EXAMEN EN COMMISSION

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(MERCREDI 13 FÉVRIER 2019)

M. André Reichardt , rapporteur . - La proposition de loi sur le démarchage téléphonique et les appels frauduleux a été adoptée par l'Assemblée nationale le 6 décembre dernier. Elle était présentée par notre collègue député Christophe Naegelen et plusieurs de ses collègues.

Le démarchage téléphonique, ou prospection commerciale, se définit comme la prise de contact par téléphone avec un consommateur en vue de conclure un contrat portant sur la vente d'un bien ou sur la fourniture d'un service. Le droit en vigueur est fondé sur le principe de l' opt out , le consentement préalable du consommateur à faire l'objet de prospection commerciale n'étant pas exigé. L' opt in exige à l'inverse ce consentement préalable.

Un dispositif novateur issu de la loi du 17 mars 2014 relative à la consommation permet au consommateur de s'inscrire gratuitement sur une liste d'opposition au démarchage téléphonique, s'il ne souhaite pas faire l'objet de prospection commerciale. Il est interdit à un professionnel de démarcher un consommateur qui se serait inscrit sur cette liste. Tout manquement est passible de sanctions administratives ne pouvant excéder 15 000 euros pour une personne physique et 75 000 euros pour une personne morale. Plusieurs exceptions à ce principe sont prévues : en cas de relations contractuelles préexistantes entre le professionnel et le consommateur, pour la presse, pour les activités des associations à but non lucratif ou les instituts de sondages notamment.

La gestion de la liste d'opposition au démarchage téléphonique, Bloctel, est assurée par Opposetel, délégataire de service public désigné pour cinq ans, jusqu'en 2021. Plus de 4 millions de consommateurs sont inscrits sur cette liste. Pour le consommateur, l'inscription s'exerce sans préjudice de son droit de s'opposer à tout moment et sans frais au traitement de ses données à caractère personnel. Le nouveau règlement général sur la protection des données (RGPD) ne remet d'ailleurs pas en cause la possibilité pour les États d'opter pour un système d'opposition a posteriori en matière de démarchage téléphonique. Le droit de l'Union européenne n'impose en effet le consentement préalable du consommateur que pour la prospection commerciale automatisée, c'est-à-dire les courriels, mails, sms ou télécopies.

Le secteur économique du démarchage téléphonique représente un facteur de développement des entreprises et un nombre non négligeable d'emplois en France. Selon des chiffres jugés crédibles par les services du ministère de l'économie, le syndicat professionnel des centres de contacts, qui regroupe les principaux acteurs du marché, estime que 56 000 emplois directs seraient concernés. La fourchette est largement supérieure si l'on prend en compte les emplois indirects ou induits.

Mis en oeuvre depuis 2016, le système d'opposition au démarchage téléphonique tarde à faire ses preuves et l'exaspération légitime des consommateurs est croissante. Près de 1,4 millions de réclamations auraient été déposées par 280 000 consommateurs depuis la création de Bloctel. Plusieurs facteurs expliquent cette situation, dont le non-respect par de nombreuses entreprises de leur obligation réglementaire de mise en conformité de leurs fichiers de démarchage téléphonique avec la liste d'opposition au démarchage téléphonique auprès d'Opposetel, la faiblesse du montant des sanctions encourues, et la rareté des contrôles opérés par la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) dont les effectifs ont fortement décru au cours des dernières années.

M. Pierre-Yves Collombat . - Oui, la DGCCRF est particulièrement concernée !

M. André Reichardt , rapporteur . - On constate aussi la recrudescence des pratiques frauduleuses qui n'entrent pas dans le champ du démarchage téléphonique stricto sensu , mais sont perçues comme telles par les consommateurs. Elles consistent à inciter un consommateur à appeler un numéro surtaxé, sans qu'aucun produit ou service réel ne soit mis à sa disposition. À cet égard, près de 41 % des réclamations concernent en réalité des fraudes aux numéros surtaxés.

La proposition de loi telle qu'elle a été adoptée par l'Assemblée nationale conforte le système de l' opt out en matière de démarchage téléphonique, alors que le Sénat avait marqué sa préférence en 2013 pour le système de l' opt in fondé sur le consentement préalable du consommateur à être démarché téléphoniquement. Au terme d'un examen approfondi, j'ai été convaincu qu'il fallait conforter l' opt out .

M. Pierre-Yves Collombat . - Nous voilà rassurés !

M. André Reichardt , rapporteur . - Proposer l' opt in , dans le contexte actuel, reviendrait peu ou prou à faire disparaître le secteur du démarchage téléphonique. Or, compte tenu des enjeux en matière d'emploi, ce n'est pas ma volonté. Pour autant, j'estime urgent de renforcer l'efficacité du dispositif d'opposition au démarchage téléphonique, compte tenu de l'exaspération réelle et légitime des consommateurs. Dès lors, je vous propose, tout en approuvant globalement l'esprit de la proposition de loi, de la modifier selon trois axes.

Il faudra tout d'abord rendre l' opt out plus efficace sans déstabiliser le secteur du démarchage téléphonique. À cet effet, l'article 1 er bis de la proposition de loi consacre dans la loi l'obligation pour tout professionnel qui fait du démarchage téléphonique de saisir l'organisme à qui est confiée la gestion du dispositif « aux fins de s'assurer de la conformité de ses fichiers de prospection commerciale avec la liste d'opposition au démarchage téléphonique ». La mesure n'était que de niveau réglementaire jusqu'à présent, et non sanctionnée. La méconnaissance de cette obligation serait désormais passible d'une amende administrative dont le montant serait par ailleurs renforcé. J'y suis favorable et je vous proposerai de préciser que le professionnel auquel incombe l'obligation de vérifier ses fichiers de prospection commerciale peut mandater un tiers agissant pour son compte aux fins d'y pourvoir, ce qui semble plus solide juridiquement.

Je vous propose également d'approuver l'obligation faite au professionnel d'informer le consommateur de son droit de s'inscrire gratuitement sur la liste d'opposition au démarchage téléphonique lors d'un appel de prospection commerciale prévue à l'article 1 er de la proposition de loi.

Je suis aussi favorable à l'alourdissement des sanctions opéré aux articles 2 ter , 2 quater , 3 et 4 de la proposition de loi qui renforce leur caractère dissuasif. Les sanctions seraient ainsi relevées à hauteur de 75 000 euros pour une personne physique et 375 000 euros pour une personne morale.

Je vous propose toutefois un amendement portant article additionnel, afin de rétablir des règles plafonnant, d'une part, les sanctions administratives en cas de manquements en concours et, d'autre part, le cumul d'une amende administrative et d'une sanction pénale en cas de sanctions infligées à raison des mêmes faits, afin d'assurer la conformité à la Constitution du dispositif.

Dans le même esprit, je vous propose d'approuver les dispositions de l'article 8 de la proposition de loi qui rendent systématique la publication des sanctions administratives prononcées par la DGCCRF en cas de manquement au régime encadrant l'opposition au démarchage téléphonique, sauf exceptions.

Je vous proposerai toutefois un amendement pour supprimer la précision selon laquelle une sanction pourrait ne pas être publiée « notamment » lorsqu'elle est infligée à une personne physique. Cette précision n'a aucune valeur ajoutée, puisque l'administration pourra décider de faire exception au principe de la publication d'une sanction tant pour une personne physique que morale, en appréciant chaque situation individuelle.

Je suis en revanche fermement opposé aux dispositions prévues à l'article 5 de la proposition de loi qui tendent à restreindre le champ de l'exception contractuelle aux contrats en cours d'exécution et qui ont un rapport direct avec l'objet dudit contrat. Le droit en vigueur dispose que le professionnel peut contacter un consommateur avec qui il a des « relations contractuelles préexistantes ». Je considère que cette notion doit être interprétée comme concernant les contrats déjà exécutés ou en cours d'exécution.

Je suis, en outre, défavorable aux restrictions proposées dans le texte, car elles pourraient avoir des conséquences préjudiciables sur l'emploi. Le consommateur bénéficie d'ailleurs toujours de son droit d'opposition au traitement de ses données à caractère personnel, dont le non-respect est désormais lourdement sanctionné par le RGPD. Je vous proposerai donc un amendement supprimant cet article pour en rester au droit en vigueur.

Il faut aussi renforcer la transparence et la déontologie du secteur du démarchage téléphonique. L'article 1 er bis de la proposition de loi impose le respect d'une charte aux professionnels du démarchage téléphonique, ce qui peut prêter à confusion, une charte étant par nature un instrument juridique non contraignant. Je vous proposerai un amendement qui impose à ce même professionnel le respect de normes déontologiques, dont la définition serait renvoyée à un décret, pris après consultation du Conseil national de la consommation. Il s'agit ici d'encourager la mise en place d'un code de déontologie propre au secteur du démarchage téléphonique.

En second lieu, suivant la position traditionnelle de la commission des lois du Sénat, je vous propose de supprimer la demande de rapport au Gouvernement que prévoit l'article 2 de la proposition de loi. Je rejoins toutefois nos collègues députés dans leurs intentions : il est nécessaire de disposer de davantage d'informations sur l'activité de l'organisme gérant la liste d'opposition au démarchage téléphonique. Je vous proposerai donc un amendement tendant à lui imposer de rendre accessible en open data les données essentielles de son activité, dans des conditions fixées par le pouvoir réglementaire après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL).

Enfin, il faut assurer la clarté et la sécurité juridique des outils permettant de lutter contre les pratiques frauduleuses. Je suis globalement favorable à la philosophie des articles 6 et 7 de la proposition de loi visant à lutter contre les pratiques frauduleuses. L'article 6 définit les conditions dans lesquelles les opérateurs de communications électroniques exploitant un numéro affecté à un service à valeur ajoutée doivent suspendre ou résilier le contrat avec un éditeur frauduleux, sous peine de sanction administrative. Il permet aussi aux fournisseurs d'un service téléphonique au public, en lien direct avec le consommateur, de suspendre l'accès à un numéro frauduleux, en l'absence d'action de l'opérateur, pour éviter aux consommateurs de continuer à appeler un numéro connu comme frauduleux.

Sans remettre en cause les objectifs de cet article je vous proposerai un amendement de réécriture globale assurant la clarté et la sécurité juridique de ces outils.

Enfin, je vous propose d'adopter l'article 7 sans modifications : il permet à la DGCCRF de saisir l'autorité judiciaire pour prendre des mesures d'urgence visant à prévenir ou faire cesser un dommage causé par un service à valeur ajoutée.

Cette proposition de loi va dans le bon sens, même si certaines associations de consommateurs auraient souhaité aller plus loin en passant à l' opt in . Pour autant, l'efficacité du système de l' opt out ne dépend pas entièrement de la loi. Il faut notamment aussi renforcer les contrôles de la DGCCRF, et mieux évaluer la gestion de la liste Bloctel par le délégataire.

Enfin, je regrette que l'avis du groupe de travail du Conseil national de la consommation mis en place par la ministre sur ce sujet au mois de juin 2018 n'ait pas été rendu public avant la discussion de ce texte. Cela eût été un élément utile au débat ! Pour l'ensemble de ces raisons, je vous propose d'adopter la proposition de loi ainsi modifiée.

M. Philippe Bas , président . - Je remercie le rapporteur pour son examen approfondi du texte et des exigences de régulation d'un secteur difficile à appréhender. D'un côté, on recense chaque année 4 millions de consommateurs indisposés par une forme de harcèlement téléphonique qui se répète jour après jour. De l'autre, le sujet concerne un secteur d'activité qui emploie 56 000 personnes sans être immoral, ni illicite. Comment préserver ce secteur tout en prenant en compte les exigences des consommateurs ? C'est très difficile, car une partie du secteur échappe déjà aux régulations qui existent. Plus on régule, plus on risque d'inciter les entreprises du secteur à entrer dans cette économie souterraine, très attractive pour le démarchage téléphonique. En outre, il est clair que le législateur n'a pas une prise totale sur la dynamique économique enclenchée. Le rapporteur fait le pari que la mesure d' opt in tuerait le démarchage téléphonique. Soucieux de respecter les grands principes issus de la Révolution française, parmi lesquels la liberté du commerce et de l'industrie qui permet d'assurer l'emploi...

M. Pierre-Yves Collombat . - Tout est dit !

M. Philippe Bas , président . - ... notre rapporteur nous recommande de donner une chance à la régulation plutôt que condamner à mort un secteur d'activité porteur d'emploi. Il nous offre la possibilité de renforcer les sanctions en précisant que la DGCCRF doit avoir les moyens d'assurer les contrôles et de prononcer, le cas échéant, ces sanctions. La démarche du rapporteur me semble la seule viable, car si on choisit l' opt in , les plateformes seront délocalisées à l'étranger et le démarchage téléphonique continuera.

M. François Bonhomme . - Loin de moi l'idée de brider la liberté du commerce. Cependant, ce n'est pas la première fois que l'on tente d'encadrer des pratiques commerciales frauduleuses ou abusives. D'une part, le secteur d'activité dont nous traitons représente beaucoup d'emplois. D'autre part, on ne cesse d'entendre les récriminations des consommateurs, harcelés à leur domicile entre midi et quatorze heures. Il faut aussi préciser qu'il faut disposer d'Internet pour s'inscrire sur Bloctel, de sorte que le dispositif n'a eu qu'un succès relatif. Quant aux sanctions, elles sont limitées, puisqu'une centaine d'entre elles seulement ont été effectives. Les moyens de la DGCCRF sont sans doute en cause. La liste d'opposition au démarchage téléphonique comporte des exceptions, notamment pour la presse. Pourquoi ce domaine sort-il du champ d'interdiction ? Idem pour les sondages. Est-ce parce qu'ils participent à la démocratie ? Enfin, cette proposition de loi sera-t-elle un facteur de régulation efficace ?

Mme Brigitte Lherbier . - Nous avons tous été témoins de l'exaspération de nos concitoyens face au démarchage téléphonique. Il suffit de se mettre à table le samedi midi pour que le téléphone sonne... Les personnes les plus touchées sont les personnes âgées. Elles finissent par ne plus décrocher le téléphone, ce qui ne manque pas de créer des tensions, car leur famille ne peut plus les joindre. D'autres personnes sont vulnérables, comme les chômeurs de longue durée, souvent présents à leur domicile. Les commissions de surendettement déplorent la quantité d'objets complètement inutiles que ces personnes finissent par acheter sous la pression de démarcheurs téléphoniques dénués de toute déontologie. Il est aussi important de protéger ces personnes que les jeunes qui font des remplacements téléphoniques en guise de jobs d'été.

Quoi qu'il en soit, l'économie s'adapte et on trouvera toujours les moyens de faire de la publicité. Un code de déontologie serait une bonne solution ; encore faut-il qu'il soit respecté. Peut-être faudrait-il renforcer les sanctions ou bien encore développer les techniques de blocage téléphonique.

M. Pierre-Yves Collombat . - Le démarchage téléphonique est une véritable plaie, mais je reste un optimiste résolu. L'argument des emplois est curieux. Dirait-on qu'il ne faut pas tuer les moustiques parce que toute une industrie vit de la démoustication ? Selon le Conseil d'État, l'intérêt général passe par le respect de la concurrence. Par conséquent, je ne me fais aucune illusion. La DGCCRF a perdu 30 % de ses effectifs en moins de 10 ans, alors qu'ils n'étaient déjà pas pléthoriques. Faisons comme d'habitude : puisque ces choses nous échappent, nous feindrons de les guider. Les correctifs du rapporteur me conviennent même si tout cela n'est que gesticulation. En matière financière, tous les problèmes de régulation aboutissent à créer des zones noires, le shadow banking , notamment. Faut-il donc ne pas réguler ? Ou bien au contraire donner davantage de poids aux mesures de régulation qui ne sont pas appliquées ? Ce sera donc un prix d'honneur pour la proposition de notre rapporteur !

M. Jean Louis Masson . - La philosophie du rapporteur est pertinente. Cependant, Bloctel ne fonctionne absolument pas, et je ne suis pas certain que les propositions qui nous sont faites seront plus efficaces. On nous dit que le démarchage téléphonique ferait perdre des emplois. Or beaucoup de ces emplois se situent dans des pays exotiques et ceux qui effectuent le démarchage semblent bien souvent ne pas être des ressortissants français. Ne pourrait-on pas mettre en place des mesures plus dissuasives, sans pour autant sombrer dans l'excès ? Évitons une réforme de plus dont tout le monde se moquerait.

Mme Sophie Joissains . - Ce texte est important car il traite d'un sujet de société. Le démarchage téléphonique exaspère tout le monde et chacun le redoute dès que le téléphone sonne. La proposition de loi a été adoptée à l'unanimité par la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale, puis en séance. Soutenons ce texte. La prochaine niche du groupe UDI à l'Assemblée nationale n'intervenant qu'en décembre prochain, mieux vaudrait écourter la navette, dans l'intérêt des consommateurs.

Mme Françoise Gatel . - Je remercie le rapporteur pour son travail sur un sujet compliqué. Je remercie aussi le président Bas d'avoir éveillé ma conscience sur l'origine révolutionnaire du démarchage téléphonique... Ce démarchage est un vrai fléau qui s'apparente au harcèlement, surtout quand il prend pour cibles des personnes fragiles et âgées. Le rapporteur a pointé avec raison la difficulté de mettre en oeuvre la législation, sans doute par manque de moyens. Cependant, le problème doit aussi être pesé à l'aune de la perturbation, de la gêne et de la manipulation dont sont victimes les plus fragiles. C'est un chemin de crête : faut-il ne rien faire ou bien avancer ? Quoi qu'il en soit, la proposition de loi sort d'une niche UDI. Veillons à ce que la réflexion législative avance pour répondre à la lassitude et à la peur de nos concitoyens. Laissons le texte poursuivre son chemin.

M. Loïc Hervé . - Je n'ai pas trouvé de référence expresse au démarchage téléphonique dans la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen... Sans doute rattachiez-vous cette référence au principe de la liberté de commerce et d'industrie ?

M. Philippe Bas . - Oui, c'est ce que j'avais voulu évoquer.

M. Loïc Hervé . - Même si nos fonctions nous laissent rarement le loisir d'être à la maison à midi, nous savons bien que le démarchage téléphonique est une difficulté à laquelle nos concitoyens se heurtent régulièrement. Pour siéger à la CNIL depuis quatre ans, j'ai constaté que les opérateurs téléphoniques ne connaissaient pas bien la loi, pas même le RGPD, ni la loi de 1978. Faites-en l'expérience : jamais vous n'obtiendrez que votre interlocuteur vous passe son supérieur hiérarchique ou enlève vos coordonnées de sa base de données. Bloctel ne fonctionne pas. Si nous voulons faire évoluer le droit, il faut le faire dans l'année.

Je suis un défenseur de l' opt in , car le niveau de saturation est largement atteint en matière de démarchage téléphonique légal. C'est sans compter le démarchage illégal ou déloyal qui piège des personnes fragiles. Les recours sont impossibles après coup. L' opt in peut paraître violent. Mais, après tout, la sulfateuse a bien fait disparaître les moustiques...

M. Vincent Segouin . - A-t-on bien étudié les raisons pour lesquelles Bloctel ne fonctionne pas ? Pour faire partie du monde de l'entreprise, je sais combien le démarchage téléphonique est une pratique de publicité efficace. Je n'étais pas au courant de la nécessité de consulter Bloctel avant de procéder à ce type de démarchage. Nous sommes de plus en plus confrontés à des plateformes marocaines ou plus largement étrangères. Devront-elles se conformer à la loi ? Enfin, pourquoi nos concitoyens ne s'inscrivent-ils pas tout simplement sur la liste rouge qui interdit le démarchage téléphonique ?

M. Alain Marc . - Lorsqu'un fichier est constitué, il devrait être déclaré à la CNIL. Joue-t-elle pleinement son rôle en matière de contrôle ?

M. Jean-Pierre Sueur . - Les propositions de loi nous font perdre une énergie, un temps et une substance considérables. Il faudrait examiner de près les statistiques des propositions de loi émanant du Sénat qui ne sont jamais arrivées à l'Assemblée nationale, et inversement. Quand bien même il y aurait un effet d'affichage, son impact reste modeste. Notre système est complètement inefficace et la déperdition est immense. Il faudrait que toute proposition de loi adoptée par l'une des assemblées soit obligatoirement examinée par l'autre assemblée.

Le Figaro a publié récemment un article de notre collègue André Vallini sur l'usage de la langue française. « Opt in » et « opt out », c'est grotesque ! Pourquoi ne pas plutôt parler de « consentement » et de « retrait » ? Nous sommes tous coupables du démantèlement de notre langue. Le Parlement ne devrait pas prêter la main à cela. Monsieur le rapporteur, vous trouverez bien des termes français !

Mme Marie Mercier . - Le démarchage téléphonique se pratique surtout sur des lignes fixes entre midi et quatorze heures. Je consulte comme médecin à ces heures, sans secrétariat. C'est ennuyeux de devoir m'interrompre au prétexte que l'on voudrait me vendre des baignoires ou autres...

M. Jacques Bigot . - Je suis sceptique. Le rapporteur nous dit que la DGCCRF doit renforcer ses contrôles, alors qu'elle a été vidée de sa substance, ce qui l'empêche d'accomplir ses missions. Le texte risque de n'être que d'affichage. L'interdiction de conclure des contrats par seul contact téléphonique n'est pas mise en oeuvre. Des personnes vulnérables se font piéger sans possibilité d'alléguer cet abus de faiblesse dans leurs recours. La demande des associations va très loin. Il faudrait une étude d'impact pour mesurer l'efficacité des mesures qu'elles proposent et du contrôle mis en place. Je nourris beaucoup de scepticisme quant à ce texte.

M. Philippe Bas , président . - Le scepticisme est général, mais nous devons trouver des solutions. Elles ne sont que partielles, car beaucoup de plateformes sont en dehors de la régulation et parce que les contrôles restent insuffisants.

M. Jacques Bigot . - Même si les plateformes sont à l'étranger, les règles du pays de résidence du consommateur qu'elles démarchent s'imposent à elles.

M. Philippe Bas , président . - Encore faut-il pouvoir identifier les plateformes.

M. André Reichardt , rapporteur . - M. Bigot a fait la synthèse du scepticisme ambiant quant à l'efficacité du texte. Sur 1,4 million de réclamations déposées par 280 000 consommateurs depuis la naissance de Bloctel, il y a trois ans, 41 % portent sur les fraudes aux numéros surtaxés. Ces fraudes perdureront malgré les articles 6 et 7 et la décision de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP), applicable en août prochain, de rendre impossible la revendication d'un numéro géographique national dans le cas d'un appel passé depuis l'étranger. Même si les appels provenant de l'étranger sont soumis à la loi nationale compte tenu de la résidence du consommateur en France, les carences en effectifs de la DGCCRF pourraient rendre les contrôles inopérants. À l'heure actuelle, la faiblesse des contrôles et des infractions relevées résulte de ce que trois personnes seulement sont affectées à ce dossier des numéros surtaxés au sein de la DGCCRF. Il en faudrait au moins 10 pour rendre le contrôle efficace. Pourquoi ne pas prévoir d'augmenter les effectifs de 3 à 10 agents pour mener une opération coup de poing pendant 6 mois ? Tentons-le avant de renoncer. Cette décision est du ressort du Gouvernement bien sûr, pas de la loi.

Quant aux 56 000 emplois du secteur du démarchage téléphonique dont je parlais, il s'agit d'emplois légaux en France. J'ai visité un centre d'appels à Calais. L'entreprise fonctionnait parfaitement bien avec 500 à 600 salariés. Passer de l' opt out à l' opt in ferait tomber des pans entiers de l'activité, nous a-t-on dit. En outre, certaines entreprises utilisent les plateformes de démarchage téléphonique pour faire du service à la clientèle toute en proposant de nouveaux produits. C'est aussi un facteur de développement important pour les entreprises.

Madame Mercier, le démarchage téléphonique ne se fait pas que sur des téléphones fixes : il se pratique aussi sur les téléphones portables. Monsieur Bonhomme, la presse figure parmi les exceptions faites à Bloctel, sans doute en raison de la fragilité de ce secteur, bien que l'argument reste insuffisant. Quoi qu'il en soit, sur les 1,4 millions de réclamations déposées, seulement 1 % concerne le démarchage pour des journaux ou des magazines. C'est plutôt la multiplication des sollicitations en tout genre qui exaspère, ainsi que les 41 % d'appels frauduleux surtaxés. Madame Lherbier, il est clair que les personnes qui achètent des produits ou services par téléphone le font parfois sans avoir une connaissance précise de leurs droits. Il faudrait développer l'information du consommateur, notamment sur le droit de rétractation. Une vente ne peut pas être conclue lors d'un démarchage téléphonique. Le professionnel doit ensuite envoyer une offre écrite au consommateur, que ce dernier doit accepter par écrit. L'acceptation de l'offre fait ensuite courir le délai de rétractation de 14 jours.

Enfin, ne nous méprenons pas. Cette proposition de loi va dans le bon sens et je souhaite qu'elle aboutisse. Cependant, certaines mesures comme la résiliation d'un contrat sans mise en demeure préalable ne sont pas acceptables. Il n'est pas possible de voter le texte conforme. À l'article 5, la mesure que je propose de supprimer ne figurait pas dans le texte initial. Elle a été introduite par un amendement du Gouvernement en séance publique. J'aimerais vous dire que ce sera le grand soir du démarchage téléphonique ; ce n'est pas franchement le cas...

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1 er

M. André Reichardt , rapporteur . - Mon amendement COM-7 concerne les informations obligatoires à délivrer au consommateur lors d'un démarchage téléphonique. Il maintient le droit en vigueur, tout en précisant qu'elles devront être indiquées par le professionnel « de manière claire, précise et compréhensible ».

Mme Sophie Joissains . - Le groupe UC s'abstiendra sur ces amendements et se prononcera en séance.

L'amendement COM-7 est adopté.

Article additionnel après l'article 1 er

M. André Reichardt , rapporteur . - Demande de retrait ou avis défavorable à l'amendement COM-2 qui tend à encadrer les plages et horaires du démarchage téléphonique, satisfait par mon amendement COM-9.

L'amendement COM-2 n'est pas adopté.

Article 1 er bis

M. André Reichardt , rapporteur . - Mon amendement COM-9 impose le respect de normes déontologiques fixées par décret aux professionnels du secteur du démarchage téléphonique. Ce décret serait pris après consultation du Conseil national de la consommation. Ces normes pourraient notamment concerner les horaires auxquels les professionnels peuvent démarcher les consommateurs.

L'amendement COM-9 est adopté.

M. André Reichardt , rapporteur . - Mon amendement COM-8 précise les modalités de saisine de l'organisme en charge de la vérification des fichiers en cas de sous-traitance. Une double vérification telle que le prévoit le texte adopté par l'Assemblée nationale ne présente aucun intérêt. Cela pourrait en outre diluer les responsabilités. Je souhaite ainsi préciser que le professionnel auquel incombe la vérification de ses fichiers peut mandater un tiers aux fins d'y pourvoir. Rien n'empêche ensuite ce professionnel de se retourner contre son mandataire si ce dernier a manqué à ses obligations contractuelles.

L'amendement COM-8 est adopté.

Article 2

M. André Reichardt , rapporteur . - L'amendement COM-10 supprime la remise au Parlement d'un rapport du Gouvernement et lui substitue l' open data des données essentielles de l'organisme gérant la liste d'opposition au démarchage téléphonique. Il s'agit de créer un régime ad hoc de publication en open data pour un meilleur contrôle.

L'amendement COM-10 est adopté.

Les amendements COM-3 et COM-4 deviennent sans objet.

Articles additionnels après l'article 3

M. André Reichardt , rapporteur . - Mon amendement COM-11 rétablit des règles de plafonnement aux sanctions susceptibles de s'appliquer en cas de manquement des professionnels à leurs obligations. Il est important de préciser que les amendes ne s'exécutent pas de manière cumulative, en particulier compte tenu du renforcement substantiel du montant des amendes qui peuvent être prononcées.

L'amendement rétablit également la règle plafonnant le cumul d'une amende administrative et d'une sanction pénale, en cas de sanctions infligées à raison des mêmes faits.

L'amendement COM-11 est adopté.

M. André Reichardt , rapporteur . - L'amendement COM-1 de M. Marc rétablit un article additionnel adopté à l'Assemblée nationale et qui n'est plus en discussion au Sénat. La pratique interdit l'utilisation d'un système automatisé d'appel en vue de vérifier si un consommateur est présent à son domicile ou si un numéro téléphonique est toujours attribué. La CNIL n'a jamais identifié la pratique abusive à laquelle cet amendement entend mettre fin. Le désagrément rencontré par les consommateurs provient d'un dysfonctionnement technique du système automatisé d'appels.

L'amendement COM-1 n'est pas adopté.

Article 5

M. André Reichardt , rapporteur . - Mon amendement COM-12 est de suppression.

L'amendement COM-12 est adopté.

Article 6

M. André Reichardt , rapporteur . - Mon amendement COM-14 réécrit l'article 6, très technique. Il prévoit notamment que l'on ne peut pas résilier un contrat sans une mise en demeure préalable.

M. Philippe Bas , président . - Il est efficace ; le point que vous évoquez introduit en outre du contradictoire dans la procédure.

L'amendement COM-14 est adopté.

Articles additionnels avant l'article 8

M. André Reichardt , rapporteur . - Ces deux amendements COM-5 et COM-6 étendent le principe de la publicité systématique des sanctions aux manquements aux obligations d'information du consommateur et à l'interdiction d'utiliser un numéro masqué aux fins de prospection commerciale. Or l'efficacité de l' opt out réside davantage dans le respect des différentes obligations relatives à l'opposition au démarchage téléphonique (conformité des fichiers de prospection, interdiction d'appeler un consommateur qui est inscrit sur la liste d'opposition, etc.). Pour ces raisons, je préfère cibler le principe de publicité systématique des sanctions à la seule méconnaissance de ces dernières dispositions. Avis défavorable à ces deux amendements.

Les amendements COM-5 et COM-6 ne sont pas adoptés.

Article 8

M. André Reichardt , rapporteur . - Mon amendement COM-13 supprime une précision sans portée juridique. Depuis que je siège à la commission des lois, je supprime les « notamment », comme le suggérait toujours notre ancien président, M. Jean-Jacques Hyest.

L'amendement COM-13 est adopté.

M. Philippe Bas , président . - Nous avons bien noté que le groupe UC se réservait la possibilité de s'exprimer en séance.

La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.

M. Philippe Bas , président . - Monsieur le rapporteur, vous avez su prendre le recul nécessaire par rapport à l'exaspération de nos concitoyens pour nous faire des propositions équilibrées et utiles. Nous vous en remercions.

Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

Article 1 er
Obligations d'information du consommateur lors d'un démarchage téléphonique

M. REICHARDT, rapporteur

7

Informations obligatoires à délivrer au consommateur lors d'un démarchage téléphonique

Adopté

Article additionnel après l'article 1 er

M. GRAND

2

Encadrement des jours et horaires du démarchage téléphonique

Rejeté

Article 1 er bis
Obligation fixée aux professionnels de mise en conformité de leurs fichiers de démarchage téléphonique
et de respect de normes déontologiques

M. REICHARDT, rapporteur

8

Saisine de l'organisme en charge de la vérification des fichiers en cas de sous-traitance

Adopté

M. REICHARDT, rapporteur

9

Respect de normes déontologiques

Adopté

Article 2
Mise à disposition en open data des données essentielles de l'organisme
gérant la liste d'opposition au démarchage téléphonique

M. REICHARDT, rapporteur

10

Open data des données essentielles de l'organisme gérant la liste d'opposition au démarchage téléphonique

Adopté

M. GRAND

3

Intégration de statistiques sur les amendes administratives dans un rapport du Gouvernement remis au Parlement

Satisfait ou sans objet

M. GRAND

4

Intégration de l'évaluation de l' opt in et de la lutte contre les appels indésirables dans ce même rapport au Parlement

Satisfait ou sans objet

Articles additionnels après l'article 3

M. REICHARDT, rapporteur

11

Règles de plafonnement des sanctions

Adopté

M. Alain MARC

1

Interdiction d'utiliser un système automatisé d'appel en vue de vérifier si un consommateur est présent à son domicile ou si un numéro téléphonique est toujours attribué

Rejeté

Article 5
Encadrement du démarchage téléphonique
en cas de relations commerciales préexistantes

M. REICHARDT, rapporteur

12

Suppression de l'article 5 sur l'exception client

Adopté

Article 6
Modalités de suspension et de résiliation du contrat d'un éditeur
du service à valeur ajoutée frauduleux et suspension
de l'accès des consommateurs audit numéro

M. REICHARDT, rapporteur

14

Régulation des pratiques frauduleuses au moyen des numéros SVA

Adopté

Articles additionnels avant l'article 8

M. GRAND

5

Publication des sanctions administratives en cas de non-respect des obligations d'information préalable lors d'un appel de prospection commerciale

Rejeté

M. GRAND

6

Publication des sanctions administratives en cas de non-respect de l'interdiction d'utiliser un numéro masqué aux fins de prospection commerciale

Rejeté

Article 8
Régime de publicité des sanctions prononcées par l'autorité administrative
chargée de la concurrence et de la consommation

M. REICHARDT, rapporteur

13

Suppression d'une précision sans portée juridique

Adopté

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