Rapport n° 75 (2019-2020) de M. Jean-Pierre LELEUX , fait au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, déposé le 17 octobre 2019

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SYNTHÈSE DES TRAVAUX DE LA COMMISSION

Les Français manifestent, depuis plusieurs années, un intérêt croissant pour la protection du patrimoine . Sa sauvegarde et sa valorisation contribuent à l'attractivité des territoires, ce qui explique qu'elles soient devenues, en quelques années, de véritables enjeux de politique publique. Créée en 1996 pour mobiliser les entreprises et le grand public en faveur du patrimoine, en particulier le patrimoine non protégé au titre des monuments historiques sur lequel l'action de l'État est moins centrée, la Fondation du patrimoine suscite de nombreuses attentes.

Pour lui permettre de répondre plus efficacement aux enjeux actuels , la présente proposition de loi prévoit de réformer les critères d'octroi de son label, de moderniser sa gouvernance et son fonctionnement et de lui donner de nouvelles marges de manoeuvre financières.

Lors de sa réunion du jeudi 17 octobre, la commission de la culture, de l'éducation et de la communication a examiné ce texte selon la procédure de législation en commission prévue par l'article 47 ter du règlement du Sénat. Elle a estimé qu'il était de nature à améliorer la pertinence du label, tout en donnant un nouveau souffle à la Fondation.

Elle a adopté 11 amendements et 2 sous-amendements pour conforter la mission de la Fondation en matière de protection du patrimoine de proximité et aligner son fonctionnement sur le droit commun des fondations reconnues d'utilité publique.

Les principales modifications qu'elle a apportées sont les suivantes :

- en ce qui concerne le label (art. 1 er ) :

• faculté d'octroi de celui-ci aux immeubles non bâtis ;

• suppression de toute condition géographique pour la labellisation des immeubles non habitables ;

• obligation pour la Fondation de délivrer chaque année une majorité de labels à des immeubles appartenant au patrimoine rural ;

- en ce qui concerne la gouvernance (art. 3) :

• détermination des trois collèges composant le conseil d'administration (les fondateurs, mécènes et donateurs ; les personnalités qualifiées ; les collectivités territoriales), auxquels s'ajoute un représentant des associations nationales de sauvegarde du patrimoine ;

• extension du collège des collectivités territoriales à la représentation des communes rurales ;

- en ce qui concerne le contrôle opéré par le Parlement sur la Fondation du patrimoine, transmission chaque année d'un rapport d'activité comprenant également les grandes orientations pour l'année à venir (nouvel art. 6 bis ).

EXPOSÉ GÉNÉRAL

I. UNE FONDATION CHARGÉE DE LA SAUVEGARDE ET DE LA VALORISATION DU PATRIMOINE FRANÇAIS

A. UNE FONDATION AUX STATUTS DÉROGATOIRES

1. Aux origines de la Fondation du patrimoine

La Fondation du patrimoine a été instituée par la loi n° 96-590 du 2 juillet 1996 afin d'améliorer la protection du patrimoine français, en particulier du patrimoine non protégé au titre des monuments historiques, que l'État soutient peu. Au moment de la création de la fondation, des crédits étaient inscrits chaque année au budget de l'État en faveur du patrimoine rural non protégé (5,5 millions d'euros par an en moyenne). Ils ont été transférés aux départements dans le cadre de l'acte II de la décentralisation en 2004, qui en assurent désormais la gestion.

L'idée de créer une fondation privée chargée de mobiliser le secteur privé pour compléter l'action de l'État en matière de protection du patrimoine trouve son origine dans un rapport du sénateur et maire de Saumur, Jean-Paul Hugot, remis en 1994 au ministre de la culture de l'époque, Jacques Toubon, qui s'est largement inspiré du modèle du National Trust britannique. Cette proposition s'inscrivait dans un contexte où les marges de manoeuvre de l'État et des collectivités territoriales, très sollicités par ailleurs par l'entretien et la mise en valeur du patrimoine protégé, étaient déjà très étroites. Une partie substantielle des ressources de la Fondation du patrimoine provient pourtant aujourd'hui de concours publics (fraction du produit des successions en déshérence, subventions des collectivités territoriales).

Le National Trust britannique

Le National Trust for Places of Historic Interest or Natural Beauty , dit National Trust est un organisme associatif (« charity ») britannique indépendant du gouvernement dédié à la préservation du patrimoine naturel et bâti. Son budget annuel est de 475 millions d'euros pour 5 000 salariés.

Fondé en 1895, le National Trust est le deuxième propriétaire foncier du Royaume-Uni derrière la Couronne. Il a une mission de conservation large qui concerne à la fois des monuments bâtis de toute nature (manoirs, châteaux, anciennes manufactures, moulins, etc.), à l'instar du Centre des Monuments Nationaux français et des espaces naturels (parcs, jardins, bois), y compris les espaces côtiers qui sont, en France, de la compétence du Conservatoire du littoral. En plus de la gestion de ces espaces, le National Trust assure l'accueil des visiteurs dans ces lieux et l'animation de ces sites (programmation culturelle, services aux visiteurs). Près de 17 millions de visiteurs fréquentent chaque année les sites du National Trust .

Enfin, le National Trust se caractérise par le mécanisme d'adhésion (« membership ») qui soutient son fonctionnement. En 1996, au moment de la création de la Fondation du patrimoine, 2,2 millions de personnes cotisaient annuellement au National Trust ; ils étaient 3,8 millions d'adhérents en 2011. Le statut d'adhérent donne accès, en contrepartie, à l'entrée gratuite dans les 300 sites de l'organisme.

Source : Rapport public annuel de la Cour des comptes de février 2013

L'article L. 143-2 du code du patrimoine confie à la Fondation du patrimoine une mission d'intérêt général de promotion de « la connaissance, la conservation et la mise en valeur du patrimoine national », qui a justifié la reconnaissance de son utilité publique par un décret du 18 avril 1997.

Sa mission prioritaire porte sur la protection et la valorisation du patrimoine de proximité , c'est-à-dire les biens qui, sans justifier une protection au titre des monuments historiques, présentent un intérêt artistique, historique ou ethnologique suffisant pour contribuer à l'attractivité des territoires et rendre souhaitable leur conservation. Le législateur l'a autorisée à délivrer un label destiné à distinguer ce patrimoine.

La loi l'investit aussi d'une mission de sauvetage des monuments patrimoniaux ou des sites naturels menacés de disparitions, et d'une mission de valorisation et de présentation au public du patrimoine national.

À ces fins, la Fondation du patrimoine est chargée de favoriser la mobilisation des initiatives et des volontés publiques et privées , à la fois en jouant un rôle d'intermédiaire entre les acteurs du terrain et les pouvoirs publics, en permettant aux particuliers et aux entreprises d'exprimer leur solidarité en faveur du patrimoine, en contribuant à l'acquisition, à l'entretien, la restauration et à la présentation au public de biens publics et privés, en étant autorisée à acquérir elle-même les biens en péril.

2. Un fonctionnement dérogatoire au droit commun des fondations reconnues d'utilité publique

La Fondation du patrimoine s'est immédiatement vue doter d'un statut largement dérogatoire aux statuts-types des fondations reconnues d'utilité publique pour mener à bien sa mission et garantir son autonomie vis-à-vis des pouvoirs publics, dans l'espoir de susciter davantage l'adhésion de la sphère privée .

Les statuts-types imposent que les entreprises fondatrices n'occupent pas plus du tiers des sièges. La gouvernance des fondations reconnues d'utilité publique est en effet régie par le principe d'indépendance par rapport aux fondateurs, justifié par le fait que ces derniers ont accepté de se dessaisir définitivement de leurs fonds au profit d'une oeuvre d'intérêt général. Au contraire, la loi du 2 juillet 1996 a prévu de confier la majorité des voix au sein du conseil d'administration aux entreprises fondatrices , afin de les impliquer fortement dans le fonctionnement et le financement de la fondation.

Cette loi a également ouvert aux personnes physiques ou morales, publiques ou privées, la possibilité d'adhérer directement à la Fondation du patrimoine moyennant le versement d'une cotisation annuelle, comme c'est généralement le cas pour les associations. Cette faculté devait permettre de fédérer massivement les associations, les collectivités territoriales, les entreprises et les particuliers autour de la sauvegarde du patrimoine et de générer de nouvelles ressources pour la Fondation du patrimoine, à l'exemple du National Trust .

Deux types de personnes morales de droit privé à but non lucratif :
la fondation et l'association

La fondation et l'association obéissent à un régime juridique différent et, a priori, antinomique.

La fondation est un groupement de biens personnifié constitué par l'affectation irrévocable de biens, droits ou ressources à la réalisation d'une oeuvre d'intérêt général. Sa création est subordonnée à autorisation administrative. Elle est gérée par un conseil d'administration, qui échappe au contrôle des fondateurs, et est chargé d'administrer la fondation conformément aux objectifs qui ont présidé à sa création. La fondation a vocation à la perpétuité. C'est la raison pour laquelle le Conseil d'État exige, pour formuler un avis favorable à la déclaration d'utilité publique qui conditionne son accession à la personnalité morale, un apport en capital conséquent, les revenus de la dotation initiale devant suffire à financer durablement ses activités.

L'association est au contraire un groupement de personnes . Sa constitution n'est subordonnée à aucune formalité , la liberté d'association figurant parmi les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République et protégés par le Conseil constitutionnel. L'association tire l'essentiel de ses ressources des cotisations annuelles versées par ses adhérents. Sa politique est définie par une assemblée générale, émanation de la volonté de ses membres. La dissolution d'une association peut être décidée à tout moment par une décision de l'assemblée générale.

Source : Rapport n° 273 (1995-1996) de M. Jean-Paul Hugot, fait au nom de la commission
des affaires culturelles du Sénat, sur le projet de loi relatif à la Fondation du patrimoine

B. ... QUI A CONNU DES ÉVOLUTIONS

1. Un élargissement progressif de ses missions

La Fondation du patrimoine a connu, depuis sa création en 1996, une évolution de ses missions, grâce au développement du mécénat des entreprises et des particuliers , facilité par la loi du 1 er août 2003 relative au mécénat, aux associations et aux fondations. Déjà active en matière de rénovation du patrimoine non protégé des propriétaires privés grâce au label, elle a progressivement élargi ses activités à l'organisation de souscriptions en faveur de projets de restauration du patrimoine portés par les collectivités territoriales, en particulier les communes, et des associations. Elle s'est également attachée à développer les partenariats avec des entreprises aux niveaux national et local, avec la création de clubs de mécènes régionaux ou départementaux, pour faciliter la mobilisation des fonds privés en faveur de la sauvegarde du patrimoine. Dans son rapport de 2018 sur le soutien public au mécénat des entreprises, la Cour des comptes observe que la recherche de mécénat a « pu conduire la Fondation du patrimoine à élargir le champ de ses interventions à de nouveaux éléments du patrimoine afin de s'adapter aux attentes des mécènes ».

Plus récemment, la loi du 28 décembre 2017 de finances rectificative pour 2017 lui a confié la gestion des recettes perçues sur le Loto du patrimoine , qui doivent financer la restauration des sites en péril identifiés comme prioritaires dans le cadre de la mission portée par Stéphane Bern. Cette nouvelle mission dévolue à la Fondation pourrait être pérennisée, sous réserve que le Loto du patrimoine soit reconduit au-delà de 2020.

Dans ce contexte, la Cour des comptes considère que la Fondation « tend à s'éloigner quelque peu de ce qui constituait à l'origine son coeur de métier, le patrimoine non protégé, même si celui-ci occupe encore une place prépondérante », y compris dans le cadre de la mission « Patrimoine en péril », où 82 % des biens soutenus appartiennent au patrimoine non protégé.

De son côté, la Fondation indique que ses interventions restent principalement dirigées en faveur du patrimoine de proximité , non protégé, en milieu rural, même si elle soutient également le patrimoine protégé au titre des monuments historiques en participant aux co-financements des projets de restauration, en complémentarité de l'action de l'État et des collectivités territoriales. 80 % des actions qu'elle a conduites concernent des communes de moins de 2 000 habitants pour la restauration du patrimoine rural et 50 % des projets sont situés dans des communes de moins de 500 habitants.

2. L'abandon de l'ambition du National Trust à la française

L'ambition de jouer le rôle d'un National Trust à la française a progressivement cédé le pas. Le fonctionnement de la Fondation du patrimoine est sans commune mesure avec celui du National Trust . Même si elle dispose d'une implantation dans l'ensemble des régions métropolitaines ainsi qu'aux Antilles, la Fondation ne compte que 70 salariés et 565 bénévoles.

Le dispositif d'adhésion à la Fondation n'a pas produit les résultats escomptés, puisque la Fondation comptait moins de 7 000 adhérents en 2018 en comparaison des 5 millions d'adhérents affichés aujourd'hui par le National Trust . Ce faible nombre d'adhérents s'explique à la fois par le manque de moyens de la Fondation pour développer et entretenir un large réseau d'adhérents et par une volonté délibérée de ne pas concurrencer de manière excessive les associations de défense du patrimoine, qui sont ses partenaires sur le terrain.

C'est sans doute aussi ce qui explique que la Fondation n'ait jamais véritablement exercé certaines des missions que lui confiait la loi. C'est le cas du rôle qu'elle lui avait confié en matière d'acquisition de monuments en péril, dont elle n'a jamais fait usage. La Fondation n'est pas, à la différence du National Trust , un gestionnaire de biens patrimoniaux : c'est davantage le Centre des monuments nationaux qui exerce aujourd'hui cette mission, même si celle-ci se limite aux monuments historiques.

II. PERMETTRE À LA FONDATION DU PATRIMOINE DE MIEUX RÉPONDRE AUX ENJEUX ACTUELS

A. L'AMBITION DE LA PROPOSITION DE LOI : MODERNISER LES OUTILS ET LA GOUVERNANCE DE LA FONDATION DU PATRIMOINE

Les années récentes ont été marquées par un regain d'intérêt pour le patrimoine , atout majeur pour l'attractivité des territoires, le développement économique, l'identité et la cohésion sociale. Compte tenu du rôle essentiel et de l'expérience acquise par la Fondation du patrimoine en matière de protection du patrimoine, et de la complémentarité de son action par rapport à celle de l'État, cette proposition de loi vise à moderniser l'un de ses principaux moyens d'action, le label « Fondation du patrimoine », et à accroître son efficacité .

1. La réforme du label « Fondation du patrimoine »

Le label « Fondation du patrimoine » est, depuis l'origine, l'un des outils majeurs permettant à la Fondation de distinguer et contribuer à la protection des édifices privés dont l'intérêt patrimonial est manifeste. Ce label se double, depuis 1997, d'un avantage fiscal pour les propriétaires qui réalisent des travaux de restauration sur les biens labellisés. Toutefois, la délivrance de ce label est aujourd'hui conditionnée au respect d'un certain nombre de critères fixés par une instruction fiscale, qui portent tant sur la nature du patrimoine éligible que sur les zones géographiques dans lesquelles le patrimoine peut être labellisé. L'instruction fiscale en a notamment restreint l'octroi en l'orientant vers la sauvegarde du patrimoine rural.

Lors des deux contrôles de la Fondation qu'elle a effectués, pour son rapport public annuel en 2013 et pour son rapport sur le soutien au mécénat des entreprises en 2018, la Cour des comptes a préconisé une adaptation du dispositif du label pour permettre à celle-ci de mieux soutenir le patrimoine non protégé dans son ensemble. Après avoir souligné, en 2013, la nécessité de « mieux prendre en compte le patrimoine non protégé urbain et industriel » dans le cadre du label, elle a recommandé, dans son rapport de 2018, d'en modifier le périmètre d'application et de « rechercher une meilleure répartition territoriale des labels » pour assurer davantage d'équité.

Forte de ces constats, la proposition de loi opère deux modifications relatives au label.

D'une part, à l'article 1 er , elle élargit le périmètre géographique jusqu'ici fixé par l'instruction fiscale. Son objectif est double : il s'agit à la fois de mieux couvrir le patrimoine rural, dont l'implantation ne se limite pas aux communes rurales telles que les définit l'INSEE, et de permettre au label de contribuer aux enjeux de revitalisation des centres-bourgs et des centres-villes, dont la rénovation du patrimoine constitue l'un des axes forts.

D'autre part, à l'article 2, elle en étend le bénéfice aux parcs et jardins et au patrimoine industriel.

2. Améliorer l'efficacité de la Fondation du patrimoine

Les articles 3 à 5 de la proposition de loi visent à améliorer l'efficacité de la Fondation du patrimoine, en simplifiant sa gouvernance, d'une part, et en améliorant ses capacités financières.

L'article 3 réforme la composition du conseil d'administration de la Fondation et en réduit l'effectif, pour faciliter l'organisation des débats et la prise de décisions. Les éléments qui distinguaient le conseil d'administration de la Fondation des conseils d'administration des autres fondations reconnues d'utilité publique ne sont pas remis en cause. La proposition de loi prévoit de maintenir une majorité de sièges aux représentants des entreprises privées (les fondateurs, auxquels s'ajoutent les mécènes) et de conserver deux personnalités qualifiées nommées par des ministères.

L'article 4 vise à autoriser la Fondation à bénéficier de dotations en actions ou parts sociales d'entreprises pour lui permettre de diversifier ses ressources financières.

L'article 5 vise à permettre à la Fondation de réaffecter près de 10 millions d'euros qu'elle a collectés à l'occasion de souscriptions de mécénat populaire pour des projets désormais achevés ou devenus caducs et qui se trouvent immobilisés dans ses caisses, faute de dispositions précises fixant les conditions dans lesquelles elle peut procéder à une réaffectation.

3. La fin du National Trust ?

L'article 6 supprime deux dispositions prévues par le législateur en 1996 pour faciliter l'acquisition par la Fondation de biens menacés de destruction, de dégradation ou de dispersion : d'une part, une disposition qui l'autorisait à demander à l'État d'exproprier en son nom un immeuble ou de préempter un objet dans une vente publique et, d'autre part, une disposition qui consacrait le caractère insaisissable des biens qu'elle acquiert. Si la Fondation du patrimoine conserve le pouvoir d'acquérir des biens en péril, on peut se demander si la disparition de ces deux prérogatives de puissance publique ne signe pas l'abandon définitif de l'ambition d'un National Trust à la française.

Au demeurant, le dispositif d'adhésion à la Fondation est maintenu, au regard des ressources financières qu'il procure chaque année à la Fondation (environ 800 000 euros) et des partenariats qu'il permet de lier, tant avec des collectivités territoriales, que des associations ou des entreprises.

B. LA POSITION DÉFENDUE PAR VOTRE COMMISSION

Votre commission a été animée par deux objectifs lors de l'examen de cette proposition de loi.

1. Conforter la mission de la Fondation du patrimoine en matière de protection du patrimoine de proximité

C'est en matière de protection du patrimoine de proximité que l'action de la Fondation est aujourd'hui à la fois la plus décisive et la plus attendue. Avec la disparition de la réserve parlementaire en 2017, les communes, en particulier les communes rurales, et les associations, ont perdu un outil qui assurait le dynamisme et la vitalité des territoires. Une part non négligeable de ces crédits contribuaient chaque année à la restauration du petit patrimoine. Il est important que la Fondation ne se détourne pas de sa mission première , qui demeure la protection du patrimoine de proximité .

C'est la raison pour laquelle votre commission, tout en souscrivant à l'élargissement du périmètre géographique du label aux communes de moins de 20 000 habitants, qui devrait lui permettre de mieux servir les enjeux poursuivis par les politiques publiques actuelles, s'est attachée à garantir :

- que la Fondation ne recentre pas ses priorités vers les enjeux de revitalisation au point de délaisser le patrimoine rural ;

- que les avantages offerts aux propriétaires privés soient suffisamment incitatifs pour que ceux-ci réalisent des travaux de restauration, en particulier en ce qui concerne les biens non habitables, pour lesquels l'intérêt à agir est en théorie faible ;

- ou que, dans la perspective d'une augmentation du nombre de labels délivrés chaque année par la Fondation, le coût du label pour elle, largement dépendant de la part des travaux qu'elle cofinance, ne puisse avoir un impact sur sa capacité à lancer des souscriptions de mécénat populaire au profit des projets portés par les communes et les associations dans les territoires.

C'est avec le même objectif qu'elle a jugé indispensable d'élargir le collège des collectivités territoriales du conseil d'administration aux communes rurales , qui n'y sont pas représentées jusqu'ici, ou de maintenir la présence d'un représentant des associations de sauvegarde du patrimoine dans ledit conseil, qui connaissent parfaitement la nature du patrimoine à protéger sur le terrain.

2. Rapprocher, dans la mesure du possible, le fonctionnement de la Fondation du patrimoine des règles qui régissent les fondations reconnues d'utilité publique

Votre commission a également jugé souhaitable d'aligner davantage les statuts de la Fondation du patrimoine sur ceux des fondations reconnues d'utilité publique, lorsque sa mission ne justifiait pas de dérogations particulières.

Elle a approuvé le principe d'une réforme de son conseil d'administration , qui lui permet de se rapprocher des effectifs des autres fondations reconnues d'utilité publique. Elle en a réduit la composition à trois collèges (fondateurs, mécènes, donateurs ; personnalités qualifiées ; collectivités territoriales), conformément à la configuration classique, auxquels s'ajoute un représentant des associations. Elle a aligné le mode de désignation des personnalités qualifiées sur celui prévu dans les statuts-types. Elle a cependant admis que les représentants de la sphère privée (fondateurs, mécènes, donateurs) puissent conserver la moitié des sièges au sein de ce conseil.

Elle n'a pas jugé utile que des règles propres à la Fondation du patrimoine encadrent sa capacité à détenir des actions ou parts sociales d'entreprises, alors que la loi « PACTE » du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises a fixé il y a quelques mois des règles en la matière pour l'ensemble des fondations reconnues d'utilité publique.

Elle a enfin accepté que les prérogatives de puissance publique qui avaient été confiées à la Fondation pour exercer sa mission de sauvegarde du patrimoine en péril soient supprimées, ce qui permet de la rapprocher des autres fondations du même type, et de mieux la distinguer d'un établissement public de l'État , compte tenu de son caractère de fondation de droit privé.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er
(article L. 143-2 du code du patrimoine)

Champ géographique d'application du label « Fondation du patrimoine »

I. - Le droit en vigueur

Lors de la création de la Fondation du patrimoine en 1996 , le législateur a autorisé cet organisme à délivrer un « label au patrimoine non protégé au titre des monuments historiques et aux sites », aujourd'hui mentionné à l'article L. 143-2 du code du patrimoine, pour combler les lacunes du dispositif national de protection et de valorisation du patrimoine national, centré sur la protection des monuments historiques. Le label ne devait, à l'origine, que consacrer l'intérêt patrimonial d'un édifice ou d'un site, sans emporter de conséquence juridique particulière en termes de servitudes ou de protection.

Dès l'année suivante, l'article 16 de la loi de finances pour 1997 (n° 96-1181 du 30 décembre 1996) a étendu le bénéfice de l' avantage fiscal prévu à l'article 156 du code général des impôts pour les propriétaires d'immeubles protégés au titre des monuments historiques aux propriétaires d'immeubles ayant reçu le label de la Fondation du patrimoine, sous réserve que l'immeuble soit visible de la voie publique et que la délivrance du label ait fait l'objet d'un avis favorable de l'unité départementale de l'architecture et du patrimoine (UDAP). L'UDAP vérifie en particulier que l'immeuble fait partie des plus significatifs et dignes d'intérêt sur le plan patrimonial et que son état général nécessite des travaux qui permettraient, soit sa sauvegarde dans sa destination d'origine, soit sa transformation en vue d'un usage d'intérêt public.

Cet avantage fiscal est destiné à encourager les propriétaires à effectuer des travaux de restauration sur leurs immeubles pour en assurer la conservation. Il permet aux propriétaires d'immeubles ayant obtenu le label de la Fondation du patrimoine de déduire de leur revenu global les charges afférentes à la réparation et à l'entretien des parties extérieures, à concurrence de la moitié de leur montant.

Une instruction fiscale est intervenue en 2005 pour encadrer les conditions de délivrance du label . Elle a notamment eu pour effet d'en restreindre le périmètre par rapport à ce que prévoyait la loi, restée muette à ce sujet.

Cette instruction délimite trois catégories de biens à rénover susceptibles de bénéficier de l'avantage fiscal :

- les immeubles non habitables constituant le « petit patrimoine de proximité », tels des pigeonniers, des lavoirs, des fours à pain, des chapelles ou des moulins. Ces immeubles peuvent être situés aussi bien en zone urbaine qu'en zone rurale ;

- les immeubles habitables ou non habitables situés dans le périmètre d'un site patrimonial remarquable ;

- les immeubles habitables ou non-habitables les plus caractéristiques du patrimoine rural (fermettes, granges, maisons de village, petits manoirs ruraux, etc.). L'instruction précise que ces immeubles se situent, en principe, en zone rurale , ce qui correspond schématiquement aux communes de moins de 2 000 habitants. Elle tolère cependant que des immeubles de cette nature puissent être labellisés dans des zones urbaines en tenant compte de l'évolution des agglomérations.

Depuis cette date, les critères retenus par la Fondation du patrimoine pour labelliser un bien ont été alignés sur ceux fixés par l'instruction fiscale. L'instruction précise que la Fondation du patrimoine doit subventionner les travaux à hauteur de 1 % au minimum pour rendre possible la déduction fiscale. Les propriétaires non ou faiblement imposés, pour lesquels la délivrance du label n'a donc aucune incidence fiscale, bénéficient d'une aide supérieure de la Fondation du patrimoine (en moyenne 12 %). Sur la période 2013-2017, la Fondation a accordé 6 708 labels : 5 787 avec une incidence fiscale pour son bénéficiaire, soit 86 % de l'ensemble des labels accordés, et 921 sans incidence fiscale (14 %).

II. - Le texte de la proposition de loi

Prenant acte de la restriction du champ d'application géographique du label prévue par l'instruction fiscale par rapport à la disposition législative, le présent article vise à inscrire dans la loi le périmètre géographique dans lequel le label de la Fondation du patrimoine peut être octroyé afin de « permettre à la [Fondation] de disposer d'un outil adapté géographiquement à la réalité des territoires ruraux et de participer à la revitalisation des centres-bourgs et petites villes de moins de 20 000 habitants ».

Il autorise la Fondation à attribuer un label au patrimoine non protégé dans un périmètre plus large que ne le prévoit l'instruction fiscale actuellement en vigueur, à savoir :

- dans les communes de moins de 20 000 habitants ;

- et dans deux espaces protégés par notre législation, sans limite quant à leur population : les sites patrimoniaux remarquables , protégés au titre du code du patrimoine en raison de leur intérêt historique, architectural, archéologique, artistique ou paysager, et les sites , protégés au titre du code de l'environnement en raison de leur intérêt artistique, historique, scientifique, légendaire ou pittoresque.

Il précise que les travaux entrepris sur les immeubles ainsi labellisés ouvrent droit à une déduction fiscale, dans les conditions prévues aux articles 156 et 156 bis du code général des impôts.

III. - La position de votre commission

Si le présent article assouplit effectivement les règles fixées par l'instruction fiscale pour permettre l'application de la déduction fiscale aux propriétaires d'immeubles ayant obtenu le label de la Fondation du patrimoine, il n'en reste pas moins plus restrictif que les dispositions législatives en vigueur , qui font référence à un label en faveur du patrimoine non protégé, sans aucune condition de délivrance. Lorsque le législateur a étendu le bénéfice de l'avantage fiscal relatif aux monuments historiques aux immeubles labellisés par la Fondation, il n'a pas davantage fixé de critères pour en limiter le nombre de bénéficiaires, sauf à avoir imposé l'accord préalable d'un service de l'État - en l'occurrence l'UDAP - pour garantir le bien-fondé de cette dépense fiscale.

De ce point de vue, l'instruction fiscale est regrettable , en ce qu'elle restreint l'intention du législateur exprimée lors de l'examen de la loi en 1996. Son idée était alors bien de permettre au label de protéger ce que l'on désigne sous le terme de petit patrimoine, patrimoine de proximité ou patrimoine vernaculaire en raison du cachet et de la personnalité qu'ils apportent aux paysages, villes et villages - la notion de ville ayant même été évoquée dans les débats. Force est de reconnaître pourtant que cette instruction fiscale, qui s'applique depuis maintenant quatorze ans, n'a jamais été contestée devant un tribunal.

L' avantage fiscal procuré par le label constitue sans doute aujourd'hui le facteur déterminant pour le dépôt, par les propriétaires, d'une demande de label. Dans ce contexte, il ne serait pas raisonnable de supprimer l'ensemble des conditions fixées par l'instruction fiscale pour en revenir à la lettre de la loi. Il en résulterait une augmentation massive du coût de la dépense fiscale préjudiciable aux finances publiques, qui pourrait fragiliser, à terme, le maintien de l'avantage fiscal, ce qui n'est pas souhaitable.

Il reste nécessaire, en revanche, d'assouplir certaines de ces conditions qui apparaissent trop restrictives pour garantir un soutien adéquat au patrimoine non protégé au titre des monuments historiques et contribuer à l'attractivité des territoires. Dans son rapport consacré au soutien public au mécénat des entreprises, la Cour des comptes a d'ailleurs estimé qu'une adaptation du dispositif du label se révélait nécessaire, notamment en ce qui concerne son périmètre d'application et l'amélioration de la répartition territoriale des labels.

Limiter le bénéfice du label aux seuls immeubles habitables situés dans des communes de moins de 2 000 habitants ne parait pas pertinent au regard de l'implantation du patrimoine de proximité. La multiplication des communes nouvelles , prévues par la loi du 16 décembre 2010 de réforme territoriale, a eu pour effet d'accroitre significativement la population des communes, excluant de fait les communes ainsi regroupées du champ d'application du label, alors même qu'elles conservent leur dominante rurale. Par ailleurs, la définition des communes rurales donnée par l'INSEE , qui ne se fonde pas sur des critères propres à la ruralité, mais se détermine uniquement par opposition à ce qui est urbain, constitue un obstacle à une protection efficace et adaptée du patrimoine rural.

La définition des zones rurales de l'INSEE

L'INSEE ne définit pas en tant que telle la ruralité, mais la délimite par opposition aux zones urbaines .

Une commune rurale est ainsi « une commune n'appartenant pas à une unité urbaine », sachant qu'une unité urbaine se définit comme « une commune ou un ensemble de communes présentant une zone de bâti continu (pas de coupure de plus de 200 mètres entre deux constructions) qui compte au moins 2 000 habitants ». Par conséquent, une commune rurale est une commune « sans zone de bâti continu de 2 000 habitants », ou une commune « dont moins de la moitié de la population municipale est dans une zone de bâti continu ».

L'espace à dominante rurale , ou espace rural, regroupe l'ensemble des petites unités urbaines et communes rurales n'appartenant pas à l'espace à dominante urbaine (pôles urbains, couronnes périurbaines et communes multipolarisées). Cet espace représente 70 % de la superficie totale et les deux tiers des communes de la France métropolitaine .

Source : commission de la culture, de l'éducation et de la communication
à partir de données de l'INSEE

Retenir pour seuil les communes de moins de 20 000 habitants présenterait l'avantage de couvrir l' ensemble du territoire à dominante rurale , y compris les petites villes exerçant sur les zones rurales une forte influence. Ce seuil correspond d'ailleurs à celui en vigueur pour la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) et pour la dotation de solidarité rurale (DSR).

Il permettrait également au label de devenir un instrument au service de la revitalisation des centres-villes et centres-bourgs . 49 villes sélectionnées dans le cadre du plan « Action coeur de ville », dont les immeubles ne sont pas aujourd'hui éligibles au label, faute de site patrimonial remarquable, rentreraient dans le périmètre du label. Le label pourrait également être mobilisé dans le cadre du programme d'appui aux petites centralités que le ministère de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales envisage de lancer dans les prochains mois. Ce programme vise à mobiliser des moyens publics et privés pour accompagner dans leurs projets (y compris en matière de rénovation de leur patrimoine) des communes de moins de 20 000 habitants, sélectionnées en raison de leur influence dynamique sur le territoire rural environnant.

Répartition des communes françaises selon leur taille

Taille de la commune

Nombre de communes

Part de la population

Moins de 200 habitants

8 894

1,6 %

Moins de 500 habitants

18 717

6,4 %

Moins de 2 000 habitants

30 037

23,1 %

Moins de 5 000 habitants

33 190

37,8 %

Moins de 10 000 habitants

34 363

50,0 %

Moins de 20 000 habitants

34 895

61,0 %

Moins de 50 000 habitants

35 232

76,4 %

Moins de 100 000 habitants

35 315

84,8 %

Toutes tailles confondues

35 357

100,0 %

Source : Insee, Recensement de la population, population municipale en vigueur en 2018
(millésimée 2015)

Le coût de la dépense fiscale ne serait pas négligeable, tout en restant modéré. Dans le cas où la Fondation du patrimoine doublerait, d'ici 2023, le nombre de labels qu'elle octroie chaque année (1 150 en moyenne sur la période 2013-2017), la dépense fiscale s'élèverait à 11 millions d'euros en 2023, avec pour hypothèse un montant de travaux soutenus de 111 millions d'euros, ce qui représente un surcoût pour les finances publiques d'environ 5,5 millions d'euros . Cette dépense fiscale pourrait par ailleurs être compensée par les recettes de TVA perçues sur les travaux de restauration entrepris à la suite de la délivrance du label.

La Fondation a indiqué à votre rapporteur être en mesure de doubler le nombre de labels qu'elle délivre chaque année, ce qui semble indispensable pour éviter que la protection du petit patrimoine rural ne se retrouve marginalisée par l'extension du périmètre d'application. Elle a assuré que l'augmentation de la délivrance de labels n'aurait pas d'impact sur son activité en matière de souscription , menée en partenariat avec des collectivités territoriales et des associations. Elle a par ailleurs précisé qu'elle pourrait piloter la délivrance des labels, de manière à assurer une meilleure répartition géographique des labels octroyés et garantir que la protection du petit patrimoine rural reste assurée.

Tout en souscrivant au nouveau périmètre géographique proposé par le présent article aux communes de moins de 20 000 habitants, votre commission a souhaité apporter un certain nombre de précisions.

À l'initiative de votre rapporteur, elle a :

- ouvert expressément le bénéfice du label aux immeubles non bâtis (amendement COM-1), conformément à ce qu'imaginait le législateur en 1996, ce qui devrait permettre aux propriétaires de parcs et jardins d'obtenir l'avantage fiscal pour les travaux de restauration qu'ils effectuent sur ceux-ci ;

- limité l'application du label aux immeubles situés dans des sites protégés au titre du code de l'environnement aux seuls sites classés (amendement COM-2), dont l'intérêt est le plus exceptionnel du point de vue du paysage et comporte, à ce titre, du patrimoine de proximité qu'il est important de conserver ;

- levé toute restriction géographique concernant les immeubles non-habitables (amendement COM-3), afin d'éviter que la loi ne soit plus restrictive sur ce point que ne l'est l'instruction fiscale. La Cour des comptes avait observé, dans son rapport public annuel de 2013, que cet avantage était particulièrement favorable à la préservation des biens non habitables (fontaines, puits, pigeonniers, lavoirs, fours à pain, chapelles, moulins...), pour lesquels un propriétaire privé n'a généralement que peu d'intérêt à engager une dépense ;

- fixé deux conditions pour l'application de la déduction fiscale : d'une part, que l'immeuble sur lequel portent les travaux soit visible de la voie publique , pour que la restauration entreprise profite à tous et améliore de manière perceptible le cachet et l'attractivité de la commune dans lequel il est situé ; d'autre part, que la Fondation finance au minimum 2 % des travaux de restauration réalisés sur l'immeuble labellisé dans le but de garantir à la fois l'intérêt patrimonial de l'immeuble et la qualité des travaux (amendement COM-4). Votre commission n'a pas souhaité fixé un taux de cofinancement supérieur, qui aurait pu mettre en danger les ressources de la Fondation du patrimoine et obérer sa capacité, tant à délivrer des labels qu'à participer à des projets faisant l'objet de souscriptions de mécénat populaire ;

- imposé que la moitié des projets labellisés chaque année appartiennent au patrimoine rural (amendement COM-5) afin d'éviter que la réforme ne conduise la Fondation à se concentrer dorénavant davantage sur la rénovation urbaine que sur la protection du petit patrimoine, dont elle est aujourd'hui seule à se charger, alors même que les communes rurales disposent souvent de moyens plus limités et souffrent d'un manque d'ingénierie par rapport à des villes de dimension supérieure, telles celles de 10 000 à 20 000 habitants.

- procédé à une coordination dans le code de l'environnement (amendement COM-25).

Votre commission a adopté cet article ainsi modifié .

Article 2
(article L. 143-2 du code du patrimoine)

Extension du bénéfice du label aux jardins et parcs
et au patrimoine industriel

I. - Le droit en vigueur

L'article L. 143-2 du code du patrimoine n'apporte aucune précision quant à la nature du patrimoine non protégé auquel peut être délivré le label.

L' instruction fiscale portant sur l'application du régime spécial de déduction des charges foncières prévu à l'article 156 du code général des impôts, révisée le 19 décembre 2018, limite cependant le bénéfice du dispositif fiscal aux seuls immeubles ayant obtenu le label de la Fondation du patrimoine, ce qui signifie que les objets mobiliers, telles des machines industrielles, ne peuvent pas y prétendre. Par ailleurs, elle en exclut expressément les parcs et les jardins .

II. - Le texte de la proposition de loi

Le présent article étend le bénéfice du label « Fondation du patrimoine » aux parcs et jardins.

Il l'élargit également au patrimoine industriel dans son ensemble, ce qui recouvre à la fois les biens immobiliers et mobiliers.

III. - La position de votre commission

Votre commission a souhaité supprimer cet article (amendement COM-6). En effet, la nouvelle rédaction de l'article 1 er adoptée par votre commission autorise l'octroi du label « Fondation du patrimoine » à tout immeuble bâti ou non bâti situé dans le périmètre géographique d'application du label et dont l'intérêt, sans lui permettre de prétendre à une protection au titre des monuments historiques, justifierait qu'il soit conservé et mis en valeur. Les parcs et jardins , qui entrent dans la catégorie des immeubles non bâtis , sont de ce fait éligibles à l'octroi du label.

Cette précision correspond à l'intention du législateur au moment de la création de la Fondation du patrimoine en 1996. Dans son rapport sur le projet de loi relatif à la Fondation du patrimoine, le rapporteur de la commission des affaires culturelles du Sénat, Jean-Paul Hugot, soulignait que le label avait vocation à être attribué aux édifices appartenant au patrimoine de proximité, comme aux « éléments patrimoniaux qui restent encore aujourd'hui insuffisamment pris en compte par l'État, parmi lesquels notamment les friches industrielles, le patrimoine du XX e siècle, les parcs et jardins ou les sites naturels ».

L'introduction dans la loi d'une référence spécifique au patrimoine industriel ne paraît pas souhaitable pour plusieurs raisons. D'abord, elle est inutile en ce qui concerne les bâtiments industriels, qui sont déjà éligibles au label. Ensuite, elle pourrait laisser à penser que d'autres types de patrimoine, a contrario , tels que le patrimoine de la reconstruction ou le patrimoine du XX e siècle, ne seraient pas éligibles. Enfin, elle aurait pour effet d'étendre l'éligibilité au label à des objets mobiliers, alors que l'avantage fiscal prévu à l'article 156 du code général des impôts, qui justifie la demande de label, n'est applicable qu'aux immeubles, puisqu'il permet de déduire des charges foncières.

Votre commission a supprimé cet article .

Article 3
(article L. 143-6 du code du patrimoine)

Modification de la composition du conseil d'administration
de la Fondation du patrimoine

I. - Le droit en vigueur

En application de l'article L. 143-6 du code du patrimoine, les statuts de la Fondation du patrimoine prévoient que son conseil d'administration est composé de vingt-cinq membres qui se répartissent de la manière suivante :

- un représentant de chacun des quatorze fondateurs ;

- un sénateur, désigné par le président du Sénat, et un député, désigné par le président de l'Assemblée nationale ;

- deux personnalités qualifiées respectivement désignées par le ministère de la culture et le ministère de l'environnement ;

- trois représentants des collectivités territoriales représentant respectivement les communes, les départements et les régions ;

- trois représentants élus des membres adhérents de la Fondation élus par l'assemblée générale des adhérents au scrutin uninominal majoritaire à deux tours ;

- et un représentant de l'Institut de France, désigné par le Premier ministre sur proposition de la commission administrative centrale.

Le président de la Fondation est élu par le conseil d'administration, parmi ses membres ou en dehors de celui-ci, pour un mandat de quatre ans renouvelable.

L'article L. 143-12 du code du patrimoine impose également la présence d'un ou plusieurs commissaires du Gouvernement , désignés par l'État, qui assistent aux séances du conseil d'administration avec voix consultative. Ils ont la possibilité de demander une seconde délibération qui ne peut être refusée et au cours de laquelle le conseil d'administration statue à la majorité des deux tiers.

La loi du 2 juillet 1996 précitée a fixé la composition du conseil d'administration de la Fondation pour lui permettre, compte tenu de sa spécificité, de s'écarter des règles classiques de composition des conseils d'administration des fondations reconnues d'utilité publique (FRUP).

La composition classique du conseil d'administration
d'une FRUP telle qu'elle découle des statuts-types

La gouvernance de la fondation reconnue d'utilité publique est régie par le principe d'indépendance par rapport aux fondateurs, compte tenu du fait qu'ils ont consenti au dessaisissement définitif de leurs fonds au profit d'une oeuvre d'intérêt général. Les règles de composition du conseil d'administration reflètent ce principe.

Le conseil d'administration comprend obligatoirement entre neuf et quinze membres .

Dans l'hypothèse d'un conseil d'administration sans commissaire du Gouvernement, le conseil d'administration comporte au moins trois collèges , dont le collège des fondateurs, le collège des personnalités qualifiées et le collège des membres de droit, qui représente l'intérêt général.

L'existence de plusieurs collèges indépendant s les uns des autres, dont aucun ne détient la majorité absolue , doit permettre de confronter les points de vue , en fonction des expertises de chacun, et de conférer ainsi aux décisions du conseil d'administration davantage de légitimité .

Le collège des fondateurs représente au plus un tiers des administrateurs et comprend les personnes physiques ou les représentants des personnes morales qui apportent la dotation, ainsi que les personnes nommées et renouvelées par elles. Il peut être prévu que ce collège ne subsiste pas à la disparition ou au retrait des fondateurs. Dans ce cas, les statuts prévoient le sort des sièges ainsi libérés : réduction de l'effectif du conseil d'administration (sous réserve qu'il ne descende pas en dessous de neuf sièges), attribution des sièges au collège des personnalités qualifiées, attribution à un autre collège lorsque les statuts en ont prévu plus de trois.

Le collège des membres de droit représente au moins un tiers des administrateurs et comprend le ministre de l'intérieur ou son représentant et, les cas échéants, les ministres de tutelle ou leurs représentants, les représentants de collectivités territoriales, ou d'autres personnes publiques.

Le collège des personnalités qualifiées est coopté par les autres membres du conseil d'administration et comprend des personnes choisies en raison de leur compétence dans le domaine d'activité de la fondation.

Le conseil d'administration peut être composé d'autres collèges : le collège des salariés, le collège des amis de la fondation, le collège des usagers de la fondation, le collège des donateurs et mécènes...

Forme la plus répandue, le conseil d'administration avec un commissaire du Gouvernement comporte au moins trois collèges, dont le collège des fondateurs, le collège des personnalités qualifiées, et, soit le collège des membres de droit, soit le collège des partenaires institutionnels. Mais surtout, le commissaire du Gouvernement, désigné par le ministre de l'intérieur, assiste aux séances du conseil d'administration avec voix consultative.

Source : Commission de la culture, de l'éducation et de la communication,
sur la base d'une fiche réalisée par le Centre français des fonds et fondations

Cette composition se distingue de celle des conseils d'administration des FRUP sur plusieurs points.

Premièrement, les fondateurs disposent de la majorité absolue des voix au sein de cet organe de décision. Cette disposition a été prévue pour favoriser l'implication durable des entreprises mécènes au sein de la future institution et leur apporter la garantie que la Fondation ne se transformerait pas en un instrument au service d'une politique définie par l'État qui serait financée à partir de fonds privés.

Deuxièmement, le conseil d'administration comporte un collège des adhérents pour tenir compte de l'existence d'un dispositif d'adhésion des personnes physiques ou morales à la Fondation du patrimoine. Ce dispositif est inédit au sein d'une fondation, qui a vocation à rassembler des biens - et non des personnes - autour d'une oeuvre commune, par opposition à une association.

Troisièmement, les personnalités qualifiées qui y siègent ne sont pas désignées, comme habituellement, par les autres membres du conseil d'administration, mais par l'État. En revanche, la présence de l'État en tant que tel au sein de ce conseil d'administration n'est assurée qu'au travers de la présence de commissaires du gouvernement.

II. - Le texte de la proposition de loi

Le présent article modifie l'organisation du conseil d'administration. Son objectif est de rendre la gouvernance plus efficace, de faciliter la réunion du quorum et de permettre aux soutiens actifs de la Fondation du patrimoine, en particulier les mécènes, d'y être mieux représentés.

À cette fin, il inscrit désormais dans la loi le nombre de représentants pour chacun des collèges et opère une réduction significative du nombre global de membres du conseil d'administration, qui passe de 25 à 15 membres , hors président. Il confère une valeur législative à la disposition autorisant le conseil d'administration à pouvoir choisir le président hors de son sein (1°).

Le 2° étend le collège des fondateurs aux mécènes et en limite le nombre total à huit représentants, alors que chacun des quatorze fondateurs disposait jusqu'ici d'un siège. En conséquence, le 6° supprime l'avant-dernier alinéa de l'article L. 143-6 qui imposait que « les représentants des fondateurs [ disposent ] ensemble de la majorité absolue des voix au conseil d'administration ». Ce nouveau collège, composé désormais à la fois de fondateurs et de mécènes, continuera à détenir la majorité des sièges.

Le 3° fixe à deux le nombre de sièges du collège des personnalités qualifiées. Elles restent désignées par l'État.

Le 4° attribue trois sièges aux représentants des collectivités territoriales, comme actuellement, et exige que l'un d'entre eux soit issu d'une collectivité territoriale adhérente à la Fondation.

Le 5° supprime le collège des adhérents , qui disposait jusqu'ici de trois représentants, ainsi que le siège destiné à un représentant des associations de propriétaires de monuments protégés.

III. - La position de votre commission

La réduction du nombre de sièges du conseil d'administration va dans le sens des conclusions formulées par la Cour des comptes dans son rapport de novembre 2018. Elle avait alors relevé les difficultés rencontrées par le conseil d'administration en raison du nombre élevé de ses membres et du fort absentéisme de ceux-ci. Seuls 57 % des administrateurs siégeraient en moyenne au sein du conseil et un cinquième d'entre eux n'auraient jamais donné de pouvoir pour les réunions de celui-ci, ce qui rend délicate la réunion du quorum. Lors des auditions conduites par votre rapporteur, plusieurs personnes siégeant au sein du conseil ont déploré le caractère pléthorique du conseil d'administration de la Fondation du patrimoine, peu propice aux échanges de vues entre ses différents membres, au point de transformer trop souvent le conseil d'administration en une simple chambre d'enregistrement.

La réduction de l'effectif du conseil d'administration permettrait également à la fondation se rapprocher des règles qui s'appliquent aux conseils d'administration des autres FRUP , dont le nombre de membres doit être compris entre neuf et quinze. Il paraît possible d'aller encore plus loin dans ce rapprochement en modifiant le mode de désignation des personnalités qualifiées . Aujourd'hui nommées par l'État, elles pourraient parfaitement être cooptées par les autres membres du conseil d'administration, comme c'est le cas habituellement au sein des FRUP, dès lors que la présence de l'État est de toute façon assurée par les commissaires du gouvernement.

La Fondation du patrimoine est très attachée à ce que les représentants de la sphère privée - fondateurs et mécènes - conservent la majorité absolue au sein du conseil d'administration. Votre commission estime que cette dérogation peut être maintenue dans la mesure où elle peut renforcer la confiance des entreprises dans l'action de la Fondation et les inciter à la soutenir davantage.

Concernant la nature des membres appelés à siéger au sein du conseil d'administration de la Fondation, l'entrée de représentants des mécènes pourrait contribuer à accroître la représentativité de cet organe. Elle permettrait de refléter l'investissement, ces dernières années, au sein de la Fondation, de certaines entreprises qui n'étaient pas parmi les fondateurs. Le mécénat des entreprises représente une part croissante des ressources de la Fondation, dont il paraît légitime de tenir compte : il s'est élevé à 7,1 millions d'euros en 2018 (hors collectes), soit environ 14 % des ressources. À l'inverse, une partie des fondateurs se désintéresse des missions de la Fondation et pratiquement aucun ne contribue encore financièrement au fonctionnement de celle-ci, même si plusieurs restent investis dans son fonctionnement.

En revanche, il ne semble pas justifié de maintenir des parlementaires au sein du conseil d'administration, compte tenu de la présence de commissaires du gouvernement et de la large représentation des collectivités territoriales en son sein. La suppression de leur siège irait dans le sens de la réflexion menée par le Sénat depuis 2015 sur les organismes extérieurs au Parlement. La Haute Assemblée souhaite en effet recentrer l'activité des parlementaires sur les travaux de leur assemblée (séance plénière, commissions, délégations, structures temporaires, etc.) et ne maintenir leur présence qu'au sein des établissements publics les plus stratégiques ou des organismes qui lui permettent, soit de mieux contrôler l'action du Gouvernement, soit de mettre à profit leur expérience et leur connaissance des attentes de nos concitoyens.

S'agissant du collège des collectivités territoriales , son maintien est primordial compte tenu de leur rôle en matière de protection du patrimoine de proximité. Il permet également aux élus locaux d'être pleinement associés à la définition de la politique de la Fondation, dont les actions ont un impact non négligeable sur l'aménagement culturel et touristique du territoire. Il serait utile que les communes rurales disposent elles aussi d'un représentant au sein du conseil. Elles sont intéressées au premier chef par la mission de la Fondation en matière d'identification, de conservation et de mise en valeur du patrimoine de proximité.

Votre commission a estimé qu'il était délicat d'imposer que l'un des représentants des collectivités territoriales émane d'une collectivité adhérente à la Fondation, ce qui supposerait une concertation entre les associations d'élus avant de procéder à leur nomination respective pour s'assurer que l'une d'entre elles a veillé à respecter ladite obligation.

Une analyse de la structure de la composition des adhérents à la Fondation s'avère nécessaire pour apprécier la pertinence de la disparition du collège des adhérents .

Les adhérents à la Fondation du patrimoine

2016

2017

2018

Nombre

%

Nombre

%

Nombre

%

Collectivités

4 915

58 %

4 805

63 %

4 474

65 %

Conseil régionaux

2

0 %

2

0 %

1

0 %

Conseils départementaux

12

0 %

10

0 %

5

0 %

Intercommunalités

92

1 %

52

1 %

40

1 %

Communes

4 809

56 %

4 741

62 %

4 428

65 %

Particuliers

2 875

34 %

2 243

29 %

1 825

27 %

Associations

484

6 %

350

5 %

294

4 %

Entreprises

234

3 %

263

3 %

253

4 %

Autres

24

0 %

15

0 %

7

0 %

TOTAL

8 532

100 %

7 676

100 %

6 853

100 %

Source : Fondation du Patrimoine

Les deux tiers des adhérents sont des collectivités territoriales, déjà représentées au conseil d'administration. Les entreprises, qui constituent 4 % des adhérents, devraient également siéger au conseil d'administration en qualité de fondateurs ou de mécènes.

La principale difficulté soulevée par la disparition du collège des adhérents est qu'elle aura pour effet de remettre en cause la présence des associations de préservation du patrimoine au sein du conseil d'administration. Les trois sièges des adhérents sont aujourd'hui occupés par des représentants de ces associations.

Or, celles-ci sont des partenaires importants de la Fondation du patrimoine dans les territoires au même titre que les collectivités territoriales. Elles jouent un rôle important de relais de la Fondation au niveau local, participant activement à la promotion du label et des actions qu'elle conduit. Compte tenu de leur connaissance du terrain et des enjeux patrimoniaux, il serait logique qu'ils puissent faire profiter la Fondation de leur expérience au sein du conseil d'administration.

Jusqu'ici, plusieurs représentants d'associations siégeaient, aux côtés de personnalités qualifiées, au sein du conseil d'orientation , placé auprès du président de la Fondation et chargé de donner des avis et de formuler des recommandations sur la politique définie et les actions mises en oeuvre par la Fondation du patrimoine. Ce conseil, prévu dans les statuts de la Fondation et relevant du domaine réglementaire, n'a pas été réuni depuis plusieurs années. Sa réactivation serait utile.

Dans ces conditions, votre commission a adopté la rédaction globale proposée par le Gouvernement (amendement COM-28), qui se borne à fixer dans la loi les trois catégories de personnes qui composent le conseil d'administration :

- des représentants des fondateurs, mécènes et donateurs disposant ensemble de la majorité des sièges ;

- des personnalités qualifiées ;

- des représentants des collectivités territoriales, votre commission ayant souhaité préciser que la représentation des communes rurales, des communes, des départements et des régions devrait être assurée (sous-amendement COM-29) .

Votre commission a également ajouté la présence d'un représentant des associations nationales de sauvegarde du patrimoine (sous-amendement COM-30), distinct des personnalités qualifiées, pour permettre auxdites associations de se mettre d'accord sur le nom du représentant auquel le siège est attribué, ce qui n'aurait pas été garanti si celui-ci avait fait l'objet d'une cooptation par les autres membres du conseil d'administration.

La fixation du nombre de représentants et de personnalités qualifiées et les conditions de leur désignation et de leur renouvellement relèvera des statuts. Les membres du conseil exerceront leurs fonctions à titre gratuit.

Votre commission a adopté cet article ainsi modifié .

Article 4
(article L. 143-7 du code du patrimoine)

Possibilité pour la Fondation du patrimoine de bénéficier
de dotations en actions ou parts sociales d'entreprises

I. - Le droit en vigueur

L'article L. 143-7 du code du patrimoine dresse la liste des ressources dont dispose la Fondation pour financer ses activités. Entrent dans cette catégorie les versements des fondateurs, les revenus de ses biens, les produits du placement de ses fonds, les cotisations, les subventions publiques, les dons et legs, une fraction du produit des successions en déshérence, une fraction du produit du Loto du patrimoine et les recettes provenant de son activité.

Cet article mentionne la possibilité pour la Fondation de bénéficier d' actions ou de parts de sociétés détenues ou contrôlées par les fondateurs et lui dénient, dans ce cas, la faculté d'exercer les droits de vote qui y seraient attachés.

Il ne prévoit pas expressément la possibilité qu'une entreprise, en dehors des fondateurs, puisse lui apporter des actions ou des parts sociales et ne fixe dès lors aucune règle relative aux modalités de gestion de ces éventuelles dotations, le cas échéant.

II. - Le texte de la proposition de loi

Cet article vise à accroître les ressources financières de la Fondation en l'autorisant à détenir des parts sociales ou des actions d'une société ayant une activité industrielle ou commerciale quelle qu'elle soit.

Conformément à la jurisprudence du Conseil d'État, qui exige que, dans le cas où une fondation se retrouverait actionnaire majoritaire, ses statuts précisent les modalités de gestion de ses participations et la nature des décisions qu'elle peut prendre dans ce cadre tout en se conformant à sa mission d'utilité publique, le présent article ne prévoit aucune limitation de seuil ou de droits de vote pour la détention d'actions et de parts par la Fondation du patrimoine dès lors qu'elle n'intervient pas « directement dans la gestion de ces sociétés, afin de préserver son caractère d'oeuvre d'intérêt général à but non lucratif ».

III. - La position de votre commission

Cet article a pour objectif de faciliter les dotations en actions ou en parts sociales de la part d'entreprises mécènes .

Lorsque la présente proposition de loi a été déposée en mars dernier, la législation applicable aux fondations reconnues d'utilité publique sur ce sujet était plus restrictive . L'article 18-3 de la loi n° 87-571 du 23 juillet 1987 sur le développement du mécénat autorisait déjà ces fondations à détenir des parts ou actions d'une société industrielle et commerciale, sans limitation de seuil ou de droits de vote, mais elle y posait deux conditions :

- que les titres soient reçus dans le cadre d'une cession ou d'une transmission d'entreprises ;

- que le principe de spécialité de la Fondation soit respecté.

Or, ce second principe faisait l'objet d'interprétations divergentes, certains estimant, dans une acception souple, qu'il s'apparentait à une obligation pour la Fondation de ne pas s'immiscer dans la gestion de l'entreprise, et d'autres, au contraire, dans une acception stricte, qu'il faisait obstacle à ce qu'une entreprise qui n'exercerait pas une activité en rapport avec l'objet social de la Fondation - en l'espèce, la préservation du patrimoine - puisse transférer des titres à ladite fondation.

L'article 18-3 de la loi n° 87-571 susmentionné a été modifié il y a quelques mois par l'article 178 de la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises , dite loi « PACTE ». La référence aux opérations de cession ou de transmission d'entreprises a été supprimée à cette occasion. Le principe de spécialité a également été précisé, puisque l'article prévoit désormais que « lorsque ces parts ou ces actions confèrent à la fondation le contrôle de la société au sens de l'article L. 233-3 du code de commerce, les statuts de la fondation indiquent comment, en application du principe de spécialité, cette dernière assure la gestion de ces parts ou actions sans s'immiscer dans la gestion de la société et les conditions dans lesquelles la fondation se prononce notamment sur l'approbation des comptes de la société, la distribution de ses dividendes, l'augmentation ou la réduction de son capital ainsi que sur les décisions susceptibles d'entraîner une modification de ses statuts. »

Ces nouvelles dispositions résultant de la loi PACTE , qui poursuivent le même objectif que le présent article, rendent inutiles l'adoption de dispositions spécifiques à la Fondation du patrimoine . Elles s'appliquent en effet à l'ensemble des fondations reconnues d'utilité publique, catégorie dont relève la Fondation du patrimoine suite à la reconnaissance de son utilité publique par un décret du 18 avril 1997. Il appartiendra à la Fondation du patrimoine de modifier ses statuts pour y préciser les modalités de gestion des titres qu'elle détient afin qu'elles lui soient pleinement applicables.

En revanche, ces nouvelles règles rendent nécessaire la suppression de la seconde phrase de l'article L. 143-7 du code du patrimoine, qui prévoit que « Lorsqu'elle possède des parts ou actions de sociétés détenues ou contrôlées par les fondateurs, la ?Fondation du patrimoine? ne peut exercer les droits de vote attachés à ces actions » (amendement COM-12). Ces dispositions sont en effet incompatibles avec celles découlant de la loi PACTE, qui enjoint les fondations à gérer leurs parts ou actions tout en veillant à ne pas s'immiscer dans la gestion de la société.

Votre commission a adopté cet article ainsi modifié .

Article 5
(article L. 143-2-2 [nouveau] du code du patrimoine)

Modalités de réaffectation des dons
à un autre projet porté par la Fondation du patrimoine

I. - Le droit en vigueur

Aucune disposition de nature législative ne traite des modalités de réaffectation des dons par des organismes caritatifs.

La Cour des comptes a néanmoins eu l'occasion de se prononcer sur cette question à l'occasion du tsunami en Asie du Sud-Est survenu le 26 décembre 2004, qui a suscité un tel élan de solidarité que les sommes collectées ont excédé les besoins humanitaires. L'article L. 111-9 du code des juridictions financières donne à la cour compétence pour contrôler les organismes qui font appel à la générosité du public, afin de vérifier la conformité des dépenses aux objectifs poursuivis par cet appel.

Elle a alors souligné que le respect de la loi et de la volonté du donateur implique, en principe , que les fonds collectés à l'occasion d'une campagne de collecte soient affectés à l'objet précisé dans la campagne , sauf à ce que l'objet de l'appel se confonde avec l'objet social de l'organisme. Elle a néanmoins précisé que l'organisme a la possibilité de réaffecter les fonds non dépensés à d'autres causes, à condition, en particulier, que le donateur en ait été préalablement informé et ait donné son accord . Elle estime en effet qu'« un donateur éclairé peut accepter une réaffectation partielle des fonds, si elle est effectuée dans des conditions de transparence qui garantissent le respect de sa volonté » 1 ( * ) . C'est pourquoi elle invite les associations à rendre compte aux donateurs des résultats de la collecte, leur expliquer la situation et obtenir leur accord pour un autre emploi des fonds.

De fait, la Fondation du patrimoine satisfait cette obligation vis-à-vis des donateurs , puisque, dès avant ce rapport de la Cour des comptes, elle les informait déjà en amont, sur les bulletins de souscription et sur son site internet, de la possibilité de réaffecter leur don sur un autre projet si celui qu'ils soutenaient n'aboutissait pas.

Elle rencontre davantage de difficultés à l'égard des porteurs de projet . Près de 10 millions d'euros sont aujourd'hui immobilisés dans les caisses de la Fondation, qu'elle ne peut pas réinvestir dans d'autres projets, faute d'avoir pu demander ou obtenir l'accord du porteur de projet initial pour procéder à cette réaffectation.

Les souscriptions populaires font l'objet de conventions conclues entre la Fondation et le porteur du projet dont la restauration doit être financée, pour partie au moins, par le produit de la souscription. Le porteur de projet peut être une collectivité territoriale ou une association et, plus occasionnellement, un propriétaire privé. Or, jusqu'en juin 2015, les conventions de souscription prévoyaient une clôture de la collecte concomitante à l'achèvement des travaux, sans en préciser la durée . Elles autorisaient une réaffectation des fonds collectés en cas d'excédent collecté ou d'abandon du projet, sous réserve d'avoir obtenu l'accord du porteur de projet .

Face aux difficultés rencontrées pour recueillir l'accord des porteurs de projet, la Fondation a modifié plusieurs clauses de ses conventions de souscription à partir de juin 2015 . Désormais, ces conventions prévoient une résiliation et donc un arrêt de la collecte pour le cas où celle-ci resterait inactive (absence d'entrée ou de sortie de fonds) pendant un délai consécutif de deux ans. Elles autorisent par ailleurs la Fondation, en cas d'abandon du projet, de non-conformité des travaux ou d'un excédent de collecte, à décider unilatéralement de l'affectation des fonds collectés si aucun accord n'a été trouvé pendant un délai de six mois avec le porteur de projet. La mise en place de ces nouvelles conventions permet de contenir l'accumulation des sommes immobilisées chaque année, sans apporter de solutions pour les projets lancés avant 2015.

II. - Le texte de la proposition de loi

Le présent article vise à faciliter la réaffectation des fonds collectés par la Fondation dans le cadre d'une campagne de souscription au financement d'un autre projet de sauvegarde du patrimoine qu'elle soutient.

Le I transpose dans la loi le dispositif prévu par les nouvelles conventions de souscription depuis juin 2015. Il donne la possibilité de réaffecter les sommes collectées à un autre projet dans trois circonstances :

- lorsque le projet de travaux n'a pas abouti ;

- lorsque le projet de travaux n'a pas respecté le cahier des charges convenu entre la Fondation du patrimoine et le porteur de projet.

Ces deux premières circonstances peuvent être constatées au terme d'un délai de cinq ans après la conclusion d'une convention de souscription avec un porteur de projet ;

- lorsque le montant des dons collectés excède le coût effectif des travaux.

En principe , la Fondation du patrimoine doit alors se mettre d'accord avec le porteur de projet initial pour déterminer le projet auquel les fonds sont réaffectés. Toutefois, pour surmonter un éventuel blocage, le présent article autorise la Fondation à sélectionner de manière unilatérale le projet auquel elle alloue les dons collectés si elle n'est pas parvenue à recueillir un accord du porteur de projet dans un délai de six mois .

Il impose également à la Fondation d' informer les donateurs du projet initial de cette réaffectation, conformément aux conclusions de la Cour des comptes dans son rapport de janvier 2007. Il n'en fixe pas les modalités pratiques (courrier individuel, publication sur le site internet...).

Le II confère une portée rétroactive à ce dispositif pour le rendre également applicable aux projets lancés avant 2015, pour lesquels aucun accord avec le porteur de projet initial n'a été trouvé.

III. - La position de votre commission

Le présent article poursuit un objectif souhaitable : celui de permettre à la Fondation du patrimoine de réinjecter près de 10 millions d'euros récoltés pour des projets achevés ou caducs, mais aujourd'hui immobilisés dans ses caisses, faute de dispositions suffisamment précises, dans de nouveaux projets de sauvegarde du patrimoine. Par son caractère rétroactif, il aura toutefois pour effet de remettre en cause les termes de contrats passés entre la Fondation et les maîtres d'ouvrage, ce qui soulève d'importantes difficultés juridiques. Néanmoins, les dons récoltés par la Fondation sur la base de ces contrats passés ont bénéficié du dispositif de défiscalisation applicable en matière de dons des particuliers et des entreprises. Dans ces conditions, il ne paraît pas acceptable qu'ils ne servent pas l'intérêt général qui a justifié l'octroi d'un avantage fiscal.

Votre commission a modifié la rédaction du dispositif (amendement COM-13) pour clarifier les délais dans lesquels les fonds collectés par la Fondation du patrimoine dans le cadre d'une souscription peuvent être réaffectés à un autre projet de sauvegarde du patrimoine . Elle a prévu :

- un délai de cinq ans dans le cas où les travaux n'ont jamais démarré ;

- l'achèvement des travaux pour constater que ceux-ci n'ont pas respecté le cahier des charges ou qu'un excédent de dons a été perçu par rapport au coût effectif des travaux.

Elle a mis en place une procédure de notification à cette échéance et donné davantage le choix au maître d'ouvrage sur le projet de sauvegarde du patrimoine auquel les fonds peuvent être réaffectés. Elle a maintenu la possibilité pour la Fondation de décider unilatéralement de la réaffectation, dans le cas où les parties ne se seraient pas entendues au terme d'une période de six mois.

Votre commission a adopté cet article ainsi modifié .

Article 6
(article L. 143-5 et L. 143-8 [abrogés] du code du patrimoine)

Suppression de dispositions relatives à l'insaisissabilité des biens acquis par la Fondation du patrimoine et lui permettant de recourir
à des prérogatives de puissance publique

I. - Le droit en vigueur

Lors de la création de la Fondation du patrimoine en 1996, le fonctionnement du National Trust britannique faisait figure de modèle. Le législateur souhaitait que la Fondation du patrimoine, comme l'institution outre-Manche, puisse se porter propriétaire des éléments remarquables du patrimoine en péril pour mener à bien sa mission de sauvegarde du patrimoine de proximité. Le cinquième alinéa de l'article L. 143-2 du code du patrimoine l'autorise ainsi à acquérir les biens menacés de destruction, de dégradation ou de dispersion .

Le code du patrimoine confie à la Fondation certaines prérogatives exorbitantes du droit commun pour garantir l'efficacité de ses interventions en matière d'acquisition.

L'article L. 143-8 lui donne la possibilité de demander à l'État de recourir, pour son compte et à ses frais, soit à la procédure d'expropriation pour cause d'utilité publique pour faciliter l'acquisition de monuments historiques classés ou en instance de classement ou de monuments naturels et sites classés au titre du code de l'environnement, soit à la procédure de préemption en vente publique des oeuvres d'art pour permettre l'acquisition d'un ensemble mobilier avant sa dispersion.

L'article L. 143-5 donne aux biens qu'elle acquiert un caractère insaisissable à l'égard des créanciers . Il précise que cette protection n'est pas opposable aux créanciers du précédent propriétaire disposant de droits régulièrement inscrits sur le bien au moment de son acquisition par la Fondation.

À la différence du National Trust britannique, le législateur n'a pas prévu que les biens acquis par la Fondation soient inaliénables. Les acquisitions qu'elle réalise ont vocation à n'avoir qu'un caractère provisoire et conservatoire , l'objectif étant qu'elle puisse céder ensuite le bien à une personne, publique ou privée, capable d'en assumer l'entretien et la restauration.

II. - Le texte de la proposition de loi

Prenant acte du fait que la Fondation du patrimoine n'est jamais devenue gestionnaire de biens patrimoniaux depuis sa création il y a vingt-trois ans, le présent article abroge les articles L. 143-5 et L. 143-8 du code du patrimoine.

III. - La position de votre commission

Dès l'origine, le législateur envisageait que la mise en oeuvre de telles prérogatives resterait, dans la pratique, extrêmement limitée. Jean-Paul Hugot, rapporteur de la commission des affaires culturelles du Sénat, soulignait ainsi dans son rapport de première lecture que ces prérogatives « constituent un instrument de tout dernier recours, et n'ont vocation à être utilisées que lorsque toutes les autres issues ont été explorées sans succès ». Il ajoutait que la vocation de la Fondation du patrimoine était, avant tout « d'accompagner préalablement, le plus loin possible, le propriétaire du bien dans l'exercice de sa mission patrimoniale ».

Si l'existence de telles prérogatives exorbitantes du droit commun pouvait se justifier à l'époque où il était envisagé de créer, au travers de la Fondation du patrimoine, un National Trust à la française, tel ne paraît plus être le cas une fois cette ambition abandonnée. Entendue par votre rapporteur, les représentants de la Fondation ont confirmé que ces prérogatives ne correspondaient pas à sa logique de fonctionnement . Par ailleurs, notre pays dispose déjà, avec le Centre des monuments nationaux, d'un établissement public voué à conserver, restaurer et présenter au public les monuments les plus emblématiques de notre patrimoine, à savoir les monuments historiques.

L'abrogation de ces dispositions rapprochera la Fondation du régime de droit commun des fondations reconnues d'utilité publique , qui ne disposent pas de telles prérogatives. Elle permettra de mieux distinguer le rôle de cette fondation de celui joué par l'État en matière de préservation du patrimoine et évitera qu'elle ne puisse apparaître comme un établissement de l'État qui n'en aurait pas le nom. Rien n'empêchera, quoi qu'il en soit, l'État d'exproprier ou de préempter des biens immobiliers ou mobiliers et de les confier à la Fondation à des fins de gestion temporaire.

Votre commission a adopté cet article sans modification .

Article additionnel après l'article 6
(article L. 143-12 du code du patrimoine)

Contrôle de la Fondation du patrimoine par le Parlement

À l'initiative de votre rapporteur, votre commission a étendu aux commissions chargées de la culture de l'Assemblée nationale et du Sénat l'obligation de transmission annuelle d'un rapport d'activité , aujourd'hui adressée à la seule autorité administrative en application de l'article L. 143-12 du code du patrimoine (amendement COM-14). La transmission de ce rapport d'activité s'accompagnera d'une présentation des grandes orientations pour l'année à venir.

Cette disposition vise à faciliter le contrôle du Parlement sur la Fondation du patrimoine, au sein de laquelle les parlementaires ne devraient plus siéger, conformément à la nouvelle rédaction de l'article 3 résultant des travaux de votre commission.

Votre commission a adopté cet article additionnel .

Article 7

Gage financier

I. - Le texte de la proposition de loi

Cet article prévoit que les conséquences financières qui résulteraient pour l'État du présent texte soient compensées, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits perçus sur les tabacs manufacturés vendus au détail ou importés dans les départements de la France continentale.

II. - La position de votre commission

Les dispositions des articles 1 er et 2 de la présente proposition de loi devraient avoir un impact financier sur le budget de l'État du fait de l'ouverture du label « Fondation du patrimoine » à de nouveaux bénéficiaires susceptibles d'utiliser les mesures fiscales qui y sont attachées.

Votre commission a adopté cet article sans modification .

*

* *

Au cours de sa réunion du jeudi 17 octobre 2019, votre commission a adopté la proposition de loi ainsi modifiée .

EXAMEN EN COMMISSION

JEUDI 17 OCTOBRE 2019

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- Présidence de Mme Catherine Dumas, vice-présidente -

Mme Catherine Dumas , présidente . - Nous examinons aujourd'hui la proposition de loi n° 381 (2018-2019) déposée par notre collègue Dominique Vérien le 15 mars dernier visant à moderniser les outils et la gouvernance de la Fondation du patrimoine. Lors de sa réunion du 17 octobre, la Conférence des présidents a décidé que ce texte serait intégralement examiné selon la procédure de législation en commission prévue aux articles 47 ter à 47 quinquies du Règlement du Sénat, en vertu de laquelle le droit d'amendement s'exerce uniquement en commission. L'examen en séance plénière est programmé mercredi prochain à 22 heures...

M. André Gattolin . - Ce sera la nuit du patrimoine !

Mme Catherine Dumas , présidente . - Il sera réservé aux explications de vote et au vote du texte que nous aurons élaboré aujourd'hui.

Notre réunion est ouverte à l'ensemble des sénateurs - seuls les membres de la commission de la culture étant autorisés à prendre part aux votes - et au public. Elle fait l'objet d'une captation audiovisuelle diffusée en direct et en vidéo à la demande sur le site internet du Sénat.

Mme Dominique Vérien , auteure de la proposition de loi . - Nouvelle sénatrice, c'est la première proposition de loi que je dépose. J'espère que nos débats l'enrichiront. La Fondation du patrimoine est un acteur majeur du territoire, comme l'a encore montré l'initiative de Stéphane Bern et le loto du patrimoine dont la gestion des recettes lui a été confiée. Elle a besoin de moderniser ses outils, conformément aux recommandations formulées par la Cour des comptes.

Le label délivré par la Fondation du patrimoine permet à des propriétaires privés de déduire de leurs revenus 50 % du montant des travaux d'embellissement des façades extérieures des immeubles, dans certaines conditions : accord de l'architecte des Bâtiments de France (ABF) pour l'octroi du label, ou encore visibilité de l'immeuble depuis la rue. Alors que la loi n'avait pas posé de limites à ce label lors de la création de la Fondation du patrimoine, Bercy a petit à petit restreint ses conditions d'octroi, par un rescrit fiscal, le réservant aux immeubles situés dans les seuls sites patrimoniaux remarquables, ou dans des communes rurales au sens de l'Insee, c'est-à-dire de moins de 2 000 habitants. Or la ruralité, dont nous débattons souvent, ne se résume pas aux communes de moins de 2 000 habitants, surtout aujourd'hui avec la multiplication des communes nouvelles. Nous avons donc pensé qu'élargir le seuil aux communes de moins de 20 000 habitants serait plus adapté.

Le conseil d'administration de la Fondation compte 25 membres. Celle-ci souhaite réduire cet effectif. Ma proposition prévoit 16 membres. Notre rapporteur proposera en outre de supprimer les sièges revenant à des parlementaires, car le Sénat souhaite que ceux-ci se concentrent sur les activités parlementaires stricto sensu .

Autre outil à la disposition de la Fondation : le lancement de souscriptions populaires. Les porteurs de projets peuvent solliciter la Fondation pour recueillir des dons ; cela donne lieu à défiscalisation. Mais certains projets ne voient jamais le jour, ou trouvent un autre financement, assurantiel par exemple, avec pour conséquence le fait que l'argent de la souscription n'est jamais utilisé. Ma proposition prévoit un mécanisme pour débloquer cet argent - dix millions d'euros sont ainsi bloqués - et le réaffecter à d'autres projets patrimoniaux.

- Présidence de Mme Catherine Morin-Desailly, présidente -

Mme Dominique Vérien . - La Fondation ayant été créée au Sénat, il est logique que cette proposition de loi y soit examinée en premier lieu. Je remercie la présidente d'avoir bien voulu l'inscrire à l'ordre du jour.

M. Jean-Pierre Leleux , rapporteur . - Les liens entre la Fondation du patrimoine et le Sénat ont toujours été étroits. Souvenons-nous que la Fondation a été créée en 1996 sur la base d'une idée de notre ancien collègue, Jean-Paul Hugot, sénateur-maire de Saumur. C'est ensuite une initiative de notre ancien collègue Yann Gaillard qui a permis d'attribuer une fraction du produit des successions en déshérence au financement d'actions de sauvegarde du patrimoine et, particulièrement, du patrimoine public non protégé au titre des monuments historiques.

Nous ne sommes donc pas surpris que la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui, qui vise à moderniser les outils et la gouvernance de la Fondation du patrimoine, émane une nouvelle fois de la Haute Assemblée.

Elle s'inscrit dans le cadre d'un nouvel élan en faveur du patrimoine, que nous avons bien ressenti au sein de notre commission ces dernières années. Nous avons pu observer que les Français apparaissent de plus en plus soucieux de la protection de leur patrimoine, comme l'a montré le succès du tirage spécial du loto mis en place pour la première fois en 2018. Nous avons également constaté à quel point la restauration du patrimoine devenait un enjeu de politique publique, compte tenu du rôle clé que celui-ci peut jouer pour l'attractivité des territoires, le développement économique, l'identité et la cohésion sociale.

Or, la Fondation du patrimoine est devenue, depuis sa création il y a 23 ans, un acteur incontournable de la protection du patrimoine dans notre pays, aux côtés de l'État, des collectivités territoriales et des associations qui oeuvrent également sur le terrain. Fondation de droit privé reconnue d'utilité publique en 1997, elle est chargée de mobiliser le secteur privé pour compléter l'action de l'État en matière de protection du patrimoine, centrée principalement, faute de moyens, sur les monuments historiques.

Or la Fondation est à la croisée des chemins. Depuis sa création, ses missions se sont élargies, grâce à l'essor du mécénat à la suite de la loi du 1 er août 2003. Une part centrale de son activité repose sur l'organisation de souscriptions populaires en faveur de projets de restauration du patrimoine portés par les communes et des associations. Elle conclut de multiples partenariats avec des entreprises aux niveaux national et local pour faciliter la mobilisation des fonds privés en faveur de la sauvegarde du patrimoine. Elle s'est également vue confier l'an passé la gestion des recettes perçues sur le loto du patrimoine, qui doivent financer la restauration des sites en péril identifiés comme prioritaires dans le cadre de la mission de Stéphane Bern.

L'élargissement de ses missions n'est pas une mauvaise chose, tant les attentes en matière de protection du patrimoine sont multiples. Mais il nourrit la crainte que la Fondation ne finisse par trop s'éloigner de ce qui constitue son coeur de métier : la protection du patrimoine non protégé. Nous avons tous à l'esprit des images de ce patrimoine, dit « de proximité », qui, sans justifier une protection au titre des monuments historiques, présente un intérêt artistique, historique ou ethnologique suffisant pour donner à nos territoires son cachet et rendre souhaitable sa conservation. C'est pour garantir la protection de ce patrimoine, dont l'État ne peut pas se charger, et qui est souvent entre les mains de propriétaires privés, que le législateur a autorisé la Fondation à délivrer un label permettant de mieux l'identifier et d'inciter les propriétaires à le restaurer grâce à la déduction fiscale qui lui est associée, et qui s'applique pour les travaux réalisés sur lui.

Dans le même temps, la Fondation n'a jamais fait usage de certaines prérogatives que lui avait confiées la loi, telle la possibilité d'acquérir des biens menacés de destruction, de dégradation, ou de dispersion, pour en assurer le sauvetage à titre temporaire. Les raisons pour lesquelles la Fondation ne s'est pas lancée sur cette voie ne sont pas claires : une question d'ADN, m'a-t-il été répondu ; une question de moyens aussi, sans doute.

La Fondation du patrimoine n'a clairement pas les moyens du National Trust britannique qui lui servait de modèle ; les recettes provenant du dispositif d'adhésion restent limitées ; celles provenant du produit des successions en déshérence se réduisent chaque année ; la reconduction du Loto du patrimoine au-delà de 2020 n'est pas assurée.

D'où les objectifs de cette PPL : d'une part, redonner de la pertinence au label « Fondation du patrimoine » ; d'autre part, redonner du souffle à la Fondation.

La réforme du label fait l'objet des articles 1 er et 2.

La délivrance du label est aujourd'hui conditionnée au respect d'un certain nombre de critères fixés par une instruction fiscale ; ils portent tant sur la nature du patrimoine éligible que sur les zones géographiques dans lesquelles celui-ci peut être labellisé. L'instruction fiscale en a notamment restreint l'octroi en l'orientant vers la sauvegarde du patrimoine rural.

Lors des deux contrôles de la Fondation du patrimoine que la Cour des comptes a effectués, pour son rapport public annuel en 2013 et pour son rapport sur le soutien au mécénat des entreprises en 2018, la Cour a préconisé une adaptation du dispositif du label afin de permettre à la Fondation de mieux soutenir le patrimoine non protégé dans son ensemble. Après avoir souligné, en 2013, la nécessité de « mieux prendre en compte le patrimoine non protégé urbain et industriel » dans le cadre du label, elle a recommandé, dans son rapport de 2018, d'en modifier le périmètre d'application et de « rechercher une meilleure répartition territoriale des labels » pour assurer davantage d'équité.

Sur la base de ces observations, la proposition de loi opère deux modifications relatives au label.

À l'article 1 er , elle délimite un nouveau périmètre géographique en autorisant la labellisation dans les communes de moins de 20 000 habitants, dans les sites patrimoniaux remarquables et dans les sites protégés au titre de l'environnement.

Il ne vous a pas échappé que cette délimitation a beau assouplir les règles fixées par l'instruction fiscale, elle n'en reste pas moins plus restrictive que les dispositions législatives en vigueur, qui font référence à un label en faveur du patrimoine non protégé, sans aucune condition de délivrance.

J'estime néanmoins qu'il ne serait pas raisonnable de supprimer l'ensemble des conditions fixées par l'instruction fiscale pour en revenir à la lettre de la loi. Il en résulterait une augmentation massive du coût de la dépense fiscale qui serait préjudiciable aux finances publiques ; cela pourrait fragiliser, à terme, le maintien de l'avantage fiscal, ce qui n'est pas souhaitable. Cet avantage constitue sans doute le facteur déterminant pour le dépôt, par les propriétaires, d'une demande de label.

Dès lors, que penser du seuil des communes de moins de 20 000 habitants retenu par la proposition de loi ?

Retenir un tel seuil présenterait l'avantage de couvrir l'ensemble du territoire à dominante rurale, y compris les petites villes exerçant sur les zones rurales une forte influence. Il permettrait également au label de devenir un instrument au service de la revitalisation des centres-villes et centres-bourgs. Il pourrait ainsi concerner plusieurs villes sélectionnées dans le cadre du plan Action coeur de ville. Il pourrait également être mobilisé dans le cadre du programme d'appui aux petites centralités que le ministère de la cohésion des territoires devrait lancer dans les prochains mois.

Le coût de la dépense fiscale ne serait pas négligeable, tout en restant modéré. Dans l'hypothèse où la Fondation doublerait, d'ici à 2023, le nombre de labels qu'elle octroie chaque année, le surcoût pour les finances publiques serait de l'ordre de 5,5 millions d'euros. Cette dépense fiscale pourrait par ailleurs être compensée par les recettes de TVA perçues sur les travaux de restauration entrepris à la suite de la délivrance du label.

La Fondation du patrimoine m'a indiqué être en mesure de doubler le nombre de labels qu'elle délivre chaque année. C'était une garantie qui me paraissait nécessaire pour éviter que la protection du petit patrimoine rural ne se retrouve marginalisée par l'extension du périmètre d'application. La Fondation nous a assuré que l'augmentation de la délivrance de labels n'aurait pas d'impact sur son activité en matière de souscription. Elle a insisté sur le fait qu'elle pourrait piloter la délivrance des labels, de manière à assurer une meilleure répartition géographique des labels octroyés et à garantir que la protection du petit patrimoine rural reste assurée.

Je vous proposerai néanmoins d'adopter plusieurs amendements visant à préciser la rédaction de l'article 1 er , à renforcer la qualité du label et surtout à garantir que le patrimoine rural ne soit pas la victime collatérale de l'extension du périmètre géographique.

J'en viens maintenant à l'article 2, qui prévoit expressément que les parcs et jardins et le patrimoine industriel seront bénéficiaires du label. Concernant les parcs et jardins, j'y suis d'autant plus favorable que cette précision correspond à l'intention du législateur au moment de la création de la Fondation, en 1996 : ceux-ci, ainsi que les sites naturels, avaient été cités dans les débats comme des bénéficiaires potentiels du label !

En revanche, l'introduction dans la loi d'une référence spécifique au patrimoine industriel me paraît présenter un danger réel d'exclure a contrario d'autres formes de patrimoines qui ont vocation à être protégés par le label, comme le patrimoine de la reconstruction ou le patrimoine du vingtième siècle, par exemple.

Les autres articles de la proposition de loi tendent à redonner du souffle à la Fondation du patrimoine.

L'article 3 réforme la composition de son conseil d'administration et en réduit l'effectif, afin de faciliter l'organisation des débats et la prise de décision. La composition qu'elle prévoit reste très dérogatoire à celle des fondations reconnues d'utilité publique, avec une majorité de sièges octroyés aux représentants des entreprises privées - les fondateurs, auxquels s'ajoutent les mécènes - et des personnalités qualifiées toujours nommées par des ministères. Je vous proposerai, là aussi, une série d'amendements destinés à rapprocher, dans la mesure du possible, la composition du conseil d'administration de la Fondation du patrimoine de celle des fondations reconnues d'utilité publique et à améliorer la représentation des partenaires les plus essentiels de la Fondation en son sein.

Les articles 4 et 5 visent à améliorer les capacités financières de la Fondation.

L'article 4 l'autorise à bénéficier de dotations en actions ou parts sociales d'entreprises pour diversifier ses ressources financières.

L'article 5 lui permet de réaffecter près de 10 millions d'euros qu'elle a collectés à l'occasion de souscriptions de mécénat populaire pour des projets aujourd'hui achevés ou devenus caducs et qui se trouvent aujourd'hui immobilisés dans ses caisses, faute de dispositions précises fixant les conditions dans lesquelles elle peut procéder à une réaffectation.

Cet article soulève néanmoins un certain nombre de problèmes juridiques dans la mesure où il remet en cause les termes de contrats passés entre la Fondation du patrimoine et des maîtres d'ouvrage. Il me paraît important qu'une solution soit trouvée, car la situation actuelle, dans laquelle des dons qui ont bénéficié d'une défiscalisation sont immobilisés plutôt que de servir l'intérêt général, est inacceptable.

J'ai été guidé dans mon travail par deux objectifs.

Le premier est de conforter la mission de la Fondation en matière de protection du patrimoine de proximité. J'estime en effet que c'est dans ce domaine que l'action de la Fondation est la plus décisive et la plus attendue. Avec la disparition de la réserve parlementaire, en 2017, les communes, en particulier rurales, et les associations ont perdu un outil qui contribuait chaque année à la restauration du petit patrimoine. J'estime important que la Fondation ne se détourne pas de sa mission première, qui demeure la protection du patrimoine de proximité.

Le second objectif est d'aligner davantage la Fondation du patrimoine sur les statuts-types des fondations reconnues d'utilité publique, lorsque sa mission ne justifie pas de dérogations particulières.

M. Franck Riester, ministre de la culture . - Le patrimoine, qui est au coeur de la mission de votre commission, revêt depuis quelque temps une importance toute particulière pour nos compatriotes. C'est une part de notre histoire, de notre mémoire et de notre identité, présente sur tous nos territoires. C'est un levier de revitalisation et de cohésion. C'est aussi un moteur de développement économique, d'attractivité touristique, de croissance et d'emploi. Il nous revient donc de le valoriser et de le protéger pour le transmettre aux générations futures. C'est ce que contribue à faire le ministère de la culture depuis plus de 60 ans. L'an prochain, il consacrera un milliard d'euros au patrimoine : monuments historiques, musées, archéologie, archives et architecture.

Dans cette action, le ministère de la culture n'est pas seul. Il a su, au fil des années, se doter d'outils et de partenaires essentiels, parmi lesquels, bien sûr, les collectivités territoriales, mais aussi les fondations. La Fondation du patrimoine est un partenaire très important de mon ministère. Voilà 25 ans que M. Jean-Paul Hugot remettait au ministre de la culture, M. Jacques Toubon, un rapport sur les conditions de création d'une fondation du patrimoine français. Ce rapport préconisait la création d'une structure de mobilisation des entreprises et du grand public en faveur du petit patrimoine non protégé, inspirée du modèle du National Trust britannique. Deux ans plus tard, cette structure devenait réalité : la loi du 2 juillet 1996 créait la Fondation du patrimoine, qui serait reconnue d'utilité publique quelques mois plus tard. J'ai une pensée pour le Président de la République, Jacques Chirac, et pour son ministre de la culture de l'époque, M. Philippe Douste-Blazy, qui ont permis cette création.

La Fondation est très mobilisée depuis sa création, sous les présidences successives de MM. Édouard de Royère, Charles de Croisset et Guillaume Poitrinal, que je remercie pour leur engagement. Elle a su développer son action en engageant des campagnes de souscriptions publiques et des campagnes de financement participatif, en mobilisant le mécénat d'entreprise ou en délivrant son propre label. Dès sa création, l'État lui a en effet confié la mission de délivrer un label en faveur du patrimoine non protégé au titre des monuments historiques. Ce label donne droit à un régime de déductions fiscales au titre de l'impôt sur le revenu. La Fondation a aussi contribué à l'initiative du loto du patrimoine, dont le succès ne se dément pas, et dont elle continue à assurer le pilotage, en lien avec Stéphane Bern et les directions régionales des affaires culturelles (DRAC).

La Fondation du patrimoine se charge de la présélection des projets, en liaison avec le ministère et Stéphane Bern ; c'est elle qui assure la gestion du fonds « Patrimoine en péril », abondé par les recettes issues de ce loto. Elle a participé, dès le 16 avril dernier, à la mobilisation en faveur de Notre-Dame ; elle est l'une des trois fondations reconnues d'utilité publique qui aident l'État à opérer la souscription nationale. Son intervention a été décisive ; je souhaite ici l'en remercier. Forte de l'expérience qu'elle a acquise et de son modèle original, la Fondation du patrimoine est devenue un acteur essentiel de la protection du patrimoine.

Dans un rapport de novembre dernier, la Cour des comptes en a pris acte et a formulé une série de recommandations : renforcer l'activité de la Fondation dans les régions où elle demeure faible ; faire attester par un ABF ou, à défaut, par un délégué de la Fondation, la conformité des travaux aux projets ; instaurer une plus grande sélectivité des dossiers, dans un contexte de baisse des ressources, en veillant à maintenir un taux significatif de cofinancement de la Fondation ; améliorer la présentation du compte d'emploi des ressources afin de le rendre plus intelligible pour les donateurs. Plus globalement, la Cour recommandait de réexaminer le dispositif de labels pour le rendre plus efficient. Dans le même rapport, elle estimait que simplifier la composition du conseil administration de la Fondation irait également dans le sens d'une plus grande efficacité.

La proposition de loi qui nous réunit aujourd'hui s'inscrit dans la lignée de ces recommandations. Je remercie Mme Vérien, membre du conseil d'administration de la Fondation du patrimoine, de l'avoir déposée. Je salue également le sénateur Alain Schmitz, délégué régional de la Fondation pour l'Île-de-France.

Le code du patrimoine dispose que la Fondation peut attribuer un label au patrimoine non protégé et aux sites. Les conditions de son octroi sont aujourd'hui uniquement définies par le bulletin officiel des finances publiques. Le label peut être délivré pour trois types d'immeubles : ceux qui constituent le patrimoine de proximité, en zone urbaine ou rurale - pigeonniers, lavoirs, fours à pain, chapelles ou moulins -, ceux qui sont les plus caractéristiques du patrimoine rural, situés dans des communes de moins de 2 000 habitants - fermes, granges, maisons de village, petits manoirs ruraux - et ceux qui sont situés dans un site patrimonial remarquable. Les jardins sont exclus du bénéfice du label.

La proposition de loi change ces critères. Son article 1 er modifie le code du patrimoine pour expliciter le champ d'application du label, qui pourrait être délivré pour les immeubles situés dans les sites patrimoniaux remarquables, les immeubles situés dans les sites protégés par le code de l'environnement, et les immeubles situés dans les zones rurales - bourgs et petites villes de moins de 20 000 habitants. Cette mesure est aussi attendue dans le cadre des programmes de revitalisation des territoires. Elle sera en parfaite cohérence avec le programme Petites villes de demain que le Gouvernement est en train de mettre en place et qui cible les villes de moins de 20 000 habitants.

L'article 2 étend le bénéfice du label aux jardins, aux parcs et au patrimoine industriel, c'est-à-dire à tous les immeubles bâtis ou non bâtis situés en zone rurale et non protégés au titre des monuments historiques.

Ces deux articles aboutissent à une extension importante du champ d'application du label. C'est donc une part plus large de notre patrimoine qui sera valorisée et protégée. C'est bienvenu, d'autant que cela ne créerait qu'une dépense fiscale raisonnable au regard de l'impact de cette mesure pour les territoires et l'économie. En effet, la Fondation délivre entre 1 000 et 1 200 labels chaque année ; la Cour des comptes estime que le montant des travaux réalisés par les particuliers représente 60 millions d'euros, pour une dépense fiscale de 6,4 millions d'euros par an. L'élargissement du périmètre d'intervention de la Fondation devrait doubler à peu près le volume des interventions de la Fondation, et donc le montant de la dépense fiscale qui lui est associée.

Afin d'accompagner ces évolutions, le Gouvernement a déposé à l'article 1 er un amendement visant à clarifier, par décret, les critères et les modalités d'octroi du label, notamment pour fixer le taux de cofinancement de la Fondation du patrimoine.

Cette proposition de loi modernise la gouvernance de la Fondation. L'objectif de son article 3 est de modifier la composition de son conseil d'administration pour le resserrer. Il semble en effet très souhaitable de la rapprocher du droit commun des fondations reconnues d'utilité publique. La modification envisagée s'inscrit dans une modification plus globale des statuts, qui relèvent à la fois de dispositions législatives et réglementaires. Le nombre de membres du conseil d'administration serait réduit, passant de 25 à 16.

Le Gouvernement propose d'aller plus loin, par un amendement simplifiant les différentes catégories de membres. Nous retiendrions trois catégories : les représentants des fondateurs, mécènes et donateurs, qui détiendraient la majorité des sièges au sein du conseil administration, conformément à l'esprit du projet de la Fondation ; des personnalités qualifiées pouvant venir de différents horizons ; et des représentants des collectivités territoriales. Comme cela est d'usage, le nombre de sièges pour chacune de ces catégories a vocation à être défini par décret. L'État renoncerait à son pouvoir de nomination des personnalités qualifiées, qui seraient désormais cooptées par les autres membres du conseil, à l'instar de ce qui se passe dans d'autres fondations reconnues d'intérêt public. Le président de la Fondation aura vocation à être désigné parmi elles. Le Gouvernement est également favorable à la proposition de M. Jean-Pierre Leleux visant à supprimer les sièges réservés à des parlementaires au sein du conseil, conformément à la réflexion menée depuis 2015 par le Sénat sur les organismes extérieurs au Parlement.

Le Gouvernement souscrit aussi à l'amendement de M. Jean-Pierre Leleux à l'article 4, car la possibilité pour les fondations reconnues d'utilité publique de détenir de telles valeurs mobilières est prévue par la loi de 1987 sur le développement du mécénat, qui a été modifiée par la loi relative à la croissance et la transformation des entreprises, dite loi Pacte.

L'article 5 concerne la possibilité pour la Fondation de réaffecter des dons devenus sans objet parce que les projets seraient devenus caducs ou auraient déjà été intégralement financés. La rédaction actuelle de cet article pose question. En l'état, elle présente des fragilités au regard du respect de l'intention du donateur, et comporte de ce fait un risque fort d'inconstitutionnalité. Elle permettrait en effet à la Fondation de modifier unilatéralement l'affectation des dons à certains projets sans disposer nécessairement du consentement explicite du donateur ni de celui des maîtres d'ouvrages concernés. Il importe notamment que le consentement des donateurs soit donné explicitement, soit au moment du don, soit au moment de sa réaffectation, comme l'ont bien montré nos échanges autour de la loi pour la conservation et la restauration de Notre-Dame de Paris. Le Gouvernement propose donc la suppression de cet article, mais je m'engage à ce que nous poursuivions les échanges à ce sujet pour trouver une solution au problème.

Enfin, l'article 6 concerne la suppression de dispositions propres à la Fondation qui n'ont jamais été mises en oeuvre. Il s'agit de l'insaisissabilité des biens acquis par la Fondation pour les sauvegarder et de la procédure d'expropriation au bénéfice de la Fondation. Le Gouvernement est favorable à ces suppressions.

La Fondation du patrimoine a vocation à compléter l'action du ministère de la culture avec ambition et efficacité. Le ministère est en train de se transformer. Il est bon que le Sénat propose d'adapter également l'organisation de la Fondation du patrimoine. Sous les réserves que j'ai mentionnées, le Gouvernement est favorable à cette proposition de loi. J'ai même négocié avec le ministère du budget pour qu'un accompagnement fiscal et financier soit mis en place afin de pallier l'accroissement de cette dépense fiscale. Il ne faudrait pas qu'en ouvrant davantage le nombre de labels, les petites communes soient pénalisées.

M. André Reichardt . - Membre de la commission des lois, je suis venu spécialement parce qu'il s'agit d'un texte sur la Fondation du patrimoine, à laquelle je souhaite rendre hommage ; et je voudrais tout particulièrement insister sur le travail remarquable de son délégué régional en Alsace. Un amendement de Mme Sittler vise à ne pas limiter aux habitants des communes de moins de 20 000 habitants l'éligibilité au label.

Je comprends la nécessité de veiller à l'impact financier, comme l'a rappelé le rapporteur. Cela dit, certaines communes de plus de 20 000 habitants ont des projets très importants, dont la réalisation serait utile au pays. Vous dites qu'on pourra compenser le surcoût pour les finances publiques par les rentrées de TVA liées aux travaux. Cela a-t-il été chiffré ? Qui y gagne ? Qui y perd ? Acceptons le pari de l'aventure : faisons un essai !

Mme Sylvie Robert . - Je vous prie d'excuser l'absence de notre collègue Marie-Pierre Monier. Le patrimoine suscite désormais l'intérêt de tous nos concitoyens. On ne peut que s'en réjouir. Cette proposition de loi vient donc à point nommé pour faire entrer la Fondation dans le vingt et unième siècle. Nos amendements ont pour objectif d'en enrichir le texte.

Je comprends qu'on souhaite passer de 2 000 habitants à 20 000 ; c'est cohérent avec plusieurs projets du Gouvernement que nous soutenons, notamment sur la revitalisation des coeurs de ville. Qu'est-ce que la ruralité aujourd'hui ? Cette proposition de loi pose la question. On pourrait aller au-delà de 20 000 habitants, tant c'est l'environnement qui importe. Mais cela renvoie aussi aux débats sur le périurbain et les métropoles... Encore faudrait-il que Bercy l'accepte, cela dit. Pouvez-vous nous le garantir ? Nous soutenons, en tous cas, les objectifs de cette proposition de loi.

M. Pierre Ouzoulias . - Prenons le cas de la commune d'Arles : 52 000 habitants, mais 750 kilomètres carrés, dont les trois quarts complètement sauvages. Il serait aberrant de considérer qu'Arles est une métropole qui ne comporterait pas un patrimoine rural exceptionnel : la Camargue. Définir un seuil adapté n'a rien d'évident.

Je souhaite que le label, tel que nous le redéfinissons, ne soit pas limité au seul patrimoine immobilier. Il y a en effet un patrimoine mobilier rural de proximité qui ne bénéficie d'aucune protection, alors qu'il doit être soutenu. Certes, nous sommes à la recherche d'un équilibre fiscal difficile : ajouter ce poids dans l'un des plateaux de la balance pourrait le compromettre. Mais, prenons en considération toute une civilisation agraire qui est en train de disparaître, mais qui nous a laissé des biens mobiliers - moissonneuses-batteuses, tracteurs - qui ne sont ni inventoriés ni protégés. C'est maintenant que nous devons nous occuper de ce patrimoine, avant qu'il ne disparaisse complètement, dans cinq ou dix ans.

Je ne désapprouve pas le fait que nous ayons de multiples opérateurs du patrimoine en sus du ministère de la culture et des collectivités territoriales. Je ne souhaite pas une renationalisation pour revenir aux « tables de la loi » telles qu'André Malraux les a reçues ou transmises... Mais il serait bon qu'une enquête nationale fasse un bilan des formes de protection et de la nature des patrimoines qui, malgré tous ces réseaux et toutes ces institutions, ne bénéficient d'aucune protection et d'aucune aide.

J'ai un regret : c'est que le ministère de l'environnement soit sorti du dispositif, alors qu'il y avait toute sa place. Quid , dès lors, du patrimoine situé dans les parcs régionaux naturels et dans les grands sites de France ?

En tous cas, nous sommes très favorables à ce texte.

Mme Annick Billon . - Ce texte est attendu, aussi bien par la Fondation que par les territoires. Ses objectifs sont louables : moderniser, adapter, simplifier. Le patrimoine est essentiel à l'attractivité et au développement de nos territoires. Or, bien souvent, lorsque des communes ont des difficultés, sa rénovation et sa mise en valeur leur permettent de regagner en attractivité. Une autre proposition de loi, sur la revitalisation des centres-villes et des centres-bourgs, déposée par nos collègues Rémy Pointereau et Martial Bourquin, avait été, dans mon souvenir, adoptée à l'unanimité. Elle a eu beaucoup d'écho sur les territoires, puisqu'elle a mis en place une boîte à outils qui a inspiré la loi portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (ELAN).

Il est bienvenu de permettre à la Fondation d'attribuer son label dans des zones rurales, des bourgs et des petites villes de moins de 20 000 habitants. Bien sûr, dès qu'on parle d'un seuil, on crée des crispations. Mais nos territoires ont évolué ; les communes nouvelles sont passées par là, et de petites communes qui étaient identifiées comme telles ne le sont plus aujourd'hui. Modifier l'organisation de la Fondation pour faciliter son fonctionnement est aussi une bonne chose. De même, il est bienvenu de définir des modalités de réaffectation des dons non affectés ou impossibles à affecter.

Cette proposition de loi et les propositions du rapporteur seront en grande majorité accueillies favorablement par le groupe Union centriste.

Mme Mireille Jouve . - Le Sénat démontre une nouvelle fois qu'il est à l'écoute des territoires et soucieux de préserver la richesse de notre patrimoine culturel local. La modernisation de la gouvernance et des outils de la Fondation du patrimoine s'inscrit dans ce cadre. Les membres du groupe du RDSE accueillent très favorablement la possibilité de délivrer des labels au sein de nos communes rurales. Il s'agit là d'une attente forte des communes concernées, et d'une composante essentielle dans nos efforts de revitalisation des centres-villes et centres-bourgs.

Mme Colette Mélot . - Cette proposition de loi vise à moderniser les statuts et la gouvernance de la Fondation du patrimoine. Les actions de sauvegarde du patrimoine bénéficient à l'ensemble des territoires. Nous mesurons tous l'importance des restaurations qui peuvent être entreprises sur le patrimoine vernaculaire ou d'anciens sites industriels. Mon groupe sera donc favorable, dans l'ensemble, à cette proposition et, notamment, à l'élargissement de la portée du label aux jardins remarquables, aux parcs et aux sites industriels, ainsi qu'à l'instauration du mécanisme de réaffectation des dons en cas de non-réalisation des travaux financés. Nous avons toutefois une réserve : est-il pertinent d'inscrire dans la loi une limite démographique pour l'attribution du label ?

Nous avons également une réserve sur l'article 6, qui supprime la possibilité pour la Fondation de gérer un bien menacé de péril qui aurait fait l'objet d'une procédure d'expropriation par l'État. Cette disposition prévoyait une gestion temporaire visant à accomplir des actions de sauvegarde immédiate du monument, contrairement aux acquisitions du Centre des monuments nationaux ou encore du Conservatoire du littoral. Nous sommes donc loin du National Trust anglo-saxon, doté de compétences bien plus larges et de moyens humains et financiers d'un autre niveau, avec un budget de plus de 400 millions d'euros et 5 000 salariés. Le risque serait de confondre la politique menée par la Fondation et l'objectif inscrit à l'article 2 de ses statuts : la sauvegarde des monuments, édifices, ensembles immobiliers ou éléments remarquables des espaces naturels ou paysagers menacés de dégradation, disparition, ou dispersion. Est-il nécessaire de légiférer pour supprimer cette disposition jugée inutile en France, mais largement employée outre-Manche par le National Trust ?

EXAMEN DES ARTICLES SELON LA PROCÉDURE DE LÉGISLATION EN COMMISSION

Article 1 er

M. Claude Kern . - L'amendement COM-20 rectifié a été présenté par M. Reichardt. Il vise à assouplir les critères d'éligibilité au label. L'instruction fiscale a restreint le champ d'application géographique du label aux communes de moins de 2 000 habitants, critère non prévu par la loi. Or ce critère ne reflète pas la réalité et la diversité du patrimoine concerné. Même en élargissant le seuil aux communes de moins de 20 000 habitants, de nombreux projets de rénovation risquent d'être exclus du dispositif fiscal. Cet amendement supprime le critère reposant sur le nombre d'habitants, tout en indiquant que les conditions d'éligibilité seront précisées par décret.

M. Jean-Pierre Leleux , rapporteur . - Il n'est pas souhaitable, à ce stade de la navette, de lever toutes les conditions géographiques fixées par l'instruction fiscale. Cela risquerait d'accroître massivement le coût de la dépense fiscale, avec pour conséquence potentielle la disparition pure et simple de l'avantage fiscal associé au label. Or cet avantage est à l'origine de la plupart des demandes de label ; il constitue une réelle incitation à engager des travaux, en particulier pour les immeubles non habitables. Il me paraît également dangereux, au regard de l'expérience que nous tirons du principe général posé par la loi actuelle et des interprétations qu'en a tirées l'instruction fiscale, de renvoyer à un décret le soin de fixer les conditions d'application du label. Retrait, ou avis défavorable.

M. Franck Riester, ministre . - Même avis. Dans une ville de plus de 20 000 habitants, on n'est plus vraiment dans un périmètre rural... De plus, l'argent public se fait rare et il faut être attentif aux équilibres de la nation quand on touche à la dépense fiscale. Le Gouvernement est d'accord pour accompagner financièrement la montée en puissance du dispositif. Il faut faire les choses d'une façon progressive et équilibrée. En outre, pour les communes de plus de 20 000 habitants, il existe déjà des avantages fiscaux en matière patrimoniale.

M. Olivier Paccaud . - Je voterai en faveur de cet amendement. Tout tourne autour de la problématique d'équilibre fiscal. Nous avons bien entendu les explications de notre rapporteur, mais je n'aime pas l'expression de « dépense fiscale » qu'a utilisée M. le ministre. On pourrait tout aussi bien parler d'« investissement patrimonial » ! On ne peut vouloir d'un côté plus rénover et, de l'autre, se soumettre aux griffes de Bercy ! De nombreux exemples tirés de notre histoire fiscale montrent que certaines incitations peuvent s'avérer très vertueuses pour l'économie.

M. Franck Riester, ministre . - Bien sûr, c'est un investissement, mais il se trouve que, techniquement, on appelle cela une « dépense fiscale ». Quant aux dispositifs complémentaires qui peuvent être utilisés dans les communes de plus de 20 000 habitants, je pense par exemple au dispositif Malraux applicable à l'ensemble des sites patrimoniaux remarquables. L'éventail d'outils fiscaux qui encouragent l'investissement dans le patrimoine est de nature à répondre à beaucoup de problématiques.

Mme Dominique Vérien . - J'avais moi-même réfléchi à fixer un seuil supérieur à 20 000 habitants, mais il m'a semblé qu'une ville de 30 000 habitants disposait déjà de l'ingénierie nécessaire pour créer un site patrimonial remarquable. C'est le cas d'Arles, par exemple. Une plus petite ville aura plus de mal à le faire. Ce seuil a fait l'objet d'une négociation compliquée. Le mieux est souvent l'ennemi du bien. Je voterai donc contre cet amendement.

M. Claude Kern . - Je comprends les explications de notre rapporteur et de M. le ministre. Malheureusement, n'étant que cosignataire de cet amendement, il m'est délicat de le retirer.

Mme Annick Billon . - Je voterai contre cet amendement. Certes, je connais les travers qu'engendrent les seuils, mais j'estime qu'il est important de maintenir le texte tel quel à ce stade de la réflexion.

M. Jean-Pierre Leleux , rapporteur . - L'adoption de cet amendement poserait un vrai risque. Ce serait conduire la Fondation du patrimoine vers des objectifs différents de ceux qui lui sont fixés. Une telle diversification serait préjudiciable au patrimoine réellement rural qui est son principal objet.

Un second risque existe. J'ai cru comprendre que la négociation interministérielle pour obtenir l'aval de Bercy sur l'augmentation de cette « dépense fiscale » a été assez compliquée. En voulant aller plus loin, on risquerait de faire tout tomber à l'Assemblée nationale.

Mme Sylvie Robert . - Notre groupe suivra l'avis du rapporteur. Le risque de voir ce texte rejeté à l'Assemblée nationale est réel !

Mme Colette Mélot . - Je suis moi aussi sensible à l'argument du rapporteur, je voterai donc contre cet amendement.

Mme Catherine Morin-Desailly , présidente . - Tout est question d'équilibre ; je soutiens la position prudente de notre rapporteur et de M. le ministre. Il ne faudrait pas non plus s'éloigner de l'ADN de la Fondation du patrimoine. Dans tous nos territoires, de petites communes isolées doivent faire face à l'entretien de leur patrimoine, notamment des églises ; la Fondation du patrimoine est efficace dans ce contexte. Élargir le périmètre serait dangereux.

M. Claude Kern . - Je partage les arguments qui ont été développés ; je prends sur moi de retirer l'amendement.

L'amendement COM-20 rectifié est retiré.

M. Jean-Pierre Leleux , rapporteur . - L'amendement COM-1 vise à ouvrir aux immeubles non bâtis, dont les parcs et jardins, le bénéfice de l'avantage fiscal, dont ils sont aujourd'hui exclus. Cette ouverture correspond à l'intention du législateur au moment de la création de la Fondation du patrimoine, en 1996 : il entendait que le label puisse être attribué à des parcs et jardins, ou encore à des sites naturels. Les parcs et jardins bénéficiaient d'un avantage fiscal jusqu'en 2014 dans le cadre du label « Jardins remarquables », attribué par le ministère de la culture. L'avantage fiscal associé au label a été supprimé depuis lors.

L'amendement tend également à préciser que les termes « non protégé » désignent les immeubles non protégés au titre des monuments historiques, ce qui renvoie aux biens qui ne sont ni classés ni inscrits à ce titre.

L'amendement COM-1, accepté par le Gouvernement, est adopté à l'unanimité.

M. Jean-Pierre Leleux , rapporteur . - L'amendement COM-2 tend à restreindre le champ d'application du label aux sites classés au titre du code de l'environnement, qui sont les plus significatifs d'un point de vue patrimonial. L'ouverture aux sites inscrits a peu de sens dans la mesure où il s'agit d'un label destiné principalement à la protection du petit patrimoine, compte tenu de la forte urbanisation d'un grand nombre de ces sites. La Ville de Paris comporte un site inscrit.

L'amendement COM-2, accepté par le Gouvernement, est adopté à l'unanimité.

M. Jean-Pierre Leleux , rapporteur . - L'amendement COM-3 vise à faciliter la labellisation de tous les biens non habitables - fontaines, puits, pigeonniers, lavoirs, fours à pain, chapelles, ou encore moulins - qui présentent un intérêt patrimonial, sans aucune restriction géographique. C'est déjà ce que prévoit l'instruction fiscale. Cette disposition est importante : l'avantage fiscal joue en effet un rôle incitatif fort pour la préservation de ce type de biens, pour lesquels les propriétaires privés n'ont généralement que peu d'intérêt à engager une dépense.

M. Franck Riester, ministre . - Je serai plus nuancé que M. le rapporteur. Il est difficile d'évaluer l'impact qu'aurait l'octroi de cette exception à une catégorie très vaste. Je m'en remets à votre sagesse.

M. André Gattolin . - Je voterai contre cet amendement, car la définition d'un bien non habitable est trop large : la tour Eiffel est non habitable ! Qui trop embrasse, mal étreint.

Mme Dominique Vérien . - Cette catégorie fait déjà partie du rescrit fiscal : Bercy l'a déjà accepté de longue date. Nous ne voulons pas qu'une restriction s'applique soudainement.

Mme Colette Mélot . - Cet amendement me semble être un bon compromis. Cela ne doit pas concerner trop d'objets patrimoniaux.

M. Jean-Pierre Leleux , rapporteur . - On voulait tout à l'heure assouplir le critère de population ; il serait paradoxal de vouloir à présent exclure ces éléments de patrimoine rural qui subsistent même en milieu urbain !

L'amendement COM-3 est adopté.

M. Jean-Pierre Leleux , rapporteur . - L'amendement COM-4 vise à fixer deux conditions pour l'application de la déduction fiscale. D'une part, elle ne s'appliquerait qu'aux travaux réalisés sur des immeubles visibles depuis la voie publique. D'autre part, la Fondation du patrimoine devrait cofinancer les travaux au moins à hauteur de 2 % de leur montant, ce qui constituerait une garantie supplémentaire de qualité du label.

M. Franck Riester, ministre . - Nous ne sommes pas défavorables à cet amendement sur le fond, mais cela nous paraît relever du domaine réglementaire, et non de celui de la loi. Renvoyer ces précisions au décret d'application nous donnerait en outre plus de souplesse. Le Gouvernement souhaite donc le retrait de cet amendement.

M. Jean-Pierre Leleux , rapporteur . - Nous sommes quelque peu échaudés par certaines mesures prises dans des décrets d'application. C'est pourquoi je souhaite que ces éléments soient inscrits dans la loi.

M. Franck Riester, ministre . - Le décret peut aller dans un sens comme dans l'autre. Il y a une hiérarchie des normes : certaines dispositions trouvent mieux leur place dans les textes réglementaires. Pour une bonne législation, il ne faut pas tout mettre dans la loi. Les décrets ne vont pas forcément dans le mauvais sens ; il serait dommage de se priver de cette possibilité.

M. Jean-Pierre Leleux , rapporteur . - Les représentants de Bercy nous ont recommandé de faire figurer cela dans la loi : ils nous ont dit qu'il leur serait difficile de le réaffirmer par décret si le législateur ne le mentionnait pas expressément.

L'amendement COM-4 est adopté à l'unanimité.

M. Jean-Pierre Leleux , rapporteur . - L'amendement COM-5 vise à garantir que la protection du patrimoine rural ne sera pas délaissée par la Fondation du patrimoine sous l'effet du nouveau périmètre d'application du label.

S'il est souhaitable que le label puisse contribuer à la revitalisation des centres-villes et des centres-bourgs, il ne serait pas acceptable que la Fondation du patrimoine se détourne de sa mission première, pour lequel son intervention est essentielle, a fortiori depuis la disparition de la réserve parlementaire.

M. Franck Riester, ministre . - Cela nous apparaît relever plutôt du domaine réglementaire. Je m'en remets à votre sagesse.

Mme Sylvie Robert . - Cet amendement est très intéressant : il fait écho à nos débats sur la question de la ruralité et tend à rappeler la finalité première de la Fondation du patrimoine. Nous voterons en sa faveur.

L'amendement COM-5 est adopté.

M. Franck Riester, ministre . - L'amendement COM-27 vise à renvoyer à un décret les conditions d'attribution du label que M. le rapporteur propose d'inscrire dans la loi. Nous souscrivons aux critères qu'il retient, mais cela relève, selon nous, du domaine réglementaire.

M. Jean-Pierre Leleux , rapporteur . - Chat échaudé craint l'eau froide ! Les critères fixés par l'instruction fiscale, qui ont eu pour effet de restreindre considérablement l'intention initiale du législateur, ne nous invitent pas à accueillir favorablement la perspective d'un décret à ce sujet. Par ailleurs, cet amendement me paraît sans objet, maintenant que nous avons inscrit à la fois le critère de visibilité depuis la voie publique et l'impératif de cofinancement des travaux de la part de la Fondation du patrimoine. Ces raisons justifient l'avis défavorable de la commission.

L'amendement COM-27 n'est pas adopté.

L'amendement de coordination COM-25 , accepté par le Gouvernement, est adopté.

L'article 1 er est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 2

M. Jean-Pierre Leleux , rapporteur . - L'amendement COM-6 vise à supprimer cet article. En effet, la rédaction de l'article 1 er issue de nos travaux ouvre déjà le bénéfice du label aux parcs et jardins, puisque les immeubles non bâtis y sont éligibles.

Quant à l'introduction dans la loi d'une référence spécifique au patrimoine industriel, elle ne paraît pas souhaitable. D'abord, elle est inutile en ce qui concerne les bâtiments industriels, qui sont déjà éligibles au label. Ensuite, elle pourrait laisser à penser que d'autres types de patrimoine, tels que le patrimoine de la reconstruction ou le patrimoine du XX e siècle, ne seraient a contrario pas éligibles. Enfin, elle aurait pour effet d'étendre l'éligibilité au label à des objets mobiliers, alors que l'avantage fiscal prévu à l'article 156 du code général des impôts, qui justifie dans une grande majorité des cas la demande de label, n'est applicable qu'aux immeubles, puisqu'il permet seulement de déduire des charges foncières.

L'amendement COM-6, accepté par le Gouvernement, est adopté. L'article 2 est supprimé et l'amendement COM-15 devient sans objet.

Article 3

M. Franck Riester, ministre . - L'amendement COM-28 tend à reprendre les propositions de M. Leleux relatives au conseil d'administration de la Fondation du patrimoine. Conformément aux réflexions engagées par le Sénat sur la participation des parlementaires à des organismes extérieurs au Parlement, il est proposé de ne plus faire siéger de parlementaire au conseil d'administration de la Fondation. Nous entendons rapprocher la composition de ce conseil de celle des conseils d'administration d'autres fondations reconnues d'utilité publique, tout en prenant en compte la spécificité de celle-ci.

Cet amendement vise également, dans ce même esprit, à mettre fin à la désignation par l'État des personnalités qualifiées amenées à siéger à ce conseil. Son objet est simplement d'inscrire dans la loi les différentes catégories de membres du conseil d'administration, tout en renvoyant le nombre de membres de chaque catégorie aux statuts de la Fondation, texte réglementaire.

Le conseil d'administration serait constitué de trois catégories : les représentants des fondateurs, des mécènes et des donateurs ; les personnalités qualifiées ; enfin, les représentants des collectivités territoriales. Il est prévu de réserver la majorité des sièges à la première catégorie.

M. Jean-Pierre Leleux , rapporteur . - Je suis sensible à votre proposition, monsieur le ministre. Elle a le mérite de réduire l'effectif du conseil d'administration et de se contenter de fixer, dans la loi, les grandes catégories de représentants ayant vocation à siéger au sein du conseil d'administration. Cela devrait contribuer à mon objectif de rapprocher davantage la composition du conseil d'administration de celle des autres fondations reconnues d'utilité publique.

Cet amendement tend à conserver une majorité de sièges pour les représentants de la sphère privée, ce qui me paraît indispensable pour garantir leur engagement au sein de cette Fondation. Il tend également à supprimer la présence d'un député et d'un sénateur au sein du conseil d'administration, ce que je souhaitais vous proposer pour tenir compte de la position exprimée par le Sénat concernant la présence de parlementaires au sein des organismes extraparlementaires. Les personnalités qualifiées dont la présence reste prévue seraient désormais nommées directement par le conseil d'administration, et non plus par le ministère. Cette évolution significative permet de se rapprocher des statuts types des fondations reconnues d'utilité publique. La présence de représentants des collectivités territoriales serait en revanche maintenue. En revanche, l'amendement tend à supprimer le collège des adhérents, comme le faisait déjà le texte de Mme Vérien.

Je sais que cet amendement a fait l'objet de discussions avec la Fondation du patrimoine. Sous réserve de l'adoption de deux sous-amendements que je vais vous présenter, je suis enclin à donner un avis favorable dans un esprit de compromis. Je retirerai dans ces conditions mes amendements à cet article ; je crois que les amendements du groupe socialiste seraient satisfaits par mes sous-amendements.

Le sous-amendement COM-29 vise à permettre que plusieurs niveaux de collectivités territoriales disposent d'un représentant au sein du conseil d'administration, y compris les communes rurales, au même titre que les communes, les départements et les régions. C'est un moyen de rappeler la vocation de la Fondation du patrimoine en matière de protection du patrimoine de proximité.

Le sous-amendement COM-30 vise, pour sa part, à pallier la disparition du collège des adhérents, qui remet en cause la présence du tissu associatif en charge de la préservation du patrimoine au sein du conseil d'administration. Les trois sièges des adhérents sont aujourd'hui occupés par des représentants d'associations de défense du patrimoine. Compte tenu du rôle important joué par les associations au niveau local en tant que relais de la Fondation du patrimoine et de leur connaissance du terrain et des enjeux patrimoniaux, cet amendement vise à assurer la présence d'un représentant d'associations de sauvegarde du patrimoine au sein du conseil d'administration.

M. Franck Riester, ministre . - Merci pour votre état d'esprit constructif ; je m'excuse pour le dépôt tardif de l'amendement du Gouvernement. Nous sommes favorables au sous-amendement COM-29, qui vise à mieux prendre en compte la ruralité. En revanche, le Gouvernement est défavorable au sous-amendement COM-30, qui tendrait à créer une catégorie supplémentaire.

M. Jean-Pierre Leleux . - Nous nous sommes rapprochés de la position du Gouvernement : nous souscrivons à son intention de préciser les trois catégories de membres et de limiter le nombre d'administrateurs.

Mme Dominique Vérien . - Je comprends qu'on partage les membres du conseil d'administration entre trois catégories. Mais il me semble important, à tout le moins, qu'un représentant d'une association de défense du patrimoine figure parmi les personnalités qualifiées. La Fondation du patrimoine ne doit pas se couper de ce qu'elle est : sa représentation locale par les associations qui maillent le territoire est, de ce point de vue, essentielle.

Mme Sylvie Robert . - Les deux sous-amendements sont similaires aux amendements que nous avions déposés. Nous sommes très attachés à la présence d'un représentant des associations de défense du patrimoine. Cela me gênerait en revanche que le nombre de membres du conseil d'administration ne soit pas limité.

M. Franck Riester, ministre . - Nous pourrions préciser, pour la deuxième catégorie prévue par l'amendement COM-28 : « de personnalités qualifiées, dont un représentant d'une association nationale de protection et de mise en valeur du patrimoine. »

M. Jean-Pierre Leleux , rapporteur. - Je n'y suis pas favorable. En les distinguant du collège des personnalités qualifiées, cooptées par les autres membres du conseil d'administration, nous voulons rendre possible l'autodésignation de ce représentant par le monde associatif.

M. Franck Riester, ministre . - L'argument est convaincant.

M. Jean-Pierre Leleux , rapporteur. - Mme Robert a raison de souligner qu'aucun nombre maximal de membres n'est fixé. Les statuts-types prévoient un effectif de quinze membres, mais, s'il devait y avoir une personne en plus, cela resterait convenable.

Mme Catherine Morin-Desailly , présidente. - Les collectivités territoriales financent la Fondation de façon très substantielle ; il est donc important de prévoir leur représentation. En mentionnant les maires ruraux, nous insistons sur la nécessité de prêter une attention particulière à leurs territoires.

Les sous-amendements COM-29 et COM-30 sont adoptés. L'amendement COM-28, ainsi modifié, est adopté ; les amendements COM-7 , COM-8 , COM-9 , COM-10 , COM-11 , COM-19 et COM-16 sont retirés.

L'article 3 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 4

M. Jean-Pierre Leleux , rapporteur. - L'amendement COM-12 tend à tirer les conséquences de la loi Pacte du 22 mai 2019, qui a modifié les dispositions fixant les conditions dans lesquelles les fondations reconnues d'utilité publique peuvent se voir donner des actions et parts sociales d'entreprises et les modalités selon lesquelles elles doivent les gérer.

Ces nouvelles règles, inscrites à l'article 18-3 de la loi du 23 juillet 1987 sur le développement du mécénat, visent le même objectif que celles prévues par le présent article : autoriser les fondations reconnues d'utilité publique à détenir des parts sociales ou des actions d'une société ayant une activité industrielle ou commerciale, quelle qu'elle soit, et garantir que, dans le cas où une fondation se retrouverait actionnaire majoritaire d'une société, elle fixe dans ses statuts les modalités de gestion des parts et actions, afin de ne pas s'immiscer dans la gestion de la société.

Dès lors, il paraît inutile de prévoir des dispositions spécifiques à la Fondation du patrimoine. En revanche, les nouvelles règles rendent nécessaire la suppression de la seconde phrase de l'article L. 143-7 du code du patrimoine, incompatible avec les dispositions de la loi Pacte.

L'amendement COM-12, accepté par le Gouvernement, est adopté.

L'article 4 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 5

M. Franck Riester, ministre . - L'amendement COM-26 tend à supprimer l'article 5. Le risque d'inconstitutionnalité du dispositif envisagé est trop élevé, car il méconnaît le principe du consentement des parties, fondateur du droit des contrats. Avant toute réaffectation, il appartient à la Fondation du patrimoine d'entrer en contact avec les donateurs pour solliciter leur consentement, même si je comprends bien que l'opération peut être lourde. Il appartient aussi à la Fondation de s'entendre avec le maître d'ouvrage sur la possibilité d'apporter une modification au contrat qui les lie.

M. Jean-Pierre Leleux , rapporteur. - Je comprends les difficultés juridiques soulevées, mais elles me paraissent concerner surtout le porteur de projet. La Fondation du patrimoine informe ses donateurs depuis plus de quinze ans, sur internet comme sur les bulletins de souscription, de la possibilité d'une réaffectation.

Il est vrai que le dispositif prévu aura pour effet de modifier les termes des conventions conclues entre la Fondation et les porteurs de projet. Je trouve néanmoins aberrant que 10 millions d'euros restent immobilisés dans les caisses, au lieu de servir au financement d'autres projets de sauvegarde du patrimoine, d'autant que ces fonds ont bénéficié de l'avantage fiscal en matière de mécénat.

C'est pourquoi, malgré les réserves juridiques qui ont été exposées, je trouverais politiquement regrettable que nous supprimions cet article. Je souhaite que, d'ici à la prochaine lecture, le Gouvernement parvienne à trouver une solution juridique satisfaisante à laquelle nous puissions nous rallier.

M. Franck Riester, ministre . - Je souhaite le maintien d'un dispositif de vérification du consentement. S'agissant des 10 millions d'euros dont le rapporteur a parlé, il est vrai qu'on devrait pouvoir les utiliser ; mais faut-il modifier un principe fondamental pour ce problème spécifique ? Quand bien même on le ferait, un second problème constitutionnel se poserait, lié à la rétroactivité de la loi. Essayons de trouver des solutions qui ne remettent pas en cause des principes essentiels.

Mme Maryvonne Blondin . - Supprimer l'article irait trop loin. Nous proposons, à travers notre amendement COM-17, d'en supprimer deux phrases. On comprend bien que la Fondation peut avoir un certain intérêt à ce qu'il n'y ait pas d'accord trouvé entre les deux parties, puisqu'elle disposerait librement du restant de la collecte.

M. André Gattolin . - Je voterai l'amendement du Gouvernement pour des raisons de sécurité juridique. Récemment, aux États-Unis, une fondation qui avait octroyé un prêt à un organisme similaire à partir de ses dons a été déboutée. Un don est consenti par un donateur pour une action ; il est fléché et il a un sens. Les 10 millions d'euros dont on parle ne sont pas inutiles : ils donnent à la Fondation une assise pour emprunter.

M. Jean-Pierre Leleux , rapporteur. - Nous savons bien que l'article est imparfait, mais tout le monde s'accorde à reconnaître qu'il faudra trouver une solution pour les dons qui dorment sur les comptes de la Fondation. Mon amendement COM-13 précise les cas de réaffectation et les délais dans lesquels elle peut intervenir.

Je reconnais que le dispositif est fragile, mais supprimer l'article n'est pas souhaitable. La procédure accélérée n'a pas été engagée - nous sommes, de façon exceptionnelle, en procédure normale... Nous avons donc le temps. Notre commission ne peut pas ne pas traiter de ce sujet, même imparfaitement à ce stade de la navette.

M. Franck Riester, ministre . - Madame Blondin, le système actuel permet évidemment la réaffectation, en demandant le consentement du donateur.

M. le rapporteur a raison : les votes du Sénat sont des signaux. Je continue de penser qu'un retour en arrière sur le principe du consentement ou une mesure rétroactive serait un signal bien plus mauvais que l'annonce d'un travail avec la Fondation du patrimoine sur les 10 millions d'euros qui posent problème.

Au reste, comme l'a signalé M. Gattolin, un des avantages de cette réserve est qu'elle peut servir à l'obtention d'autres financements ; elle représente aussi une trésorerie pour la Fondation.

Mme Dominique Vérien . - La question concerne beaucoup plus les porteurs de projets que les donateurs. En matière de dons, la Fondation du patrimoine indique depuis bien longtemps aux donateurs au moment de leur souscription que leurs dons sont susceptibles de faire l'objet d'une réaffectation. En revanche, ce n'est que depuis 2015 que la Fondation signe une convention avec les porteurs de projet prévoyant que ceux-ci, si le projet ne se réalise pas, auront un délai donné pour flécher les fonds autrement, avant que la Fondation ne les réaffecte.

L'amendement COM-26 n'est pas adopté.

M. Jean-Pierre Leleux , rapporteur. - L'amendement COM-13 vise à clarifier les délais dans lesquels les fonds collectés par la Fondation du patrimoine dans le cadre d'une souscription peuvent être réaffectés à un autre projet de sauvegarde du patrimoine et à donner au maître d'ouvrage une plus grande latitude pour choisir le projet auquel les fonds collectés sont intégralement ou partiellement réaffectés.

Mme Maryvonne Blondin . - L'amendement COM-17 , que j'ai annoncé il y a quelques instants, vise à supprimer deux phrases seulement de l'article 5. Il s'agit de favoriser un accord sur la réaffectation.

M. Franck Riester, ministre . - Le Gouvernement est défavorable à ces amendements. Si le projet n'aboutit pas conformément au dossier présenté par le maître d'ouvrage, il y a inexécution contractuelle ou caducité. Des sanctions peuvent être mises en oeuvre par la Fondation sans qu'il soit nécessaire qu'elles figurent dans une clause de convention. Le contrat peut même éventuellement être cassé.

L'amendement COM-13 est adopté ; l'amendement COM-17 devient sans objet.

L'article 5 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 6

Mme Maryvonne Blondin . - L'amendement COM-18 vise à maintenir les dispositifs prévoyant une interdiction de saisine des biens de la Fondation par ses éventuels créanciers et une procédure d'expropriation de préemption par l'État en faveur de la Fondation. Que ces dispositifs n'aient jamais été utilisés n'est pas une raison pour les supprimer.

M. Jean-Pierre Leleux , rapporteur. - Ces prérogatives de puissance publique ne sont pas justifiées à l'égard d'une fondation de droit privé. Nous voulons la recentrer sur sa mission principale ; d'autres structures, comme le Centre des monuments nationaux, ont d'autres compétences. Avis défavorable.

M. Franck Riester, ministre . - Même avis.

L'amendement COM-18 n'est pas adopté. L'article 6 est adopté sans modification.

Article additionnel après l'article 6

M. Jean-Pierre Leleux , rapporteur. - L'amendement COM-14 tend à me faire pardonner la suppression des parlementaires dans le conseil d'administration... Il s'agit de faciliter le contrôle du Parlement en prévoyant la remise aux commissions de la culture d'un rapport annuel sur les activités et les orientations de la Fondation du patrimoine.

M. Franck Riester, ministre . - Avis favorable. Au reste, monsieur le rapporteur, vous n'avez rien à vous faire pardonner : ce que vous avez proposé est de bonne politique. S'agissant d'une telle fondation d'utilité publique, le rôle du Parlement est de contrôler plus que de participer à la gouvernance.

L'amendement COM-14 est adopté et devient article additionnel après l'article 6.

Article 7

L'article 7 est adopté sans modification.

La proposition de loi est adoptée à l'unanimité dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Mme Catherine Morin-Desailly , présidente. - Je remercie Mme Vérien, auteure du texte, M. le rapporteur, qui a fort bien travaillé dans un délai très court, et M. le ministre, qui a participé à cette législation en commission. C'est la deuxième fois seulement que nous pratiquons cet exercice important, qui doit recevoir la solennité qu'il mérite.

M. Franck Riester, ministre . - Je remercie l'auteure du texte, le rapporteur et l'ensemble de la commission. Je constate que, une fois de plus, le Gouvernement accompagne favorablement une initiative du Sénat. Ce fut déjà le cas, notamment, pour la loi tendant à créer un droit voisin au profit des agences de presse et des éditeurs de presse, dont M. Assouline est à l'origine. À ce propos, lors du conseil des ministres franco-allemand d'hier, le Président de la République a réaffirmé avec la chancelière Angela Merkel la nécessité de défendre le droit d'auteur et les droits voisins ; le Gouvernement se mobilisera, au côté des éditeurs de presse et du Sénat, pour que Google se conforme au texte proposé et voté par le Parlement.

Mme Laure Darcos . - Très bien !

Mme Catherine Morin-Desailly , présidente. - C'est une excellente chose.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Mardi 1 er octobre 2019

- Fondation du patrimoine : Mme Célia VEROT , Directrice générale, M. Alexandre GIUGLARIS , Responsable des affaires publiques

- Ministère de la culture et de la communication : M. Jean-Michel LOYER-HASCOËT , Sous-directeur des monuments historiques et des espaces protégés, M. Godefroy LISSANDRE , Adjoint au sous-directeur des monuments historiques et des espaces protégés

Mercredi 2 octobre 2019

- Ministère de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales : M. Marc CHAPPUIS , Directeur adjoint de cabinet, M. Nicolas DELAUNAY , Responsable du pôle des systèmes territoriaux - Commissariat général à l'égalité des territoires

Table ronde avec les associations de sauvegarde du patrimoine :

- La Demeure historique : Mme Armelle VERJAT , Déléguée générale

- Vieilles Maisons Françaises (VMF) : M. Philippe TOUSSAINT , Président

- Maisons Paysannes de France (MPF) : M. Gilles ALGLAVE , Président

- Sites et Monuments : M. Julien LACAZE , Vice-Président

- Rempart : M. Henri de LEPINAY , Président

- Patrimoine-Environnement : M. Éric CHALHOUB

Mercredi 9 octobre 2019

- Ministère de l'intérieur - Direction des libertés publiques et des affaires juridiques : M. Rémi BOURDU , Chef du bureau des associations et des fondations

- Ministère de l'action et des comptes publics : M. Bastien LIGNEREUX , Chef du bureau C2 à la Direction de la Législation Fiscale

Contributions écrites :

- Assemblée des Départements de France

Les autres associations d'élus sollicitées n'ont pas répondu dans les temps impartis.


* 1 Synthèse du rapport public thématique de la Cour des comptes de janvier 2007 consacré à l'aide française aux victimes du tsunami du 26 décembre 2004.

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