en cours pour deux types de dispositions de la loi nouvelle : d'une part, les dispositions d'ordre public et, d'autre part, les dispositions régissant les effets légaux du contrat - c'est-à-dire les effets qui ne résultent pas de la seule volonté des parties mais d'un cadre légal, et qui se produisent après l'entrée en vigueur de la loi nouvelle, la Cour de cassation estimant que les effets légaux du contrat sont régis par la loi en vigueur au moment où ils se produisent.

L'application de la loi nouvelle aux contrats en cours
dans la jurisprudence de la Cour de cassation

Sur le fondement de l'article 2 du code civil, selon lequel « la loi ne dispose que pour l'avenir » et « n'a point d'effet rétroactif », le principe appliqué par la Cour de cassation est que, sauf disposition expresse de la loi nouvelle, les contrats conclus antérieurement à la loi nouvelle demeurent régis par la loi ancienne, sous l'empire de laquelle ces contrats ont été conclus.

Ce principe de survie de la loi ancienne pour les contrats conclus sous son empire permet de préserver la stabilité, la sécurité et la prévisibilité des relations contractuelles et de respecter la liberté contractuelle.

Toutefois, comme l'indique le rapport annuel de la Cour de cassation pour 2014 130 ( * ) , « la Cour (...), peu important l'existence d'une disposition particulière, se reconnaît le pouvoir de dire si la loi nouvelle s'applique immédiatement ou non, en se fondant sur la nature des dispositions du contrat ou en se référant au caractère d'ordre public de la loi nouvelle dont elle exige qu'il soit établi au regard de l'intérêt général ». La jurisprudence de la Cour de cassation est constante en matière d'exceptions au principe de survie de la loi ancienne et d'application de la loi nouvelle aux contrats en cours.

Ainsi, à l'occasion d'un contrat conclu sous une loi ancienne, si une obligation ou un droit trouve son origine dans la loi et non dans la simple volonté des parties, il lui sera fait application de la loi nouvelle, en vertu du principe jurisprudentiel selon lequel « les effets du contrat sont régis par loi en vigueur au moment où ils se produisent » 131 ( * ) . Cette théorie des effets légaux du contrat trouve spécialement à s'appliquer en matière de baux.

La seconde exception concerne l'application aux contrats en cours « lorsque la loi nouvelle est d'ordre public et répond à des motifs impérieux d'intérêt général » 132 ( * ) . Cela ne vise donc pas indistinctement toutes les dispositions d'ordre public de la loi nouvelle. Le rapport de la Cour de cassation évoque dans ce cas un ordre public « supérieur » ou « renforcé ».

Cette jurisprudence portant sur l'application de la loi nouvelle aux contrats en cours a connu des développements dans la période récente.

Ainsi, dans un avis de février 2015 133 ( * ) , la Cour de cassation a précisé, en matière de baux d'habitation, que « la loi nouvelle régi[t] immédiatement les effets légaux des situations juridiques ayant pris naissance avant son entrée en vigueur et non définitivement réalisées ». Par la suite, dans un arrêt de novembre 2016 134 ( * ) , concernant aussi une affaire de bail d'habitation, la Cour a confirmé les termes de son avis de février 2015, conformes à sa jurisprudence 135 ( * ) , mais elle a écarté, ce faisant, un article 136 ( * ) rédigé dans des termes similaires à ceux de l'article 9 de l'ordonnance, prévoyant le maintien de l'application de la loi ancienne aux baux anciens, sous réserve de certaines dispositions de la loi nouvelle rendues expressément applicables aux baux anciens.

On pouvait prétendre que cet arrêt de février 2015 n'était pas transposable à la matière contractuelle générale, car le régime des baux d'habitation, comme le statut des baux commerciaux, est un droit spécial traitant de contrats structurellement déséquilibrés, entre bailleur et locataire, visant par conséquent à protéger la partie réputée faible qu'est le locataire, tel n'étant pas le cas dans le droit commun des contrats, lequel ne postule pas par principe un déséquilibre structurel entre les parties.

Ensuite, dans un arrêt de février 2017 137 ( * ) , en matière de bail commercial, la Cour a jugé qu'une nouvelle disposition du statut des baux commerciaux s'appliquait aux baux en cours car elle était d'ordre public, sans que le motif impérieux d'intérêt général apparaisse bien clairement. Quelques jours plus tard, dans un arrêt de chambre mixte de février 2017 également 138 ( * ) , la Cour a argué de « l'évolution du droit des obligations, résultant de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 » pour « apprécier différemment » des règles antérieures à cette réforme, en matière de nullité absolue ou relative, en s'appuyant sur le nouvel article 1179 du code civil 139 ( * ) , et ainsi « modifier la jurisprudence et (...) décider que la méconnaissance des règles précitées doit être sanctionnée par une nullité relative ». Certes, là encore, les règles en cause étaient marquées par une exigence de protection d'une partie structurellement faible, mais la Cour de cassation a bien fait application de la loi nouvelle à un contrat en cours, sur une question relative à la formation du contrat et non à son exécution - la formation du contrat justifiant davantage, par nature, le maintien de la loi ancienne.

Enfin, dans un arrêt très récent de septembre 2017 140 ( * ) prolongeant celui de chambre mixte de février, la Cour de cassation commence par affirmer que « l'évolution du droit des obligations, résultant de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, conduit à apprécier différemment, dans les relations de travail, la portée des offres et promesses de contrat de travail ». En d'autres termes, les conditions de la formation d'un contrat antérieurement à l'ordonnance ont été appréciées au regard des dispositions nouvelle issues de l'ordonnance. Là encore, certes, il est question d'un contrat régi par un droit destiné à protéger l'une des parties, mais cette jurisprudence faisant application de la réforme du droit des contrats aux conditions de la formation d'un contrat de travail semble aller au-delà des exceptions précisément délimitées jusque-là admises en matière d'application de la loi nouvelle aux contrats en cours. De plus, dans ses attendus, la Cour énonce, sans les citer expressément, les règles nouvelles.

Cette jurisprudence pourrait permettre d'appliquer aux contrats en cours, au gré de l'appréciation qu'en fait la Cour de cassation, de très nombreuses dispositions issues de l'ordonnance, car elle ne se rattache pas expressément aux exceptions traditionnelles, donc potentiellement au-delà des seules dispositions régissant les effets légaux des contrats ainsi que des dispositions d'ordre public.

La notice publiée par la Cour de cassation sur cet arrêt indique que, « suivant une méthode adoptée par la chambre mixte (...), la chambre sociale a choisi de réexaminer sa jurisprudence au regard de l'évolution du droit résultant de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 (...) et, en conséquence, d'apprécier différemment la portée des offres et promesses de contrat de travail, même si cette ordonnance n'était pas applicable aux faits de l'espèce ».

Or, même si ce n'est pas l'opinion unanime, la plupart des personnes entendues par votre rapporteur ont déploré le fait que la loi nouvelle, dans certaines de ses dispositions, puisse s'appliquer aux contrats en cours, au risque de porter atteinte ou mettre en échec la volonté des parties exprimée au moment de la conclusion du contrat. Par exemple, la théorie des effets légaux pourrait conduire à rendre de facto impérative une disposition de la loi nouvelle qui n'est que supplétive, dès lors que les parties n'ont pas été en mesure, par construction, de l'écarter lors de la conclusion. En outre, dans certains cas, sous l'empire de la loi nouvelle, les parties n'auraient peut-être pas conclu un contrat, compte tenu par exemple des nouvelles règles d'ordre public. Votre commission partage cette préoccupation.

Selon le Gouvernement, la rédaction de l'article 9, laquelle comporte un raisonnement a contrario , doit permettre de faire échec à la jurisprudence extensive de la Cour de cassation : puisque l'article 9 prévoit la survie de la loi ancienne sous réserve de l'application immédiate de certains articles de la loi nouvelle, l'application de tout autre article se trouverait a contrario exclue. Cependant, l'analyse de la jurisprudence la plus récente par votre rapporteur ne lui donne aucune certitude sur ce point, tant elle ouvre d'incertitudes sur le champ des nouvelles dispositions du droit des contrats susceptibles d'être appliquées aux contrats conclus antérieurement à la réforme.

En effet, la Cour de cassation indique désormais clairement qu'elle peut apprécier différemment la loi ancienne au regard de la loi nouvelle. Une telle jurisprudence crée pour les parties une grande insécurité juridique et une grande imprévisibilité . Par exemple, il pourrait être fait application du dispositif contre les clauses abusives 141 ( * ) dans un contrat d'adhésion ancien ou du dispositif prenant en compte l'imprévision dans le contrat 142 ( * ) , quand bien même celui-ci est supplétif de volonté.

Les besoins légitimes de loyauté et de prévisibilité dans les relations contractuelles , ainsi que le développement de la jurisprudence constitutionnelle en matière de protection de la liberté contractuelle et des contrats légalement formés 143 ( * ) incitent votre commission à vouloir préserver la survie de la loi ancienne dans toute son intégrité pour les contrats conclus antérieurement à la loi nouvelle.

Dans ces conditions, en vue de faire droit à la demande légitime de maintien de la loi ancienne pour les contrats anciens, votre commission, à l'initiative de son rapporteur, a prévu expressément que les contrats conclus avant la date d'entrée en vigueur de l'ordonnance demeurent soumis à la loi ancienne , y compris pour leurs effets légaux et pour les règles d'ordre public, avec une application rétroactive de cette disposition à compter de l'entrée en vigueur de l'ordonnance. Cette solution a paru plus sûre qu'une disposition interprétative destinée à expliciter l'intention du législateur, au vu de la jurisprudence restrictive de la Cour de cassation en la matière.

Votre commission a adopté l'article 15 ainsi rédigé .

*

* *

Votre commission a adopté le projet de loi ainsi modifié.

EXAMEN EN COMMISSION

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MERCREDI 11 OCTOBRE 2017

M. François Pillet , rapporteur . - L'ordonnance dont le projet de loi propose la ratification sans modification été prise sur le fondement de l'habilitation accordée par l'article 8 de la loi du 16 février 2015 relative à la modernisation et à la simplification du droit et des procédures dans les domaines de la justice et des affaires intérieures, examinée en 2014 et 2015 par notre commission sur le rapport de notre collègue Thani Mohamed Soilihi. L'habilitation concernait près de 300 articles, ce qui en faisait la réforme la plus ambitieuse du code civil depuis 1804. Notre commission s'était opposée à la méthode employée, sans contester aucunement la nécessité d'une réforme, qu'elle avait au contraire soulignée : Thani Mohamed Soilihi défendit le principe selon lequel une réforme du droit civil de cette ampleur devait être soumise au Parlement. D'ailleurs, le Sénat n'aime pas déléguer ses prérogatives. La loi d'habilitation fut promulguée le 16 février 2015. L'ordonnance date du 10 février 2016 et s'applique depuis le 1 er octobre 2016.

Dès lors, pourquoi la ratifier ? La ratification donne valeur législative aux dispositions issues de l'ordonnance, qui n'ont sinon qu'une valeur réglementaire. De ce fait, leur régime juridictionnel, qui relève pour l'instant de la compétence du Conseil d'État, changera : il sera possible de soulever à leur encontre une question prioritaire de constitutionnalité.

Comme l'ordonnance est déjà entrée en vigueur, toutefois, le Parlement ne dispose plus de la même latitude pour modifier ses dispositions lors de sa ratification. Le Conseil constitutionnel a rappelé dans deux décisions récentes que, « si le législateur peut modifier rétroactivement une règle de droit, c'est à la condition de poursuivre un but d'intérêt général suffisant et de respecter tant les décisions de justice ayant force de chose jugée » - pour le texte qui nous occupe, il n'y en a pas eu - « que le principe de non-rétroactivité des peines et des sanctions ». Il indique aussi que « le législateur ne saurait porter aux contrats légalement conclus une atteinte qui ne soit justifiée par un motif d'intérêt général suffisant sans méconnaître les exigences résultant des articles 4 et 16 de la Déclaration de 1789 ». Il souligne enfin que le législateur, « lorsqu'il modifie, notamment à l'occasion de sa ratification, les dispositions d'une ordonnance entrées en vigueur, (...) est tenu au respect de ces exigences ». De surcroît, le Conseil a énoncé de façon plus systématique que « lors de la ratification d'une ordonnance entrée en vigueur, le législateur est tenu au respect [des] règles et principes de valeur constitutionnelle ». En somme, nous pouvons modifier cette ordonnance à notre guise, pourvu qu'il n'y ait pas d'impact sur la période intermédiaire.

Devons-nous la ratifier ? Pour répondre à cette question, il faut remonter aux objectifs de la réforme. Celle-ci est d'abord marquée par le développement de l'unilatéralisme, par exemple en matière de résolution du contrat ou de fixation du prix. L'idée est de permettre aux parties de ne pas avoir à saisir le juge, avec comme objectif de maintenir le contrat plutôt que d'y mettre fin : on peut parler ici de libéralisme contractuel. Pour autant, le rôle du juge est accru par certaines dispositions. Ces deux tendances contraires ont été critiquées. Toutefois, le renforcement des pouvoirs du juge sur le contrat l'est bien davantage, en particulier par les représentants des milieux économiques - mais aussi par une large partie de la doctrine - chez qui il suscite des craintes de voir le juge devenir un régulateur du contrat ou exercer une véritable police du contrat, au détriment de la liberté contractuelle et de l'autonomie de la volonté des parties. Les nouvelles prérogatives du juge lui permettraient de réviser le contrat ou d'y mettre fin, à la demande d'une partie seulement, en cas de changement de circonstances imprévisible. Auparavant, notre droit ne connaissait pas l'imprévision. L'idée que le juge puisse, dans le dispositif de l'imprévision, modifier le contrat a paru à certains très contestable, voire hérétique.

Ainsi, alors que le Gouvernement a voulu renforcer l'attractivité du droit des contrats pour les entreprises, nombre de personnes nous ont indiqué que la réforme, en l'état, ne détournerait pas les grandes entreprises françaises du droit suisse, du droit anglais ou du droit de l'État de New York, et inciterait encore moins les entreprises étrangères à choisir le droit français pour leurs contrats internationaux. En effet, le renforcement du rôle du juge sur le contrat, source d'imprévisibilité et d'aléa judiciaire dans l'exécution du contrat, serait un symbole négatif pour l'attractivité du droit français.

Certes, l'idée sous-jacente de ces nouvelles prérogatives du juge est de mieux protéger la partie faible au contrat, selon un principe de justice contractuelle, mais c'est sans doute là qu'il faut voir la dimension la plus politique et la plus novatrice d'une réforme pourtant présentée comme essentiellement technique pour justifier le recours à une ordonnance. Alors que l'habilitation n'était pas aussi explicite sur de telles innovations, celles-ci auraient justifié, à elles seules, l'examen de la réforme par le Parlement.

Dans son rapport, Thani Mohamed Soilihi considérait d'ailleurs que « la réforme du droit des obligations pose des questions politiques majeures, qu'il revient au seul Parlement de trancher », s'agissant en particulier de « l'équilibre à retenir entre l'impératif de justice dans le contrat, qui peut justifier une plus grande intervention du juge, ou une modification des termes du contrat, et celui qui s'attache à l'autonomie contractuelle et à la sécurité juridique du contrat, qui peut justifier qu'une partie reste tenue par ses engagements, même s'ils lui deviennent défavorables ».

Dès lors que l'ordonnance, globalement bien reçue par la doctrine et par les praticiens, consolide, modernise et clarifie un droit défraîchi sans le bouleverser ni constituer une rupture, et que très peu de dispositions demeurent sérieusement contestées, la ratification n'en est que moins difficile, à condition toutefois d'apporter les corrections de nature à répondre aux critiques les plus fondées et légitimes.

C'est une réforme nécessaire, longtemps attendue, initiée par un contexte européen en évolution. La première décennie du siècle connut d'importants travaux sur le droit européen des contrats, tant dans le cadre des institutions européennes que dans les milieux universitaires. Ces initiatives rencontrèrent l'hostilité et suscitèrent l'inquiétude en France, en particulier au sein de la doctrine, tant elles ignoraient le droit français. Cela conduisit à lancer les premiers travaux sur la réforme du droit des contrats en France et à ouvrir la réflexion sur la modernisation du droit des contrats.

Outre les débats et diverses contributions académiques, deux projets complets de réforme ont ainsi été conçus au cours de la même décennie. D'abord, le projet rédigé par un groupe de travail créé en 2003, sous la parrainage de l'Association Henri Capitant, composé d'universitaires et présidé par Pierre Catala, dit « avant-projet Catala », qui fut remis au garde des sceaux en 2005. Par la suite, un second projet a été élaboré par un groupe de travail constitué dans le cadre de l'Académie des sciences morales et politiques, sous la direction de François Terré : c'est « l'avant-projet Terré ». Parallèlement à ces projets universitaires, qui ont permis d'alimenter ses propres travaux, le ministère de la justice a également rendu public un avant-projet de réforme du droit des obligations en deux volets : sur le droit des contrats, en 2008, et sur le régime général des obligations et les quasi-contrats en 2011. Ces textes ont donné lieu à une consultation publique, sans suite législative.

Ainsi, la réforme que le Sénat est désormais invité à ratifier constitue l'aboutissement d'un long processus, d'une décennie de réflexions françaises, aiguillonnées par des tentatives inabouties d'harmonisation européenne.

C'est donc une réforme globalement et largement approuvée. L'avant-projet d'ordonnance portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, publié en février 2015 et soumis à consultation publique, suscita plus de 300 contributions adressées à la chancellerie, représentant plus de 3 200 pages au total.

Les sources de cette ordonnance sont multiples : outre l'« avant-projet Catala » et l'« avant-projet Terré », ainsi que la jurisprudence de la Cour de cassation, le rapport au Président de la République revendique expressément comme source d'inspiration les projets d'harmonisation européenne du droit des contrats.

L'intention du Gouvernement a été de moderniser et de rendre plus lisible le droit français des contrats sans le bouleverser, en l'adaptant aux enjeux contemporains, en prenant mieux en compte l'impératif d'efficacité économique et en consolidant la jurisprudence. Il a poursuivi deux objectifs : renforcer la sécurité juridique du droit des contrats en améliorant sa lisibilité et son accessibilité et renforcer l'attractivité du droit français, du point de vue strictement économique, vis-à-vis des entreprises, mais également du point de vue de l'influence du système juridique français à l'étranger.

La réalisation du deuxième objectif me semble impossible à vérifier, tant l'attractivité du droit ne semble pas dépendre de facteurs étroitement juridiques, mais bien davantage de la puissance économique de l'État, de la réputation de ses juridictions ou encore de celle de ses cabinets d'avocats. Une entreprise faisant du « law shopping » choisit rarement un droit en fonction uniquement de sa qualité intrinsèque. Il faut simplement souhaiter que la réforme ait rendu le droit français des contrats plus attractif pour les entreprises françaises et plus adapté à la vie des affaires. Modernisé, le droit français devrait également redevenir une référence, mieux prise en compte dans les travaux européens, à la différence des années 2000 où ceux-ci le contredisaient, voire l'ignoraient superbement.

En revanche, le premier objectif est manifestement atteint, au vu des auditions et des consultations que j'ai menées, sous réserve de quelques dispositions qui demeurent abondamment discutées un an après l'entrée en vigueur de l'ordonnance.

Les nouvelles dispositions du code civil issues de l'ordonnance se caractérisent nettement par une plus grande clarté de la rédaction : le vocabulaire est contemporain et le plan du livre III du code, plus pédagogique, distingue mieux le droit des obligations en général et le droit des contrats. Les chapitres portant sur le contrat sont didactiques, en suivant la vie du contrat à compter de sa formation et jusqu'à sa fin. Incontestablement, le code est devenu plus lisible : bref, ce fut du bon travail.

En outre, en codifiant autant que possible la jurisprudence établie de la Cour de cassation, la réforme améliore grandement l'accessibilité du droit des contrats en faisant mieux coïncider le droit positif et le droit écrit, dans le respect de la tradition juridique française. Le droit des contrats était devenu particulièrement jurisprudentiel, au point que l'on pouvait dire que le droit n'était plus dans le code. Comme l'indiquait Pierre Catala dans la présentation de son avant-projet, il faut « que la loi soit, avant la jurisprudence, mère de l'ordre juridique ». Ce n'était plus le cas. En principe, la jurisprudence a été codifiée à droit constant, mais parfois la réforme a voulu surmonter une jurisprudence jugée excessive ou trop rigide ou bien clarifier l'état du droit en cas de jurisprudence incertaine ou erratique.

Je souligne en particulier l'intérêt du chapitre introductif au droit des contrats. Il énonce d'abord les principes directeurs du droit des contrats, que sont le consensualisme, la liberté contractuelle et la force obligatoire du contrat, mais aussi le respect de l'ordre public et de la bonne foi, associés à une définition claire du contrat fondée sur l'autonomie de la volonté des parties, dans un ensemble cohérent et concis. Ceux qui ont étudié le droit il y a quelque temps ne seront nullement dépaysés. Il précise ensuite les modalités de l'articulation entre le droit commun du code civil et les droits particuliers en matière de contrats, sujet alimentant d'abondants débats. Enfin, il définit les différentes catégories de contrats.

La réforme procède aussi à une actualisation et à une modernisation, avec quelques innovations. Alors que la cause disparaît - même si ses éléments constitutifs demeurent - font leur entrée dans le code civil, par exemple, la promesse unilatérale de contrat et la cession de contrat ou de dette, mécanismes déjà connus de la pratique et que la réforme vient fixer. Sont créées plusieurs actions interrogatoires ou interpellatives, de nature à assurer une meilleure information des parties dans certaines situations. La réforme institue une obligation précontractuelle d'information, qui se veut la déclinaison du principe de bonne foi désormais applicable au stade des négociations, avant même la formation du contrat - période que la jurisprudence avait déjà visitée.

Nous devons donc, à mon avis, ratifier l'ordonnance.

Le fait qu'elle soit entrée en vigueur en octobre 2016, il y a un an, nous donne une évidente responsabilité : celle de ne pas, dans un domaine du droit qui demande de la stabilité, créer un droit intermédiaire qui ne s'appliquerait qu'aux contrats passés entre octobre 2016 et la promulgation de la loi de ratification. Cela reviendrait à faire coexister trois régimes législatifs simultanément : quoi de moins attractif ? Il n'est pas question de faire la réforme de la réforme.

Il me paraît raisonnable de ratifier en utilisant deux méthodes. D'abord, préciser expressément l'interprétation qui doit être donnée à des dispositions que nous ne modifions pas, en rappelant l'importance des travaux préparatoires à la rédaction du texte de loi : ils lient le magistrat ! Ensuite, amender lorsqu'il existe une malfaçon susceptible de générer des incertitudes, du contentieux, voire des atteintes aux objectifs poursuivis par l'ordonnance.

Un exemple d'éclairage par les travaux préparatoires concerne la distinction entre règles impératives et règles supplétives. Nombre de praticiens s'interrogent sur le caractère impératif ou supplétif de certaines dispositions issues de l'ordonnance. Le rapport au Président de la République indique que, conformément à la « tradition du code civil, l'ordonnance n'affirme pas expressément dans un article spécifique le caractère supplétif de volonté de ses dispositions », mais qu'elle est bien « supplétive de volonté sauf disposition contraire », « sauf mention contraire explicite de la nature impérative du texte concerné ». Je vous invite à faire nôtre cette interprétation : seules doivent être considérées comme impératives les dispositions expressément mentionnées comme telles dans le texte de l'ordonnance ou celles dont la rédaction indique sans ambiguïté le caractère impératif. Les autres dispositions peuvent être écartées par les parties et, en cas d'incertitude, il faut considérer que le caractère impératif ne saurait prévaloir.

Deuxième exemple d'interprétation : l'articulation entre droit commun et droit spécial. L'article 1105 du code civil prévoit que les règles générales du droit commun des contrats « s'appliquent sous réserve » des règles particulières à certains contrats. Dans l'ordonnance, la question de l'articulation entre droit commun et droit spécial soulève des incertitudes. Sur ce point, le rapport au Président de la République précise que « les règles générales posées par l'ordonnance seront notamment écartées lorsqu'il sera impossible de les appliquer simultanément avec certaines règles prévues par le code civil pour régir les contrats spéciaux, ou celles résultant d'autres codes tels que le code de commerce ou le code de la consommation », sans résoudre la difficulté de façon complète. Je vous proposerai des amendements allant dans le sens souhaité par le Gouvernement et apportant diverses précisions.

Je vous ai distribué une liste de dispositions dont je vous propose que nous homologuions une interprétation. Les amendements, eux, concernent des questions que les auditions nous conduisent à trancher comme, par exemple, celle de l'application de la loi nouvelle aux contrats en cours. D'autres ne proposent que des précisions rédactionnelles. Nous avons travaillé en bonne intelligence avec la chancellerie, qui soutiendra à ce que j'ai compris la majorité de nos amendements.

Ainsi, le Sénat, qui s'était opposé au traitement de cette réforme par ordonnance, proposera sa ratification, sans modifications qui puissent provoquer ou prolonger une insécurité juridique, mais en procédant ponctuellement à des corrections très largement attendues par la quasi-unanimité des personnes entendues en audition.

M. Philippe Bas , président . - J'admire l'oeuvre de notre rapporteur, qui a réalisé un travail de titan, sur ce texte si volumineux.

Nous avions refusé d'habiliter le Gouvernement à procéder par ordonnance sur ce sujet, et nous ne changeons pas de point de vue. Il peut paraître abscons, mais ses implications sur le développement des affaires sont considérables. Aussi convient-il de trouver un bon équilibre entre l'intervention du juge et la sécurité des contrats, qui repose sur la volonté commune des parties. Après maintes auditions, le rapporteur estime qu'il faut ratifier l'ordonnance sans modifications majeures, mais sous réserve de l'adoption de quelques amendements et d'un certain nombre d'interprétations qui feront référence.

M. Jacques Bigot . - Bravo pour ce travail. Cette réforme était attendue, car il était nécessaire de moderniser le code civil et d'y inscrire l'évolution jurisprudentielle. La manière de concevoir le libéralisme aujourd'hui pouvait-elle se concilier avec l'esprit des rédacteurs de 1804 ? Déjà, le droit des contrats reposait sur la liberté des co-contractants, qui a rendu nécessaire la défense du salarié par le droit du travail, et justifié l'évolution européenne sur les clauses abusives, qui ne s'applique malheureusement qu'aux consommateurs alors qu'il faut également protéger les artisans et les petites entreprises, sans immixtion excessive du juge. La jurisprudence doit continuer à évoluer.

Vous avez une grande foi en la justice, monsieur le rapporteur, lorsque vous affirmez qu'elle consulte nos travaux préparatoires. C'est vrai en Belgique, mais pas vraiment en France, où l'esprit du législateur est vite oublié par le juge et par les parties. Oui, le Parlement a dû se défaire, au profit de l'exécutif, d'un travail fastidieux. Mais je suis d'accord avec vous, nous aurions pu le faire. Je m'étonne que ceux qui, dans leur rapport, ont dénoncé les ordonnances, aient approuvé leur usage dans un autre domaine... Reste à ratifier celle-ci, et il n'est pas possible de remettre en cause ce qui est en vigueur depuis un an.

Merci pour le travail que vous avez fait, qui ne rattrape pas celui qu'on ne nous a pas laissés faire...

M. Pierre-Yves Collombat . - Je me joins à ce concert de louanges. Quel travail de bénédictin ! Vous avez bien fait de rappeler votre opposition au principe même des ordonnances. Je ne sais pas en revanche si cela servira à grand-chose.

La notion d'attractivité du droit français m'étonne toujours et j'ai l'impression que notre rapporteur n'est pas non plus convaincu de la pertinence de cette notion. En outre, je n'ai pas le sentiment que notre droit soit moins attractif que les autres : des publications anglo-saxonnes estiment qu'il est moins aléatoire que celui de leurs pays. Ne nous laissons donc pas impressionner par les lobbies qui viennent sonner à notre porte.

Le propre d'un bon droit, c'est d'être équitable. Ce n'est pas désuet de dire cela. S'il permet de faire des affaires, il doit aussi veiller à l'égalité des parties.

Je ne vois pas en quoi l'intervention du juge en fait une partie à part entière du contrat. En outre, pour quelles raisons un de vos amendements réserve-t-il un sort particulier aux opérations financières ? Notre rapporteur veut réintroduire la notion de bonnes moeurs, qui avait été supprimée : pourquoi ?

M. François Pillet , rapporteur . - Je m'en expliquerai.

M. Pierre-Yves Collombat . - Pourquoi, enfin, parler de dépendance économique ? La notion de dépendance ne serait-elle pas, à elle seule, suffisante ?

M. André Reichardt . - Je félicite très sincèrement notre rapporteur pour la qualité de son travail sur un sujet technique, pour ne pas dire aride. Ses préconisations, que je suivrai, semblent consensuelles. Il nous faut ratifier l'ordonnance, avec les amendements de notre rapporteur.

Le Sénat n'a pas approuvé le projet de loi d'habilitation, car le sujet méritait que le Parlement en débatte. Une fois l'habilitation définitivement votée, contre notre gré, cette ordonnance aurait mérité que des parlementaires soient associés à sa rédaction. Cela m'est arrivé par le passé, à de rares occasions il est vrai. Ensuite, nous sommes confrontés au délai qui s'écoule entre le moment où les ordonnances entrent en vigueur et l'examen du projet de loi de ratification. Si le législateur réécrit le droit, on aboutit à la création de trois droits successifs : celui qui précède l'ordonnance, celui qui court entre l'entrée en vigueur de l'ordonnance et la promulgation de la loi de ratification et celui qui vient ensuite et qui modifie l'ordonnance. Le risque est de voir le législateur muselé, au nom de la stabilité du droit. Je félicite notre rapporteur d'être parvenu à un accord avec la chancellerie.

M. François Pillet , rapporteur . - L'accord n'est pas total !

M. André Reichardt . - Globalement, c'est quand même le cas, même si des points restent en discussion. À l'avenir, la situation risque de ne pas être aussi simple et les futures ordonnances risquent d'être détricotées par le législateur, d'où trois législations successives. Il faut éviter autant que faire se peut le recours aux ordonnances : laissons le législateur travailler sereinement.

M. François Pillet , rapporteur . - En préalable à nos travaux, la réflexion doit s'ouvrir le plus largement possible et c'est pourquoi nous avons consulté tous les barreaux de France, toutes les chambres de notaires, tous les experts-comptables, tous les tribunaux de commerce et tous les tribunaux de grande instance pour leur demander leur sentiment sur l'année d'exécution de cette ordonnance. Globalement, on m'a répondu qu'il était trop tôt pour se faire une idée précise.

Pour éviter toute critique, au nom de la stabilité du droit, il serait sans doute préférable que les ordonnances soient soumises à ratification avant leur entrée en vigueur.

M. Pierre-Yves Collombat . - Ce serait le minimum !

M. François Pillet , rapporteur . - Dans le cas d'espèce, cela aurait été tout à fait possible, puisque cette ordonnance a été publiée en février 2016 et qu'elle est entrée en vigueur en octobre de la même année.

Sur cette ordonnance, nous avons entendu la quasi-totalité de la doctrine : les professeurs de droit, mais aussi les représentants des magistrats judiciaires et consulaires, qui appliqueront les textes. Nos amendements ont été rédigés en tenant compte de la doctrine et des professionnels et ils ont reçu une écoute attentive de la chancellerie.

Cette grande réforme par ordonnance du droit des contrats et des obligations sera suivie d'une toute aussi grande réforme du droit de la responsabilité civile qui, elle, fera l'objet d'un projet de loi, ce dont je me félicite.

Avec ce rapport, j'essaye de redonner couleur à nos travaux parlementaires, qui ont juridiquement une importance considérable, parfois un peu négligée. Pour rassurer M. Bigot, je lui indique que la Cour de cassation revient toujours aux travaux parlementaires et, si des juridictions inférieures n'y font pas référence, il appartient aux avocats d'attirer leur attention sur ces travaux en cas de difficulté. L'ancien premier président de la Cour de cassation, Pierre Drai, disait à cet égard que « le bon avocat fait le bon juge ».

Dans mon rapport, je vous propose de réaffirmer l'obligation d'en revenir aux travaux parlementaires.

M. Philippe Bas , président . - Merci pour ces observations.

EXAMEN DES ARTICLES

Articles additionnels après l'article unique

M. François Pillet , rapporteur . - L'amendement COM-1 rectifié propose de réintégrer la notion de bonnes moeurs. Il convient en effet d'ouvrir le débat sur ce point, même si je n'en fais pas une affaire de principe. Cette notion n'est pas totalement inutile. Si elle n'existe plus dans le droit des obligations et des contrats, elle apparaît encore dans divers textes, notamment dans le code civil, et la jurisprudence y a recours. Nous avons donc trois possibilités : soit nous ne changeons rien à l'ordonnance, soit nous harmonisons nos textes en introduisant la notion de bonnes moeurs dans cette ordonnance, soit nous supprimons de tous les textes la référence à cette notion. La troisième solution ne me semble pas la meilleure.

En outre, cet amendement propose une définition précise des contrats de gré à gré et des contrats d'adhésion, compte tenu de leurs conséquences juridiques importantes lorsque les contrats d'adhésion comportent des clauses abusives. La chancellerie approuve notre rédaction sur ce dernier point.

M. Jacques Bigot . - La notion de bonnes moeurs peut apparaître désuète. Notre rapporteur estime que la jurisprudence a évolué sur le sujet. En règle générale, elle a plutôt suivi, que précédé, la société.

Sur le second point, je ne suis pas sûr que la rédaction soit bonne, même si elle a reçu l'accord de la chancellerie. Effectivement, dans les contrats d'adhésion, les clauses ne sont pas discutées, mais cela ne signifie pas qu'elles ne soient pas discutables. Au moment de la conclusion du contrat, cette rédaction interdirait toute négociation à la marge. Je suis donc plutôt réservé sur cet amendement.

M. Pierre-Yves Collombat . - La notion de bonnes moeurs est extrêmement vague et sujette à toutes les interprétations, alors que tel n'est pas le cas avec celle d'ordre public. Si vous considérez que supprimer la notion de bonnes moeurs constitue un progrès, pourquoi ne pas la supprimer dans tous les codes ? Ce serait une solution de sagesse.

Mme Marie-Pierre de la Gontrie . - Le code civil a toujours recours à la notion de bonnes moeurs, mais l'histoire récente montre que, lorsque ce fut possible, le terme a été supprimé. Nous avons connu la suppression, dans le code pénal, de l'infraction d'outrage aux bonnes moeurs. Même chose dans le statut des fonctionnaires. En outre, le paramètre de l'ordre public demeure. Je suis donc très réservée sur l'opportunité de réintroduire cette notion.

M. Philippe Bas , président . - Cet amendement propose d'ajouter les bonnes moeurs aux principes auxquels on ne peut déroger par des conventions particulières. Mais, qu'on mette ou non les bonnes moeurs dans la loi, le juge continuera à interdire qu'il soit dérogé à ces principes dans des conventions particulières. Puisque les conventions ne peuvent être valables si elles sont contraires à ces bonnes moeurs, il n'est donc pas indispensable de mettre dans l'ordonnance cette disposition pour qu'elle s'applique dans les faits. Notre rapporteur rappelait tout à l'heure notre rôle en matière d'interprétation des textes : ce n'est pas parce qu'on ne mentionne pas les bonnes moeurs dans le texte de l'ordonnance qu'elles cesseront de s'opposer aux conventions qui leur sont contraires.

M. Pierre-Yves Collombat . - Beau sophisme !

M. François Pillet , rapporteur . - Pour éviter tout blocage avec l'Assemblée nationale, je pense utile de rectifier cet amendement pour ne plus faire référence aux bonnes moeurs. Un exemple cependant : comment résout-on la conclusion d'un bail d'habitation dans le logement duquel on prévoit d'exercer le proxénétisme hôtelier ?

M. Pierre-Yves Collombat . - Cela ne figurera pas dans le contrat puisque c'est contraire à la loi !

M. François Pillet , rapporteur . - Sous réserve de l'interprétation de notre président, je vous propose de rectifier cet amendement.

Mme Brigitte Lherbier . - À l'université, la notion de bonnes moeurs permet de faire réfléchir la jeunesse qui se construit, qui deviendra magistrat, avocat ou autre. Ainsi, elle aura une idée plus précise du monde dans lequel elle travaillera. Certaines éducations sont ainsi contraires aux bonnes moeurs. Le juge peut se reporter à une notion, certes floue, mais qui lui vient en aide pour se prononcer.

M. Philippe Bas , président . - Si nous faisions la traque aux expressions désuètes qui figurent dans le code civil et dans la jurisprudence, nous en trouverions quantité. Ainsi en est-il de celle de bon père de famille.

M. François Pillet , rapporteur . - Elle a été supprimée !

M. Philippe Bas , président . - Or ces notions ont été utiles aux juges dans bien des circonstances.

M. Pierre-Yves Collombat . - La notion de bonnes moeurs n'est pas désuète, elle est stupide !

M. Alain Marc . - Je préfèrerais qu'on parle de moeurs compatibles avec telle ou telle activité. Pourquoi parler de « bonnes » moeurs ?

M. Philippe Bas , président . - Il est bon que nous ayons des débats de fond, mais il faut savoir y mettre un terme.

M. François Pillet , rapporteur . - Je vous propose donc de rectifier mon amendement pour n'en conserver que la seconde partie.

L'amendement COM-1 rectifié bis est adopté.

M. François Pillet , rapporteur . - L'amendement COM-2 tient compte de la jurisprudence de la Cour de cassation : il ne doit pas être possible de demander réparation d'un préjudice qui serait né du fait que le contrat n'a pas été conclu.

L'amendement COM-2 est adopté.

M. François Pillet , rapporteur . - L'amendement COM-3 apporte une précision rédactionnelle : la caducité de l'offre contractuelle est évidente en cas de décès de celui qui a fait l'offre, mais elle n'est pas mentionnée en cas de décès de son destinataire. Évitons aussi de parler d'un « délai raisonnable » qui entraînera une jurisprudence interminable : je propose de fixer la durée du délai à deux mois.

M. Jacques Bigot . - Le délai de deux mois n'est-il pas trop long ? Ne pourrait-on indiquer qu'il ne peut excéder deux mois, mais que le délai raisonnable doit être inférieur ?

M. François Pillet , rapporteur . - L'avis de la chancellerie est inverse.

L'amendement COM-3 est adopté.

M. François Pillet , rapporteur . - L'amendement COM-4 a pour objet de mettre en cohérence le régime de la réticence dolosive avec celui de l'obligation d'information précontractuelle et de limiter l'abus de dépendance mentionné à l'article 1143 du code civil à la dépendance économique.

M. Philippe Bas , président . - Ce motif juridique assurera la sécurité de l'interprétation de la loi.

M. Pierre-Yves Collombat . - Je croyais que la loi prévalait sur la jurisprudence ! Pourquoi ne pas prendre en compte la dépendance psychologique ou physique ? Pourquoi ne pas élargir la notion de dépendance ?

M. François Pillet , rapporteur . - Les dépendances que vous venez d'évoquer sont prises en compte par d'autres textes. Il n'y a donc pas de difficultés.

M. Pierre-Yves Collombat . - Ce texte doit quand même avoir une portée générale.

M. Philippe Bas , président . - Je note l'opposition de M. Collombat à cet amendement.

L'amendement COM-4 est adopté.

M. François Pillet , rapporteur . - L'amendement COM-5 rectifié a pour but de remédier à des difficultés d'articulation entre les nouvelles dispositions du code civil et celles du droit des sociétés.

L'amendement COM-5 rectifié est adopté.

M. François Pillet , rapporteur . - Par coordination, je vous propose de rectifier l'amendement COM-6 rectifié pour en retrancher les bonnes moeurs. Par ailleurs, l'amendement vise les clauses non négociables déterminées à l'avance unilatéralement par l'une des parties, afin d'être cohérent avec la définition du contrat d'adhésion que nous avons précédemment adoptée. Enfin, cet amendement propose une amélioration rédactionnelle.

L'amendement COM-6 rectifié bis est adopté.

M. François Pillet , rapporteur . - L'amendement COM-7 rectifié supprime le pouvoir de révision du contrat confié au juge dans le cadre du nouveau régime de l'imprévision. Avant, l'imprévision ne pouvait être invoquée pour mettre fin à un contrat. Je pense qu'on peut admettre cette nouvelle notion, qui figure dans certains droits étrangers. Pour autant, il n'est pas satisfaisant que le juge redéfinisse les clauses du contrat, d'autant que le texte prévoit qu'il peut en décider à la demande d'une seule des deux parties. Je vous propose donc de supprimer ces pouvoirs qui me semblent excessifs, mais de maintenir la possibilité d'adapter le contrat en cas d'accord des parties ou d'y mettre fin en cas de désaccord.

M. Pierre-Yves Collombat . - Je ne suis pas convaincu.

M. Jacques Bigot . - Pourriez-vous m'en dire plus sur la deuxième partie de l'amendement, qui concerne le code monétaire et financier ?

M. François Pillet , rapporteur . - En droit financier, certains contrats sont par nature des contrats aléatoires, même s'ils ne sont pas désignés comme tels. On ne peut donc introduire la possibilité de corriger ces imprévisions alors que c'est la nature même de ces contrats financiers. Nous avons été alertés sur ce point par les milieux financiers. Au lieu de modifier l'ordonnance, nous avons prévu dans le code monétaire et financier que certaines opérations ne seraient pas soumises au nouveau régime de l'imprévision.

M. Jacques Bigot . - Tous les contrats qui comportent des notions d'imprévisibilité et d'aléas ne devraient-ils alors pas être exclus ? Il ne faudrait pas que des assureurs demandent la révision d'un contrat après un sinistre de grande ampleur qu'ils qualifieraient d'imprévisible...

M. François Pillet , rapporteur . - Le code des assurances répond à votre interrogation. En outre, il suffit de rajouter une clause dans les contrats pour indiquer que la nouvelle disposition relative à l'imprévision ne s'appliquera pas, car elle est supplétive.

Mme Brigitte Lherbier . - Cette disposition s'appliquera-t-elle dans le cas de divorce par consentement mutuel ?

M. François Pillet , rapporteur . - Excellente question qui concerne les divorces par consentement mutuel sans intervention du juge. Pour y répondre, il faut savoir quelle est la force de l'acte d'avocat. La question de sa force exécutoire pourrait se poser à l'occasion de l'examen de la proposition de loi que notre président a déposé sur le redressement de la justice. En outre, la chancellerie engage une vaste réflexion sur les chantiers de la justice, dont l'un porte sur la simplification de la procédure civile. À ce stade, je ne propose donc pas de solution, pour éviter d'interférer avec les réflexions en cours, même si le problème posé est réel.

M. Pierre-Yves Collombat . - Je ne suis pas convaincu par ces arguments. Les contrats proposés par les banques et autres organismes financiers promettent la sécurité, alors qu'il ne s'agit que de placements « casino ». Pour le moins, il faut informer des risques encourus. Dans la plupart des contrats, il s'agit d'une spéculation qui ne dit pas son nom. Je ne puis donc accepter la disposition proposée par notre rapporteur.

M. François Pillet , rapporteur . - Nous reprendrons ce débat dans l'hémicycle.

L'amendement COM-7 rectifié est adopté.

M. François Pillet , rapporteur . - Le 2° de l'amendement COM-8 rectifié apporte une précision à l'article 1221. Le 3° clarifie la rédaction de l'article 1223 du code civil relatif au pouvoir unilatéral du créancier d'une obligation de réduire le prix qu'il doit en contrepartie, lorsqu'il estime que cette obligation est imparfaitement exécutée. Pour rassurer les professionnels, je précise que la saisine du juge est ensuite toujours possible. Ainsi, lorsqu'un plombier intervient en urgence, il n'a pas le temps de présenter un devis. Si la facture est trop importante, le juge peut être saisi pour corriger l'excès. Le 1° procède à une coordination à l'article 1217 du code civil.

M. Pierre-Yves Collombat . - Je préfère la rédaction initiale : le terme « accepter » me semble préférable à celui de « décider », car un minimum de négociation est alors possible, ce qui permet d'éviter la saisine d'un juge. En la matière, la pratique est importante.

M. François Pillet , rapporteur . - Le créancier pourra toujours décider de la réduction. Mais si le débiteur refuse, il faudra alors passer par le juge. En la matière, la pratique est importante.

L'amendement COM-8 rectifié est adopté, ainsi que l'amendement COM-9 .

M. François Pillet , rapporteur . - L'amendement COM-10 est de cohérence : la réforme prévoit la rédaction d'un écrit, sans plus passer par l'huissier de justice, pour la cession de créance et la cession de contrat. Or, elle n'avait pas prévu la même disposition pour la cession de dette.

L'amendement COM-10 est adopté, ainsi que l'amendement COM-11 .

M. François Pillet , rapporteur . - L'amendement COM-12 rectifié a été élaboré en lien avec la direction du Trésor.

Mme Marie-Pierre de la Gontrie . - Nous voilà rassurés !

L'amendement COM-12 rectifié est adopté, ainsi que l'amendement COM-13 .

M. François Pillet , rapporteur . - L'amendement COM-14 précise les conditions d'application de la loi dans le temps. Les rédacteurs de l'ordonnance estiment que son article 9 est suffisamment clair, mais ce n'est pas mon avis. Un arrêt de la Cour de cassation de septembre 2017 nous laisse penser que demeure une ambiguïté. Nous vous proposons d'écrire que les contrats conclus avant le 1 er octobre 2016 demeurent intégralement soumis au droit en vigueur avant cette date. En revanche, leur renouvellement se fera sous l'empire de la nouvelle loi.

L'amendement COM-14 est adopté.

M. François Pillet , rapporteur . - Je vous propose d'approuver également le texte que je vous ai distribué et qui regroupe des propositions d'interprétation des dispositions du code civil issues de l'ordonnance. Il est nécessaire d'affirmer que nos travaux ont une certaine importance, dans l'interprétation de la volonté du législateur.

M. François-Noël Buffet , président . - Nous l'approuvons !

Le projet de loi est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

Articles additionnels après l'article unique

M. PILLET, rapporteur

1 rect. bis

Clarification de la définition du contrat de gré à gré et du contrat d'adhésion

Adopté

M. PILLET, rapporteur

2

Précision du champ du préjudice réparable en cas de faute lors des négociations précontractuelles

Adopté

M. PILLET, rapporteur

3

Caducité de l'offre contractuelle en cas de décès de son destinataire et fixation du délai de l'action interrogatoire en matière de pacte de préférence

Adopté

M. PILLET, rapporteur

4

Mise en cohérence du régime de la réticence dolosive avec celui de l'obligation d'information précontractuelle et limitation de l'abus de dépendance à la dépendance économique

Adopté

M. PILLET, rapporteur

5 rect.

Clarification des règles de capacité et de représentation pour les personnes morales et fixation du délai de l'action interrogatoire en matière de représentation

Adopté

M. PILLET, rapporteur

6 rect. bis

Faculté de résolution du contrat par le juge en cas de prix abusif dans les contrats de prestation de services sans prix défini à l'avance, précision rédactionnelle et limitation du mécanisme de sanction des clauses abusives par cohérence avec la définition du contrat d'adhésion

Adopté

M. PILLET, rapporteur

7 rect.

Suppression du pouvoir de révision du contrat par le juge dans le nouveau régime de l'imprévision et exonération des opérations sur instruments financiers de ce régime

Adopté

M. PILLET, rapporteur

8 rect.

Précisions concernant le régime de l'exécution forcée en nature du contrat et le dispositif de réduction unilatérale du prix par le créancier d'une obligation imparfaitement exécutée

Adopté

M. PILLET, rapporteur

9

Précisions concernant la possibilité de renoncer à une condition suspensive

Adopté

M. PILLET, rapporteur

10

Exigence d'un écrit pour la cession de dette

Adopté

M. PILLET, rapporteur

11

Corrections rédactionnelles

Adopté

M. PILLET, rapporteur

12 rect.

Élargissement du critère permettant le paiement en monnaie étrangère sur le territoire français

Adopté

M. PILLET, rapporteur

13

Clarification du mécanisme de la compensation

Adopté

M. PILLET, rapporteur

14

Clarification des conditions du maintien de l'application de la loi ancienne aux contrats conclus avant l'entrée en vigueur de l'ordonnance

Adopté

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Ministère de la justice

Direction des affaires civiles et du sceau

M. Thomas Andrieu , directeur

M. Guillaume Meunier , sous-directeur du droit civil

Mme Marie-Charlotte Dreux , chef du bureau du droit des obligations

Mme Clotilde Bellino , adjointe au chef du bureau du droit des obligations

M. Jean-François Le Coq , rédacteur au bureau du droit des obligations

Ministère de l'économie et des finances

Direction générale des entreprises

M. Alain Schmitt , service de la compétitivité, de l'innovation et du développement des entreprises

Mme Constance Lacheze , chef du bureau du droit des affaires à la sous-direction du droit des entreprises

M. Hugues Dobo-Lussac , adjoint de Mme Lacheze

Direction générale du trésor

Mme Alice Navarro , conseillère juridique auprès de la directrice générale

Cour de Cassation

M. Vincent Vigneau , conseiller à la 1 ère chambre civile

Conférence nationale des premiers présidents de cour d'appel

Mme Dominique Lottin , membre de la conférence, premier président de la cour d'appel de Versailles

Conférence générale des juges consulaires de France

M. Georges Richelme , président

M. Michel Thomas , vice-président, président du tribunal de commerce de Lyon

Haut comité juridique de la place financière de Paris

M. Gérard Gardella , secrétaire général

M. Alain Piétrancosta , professeur de droit à l'université

Paris I - Panthéon-Sorbonne

Me Diane Sénéchal , avocate associée chez Jones Day

Conseil national des barreaux

M. Florent Loyseau de Grandmaison , membre de la commission textes

Mme Anita Tanaskovic , juriste chargée de la commission textes

M. Gilles Pillet , expert auprès de la commission textes

Conférence nationale des bâtonniers

Mme Hélène Fontaine , vice-présidente, ancien bâtonnier de Lille

Mme Joëlle Jeglot-Brun , chargée de mission, ancien bâtonnier

d'Alès

Conseil supérieur du notariat

M. Didier Coiffard , président

Mme Christine Mandelli , chargée des relations avec les institutions

Chambre nationale des huissiers de justice

M. Patrick Sannino , président

M. Gabriele Mecarelli , directeur du département juridique

Conseil supérieur de l'ordre des experts-comptables

M. Charles-René Tandé , président

M. Jean-Yves Moreau , président de la commission des entreprises

Mme Lysiane Yvon , directrice en charge de la commission des entreprises

Chambre de commerce et d'industrie de Paris - Île-de-France

Mme Anne-Catherine Outin-Adam , directeur des politiques juridiques et économiques

Mme Dominique Moreno , responsable du pôle économie, commerce et financement des entreprises

Mouvement des entreprises de France

Mme Joëlle Simon , directrice des affaires juridiques

M. Jules Guillaud , chargé de mission à la direction des affaires publiques

M. Alain Gourio , directeur juridique de la fédération des banques françaises et président du comité droit des contrats/responsabilité civile

M. Ladislas Skura , chargé de mission à la direction droit de

l'entreprise

Association française des juristes d'entreprise

Mme Stéphanie Fougou , présidente

M. Maurice Bensadoun , administrateur et animateur du groupe de travail sur la réforme du droit des contrats

M. Anastasios Ikonomou , responsable juridique fusions acquisitions du groupe Vallourec

Avocats conseils d'entreprises

M. Grégory Mouy , président de la commission droit des sociétés

M. Jean-Louis Cocusse , chargé de mission auprès du Président

M. Emmanuel Raskin , chargé de mission auprès du Président

Fédération nationale droit du patrimoine

M. Renaud Mortier , président, professeur agrégé de droit privé à

l'université Rennes I

Mme Sophie Schiller , présidente du Comité juridique, professeur

de droit à l'université Paris Dauphine

Observatoire de la réforme du droit des contrats

M. Olivier Tournafond , président, professeur de droit privé à

l'université Paris XII

M. Joseph Vogel , vice-président, avocat au barreau de Paris (cabinet

Vogel & Vogel)

M. Patrick Gaillard , vice-président, directeur des affaires juridiques

et fiscales de la fédération des industries mécaniques, juge au

tribunal de commerce de Versailles

Personnalités qualifiées

M. Laurent Aynès , professeur agrégé de droit à l'université
Paris I - Panthéon-Sorbonne

M. Gaël Chantepie , professeur de droit privé à l'université Lille II

M. François Chénedé , professeur des universités de droit privé et sciences criminelles à l'université Jean Moulin Lyon III

M. Nicolas Dissaux , professeur de droit privé à l'université Lille II

M. Bruno Dondero , agrégé des facultés de droit, professeur à l'École de droit de la Sorbonne, université Paris I - Panthéon-Sorbonne

M. Christophe Jamin , directeur de l'École de droit de Sciences po

M. Mathias Latina , professeur agrégé de droit privé à l'université de Nice

M. Laurent Leveneur , professeur de droit privé à l'université
Paris II - Panthéon-Assas

M. Daniel Mainguy , professeur à la faculté de droit et science politique de Montpellier

M. Denis Mazeaud , professeur de droit privé à l'université
Paris II - Panthéon-Assas

M. Mustapha Mekki , professeur de droit à l'université Paris XIII - Sorbonne Paris Cité

M. Nicolas Molfessis , professeur à l'université Paris II - Panthéon-Assas

M. Philippe Stoffel-Munck , professeur à l'université Paris I - Panthéon-Sorbonne

M. François Terré , professeur émérite à l'université Paris II - Panthéon-Assas

LISTE DES CONTRIBUTIONS ÉCRITES

Tribunaux de grande instance

M. Xavier Pavageau , président du tribunal de grande instance d'Angers

M. Sébastien Gance , vice-président du tribunal de grande instance d'Argentan

M. Charles Tellier , président du tribunal de grande instance d'Aurillac

M. Matthieu Duclos , président du tribunal de grande instance d'Avesnes-sur-Helpe

M. Francis Bobille , président du tribunal de grande instance de Béthune

M. Denys Baillard , président du tribunal de grande instance de Blois

M. Renaud Le Breton de Vannoise , président du tribunal de grande instance de Bobigny

M. Philippe Delarbre , président du tribunal de grande instance de Bordeaux

M. Louis-Benoît Betermiez , président du tribunal de grande instance de Cambrai

Mme Valérie Baudrillard , présidente du tribunal de grande instance de Carpentras

M. Stéphane Noël , président du tribunal de grande instance de Créteil

M. Pascal Martin , vice-président du tribunal de grande instance de Dax

M. Alain Tessier-Flohic , premier vice-président du tribunal de grande instance de Fort-de-France

M. Hervé Dupen , président du tribunal de grande instance de Mende

Mme Odile Simode , président de la chambre civile du tribunal de grande instance d'Orléans

M. François Ancel , premier vice-président adjoint du tribunal de grande instance de Paris

Mme Carole Barral, vice- présidente en charge de la première chambre civile du tribunal de grande instance de Poitiers

M. Eric Bramat , président du tribunal de grande instance de Rodez

Mme Claire Liaud , président du tribunal de grande instance de Saintes

M. Ludovic Grüning , vice-président assurant l'intérim de la présidence du tribunal de grande instance de Sarreguemines

Mme Estelle Lamotte-Genet , présidente du tribunal de grande instance de Saumur

Mme Françoise BAYLE , vice-président du tribunal de grande instance de Toulon

Mme Catherine Jeanpierre-Cleva , présidente du tribunal de grande instance de Tours

Mme Florence Peybernes , présidente du tribunal de grande instance de Valenciennes

Mme Gwenola Joly-Coz , présidente du tribunal de grande instance de Versailles

Tribunaux de commerce

M. Jean-Luc Adda , président du tribunal de commerce d'Alençon

Mme Martine Beaurain , président du tribunal de commerce d'Amiens

M. Eric Royere , président du tribunal de commerce de Bergerac

M. Francis Griveau , président du tribunal de commerce de Bobigny

M. Michel Di Martino , président du tribunal de commerce de Lons-le-Saulnier

M. Bruno Nivière , président du tribunal de commerce de Marseille

M. Patrick Lenormant , président du tribunal de commerce de Meaux

M. Jean Gaillard , président du tribunal de commerce de Melun

M. Jean-Marcel Giuliani , président du tribunal de commerce de Nice

M. Gérard Maury , président du tribunal de commerce de Pontoise

M. Gérard Schocher , président du tribunal de commerce de Rouen

Notaires

M. Christian Haddad , notaire à Auray

M. Pierre-Yves Thuet , président de la chambre des notaires du Haut-Rhin

M. Jacques Espié , président de la chambre des notaires de l'Isère

M. Jean-Philippe Dages , notaire à Niort

M. Jean-Michel Hautebas , président du conseil régional des notaires de Paris 2 (Essonne, Seine-et-Marne et Yonne)

M. Nicolas Peyrat , président de la chambre des notaires de Saône-et-Loire

M. Marc-Humbert Regagnon , président de la chambre des notaires de Toulouse

M. Arnaud Galiber d'Auque , président de la chambre interdépartementale des notaires de Versailles (Yvelines et Val-d'Oise)

Huissiers

Mme Sylvie Pénot, présidente de la chambre départementale des huissiers de justice de Seine-Saint-Denis

M. Xavier Bariani, président de la chambre départementale des huissiers de justice des Yvelines

Avocats

Mme Hélène Farge, présidente de l'ordre des avocats au Conseil d'État et à la Cour de cassation

M. Franck Gardien, bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau d'Avignon

M. François Hourcade, bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Bayonne

M. Xavier Chantelot, bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Bonneville et des pays du Mont Blanc

Mme Laurence Usseglio, bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Bourges

M. François Caré, bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Chartres

Mme Marie-Pierre Pradeau-Izard, bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Draguignan

M. Pierre-Ann Laugery , bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau des Hauts-de-Seine

M. Stéphane Dhonte , bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Lille

M. Nicolas Gillet , avocat pour le barreau de Poitiers

M. Pascal Créhange , bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Strasbourg

M. Eric Goirand , bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Toulon

Mme Catherine Gazzeri-Rivet , bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Tours

Mme Anne-Valérie Pinet , bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Valence

Experts-comptables

M. Jean Comtois, président de l'ordre des experts-comptables de la région Bourgogne Franche-Comté

Confédération des petites et moyennes entreprises


* 1 Déposé sur le Bureau de l'Assemblée nationale le 6 juillet 2016, ce projet de loi en a été retiré par le Gouvernement le 9 juin 2017 pour être déposé le même jour sur le Bureau du Sénat.

* 2 Si la cause a disparu, les articles 1128 et 1162 du code civil en conservent les éléments distinctifs, en précisant que la validité du contrat est subordonnée à un « contenu licite et certain » et que le contrat « ne peut déroger à l'ordre public (...) par son but ».

* 3 Ces textes sont consultables à l'adresse suivante :

http://www.textes.justice.gouv.fr/textes-soumis-a-concertation-10179/projet-de-reforme-du-droit-de-la-responsabilite-civile-29782.html

* 4 Ce rapport est consultable à l'adresse suivante :

http://www.senat.fr/rap/l13-288/l13-288.html

* 5 Par exemple, le fait que cette façon de procéder avait pour effet de dissocier la réforme du droit des contrats de celle de la responsabilité contractuelle, examinée dans le cadre de la réforme ultérieure du droit de la responsabilité civile, ou qu'elle nécessitait en réalité plus de temps qu'un projet de loi ordinaire, pour une réforme présentée comme urgente.

* 6 Conseil constitutionnel, décision n° 2015-710 DC du 12 février 2015, loi relative à la modernisation et à la simplification du droit et des procédures dans les domaines de la justice et des affaires intérieures.

* 7 Cet avant-projet est consultable à l'adresse suivante :

http://www.textes.justice.gouv.fr/textes-soumis-a-concertation-10179/reforme-du-droit-des-contrats-27897.html

* 8 Le projet de loi a d'abord été déposé sur le Bureau de l'Assemblée nationale le 6 juillet 2016.

* 9 Conseil constitutionnel, décision n° 2017-751 DC du 7 septembre 2017, loi d'habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social.

* 10 Portugal, Allemagne, Pays-Bas, Espagne... sans compter le Québec.

* 11 Cette communication, publiée le 13 septembre 2001, est consultable à l'adresse suivante :

http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=CELEX:52001XC0913(02)

* 12 Ce projet, auquel a participé le professeur André Tunc, est consultable à l'adresse suivante :

http://www.eurcontrats.eu/acd2/

* 13 La première version de ces principes est consultable à l'adresse suivante :

https://www.law.kuleuven.be/personal/mstorme/PECL2fr.html

* 14 Ces principes sont consultables à l'adresse suivante :

http://www.unidroit.org/fr/instruments/contrats-du-commerce/principes-d-unidroit-2016

* 15 Rapport remis à M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice, le 22 septembre 2005. Ce texte, qui portait également sur le droit de la responsabilité civile et le droit de la prescription, est consultable à l'adresse suivante :

http://www.justice.gouv.fr/art_pix/RAPPORTCATALASEPTEMBRE2005.pdf

* 16 Pour une réforme du droit des contrats, réflexions et propositions d'un groupe de travail sous la direction de François Terré , Dalloz, 2009. Le groupe de travail mit ensuite à l'étude la réforme du droit de la responsabilité civile.

* 17 Ce rapport est consultable à l'adresse suivante :

https://www.legifrance.gouv.fr/jo_pdf.do?id=JORFTEXT000032004539

* 18 Rapport au Président de la République.

* 19 Ibid .

* 20 Voir les articles 1128 et 1162 du code civil, qui précisent que la validité du contrat est subordonnée à un « contenu licite et certain » et que le contrat « ne peut déroger à l'ordre public (...) par son but ».

* 21 Rapport au Président de la République.

* 22 Dans la présentation de son avant-projet, en 2005, Pierre Catala indiquait ainsi :

« Le droit civil est un droit d'équilibre, pareillement soucieux des intérêts en présence, sans a priori favorable à l'une ou l'autre partie. C'est à d'autres codes ou lois qu'incombe le soin de régler la balance contractuelle vers plus d'efficacité ou de sécurité, en fonction des situations juridiques en cause et de l'utilité sociale recherchée. »

* 23 Propositions d'amélioration de la rédaction des dispositions régissant le droit commun des contrats , rapport du 10 mai 2017. Ce rapport est consultable à l'adresse suivante :

https://ibfi.banque-france.fr/fileadmin/user_upload/banque_de_france/HCJP/Rapport_08_F.pdf

* 24 L'article 6 du code civil, jamais modifié, dispose qu'« on ne peut déroger, par des conventions particulières, aux lois qui intéressent l'ordre public et les bonnes moeurs ».

* 25 Cette disposition issue de l'ordonnance reprend à l'identique l'ancien article 1386-15 du code civil.

* 26 Proposition de loi (n° 641, 2016-2017) d'orientation et de programmation pour le redressement de la justice et proposition de loi organique (n° 640, 2016-2017) pour le redressement de la justice.

* 27 Voir infra le commentaire de l'article 15 du projet de loi.

* 28 Conseil constitutionnel, décision n° 98-401 DC du 10 juin 1998, loi d'orientation et d'incitation relative à la réduction du temps de travail.

* 29 Conseil constitutionnel, décision n° 2000-437 DC du 19 décembre 2000, loi de financement de la sécurité sociale pour 2001.

* 30 Conseil constitutionnel, décision n° 2002-465 DC du 13 janvier 2003, loi relative aux salaires, au temps de travail et au développement de l'emploi.

* 31 Conseil constitutionnel, décision n° 2006-543 DC du 30 novembre 2006, loi relative au secteur de l'énergie.

* 32 Conseil constitutionnel, décision n° 2012-242 QPC du 14 mai 2012, Association Temps de Vie.

* 33 Conseil constitutionnel, décision n° 2013-672 DC du 13 juin 2013, loi relative à la sécurisation de l'emploi.

* 34 Conseil constitutionnel, décision n° 2017-752 DC du 8 septembre 2017, loi pour la confiance dans la vie politique.

* 35 Ces interprétations ont été confirmées par les observations du ministère de la justice, présentées en annexe de ce document.

* 36 Ainsi, l'article 21-23 du code civil retient les bonnes moeurs dans les critères à remplir pour être naturalisé, tandis que l'article 1387 soumet le contrat de mariage à leur respect.

* 37 Article 21-23 du code civil.

* 38 Article 1387 du code civil.

* 39 « Le contrat est d'adhésion lorsque les stipulations essentielles qu'il comporte ont été imposées par l'une des parties ou rédigées par elle, pour son compte ou suivant ses instructions, et qu'elles ne pouvaient être librement discutées .

« Tout contrat qui n'est pas d'adhésion est de gré à gré. »

* 40 Voir infra le commentaire de l'article 7 du projet de loi.

* 41 Ce principe est ainsi cohérent avec l'article 1104 du code civil qui prévoit désormais, dans une « disposition [expressément mentionnée comme] d'ordre public » que « les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi », alors que dans l'état antérieur du droit ils devaient simplement être exécutés de bonne foi, conformément au troisième alinéa de l'article 1134 du code civil, en vigueur jusqu'au 30 septembre 2016.

* 42 Cour de cassation, chambre commerciale, 26 novembre 2003, n° s 00-10.243 et 00-10.949.

* 43 Selon la doctrine de la Cour de cassation, le gain manqué se distingue de la perte de chance. Le gain ou avantage manqué est un manque à gagner certain : le gain était dû et aurait dû être perçu. À l'inverse, la perte d'une chance est un manque à gagner probable (éléments publiés par la Cour de cassation dans son bulletin d'information n° 781 du 1 er mai 2013). À ce sujet, le projet de réforme de la responsabilité civile publié par le Gouvernement le 13 mars 2017 définit la perte de chance réparable comme « la disparition actuelle et certaine d'une éventualité favorable », ce préjudice devant être « mesuré à la chance perdue » et ne pouvant « être égal à l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée ».

* 44 « Le préjudice subi [en cas de rupture unilatérale des pourparlers précontractuels] n'incluait que les frais occasionnés par la négociation et les études préalables auxquelles elle avait fait procéder et non les gains [que la société demanderesse] pouvait, en cas de conclusion du contrat, espérer tirer de l'exploitation du fonds de commerce ni même la perte d'une chance d'obtenir ces gains ».

* 45 Selon ce rapport, « indemniser le profit escompté de la conclusion du contrat, même sous la forme atténuée d'une perte de chance, conduirait à donner indirectement un effet à un contrat qui n'a pas été conclu ».

* 46 Cour de cassation, 3 ème chambre civile, arrêt du 28 juin 2006, n° 04-20.040.

* 47 Les éléments du contenu du contrat peuvent être appréhendés tels qu'ils sont déterminés par les articles 1162 et suivants du code civil comme l'objet des obligations, le prix et les prestations attendues.

* 48 La qualité des parties renvoie classiquement aux caractéristiques d'une personne.

* 49 Cour de cassation, 1 ère chambre civile, 3 mai 2000, n° 98-11.381.

* 50 Cet article ne fait que s'inscrire dans le respect des règles générales de la charge de la preuve : ainsi, conformément à l'article 1353 du code civil : « celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit [en] prouver [l'existence] (...) » et, « réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qu'il a produit l'extinction de son obligation ».

* 51 Le fondement de la responsabilité sera en principe extracontractuel, sauf en présence d'aménagements conventionnels prévus entre les parties.

* 52 Conformément au deuxième alinéa de l'article 1178 du code civil, « le contrat annulé est censé n'avoir jamais existé ».

* 53 Le régime général de la caducité du contrat est par ailleurs défini à l'article 1186 du code civil, selon lequel « un contrat valablement formé devient caduc si l'un de ses éléments essentiels disparaît ».

* 54 Le pollicitant étant l'auteur de l'offre.

* 55 Une exception à ce principe est toutefois prévue par l'article 1127-1 du code civil relatif à l'offre électronique. Soit elle prévoit un délai exprès et l'offre devient caduque à l'expiration de celui-ci, soit l'offre n'en prévoit pas et l'auteur reste engagé par celle-ci « tant qu'elle est accessible par voie électronique de son fait ».

* 56 Concernant le décès de l'auteur de l'offre, cette solution revient sur la jurisprudence de la Cour de cassation selon laquelle l'offre, dès lors qu'elle comprend un délai exprès, était transmissible aux héritiers qui étaient alors liés par le délai fixé par le pollicitant décédé (Cour de cassation, 3 ème chambre civile, 10 décembre 1997, n° 95-16.461), alors qu'en l'absence de délai exprès, l'offre n'était pas transmissible aux héritiers.

* 57 Cour de cassation, 1 ère chambre civile, 5 novembre 2008, n° 07-16.505.

* 58 Qualifie un contrat conclu en considération de la personne physique ou morale avec laquelle il a été conclu. Certains auteurs indiquent ainsi que l'offre ne deviendrait caduque que si le contrat projeté était intuitu personae , pouvant en revanche être acceptée par les successeurs du défunt dans le cas contraire.

* 59 Le législateur avait déjà imposé aux professionnels une obligation de communication de leurs conditions générales de vente à l'article L. 441-6 du code de commerce, selon lequel : « Tout producteur, prestataire de services, grossiste ou importateur est tenu de communiquer ses conditions générales de vente à tout acheteur de produits ou tout demandeur de prestations de services qui en fait la demande pour une activité professionnelle ». En matière de relations entre professionnels et consommateurs, l'article R. 132-1 du code la consommation répute abusive la clause qui a pour objet ou pour effet « de constater l'adhésion du non-professionnel ou du consommateur à des clauses qui ne figurent pas dans l'écrit qu'il accepte ou qui sont reprises dans un autre document auquel il n'est pas fait expressément référence lors de la conclusion du contrat et dont il n'a pas eu connaissance avant sa conclusion ».

* 60 Cour de cassation, chambre commerciale, 11 juin 1996, n° 93-15.376 : « la clause résolutoire incluse dans des conditions générales de vente n'est opposable à l'acquéreur que s'il est établi qu'il en a eu connaissance avant de passer chaque commande constitutive d'un contrat distinct et l'a acceptée [et qu'] en se bornant à déduire cette connaissance de motifs d'ordre général tirés des pratiques des fournisseurs et des relations commerciales suivies des parties, la cour d'appel a violé les articles 1108 et 1134 du code civil. » et précédemment, Cour de cassation, 1 ère chambre civile, 3 décembre 1991, n° 89-20.856, selon lequel la signature d'un contrat comprenant la clause suivante « L'acheteur déclare avoir pris connaissance des conditions générales de vente et de garantie inscrites au verso et les accepter dans toutes leur teneur » valait adhésion au contenu des conditions générales.

* 61 De nombreux arrêts de la Cour de cassation ont ainsi sanctionné des clauses illisibles en raison de la taille de leur police de caractère, par exemple Cour de cassation, chambre commerciale, 27 novembre 2007, n° 06-16.523.

* 62 Cour de cassation, 1 ère chambre civile, 28 mars 1995, n° 93-13.237 : « au cas où coexistent des clauses attributives de juridiction qui se contredisent ou sont inconciliables, il y a lieu de faire application des règles de compétence de droit commun. »

* 63 Cour de cassation, 1 ère chambre civile, 9 février 1999, n° 96-19.538, selon lequel « les conditions particulières [doivent] prévaloir sur les conditions générales ».

* 64 À titre d'exemple, l'article L. 441-6 du code de commerce qui régit les relations entre acheteur et vendeur en matière commerciale et dispose que « Les conditions générales de vente constituent le socle unique de la négociation commerciale ».

* 65 « Le contrat d'adhésion est celui dont les conditions générales, soustraites à la négociation, sont déterminées à l'avance par l'une des parties. »

* 66 Celui qui est l'auteur du pacte de préférence.

* 67 Cour de cassation, 1 ère chambre civile, 6 juin 2001, n° 98-20.673 et plus récemment, Cour de cassation, 3 ème chambre civile, 15 janvier 2003, n° 01-03.700.

* 68 Même si la jurisprudence est attentive à prévoir des garanties en appréciant par exemple, que la validité d'un pacte de préférence de longue durée assortie d'un prix fixe ne porte pas une atteinte injustifiée au droit de propriété du promettant (Cour de cassation, 3 ème chambre civile, arrêt du 23 septembre 2009, n° 08-18.187).

* 69 Soit par la conclusion d'un contrat par le promettant avec un tiers aux mêmes conditions que celles du pacte et sans l'avoir préalablement proposé au bénéficiaire, soit à des conditions plus favorables que celles proposées au bénéficiaire.

* 70 L'article 1123 du code civil consacre aussi une jurisprudence selon laquelle, « si le bénéficiaire d'un pacte de préférence est en droit d'exiger l'annulation du contrat passé avec un tiers en méconnaissance de ses droits et d'obtenir sa substitution à l'acquéreur, c'est à la condition que ce tiers ait eu connaissance, lorsqu'il a contracté, de l'existence du pacte de préférence et de l'intention du bénéficiaire de s'en prévaloir » (Cour de cassation, chambre mixte, 26 mai 2006, n°03-19.376).

* 71 Respectivement prévues aux articles 1158 et 1183 du code civil.

* 72 Article 9 de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations.

* 73 Mais pas nécessairement l'intention du bénéficiaire de s'en prévaloir.

* 74 Articles 1210 et suivants du code civil

* 75 La promesse synallagmatique se confond le plus souvent avec le contrat lui-même puisque, si le contrat est consensuel, ce qui est le principe, l'accord des volontés sur les éléments essentiels suffit en effet à former le contrat. Dans un système consensualiste, la promesse synallagmatique de contrat n'est donc rien d'autre que le contrat lui-même, éventuellement affecté d'un terme, d'une condition ou d'un autre type de délai. La distinction entre promesse synallagmatique et contrat définitif n'est effective que lorsque la conclusion du contrat nécessite l'accomplissement de certaines formalités. Le plus souvent néanmoins l'exigence de réitération devant notaire est interprétée par la jurisprudence comme une simple modalité d'exécution du contrat, ce dernier ayant été formé par l'accord des parties sur les éléments essentiels. Par ailleurs, bien souvent, ce qui est intitulé promesse synallagmatique de vente s'analyse en réalité en une vente sous condition suspensive.

* 76 L'article 1589 du code civil sur la vente affirme d'ailleurs que la promesse de vente vaut vente.

* 77 Certains auteurs ont pu émettre des doutes sur la constitutionnalité de l'article 1124 évoquant la consécration d'une forme de conclusion forcée du contrat. Toutefois, il semble que, dès lors que le promettant a donné dans la promesse son consentement au contrat envisagé, le fait qu'il ait ultérieurement changé d'avis est inopérant, ce qui est conforme au principe de la force obligatoire des contrats. Par la promesse, le promettant émet un consentement définitif à la conclusion du contrat projeté, il est donc logique qu'il soit tenu à l'exécution de ce contrat si le bénéficiaire lève l'option.

* 78 Cour de cassation, 3 ème chambre civile, 15 décembre 1993, n° 91-10.199.

* 79 Cet article se substitue à l'article 1109 du code civil en vigueur jusqu'au 30 septembre 2016, qui disposait qu'« il n'y a point de consentement valable si le consentement n'a été donné que par erreur ou s'il a été extorqué par violence ou surpris par dol », sans toutefois que cette rédaction ait une véritable portée normative.

* 80 La nullité relative est définie au second alinéa de l'article 1179 du code civil qui dispose que la nullité « est relative lorsque la règle violée a pour seul objet la sauvegarde d'un intérêt privé ». En conséquence, et conformément à l'article 1181 du code civil : « la nullité relative ne peut être demandée que par la partie que la loi entend protéger ».

* 81 Ainsi, l'article 1130 du code civil assimile le dol sans lequel une partie aurait contracté à des conditions substantiellement différentes au dol principal, sans lequel le contrat n'aurait pas été conclu. Celui-ci peut être assimilé à une déclinaison du dol principal davantage qu'à un dol incident.

* 82 Par excusable, il faut entendre l'erreur commise par une partie au contrat qui, malgré la diligence raisonnable dont elle a fait preuve, n'a pas pu l'éviter.

* 83 L'erreur de fait est constituée, à titre d'illustration, lorsqu'une oeuvre présentée comme attribuée à un artiste ne l'est pas et que seules des analyses techniques ont pu le déterminer (Cour de cassation, 1 ère chambre civile, 10 juillet 2013, n° 12-23.773).

* 84 L'erreur de droit a été reconnue par la Cour de cassation dans un arrêt de la chambre civile du 17 novembre 1930 qui a jugé qu'il y avait erreur sur la substance du contrat, notamment quand le consentement de l'une des parties a été déterminé par l'idée fausse que cette partie avait de la nature des droits dont elle croyait se séparer ou acquérir par les effets du contrat. Dans un arrêt plus récent (Cour de cassation, 1 ère chambre civile, 27 juin 2006, n° 05-13.337), la Cour de cassation a restreint l'admission de l'erreur de droit : ne peut en effet être invoquée comme tel une décision judiciaire rendue entre deux parties.

* 85 Cour de cassation, 3 ème chambre civile, 15 janvier 1971, n°69-12.180.

* 86 Cour de cassation, 1 ère chambre civile, 3 mai 2000, n° 98-11.381.

* 87 Cour de cassation, chambre commerciale, 1 er avril 1952, d. 1952, 380 et 685, et plus récemment, Cour de cassation, chambre commerciale, 22 juillet 1986, n° 85-12.392.

* 88 Le nouvel article 1138 n'empêchera pas cette jurisprudence propre aux actes à titre gratuit, dégagée malgré la lettre de l'ancien article 1116 du code civil (visant le dol émanant uniquement de l'autre partie), de subsister.

* 89 Cour de cassation, 3 ème chambre civile, 21 février 2001, n° 98-20.817.

* 90 Cour de cassation, 1 ère chambre civile, 30 mai 2000, n° 98-15.242 : « la contrainte économique se rattache à la violence et non à la lésion ».

* 91 Cour de cassation, 1 ère chambre civile, 3 avril 2002, n° 00-12.932.

* 92 Rapport au Président de la République relatif à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, p. 9.

Ce rapport est consultable au lien suivant : https://www.legifrance.gouv.fr/jo_pdf.do?id=JORFTEXT000032004539

* 93 Tout comme le dol, la violence ne constitue pas elle-même le vice du consentement mais la cause d'un tel vice, puisqu'elle conduit à l'erreur de la victime.

* 94 « Indépendamment de l'annulation du contrat, la partie lésée peut demander réparation du dommage subi dans les conditions du droit commun de la responsabilité extracontractuelle. »

* 95 Le texte de l'article 1143, comme tous les textes relatifs aux vices du consentement, ne contient aucune limitation expresse aux contrats synallagmatiques. Il a vocation à s'appliquer à tous les types de contrat.

* 96 Il existe également des règles précisant les conditions dans lesquelles la société peut être engagée vis-à-vis des tiers pour des actes conclus au-delà de son objet. Voir notamment les articles L. 221-5, L. 223-18 et L. 225-35 du code de commerce.

* 97 Articles L. 223-19, L. 225-38, L. 225-86, L. 226-10 et L. 227-10 du code de commerce.

* 98 Article L. 612-5 du code de commerce.

* 99 Il est loisible aux statuts d'une société dont la forme ne comprend pas de conventions réglementées, par exemple une société civile ordinaire, de prévoir une telle procédure ou de faire application d'une procédure déjà prévue dans le code de commerce.

* 100 Voir par exemple les articles 383, 387-1 ou encore 508 du code civil.

* 101 Article 1779 du code civil. Ce contrat porte concrètement sur l'engagement, contre rémunération, à exécuter un ouvrage matériel déterminé ou à fournir une prestation donnée. La partie qui s'engage s'appelle communément l'entrepreneur et son client le maître de l'ouvrage.

* 102 Voir notamment Cour de cassation, assemblée plénière, 1 er décembre 1995, n° 93-13.688. Cet arrêt admet implicitement la résiliation du contrat de même que l'indemnisation.

* 103 Voir par exemple les articles 1188, 1197 et 1218 du code civil.

* 104 Cour de cassation, chambre commerciale, 22 octobre 1996, n° 93-18.632.

* 105 Cour de cassation, chambre commerciale, 29 juin 2010, n° 09-11.841.

* 106 Voir par exemple cour d'appel de Paris, 7 juin 2013, n° 11-08.674.

* 107 C'est notamment le cas pour les locaux loués dans les centres commerciaux.

* 108 Voir notamment les arrêts suivants : Cour de cassation, chambre commerciale, 3 novembre 1992, n° 90-18.547, Cour de cassation, chambre commerciale, 24 novembre 1998, n° 96-18.357, et Cour de cassation, 1 ère chambre civile, 16 mars 2004, n° 01-15.804.

* 109 L'article 6.2.2 des principes Unidroit relatifs aux contrats du commerce international donne la définition suivante de la notion de « hardship »: « il y a hardship lorsque surviennent des évènements qui altèrent fondamentalement l'équilibre des prestations, soit que le coût de l'exécution des obligations ait augmenté, soit que la valeur de la contre-prestation ait diminué, et a) que ces évènements sont survenus ou ont été connus de la partie lésée après la conclusion du contrat ; b) que la partie lésée n'a pu, lors de la conclusion du contrat, raisonnablement prendre de tels évènements en considération ; c) que ces évènements échappent au contrôle de la partie lésée ; et d) que le risque de ces évènements n'a pas été assumé par la partie lésée ».

* 110 Conseil d'État, 30 mars 1916, compagnie générale d'éclairage de Bordeaux, et Conseil d'État, 9 décembre 1932, compagnie des tramways de Cherbourg : pour justifier la révision pour imprévision, le bouleversement du contrat doit être dû à un événement imprévisible, extérieur aux parties et ne présenter qu'un caractère temporaire, car si le déséquilibre est définitif, il y a lieu de résilier le contrat.

* 111 « Le contrat à exécution successive est celui dont les obligations d'au moins une partie s'exécutent en plusieurs prestations échelonnées dans le temps. »

* 112 « Dans les contrats à exécution successive ou échelonnée, les parties peuvent s'engager à négocier une modification de leur convention pour le cas où il adviendrait que, par l'effet des circonstances, l'équilibre initial des prestations réciproques fût perturbé au point que le contrat perde tout intérêt pour l'une d'entre elles. »

* 113 « Il y a force majeure en matière contractuelle lorsqu'un événement échappant au contrôle du débiteur, qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées, empêche l'exécution de son obligation par le débiteur. Si l'empêchement est temporaire, l'exécution de l'obligation est suspendue à moins que le retard qui en résulterait ne justifie la résolution du contrat. Si l'empêchement est définitif, le contrat est résolu de plein droit et les parties sont libérées de leurs obligations dans les conditions prévues aux articles 1351 et 1351-1. »

* 114 « Les contrats ne peuvent être modifiés ou révoqués que du consentement mutuel des parties, ou pour les causes que la loi autorise. »

* 115 Le mécanisme de révision judiciaire du contrat à l'initiative de l'une des parties n'apparaissait pas dans l'avant-projet publié par la chancellerie et soumis à la consultation du public en 2015, mais se rapproche plutôt de l'article 92 proposé par l'« avant-projet Terré » :

« Les parties sont tenues de remplir leurs obligations même si l'exécution de celles-ci est devenue plus onéreuse. Cependant, les parties doivent renégocier le contrat en vue de l'adapter ou d'y mettre fin lorsque l'exécution devient excessivement onéreuse pour l'une d'elles par suite d'un changement imprévisible des circonstances et qu'elle n'a pas accepté d'en assumer le risque lors de la conclusion du contrat. En l'absence d'accord des parties dans un délai raisonnable, le juge peut adapter le contrat en considération des attentes légitimes des parties ou y mettre fin à la date et aux conditions qu'il fixe. »

* 116 Il convient néanmoins de rappeler que le législateur ne méconnaît aucune règle non plus qu'aucun principe d'ordre constitutionnel s'il décide de ratifier une ordonnance qui aurait excédé le champ de l'habilitation initiale, car la limitation en résultant ne lui est pas opposable au stade de la ratification.

* 117 « Les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits. »

* 118 « Chacun est libre de contracter ou de ne pas contracter, de choisir son cocontractant et de déterminer le contenu et la forme du contrat dans les limites fixées par la loi. »

* 119 Conseil constitutionnel, décision n° 2012-242 QPC du 14 mai 2012, Association Temps de vie .

* 120 Conseil constitutionnel, décision n° 2017-752 DC du 8 septembre 2017, loi pour la confiance dans la vie publique.

* 121 Toujours au titre de l'exécution forcée en nature, le créancier peut également, en application de l'article 1222, à certaines conditions, faire exécuter l'obligation par un tiers ou faire détruire ce qui a été fait en violation de celle-ci, aux frais du débiteur.

* 122 Énoncé à l'ancien article 1134 et partiellement repris à l'article 1103.

* 123 Cour de cassation, 3 ème chambre civile, 11 mai 2005, n° 03-21.136.

* 124 Cour de cassation, 3 ème chambre civile, 16 juin 2015, n° 14-14.612.

* 125 Cour de cassation, 3 ème chambre civile, 15 octobre 2015, n° 14-23.612.

* 126 Propositions d'amélioration de la rédaction des dispositions régissant le droit commun des contrats , rapport du 10 mai 2017, p. 35. Ce rapport est consultable à l'adresse suivante : https://ibfi.banque-france.fr/fileadmin/user_upload/banque_de_france/HCJP/Rapport_08_F.pdf

* 127 Certaines opérations de change qui n'impliquent pas de flux transfrontaliers, les crédits immobiliers à certaines conditions fixées par le code de la consommation, les prêts régis par la loi n° 2013-672 du 26 juillet 2013 de séparation et de régulation des activités bancaires...

* 128 Cour de cassation, 1 ère chambre civile, 11 octobre 1989, n° 87-16.341 : les juges du fond doivent rechercher si le contrat « devait donner lieu à un paiement international, ou, à tout le moins, s'il était destiné à financer une opération de commerce international ».

* 129 Troisième et quatrième alinéas de l'article 1123 et articles 1158 et 1183. En outre, toute instance introduite avant l'entrée en vigueur de l'ordonnance doit être poursuivie et jugée « conformément à la loi ancienne ».

* 130 Rapport annuel de la Cour de cassation pour 2014, Le temps dans la jurisprudence de la Cour de cassation , pages 328 et suivantes. Ce rapport est consultable à l'adresse suivante :

https://www.courdecassation.fr/publications_26/rapport_annuel_36/rapport_2014_7040/

* 131 Ibid.

* 132 Ibid.

* 133 Cour de cassation, avis, 16 février 2015, n° 14-70.011.

* 134 Cour de cassation, 3 ème chambre civile, 17 novembre 2016, n° 15-24.552.

* 135 Voir par exemple Cour de cassation, 3 ème chambre civile, 8 février 1989, n° 87-18.046.

* 136 Article 14 de la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové.

* 137 Cour de cassation, 3 ème chambre civile, 9 février 2017, n° 16-10.350.

* 138 Cour de cassation, chambre mixte, 24 février 2017, 15-20.411.

* 139 Disposant que « la nullité est absolue lorsque la règle violée a pour objet la sauvegarde de l'intérêt général » et qu'elle est « relative lorsque la règle violée a pour seul objet la sauvegarde d'un intérêt privé », l'article 1179 du code civil n'a fait que consacrer une distinction jurisprudentielle fondée sur la nature de l'intérêt protégé.

* 140 Cour de cassation, chambre sociale, 21 septembre 2017, n° 16-20.103.

* 141 Article 1171 du code civil.

* 142 Article 1195 du code civil.

* 143 Voir supra la présentation de cette jurisprudence dans l'exposé général.

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