Rapport n° 341 (2019-2020) de M. Henri CABANEL et Mme Anne-Catherine LOISIER , fait au nom de la commission des affaires économiques, déposé le 20 février 2020

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N° 341

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2019-2020

Enregistré à la Présidence du Sénat le 20 février 2020

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des affaires économiques (1) sur la proposition de loi , adoptée par l'Assemblée nationale, relative à la transparence de l' information sur les produits agricoles et alimentaires ,

Par M. Henri CABANEL et Mme Anne-Catherine LOISIER,

Sénateurs

Procédure de législation en commission,

en application de l'article 47 ter du Règlement

(1) Cette commission est composée de : Mme Sophie Primas , présidente ; Mme Élisabeth Lamure, MM. Daniel Gremillet, Alain Chatillon, Martial Bourquin, Franck Montaugé, Mmes Anne-Catherine Loisier, Noëlle Rauscent, M. Alain Bertrand, Mme Cécile Cukierman, M. Jean-Pierre Decool , vice-présidents ; MM. François Calvet, Daniel Laurent, Mmes Catherine Procaccia, Viviane Artigalas, Valérie Létard , secrétaires ; M. Serge Babary, Mme Anne-Marie Bertrand, MM. Yves Bouloux, Bernard Buis, Henri Cabanel, Mmes Anne Chain-Larché, Marie-Christine Chauvin, Catherine Conconne, Agnès Constant, MM. Roland Courteau, Pierre Cuypers, Marc Daunis, Daniel Dubois, Laurent Duplomb, Alain Duran, Mmes Dominique Estrosi-Sassone, Françoise Férat, M. Fabien Gay, Mme Annie Guillemot, MM. Xavier Iacovelli, Jean-Marie Janssens, Joël Labbé, Mme Marie-Noëlle Lienemann, MM. Pierre Louault, Michel Magras, Jean-François Mayet, Franck Menonville, Jean-Pierre Moga, Mmes Patricia Morhet-Richaud, Sylviane Noël, MM. Jackie Pierre, Michel Raison, Mmes Évelyne Renaud-Garabedian, Denise Saint-Pé, M. Jean-Claude Tissot .

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 15 ème législ.) :

1786 , 2441 et T.A. 362

Sénat :

178 et 342 (2019-2020)

La commission a examiné cette proposition de loi selon la procédure de législation en commission, en application de l'article 47 ter du Règlement.

En conséquence seuls sont recevables en séance, sur cette proposition de loi,

les amendements visant à :

- assurer le respect de la Constitution,

- opérer une coordination avec une autre disposition du texte en discussion, avec d'autres textes en cours d'examen ou avec les textes en vigueur,

- procéder à la correction d'une erreur matérielle.

L'ESSENTIEL

I. UN TRAVAIL PARTENARIAL DES DEUX CHAMBRES AFIN D'ALLER AU PLUS VITE SUR UN TEXTE TRÈS ATTENDU PAR LES CONSOMMATEURS ET CERTAINES FILIÈRES AGRICOLES

La proposition de loi n° 178 (2019-2020) relative à la transparence de l'information sur les produits agricoles et alimentaires, adoptée par l'Assemblée nationale le 5 décembre 2019, rassemble des sujets bien connus des parlementaires. En effet, la quasi-totalité des articles figurant dans la proposition de loi que le Sénat s'apprête à examiner ont déjà fait l'objet de débats dans les deux chambres lors de l'examen de divers textes.

L'ensemble des articles de la proposition de loi initiale proviennent d'articles du projet de loi pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, dite « Egalim », censurés pour vice de forme par le Conseil constitutionnel.

En effet, le texte définitif dudit projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale le 2 octobre 2018, contenait pas moins de 98 articles.

Toutefois, dans sa décision du 25 octobre 2018, le Conseil constitutionnel a estimé que 23 articles ne présentaient pas de lien, même indirect, avec les dispositions initiales du projet de loi et les a, par conséquent, censurés au titre de l'article 45 de la Constitution, confirmant ainsi les craintes émises dès la première lecture par les rapporteurs du Sénat.

Depuis, plusieurs propositions de loi ont entendu reprendre certains de ces articles afin de les faire entrer en vigueur.

La proposition de loi n° 322 (2018-2019) de Mme Marie-Pierre Monier et les membres du groupe socialiste et républicain, enregistrée à la présidence du Sénat le 19 février 2019, visait à reprendre quatre d'entre eux.

Avec l'accord des présidents des groupes politiques concernés, a été rattachée à l'examen de ce texte la proposition de loi n° 231 (2018-2019) de M. Gilbert Bouchet et plusieurs de ses collègues tendant à abroger la loi n° 57-1286 du 20 décembre 1957 interdisant la fabrication de vins mousseux autres que la « Clairette de Die » à l'intérieur de l'aire délimitée ayant droit à cette appellation d'origine contrôlée. L'article unique de cette proposition de loi était, dans les faits, entièrement satisfait par la proposition de loi de Mme Monier, plus générale.

Aux termes des travaux de la commission des affaires économiques du Sénat et de ses rapporteurs, Mme Anne-Catherine Loisier et M. Henri Cabanel, le débat en séance publique, le 3 avril 2019, a abouti à l'établissement d'un texte reprenant six articles censurés dans la loi Egalim.

Le travail d'auditions avec les parties prenantes avait permis l'élaboration de rédactions de compromis sur de nombreux enjeux, tout en assurant la conformité des solutions reprises avec le droit européen, très exigeant en matière d'étiquetage en ce qu'il est, le plus souvent, d'harmonisation maximale.

Constatant que la proposition de loi susmentionnée ne permettait pas, en raison du périmètre retenu, de traiter d'autres sujets pourtant attendus par les filières concernées, Mme Anne-Catherine Loisier et plusieurs de ses collègues ont déposé le 28 mars 2019 la proposition de loi n° 419 (2018-2019) relative à l'obligation de déclaration de récolte et à l'autorisation de cession de variétés de semences. Cette proposition de loi n'a pas été inscrite à l'ordre du jour du Sénat.

De son côté, la proposition de loi n° 1786 de M. Gilles Le Gendre et des membres du groupe La République en Marche et apparentés a été enregistrée à la Présidence de l'Assemblée nationale le 20 mars 2019. Elle reprend huit articles censurés du texte définitif du projet de loi Egalim, dont cinq traités par la proposition de loi « Monier » et deux par la proposition de loi « Loisier ».

La multiplication de ces propositions de loi, tendant toutes vers le même objectif, imposait un travail partenarial et transpartisan entre les deux chambres afin d'aboutir, le plus rapidement possible, à la mise en oeuvre de ces dispositions tant attendues par les filières concernées.

En effet, le premier risque serait d'avoir à connaître des mêmes sujets, pourtant déjà débattus, mais au sein de propositions de loi concurrentes qui, en suivant les circuits habituels, monopoliseraient les ordres du jour et n'aboutiraient pas.

Le second risque serait de rester sur des désaccords de principe entre les deux chambres alors qu'au fond, les visions sont partagées. Faute de l'engagement de la procédure accélérée sur cette proposition de loi, la poursuite de la navette dans le but de lever les désaccords de rédaction peut revenir à imposer plus de cinq passages du texte en séance publique, sur un texte pourtant relativement consensuel.

C'est pour éviter ces deux risques que les rapporteurs du Sénat ont été en contact permanent avec la rapporteure de l'Assemblée nationale, Mme Barbara Bessot Ballot, tout au long du processus législatif sur la proposition de loi de M. Le Gendre. Leur dialogue a permis de travailler à l'élaboration d'un texte opérationnel et consensuel, dans le but d'accélérer au plus vite son entrée en vigueur. Ils saluent ce travail transpartisan mené en bonne intelligence entre les deux chambres et rappellent le plaisir qu'ils ont eu à échanger sur ces sujets.

Ce travail a permis d'expliquer, plus en amont, les travaux du Sénat et les positions adoptées en séance publique qui en découlaient et, partant, de faire converger les textes concurrents du Sénat et de l'Assemblée nationale.

Telle qu'elle a été transmise au Sénat, sur 12 articles au total, la proposition de loi Legendre reprenait ainsi, dans les grandes lignes, 9 articles déjà examinés, tout ou partie, au Sénat.

C'est ce recoupement entre les textes qui a justifié, à la demande de la présidente de la commission des affaires économiques, l'inscription par la Conférence des présidents du 22 janvier 2020 de cette proposition de loi à l'ordre du jour conformément à la procédure de législation en commission selon laquelle le droit d'amendement des sénateurs et du Gouvernement s'exerce en commission.

Au total, seules quatre dispositions n'ont jamais fait l'objet d'un vote formel :

- À l'article 1 er A, les modalités de mise à disposition en ligne des informations de toute nature relatives aux denrées alimentaires préemballées ;

- À l'article 1 er , l'affichage de tous les pays d'origine du cacao utilisé dans un produit tout comme de la gelée royale ;

- À l'article 2 bis , l'obligation d'indiquer l'origine ou le lieu des provenances des viandes porcines, ovines, de volailles ainsi que de la viande bovine hachée dans la restauration hors foyer, comme c'est déjà le cas aujourd'hui pour la viande bovine ;

- À l'article 5 bis , l'obligation d'indiquer le nom et l'adresse du producteur de bière sur l'étiquetage et l'interdiction de faire apparaître un lieu différent du lieu de production réel de la bière, y compris dans le nom commercial.

II. DES AVANCÉES TRÈS CONCRÈTES POUR LES CONSOMMATEURS

La proposition de loi ainsi rédigée apporte des solutions très concrètes au manque de transparence sur les étiquetages des produits alimentaires constaté par les consommateurs.

Sur le miel par exemple, à compter de son adoption, tous les pays d'origine des miels inclus dans un mélange devront être mentionnés sur l'étiquette, et non plus la simple mention « mélange de miels originaires et non originaires de l'Union européenne ». Le Sénat avait proposé, dès 2018, que l'étiquetage ne se limite pas à cette solution. Comment par exemple différencier un miel à 99 % français et à 1 % chinois d'un miel à 99 % chinois et à 1 % français ? La seule solution, dans le respect du droit européen qui ne permettra pas d'aller plus loin, consiste à prévoir l'affichage par ordre pondéral décroissant de tous les pays d'origine. Afficher les pays dans un autre ordre serait manifestement trompeur pour le consommateur. La rédaction retenue par l'Assemblée nationale, reprenant la solution dégagée au Sénat, est en cela une avancée majeure pour les consommateurs de produits mellifères, solution par ailleurs soutenue par la quasi-totalité de la filière.

Concernant les fromages fermiers, depuis l'annulation d'un décret par le Conseil d'État en 2015, il est interdit d'apposer la mention « fermière » à un fromage affiné en dehors de la ferme. Alors que la pratique de l'affinage à l'extérieur de la ferme est fréquente dans de nombreuses appellations, sans toutefois remettre en cause la qualité du fromage en question grâce au recours à des usages traditionnels, certains producteurs fermiers ont ainsi perdu une possibilité de valoriser leurs fromages. La présente proposition de loi permet de rendre à nouveau possible la faculté d'affiner en dehors de la ferme des fromages fermiers, à la condition de respecter les usages traditionnels et d'en informer le consommateur.

La proposition de loi reprend également une position consensuelle et transpartisane concernant le maintien du caractère obligatoire de la déclaration de récolte pour les vins, en dépit de son caractère devenu facultatif dans la réglementation européenne. La déclaration de récolte est un outil indispensable pour garantir la traçabilité, assurer des contrôles efficaces et suivre, efficacement, des données précieuses pour la gestion de la filière. Son abandon ne serait, au reste, pas perçu comme une simplification administrative, ni pour les viticulteurs, ni pour les services du ministère, la déclaration étant d'ores et déjà dématérialisée.

Pour poursuivre sur la filière viticole, la proposition de loi permet aux producteurs viticoles du Diois de produire un autre vin mousseux que la « Clairette de Die », à des fins de diversification.

Enfin, la proposition de loi entend rendre obligatoire l'affichage en restauration hors foyer de l'origine et de l'appellation des vins, quels que soient les supports de mise en vente (pichet, verre, bouteille) ainsi que l'origine ou le lieu de provenance des viandes porcines, ovines, de volailles et de la viande bovine hachée, comme c'est déjà le cas aujourd'hui pour la seule viande bovine fraîche. C'est une avancée très attendue par les consommateurs et les acteurs de la filière bovine, à l'heure où une part très importante des viandes consommées dans ces établissements est en réalité importée.

III. UNE CORRECTION NECESSAIRE, ADOPTÉE PAR LA COMMISSION, AFIN DE RENDRE APPLICABLE LE PLUS RAPIDEMENT POSSIBLE L'INTÉGRALITÉ DE LA PROPOSITION DE LOI

Dans leurs travaux, les rapporteurs ont toutefois constaté des difficultés posées par quelques dispositions.

Pour plusieurs d'entre elles, dont la rédaction pourrait donner lieu à des interprétations, les rapporteurs ont obtenu lors de la commission des clarifications sur l'intention du Gouvernement de rédiger certains décrets d'application. Ces engagements ont été jugés suffisants pour adopter les articles en l'état, afin de ne pas ralentir encore le processus législatif.

Sur l'article 1 er A, prévoyant qu'un décret précisera les modalités de mise à disposition des données figurant sur les denrées alimentaires préemballées sous la responsabilité de la première mise sur le marché, le Gouvernement s'est engagé à ce que le décret ne s'oppose pas aux initiatives déjà mises en oeuvre et opérationnelles grâce à l'action des professionnels, notamment par la base de données CodeOnlineFood .

Sur l'article 3, relatif aux fromages fermiers affinés à l'extérieur de la ferme, engagement a été donné d'organiser une concertation avec tous les acteurs concernés lors de la rédaction du décret afin de définir les « usages traditionnels », de mieux encadrer les techniques d'affinage à l'extérieur. Le ministre s'est également engagé à consulter les acteurs afin d'organiser un éventuel affichage sur les fromages, adapté à la taille de chaque fromage, du nom de l'affineur et du producteur.

Sur l'article 5 bis , relatif à l'étiquetage des bières, le Gouvernement a pris acte des pratiques trompeuses constatées sur les marchés et s'est engagé à mettre en place une surveillance accrue sur ces produits.

Enfin, concernant l'article 6 autorisant la cession de semences non répertoriées au Catalogue à des utilisateurs non professionnels ne visant pas une exploitation commerciale de la variété, le Gouvernement a déclaré vouloir mettre fin au débat sur la compatibilité de la solution proposée au droit européen en notifiant, à la demande des rapporteurs, l'article de la proposition de loi à la Commission européenne.

Néanmoins, à la lumière d'une analyse juridique et de l'avis des acteurs concernés sur le caractère opérationnel de certaines mesures, un amendement a été adopté afin de corriger un problème posé par la proposition de loi.

À l'initiative du rapporteur, sa position rejoignant celle de trois autres amendements, a été supprimée l'interdiction de faire apparaître, sur un étiquetage, un lieu différent du lieu de production réel de la bière dans la mesure où elle contrevenait au droit des marques et posait des difficultés pratiques pour de nombreux producteurs, les sites de production ne coïncidant pas toujours exactement avec le nom de la ville figurant le nom commercial de la bière.

Sous réserve de l'absence de demande de retour à la procédure normale, et de l'adoption de la proposition de loi ainsi modifiée en séance publique le 4 mars, le texte serait renvoyé avec 11 articles adoptés conformes, un seul demeurant ouvert à la discussion.

Le Gouvernement a annoncé que dans ces conditions, il s'engageait à inscrire à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale avant une éventuelle session extraordinaire cet été le texte afin d'accélérer son entrée en vigueur.

Si l'Assemblée nationale acceptait cet article comme tel, la proposition de loi entrerait en vigueur avant l'été.

Elle illustrerait le fait qu'un dialogue transpartisan et pragmatique entre les deux chambres permet de dégager, très rapidement, un consensus pour faire entrer en vigueur des mesures attendues par les citoyens.

La proposition de loi ainsi adoptée par la commission sera examinée en séance publique le 4 mars 2020.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er A (nouveau)

Cet article vise à promouvoir l'ouverture des données figurant sur les emballages alimentaires.

I. Le dispositif envisagé par l'Assemblée nationale

Au stade de la commission, un amendement de M. Bothorel et plusieurs de ses collègues a été adopté afin de faciliter l'accès à l'information relative aux denrées alimentaires par le biais d'un encouragement à la mise en open data (données ouvertes) des informations figurant sur les étiquetages.

L'alinéa ainsi ajouté prévoit qu'un décret en Conseil d'État déterminera « s'agissant des inscriptions de toute nature relatives aux denrées alimentaires préemballées, les modalités de mise à la disposition du public en ligne des informations correspondantes par le responsable de la première mise sur le marché, dans les conditions prévues au livre III du code des relations entre le public et l'administration »

Le décret précisera notamment le lieu de mise à disposition et le format des données de façon à constituer une base ouverte à tous les utilisateurs permettant une réutilisation libre des données.

II. La position de la commission - description brève

L'objectif d'une meilleure information des consommateurs sur les produits alimentaires qui sous-tend cet article ne peut qu'être soutenu.

Des initiatives privées sont d'ailleurs en cours pour faire émerger de telles solutions de données ouvertes. C'est par exemple le cas de l'initiative CodeOnline Food qui vise à numériser toutes les données sur les produits (liste des ingrédients, pays d'origine, NutriScore, labels, etc.) pour assurer toute la transparence sur les produits aux consommateurs, avec un format standardisé.

L'article vise « les inscriptions de toutes natures relatives aux denrées alimentaires préemballées », qui ne peuvent être, sauf accords des professionnels, que les inscriptions prévues dans la règlementation européenne, notamment aux termes du règlement INCO. Le décret devra s'attacher à préciser ce point.

En outre, le décret pourrait préciser utilement qui sera en charge de mettre à jour la base.

Enfin, il importe de ne pas opposer les démarches : les initiatives privées étant déjà très avancées, le décret ne doit pas aboutir à ce que les investissements déjà consentis n'aient servi à rien. Le décret pourrait alors fixer avant tout une obligation de résultats, sous le contrôle de l'État, davantage qu'une obligation de moyens à la charge de l'État.

Le ministre s'est engagé en commission à suivre, lors de la rédaction du décret, ces trois points.

La commission a adopté l'article sans modification.

Article 1er

Cet article reprend la solution, dégagée au Sénat dès 2018, visant à renforcer la transparence de l'information sur les pots de miel, grâce à un affichage des pays d'origine de tous les miels présents dans un mélange, par ordre pondéral décroissant. Cette obligation s'appliquera également à la gelée royale.

L'article prévoit également un affichage obligatoire de tous les pays d'origine du cacao utilisés dans un produit.

I. La situation actuelle - il n'est pas obligatoire d'indiquer tous les pays d'origine des miels contenus dans les mélanges de miel

Aux termes de l'article L. 412-1 du code de la consommation 1 ( * ) , un décret en Conseil d'État statue sur « les modes de présentation ou les inscriptions de toute nature sur les marchandises elles-mêmes, les emballages, les factures, les documents commerciaux ou documents de promotion », notamment pour l'origine des matières premières composant le produit.

L'article L. 412-4 du code de la consommation dispose que « sans préjudice des dispositions spécifiques relatives au mode d'indication de l'origine des denrées alimentaires, l'indication du pays d'origine est obligatoire pour les produits agricoles et alimentaires et les produits de la mer, à l'état brut ou transformé ».

Le même article précise que « la liste des produits concernés et les modalités d'application de l'indication de l'origine mentionnée au premier alinéa sont fixées par décret en Conseil d'État après que la Commission européenne a déclaré compatible avec le droit de l'Union européenne l'obligation prévue au présent article ».

Ainsi, le principe général dans le droit français est que l'origine des produits doit être indiquée sur l'étiquette, sauf dispositions spécifiques et sous réserve de la conformité des dispositions nationales avec le droit européen.

Pour le miel, les règles d'étiquetage, notamment pour l'origine des produits, relèvent avant tout du droit de l'Union européenne, plus précisément d'une directive européenne 2 ( * ) de 2001, transposée en droit interne par un décret du 30 juin 2003 3 ( * ) .

Pour l'étiquetage du miel, la réglementation prévoit que « le ou les pays d'origine où le miel a été récolté sont indiqués sur l'étiquette ». Cette obligation s'applique donc à tous les pays d'origine du miel.

Toutefois, une dérogation est possible , si le miel est originaire de plus d'un État membre de l'Union européenne ou de plus d'un pays tiers . Dans ces cas, l'indication de tous les pays d'origine peut être remplacée par l'une des indications suivantes, selon le cas :

1° « Mélange de miels originaires de l'UE » ;

2° « Mélange de miels non originaires de l'UE » ;

3° « Mélange de miels originaires et non originaires de l'UE ».

L'article 5 de la directive n° 2001/110/CE du Conseil du 20 décembre 2001 relative au miel précise que : « Les États membres n'adoptent pas [...] des dispositions nationales non prévues par la présente directive ».

II. Le dispositif envisagé - mieux tracer les miels en mettant en oeuvre une obligation d'inscrire tous les pays d'origine des miels contenus dans les mélanges

Avant d'être censuré par le Conseil constitutionnel faute d'un lien, même indirect, avec le texte initial, l'article 43 de la loi Egalim insérait un article dans le code de la consommation prévoyant que : « pour le miel composé d'un mélange de miels en provenance de plus d'un État membre de l'Union européenne ou d'un pays tiers, tous les pays d'origine de la récolte sont indiqués sur l'étiquette. »

En dépit de la nature réglementaire de la mesure 4 ( * ) , les parlementaires de l'Assemblée nationale comme du Sénat avaient estimé nécessaire d'interpeler le Gouvernement et, à défaut de réaction, de donner un caractère législatif à cette règle relative à l'étiquetage des mélanges de miels au profit d'une meilleure information des consommateurs.

Lors des débats de la loi Egalim, le Sénat avait appelé à une négociation européenne sur le sujet en adoptant une rédaction équilibrée qui prévoyait que l'étiquette devait mentionner tous les pays d'origine de la récolte « par ordre décroissant d'importance de la part prise dans la composition du miel ».

Toutefois, les auteurs de la proposition de loi ont souhaité reprendre la rédaction de l'article 43 de la loi Egalim finalement adoptée à l'Assemblée nationale, qui ne vise à rendre obligatoire que l'affichage de tous les pays d'origine des miels composant un mélange de miels.

III. Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

En commission, à l'initiative de la rapporteure, la date d'entrée en vigueur de ces nouvelles règles d'étiquetage a été repoussée au 1 er janvier 2021 afin de permettre aux producteurs et aux conditionneurs de miel de prévoir un nouvel étiquetage de leur produit. À compter de cette date, les conditionneurs bénéficieront d'une dérogation pour écouler leurs stocks déjà étiquetés, bien qu'ils ne respectent pas le nouveau cadre législatif, sans contrevenir à la loi.

En séance publique, un amendement de Mme Le Feur et de plusieurs de ses collègues a repris la rédaction plus contraignante proposée par le Sénat sur l'étiquetage des miels en imposant la liste de tous les pays d'origine, triés par « ordre pondéral décroissant ».

En outre, deux autres amendements ont été adoptés :

- Le premier, de M. Dive et de plusieurs de ses collègues, étend l'application de l'article sur le miel à la gelée royale. Tout comme pour le miel, les pays d'origine de la récolte devront être indiqués par ordre pondéral décroissant d'importance ;

- Le second, proposé par M. Ramos, vise à ce que pour les produits composés de cacao, à l'état brut ou transformé, et destinés à l'alimentation humaine, l'indication du pays d'origine soit également obligatoire.

IV. La position de la commission - une rédaction sénatoriale constante, opérationnelle et conforme au droit européen en faveur de l'affichage de tous les pays d'origine par ordre pondéral décroissant qui fait désormais consensus

Il faut se réjouir de la reprise par les députés de la solution pragmatique et directement opérationnelle dégagée par le Sénat lors de la loi Egalim et, plus récemment, lors de l'examen de la proposition de loi n° 322 (2018-2019) de Mme Marie-Pierre Monier et les membres du groupe socialiste et républicain portant diverses dispositions relatives aux mentions et signes de la qualité et de l'origine valorisant les produits agricoles ou alimentaires, adoptée par le Sénat le 3 avril 2019.

Si l'affichage de tous les pays d'origine était un premier pas, il n'est pas pleinement satisfaisant puisqu'il laisse la possibilité de ne pas révéler les origines majoritaires des miels composant le mélange. Comment par exemple distinguer un mélange de miels composé à 98 % d'un miel hongrois et de 2 % d'un miel français d'un mélange composé à 98 % d'un miel français et de 2 % d'un miel hongrois ? Seul l'affichage par ordre décroissant permettait de résoudre cette difficulté.

La directive européenne prévoit déjà une possibilité d'afficher tous les pays d'origine de la récolte des miels présents dans un mélange. Si tel est le cas, il convient de définir un ordre de présentation. Dans l'optique d'une information fiable et non trompeuse au consommateur, seul l'ordre pondéral décroissant est acceptable.

Cette solution a été notifiée par le Gouvernement à la Commission européenne le 18 juillet 2019. Le projet de décret modifié prévoyait que?les mélanges de miels commercialisés en France devront préciser sur leur étiquette la liste exhaustive des pays d'origine des miels les composant, « dans l'ordre décroissant de leur importance pondérale » et que « lorsqu'un miel originaire d'un pays représente plus de 20 % du poids du produit, le nom de ce pays est mis en évidence ».

Toutefois, la Commission européenne, dans sa réponse du 21 octobre 2019, a estimé qu'une mise en évidence des pays représentant plus de 20 % de la quantité de miel irait trop loin par rapport à ce que permet l'actuelle réglementation européenne.

Il en résulte que le principe de l'ordre pondéral décroissant a été, dans les faits, validé par la Commission européenne.

Cela représente une vraie victoire juridique pour la France sur ce dossier important pour les consommateurs européens, obtenue grâce à une position de compromis dégagée déjà en juin 2018 au Sénat. Il faut s'en féliciter.

Lors de la réunion de commission du 20 février, la rapporteure a rappelé son analyse juridique de la situation et l'esprit de la solution proposée initialement au Sénat.

Il serait toutefois maladroit de ne pas aller au bout de la démarche de transparence en n'imposant pas une inscription du nom des pays en toutes lettres. Seul l'affichage du nom du pays en entier est de nature à éviter de tromper le consommateur par le recours à certains sigles (RPC pour République populaire de Chine par exemple).

Si la Commission européenne valide le principe de l'affichage des pays par ordre pondéral décroissant, le décret en vigueur réglementant l'affichage du miel devra être modifié : à ce moment, l'affichage des pays en toutes lettres pourra être proposé.

Concernant l'obligation d'indiquer, pour les produits composés de cacao, l'indication du pays d'origine, la rapporteure a estimé que la rédaction retenue devait s'entendre comme l'obligation d'indiquer les pays d'origine du cacao contenu dans les produits à l'état brut ou transformé, et non comme le pays d'origine du produit à l'état brut ou transformé.

Toutefois, la directive 2000/36/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 juin 2000 relative aux produits de cacao et de chocolat destinés à l'alimentation humaine ne prévoit pas une telle obligation alors que son article 4 précise que « les États membres n'adoptent pas, pour les produits définis à l'annexe I, des dispositions nationales non prévues par la présente directive. » Par conséquent, malgré son intérêt, cette mesure serait, sans doute, contraire au droit européen actuel.

Toutefois, la rapporteure rappelle que le règlement d'exécution (UE) n° 2018/775 de la Commission du 28 mai 2018 portant modalités d'application de l'article 26, paragraphe 3, du règlement (UE) n° 1169/2011 du Parlement européen et du Conseil concernant l'information des consommateurs sur les denrées alimentaires, pour ce qui est des règles d'indication du pays d'origine ou du lieu de provenance de l'ingrédient primaire d'une denrée alimentaire, qui entrera en vigueur dans quelques mois, imposera aux opérateurs alléguant volontairement sur l'origine de fabrication d'un produit fini, d'indiquer également l'origine de son ingrédient primaire, dans l'hypothèse où ces deux origines seraient différentes. Dès lors, si un fabricant communique sur l'origine de son produit, il devra obligatoirement faire figurer l'origine de son ingrédient primaire. Cette mesure couvre, en partie, l'alinéa figurant actuellement dans la proposition de loi sur les produits à base de cacao.

La commission a adopté l'article sans modification.

Article 2

Cet article rappelle que les informations obligatoires doivent être lisibles et compréhensibles sur tous les supports de vente, y compris lors des ventes à distance.

I. La situation actuelle - malgré un droit qui exige une information suffisante, la vente à distance de denrées alimentaires pose des difficultés relatives à l'affichage des mentions obligatoires

Certains consommateurs constatent une divergence en matière de lisibilité de l'information lors des ventes d'une même denrée alimentaire, que la vente ait lieu à distance ou non. Lors des ventes à distance, il apparaît plus difficile d'obtenir une information lisible et compréhensible, notamment en n'affichant les mentions obligatoires que par le biais d'une photographie du produit et de son étiquette.

Compte tenu de la croissance de ces ventes à distance, il importe que la lisibilité de ces informations soit améliorée.

Le droit européen encadre les informations du consommateur lorsqu'il s'agit de vente à distance de produits alimentaires.

L'article 9 du règlement (UE) n° 1169/2011 du 25 octobre 2011 concernant l'information des consommateurs sur les denrées alimentaires fixe des informations obligatoires, notamment :

a) la dénomination de la denrée alimentaire ;

b) la liste des ingrédients ;

c) tout ingrédient ou auxiliaire technologique provoquant des allergies ou des intolérances ;

d) la quantité de certains ingrédients ou catégories d'ingrédients ;

e) la quantité nette de denrée alimentaire ;

f) la date de durabilité minimale ou la date limite de consommation ;

g) les conditions particulières de conservation et/ou d'utilisation ;

h) le nom ou la raison sociale et l'adresse de l'exploitant du secteur alimentaire ;

i) le pays d'origine ou le lieu de provenance ;

j) un mode d'emploi, lorsque son absence rendrait difficile un usage approprié de la denrée alimentaire ;

k) pour les boissons titrant plus de 1,2 % d'alcool en volume, le titre alcoométrique volumique acquis ;

l) une déclaration nutritionnelle.

L'article 13 du règlement précise que « les informations obligatoires sur les denrées alimentaires sont inscrites à un endroit apparent de manière à être facilement visibles, clairement lisibles et, le cas échéant, indélébiles . »

Concernant les ventes à distance, l'article 14 du règlement précise que, pour la vente à distance des aliments préemballés, les informations obligatoires susmentionnées doivent être fournies « avant la conclusion de l'achat » et « figurent sur le support de la vente à distance ou sont transmises par tout autre moyen approprié clairement précisé par l'exploitant du secteur alimentaire. » Lorsque d'autres moyens appropriés sont utilisés, les informations obligatoires sur les denrées alimentaires sont fournies sans que l'exploitant du secteur alimentaire puisse imputer de frais supplémentaires aux consommateurs.

Pour les ventes à distance de denrées alimentaires non préemballées, l'article 44 du même règlement fixe les indications obligatoires à faire figurer.

À défaut de dispositions spécifiques, les modalités d'information d'un consommateur lors de la vente d'un produit à distance relèvent du droit commun de la consommation, selon des modalités précisées à l'article L. 111-1 du code de la consommation : « avant que le consommateur ne soit lié par un contrat de vente de biens ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations suivantes :

1° Les caractéristiques essentielles du bien ou du service, compte tenu du support de communication utilisé et du bien ou service concerné ;

2° Le prix du bien ou du service ;

3° En l'absence d'exécution immédiate du contrat, la date ou le délai auquel le professionnel s'engage à livrer le bien ou à exécuter le service ;

4° Les informations relatives à son identité, à ses coordonnées postales, téléphoniques et électroniques et à ses activités, pour autant qu'elles ne ressortent pas du contexte ;

5° S'il y a lieu, les informations relatives aux garanties légales, aux fonctionnalités du contenu numérique et, le cas échéant, à son interopérabilité, à l'existence et aux modalités de mise en oeuvre des garanties et aux autres conditions contractuelles ;

6° La possibilité de recourir à un médiateur de la consommation.

La liste et le contenu précis de ces informations sont fixés par décret en Conseil d'État.

En outre, l'article L. 221-5 du code de la consommation ajoute que le professionnel communique de « manière lisible et compréhensible » au consommateur, préalablement à la conclusion d'un contrat de vente ou de fourniture de services, en complément des informations précédentes :

- les informations relatives au droit de rétractation ;

- les informations relatives aux coordonnées du professionnel, au code de bonne conduite, aux modes de règlements des litiges et autres conditions contractuelles.

II. Le dispositif envisagé - l'article rappelle que les informations obligatoires devant figurer sur l'étiquetage des denrées préemballées doivent être lisibles et compréhensibles lors d'une vente à distance

L'article 2 propose de reprendre l'article 34 du texte définitif adopté lors des débats sur la loi Egalim avant censure par le Conseil constitutionnel faute d'un lien avec les dispositions proposées.

L'article inscrit dans le droit français les obligations, déjà d'application directe, prévues dans le droit européen, à savoir le fait d'afficher les informations obligatoires listées dans le règlement (UE) n° 1169/2011 du 25 octobre 2011 - de manière « lisible et compréhensible ».

III. La position de la commission

La rapporteure rappelle que le droit européen couvre déjà entièrement le dispositif proposé et n'opère qu'une transcription, non obligatoire, des dispositions dans le code de la consommation.

La commission a adopté l'article sans modification.

Article 2 bis (nouveau)

Cet article vise à rendre obligatoire l'affichage de l'origine des viandes porcines, ovines, des viandes de volailles et de la viande bovine hachée dans la restauration hors foyer.

La commission s'est félicitée de l'adoption de cet article à l'heure où les viandes dans la restauration sont très majoritairement importées, sans que le consommateur en soit clairement informé.

I. La situation actuelle - une obligation d'affichage de la seule origine de la viande bovine, et non des autres viandes

L'origine, qui est une obligation d'étiquetage aux termes de la réglementation INCO, est définie comme l'origine douanière (lieu de la dernière transformation substantielle) pour toutes les denrées alimentaires sauf dispositions spécifiques.

Il existe des telles dispositions spécifiques pour les viandes bovines, ovines, caprines, porcines et de volailles.

Pour ces viandes, l'origine est définie comme le pays de naissance, d'élevage et d'abattage. On ne parle donc d'origine pour la viande que lorsque les animaux sont nés, élevés et abattus dans le même pays. Dans le cas où ces pays ne sont pas identiques ou dans le cas où le lieu de naissance n'est pas connu, on parle de lieu de provenance.

Si l'origine des viandes doit être indiquée pour les viandes fraîches ou pour les viandes figurant dans des plats préparés, ce n'est, à ce stade, pas le cas pour l'ensemble des viandes servies en restauration hors foyer.

À ce jour, seule l'indication de l'origine des viandes bovines est obligatoire dans la restauration commerciale et collective aux termes du décret n° 2002-1465 du 17 décembre 2002 modifié relatif à l'étiquetage des viandes bovines dans les établissements de restauration.

II. Le dispositif proposé par l'Assemblée nationale

Le dispositif, proposé par la rapporteure de l'Assemblée nationale au stade de la commission, inscrit au niveau législatif une obligation d'afficher l'origine de la viande bovine fraîche et hachée et des produits à base de viande bovine ainsi que des viandes porcines, ovines, caprines, de volailles.

Les établissements proposant des repas à consommer sur place ou les établissements proposant des repas à consommer sur place et à emporter ou à livrer devront donc indiquer le pays d'origine ou le lieu de provenance de la viande pour les plats contenant un ou plusieurs morceaux de viandes bovines, porcines, ovines, caprines ou de volailles.

Cette obligation sera précisée par décret. Un projet de décret a été notifié à la Commission européenne le 18 novembre 2019 dernier étendant l'obligation de l'indication des pays d'élevage et d'abattage des viandes porcines, ovines et de volailles dans la restauration hors foyer.

III. La position de la commission - une obligation d'information sur les pays d'élevage et d'abattage étendue aux viandes porcines, ovines et aux volailles

Sous réserve de la conformité au droit européen du décret notifié, les rapporteurs ne peuvent qu'approuver cette mesure allant dans le sens d'une plus grande transparence et d'une meilleure information des consommateurs.

Selon les informations transmises à la rapporteure, le décret entrerait en vigueur au 1 er avril 2020 et aboutirait à ce que pour la viande bovine, l'information sur les pays de naissance, d'élevage et d'abattage de la viande bovine demeure obligatoire et que devienne obligatoire une information sur les pays d'élevage et d'abattage des viandes porcines, ovines et de volailles dans la restauration hors foyer.

À l'heure où les taux de viandes importées avoisineraient entre 60 et 80 % de la viande avicole et 75 % de la viande bovine dans la restauration hors foyer (selon l'Itavi et l'Idele), cette mesure est un préalable à toute réorientation de la demande des opérateurs de restauration vers la production nationale.

La commission a adopté l'article sans modification.

Article 2 ter (nouveau)

Cet article vise à interdire l'utilisation de dénominations commerciales usuellement associées à des produits d'origine animale pour des produits qui n'en comportent pas ou peu.

I. La situation actuelle - des dénominations trompeuses pour certaines denrées principalement d'origine végétale

Cet article entend interdire certaines pratiques commerciales consistant à associer des dénominations commerciales usuellement associées à des produits d'origine animale à des produits qui n'en comportent pas ou peu.

Cela sera le cas pour les termes « steak », « filet », « bacon » ou « saucisse » utilisés afin de qualifier des produits qui ne sont pas uniquement, voire pas du tout, composés de viande par exemple. Cela pourrait également s'appliquer à la dénomination « lait » ou « fromage » pour des produits d'origine végétale.

Cette préoccupation s'inscrit dans la continuité de l'arrêt du 14 juin 2017 de la Cour de justice de l'Union européenne, lequel a rappelé qu'« aux fins de la commercialisation et de la publicité, la réglementation en cause réserve, en principe, la dénomination lait au seul lait d'origine animale. De plus, sauf en cas d'exception expressément prévue, cette réglementation réserve des dénominations comme « crème », « chantilly », « beurre », « fromage » et « yogourt » uniquement aux produits laitiers, c'est-à-dire aux produits dérivés du lait. 5 ( * ) »

II. Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

L'article 2 ter a été ajouté, au stade de la commission, par les amendements identiques de M. Le Fur et de M. Moreau afin d'interdire le recours aux dénominations associées aux produits d'origine animale pour décrire, promouvoir ou commercialiser des produits alimentaires « contenant une part significative » de matières d'origine animale. Il rétablissait ainsi l'article 31 du texte définitif adopté lors des débats sur la loi Egalim, censuré par le Conseil constitutionnel au titre de l'article 45 de la Constitution.

L'interdiction d'utilisation de dénominations associées aux produits d'origine animale pour commercialiser « des produits alimentaires contenant une part significative de matières d'origine végétale » est introduite dans un article L. 412-7-2 du code de la consommation. Le seuil au-delà duquel il aurait été considéré que la part était significative devait être déterminé dans un décret.

Un amendement du Gouvernement, adopté en séance publique, a réécrit l'article afin de clarifier quelques points :

- Les dénominations visées ne sont plus celles qui sont « associées » aux produits d'origine animale mais celles « utilisées pour désigner » des denrées alimentaires d'origines animales ;

- Le décret définira les sanctions et les modalités d'application de l'article. Il n'est toutefois pas mentionné qu'il déterminera la liste des dénominations concernées.

III. La position de la commission - une amélioration de la bonne information du consommateur sur les denrées qu'il consomme

Comme lors des débats sur la loi Egalim, ou lors du débat sur la proposition de loi n° 322 (2018-2019) de Mme Marie-Pierre Monier et les membres du groupe socialiste et républicain portant diverses dispositions relatives aux mentions et signes de la qualité et de l'origine valorisant les produits agricoles ou alimentaires, adoptée au Sénat en avril dernier, la rapporteure est favorable à la clarification proposée par le présent article qui participe de la bonne information du consommateur sur l'origine, animale ou végétale, des produits qu'il consomme.

La commission a adopté l'article sans modification.

Article 3

Cet article vise à rétablir la possibilité offerte à des fromages affinés en dehors de la ferme de bénéficier de la mention « fromages fermiers », à la condition que cet affinage ait respecté les usages traditionnels et que le consommateur soit informé que l'affinage a été effectué à l'extérieur de la ferme.

I. La situation actuelle - depuis un arrêt du Conseil d'État de 2015, il n'est plus permis d'appeler « fermier » un fromage qui, ayant été vendu en blanc par le producteur, a été affiné à l'extérieur de la ferme

L'article L. 640-2 du code rural et de la pêche maritime liste les mentions valorisantes auxquelles peuvent prétendre des produits agricoles, forestiers ou alimentaires ainsi que des produits de la mer, parmi lesquelles figure l'usage du qualificatif « fermier » ou la mention « produit de la ferme » ou « produit à la ferme ».

L'article 9-1 du décret du 27 avril 2007, modifié en 2013, précise que la mention « fromage fermier » ou « tout autre qualificatif laissant entendre une origine fermière » est réservée à un fromage fabriqué « selon les techniques traditionnelles » par un producteur traitant exclusivement les laits de sa propre exploitation sur le lieu même de celle-ci.

Le même article prévoyait jusqu'en 2015 une mention spéciale pour les fromages affinés à l'extérieur de l'exploitation. Pour ces fromages, l'étiquetage comportait, immédiatement après la mention « fromage fermier », la mention « fabriqué à la ferme puis affiné par l'établissement » suivie du nom de l'affineur. La taille des caractères de cette adjonction devait être identique à celle d'autres mentions obligatoires prévues dans le décret.

Il en résulte que l'affinage extérieur ne s'opposait pas au recours à la mention « fromage fermier » à la condition que le consommateur en fût informé.

Le Conseil d'État, dans un arrêt du 17 avril 2015, a toutefois considéré que la mention « fermier » évoquait, dans l'esprit du consommateur, une élaboration du produit, à tous les stades, sous la responsabilité directe de l'exploitant et sans recours à des techniques industrielles, qu'il en résultait que l'exception faite pour les fromagers affinés à l'extérieur de la ferme ne garantissait pas le respect de ces deux conditions (maintien de la responsabilité et techniques traditionnelles) et a, par conséquent, annulé l'autorisation d'utiliser la mention « fromage fermier » pour les fromages affinés en dehors de la ferme.

Ainsi, depuis le 1 er septembre 2015, date d'entrée en vigueur de l'annulation, les fromages affinés en dehors de l'exploitation ne peuvent plus prétendre à la mention valorisante « fermière ». En pratique, les services de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) ne verbalisent manifestement pas les contrevenants.

D'après les éléments transmis à la rapporteure, on recense 5 700 producteurs fermiers dont 700 sous AOP. L'affinage en dehors de la ferme est une pratique courante et une part « significative » pour les filières hors AOP/IGP.

II. Le dispositif envisagé - permettre d'appeler fermier un fromage affiné à l'extérieur de la ferme, comme c'était le cas avant 2015

L'article 35 du texte définitif de la loi Egalim disposait que : « pour les fromages fermiers, lorsque le processus d'affinage est effectué en dehors de l'exploitation en conformité avec les usages traditionnels, l'information du consommateur doit être assurée en complément des mentions prévues au premier alinéa selon des modalités fixées par le décret mentionné au premier alinéa. »

Les auteurs de la proposition de loi ont repris l'esprit de cet article adopté par les deux chambres avant d'être censuré par le Conseil constitutionnel faute d'un lien, même indirect, avec le texte initial du projet de loi.

III. Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

Au stade de la commission, à l'initiative de la rapporteure, l'article 3 a été modifié pour réserver la possibilité d'appeler fermier un fromage affiné en dehors de la ferme aux seuls fromages sous signes de la qualité et de l'origine au sens de l'article L. 640-2 du code rural et de la pêche maritime.

Cette restriction s'entendait comme la contrepartie d'un cahier des charges strict qui permet le plus souvent de garantir l'origine des produits tout comme l'usage des pratiques d'affinage.

En revanche, en séance publique, à l'initiative de M. Moreau, un amendement a été adopté pour revenir à la rédaction initiale du texte, et ne plus réserver cette possibilité aux seuls fromages sous SIQO.

IV. La position de la commission - soutien à la rédaction retenue, déjà adoptée il y a quelques mois en des termes proches, tout en appelant le Gouvernement à préciser, par décret, les modalités d'information du consommateur

Ce débat a déjà eu lieu, dans les mêmes termes, au Sénat, en avril dernier lors de l'examen de la proposition de loi n° 322 (2018-2019) de Mme Marie-Pierre Monier et les membres du groupe socialiste et républicain portant diverses dispositions relatives aux mentions et signes de la qualité et de l'origine valorisant les produits agricoles ou alimentaires.

La proposition de loi initiale interdisait de recourir à la mention « fermière » si le fromage était affiné à l'extérieur de la ferme, sauf si les fromages concernés bénéficiaient d'un signe de qualité.

Toutefois, à l'initiative des rapporteurs, la rédaction finalement adoptée au Sénat a été plus extensive et ouvrait cette possibilité à tous les fromages affinés selon des techniques traditionnelles, tant que le consommateur en était informé. La rapporteure avait considéré que l'article 9-1 du décret n° 2007-628 du 27 avril 2007 relatif aux fromages et spécialités fromagères encadrait déjà très strictement ces pratiques en réservant l'usage de la mention aux fromages fabriqués « selon les techniques traditionnelles par un producteur agricole ne traitant que les laits de sa propre exploitation ».

Deux conditions sont donc à remplir : d'une part, un lien direct avec le producteur agricole, l'affinage devant être en quelque sorte sous sa responsabilité, et d'autre part, un affinage réalisé selon le respect de « techniques traditionnelles » qui paraissent bien contraires à des techniques industrielles.

Toutefois, la rédaction retenue au Sénat prévoyait un encadrement supplémentaire en informant le consommateur, par exemple au moyen de l'étiquetage, non seulement du nom de l'affineur mais aussi celui du producteur, afin de garantir la responsabilité du producteur tout au long de la chaîne de production.

La rédaction actuelle de l'article 3 est plus souple et renvoie les modalités d'information du consommateur à un décret.

La rapporteure constate donc que les rédactions retenues à l'Assemblée nationale comme au Sénat après des débats en séance publique sont convergentes.

La modification de l'article 9-1 du décret en question pourrait, après concertation entre tous les acteurs, notamment pour prendre en compte les contraintes liées aux tailles de certains fromages fermiers, mieux préciser ces éléments dans le but de durcir le dispositif et empêcher toute industrialisation des « fromages fermiers ».

Le ministre s'est engagé, lors de la commission, à prendre deux décrets sur ces deux questions (précision des usages traditionnels et étude de la possibilité d'afficher le nom du producteur).

La commission a adopté l'article sans modification.

Article 4

Cet article vise à lutter contre certains affichages des produits viticoles qui peuvent laisser penser que le vin a une origine différente de son origine réelle.

L'Assemblée nationale ayant repris la version proposée par le Sénat sur ce sujet dans une autre proposition de loi, la commission a adopté l'article sans modification.

I. La situation actuelle - malgré un droit européen protecteur, certaines pratiques permettent de laisser penser qu'un vin a une origine différente de son origine réelle

Le droit européen oblige à mentionner l'origine du vin dans le champ visuel du consommateur.

L'article 119 du règlement n° 1308/2013 précise les indications obligatoires à faire figurer sur les étiquetages des produits viticoles à savoir :

- la dénomination de la catégorie de produits de la vigne ;

- les appellations d'origine protégée ou les indications géographiques protégées lorsque cela est nécessaire ;

- le titre alcoométrique volumique acquis ;

- la provenance ;

- l'identité de l'embouteilleur ;

- pour les vins importés, l'identité de l'importateur.

L'article 120 du même règlement prévoit des indications facultatives.

L'article 122 précise que la Commission est habilitée à prendre des actes délégués pour préciser les indications obligatoires, notamment permettre aux États membres « d'établir des règles supplémentaires concernant les indications obligatoires ».

En vertu de cet article, le règlement délégué (UE) n° 2019/33 de la commission du 17 octobre 2018 a précisé les demandes de protection des appellations d'origine, des indications géographiques et des mentions traditionnelles dans le secteur vitivinicole.

La provenance doit donc être précisée selon des formules précisées à l'article 45 de ce règlement : « vin de » ou « produit de » suivi du nom de l'État membre où les raisins sont « récoltés et transformés en vin ».

L'article 40 de ce règlement précise que les « indications obligatoires visées à l'article 119 du règlement (UE) n° 1308/2013 apparaissent dans le même champ visuel sur le récipient de façon à être lisibles simultanément sans qu'il soit nécessaire de tourner le récipient, en caractères indélébiles, et se distinguent clairement des textes ou illustrations voisines », sauf, par dérogation, les mentions des produits provoquant des allergies ou des intolérances et le numéro de lot.

En outre, « la taille des caractères des indications [...] doit être égale ou supérieure à 1,2 mm, quel que soit le format de caractères utilisé . »

La règlementation européenne prévoit donc une obligation d'indiquer la provenance du vin, au même endroit que les autres mentions obligatoires, et dans une taille suffisante de manière à ce que l'information soit visible.

En outre, l'article 103 du règlement n° 1308/2013 protège les vins sous IGP et AOP contre « toute autre indication fausse ou fallacieuse quant à la provenance, à l'origine, à la nature ou aux qualités substantielles du produit figurant sur le conditionnement ou l'emballage, sur la publicité ou sur des documents afférents au produit vitivinicole concerné, ainsi que contre l'utilisation pour le conditionnement d'un contenant de nature à créer une impression erronée sur l'origine du produit ».

La DGCCRF est habilitée en France à sanctionner les pratiques commerciales trompeuses sur les vins, en s'appuyant sur la réglementation européenne et les articles L. 121-2 à L. 121-4 du code de la consommation.

La fiche pratique de la DGCCRF sur les produits vitivinicoles précise d'ailleurs que faire croire à l'origine française d'un produit fabriqué à l'étranger constitue une pratique commerciale trompeuse, sanctionnable à ce titre.

Toutefois, certaines pratiques commerciales, tout en respectant cette réglementation très stricte, tendent à créer une confusion dans l'esprit du consommateur au sujet de l'origine des produits qu'il achète.

Une pratique consiste, par un étiquetage intelligent des bouteilles, à se servir de la renommée et de l'image des vins français pour induire le consommateur en erreur. Par exemple, la présentation de l'étiquette peut laisser penser que le vin est français en recourant à un nom typiquement français du domaine et du producteur ainsi qu'à une imagerie faisant référence à l'architecture et aux paysages français, alors même que les bouteilles sont issues d'Espagne ou d'autres pays de la Communauté européenne.

Or cet étiquetage n'est pas illégal dans la mesure où le pays d'origine est alors indiqué, soit au dos de la bouteille, de manière moins lisible pour le consommateur, soit sur une face non visible du « bag in box » avec les autres mentions obligatoires.

II. Le dispositif envisagé - un rappel des obligations déjà établies

Pour lutter contre cette pratique, l'article 4 de la proposition de loi crée un article au sein du code de la consommation prévoyant un affichage « en évidence » du pays d'origine du vin « de manière ne pas induire en erreur le consommateur ». Le non-respect de ces dispositions serait apprécié notamment au regard du nom et de l'imagerie du contenant.

L'article reprend mot pour mot la rédaction de l'article 36 du texte définitif de la loi EGALIM, censuré par le Conseil constitutionnel au titre de l'article 45 de la Constitution.

III. Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

À l'initiative de la rapporteure en commission, la rédaction de l'article 4 a été revue pour se rallier à la position défendue au Sénat par les rapporteurs lors de l'examen de la proposition de loi n° 322 (2018-2019) de Mme Marie-Pierre Monier et les membres du groupe socialiste et républicain portant diverses dispositions relatives aux mentions et signes de la qualité et de l'origine valorisant les produits agricoles ou alimentaires.

Constatant que le dispositif de la proposition de loi était déjà entièrement satisfait par le droit existant et qu'il était de nature, compte tenu de sa rédaction, à faire peser une incertitude juridique supplémentaire sur les producteurs français et à aggraver le différentiel de compétitivité, en n'appliquant ces obligations qu'aux produits français, le rapporteur avait toutefois proposé d'harmoniser le dispositif juridique français.

L'article L. 413-8 du code de la consommation laisse entendre que certaines pratiques trompeuses sont tolérées en disposant qu'« il est interdit, sur des produits naturels ou fabriqués, détenus ou transportés en vue de la vente, mis en vente ou vendus, d'apposer ou d'utiliser une marque de fabrique ou de commerce, un nom, un signe ou une indication quelconque de nature à faire croire, s'ils sont étrangers, qu'ils ont été fabriqués en France ou qu'ils sont d'origine française et, dans tous les cas, qu'ils ont une origine différente de leur véritable origine française ou étrangère » tout en ajoutant que « ces dispositions ne sont pas applicables lorsque le produit porte, en caractères manifestement apparents, l'indication de la véritable origine ».

La mention du pays d'origine du vin étant obligatoire, l'article laisse donc entendre, en n'étant pas applicable, qu'il est possible de faire croire à une origine différente de l'origine réelle pour un produit viticole.

C'est pour corriger cette anomalie que le Sénat avait finalement adopté un amendement qui exclut les vins de la dérogation prévue au deuxième alinéa de l'article L. 413-8 précité.

L'Assemblée nationale a retenu cette rédaction revenant à harmoniser clairement les dispositifs juridiques pour ne plus créer de difficultés.

IV. La position de la commission - une convergence des vues entre les deux chambres, au profit d'une plus grande lisibilité de la réglementation en vigueur

La commission a salué le travail de convergence effectué sur cet article par les rapporteurs des deux chambres, tout en rappelant que seuls des contrôles de la DGCCRF sur ces produits sont de nature à faire cesser, à court-terme, ces pratiques commerciales manifestement trompeuses.

La commission a adopté l'article sans modification.

Article 5

Cet article vise à prévoir une obligation d'information sur l'origine géographique des vins mis en vente dans les restaurants et débits de boissons

L'article proposé ayant déjà été adopté, en des termes identiques, par le Sénat à plusieurs reprises, la commission a adopté cet article sans modification.

I. Le dispositif envisagé - un meilleur affichage de l'origine des vins mis en vente dans les restaurants et débits de boissons

L'article reprend la rédaction adoptée par les deux chambres lors de la loi Egalim (article 40), au sein d'un nouvel article L. 412-9 du code de la consommation, que les titulaires d'une licence de débit de boissons ou d'une licence de restaurant indiquent sur leurs cartes ou tout autre support la provenance, la dénomination de l'appellation d'origine protégée ou de l'indication géographique protégée des vins mis en vente sous toutes les formes dans leur établissement : bouteille, pichet, verre.

L'objectif de l'article est avant tout de mieux protéger les vins sans indication géographique et de répondre à certaines pratiques d'affichage de vins étrangers susceptibles d'induire en erreur le consommateur sur l'origine du produit.

L'article entrera en vigueur le 1 er juin 2020.

II. La position de la commission

Le Sénat avait adopté un amendement de M. Grand et plusieurs de ses collègues proposant le même dispositif lors des débats sur la proposition de loi n° 322 (2018-2019) de Mme Marie-Pierre Monier et les membres du groupe socialiste et républicain portant diverses dispositions relatives aux mentions et signes de la qualité et de l'origine valorisant les produits agricoles ou alimentaires (article 4 ter de la proposition de loi).

Fidèle à sa position, la commission a soutenu l'adoption de cet article.

La commission a adopté l'article sans modification.

Article 5 bis (nouveau)

Cet article vise à indiquer obligatoirement sur les étiquetages de bière le nom et l'adresse du producteur et à éviter que les mentions de l'étiquetage ne fassent apparaître un nom différent du lieu de production réel de la bière, de manière à ne pas induire en erreur le consommateur.

Compte tenu des difficultés opérationnelles posées par la rédaction proposée, la commission a supprimé l'alinéa prévoyant que les mentions de l'étiquetage ne fassent pas apparaître un nom différent du lieu de production réel de la bière.

I. La situation actuelle - un étiquetage de la bière relevant du droit commun de l'étiquetage des produits alimentaires

Pris en application de l'article L. 412-1 du code de la consommation pour le secteur des bières, le décret n° 92-307 portant application de l'article L. 412-1 du code de la consommation en ce qui concerne les bières détermine les critères à remplir pour pouvoir appeler une boisson « bière » et aux dénominations qui en découlent.

Aux termes de l'article 1 er de ce décret, la dénomination « bière » est réservée à la « boisson obtenue par fermentation alcoolique d'un moût préparé à partir du malt de céréales, de matières premières issues de céréales, de sucres alimentaires et de houblon, de substances conférant de l'amertume provenant du houblon, d'eau potable. »

Deux conditions sont fixées :

- le malt de céréales représente au moins 50 % du poids des matières amylacées ou sucrées mises en oeuvre ;

- l'extrait sec représente au moins 2 % du poids du moût primitif.

Le brasseur peut également utiliser d'autres ingrédients, tels que des herbes aromatiques, épices, mélanges de plantes, fleurs, graines, racines ou zestes d'agrumes. En outre, des levures sont en général utilisées au cours de la fermentation.

Concernant l'étiquetage des bières, il n'existe pas de règlementation spécifique.

Dès lors, les mentions obligatoires relèvent du cadre général de la réglementation INCO, notamment l'article 9 du règlement (UE) n° 1169/2011 du 25 octobre 2011 concernant l'information des consommateurs sur les denrées alimentaires, lequel dispose que l'étiquetage d'une bière doit comporter :

- la dénomination de la denrée alimentaire ;

- la liste des ingrédients ;

- les allergènes ;

- la quantité nette de denrée alimentaire ;

- la date de durabilité minimale ;

- les conditions particulières de conservation et/ou d'utilisation ;

- le nom ou raison sociale et adresse de l'exploitant du secteur alimentaire ;

- le pays d'origine ou lieu de provenance (si son omission est susceptible d'induire en erreur les consommateurs sur le pays d'origine ou le lieu de provenance réel de la bière) ;

- le mode d'emploi ;

- le titre alcoométrique volumique acquis ;

- une déclaration nutritionnelle.

Toutefois, il est constaté que certains étiquetages de bières actuellement sur le marché peuvent poser des difficultés, notamment au regard de l'origine. Certaines bières peuvent par exemple laisser penser, par leur nom commercial choisi à dessein, qu'elles ont un ancrage local alors qu'elles ont été brassées à l'étranger.

II. Le dispositif envisagé - une obligation d'affichage du nom et de l'adresse du producteur de bière et une interdiction des mentions laissant entendre que l'origine de la bière est différente de l'origine réelle

À l'initiative de M. Benoit et plusieurs de ses collègues, les députés ont adopté en séance publique un amendement, devenu l'article 5 bis , créant un article L. 412-10 du code rural et de la pêche maritime, lequel :

- prévoit un affichage du nom et de l'adresse du producteur de bière en évidence sur l'étiquetage - cet affichage est de nature à ne pas induire en erreur le consommateur quant à l'origine de la bière, y compris en raison de la présentation générale de l'étiquette ;

- plus spécifiquement, toutes les mentions présentes sur l'étiquetage, y compris le nom commercial, laissant entendre que la bière a une origine différente de son origine réelle ne sauraient être autorisées.

III. La position de la commission - une correction nécessaire pour éviter que le dispositif ne crée des difficultés à de nombreux acteurs brassicoles

Le rapporteur, lors de ses auditions, a bien constaté les difficultés posées par l'étiquetage de certaines bières.

Certains distributeurs laissent apparaître dans leur nom commercial comme dans les images présentes sur la bouteille un lien direct avec un territoire alors que la bière peut être brassée ailleurs, ou à l'étranger.

C'est une information formellement trompeuse, y compris s'il est écrit en petits caractères à l'arrière de la bouteille l'origine réelle de la bière.

Le rapporteur soutient donc la volonté de lutter contre ces pratiques mais il rappelle qu'elles sont déjà susceptibles d'être sanctionnées par les autorités de contrôle.

Comme pour les autres produits, tout étiquetage trompeur de nature à créer une confusion avec un autre bien ou service, une marque, un nom commercial, ou un autre signe distinctif d'un concurrent, ou lorsqu'il repose sur des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur au sujet des « caractéristiques essentielles du bien », notamment l'origine, est répréhensible au titre des pratiques commerciales trompeuses aux termes de l'article L. 121-1 du code de la consommation, et susceptible d'être sanctionné par la DGCCRF.

L'alinéa 2 imposant l'obligation d'indiquer le nom et l'adresse du producteur de bière est à cet égard une réponse intéressante à ce problème, en pleine conformité avec le droit européen. Il est de nature à garantir la transmission d'une information transparente au consommateur.

Toutefois, l'alinéa 3 indiquant que les « mentions de l'étiquetage, y compris le nom commercial, ne sauraient faire apparaitre un lieu différent du lieu de production réel de la bière » pose davantage de difficultés, malgré son intention louable.

Outre une non-conformité au droit des marques, en remettant potentiellement en cause des noms dûment déclarés depuis plusieurs années, l'alinéa pourrait aboutir à certaines absurdités. Ainsi, une bière appelée « La Lilloise » ne pourrait plus s'appeler ainsi si elle était brassée à Hellemmes, ville pourtant située à quelques mètres de la capitale du Nord. De même, si une brasserie installée dans un village et ayant donné le nom de ce village à sa bière souhaite s'agrandir et trouve un site de production dans une ville à proximité, sa production ne sera plus intégralement effectuée sur le lieu de production faisant office de nom commercial : il devra donc changer de nom.

Certaines activités brassicoles appréciées des consommateurs, intégrant notamment des fruits sous IGP, qu'ils valorisent comme tels sur l'étiquetage, sans toutefois que la bière ne soit brassée dans la région où sont produits ces fruits, ne seront plus autorisées dans la mesure où l'indication géographique portant sur les fruits serait de nature à induire un doute sur l'origine de la bière.

L'alinéa est enfin de nature à mettre en péril les pratiques, pourtant fréquentes, de mise en commun des brasseries ou des brasseries nomades, qui sont des solutions trouvées par les professionnels pour favoriser l'amorçage des jeunes entreprises afin de faire émerger une filière brassicole française dynamique, connaissant une croissance forte ces dernières années.

C'est pour toutes ces raisons qu'un amendement du rapporteur (COM-22) , comme d'autres amendements déposés en commission par Mme Schillinger (COM-3) , Mme Deseyne et plusieurs de ses collègues (COM-2) et Mme Vermeillet et plusieurs de ses collègues (COM-5) ont souhaité supprimer l'alinéa 3.

Le rapporteur rappelle, à cet égard, que l'enjeu n'est pas d'ajouter des contraintes dans un domaine où le droit européen est souvent suffisant, sauf à accepter de réduire la compétitivité des produits français par rapport aux autres produits qui ne seraient pas soumis à de tels obligations. Au contraire, le droit existant, dans la plupart des cas, suffit mais il convient de renforcer considérablement la fréquence et la nature des contrôles.

Les pratiques dénoncées en audition auprès du rapporteur sont déjà susceptibles d'être lourdement sanctionnées par les autorités en charge des contrôles.

Plutôt que d'ajouter une contrainte forte sur la filière brassicole française, qui a créé 3 000 emplois ces quatre dernières années, le rapporteur a souhaité interpeler, en commission, le ministre sur un plan de contrôles renforcé sur l'origine trompeuse des bières.

Le ministre s'est ainsi engagé dès cette année à recentrer les contrôles de la DGCCRF sur les appellations d'origine.

La commission a adopté l'article ainsi modifié.

Article 6

Cet article vise à exclure du cadre juridique en vigueur pour les semences la cession, la fourniture et le transfert de semences appartenant au domaine public à des utilisateurs non professionnels ne visant pas une exploitation commerciale de la variété.

I. La situation actuelle - la cession à titre onéreux de semences relève du droit commun applicable à toutes les semences, notamment l'inscription au catalogue, même si cette cession concerne des utilisateurs finaux non professionnels ne visant pas une exploitation commerciale de la variété

L'article L. 661-8 du code rural et de la pêche maritime précise que les règles relatives à la sélection, la production, le traitement, la circulation, la distribution et l'entreposage des semences, matériels de multiplication des plants et plantes ou parties de plantes destinés à être plantés ou replantés sont fixées par un décret en Conseil d'État.

Ce décret définit les conditions dans lesquelles ces semences sont sélectionnées, produites, multipliées et, le cas échéant, certifiées ainsi que les règles permettant d'assurer une traçabilité des produits.

Il précise aussi les conditions d'inscription au Catalogue officiel des variétés dont les semences peuvent être commercialisées.

L'inscription au catalogue permet de vérifier que la semence réponde aux normes de distinction, d'homogénéité et de stabilité (test DHS).

Le Catalogue distingue les espèces de grandes cultures des espèces potagères.

Le Catalogue comprend trois listes pour les espèces de grandes cultures. La liste A comporte les variétés dont les semences peuvent être commercialisées, la liste B les variétés dont les semences peuvent être multipliées en vue de leur exportation et la liste C les variétés de conservation.

Il comprend quatre listes pour les espèces potagères. La liste a comporte les variétés dont les semences peuvent être commercialisées dont certaines peuvent être certifiées, la liste b les variétés pouvant être commercialisées et contrôlées qu'en tant que semences standard, la liste c comporte les variétés de conservation. La liste d réunit l'ensemble des variétés dont les semences peuvent être commercialisées dans des quantités limitées. Ces variétés correspondent, dans la plupart des cas, à d'anciennes variétés pour jardiniers amateurs.

Depuis la loi n° 2016-1087 du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, la cession, la fourniture ou le transfert, réalisés à titre gratuit de semences ou de matériels de reproduction des végétaux d'espèces cultivées de variétés appartenant au domaine public à des utilisateurs finaux non professionnels ne visant pas une exploitation commerciale de la variété n'est pas soumis aux dispositions du présent article, à l'exception des règles sanitaires relatives à la sélection et à la production.

II. Le dispositif envisagé - sortir du dispositif général la cession à titre onéreux de semences appartenant au domaine public à des utilisateurs finaux non professionnels ne visant pas une exploitation commerciale de la variété

Cette mesure permet de reprendre en la réécrivant une disposition adoptée dans la loi n° 2016-1087 du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages censurée par le Conseil constitutionnel.

En effet, dans cette loi, la cession à titre onéreux ne pouvait être réalisée que par une association régie par la loi du 1 er juillet 1901, ce qui posait un problème au regard du principe d'égalité. La rédaction retenue par l'amendement supprime cette référence aux associations, tout propriétaire d'une semence pouvant dès lors réaliser une telle cession à titre onéreux si elle répond aux deux critères définis par la loi : une cession à des utilisateurs professionnels et une cession qui ne vise pas une exploitation commerciale de la variété. La cession de telles variétés est possible sans inscription au Catalogue mais les règles sanitaires relatives à la sélection et à la production doivent être respectées.

Cette nouvelle version de l'article a été adoptée lors des débats sur la loi Egalim (article 78 du texte définitif), finalement censurée par le Conseil constitutionnel au titre de l'article 45 de la Constitution.

III. La position de la commission - une adoption sans modifications dans l'attente de l'avis de la Commission européenne sur la compatibilité de la solution proposée au droit européen

Dans l'esprit, l'article de loi répond à une logique soutenue très largement par les parlementaires : simplifier un cadre sans doute trop rigide pour certains types de semences relevant du domaine public et entretenues, depuis des années, par des jardiniers amateurs.

La rapporteure rappelle, d'ailleurs, que tous les acteurs auditionnés à ce sujet sont d'accord pour faire évoluer la situation. Les souplesses déjà accordées dans le passé n'ont pas fait leur preuve opérationnelle.

Un doute subsiste toutefois sur la conformité du droit européen à la rédaction retenue. Sans prendre parti, la rapporteure souhaite rappeler les éléments du débat.

La directive 2002/55/CE du Conseil du 13 juin 2002 concernant la commercialisation des semences de légumes réglemente « la production en vue de la commercialisation ainsi que la commercialisation de semences de légumes à l'intérieur de la Communauté ».

Pour les semences soumises à cette réglementation, les États membres veillent à ce qu'une variété ne soit admise que si elle est distincte, stable et suffisamment homogène (article 4).

En outre, les États membres prescrivent que des semences de légumes ne peuvent être certifiées, contrôlées en tant que semences standard et commercialisées que si leur variété est officiellement admise dans au moins un État membre, dans un ou plusieurs catalogues des variétés admises officiellement à la certification, au contrôle en tant que semences standard et à la commercialisation (article 3).

L'article 2 précise ce que la commercialisation recouvre au sens de la directive : « on entend la vente, la détention en vue de la vente, l'offre de vente et toute cession, toute fourniture ou tout transfert, en vue d'une exploitation commerciale, de semences à des tiers, que ce soit contre rémunération ou non 6 ( * ) . »

Certains organismes retirent de cette rédaction que les jardiniers amateurs auxquels s'adressent ces produits n'ont pas pour objectif de faire une exploitation commerciale des semences qui leur sont vendues de sorte que la directive 2002/55/CE n'est pas applicable aux cessions de semences réalisées à leur destination.

La cour d'appel de Nancy a toutefois jugé, par un arrêt en date du 9 septembre 2014, « Association Kokopelli c/ société Graines Baumaux », que « cette interprétation du texte précité est erronée. En effet l'apposition de la mention “ en vue d'une exploitation commerciale ” immédiatement après une énumération de différentes formes sous lesquelles la cession de semences peut être réalisée, se rapporte aux membres de phrase qui précèdent et non à ceux qui le suivent. D'un point de vue grammatical, une apposition détachée ne peut que suivre le nom support, être placée en tête de la phrase ou après le verbe.

La formulation de l'article 2 de la directive permet de retenir que sont soumises à ses prescriptions la vente ou l'offre de vente de semences ainsi que les autres formes de cession réalisées dans le cadre d'une exploitation commerciale, ce qui exclut les cessions de semences à des tiers dans un but autre, comme de réaliser des expérimentations et permet d'écarter du champ d'application du texte les échanges de graines entre particuliers amateurs de jardinage qui ne font pas commerce de leurs semences potagères. L'interprétation erronée proposée par l'appelante aboutirait à réserver l'application du texte à la vente de graines à des commerçants. Elle conduirait à placer hors du champ d'application de la directive la vente de semences en vue d'une exploitation agricole, contrairement à la finalité de ce texte qui est de favoriser une meilleure productivité des cultures de légumes de l'Union. »

Le critère retenu serait donc celui de l'exploitation commerciale. Dès lors, toute cession à titre onéreux de semences non enregistrée au Catalogue serait contraire au droit européen.

En revanche, pour certains organismes, cette lecture ne serait pas celle de la directive 7 ( * ) .

Ce débat sur la conventionnalité de la mesure, seule la Commission européenne peut le trancher en étant notifiée de la mesure proposée par le législateur.

À défaut de conformité avec le droit européen, la loi ne sera pas applicable.

Il conviendra alors de trouver une solution souple pour débloquer une situation qui ne satisfait personne. La rapporteure rappelle que durant le débat sur la loi Egalim, le Sénat avait adopté une position qui pourrait servir de base à la négociation, qui convergeait avec celle du Gouvernement.

L'objectif était d'organiser un recensement des variétés non enregistrées au Catalogue et cédées à titre onéreux au travers d'une simple déclaration préalable dématérialisée qui pourrait contenir une dénomination et une description de la semence. Cela permettra d'avoir une vision exhaustive des variétés anciennes utilisées par les jardiniers amateurs et non inscrites au Catalogue sans ajouter une charge trop lourde à ces derniers.

Il est au reste nécessaire que les jardiniers amateurs qui pourront acquérir à titre onéreux ces variétés puissent obtenir des informations sur cette biodiversité qui leur est proposée, sur un site unique. Cet enregistrement, gratuit et dématérialisé, est d'ailleurs dans l'esprit de la règlementation européenne sur le matériel destiné à l'agriculture biologique qui sera applicable à compter de 2021.

Puisqu'il sera possible aux jardiniers de réaliser des cessions à titre onéreux, ils devront respecter également les règles sanitaires applicables à la commercialisation.

Dans l'attente de la réponse de la Commission européenne, la commission n'a pas modifié l'article proposé.

La commission a adopté l'article sans modification.

Article 7

Cet article vise à abroger une loi de 1957 empêchant les viticulteurs du Diois de produire un autre vin mousseux que de la Clairette de Die.

I. La situation actuelle - une loi de 1957 empêche les producteurs de Clairette de Die de se diversifier dans la production de vin mousseux rosé, même sans recours à l'appellation Clairette de Die

Deux articles composent la loi n° 57-1286 du 20 décembre 1957 interdisant la fabrication de vins mousseux autres que la « Clairette de Die » à l'intérieur de l'aire délimitée ayant droit à cette appellation d'origine contrôlée :

- aux termes de l'article 1 er , il est interdit d'élaborer des vins mousseux autres que des vins mousseux à appellation d'origine contrôlée à l'intérieur de l'aire géographique de production des appellations « Clairette de Die » et « Crémant de Die » ;

- l'article 3 dispose, quant à lui, que cette infraction sera punie au plus d'un an d'emprisonnement et d'une amende de 3 750 euros.

Afin de conquérir de nouveaux marchés et diversifier leurs sources de revenus, les producteurs de Clairette de Die ont souhaité produire des vins effervescents mousseux « rosés » sous appellation « AOC Clairette de Die », nécessitant une modification du cahier des charges de l'AOC qui ne prévoyait qu'une production de Clairette de Die « blanche ». La modification du cahier des charges a été homologuée par un arrêté du ministre chargé de l'agriculture en 2016.

La production de ces vins effervescents rosés a donc démarré en 2016.

Toutefois, le Conseil d'État, dans un arrêt de janvier 2018, a annulé cet arrêté au motif « qu'aucun élément historique ou factuel » ne justifiait la présence historique de vins rosés dans la zone géographique de l'appellation et, qu'en tout état de cause, « cette production est interdite sur l'aire géographique de l'AOC depuis la loi du 20 décembre 1957 dont l'article 1 er ne réserve la possibilité d'élaborer des vins mousseux sur cette aire qu'à ceux bénéficiant de la reconnaissance de l'appellation à la date d'intervention de cette loi ».

Par conséquent, il apparaît impossible aujourd'hui :

- d'apposer la mention « Clairette de Die » à des vins mousseux rosés faute d'une production suffisamment ancienne démontrée ;

- de produire des vins mousseux autres que de la « Clairette de Die » dans la zone géographique de l'AOC, compte tenu de l'article 1 er de la loi de 1957.

II. Le dispositif envisagé - seule l'abrogation d'une loi de 1957 permettrait à ces producteurs de produire un autre vin mousseux que la Clairette de Die dans le Diois

L'article 7 de la proposition de loi abroge la loi de 1957 protégeant les appellations « Clairette de Die » et « Crémant de Die ».

Réclamée par les producteurs eux-mêmes de « Clairette de Die », l'abrogation de loi leur offrirait la possibilité de produire d'autres vins mousseux que ceux relevant de l'AOC « Clairette de Die », par exemple du vin effervescent rosé.

Toutefois, le rapporteur rappelle que ces productions ne pourront pas bénéficier de l'appellation « Clairette de Die » dans la mesure où elles ne respecteront pas le cahier des charges de l'AOC.

Cet article est largement consensuel et a déjà été adopté, en ces termes, à plusieurs reprises, par les deux chambres. Il reprend en cela l'article 39 de la loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, censuré par le Conseil constitutionnel au titre de l'article 45 de la Constitution. Il est d'ailleurs identique à l'article unique de la proposition de loi n° 231 (2018-2019) de M. Gilbert Bouchet et de plusieurs de ses collègues tendant à abroger la loi n° 57-1286 du 20 décembre 1957 interdisant la fabrication de vins mousseux autres que la « Clairette de Die » à l'intérieur de l'aire délimitée ayant droit à cette appellation d'origine contrôlée ainsi qu'à l'article 2 de la proposition de loi n° 322 (2018-2019) de Mme Marie-Pierre Monier et les membres du groupe socialiste et républicain portant diverses dispositions relatives aux mentions et signes de la qualité et de l'origine valorisant les produits agricoles ou alimentaires.

III. Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

À l'initiative de la rapporteure de l'Assemblée nationale, un amendement rédactionnel a été adopté au stade de la commission afin de reprendre mot pour mot l'intitulé de la loi en question.

IV. La position de la commission - un article très attendu par les producteurs locaux que le Sénat a soutenu à plusieurs reprises

Sur le fond, si la loi était nécessaire à l'époque pour protéger l'appellation contre la concurrence déloyale des vins étiquetés « clairette muscat », elle n'a aujourd'hui plus d'utilité dès lors que cette protection est assurée par d'autres textes

À l'inverse, l'interdiction constitue désormais un frein pour adapter la production aux attentes des consommateurs.

Il convient dès lors de remédier à cette situation en abrogeant une loi désuète.

La commission a adopté l'article sans modification.

Article 8

Cet article vise à rétablir le caractère obligatoire de la déclaration de récolte après l'abrogation du règlement européen qui le prévoyait.

I. La situation actuelle - depuis l'abrogation d'un règlement européen, la déclaration de récolte n'est plus obligatoire dans l'Union européenne, rendant caduc l'article législatif en vigueur au sein du code général des impôts mettant en place la déclaration de récolte

Les articles 8, 9 et 11 du règlement (CE) n° 436/2009 du 26 mai 2009 portant modalités d'application du règlement (CE) n° 479/2008 du Conseil en ce qui concerne le casier viticole, les déclarations obligatoires et l'établissement des informations pour le suivi du marché, les documents accompagnant les transports des produits et les registres à tenir dans le secteur vitivinicole mettent en place des déclarations de récolte, de production et de stock pour les récoltants, les personnes physiques ou morales ou groupements de ces personnes, y compris les caves coopératives de vinification, qui, au titre de la récolte de la campagne en cours ont produit du vin et/ou des moûts, ainsi que les personnes physiques ou morales ou groupements de ces personnes, autres que les consommateurs privés et les détaillants.

L'article 407 du code général des impôts dispose que « les déclarations de récolte, de production et de stock prévues respectivement aux articles 8, 9 et 11 du règlement (CE) n° 436/2009 de la Commission du 26 mai 2009 portant modalités d'application du règlement (CE) n° 479/2008 du Conseil en ce qui concerne le casier viticole, les déclarations obligatoires et l'établissement des informations pour le suivi du marché, les documents accompagnant les transports des produits et les registres à tenir dans le secteur vitivinicole sont souscrites auprès de l'autorité compétente par les personnes et dans les conditions prévues à ces articles, selon des modalités précisées par décret. » Le second alinéa prévoit que ces déclarations « sont souscrites par voie électronique . »

Toutefois, le règlement (CE) n° 436/2009 susmentionné a été abrogé par le règlement délégué (UE) 2018/273 de la Commission du 11 décembre 2017 complétant le règlement (UE) n° 1308/2013 du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne le régime d'autorisations de plantations de vigne, le casier viticole, les documents d'accompagnement et la certification, le registre des entrées et des sorties, les déclarations obligatoires, les notifications et la publication des informations notifiées, complétant le règlement (UE) n° 1306/2013 du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne les contrôles et les sanctions applicables, modifiant les règlements (CE) n° 555/2008, (CE) n° 606/2009 et (CE) n° 607/2009 de la Commission et abrogeant le règlement (CE) n° 436/2009 de la Commission et le règlement délégué (UE) 2015/560 de la Commission et n'est plus en vigueur depuis le 2 mars 2018.

L'article 33 dudit règlement a trait aux déclarations de récolte et prévoit que « les États membres peuvent exiger de tous les récoltants ou, sur la base de critères objectifs et non discriminatoires, d'une partie d'entre eux, qu'ils soumettent une déclaration de récolte aux autorités compétentes pour la campagne viticole au cours de laquelle la récolte a eu lieu. »

La déclaration de récolte n'est donc plus obligatoire depuis 2018 aux termes de la règlementation européenne, et l'article 407 du code général des impôts serait donc caduc.

Le maintien de cette obligation est toutefois réclamé par la profession.

Son absence entraînerait des difficultés à assurer des contrôles efficaces et aboutirait à une perte de données essentielles pour maintenir une gestion optimale de la filière. En effet, la déclaration de récolte permet surtout d'assurer la traçabilité des vins. Pour les appellations d'origine contrôlée, sa suppression pourrait rendre moins efficaces la régulation de l'offre ainsi que la mise en oeuvre des assurances climatiques ou le paiement des fermages.

Les conséquences de la suppression de la déclaration de récolte des raisins engendrerait en outre une incapacité pour la profession de réaliser des contrôles efficaces et performants d'une part et occasionnerait une perte de données fondamentales pour la gestion de la filière. C'est donc une question essentielle pour la traçabilité.

Il est d'ailleurs difficile d'imaginer que la suppression de la déclaration de récolte telle qu'elle est envisagée aujourd'hui se traduise par une simplification administrative ni pour la profession ni pour l'administration, la déclaration étant dématérialisée depuis 2010.

II. Le dispositif envisagé - rétablir dans le code général des impôts le caractère obligatoire de la déclaration de récolte

L'article de la proposition de loi modifie l'article 407 du code général des impôts afin de remplacer la référence au règlement caduc par une référence à la « réglementation européenne prise pour l'application du règlement (UE) n° 1308/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 portant organisation commune des marchés des produits agricoles et abrogeant les règlements (CEE) n° 922/72, (CEE) n° 234/79, (CE) n° 1037/2001 et (CE) n° 1234/2007 du Conseil ».

Aux yeux du rapporteur, il ne peut être question, en l'état actuel du droit, que du règlement délégué (UE) 2018/273 de la Commission du 11 décembre 2017 complétant le règlement (UE) n° 1308/2013.

En outre, l'alinéa 3 de l'article rend obligatoire la déclaration de récolte (alors que ce n'est qu'une faculté dans le droit européen).

L'article modifie également le code rural et de la pêche maritime afin de réaliser d'autres coordinations juridiques supprimant la référence au règlement (CE) n° 436/2009 abrogé.

III. Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

Un amendement de la rapporteure de l'Assemblée nationale a supprimé une coordination juridique inutile (alinéa 5).

IV. La position de la commission : une adoption sans modification

Cet article reprend l'article 41 du projet de loi Egalim, issu d'un amendement de Mme Anne-Catherine Loisier, rapporteure au nom de la commission des affaires économiques du Sénat, avant d'être censuré par le Conseil constitutionnel au titre de l'article 45 de la Constitution.

La rédaction retenue fait l'objet d'un consensus entre les deux chambres, comme en témoigne l'adoption de cet article lors de la loi Egalim ou sa reprise dans la proposition de loi n° 419 (2018-2019) de Mme Anne-Catherine Loisier relative à l'obligation de déclaration de récolte et à l'autorisation de cession de variétés de semences.

En conséquence, la commission a soutenu l'adoption cet article en rappelant l'importance stratégique de la déclaration de récolte pour les filières viticoles.

La commission a adopté l'article sans modification.

TRAVAUX EN COMMISSION

Réunie le jeudi 20 février 2020, la commission a examiné le rapport et le texte de la commission sur la proposition de loi n° 178 (2019-2020), adoptée par l'Assemblée nationale, relative à la transparence de l'information sur les produits agricoles et alimentaires.

Mme Sophie Primas , présidente . - Nous sommes saisis aujourd'hui de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale le jeudi 5 décembre 2019, relative à la transparence de l'information sur les produits agricoles et alimentaires de M. Gilles le Gendre et des membres du groupe La République en Marche et apparentés. Je salue la présence parmi nous de Mme Barbara Bessot Ballot, qui est rapporteure de ce texte à l'Assemblée nationale.

Cette proposition de loi reprend un grand nombre de mesures dont nous avons déjà débattu en séance publique à de nombreuses reprises. Il s'agit d'être efficace et d'aller à l'essentiel sur des sujets qui ont déjà fait l'objet d'une convergence de vues entre nos deux chambres et d'avancer vite, comme l'espèrent de nombreuses filières agricoles.

C'est pourquoi, à ma demande et avec l'accord de l'ensemble des présidents de groupe et du Gouvernement, la Conférence des présidents a décidé de mettre en oeuvre la procédure de législation en commission qui figure aux articles 47 ter à 47 quinquies de notre Règlement. Le droit d'amendement des sénateurs et du Gouvernement sur les articles concernés s'exerce alors uniquement en commission, tandis que la séance plénière est réservée aux explications de vote et au vote. La proposition de loi comporte douze articles et fait entièrement l'objet d'une législation en commission.

J'espère que nos travaux conduiront à aboutir à un texte consensuel qui, au terme d'une procédure efficace, permettra de faire - enfin ! - entrer en vigueur des dispositions déjà connues par nos deux chambres. Nos travaux sur l'étiquetage se poursuivent en parallèle au sein de notre commission, notamment au sein des groupes d'études Agriculture et alimentation et Élevage. Ils seront l'occasion d'aller plus loin sur de nombreuses questions d'étiquetage au moyen d'un véhicule législatif adéquat.

Mme Anne-Catherine Loisier , rapporteure . - Comme vient de l'indiquer notre présidente, cette proposition de loi traite de sujets que nous connaissons bien, puisque nous les avons déjà examinés à plusieurs reprises.

Lors des débats sur le projet de loi pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine et durable (Egalim), tout d'abord, neuf des douze articles qui nous sont soumis ce matin ont été examinés par les deux assemblées. Ces éléments n'avaient pas leur place, malgré leur intérêt majeur pour les filières, dans cette loi - nous l'avions dit - et la censure de ces articles par le Conseil constitutionnel faute d'un lien même indirect avec le texte l'a confirmé. Depuis cette censure en octobre dernier, plusieurs propositions de loi entendent reprendre, en totalité ou en partie, ces articles consensuels.

C'était le cas de la proposition de loi de notre collègue Gilbert Bouchet sur la Clairette de Die ou de la proposition de loi que j'ai déposée, avec nombre d'entre vous, sur la déclaration de récolte obligatoire et l'autorisation de certaines cessions à titre onéreux de semences non inscrites au catalogue.

C'était surtout le cas de la proposition de loi de Mme Marie-Pierre Monier et de l'ensemble des membres du groupe socialiste et républicain qui avait permis au Sénat, dès le mois de mars 2019, soit un trimestre après la censure du Conseil constitutionnel, de proposer de reprendre les articles les plus importants. Cette démarche nous avait permis d'avoir un débat nourri sur des rédactions de compromis que nous avions travaillées dans un esprit de consensus. C'était une démarche essentielle et il faut saluer l'initiative proposée par Mme Monier et ses collègues.

Enfin, le groupe La République en Marche a déposé, à l'Assemblée nationale, cette proposition de loi reprenant huit articles censurés. Elle est aujourd'hui constituée de douze articles, parmi lesquels neuf ont déjà fait l'objet d'un examen en séance publique au Sénat.

On le voit, les positions des deux assemblées et de l'ensemble des groupes politiques parlementaires convergent, et il faut s'en féliciter. C'est d'ailleurs cette convergence qui a motivé le Gouvernement à inscrire la proposition de loi sur son ordre du jour. Permettez-moi, monsieur le ministre, de saluer cette démarche.

Il découle de cette situation particulière que notre mission aujourd'hui n'est pas de refaire des débats que nous avons déjà eus, mais de nous concentrer sur l'essentiel, à savoir travailler à la rédaction d'une loi de qualité, entrant en vigueur le plus rapidement possible. Nous devons conserver le souci de l'efficacité.

Avec Henri Cabanel, notre travail a été guidé par trois exigences : l'amélioration du texte pour corriger les éléments les plus problématiques sans ajouter de nouveaux sujets ; la recherche de solutions consensuelles sur les sujets afin d'éviter d'ajouter au débat des points durs qui bloqueraient l'adoption de la proposition de loi ; la quête d'un équilibre entre un raffinement juridique, toujours utile, et la nécessaire réponse aux demandes urgentes de nos filières agricoles qui demandent une entrée en vigueur de la loi le plus rapidement possible. En effet, ces articles sont très attendus par ces filières. Dans les faits, ils les attendent depuis octobre 2018. Certes, le Parlement doit prendre son temps, mais il doit aussi savoir accélérer le rythme, quand cela est nécessaire et quand un consensus est susceptible de se dégager. Il sera donc nécessaire, si vous me permettez l'expression, de « prioriser » nos combats sur les sujets qui nous paraissent les plus importants pour l'intérêt général.

J'attire effectivement votre attention sur le risque majeur de cette proposition de loi, à savoir se retrouver coincée dans une navette parlementaire. Si notre texte n'est pas conforme, il sera renvoyé à l'Assemblée nationale. S'il n'est pas adopté conforme, il reviendra de nouveau au Sénat pour ensuite, éventuellement, faire l'objet d'une commission mixte paritaire et, en cas de désaccord, d'une nouvelle lecture dans chacune des chambres. Autant dire que cette proposition de loi n'entrera jamais en vigueur compte tenu de l'ordre du jour parlementaire, avec le projet de loi sur les retraites !

C'est pour conjurer ce risque que nous avons souhaité travailler en amont avec la rapporteure de l'Assemblée nationale, Mme Barbara Bessot Ballot, dont je tiens à saluer la présence parmi nous ce matin, pour faire converger le plus possible nos rédactions. Cette initiative a permis, me semble-t-il, d'expliquer à nos collègues députés nos interrogations et nos éléments de réflexion. Grâce à l'écoute de la rapporteure, nous sommes sans doute parvenus à véritablement progresser sur de nombreux points.

Au total, sur les douze articles de la proposition de loi, sept ont été adoptés en des termes conformes ou quasi conformes, sous réserve de quelques divergences rédactionnelles.

Parmi eux, certains articles sont très attendus.

À l'article 1 er , les députés ont retenu la solution dégagée au Sénat dès 2018 de l'affichage par ordre décroissant de tous les pays d'origine des miels présents dans un mélange. C'est la solution allant le plus loin en toute conformité avec le droit européen. Il faut se féliciter de la reprise de cette rédaction.

À l'article 2 ter est interdit le recours à des dénominations animales pour des produits végétaux.

L'article 3 ouvre de nouveau la possibilité pour nos producteurs de fromages fermiers d'affiner leurs fromages à l'extérieur de leur ferme, tout en continuant à bénéficier de l'appellation « fermier » - nous y reviendrons.

Enfin, l'article 8 rétablit le caractère obligatoire de la déclaration de récolte, amendement que nous avions ajouté dans la loi Egalim et que nous avions proposé de nouveau dans une proposition de loi au mois de mars dernier.

Demeurent quelques sujets presque nouveaux que nous avons à étudier.

Certains d'entre eux constituent des avancées significatives. L'article 2 bis établit un affichage obligatoire des viandes porcines et ovines, des viandes de volaille et de la viande hachée en restauration hors foyer. C'était le cas pour la seule viande bovine ; désormais, ce sera le cas pour toutes les viandes. Il faut vraiment se réjouir d'un tel article à l'heure où 75 % de la viande consommée dans les restaurants est importée, sans que le consommateur en soit informé - c'est ce qu'indiquait le rapport de notre collègue Laurent Duplomb.

Certes, il demeure quelques sujets de désaccord technique. Je pense par exemple au sujet des semences potagères vendues à des jardiniers amateurs, qui est traité à l'article 8. Depuis la loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages subsiste un contentieux que l'on connaît bien sur la compatibilité entre la solution proposée, à savoir sortir du catalogue des semences vendues à des jardiniers amateurs qui ne suivent pas des fins commerciales, et le droit européen. Cela fait quatre ans que ce contentieux dure sans qu'il n'ait jamais été tranché formellement ; seule la Commission européenne peut y répondre. C'est pourquoi je vous proposerai d'adopter l'article tel quel et, comme cela est prévu dans le droit européen, de le notifier pour que la Commission tranche enfin ce débat.

Bien sûr, il demeure des sujets problématiques. Henri Cabanel exposera le problème posé par l'étiquetage des bières. Je pense, pour ma part, à un ajout effectué par l'Assemblée nationale à l'article 1 er sur le cacao, qui pourrait, tout comme les semences, être contraire au droit européen et pourrait ne pas être applicable.

M. Henri Cabanel , rapporteur . - Je tiens également à m'associer au discours de ma collègue rapporteure : les sujets sont attendus depuis suffisamment longtemps par les professionnels pour que nous prenions ensemble notre responsabilité de législateur, en réalisant les arbitrages les plus intelligents. Je sais combien tous ces sujets nous passionnent, mais il importe de garder à l'esprit une volonté d'avancer, main dans la main avec l'Assemblée nationale, sur ces articles qui doivent être transpartisans.

Il y va de la légitimité du Parlement. Nous avons, avec cette proposition de loi, une occasion de démontrer que nous, législateurs, députés comme sénateurs, sommes capables de nous saisir d'un sujet et de lui donner une traduction législative en quelques mois seulement. Cela serait un pied de nez à nos détracteurs - ils sont nombreux, nous le savons ! Cette exigence ne doit pas nous empêcher de faire notre travail correctement.

Anne-Catherine Loisier a mentionné plusieurs articles consensuels et quelques divergences. Sur la partie qui m'incombe, qui sera, sans vous surprendre, la partie viticole et brassicole, la constatation est la même : il existe de très nombreux points de convergence, ainsi qu'une difficulté majeure.

Sur les considérations numériques, le texte propose d'acter des principes très attendus par les consommateurs.

Sur l'article 1 er A, qui entend garantir la mise à disposition en ligne des données figurant sur les emballages aux utilisateurs, si le principe est louable, la rédaction retenue est très large et doit être précisée par décret. Je vous propose d'obtenir du Gouvernement des clarifications avant d'examiner l'article en question.

Sur l'article 2, qui prévoit que les informations lors d'une vente en ligne soient lisibles et compréhensibles, l'article transpose simplement le droit européen dans le droit national.

Passons au vin. L'article 4 reprend, mot pour mot, la rédaction dégagée au Sénat afin de prévoir très clairement dans le code de la consommation qu'il est interdit de laisser penser qu'un vin a une origine différente de son origine réelle. Je salue, une nouvelle fois, ce travail de convergence réalisé par la rapporteure de l'Assemblée nationale.

L'article 5 acte le principe d'un affichage de l'origine des vins vendus en restauration et dans les débits de boissons, quel que soit le support de vente - en bouteille, en pichet ou au verre. Cet article a été adopté à plusieurs reprises depuis la loi Egalim et il faut se féliciter qu'il entre enfin en vigueur.

Encore un sujet que nous connaissons bien et qui tient à coeur de nos collègues Marie-Pierre Monier, Gilbert Bouchet et bien sûr Bernard Buis, à savoir l'abrogation de la loi de 1957 sur la Clairette de Die. Cette loi interdit aux producteurs du Diois d'élaborer un autre vin mousseux que la Clairette de Die. Or, selon le cahier des charges de l'appellation d'origine contrôlée (AOC), à ce stade, la Clairette de Die ne peut pas être rosée, ce qui prive les producteurs d'une diversification de leur production attendue par le marché. Cet article permet donc de produire un vin mousseux rosé, mais, j'y insiste, qui ne sera pas de la Clairette de Die, puisqu'un tel vin ne respectera pas le cahier des charges de l'AOC.

Enfin, et j'en redis un mot, il convient de se féliciter de l'unanimité des parlementaires en faveur du maintien du caractère obligatoire de la déclaration de récolte. L'article 8 est de nature à considérablement rassurer nos producteurs viticoles et son adoption doit être rapide, puisque le risque est qu'en décembre de cette année cet outil précieux disparaisse. Si nous n'adoptions par rapidement la proposition de loi, nous condamnerons ce dispositif faute d'un autre véhicule législatif. Ce qui plaide, une nouvelle fois, pour une adoption rapide de la proposition de loi.

Tous ces points de convergence sont à saluer.

Il ne reste, à mon sens, qu'une difficulté sur l'étiquetage des bières. En séance publique, nos collègues députés ont adopté un amendement visant à prévoir une double obligation sur l'étiquetage des bières. Il est vrai que les bières qui laissent entendre, par leur étiquetage, qu'elles ont un ancrage local, alors qu'elles sont fabriquées ailleurs, voire à l'étranger, se multiplient. Ces pratiques sont des tromperies manifestes pour le consommateur.

L'amendement adopté propose une double évolution législative. D'une part, il sera obligatoire de mentionner, sur toutes les étiquettes de bière, le nom et l'adresse du producteur de manière à ne pas induire le consommateur en erreur sur l'origine de la bière en raison de la présentation générale de l'étiquette. D'autre part, l'article précise que les mentions de l'étiquetage, surtout le nom commercial, ne peuvent laisser apparaître un lieu différent du lieu de production.

Cet alinéa pose des difficultés. Il signifierait d'une part qu'une bière qui s'appellerait la Vézelay ne pourrait plus s'appeler la Vézelay, car elle est aujourd'hui produite dans la commune de Saint-Père, à 1,5 kilomètre de Vézelay. La brasserie Saint-Omer, bien connue de notre collègue Jean-Pierre Decool, devrait produire l'intégralité de ses bières dans la commune même de Saint-Omer, si elle veut garder son nom. Il serait également impossible d'appeler Kronenbourg une bière qui n'est pas produite exclusivement dans le quartier de Strasbourg portant ce nom. Outre une atteinte au droit des marques, vous comprenez les problèmes auxquels cet article expose les producteurs concernés.

Cela poserait en outre d'immenses difficultés pour les brasseurs nomades ou les pratiques collectives de mise en commun des brasseries. Ces solutions trouvées par les professionnels pour favoriser l'amorçage des jeunes entreprises permettent de faire émerger une filière brassicole française dynamique et connaissent une croissance forte ces dernières années.

En résumé, cet alinéa, qui entend répondre à un vrai problème, exercera une contrainte forte sur la filière brassicole française qui a créé, gardons-le en mémoire, 3 000 emplois ces quatre dernières années.

Dans le même temps, des actions sont menées pour lutter contre les étiquetages trompeurs. D'une part, une disposition fiscale devrait être clarifiée très prochainement afin de prévoir une fiscalité plus lourde sur les négociants de la bière que sur les brasseurs en propre. D'autre part, la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) peut déjà, avec l'arsenal juridique que nous connaissons, sanctionner lourdement les pratiques trompeuses - c'est déjà possible ! Cela nous renvoie toujours au débat concernant le manque de moyens de la DGCCRF.

Pour toutes ces raisons, je vous proposerai de supprimer l'alinéa 3 de l'article 5 bis . J'en ai discuté directement avec la rapporteure de l'Assemblée nationale et je crois qu'elle partage nos préoccupations.

Pour conclure, à l'heure où nous nous apprêtons à légiférer, je veux simplement vous rappeler une information importante : toute adoption d'un amendement non consensuel entre nos deux chambres aboutira à une réduction des chances d'adopter rapidement cette proposition de loi. Cela concerne les amendements sur des sujets nouveaux que nous n'avons pas travaillés aussi longtemps que les sujets que nous venons d'évoquer. Cela concerne également les amendements créant des points durs entre nos deux chambres. En quelque sorte, si nous ne faisons pas de compromis, alors que nous avons déjà obtenu une convergence grâce aux travaux déjà réalisés à l'Assemblée nationale, nous n'obtiendrons d'avancée ni sur les fromagers fermiers, ni sur le miel, ni sur l'étiquetage du vin et des viandes dans la restauration, ni sur la déclaration de récolte obligatoire.

Ce sont des sujets qui, je le sais, vous tiennent tous à coeur et qui méritent d'entrer en vigueur de manière urgente. Pour ce faire, nous devons savoir raison garder et entrer dans une logique un peu différente par rapport à d'habitude : faire des compromis au profit de nos filières. Je ne doute pas que nous garderons cet état d'esprit tout au long de notre séance.

M. Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation . - Je souhaite tout d'abord saluer à mon tour la présence de Barbara Bessot Ballot, rapporteure de ce texte à l'Assemblée nationale, et je vous remercie, Madame la Présidente, d'avoir demandé à utiliser la procédure de législation en commission.

Cela a été dit, cette proposition de loi est attendue et hautement stratégique, et je suis heureux de constater que les deux chambres ont pu travailler en bonne intelligence et qu'elles ont réussi à trouver des compromis. Nous le savons tous, quelles que soient les travées sur lesquelles nous siégeons, l'étiquetage est un élément essentiel tant pour les agriculteurs que pour nos concitoyens. Les consommateurs doivent savoir d'où viennent les produits qu'ils achètent et comment ils sont fabriqués.

Le Gouvernement a lancé de manière résolue d'importants travaux sur ces questions d'étiquetage et de traçabilité, car il nous semble essentiel de promouvoir le patriotisme agricole. Cette proposition de loi s'inscrit parfaitement dans le cadre de ces travaux. D'ailleurs, nous sommes en train de préparer deux décrets sur l'étiquetage obligatoire et nous discutons de ces questions au niveau européen, que ce soit au Parlement européen ou à la Commission européenne.

En ce qui concerne l'étiquetage du miel, j'avais envisagé de déposer un amendement, parce que le passage par le décret que nous venons de finaliser - il est prêt et aurait pu entrer en vigueur en juillet - aurait permis de gagner quelques mois par rapport à la solution contenue dans ce texte. Cependant, après m'en être entretenu avec les présidents des commissions des affaires économiques de l'Assemblée nationale, Roland Lescure, et du Sénat, vous-même, Madame la Présidente, j'y ai renoncé afin de ne pas rouvrir une discussion sur l'ensemble de l'article 1 er de la proposition de loi. Comme le disait Henri Cabanel, nous devons tous faire des compromis et le Gouvernement accepte de décaler de six mois l'entrée en vigueur des dispositions sur l'étiquetage du miel, qui sont pourtant très attendues par la filière apicole et par nos concitoyens. L'urgence est à l'entrée en vigueur rapide de l'ensemble de la proposition de loi !

Par ailleurs, je vous confirme que le Gouvernement publiera, dès lors que la proposition de loi sera adoptée et après discussion avec les acteurs concernés, les décrets d'application qui sont nécessaires. Pour l'article 1 er A, il s'agit des conditions de mise à disposition en ligne des données figurant sur les emballages des produits alimentaires pour les utilisateurs. Pour l'article 3, un autre décret viendra préciser les conditions d'information du consommateur lors de l'affinage des produits fermiers sur les signes d'identification de la qualité et de l'origine (SIQO). Vous le voyez, nous anticipons sur le vote de Parlement !

Je voudrais insister sur un point très important : aujourd'hui, les liens sont malheureusement distendus entre les agriculteurs et les consommateurs et nous devons lutter contre ce phénomène. Nous ne pouvons pas rester dans cette situation d'opposition malsaine et dans une société divisée, où les agriculteurs se font accuser de tous les maux. L'étiquetage des produits participe de notre objectif de resserrer ces liens.

Pour autant, nous ne devons pas multiplier à l'infini les informations sur les étiquettes : celles-ci doivent être simples, transparentes et lisibles pour le consommateur qui ne doit pas passer des heures à les lire et à tenter de les comprendre... Nous devons être responsables ! De ce point de vue, les applications qui se développent sur les smartphones sont intéressantes, mais elles ne peuvent pas remplacer la lecture de l'étiquette par le consommateur lui-même. Si nous devons privilégier une information, c'est celle sur l'origine des produits afin d'identifier clairement ceux qui proviennent de France.

Encore une fois, les consommateurs doivent être en capacité d'identifier les produits français. Certains veulent nous faire croire que ces produits poseraient des problèmes du fait de l'utilisation de tel ou tel intrant ou qu'ils ne seraient pas de haute valeur nutritionnelle ou gustative. Je m'inscris totalement en faux à l'égard de ces assertions et je dis même aux consommateurs : « Achetez français ! » Notre agriculture et nos entreprises agroalimentaires produisent une alimentation saine et d'excellence.

Il est vrai que nous sommes sur une ligne de crête, mais cela ne doit pas nous empêcher d'avancer résolument. Nous sommes souvent à l'avant-garde par rapport au droit européen et aux autres pays ; restons-le ! Je prône le patriotisme alimentaire. Cette proposition de loi relative à l'étiquetage est finalement un hymne à l'agriculture française ; elle permettra de montrer aux consommateurs que nos agriculteurs produisent avec une grande qualité. L'année 2020 est un tournant et j'espère que cette proposition de loi sera adoptée définitivement dans des délais rapides.

Mme Sophie Primas , présidente . - Nous sommes nombreux à partager cette position, monsieur le ministre. Pour ma part, j'estime que l'amélioration de l'étiquetage permet de responsabiliser individuellement les consommateurs. Ce processus est créateur de valeur ajoutée pour nos agriculteurs.

Je vous remercie, monsieur le ministre, de ne pas avoir déposé d'amendement sur la question de l'étiquetage du miel. Les discussions ont démarré depuis plusieurs années maintenant, nous devons donc aller vite et rouvrir les débats sur l'article 1 er aurait pu avoir pour conséquence un retard inattendu. Cette solution me semble être, au final, la plus raisonnable et la plus efficace.

Mme Sylviane Noël . - Je souhaite tout d'abord féliciter les rapporteurs pour leur travail.

Je tiens à attirer plus spécifiquement votre attention, mes chers collègues, sur l'article 3 de ce texte, article relatif à l'usage du terme « fermier » lors d'un affinage extérieur à la ferme. Le reblochon, comme les autres fromages savoyards, est directement concerné par cette disposition. La notion d'affinage hors de la ferme par des affineurs est un point fondamental de la culture fromagère savoyarde. Cet affinage extérieur est une pratique prédominante, notamment pour le reblochon, pour des raisons liées essentiellement aux moyens de production, à la charge de travail des producteurs qui transforment deux fois par jour et aux infrastructures rarement suffisantes pour mener l'intégralité de l'affinage traditionnel de ces fromages.

Les reblochons fermiers représentent plus de 2 600 tonnes en 2018, ils font vivre plus de cent-vingt producteurs fermiers et onze affineurs exclusifs sur nos départements. L'enjeu est donc de taille. Aujourd'hui, cet affinage extérieur représente quasiment 80 % de la production et est réalisé dans le respect des conditions traditionnelles décrites dans le cahier des charges. C'est donc un point extrêmement important et je vous invite à conserver la rédaction adoptée par l'Assemblée nationale, qui convient pleinement à nos producteurs.

M. Daniel Laurent . - J'évoquerai trois sujets, madame la présidente.

Premier point, l'étiquetage de la provenance du vin. Nous avons déjà largement discuté de cette question. J'avais déposé un amendement contre cette disposition, mais je l'avais retiré par la suite dans le souci d'obtenir l'unanimité, objectif que nous continuons de poursuivre. Je crois que nous avons toutes et tous intérêt à aboutir rapidement sur ces sujets. Je tiens surtout à insister sur le rôle essentiel de l'État pour contrôler les produits et l'étiquetage. Nous devrons aussi veiller aux conditions de mise en oeuvre de cette mesure afin qu'elle ne crée pas d'insécurité juridique, notamment pour apprécier si une marque est française ou pas, et afin que son application ne se fasse pas au détriment de la compétitivité des opérateurs français. En effet, cette mesure ne s'appliquera pas aux vins étrangers commercialisés en France. On le voit, les contrôles opérés par l'État seront extrêmement importants.

Deuxième point, le maintien du caractère obligatoire de la déclaration de récolte. Il me semble que nous serons unanimes sur cette question, ce qui est heureux. Cela n'a pas toujours été le cas : il y a quelque temps, la Confédération nationale des producteurs de vins et eaux-de-vie de vin à appellations d'origine contrôlées (Cnaoc), Henri Cabanel et moi avons rencontré le secrétaire d'État, Olivier Dussopt, et nous n'avions pas la même approche que lui sur cette question. Or chacun se rend aujourd'hui compte du caractère universel de ce sujet et de son importance pour la traçabilité des produits, pour le bon fonctionnement des coopératives, pour l'assurance récolte ou encore pour les demandes de prêts bancaires par les agriculteurs. Le secrétaire d'État nous avait proposé de travailler avec les douanes avant de prendre une position, mais je crois que nous sommes aujourd'hui parvenus à une disposition qui est conforme aux souhaits des professionnels de la filière viticole. C'est pourquoi je suis favorable à une adoption de cette mesure sans modification.

Troisième point, l'étiquetage des huîtres. C'est également un sujet important. L'huître est un mollusque ; ce n'est pas un bovin ou un poulet, mais elle est élevée en milieu naturel et sa production est soumise aux aléas climatiques et demande une attention toute particulière. J'ai rencontré le comité départemental des conchyliculteurs de Charente-Maritime et je rencontrerai lundi le président du comité national lors du salon de l'agriculture. Les professionnels sont en train de préparer un rapport et je crois que nous devons attendre ce rapport avant de prendre position. C'est pour cette raison que je ne peux pas être favorable à l'amendement qui a été déposé par Joël Labbé et que nous examinerons tout à l'heure, même si la mesure qu'il propose peut être intéressante à l'horizon de 2023. C'est aux professionnels de nous donner le cadre ; nous devons donc attendre leur rapport.

M. Bernard Buis . - Je suis très heureux que nous soyons réunis aujourd'hui pour étudier cette proposition de loi, qui réintroduit des dispositions de la loi Egalim censurées par le Conseil constitutionnel. Qui plus est, nous le faisons dans un calendrier resserré, puisque la promulgation de cette loi date d'il y a moins d'un an. Je tiens donc à saluer le travail exceptionnel réalisé conjointement par les deux chambres et à remercier les rapporteurs, Henri Cabanel et Anne-Catherine Loisier, ainsi que notre présidente, Sophie Primas, pour leur implication et pour avoir participé à cette réussite commune.

Nous sommes tous d'accord : il est essentiel de fournir aux consommateurs une information claire et juste sur les produits alimentaires. Au-delà des dispositions visant à renforcer cette information, je me réjouis également que cette proposition de loi simplifie des règles qui sont obsolètes ou qui constituent des freins pour certaines filières agricoles - je pense notamment, cela ne vous surprendra pas, à l'abrogation de la loi protégeant l'appellation Clairette de Die.

Notre objectif est de faire en sorte que la navette parlementaire se termine rapidement. Pour cela, nous appelons de nos voeux un vote conforme sur la grande majorité des dispositions de cette proposition de loi. Rappelons-nous que ces dispositions ont déjà fait l'objet de débats dans les deux chambres et ont déjà été adoptées.

J'émets néanmoins un petit bémol en ce qui concerne l'article 5 bis introduit en séance publique à l'Assemblée nationale. Ma collègue Patricia Schillinger a déposé un amendement pour supprimer l'alinéa 3 de cet article, mais je crois qu'il existe également un consensus sur ce point.

Pour toutes ces raisons, nous voterons des deux mains cette proposition de loi !

M. Joël Labbé . - J'entends les arguments sur l'urgence à adopter cette proposition de loi, je les comprends, mais j'ai tout de même déposé des amendements et je les déposerai à nouveau, s'il le faut !

Mme Sophie Primas , présidente . - Nous serions déçus, si ce n'était pas le cas...

M. Joël Labbé . - Vous savez, Madame la Présidente, j'ai récemment rencontré votre prédécesseur, Jean-Claude Lenoir. Il me disait que je l'avais bien ennuyé à déposer ce type d'amendements, mais qu'il en souriait maintenant, en voyant l'évolution des choses... Vous comprendrez donc que je continue à les défendre !

En ce qui concerne les fromages fermiers, il est vrai que des professionnels estiment urgent de prendre une décision, mais d'autres, souvent minoritaires - je pense notamment à ceux qui défendent les fromages fermiers historiques -, ne sont pas satisfaits de la mesure prévue dans ce texte et ils pointent du doigt le risque de standardisation et de massification. Le fromage fermier risque ainsi de perdre de sa valeur commerciale. L'expression « fermier » devrait rester aux fromages qui le sont véritablement ! Et il me semble que l'Assemblée nationale et le Sénat peuvent tout à fait trouver un consensus qui ne nous fasse pas perdre de temps.

En ce qui concerne les huîtres, je suis heureux que le comité national des conchyliculteurs se soit mis au travail - mon premier amendement sur ce sujet date de 2012...

M. Franck Montaugé . - Je rappelle, au nom de mon groupe, que Mme Marie-Pierre Monier avait déposé une proposition de loi, adoptée par le Sénat à l'unanimité le 3 avril dernier, qui concerne plusieurs points repris dans le texte dont nous discutons aujourd'hui. Nous partageons les orientations des rapporteurs, dont je salue le travail. Nous approuvons également le choix de la procédure de législation en commission. Sur les dispositions qui ne figuraient pas dans le texte de Marie-Pierre Monier, nous nous déterminerons au fil de la discussion.

M. Roland Courteau . - Le problème de l'origine des vins commercialisés en France est-il traité dans ce texte ? Pour certains vins espagnols, le manque de précision des étiquettes laisse croire aux consommateurs qu'ils sont français. J'ai évoqué ce sujet à plusieurs reprises par le passé, et j'avais même déposé plusieurs amendements, qui ont tous été retoqués. Je me réjouis des dispositions rendant la déclaration de récolte en viticulture obligatoire.

Mme Marie-Christine Chauvin . - Merci aux deux rapporteurs pour leur travail. Je me réjouis de la belle unanimité que nous constatons pour défendre la bonne qualité du travail de nos agriculteurs français et pour la mettre en valeur. Ce texte doit avancer rapidement, sans préjudice du travail sur l'étiquetage, qui continuera, car il y a encore beaucoup à faire pour aboutir à un étiquetage très clair, mais très valorisant pour notre agriculture française. Je souligne également l'utilité de la déclaration de récolte des raisins. Nous sommes unanimes à vouloir la rendre obligatoire. C'est en effet un outil indispensable pour vérifier la traçabilité des vins. Sans cette déclaration de récolte des raisins, il est impossible de réaliser des contrôles de rendement fiable entre les volumes livrés par les viticulteurs à différents vinificateurs et les volumes disponibles après vinification : c'est le seul document qui fait le lien, pour chaque exploitation, entre la surface en production et le volume de récolte.

M. Laurent Duplomb . - Nous pouvons nous féliciter de cette proposition de loi. Mais pourquoi en avons-nous besoin, au fond ? Si le débat sur la loi Egalim avait été plus posé et moins passionnel, s'il n'avait mis ainsi en opposition les différents types d'agriculture, s'il nous avait rassemblées autour d'un avis éclairé au lieu de nous disperser entre une multitude de points de vue, cela nous aurait évité beaucoup d'erreurs. Et cela nous aurait épargné l'obligation de corriger, à grand-peine, certaines logiques qui frisent la démagogie et l'obscurantisme.

Les fromages fermiers sont un exemple typique : pensez à ce qui se passe avec le Saint-Nectaire dans le département du Puy-de-Dôme. Cela devrait nous servir de leçon : à l'avenir, quand nous parlerons d'agriculture, il faudra le faire avec un peu moins de passion et un peu plus de raison - et en pensant davantage à la réalité du terrain et à l'histoire des produits, qui sont le fruit du travail des hommes pendant des décennies, voire des siècles, qui sont aussi le fruit d'une évolution liée à des pratiques, mais aussi à des demandes sociétales. Servons-nous de la force des agriculteurs ! Arrêtons d'opposer les modèles et les agriculteurs ! Servons-nous de la capacité qu'ils ont eue pendant des siècles à évoluer pour répondre à la demande, ce qui est l'intérêt général de notre société et de notre pays.

M. Henri Cabanel , rapporteur . - En ce qui concerne l'application de l'article 41 de la Constitution, nous vous proposons de considérer qu'entrent dans le champ des dispositions présentant un lien direct ou indirect avec le texte les mesures tendant à modifier le droit relatif à l'étiquetage des produits alimentaires, ainsi que la transparence des informations relatives à celles-ci ; les règles relatives aux mentions valorisantes ; les modifications des règles relatives aux semences ; et les modifications de la réglementation en vigueur régissant les activités viticoles.

Mme Sophie Primas , présidente . - Personne ne s'y oppose ; le périmètre du texte est ainsi arrêté. Je vous propose que pour, chaque article, les rapporteurs présentent brièvement les enjeux et demandent éventuellement au ministre des précisions, voire des engagements ! Nous passerons ensuite à l'examen des amendements et au vote sur les articles. Je vous signale que dix délégations de vote ont été déposées : neuf par le groupe Les Républicains et une par le groupe La République en Marche.

Examen des articles selon la procédure

de législation partielle en commission

Article 1 er A (nouveau)

M. Henri Cabanel , rapporteur . - Cet article prévoit qu'un décret précisera les modalités de mise à disposition des données figurant sur les denrées alimentaires préemballées sous la responsabilité de la première mise sur le marché. C'est un sujet attendu pour les consommateurs. Toutefois, monsieur le ministre, il me semble que le décret ne devra pas s'opposer aux initiatives déjà mises en oeuvre, et opérationnelles grâce à l'action des professionnels, notamment par la base de données CodeOnline Food . Pouvez-vous nous confirmer que ce ne sera pas le cas ?

L'intention du législateur doit être non de prévoir une obligation de moyens, à savoir l'obligation pour l'État de recueillir, traiter et mettre à disposition des données, mais une obligation de résultat, à savoir la mise à disposition des données aux utilisateurs, que cette mise à disposition soit ou non pilotée par l'État. Si les professionnels permettent déjà une telle mise à disposition, il serait inefficace de prévoir un dispositif public.

Enfin, il convient de ne pas surtransposer : cette nouvelle exigence de mise à disposition des données ne saurait exiger, sauf accord des professionnels, d'aller plus loin que les indications requise dans le décret concernant l'information des consommateurs sur les denrées alimentaires (INCO).

Sur ces trois points, monsieur le ministre, pouvez-vous nous confirmer que le Gouvernement a les mêmes interprétations que les parlementaires ?

M. Didier Guillaume, ministre . - Comme nous travaillons en bonne intelligence, vous m'aviez communiqué vos questions, et j'ai pu me préparer à y répondre précisément ! Je souhaite vous rassurer sur les trois points.

Cet article a été introduit par le député Éric Bothorel. Les membres de mon cabinet se sont entretenus avec lui pour qu'il n'y ait pas de malentendus. Nous partageons tous la volonté de renforcer la transparence sur les produits alimentaires. Il faut également faciliter l'accès aux informations pour le consommateur, capitaliser sur les innovations existantes et soutenir celles à venir. Il ne s'agit absolument pas d'imposer un outil plutôt qu'un autre. CodeOnline Food est une très bonne initiative des professionnels. Il en existe d'autres, comme Open Food Facts . Ces initiatives doivent être encouragées et valorisées. L'État n'a, en aucun cas, vocation à gérer une base de données centralisant les informations figurant sur les étiquetages de produits alimentaires. Le décret évoqué dans cet article 1 er A devra donc bien prévoir une obligation de résultat, à savoir la mise à disposition de ces données aux utilisateurs. Il n'y aura pas, sauf accord des professionnels, d'exigence d'aller plus loin que les indications reprises dans le décret INCO. Il n'y aura pas de surtransposition, et l'ensemble des acteurs concernés seront consultés dans l'élaboration de ce décret.

M. Henri Cabanel , rapporteur . - L'amendement COM-13 rectifié bis prévoit la fixation par décret des conditions d'alimentation par les responsables de la première mise sur le marché de la base de données CodeOnline Food . Il réécrit l'article 1 er A afin de prévoir que la base de données de référence sera celle qui sera réalisée par les professionnels de CodeOnline Food . Le ministre vient de s'engager à respecter trois principes dans la rédaction du décret. Ces garanties sont importantes, et nous permettent de ne pas mentionner dans la loi une base de données spécifique issue de l'initiative privée. Retrait ou avis défavorable.

M. Didier Guillaume, ministre . - Même avis.

L'amendement COM-13 rectifié bis n'est pas adopté.

L'article 1 er A est adopté sans modification.

Article 1 er

Mme Anne-Catherine Loisier , rapporteure . - Cet article traite principalement de l'étiquetage du miel, en prévoyant un affichage de tous les pays par ordre pondéral décroissant d'importance dans le mélange. Il aborde un nouveau sujet, le cacao, mais nous avons évoqué nos doutes sur la conformité de l'alinéa en question avec le droit européen.

Mme Sophie Primas , présidente . - Sur cet article, nous avons été saisis par un grand nombre de nos collègues. En particulier, Dominique Kennel m'a parlé d'Haguenau et d'une grande entreprise de chocolat, qui s'inquiète beaucoup de cette rédaction. Sur mon territoire, j'ai également deux grands producteurs qui sont très préoccupés. Les producteurs ne sont pas en France, mais les transformateurs le sont, et ils s'inquiètent beaucoup de ne pas avoir été consultés et redoutent les conséquences à court terme de cette décision. Nous pensons qu'elle n'est pas conforme au droit européen. Comme elle pose un problème juridique, il faudrait la retirer de l'article. Mais nous ne souhaitons pas repartir dans des discussions sans fin avec l'Assemblée nationale.

Mme Anne-Catherine Loisier , rapporteure . - L'amendement COM-1 rend obligatoire l'indication du pays d'origine de l'ingrédient primaire, si celui-ci est différent du pays d'origine indiquée sur l'étiquette. Cet amendement est presque satisfait par un règlement européen de 2018 qui renforce les règles relatives à l'étiquetage volontaire de l'origine. Si l'industriel entend mettre en valeur l'origine de son produit, souvent parce qu'il est fabriqué en France, il devra également indiquer clairement l'origine de l'ingrédient primaire ou, à tout le moins, indiquer clairement et dans la même taille de caractères que le produit primaire ne provient pas du pays vanté sur l'étiquetage. C'est une avancée considérable qui détermine le niveau maximum accepté par l'Union européenne sur les étiquetages d'origine des denrées alimentaires, sauf dispositions spécifiques. Dès lors, cet amendement est en grande partie satisfait. De plus, comme il va plus loin que le droit européen, il lui est contraire. Retrait ou avis défavorable.

M. Didier Guillaume, ministre . - Même avis.

L'amendement COM-1 n'est pas adopté.

M. Joël Labbé . - Cet article concerne aussi les huiles essentielles alimentaires. Il y a une demande, mais 80 % des produits à base de plantes sont importés, alors que nous sommes un pays traditionnel de production de plantes médicinales. L'amendement COM-17 rectifié demande donc que le pays d'origine figure sur l'étiquette.

Mme Anne-Catherine Loisier , rapporteure . - Demande de retrait pour les raisons évoquées précédemment par la présidente.

Mme Sophie Primas , présidente . - C'est un sujet nouveau...

M. Didier Guillaume, ministre . - Sur le fond, je suis très favorable à l'amendement de Joël Labbé. Nous sommes l'un des plus beaux et des plus grands pays en termes de plantes à parfum et médicinales. La filière est en train de se restructurer, et il faut aller de l'avant, et revendiquer notre savoir-faire, alors que des huiles de perlimpinpin arrivent en permanence chez nous. De plus, il faut absolument que les Français sachent, lorsqu'ils achètent leurs huiles essentielles, d'où celles-ci proviennent. Sur la forme, pour faire avancer ce texte, il vaudrait mieux que cet amendement soit retiré.

M. Joël Labbé . - Je pourrais le retirer, mais il faut toujours un acte I ! Même si j'étais seul à le voter, je le maintiens. Et nous serons de plus en plus nombreux à le soutenir.

Mme Anne-Catherine Loisier , rapporteure . - Les règles relatives aux huiles essentielles sont complexes et dépendent de plusieurs réglementations européennes selon les usages : cosmétique, aliments, biocides, médicaments... Cela n'est pas optimal, et ajoute à la complexité pour le secteur, comme le relevait d'ailleurs votre rapport d'information pour la mission que le Sénat a consacrée à l'herboristerie en 2018. Plutôt que d'imposer dans la réglementation européenne une indication de l'origine, ce qui serait contraire au droit européen, une solution serait de reprendre la proposition 14 de votre rapport et de créer un label « Plantes de France » pour renforcer l'information du consommateur tout en valorisant la production française sur des critères de qualité face à la concurrence internationale. Cette disposition relèverait des professionnels et non pas de la loi. Demande de retrait réitérée.

M. Franck Montaugé . - Le groupe socialiste et républicain s'abstiendra sur cet amendement.

M. Didier Guillaume, ministre . - Chaque parlementaire est souverain, le droit d'amendement n'est pas discutable. Toutefois, je rappelle à Monsieur Labbé que le Sénat a souhaité faire avancer ce véhicule législatif. Pour cela, il faut que chacun accepte de remettre dans sa poche un peu de ses convictions, pour trouver un consensus. Retirez votre amendement, pour ne pas obliger vos collègues et le Gouvernement à voter contre, alors que nous sommes pour ! Ce débat n'est pas le lieu pour déposer un acte militant. Il y aura d'autres occasions.

Mme Sophie Primas , présidente . - Vous dites ce que je ne pouvais pas dire, Monsieur le ministre !

M. Joël Labbé . - Je comprends. Je ne souhaite pas mettre des collègues en difficulté. Mais il n'en sera pas de même pour les fromages fermiers !

L'amendement COM-17 rectifié est retiré.

Mme Anne-Catherine Loisier , rapporteure . - Les amendements COM-12 rectifié bis et COM-15 rectifié prévoient que soient indiqués tous les pays d'origine, par ordre décroissant, ainsi que le pourcentage que chacun représente dans le mélange. Nous partageons cet objectif mais, outre les problématiques industrielles d'étiquetage, il y a des difficultés de compatibilité avec le droit européen. L'Espagne a notifié un décret proposant une telle idée à la Commission : celle-ci a refusé, car cela ne correspondait pas à la directive européenne. La seule solution acceptable à ce stade au niveau européen est bel et bien l'ordre pondéral décroissant de tous les pays d'origine, ce que le Sénat prône depuis 2018. L'idée a été votée et adoptée ici, ce qui a permis de faire bouger les lignes. La Commission européenne s'est prononcée sur sa compatibilité avec le droit européen, et elle a clairement dit qu'elle était compatible avec la directive. Seul l'ordre pondéral décroissant est de nature à ne pas tromper le consommateur, en effet. C'est donc une avancée considérable qui est aujourd'hui partagée avec l'Assemblée nationale. Mais si nous tentons d'aller plus loin, rien ne sera plus applicable. La Commission européenne ne changera pas sur cette position concernant les pourcentages, qu'elle vient officiellement de refuser à d'autres pays. Ainsi, à vouloir aller trop loin sur l'affichage à ce stade, nous risquons de ne rien avoir du tout ! Retrait.

Mme Sophie Primas , présidente . - Même avis sur l'amendement COM-16 rectifié ?

Mme Anne-Catherine Loisier , rapporteure . - Oui.

M. Didier Guillaume, ministre . - Mêmes avis.

M. Joël Labbé . - Nous demanderons le pourcentage parce qu'à terme il faudra bien y arriver ! On sait bien que l'opposition vient des industriels importateurs de miel. Les producteurs professionnels français, eux, le demandent avec force. Mon amendement de repli proposait qu'au moins, lorsqu'un pays représente plus de 20 %, il figure en caractères gras.

Mme Sophie Primas , présidente . - Le remède serait pire que le mal puisque la Commission européenne a déjà refusé ces deux propositions...

L'amendement COM-12 rectifié bis n'est pas adopté. Les amendements COM-15 rectifié et COM-16 rectifié sont retirés.

L'article 1 er est adopté sans modification.

Article 2

L'article 2 est adopté sans modification.

Articles additionnels après l'article 2

M. Henri Cabanel , rapporteur . - L'amendement COM-9 rectifié ter prévoit l'obligation d'indiquer le pays d'origine des produits alimentaires issus de l'agriculture biologique. C'est un sujet très important pour les produits bio. L'article 32 du règlement européen de 2011 sur l'agriculture biologique prévoit que, si le logo « bio » figure sur l'étiquetage, l'origine des produits est indiquée selon les termes « agriculture de l'Union européenne » ou « agriculture Union européenne / non Union européenne ». Le règlement ajoute que le nom du pays peut remplacer cette mention si toutes les matières agricoles qui le composent ont été produites dans ce pays. Il est donc déjà prévu que le nom du pays puisse être indiqué. Aller plus loin serait non conforme au droit européen. Retrait ou avis défavorable.

M. Didier Guillaume, ministre . - Même avis.

Mme Sophie Primas , présidente . - C'est un vrai sujet sur lequel nous travaillerons !

L'amendement COM-9 rectifié ter n'est pas adopté.

M. Henri Cabanel , rapporteur . - L'amendement COM-10 rectifié bis demande un rapport faisant un état des lieux des volumes et de l'origine des produits issus de l'agriculture biologique provenant des pays tiers hors Union européenne, et sur leur conformité aux règles applicables à l'agriculture biologique de l'Union européenne. Il s'agit de préparer la rédaction de la nouvelle réglementation européenne sur le bio. Mais celle-ci a déjà été publiée le 14 juin 2018 et elle entrera en vigueur le 31 décembre 2020 ! Retrait ou avis défavorable.

M. Didier Guillaume, ministre . - Même avis.

L'amendement COM-10 rectifié bis n'est pas adopté.

Article 2 bis (nouveau)

Mme Anne-Catherine Loisier , rapporteure . - Cet article rend obligatoire l'affichage de l'origine des viandes porcines, ovines, des viandes de volaille et de la viande bovine dans la restauration hors domicile. Il convient de se féliciter de ce nouvel article à l'heure où les viandes, dans la restauration, sont très majoritairement importées, sans que le consommateur en soit clairement informé.

L'article 2 bis est adopté sans modification.

Article 2 ter (nouveau)

Mme Anne-Catherine Loisier , rapporteure . - Cet article interdit l'utilisation de dénominations commerciales usuellement associées à des produits d'origine animale pour des produits qui ne comportent pas ou comportent peu de substance animale. Nous connaissons bien la problématique et nous sommes favorables à l'idée. Nous vous proposons donc une adoption conforme.

L'amendement COM-11 rectifié bis garantit une information aux consommateurs concernant les produits semblables à des produits animaux conventionnels, comme les viandes de laboratoire. Aujourd'hui, un steak hamburger de 140 grammes de ce type coûterait environ 500 euros. Il ne nous semble donc pas urgent de réfléchir à une réglementation plus précise sur ce genre de produits, qui englobera le principe de leur étiquetage mais qui ne peut se restreindre à ce seul point. Il nous semble plus opportun d'acter notre accord sur le principe de l'encadrement des dénominations utilisées normalement pour de la viande, car nous avons enfin trouvé une rédaction consensuelle, plutôt que d'ouvrir de nouveau un sujet susceptible d'ouvrir des débats qui n'aboutiront à rien.

M. Didier Guillaume, ministre . - Même avis. Un steak, c'est de la viande. S'il n'y a pas de viande, la dénomination de steak ou d'entrecôte ne peut pas être retenue. Il faudra que la France le dise clairement : s'il n'y a pas de viande, il n'y a pas de steak.

M. Franck Montaugé . - Je trouve cet amendement utile, mais nous nous abstiendrons, pour simplifier le processus.

L'amendement COM-11 rectifié bis n'est pas adopté.

L'article 2 ter est adopté sans modification.

Article 3

Mme Anne-Catherine Loisier , rapporteure . - Cet article reprend la position défendue au Sénat et adoptée dans la loi Egalim et lors de l'examen de la proposition de loi Monier en avril dernier. Il s'agit de ne pas restreindre aux seuls fromages sous signes d'identification de la qualité et de l'origine (SIQO) la possibilité d'affiner les fromages à l'extérieur de la ferme. Un décret précisera les modalités d'information du consommateur. Je sais que des amendements tendant à restreindre au fromage sous SIQO ont été déposés. Deux mesures seraient susceptibles, monsieur le ministre, de nous rassurer sur l'ambiguïté éventuelle de cet article. Lors de la rédaction du décret requis par l'article, le Gouvernement envisagerait-il, après concertation avec l'ensemble des acteurs, de proposer une définition plus précise des usages traditionnels, afin d'encadrer les techniques d'affinage à l'extérieur, et d'étudier un affichage, adapté à chaque fromage, du nom de l'affineur et du producteur sur les fromages? Cette position, défendue au Sénat lors de la proposition de la loi Monier, correspond à notre sens à un bon équilibre.

M. Didier Guillaume, ministre . - Ma position est bien connue, puisque j'étais sénateur lors du débat sur la loi Egalim et que je défends la même position comme ministre, ce qui m'évite la schizophrénie intellectuelle ! Nous sommes dans le compromis, comme nous l'avons été à l'Assemblée nationale, où la rapporteure a fait des pas vers nous aussi. Vous avez trouvé un accord sur ce point. Il serait regrettable de rouvrir le débat. Un décret est prévu par l'article 3. Je vais en préciser les contours. Il s'agira de définir plus précisément la notion d'usage traditionnel. Un second décret permettra, après concertation, aux producteurs fermiers d'indiquer leurs noms sur les fromages fermiers affinés.

Mme Anne-Catherine Loisier , rapporteure . - Avec ces précisions, avis défavorable aux amendements COM-7 , COM-8 , COM-14 rectifié et COM-4 rectifié quater .

M. Joël Labbé . - Un décret autorisera donc les producteurs à afficher leur nom. Nous souhaitons que ce soit obligatoire. Contre nous, l'industrie globale. Or l'association nationale des producteurs laitiers fermiers a le droit d'avoir la parole. Et elle demande avec force le maintien de la traçabilité pour les fromages fermiers, où figure obligatoirement le nom du producteur. Sinon, c'est la porte ouverte à l'industrialisation et à la standardisation de ces produits, qui sont fermiers par essence et qui sont défendus avec force, y compris par les consommateurs.

Mme Patricia Schillinger . - Chaque parlementaire défend son territoire... Pour moi, le Munster a toutes ces spécificités, et je soutiens fortement les producteurs. Je fais confiance au ministre, et j'attends le décret avec impatience. Je retire mes deux amendements.

Les amendements COM-7 et COM-8 sont retirés.

M. Michel Raison . - J'approuve votre position, qui est nationale. Veillons à ce que chaque sénatrice et chaque sénateur ne défende pas spécifiquement sa propre zone ! En effet, celui qui fabrique des fromages dans l'est de la France ne connaît rien à la fabrication dans le sud-ouest. Nous avons la chance d'avoir plusieurs fromages par département. Notre position doit donc être rassembleuse et nationale, pour que le texte qui va être voté et les décrets qui vont suivre correspondent à la moyenne et à l'ensemble des producteurs fermiers de France. Soyez donc prudents sur la défense de telle petite association ou de telle production locale.

Sur les huiles essentielles, je soutiens très fortement M. Labbé, car le développement de ces plantes pourrait fournir des revenus complémentaires importants aux agriculteurs de notre pays. Sur le miel, enfin, nous pourrions arriver à faire changer le règlement européen. Il n'est pas normal qu'on achète un pot de miel et que, s'il y a 60 % de miel chinois dedans - qui peut d'ailleurs être lui-même composé de 50 % de sucre -, on ne le sache pas.

M. Laurent Duplomb . - Nous avons besoin d'une vision générale et objective sans oublier l'évolution des choses. Ainsi, le Velay, fromage fermier aux artisons, des petits acariens - j'en profite pour faire un peu de promotion...

Mme Sophie Primas , présidente . - Après le reblochon, le munster, le saint-nectaire...

M. Laurent Duplomb . - Des exploitants producteurs fermiers affinent ce fromage traditionnel chez eux et le vendent sur les marchés, mais il risque de disparaître en raison de ses petits volumes. Si demain on avait la possibilité, via les chambres d'agriculture ou d'autres organismes, de mutualiser l'affinage, cette loi l'interdirait et la production disparaîtrait. Laissons faire l'esprit entrepreneur, sans trop industrialiser. On voudrait changer le modèle français, qui n'est pas un modèle industriel : la plupart des exploitations sont familiales.

Mme Anne-Catherine Loisier , rapporteure . - Avis défavorable à l'amendement COM-14 rectifié. Je remercie l'engagement du ministre sur les deux points de clarification. Il est essentiel de préciser ce que l'on met derrière la mention « usages traditionnels », parfois très vague.

M. Didier Guillaume, ministre . - Avis défavorable.

M. Joël Labbé . - L'amendement prévoit que la mention « fermier » est apposée si le fromage est affiné à la ferme ou à l'extérieur de la ferme dans un secteur sous appellation d'origine. Nous demandons avec force que le nom du producteur soit affiché sur le produit.

M. Didier Guillaume, ministre . - La mention « fromage fermier » est encadrée !

M. Franck Montaugé . - Le groupe socialiste et républicain s'abstiendra.

Les amendements COM-14 rectifié et COM-4 rectifié quater ne sont pas adoptés.

L'article 3 est adopté sans modification.

Article 4

M. Henri Cabanel , rapporteur . - Cet article vise à lutter contre certains affichages des produits viticoles qui peuvent laisser penser que le vin a une origine différente de son origine réelle. L'Assemblée nationale ayant repris la version proposée par le Sénat sur ce sujet, je vous propose d'adopter l'article sans modification.

Monsieur Courteau, nous créons aussi une obligation d'afficher l'origine du vin quel que soit son support : bouteilles, mais aussi pichets et verres. Il faut respecter la réglementation mais ne changeons pas trop les étiquettes pour éviter qu'elles soient illisibles, sinon ce sera contreproductif.

La DGCCRF utilise toute une panoplie judiciaire pour ses contrôles. Notamment, elle a contrôlé et verbalisé les bags in box espagnols qui ne respectaient pas la réglementation.

Nous pourrons amender par le biais des travaux de notre commission sur l'étiquetage.

M. Roland Courteau . - Certes, nous réglons le problème sur les cartes des restaurants, mais pas celui, massif dans la grande distribution. Vous parlez du droit européen, mais si le droit européen permettait de régler le problème, il serait déjà résolu ! Nous tournons en rond....

L'article 4 est adopté sans modification.

Article 5

M. Henri Cabanel , rapporteur . - Cet article vise à afficher l'origine et les appellations des vins dans les restaurants, quel que soit leur support : bouteille, pichet ou verre. Nous avons adopté cet article à plusieurs reprises, je vous propose de l'adopter une nouvelle fois - j'espère que ce sera la dernière...

L'article 5 est adopté sans modification.

Articles additionnels après l'article 5

Mme Anne-Catherine Loisier , rapporteure . -L'amendement COM-18 rectifié bis propose un étiquetage du mode d'élevage pour les ovoproduits à titre expérimental. Les industriels ont déjà le droit de valoriser, par un étiquetage volontaire, leurs modes d'élevage. Certains le font déjà pour les ovoproduits d'oeufs de plein air. L'amendement pénalise donc ceux qui ne le font pas, et revient à imposer de nouvelles règles qui ne s'appliqueront qu'aux producteurs français ; cela les pénalisera encore par rapport à leurs concurrents européens qui n'auraient aucune obligation.

Une telle obligation serait contre-productive, car elle fragiliserait des expérimentations en cours, obtenues de haute lutte à Bruxelles, ou à venir : une expérimentation issue de la loi Sapin 2 sur l'indication de l'origine géographique est déjà en cours sur le lait et la viande utilisés en tant qu'ingrédients dans les produits transformés.

Les filières avancent déjà sur ce sujet ! Grâce aux actions menées par la filière, l'évolution des modes d'élevage concerne également le segment des ovoproduits. En 2019, 36 % des oeufs utilisés dans la fabrication d'ovoproduits sont issus de systèmes alternatifs, contre 10 % en 2011. Faisons leur confiance, sans amputer leur compétitivité. Retrait, à défaut avis défavorable.

L'amendement COM-19 rectifié bis prévoit un étiquetage obligatoire des denrées alimentaires issues d'animaux nourris avec des aliments génétiquement modifiés, selon des modalités définies par décret. Nous en avons déjà débattu : cet étiquetage ne s'appliquera qu'en France ; il est contraire au droit européen. Retrait, à défaut avis défavorable.

L'amendement COM-20 rectifié prévoit un étiquetage distinguant huîtres triploïdes et diploïdes. Il reprend un débat scientifique, sur lequel il ne nous appartient pas de trancher. L'étiquetage des huîtres comporte déjà de nombreuses mentions obligatoires : taille des huîtres, étiquette de salubrité... Les professionnels sont engagés dans une démarche ambitieuse pour afficher cet étiquetage sur la nature des huîtres, mais c'est très complexe, car les huîtres sont souvent mélangées. Un groupe de travail sur l'étiquetage a été mis en place en juin 2019. Un rapport avec des propositions claires et applicables devrait être remis au ministre de l'agriculture en mars. Faisons-leur confiance plutôt que d'ajouter une contrainte. Retrait, à défaut avis défavorable.

L'amendement COM-21 rectifié bis vise, à titre expérimental, à rendre obligatoire l'étiquetage du mode d'élevage pour les produits animaux.

L'amendement avait déjà été rejeté, sous une forme légèrement différente, lors de la loi Egalim pour plusieurs raisons : les règles d'étiquetage des denrées alimentaires sont fixées au niveau européen ; une telle obligation serait contre-productive, car elle viendrait fragiliser les expérimentations en cours et obtenues auprès de Bruxelles.

Certains signes d'identification de la qualité et de l'origine renseignent déjà sur le mode d'élevage. En matière d'indication des modes d'élevage, une réflexion figure dans la feuille de route des États généraux de l'alimentation et du Conseil national de l'alimentation qui a été saisi sur cette question. Une réflexion est en cours au niveau européen. Il faut un véritable travail en amont et de fond, car nous connaissons les conséquences d'un affichage « bien-être animal » et nous savons qu'elles sont souvent plus larges que ce qu'on pourrait imaginer. Retrait, à défaut avis défavorable.

M. Didier Guillaume, ministre . - Ces amendements vont dans le bon sens, nous reprendrons la jurisprudence de l'accord Assemblée-Sénat.

Concernant l'amendement COM-19 rectifié bis , nous allons mettre en place un grand plan Protéines pour nourrir nos animaux avec des protéines végétales françaises ; mais ne rajoutons pas de boulets aux pieds des agriculteurs : ils n'en ont pas besoin.

Il en est de même pour l'amendement COM-18 rectifié bis sur les ovoproduits ; lorsqu'on achète une madeleine en grande surface, si on affiche des ovoproduits espagnols, en voulant bien faire, on handicape la production française. Oui, il faut avancer. La filière ostréicole sait qu'elle doit avancer, ne rajoutons pas de handicaps.

Retrait, ou, à défaut, avis défavorable à ces quatre amendements.

M. Joël Labbé . - Pour respecter l'esprit qui anime notre commission, je retirerai ces quatre amendements. Mais il faudra bien que l'Europe bouge. La France a un rôle à jouer pour la tirer vers le haut. Il faudra arriver à une traçabilité pour les ovoproduits et les animaux nourris aux OGM, car c'est une demande forte des consommateurs. Je partage l'idée d'un plan national sur les protéines, après le premier plan qui avait été lancé en 2009, mais qui n'a pas beaucoup avancé. Vous souhaitez allez vite. L'étiquetage ferait avancer la situation.

Le Comité national de la conchyliculture travaille sur le sujet, mais les ostréiculteurs traditionnels n'ont pas encore été associés, jusqu'ici, à l'élaboration de ce rapport. L'ensemble de la profession doit être représenté. Il faut aussi prévoir un étiquetage du mode d'élevage.

M. Laurent Duplomb . - Et le bien-être des éleveurs, vous y pensez ?

Les amendements COM-18 rectifié bis, COM-19 rectifié bis, COM-20 rectifié et COM-21 rectifié bis sont retirés.

Article 5 bis (nouveau)

M. Henri Cabanel , rapporteur . - Ne soyons pas naïfs : certaines bières ont un affichage manifestement trompeur pour le consommateur. L'alinéa 2 peut résoudre le problème en prévoyant un affichage du nom et de l'adresse du producteur, mais l'alinéa 3 pose question. Les contrôles permettent déjà de sanctionner ces pratiques. Monsieur le ministre, quels contrôles la DGCCRF a-t-elle effectués sur l'étiquetage des bières ces dernières années, avec quels résultats ? Quelles actions le Gouvernement entend-il mener pour renforcer les contrôles et mieux sanctionner les pratiques trompeuses ?

M. Didier Guillaume, ministre . - Cet article a été adopté à l'unanimité par l'Assemblée nationale, de bonne foi, avec l'expertise de tout le monde ; il faut y revenir, et cela montre l'utilité de la navette parlementaire. Mon cabinet a rencontré Mathias Fekl, président des Brasseurs de France. Il faut avancer. Nous suivrons l'accord entre l'Assemblée nationale et le Sénat.

Le dispositif réglementaire actuel permet déjà d'empêcher une information déloyale sur l'origine réelle d'un produit. Le premier alinéa du nouvel article L. 412-10 du code de la consommation renforce les moyens des services de la DGCCRF pour qualifier et poursuivre les éventuelles tromperies. La DGCCRF réalise régulièrement des contrôles dans le secteur brassicole ; lors de la dernière campagne de contrôle entre juillet 2017 et mars 2018, 324 établissements ont été visités et contrôlés, avec un taux d'anomalie de 24 %, toutes réglementations confondues. Mes services et ceux de la DGCCRF travaillent main dans la main. La DGCCRF maintiendra sa pression de contrôle en 2020, notamment en portant une attention particulière aux appellations d'origine. Cela va donc dans votre sens.

M. Henri Cabanel , rapporteur. - L'amendement COM-22 supprime l'alinéa 3 précisant que les mentions de l'étiquetage, surtout le nom commercial, ne peuvent laisser apparaître un lieu différent du lieu de production.

Outre une non-conformité au droit des marques, en remettant potentiellement en cause des noms dûment déclarés depuis plusieurs années, l'alinéa pourrait aboutir à certaines absurdités.

Certaines activités brassicoles appréciées des consommateurs, intégrant notamment des fruits sous indication géographique contrôlée (IGP), qu'ils valorisent comme tels sur l'étiquetage, sans toutefois que la bière ne soit brassée dans la région où sont produits ces fruits, ne seront plus autorisées dans la mesure où l'indication géographique portant sur les fruits serait de nature à induire un doute sur l'origine de la bière.

Mon amendement supprime donc l'alinéa 3, tout en rappelant que la lutte contre les étiquetages trompeurs sur les bières doit se poursuivre par les services de la DGGCRF. Avis favorable aux amendements COM-3 , COM-2 rectifié et COM-5 rectifié qui lui sont identiques.

M. Didier Guillaume, ministre . - Avis favorable.

Les amendements identiques COM-22, COM-3, COM-2 rectifié et COM-5 rectifié sont adoptés.

L'article 5 bis est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 6

Mme Anne-Catherine Loisier , rapporteure . - Cet article permet à des semences potagères, vendues à des jardiniers amateurs qui ne visent pas une exploitation commerciale, de ne pas être inscrites au catalogue officiel. Je vous propose de ne pas modifier cet article - malgré une divergence du Sénat sur ce sujet - par une sorte d'accord de sagesse sur cette question bloquée depuis plusieurs années en raison d'absence de véhicule législatif adéquat.

Depuis 2016, nous discutons de ce point, mais il faut d'abord trancher si cela est conforme au droit européen. Nous avons un doute sur la conventionalité de la disposition proposée que seule la Commission européenne peut trancher. Plutôt que d'en débattre durant des mois, et de bloquer l'avancée de la proposition de loi, adoptons cette disposition pour la soumettre à l'avis de la Commission européenne en lui notifiant l'article. Le ministre partage-t-il cet avis?

M. Didier Guillaume, ministre . - Sagesse. La France a été attaquée par le virus de la tomate. Une exploitation est touchée par le virus, qui provient notamment de semences originaires des Pays-Bas, et plantées au Royaume-Uni. Nous devons être prudents. Trois exploitations françaises, qui se sont approvisionnées au même endroit, sont également suivies.

L'article 6 prévoit de supprimer toute exigence sur les semences destinées aux amateurs, que ce soit en matière de qualité des graines, mais aussi d'étiquetage et d'information sur la variété. Je regrette que l'Assemblée nationale l'ait adopté. Une telle disposition supprimant tout encadrement sur les conditions de vente des semences apparaît dans une proposition de loi qui vise justement à renforcer la protection des consommateurs et garantir la loyauté des transactions... Mais c'est ainsi, et le Gouvernement notifiera cet article auprès de la Commission européenne afin qu'elle puisse donner son avis sur sa compatibilité avec la réglementation européenne. Sagesse.

M. Laurent Duplomb . - Je regrette que l'Assemblée nationale ait profité de cette proposition de loi pour introduire un point que nous rejetons, en créant une sorte de chantage. Puisque nous ne voulons pas retarder l'adoption de cette proposition de loi, nous sommes obligés de l'accepter. Monsieur le Ministre, je vous remercie de vos propos.

Dans une relation commerciale, il est important que le produit acheté corresponde à ce que le consommateur souhaite acheter. Dans les marchés, certains trafiquaient le poids des balances, il n'y a pas si longtemps, pour vendre un peu moins d'un kilo au même prix. Cet article est un retour en arrière et peut provoquer un risque sanitaire.

Je ne ferai pas obstruction à cette proposition de loi, mais je me désole de cette prise d'otage. Cet article sert de véhicule pour le virus. À l'avenir, nous nous rappellerons que cet article était un défaut et nous légiférerons de nouveau. Avec plus de sagesse, cela ne serait jamais arrivé.

Mme Anne-Catherine Loisier , rapporteure . - Madame la rapporteure de l'Assemblée nationale, ce sujet est un point difficile pour le Sénat, qui s'était largement prononcé pour une inscription allégée au registre, comme le prévoit l'amendement COM-6 rectifié. Mais pour faire aboutir cette proposition de loi, soyons sages. Compte tenu des risques évoqués, la notification doit être faite au niveau européen pour permettre, le cas échéant, une régularisation la plus rapide possible. Retrait, à défaut avis défavorable.

M. Laurent Duplomb . - Je retire l'amendement, tout en n'étant pas très content.

M. Daniel Laurent . - Nous l'avions compris !

L'amendement COM-6 est retiré.

L'article 6 est adopté sans modification.

Article 7

M. Henri Cabanel , rapporteur . - Cet article porte sur l'abrogation de la loi de 1957 sur la Clairette de Die, sujet bien connu...

L'article 7 est adopté sans modification.

Article 8

Mme Anne-Catherine Loisier , rapporteure . - Cet article rétablit le caractère obligatoire de la déclaration de récolte. Il y a consensus.

L'article 8 est adopté sans modification.

M. Laurent Duplomb . - L'article 44 de la loi d'accélération et de simplification de l'action publique (Asap) me laisse très dubitatif. Monsieur le Ministre, dans l'hémicycle, vous vouliez une évaluation de la loi Egalim, pour plus de transparence. Il nous faut un calendrier de retour de ces évaluations. Or l'article 44 de la loi Asap fait exactement l'inverse, comme si vous étiez persuadé de l'échec de la loi Egalim. La seule petite civilité que vous auriez pu trouver, c'est de repousser cette évaluation aux calendes grecques !

Mme Sophie Primas , présidente . - Vos propos n'ont pas de lien avec l'intitulé de la proposition de loi !

M. Laurent Duplomb . - Si, sur la transparence...

Mme Sophie Primas , présidente . - Ce n'est pas la transparence relative à l'étiquetage !

M. Laurent Duplomb . - Mais il s'agit de la réalité du monde agricole.

La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission .

Mme Sophie Primas , présidente . - Les explications de vote et le vote de cette proposition de loi auront lieu mercredi 4 mars. La balle est désormais dans le camp de l'Assemblée nationale pour trouver un trou de souris afin d'examiner cette proposition de loi. Un article reste à débattre.

M. Didier Guillaume, ministre . - J'ai interpellé le président de l'Assemblée nationale et celui de la commission des affaires économiques afin de trouver ce trou de souris, pour un vote avant l'été.

Mme Sophie Primas , présidente . - Surtout avant les vendanges !

M. Henri Cabanel , rapporteur . - Je remercie mes collègues ayant accepté nos propositions, prouvant votre sens de l'intérêt général.

Mme Sophie Primas , présidente . - Je rebondis sur les propos de M. Laurent Duplomb. Nous sommes assez surpris par l'article 44 de la loi Asap, qui prévoit qu'une ordonnance prolonge de 30 mois l'expérimentation sur l'encadrement des promotions et le seuil de revente à perte, contrairement à vos propos en séance publique le mois dernier monsieur le ministre. La commission spéciale se réunira le 26 février ; cela nous donne très peu de temps pour réagir à cet article sur lequel nous sommes extrêmement mitigés.

RÈGLES RELATIVES À L'APPLICATION DE L'ARTICLE 45
DE LA CONSTITUTION ET DE L'ARTICLE 48, ALINÉA 3
DU RÈGLEMENT DU SÉNAT

Si le premier alinéa de l'article 45 de la Constitution, depuis la révision du 23 juillet 2008, dispose que « tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu'il présente un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis », le Conseil constitutionnel estime que cette mention a eu pour effet de consolider, dans la Constitution, sa jurisprudence antérieure, reposant en particulier sur « la nécessité pour un amendement de ne pas être dépourvu de tout lien avec l'objet du texte déposé sur le bureau de la première assemblée saisie » 9 ( * ) .

De jurisprudence constante et en dépit de la mention du texte « transmis » dans la Constitution, le Conseil constitutionnel apprécie ainsi l'existence du lien par rapport au contenu précis des dispositions du texte initial, déposé sur le bureau de la première assemblée saisie 10 ( * ) . Pour les lois ordinaires, le seul critère d'analyse est le lien matériel entre le texte initial et l'amendement, la modification de l'intitulé au cours de la navette restant sans effet sur la présence de « cavaliers » dans le texte 11 ( * ) . Pour les lois organiques, le Conseil constitutionnel considère comme un « cavalier » toute disposition organique prise sur un fondement constitutionnel différent de celui sur lequel a été pris le texte initial 12 ( * ) .

En application des articles 28 ter et 48 du Règlement du Sénat, il revient à la commission saisie au fond de se prononcer sur les irrecevabilités résultant de l'article 45 de la Constitution, étant précisé que le Conseil constitutionnel les soulève d'office lorsqu'il est saisi d'un texte de loi avant sa promulgation.

Lors de sa réunion du jeudi 20 février 2020, la commission des affaires économiques a arrêté le périmètre de la proposition de loi relative à la transparence de l'information sur les produits agricoles et alimentaires enregistrée à la Présidence du Sénat le 5 décembre 2019 comme suit :

- les mesures tendant à modifier le droit relatif à l'étiquetage des produits alimentaires ainsi que la transparence des informations relatives à celles-ci ;

- les règles relatives aux mentions valorisantes ;

- les modifications des règles relatives aux semences ;

- les modifications de la réglementation en vigueur régissant les activités viticoles.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Mardi 4 février 2020

- Table-ronde sur les semences : Mmes Blanche MAGARINOS-REY et Myele ROUXEL , avocates, M. Philippe DESBROSSES , fondateur et directeur du conservatoire botanique de la ferme de Sainte-Marthe, Mme Isabelle CHAMPION-POIRETTE , fondatrice et directrice de l'association les 1000 variétés anciennes, M. Alexandre LUMBROSO , initiateur d'une pétition citoyenne sur le sujet des semences et réalisateur d'un film sur le sujet (des clics de conscience).

- Groupement national interprofessionnel des semences et plants : M. François BURGAUD , directeur des relations extérieures, Mme Maïwenn COUGARD , responsable affaires publiques.

- Brasseurs de France : M. Maxime COSTILHES , délégué général, Mme Muriel SLAWYK , directrice des affaires juridiques et réglementaires.

Mercredi 5 février 2020

- Assemblée nationale : Mme Barbara BESSOT BALLOT , députée, rapporteure de la proposition de loi.

- Syndicat National des Brasseurs indépendants : MM. Jean-François DROUIN , président.

Jeudi 6 février 2020

- Association nationale des producteurs laitiers fermiers : M. Frédéric BLANCHARD , président, Mme Yolande MOULEM , coordinatrice.

- Fédération nationale des éleveurs de chèvres : MM. Jean-Philippe BONNEFOY , vice-président , Yves Michel GRANDEMANGE , administrateur de la FNPL en charge des dossiers vendeurs directs, Mme Estelle Marie Louise BOULLU , chargée de mission.

LA LOI EN CONSTRUCTION

Pour naviguer dans les rédactions successives du texte, visualiser les apports de chaque assemblée, comprendre les impacts sur le droit en vigueur, le tableau synoptique de la loi en construction est disponible sur le site du Sénat à l'adresse suivante :

http://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl19-178.html


* 1 Anciennement article L. 214-1 du code de la consommation.

* 2 Directive 2001/110/CE du Conseil du 20 décembre 2001 relative au miel.

* 3 Décret n° 2003-587 du 30 juin 2003 pris pour l'application de l'article L. 214-1 du code de la consommation en ce qui concerne le miel.

* 4 Il suffirait en effet que le Gouvernement modifie l'article 2 du décret n° 2003-587 du 30 juin 2003 pris pour l'application de l'article L. 214-1 du code de la consommation en ce qui concerne le miel.

* 5 Cour de justice de l'Union européenne, communiqué de presse n° 63/17 du 14 juin 2017 sur l'arrêt dans l'affaire C-422/16 Verband Sozialer Wettbewerb eV / TofuTown.com GmbH.

* 6 Ce même article précise que ne relèvent pas de la commercialisation « les échanges de semences qui ne visent pas une exploitation commerciale de la variété, telles que les opérations suivantes :

-- la fourniture de semences à des organismes officiels d'expérimentation et d'inspection ;

-- la fourniture de semences à des prestataires de services, en vue de la transformation ou du conditionnement, pour autant que le prestataire de services n'acquière pas un titre sur la semence ainsi fournie. »

* 7 Le Danemark 8 aurait, par voie de circulaire, autorisé une telle possibilité. Toutefois, la rapporteure n'a pu, dans les délais, obtenir une traduction certifiée de la circulaire permettant d'attester que les sujets étaient bien identiques.

* 9 Cf. commentaire de la décision n° 2010-617 DC du 9 novembre 2010 - Loi portant réforme des retraites.

* 10 Cf. par exemple les décisions n° 2015-719 DC du 13 août 2015 - Loi portant adaptation de la procédure pénale au droit de l'Union européenne et n° 2016-738 DC du 10 novembre 2016 - Loi visant à renforcer la liberté, l'indépendance et le pluralisme des médias.

* 11 Décision n° 2007-546 DC du 25 janvier 2007 - Loi ratifiant l'ordonnance n° 2005-1040 du 26 août 2005 relative à l'organisation de certaines professions de santé et à la répression de l'usurpation de titres et de l'exercice illégal de ces professions et modifiant le code de la santé publique.

* 12 Décision n° 2011-637 DC du 28 juillet 2011 - Loi organique relative au fonctionnement des institutions de la Polynésie française, confirmée par les décisions n° 2016-732 DC du 28 juillet 2016 - Loi organique relative aux garanties statutaires, aux obligations déontologiques et au recrutement des magistrats ainsi qu'au Conseil supérieur de la magistrature, et n° 2017-753 DC du 8 septembre 2017 - Loi organique pour la confiance dans la vie politique, qui considèrent comme un « cavalier organique » toute disposition organique prise sur un fondement constitutionnel différent de celui sur lequel a été pris le texte initial.

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