EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er
Modification de la définition du viol et des autres agressions sexuelles

L'article 1er vise à intégrer à la définition du viol et des autres agressions sexuelles, d'une part, la notion de non-consentement et, d'autre part, les actes bucco-anaux.

La commission a adopté cet article en l'enrichissant d'amendements de clarification et de coordination des rapporteures.

1. Progressivement étendue, la définition du viol et des agressions sexuelles reste impuissante à garantir une juste répression

1.1. Le législateur et la jurisprudence ont progressivement étendu la définition du viol

Qualifié de crime par le code pénal depuis 1810 et passible de réclusion criminelle, le viol a toutefois fait l'objet jusqu'à la fin du XXème siècle d'une répression limitée. Conçu comme une atteinte à la famille plutôt qu'aux victimes, et par conséquent fréquemment correctionnalisé sur le fondement de l'infraction générique d'« attentat à la pudeur », il n'était par ailleurs pas défini par le législateur, le code se bornant à indiquer que « Quiconque aura commis le crime de viol sera puni des travaux forcés à temps »10(*).

Le silence de la loi conduisit la chambre criminelle de la Cour de cassation à concevoir une première définition au milieu du XIXème siècle, dans un arrêt Dubas (chambre criminelle, 25 juin 1857), l'espèce concernant un viol commis sur une femme endormie qui, surprise dans son lit, avait pris l'homme venu la violer pour son époux : « Le crime de viol consiste dans le fait d'abuser une personne contre sa volonté, soit que le défaut de consentement résulte de la violence physique ou morale exercée à son égard, soit qu'il résulte de tout autre moyen de contrainte ou de surprise pour atteindre, en dehors de la volonté de la victime, le but que se propose l'auteur de l'action ».

Preuve d'une conception davantage fondée sur la crainte de naissances illégitimes que sur la volonté de protéger les potentielles victimes, la chambre criminelle rappelait dans l'attendu précité de l'arrêt Dubas qu'« il appartient au juge de rechercher et de constater les éléments constitutifs de ce crime d'après son caractère spécial et la gravité des conséquences qu'il peut avoir pour les victimes et pour l'honneur des familles ». En atteste également la circonstance aggravante prévue par le code pénal jusqu'en 1980 qui punissait le viol de la réclusion criminelle à perpétuité lorsqu'il était commis non seulement par les fonctionnaires, instituteurs et ministres d'un culte ou par toute personne « de la classe de ceux qui ont autorité » sur la victime, mais aussi par les « serviteurs à gage »11(*).

Si cette définition prétorienne a permis d'identifier les piliers qui sont, aujourd'hui encore, au coeur de la définition du viol (à savoir la violence, la contrainte et la surprise - la menace n'étant intégrée à la caractérisation du viol lors de la refonte du code pénal de 1994), la notion de « défaut de consentement » retenue par la Cour de cassation n'était pas, en pratique, sans créer de difficultés.

Dans l'exposé des motifs de la proposition de loi ayant donné lieu à l'inscription dans le code pénal de la définition du viol12(*), la sénatrice Brigitte Gros rappelait ainsi que les éléments dégagés par la chambre criminelle « exig[ai]ent de la victime non seulement qu'elle établisse avoir subi une relation sexuelle, mais de plus qu'elle apporte la preuve de son défaut réel de consentement » ; elle signalait de même que « nombre d'inculpés ont [...] été acquittés en cour d'assises pour le seul motif qu'ils avaient pu se tromper de bonne foi sur le caractère sérieux de la résistance de leurs victimes »13(*).

Dans son rapport sur le texte précité14(*), Edgar Tailhades rejoignait ce constat et déplorait « le décalage existant [...] entre la sévérité de la loi d'une part, et la légèreté et la rareté des sanctions qui frappent les auteurs de viol, d'autre part ». Il rappelait ainsi que « la jurisprudence admettait difficilement que la victime pût apporter la preuve de son défaut de consentement » et que « les juges ne reconnaissaient en général le crime de viol que lorsque la victime avait subi de très graves sévices, laissant des traces révélatrices » ; il relevait plus encore que, même face à des violences avérées, « la victime était la plupart du temps considérée comme au moins partiellement responsable de sa mésaventure [sic] », concluant, dans une formule d'une préoccupante actualité, qu'« est ainsi mise en cause dans les affaires de viol la `respectabilité' de la victime tout autant que la culpabilité de l'accusé ».

C'est pour cette raison que les discussions parlementaires ayant précédé l'adoption de la loi du 24 décembre 1980 sur le viol ont conduit à ne pas retenir dans la définition du viol la notion de « consentement »15(*), aboutissant à une caractérisation proche de celle qui s'applique encore aujourd'hui (« Tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu'il soit, commis sur la personne d'autrui, par violence, contrainte ou surprise, constitue un viol »), le viol étant alors assorti d'une peine de réclusion criminelle de cinq à dix ans.

Ce crime est aujourd'hui puni de quinze ans de réclusion criminelle, ce quantum étant porté à vingt, voire à trente ans, lorsqu'il est commis avec certaines circonstances aggravantes.

Les circonstances aggravantes en matière de viol

Puni de quinze ans de réclusion criminelle dans sa forme simple (article 222-23 du code pénal), le viol peut voir sa répression augmentée par certaines circonstances aggravantes.

Il est puni de vingt ans de réclusion criminelle (article 222-24) :

- lorsqu'il a entraîné une mutilation ou une infirmité permanente ;

- lorsqu'il est commis sur un mineur de quinze ans ;

- lorsqu'il est commis sur une personne dont la particulière vulnérabilité, due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse, est apparente ou connue de l'auteur ;

- lorsqu'il est commis sur une personne dont la particulière vulnérabilité ou dépendance résultant de la précarité de sa situation économique ou sociale est apparente ou connue de l'auteur ;

- lorsqu'il est commis par un ascendant ou par toute autre personne ayant sur la victime une autorité de droit ou de fait ;

- lorsqu'il est commis par une personne qui abuse de l'autorité que lui confèrent ses fonctions ;

- lorsqu'il est commis par plusieurs personnes agissant en qualité d'auteur ou de complice ;

- lorsqu'il est commis avec usage ou menace d'une arme ;

- lorsque la victime a été mise en contact avec l'auteur des faits grâce à l'utilisation, pour la diffusion de messages à destination d'un public non déterminé, d'un réseau de communication électronique ;

- lorsqu'il est commis en concours avec un ou plusieurs autres viols commis sur d'autres victimes ;

- lorsqu'il est commis par le conjoint ou le concubin de la victime ou le partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité ;

- lorsqu'il est commis par une personne agissant en état d'ivresse manifeste ou sous l'emprise manifeste de produits stupéfiants ;

- lorsqu'il est commis, dans l'exercice de cette activité, sur une personne qui se livre à la prostitution, y compris de façon occasionnelle ;

- lorsqu'un mineur était présent au moment des faits et y a assisté ;

- lorsqu'une substance a été administrée à la victime, à son insu, afin d'altérer son discernement ou le contrôle de ses actes.

Le même crime est puni de trente ans de réclusion lorsqu'il a entraîné la mort de la victime, et de la réclusion à perpétuité lorsqu'il est précédé, accompagné ou suivi de tortures ou d'actes de barbarie (articles 222-25 et 222-26).

Source : rapport n° 482 (2024 - 2025) d'Elsa Schalck et Dominique Vérien

La définition du viol et des autres agressions sexuelles a cependant été progressivement étendue, l'accélération du rythme des modifications législatives étant particulièrement marquée depuis une quinzaine d'années sous l'effet d'une prise en compte renforcée des violences sexuelles par la société.

Ces évolutions ont visé, en particulier, à caractériser l'usage de la contrainte lorsque la victime est âgée de moins de quinze ans - étant rappelé que la Cour de cassation avait reconnu, dès le début des années 2000, qu'une telle contrainte ou que la surprise puisse découler du jeune âge de la victime16(*).

C'est dans cette logique que le code pénal a été enrichi pour préciser l'articulation entre les adminicules17(*) déjà cités (violence, contrainte, menace, surprise) et la caractérisation du non-consentement de la victime. Le législateur est ainsi venu :

- préciser que la contrainte peut être physique ou morale, et que la contrainte morale « peut résulter de la différence d'âge existant entre une victime mineure et l'auteur des faits et de l'autorité de droit ou de fait que celui-ci exerce sur cette victime » (article 222-22-1, introduit par la loi n° 2010-121 du 8 février 2010 tendant à inscrire l'inceste commis sur les mineurs dans le code pénal et à améliorer la détection et la prise en charge des victimes d'actes incestueux) ;

- clarifier ces dispositions en prévoyant que l'autorité précitée peut « être caractérisée par une différence d'âge significative entre la victime mineure et l'auteur majeur » et que, lorsque les faits sont commis sur un mineur de quinze ans, « la contrainte morale ou la surprise sont caractérisées par l'abus de la vulnérabilité de la victime ne disposant pas du discernement nécessaire pour ces actes » (loi n° 2018-703 du 3 août 2018 renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes).

Ces évolutions attestent que le consentement, sans être cité, constitue le sous-bassement implicite de la définition des violences sexuelles. Cette analyse est confortée par la doctrine : comme le rappelait récemment le Conseil constitutionnel, les quatre adminicules retenus par le législateur permettent de considérer que le viol et les autres agressions sexuelles sont constitués dès lors que l'emploi de la violence, de la contrainte, de la menace ou de la surprise caractérise l'absence de consentement de la victime18(*). Le Conseil d'État a pu, de même, estimer dans un avis de 201819(*) que la violence, la menace, la contrainte et la surprise n'étaient « qu'une manière de caractériser l'absence de consentement de la victime ».

Cette interprétation est corroborée par la pratique : le terme « consentement » est, en effet, omniprésent dans les jugements rendus par les juridictions répressives, la chambre criminelle de la Cour de cassation étant allée jusqu'à faire de son absence « totale » un critère de reconnaissance des agressions sexuelles20(*).

Plus largement, la jurisprudence interprète au prisme du consentement la portée des éléments de définition posés par le législateur. À titre d'illustration, s'agissant du viol par surprise, la chambre criminelle de la Cour de cassation a pu considérer que l'infraction était caractérisée dans tous les cas où la victime était dans l'incapacité de donner un consentement libre ou éclairé, et notamment :

- à l'égard de personnes particulièrement vulnérables présentant des troubles mentaux (Cass. crim., 8 juin 1994, n° 94-81.376 : selon l'arrêt, l'auteur d'un viol « ne pouvait se méprendre sur la passivité de la partie civile qui était l'expression de troubles graves et non celle d'une quelconque adhésion aux actes qu'il reconnaît avoir pratiqués sur elle ») ;

- à l'égard de personnes présentant « un état dépressif et de faiblesse morale » (Cass. crim., 27 novembre 1996, n° 96-83.954) ;

- à l'égard d'une personne endormie (Cass. crim., 21 mars 2007, n° 06-83.458) ou inconsciente (Cass. crim., 28 juin 2016, n° 16-82.661) ;

- lorsque des « stratagèmes » sont employés : actes réalisés à l'issue d'un « scénario de séduction » reposant sur un « stratagème de nature à surprendre le consentement » de la victime (Cass. crim., 22 janvier 1997, n° 96-80.353) ; emploi d'un « stratagème destiné à dissimuler l'identité et

les caractéristiques physiques de son auteur pour surprendre le consentement d'une personne et obtenir d'elle un acte de pénétration sexuelle
 » (Cass. crim., 23 janvier 2019, n° 18-82.833) ;

- en cas de « sidération » (Cass. crim., 11 septembre 2024, n° 23-86.657 : « les juges ont établi que le prévenu a agi par surprise en procédant à des attouchements sur la victime alors que celle-ci était endormie, puis en poursuivant ses gestes qui ont généré chez elle un état de sidération, qu'il a lui-même constaté, ce qui établit qu'il a agi en toute connaissance du défaut de consentement de cette dernière »).

1.2. En dépit de l'extension progressive du périmètre juridique du viol et des agressions sexuelles, des difficultés subsistent dans la répression effective des violences sexuelles

En dépit de ces évolutions normatives, la répression du viol et des autres agressions sexuelles reste, aux yeux d'une large partie de la doctrine, insatisfaisante.

Cette situation tient, tout d'abord, à la faible proportion de victimes déclarées allant jusqu'au dépôt de plainte. Selon des chiffres rappelés par l'Observatoire national des violences faites aux femmes21(*) et tirés de l'enquête « Vécu et ressenti en matière de sécurité » du service statistique du ministère de l'intérieur de 2023, on estime qu'au minimum 230 000 femmes majeures ont, en 2022, été victimes de viol ou d'agression sexuelle (ou d'une tentative)22(*), parmi lesquelles 28 % déclarent que les violences en cause ont été perpétrées par leur conjoint ou ex-conjoint. Or, seules 6 % d'entre elles déclarent avoir porté plainte.

Comme le soulignait le récent rapport de la mission conjointe de contrôle (MCC) de la commission des lois et de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité entre les femmes et les hommes, les causes de ce décalage entre la réalité des violences et leur dénonciation à l'autorité judiciaire sont multiples : « méconnaissance, incompréhension ou crainte des dispositifs légaux et du système judiciaire, manque de confiance dans les services d'enquête et dans la justice, pressions ou menaces de l'auteur ou de l'environnement familial, incapacité à s'exprimer en raison du traumatisme, honte, sentiment de culpabilité ou encore appréhension des conséquences familiales, sociales et professionnelles que peut entraîner le dépôt de plainte »23(*).

Ainsi, si la libération de la parole à la suite du mouvement #MeToo a généré une augmentation de 120 % du nombre des victimes de violences sexuelles enregistrées par la police et la gendarmerie nationales entre 2016 et 2023, le chiffre brut des victimes recensées (114 100 personnes en 2023) reste nettement inférieur au volume réel estimé24(*). Au surplus, selon l'intégralité des représentants des services d'enquête - police et gendarmerie nationales - et des magistrats entendus par les rapporteures, l'augmentation du nombre de plaintes se produit dans un contexte qui ne facilite pas la répression : les faits dénoncés correspondent, de plus en plus souvent, à des violences anciennes posant par nature des difficultés probatoires fortes, a fortiori s'agissant d'infractions généralement commises dans la sphère intime, sans témoin et dont les éventuelles preuves matérielles disparaissent rapidement. En 2023, 39 % des plaintes pour des violences sexuelles concernaient ainsi des faits commis plus d'un an auparavant, contre 29 % en 2016.

Par-delà le nombre de plaintes, le taux de classement sans suite se maintient à un niveau élevé : il atteint ainsi 86 % en matière de violences sexuelles. Si ce taux est analogue à celui qui s'observe pour les atteintes aux personnes dans leur ensemble (85 %), les violences sexuelles se distinguent par le motif du classement : alors que les plaintes sont en général classées pour défaut d'identification de l'auteur, le classement pour de telles violences résulte dans 49 % des cas d'une insuffisante caractérisation25(*).

Parallèlement, la hausse des plaintes déposées ne s'est pas accompagnée d'une augmentation à due concurrence des condamnations, certaines des personnes entendues par les rapporteures ayant été jusqu'à décrire une inquiétante stagnation des condamnations pour violences sexuelles. Certes, les délais d'audiencement ne permettent pas, à date, de rendre pleinement compte de la réponse que les juridictions apporteront aux poursuites engagées sur le fondement de plaintes récemment déposées. Cependant, les rapporteures relèvent qu'entre 2017 et 2023, le nombre de condamnations prononcées à l'encontre d'auteurs majeurs pour viol ou agression sexuelle a augmenté de 13 % (soit dix fois moins que l'évolution constatée pour les plaintes), atteignant un total de 6 700 condamnations en fin de période, dont 5 400 pour des faits d'agression sexuelle (81 %) et 1 300 pour viol26(*).

S'agissant des peines prononcées à l'encontre des auteurs majeurs, sur la période 2017-2022, 92 % des condamnations se sont accompagnées d'une peine d'emprisonnement ferme ou de réclusion, tandis que les condamnations pour agression sexuelle ont fréquemment donné lieu à des peines d'emprisonnement avec sursis (celui-ci était total dans 48 % des cas, et partiel pour 26 %). En cas d'incarcération, le quantum moyen de peine s'élève à 10,2 années en matière de viol et à 1,2 an en cas d'agression sexuelle27(*).

2. L'Assemblée nationale a modifié la définition que l'article 222-22 du code pénal donne de l'agression sexuelle pour l'articuler autour de la notion de consentement

2.1. Une initiative qui résulte largement de travaux récents conduits par les délégations aux droits des femmes des deux chambres

La permanence des violences sexuelles dans la société, leur visibilité renforcée et des réflexions récemment menées aux échelles nationale et internationale ont convaincu l'Assemblée nationale qu'une adaptation de la définition pénale du viol était nécessaire pour mieux appréhender judiciairement les agressions sexuelles.

Au niveau international, tout d'abord, la convention du Conseil de l'Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique, dite convention d'Istanbul, signée par la France le 11 mai 2011 et ratifiée le 4 juillet 2014, stipule en son article 36 (relatif à la « violence sexuelle, y compris le viol ») que « le consentement doit être donné volontairement comme résultat de la volonté libre de la personne considérée dans le contexte des circonstances environnantes »28(*).

Article 36 de la convention d'Istanbul

« Les Parties prennent les mesures législatives ou autres nécessaires pour ériger en infraction pénale, lorsqu'ils sont commis intentionnellement :

« a. la pénétration vaginale, anale ou orale non consentie, à caractère sexuel, du corps d'autrui avec toute partie du corps ou avec un objet ;

« b. les autres actes à caractère sexuel non consentis sur autrui ;

« c. le fait de contraindre autrui à se livrer à des actes à caractère sexuel non consentis avec un tiers.

« Le consentement doit être donné volontairement comme résultat de la volonté libre de la personne considérée dans le contexte des circonstances environnantes.

« Les Parties prennent les mesures législatives ou autres nécessaires pour que les dispositions du paragraphe 1 s'appliquent également à des actes commis contre les anciens ou actuels conjoints ou partenaires, conformément à leur droit interne. »

D'aucuns considèrent que, faute pour le code pénal d'intégrer la notion de consentement, la France méconnaît cette convention internationale. Dans son rapport d'évaluation sur la France de 2019, le groupe d'experts sur la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique (Grevio) - auquel il revient de s'assurer de la bonne application de la convention d'Istanbul - soulignait à cet égard que « la définition juridique des infractions sexuelle n'est [...] pas fondée de manière explicite sur l'atteinte au consentement libre et non équivoque de la victime » et suggérait à la France de « [s'aligner] sur les préconisations de la convention », en retenant « une définition des violences sexuelles axée sur l'absence d'un consentement libre » pour « pallier les insuffisances qui émergent de la situation actuelle : d'un côté, une forte insécurité juridique générée par les interprétations fluctuantes des éléments constitutifs [du viol] ; d'un autre côté, l'incapacité desdits éléments probatoires à englober la situation de toutes les victimes non consentantes, notamment lorsque celles-ci sont en état de sidération »29(*).

Si le gouvernement30(*) et le Conseil d'État31(*) soutiennent que la législation actuelle est conforme aux engagements internationaux de la France, la doctrine retient parfois la position inverse, à l'instar du professeur Audrey Darsonville et du magistrat François Lavallière. Pour étayer leur analyse, ces derniers renvoient aux récents arrêts de la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH), H. W. contre France du 23 janvier 2025 et L. et autres contre France du 24 avril 2025, qui manifestent selon eux les insuffisances de la législation française pour réprimer de manière effective le viol et respecter les obligations positives qui s'imposent à la France du fait de ses engagements internationaux.

Au niveau national, ensuite, la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes de l'Assemblée nationale a adopté le 28 janvier 2025, après plus d'une année de travaux, un rapport d'information sur la définition pénale du viol32(*). Celui-ci conclut à la nécessité de réformer cette définition pour « [lutter] contre la culture du viol » et faire advenir « une société plus égalitaire et une culture commune basée sur le respect mutuel ». Les rapporteures, Véronique Riotton et Marie-Charlotte Garin, considèrent ainsi que « le traitement judiciaire [du viol] demeure parfois aléatoire, notamment pour les cas de sidération, de contrôle coercitif ou d'exploitation de situations de vulnérabilité, qui ne sont pas explicitement couverts par la loi ».

La délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes du Sénat avait, pour sa part, organisé un colloque portant sur le consentement et la définition pénale du viol le 21 novembre 202433(*), auquel Véronique Riotton et Marie-Charlotte Garin participèrent.

2.2. L'articulation projetée de la définition de l'agression sexuelle autour de la notion de consentement

La proposition de loi soumise au Sénat, dont les auteures et rapporteures sont également les députées Véronique Riotton et Marie-Charlotte Garin, correspond logiquement aux grandes orientations projetées dans le rapport d'information précité : elle repose sur l'intégration de la notion de consentement à la définition de l'agression sexuelle ; elle conserve les quatre adminicules du droit en vigueur ; elle précise que les « circonstances environnantes » constituent un élément d'appréciation du consentement ; enfin, elle énumère les cas dans lesquels le consentement ne peut pas être caractérisé.

L'article 1er procède au 1° de son I à une modification significative de la définition de l'agression sexuelle qui figure à l'article 222-22 du code pénal - laquelle couvre tant le viol que l'inceste et les autres agressions sexuelles - pour qu'elle repose désormais sur la notion du consentement.

Article 222-22 du code pénal, dans sa rédaction actuelle

« Constitue une agression sexuelle toute atteinte sexuelle commise avec violence, contrainte, menace ou surprise ou, dans les cas prévus par la loi, commise sur un mineur par un majeur.

« Le viol et les autres agressions sexuelles sont constitués lorsqu'ils ont été imposés à la victime dans les circonstances prévues par la présente section, quelle que soit la nature des relations existant entre l'agresseur et sa victime, y compris s'ils sont unis par les liens du mariage.

« Lorsque les agressions sexuelles sont commises à l'étranger contre un mineur par un Français ou par une personne résidant habituellement sur le territoire français, la loi française est applicable par dérogation au deuxième alinéa de l'article 113-6 et les dispositions de la seconde phrase de l'article 113-8 ne sont pas applicables. »

En l'état de la proposition de loi, l'article 222-22 du code pénal disposerait :

« Constitue une agression sexuelle tout acte sexuel non consenti commis sur la personne d'autrui ou sur la personne de l'auteur ou, dans les cas prévus par la loi, commise sur un mineur par un majeur.

« Au sens de la présente section, le consentement est libre et éclairé, spécifique, préalable et révocable. Il est apprécié au regard des circonstances environnantes. Il ne peut être déduit du seul silence ou de la seule absence de réaction de la victime.

« Il n'y a pas de consentement si l'acte à caractère sexuel est commis avec violence, contrainte, menace ou surprise, quelle que soit leur nature.

« Le viol et les autres agressions sexuelles [le reste sans modification] ».

Ce dispositif résulte des modifications que l'Assemblée nationale a apportées à la proposition de loi au regard d'un avis du Conseil d'État sollicité sur ce texte34(*). Les plus significatives concernent :

- l'emploi de l'expression d'« acte sexuel non consenti » plutôt que d'« atteinte sexuelle non consentie », pour écarter toute ambiguïté quant à l'existence éventuelle d'une atteinte sexuelle consentie ;

- la mention de « la personne d'autrui » avant « la personne de l'auteur », en cohérence avec les autres dispositions du code pénal ;

- la clarification de la définition du consentement, qui repose sur cinq notions qui ont été retenues au regard de l'avis du Conseil d'État précité, dans la mesure où elles constituent selon ce dernier « autant de points d'appui à des poursuites mieux adaptées aux nécessités de la matière ». Le consentement devrait ainsi être :

a. « libre », ce qui tient au principe de la liberté personnelle ;

b. « éclairé », pour que les capacités de la victime soient prises en considération ;

c. « spécifique », pour souligner la nécessaire adéquation de celui-ci « aux circonstances de temps et de lieu » comme aux actes sur lesquels il porte - et pour marquer la distinction entre ce consentement et celui qui prévaut en matière civile ;

d. « préalable », pour évacuer toute ambiguïté « exploitant les circonstances et les incertitudes » ;

e. « révocable », avant et pendant l'acte, mais non après ;

- l'appréciation du consentement « au regard des circonstances environnantes », cette précision résultant de la volonté d'assurer la conformité de la loi française à la convention d'Istanbul, qui dispose que « le consentement doit être donné volontairement comme résultat de la volonté libre de la personne considérée dans le contexte des circonstances environnantes » ;

- la précision suivant laquelle le consentement « ne peut être déduit du seul silence ou de la seule absence de réaction de la victime », la double mention du mot « seul/e » ayant vocation à réserver une marge d'appréciation au juge, dans les cas où d'autres éléments de fait permettraient de caractériser le consentement ;

- la mention des critères actuels de l'agression sexuelle, que sont la violence, la contrainte, la menace et la surprise « quelle que soit leur nature » - ce qui vise, selon le Conseil d'État, à garantir la sécurité juridique du dispositif puisque, d'une part, cette rédaction conserve des « acquis jurisprudentiels » et d'autre part, elle répond « à la nécessité de caractériser l'action ou le comportement illicite de l'auteur de l'infraction conformément aux exigences qui découlent du principe de légalité des délits et des peines »35(*).

Le 2° du I de l'article 1er procède à des coordinations rendues nécessaires par la modification de l'article 222-22 du code pénal.

Le 4° du I de l'article 1er intègre les actes bucco-anaux au champ matériel du viol. L'Assemblée nationale entend là procéder à la clarification de la notion d'actes « bucco-génitaux », intégrée à l'article 222-23 du code pénal par la loi n° 2021-478 du 21 avril 2021 visant à protéger les mineurs des crimes et délits sexuels et de l'inceste36(*) avec l'intention - attestée par les travaux parlementaires37(*) - d'y inclure les actes bucco-anaux.

Contrairement au Conseil d'État38(*), les rapporteures de l'Assemblée nationale considèrent cet ajout comme une simple clarification interprétative, et non une disposition pénale plus sévère qui ne serait applicable qu'aux faits commis postérieurement à l'entrée en vigueur du présent texte.

Le 5° du I de l'article 1er permet l'application du texte en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna.

Le II de l'article 1er contient une modification exigée par la réécriture de l'article 222-22 du code pénal et une mesure d'application dans les collectivités d'outre-mer régies par le principe de spécialité législative.

3. La position de la commission : des modifications seulement marginales sur un texte légitime dans son principe et efficace dans sa rédaction

Les auditions menées par les rapporteures ont témoigné de divergences quant à l'opportunité de l'inscription du consentement en tant que pivot d'une définition renouvelée du viol et des autres agressions sexuelles. Il est, à cet égard, révélateur que certaines entités entendues aient d'ailleurs échoué à établir une position commune en leur sein, à l'instar de plusieurs des conférences appelées à représenter les magistrats.

Cette absence de consensus est le reflet de l'indéniable complexité juridique du sujet, tout autant que de son importance pour les praticiens et pour la société dans son ensemble. Toutefois, les travaux des rapporteures les ont convaincues que la proposition de loi était non seulement légitime dans son objectif de garantir une meilleure répression, mais surtout respectueuse de la nécessité, d'une part, de préserver les acquis du droit en vigueur et, d'autre part, d'éviter la déstabilisation qui pourrait naître de l'adoption d'une loi pénale plus sévère.

3.1. Sur le principe d'une inscription dans la loi du consentement

La majeure part des débats survenus au cours des auditions a porté sur l'adéquation de la proposition de loi à la volonté, affichée par ses auteures, d'améliorer le traitement judiciaire des agressions sexuelles, certaines des personnes auditionnées estimant que le texte était inutile, voire porteur d'effets de bord gravement préjudiciables aux victimes.

Les représentants de la Cour de cassation, du Conseil national des barreaux (CNB) comme des associations de défense des droits de femmes ont ainsi affirmé que le droit actuel permettait déjà d'appréhender les agressions sexuelles dans leur ensemble, grâce spécialement à la plasticité des termes de « contrainte » et de « surprise ». Ces personnes ont en particulier relevé que les violences sexuelles commises sur une victime en état de sidération, qui suscitent une inquiétude significative compte tenu de leur fréquence, étaient déjà prises en compte par l'autorité judiciaire39(*).

Au-delà, plusieurs personnes auditionnées ont considéré que la proposition de loi soulevait des risques pour les victimes, la centralité de la notion du consentement étant selon elles de nature à accentuer le caractère éprouvant des procès pour les plaignantes. Elles ont ainsi émis la crainte que les débats judiciaires ne s'orientent - davantage encore qu'aujourd'hui - autour de la victime, qui serait maintenue dans l'obligation de se prêter à l'examen de son comportement, de ses pratiques antérieures ou de sa moralité. Les divers qualificatifs du consentement retenus par l'Assemblée nationale pourraient, dans cette perspective, devenir autant de prétextes pour interroger la plaignante plutôt que l'accusé.

Sur ce sujet de principe, les rapporteures rappellent qu'en dépit du silence de la loi pénale en vigueur, le consentement est, d'ores et déjà, au coeur des investigations comme des débats judiciaires : cette situation démontre que l'abstention du législateur ne contribue pas à la protection des victimes contre l'examen de leur « moralité », ou encore contre une remise en cause de la sincérité ou de la matérialité de leur refus d'un acte sexuel.

Elles considèrent à l'inverse, de même que la majorité des personnes entendues, que la réécriture de la définition de l'agression sexuelle autour de la notion de consentement présenterait de précieux avantages.

Le premier de ces avantages est expressif et pédagogique.

Outre la « portée symbolique importante » que l'Union syndicale des magistrats (USM) attache à l'évolution de la définition des agressions sexuelles, plusieurs praticiens du droit, comme le résument les représentants de la conférence nationale des procureurs généraux (CNPG), considèrent en effet qu'elle « pourrait servir de levier pédagogique » et diffuser dans la société une acception partagée du consentement comme fondement des rapports intimes.

Les rapporteures jugent, de même, utile de faire évoluer le code pénal pour adopter une rédaction accessible et intelligible pour les citoyens, affirmant nettement qu'un acte sexuel doit être librement et explicitement consenti par les deux partenaires. Des exemples étrangers démontrent, à cet égard, des effets d'une prise en compte explicite du consentement par la loi sur le traitement judiciaire des violences sexuelles.

La prise en compte du consentement :
quelques éléments de droit comparé

L'exemple du Canada (1992)

Le Canada a été l'un des premiers pays au monde à introduire la notion de consentement dans la définition du viol avec la révision du code pénal en 1992, qui a :

- introduit la nécessité d'un « consentement positif », défini (article 273.1 du code pénal) comme un « accord volontaire du plaignant de se livrer à une activité sexuelle, extériorisé et communiqué » ;

- défini les cas d'exclusion du moyen de défense fondé sur la croyance au consentement (article 273.2) : affaiblissement volontaire des facultés, insouciance ou aveuglement volontaire, absence de mesures raisonnables pour vérifier le consentement.

La jurisprudence de la Cour suprême du Canada a complété cette définition : par l'arrêt Ewanchuk (1999), elle a rappelé l'impossibilité d'un consentement implicite, caractérisé par l'absence de résistance, et par un arrêt J.A. contre la Reine (2011), elle a posé l'exigence d'un consentement réel et actif à chaque étape de l'activité sexuelle.

L'exemple de l'Espagne (2022)

L'Espagne a introduit le consentement dans la définition des infractions sexuelles (agression sexuelle et viol) en 2022, avec :

- une définition de l'agression sexuelle (article 178.1 du code pénal) comme « tout acte qui porte atteinte à la liberté sexuelle d'une autre personne sans son consentement » (la définition du viol reprenant celle de l'agression sexuelle) ;

- une définition du consentement (article 178.1 du code pénal) : « le consentement sexuel n'est considéré comme tel que lorsqu'il est librement exprimé par des actes qui, compte tenu des circonstances de l'espèce, expriment clairement la volonté de la personne », ce qui permet une approche circonstancielle.

Les effets de cette évolution demeurent complexes à mesurer, la loi n'ayant pas de portée rétroactive. Un ajustement du système de peine a été prévu en 2023 pour garantir une meilleure graduation (en lieu et place d'une peine unique pour tout acte sexuel non consenti).

L'exemple de la Suède (2018)

La Suède a été le pays européen à intégrer consentement positif dans la définition du viol en 2018. Le viol est défini par article 1er du chapitre 6 du code pénal comme des « relations sexuelles vaginales, anales ou orales, ou tout autre acte sexuel comparable avec une personne qui n'y participe pas volontairement » ; l'article précise que « lors de l'évaluation du caractère volontaire ou non de la participation, une attention particulière est accordée à la question de savoir si le caractère volontaire a été exprimé par la parole, par les actes ou d'une autre manière ».

La même réforme a introduit une infraction de « viol par négligence » (article 1A du chapitre 6 précité), avec des peines plus légères : l'infraction couvre les cas où l'auteur « aurait dû savoir » que le consentement de la victime était absent, même sans preuve de malveillance intentionnelle et vise à combler les lacunes en cas de situation ambigüe, entre les cas où l'accord explicite et les cas où l'accord n'est pas exprimé de façon active.

Selon un rapport d'évaluation du Conseil national de prévention du crime de 2020, l'évolution de la loi a permis une forte augmentation des condamnation (75 %) entre 2017 et 2019, une hausse des signalements et une légère augmentation de la durée moyenne des peines.

Source : commission des lois du Sénat

Le deuxième avantage est de nature opérationnelle, la nouvelle définition du viol et des autres agressions sexuelles permettant d'orienter autrement les pratiques des enquêteurs et des magistrats, c'est-à-dire de focaliser les débats non plus sur le comportement de la victime, mais sur celui de l'auteur, la question centrale devenant à l'avenir de savoir comment ce dernier s'est assuré du consentement de sa (ou son) partenaire.

S'agissant des investigations, la direction générale de la gendarmerie nationale a ainsi estimé que « Dans la pratique des enquêtes, [l'inscription du consentement dans la loi] guidera les gendarmes vers une analyse plus fine du contexte et du comportement de l'auteur plutôt que sur l'attitude passive de la victime. Elle offre un appui juridique pour prendre en compte des situations où la victime n'a pas pu ou su manifester son refus. En intégrant cette approche, la loi renforce la prise en charge des victimes dans le respect de leur vécu et de leur capacité à exprimer leur non-consentement » : elle juge par conséquent la rédaction de l'article 1er « cohérente avec les réalités rencontrées sur le terrain ».

La clarification permise par l'inscription du consentement dans la loi facilitera, dans cette perspective, la répression des viols commis sans le consentement de la victime mais pour lesquels l'état du droit ne permet que difficilement de caractériser l'emploi de la violence, de la menace, de la contrainte ou de la surprise - et ce, spécialement dans un contexte d'emprise ou du fait de liens affectifs entre l'auteur et la victime. Au stade du jugement, cette précision serait ainsi déterminante dans les cas où, comme le résume François Lavallière, l'auteur d'un viol recourt à « cette formule si souvent entendue lors des audiences ``elle n'a rien dit, elle ne s'est pas débattue, comment pouvais-je savoir qu'elle ne voulait pas ?'', formule aussi déculpabilisante pour le mis en cause que culpabilisante pour la victime » et qui, aujourd'hui, fait trop souvent obstacle à l'établissement de l'élément moral de l'infraction - c'est-à-dire de l'intention de l'accusé.

Au vu de ce qui précède, la commission a adhéré au principe d'une intégration à la définition pénale du viol et des autres agressions sexuelles. Elle gage qu'à court terme, cette précision donnera aux enquêteurs comme aux magistrats des outils juridiques adaptés à la réalité vécue par les victimes et, à plus long terme, incitera davantage au dépôt de plainte.

Sur ce terrain, les rapporteures rappellent que seule une infime minorité de victimes dénoncent les violences dont elles ont fait l'objet. Le problème fondamental du traitement judiciaire des agressions sexuelles tient, en effet, moins à la lettre de l'article 222-22 du code pénal qu'aux difficultés probatoires inhérentes à ces infractions de l'intime - difficultés qui sont accentuées par l'allongement progressif des délais de prescription - et au manque de formation et de moyens des services d'enquête, de poursuite et de jugement.

C'est pourquoi les rapporteures appellent à une action résolue des pouvoirs publics afin que la libération de la parole se traduise, enfin, dans la sphère judiciaire.

Outre ces débats de principe, les discussions au cours des auditions ont porté sur la caractérisation du consentement telle qu'elle résulterait du texte adopté par les députés - qui prévoit, pour mémoire, que le consentement devra être libre, éclairé, spécifique, préalable et révocable. Les réserves exprimées en la matière sont de deux ordres : tout d'abord, d'aucuns - notamment certains des représentants de la Cour de cassation - ont partagé leur inquiétude quant à la vraisemblable instrumentalisation par l'accusé de chacun de ces termes ; ensuite, des craintes se sont élevées quant aux difficultés d'interprétation des cinq adjectifs retenus, inspirés de la matière civile et de la définition du dol, et non du domaine pénal stricto sensu.

À l'issue de leurs travaux, les rapporteures ont estimé impossible de prédire, autant que de contenir à l'excès, les stratégies de défense susceptibles d'être adoptées par les accusés. S'il est établi qu'une personne mise en cause peut utiliser tous les moyens, de fait comme de droit, à sa disposition pour écarter sa culpabilité, elles rappellent que les prérogatives de police confiées aux présidents d'audience permettent déjà - et permettront à l'avenir - de « [rejeter] tout ce qui tendrait à compromettre [la] dignité [des débats] ou à les prolonger sans donner lieu d'espérer plus de certitude dans les résultats »40(*), garantissant que la défense n'aille pas au-delà de ce qui est admissible au cours d'un procès pénal. Elles ne croient donc pas que la crainte d'une instrumentalisation des termes retenus pour définir le consentement suffise à justifier leur suppression, et il leur apparaît au contraire que « chacun de ces termes est en soi porteur d'une richesse de signification donnant autant de points d'appui à des poursuites mieux adaptées aux nécessités de la matière »41(*).

S'agissant, par ailleurs, d'éventuelles difficultés d'interprétation, les rapporteures ont constaté que nombre des adjectifs adoptés par les députés figuraient déjà dans la jurisprudence :

le consentement « libre et éclairé » apparaît depuis plusieurs décennies dans les arrêts de la Cour de cassation en matière de violences sexuelles, la chambre criminelle appréciant l'existence d'un tel consentement par-delà « l'acceptation » ou la « participation » à des actes sexuels42(*) ;

- le caractère spécifique du consentement figure dans notre droit et a été régulièrement commenté ou interprété par la même chambre en matière de fichiers et de données personnelles43(*), dans une acception proche de celle qui pourrait être retenue en matière de violences sexuelles : il s'agit, en effet, de garantir le consentement des partenaires à chaque acte pratiqué, aucun consentement ne pouvant être réputé emporter une adhésion de principe ou « en bloc » ;

- le caractère préalable et révocable du consentement repose sur des termes lisibles, qui ne sont pas de nature à susciter des débats sémantiques (la révocation du consentement figure, d'ailleurs, d'ores et déjà dans le code pénal44(*)).

Plus généralement, le lien entre le non-consentement et le dol ne paraît pas susceptible de générer des difficultés d'interprétation particulières, la chambre criminelle de la Cour de cassation ayant déjà eu l'occasion de préciser que, en matière d'actes sexuels, le consentement n'était valable que s'il était recueilli « en dehors de toute manoeuvre dolosive »45(*).

Ces arguments, couplés à l'explication claire et circonstanciée qui figure dans l'avis précité du Conseil d'État, ont convaincu les rapporteures que la caractérisation du consentement adoptée par les députés ne soulevait pas de difficulté juridique. Suivant leur raisonnement, la commission a maintenu, sur ce point, la rédaction issue des délibérations de l'Assemblée nationale.

En revanche, les rapporteures ont considéré que la référence aux « circonstances environnantes », reprise mot pour mot de la Convention d'Istanbul, posait un problème réel. En elle-même, cette précision pourrait sembler superfétatoire, dans la mesure où le contexte est déjà apprécié par l'autorité judiciaire46(*). En outre, et étant rappelé que la Convention précitée n'a pas vocation à faire l'objet d'une traduction littérale en droit interne, certains praticiens entendus au cours des auditions ont souligné que la notion de « circonstances environnantes », inconnue du droit pénal français, était susceptible d'interprétations extensives potentiellement défavorables aux plaignants. À l'initiative des rapporteures (amendement COM-5), la commission a en conséquence substitué à cette notion le terme « contexte », usuel en jurisprudence et déjà utilisé par la chambre criminelle pour caractériser, notamment, le caractère sexuel des actes fondant les poursuites47(*) ou l'existence d'un environnement de violences48(*) ou d'emprise49(*) susceptible d'avoir vicié le consentement de la victime.

3.2. Sur le respect de la présomption d'innocence

Une deuxième série de préoccupations exprimées au cours des auditions concernait un glissement de la charge de la preuve qui, en faisant peser à l'excès les moyens probatoires sur la personne mise en cause, se serait avéré attentatoire à la présomption d'innocence.

Cet argument n'a pas convaincu les rapporteures, qui rappellent que la nouvelle rédaction ne comporterait aucune dérogation à la loi pénale générale : non seulement la charge de la preuve continuera à incomber au ministère public, comme dans tout procès criminel ou correctionnel, mais surtout la nécessité de démontrer un élément moral - donc une commission consciente et intentionnelle de l'infraction - n'est pas remise en cause par l'intégration du consentement à la définition du viol et des autres agressions sexuelles. Les rapporteures rappellent en particulier que, conformément à une jurisprudence constante du Conseil constitutionnel, « s'agissant des crimes et délits, la culpabilité ne saurait résulter de la seule imputabilité matérielle d'actes pénalement sanctionnés »50(*).

Cette analyse est conforme à celle du Conseil d'État, qui a consacré de longs développements à la présomption d'innocence dans son avis précité du 6 mars 2025.

Extrait de l'avis n° 409241 du Conseil d'État du 6 mars 2025

Les exigences constitutionnelles qui s'appliquent à la loi pénale et qui découlent du principe de légalité des délits et des peines et du principe de la présomption d'innocence ont été précisées par le Conseil constitutionnel. La Cour européenne des droits de l'homme a également précisé ces mêmes exigences qui découlent des articles 6 paragraphe 2 et 7 paragraphe 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Elles sont d'autant plus fortes qu'elles concernent ici des infractions qui revêtent pour une partie d'entre elles une qualification criminelle.

Le Conseil constitutionnel juge qu'il résulte de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 aux termes duquel « nul ne peut être puni qu'en vertu d'une loi établie et promulguée antérieurement au délit et légalement appliquée » et de l'article 34 de la Constitution selon lequel « La loi fixe les règles concernant [...] la détermination des crimes et des délits », d'une part, la nécessité pour le législateur de définir les infractions en termes suffisamment clairs et précis pour exclure l'arbitraire et, d'autre part, l'impossibilité pour les lois pénales plus sévères de s'appliquer à des infractions commises antérieurement à leur entrée en vigueur (décision n° 80-127 DC des 19 et 20 janvier 1981 ; décision n° 2021-933 QPC du 30 septembre 2021). Il a rappelé que « s'agissant des crimes et délits, la culpabilité ne saurait résulter de la seule imputabilité matérielle d'actes pénalement sanctionnés » (décision n° 2011-164 QPC du 16 septembre 2011) et que, s'agissant des délits, « la définition d'une incrimination, en matière délictuelle, doit inclure, outre l'élément matériel de l'infraction, l'élément moral, intentionnel ou non, de celle-ci » (décision n° 99-411 DC du 16 juin 1999).

Il juge qu'en application du principe de la présomption d'innocence qui découle de l'article 9 de la Déclaration de 1789 aux termes duquel « Tout homme étant présumé innocent jusqu'à ce qu'il ait été déclaré coupable, s'il est jugé indispensable de l'arrêter, toute rigueur qui ne serait pas nécessaire pour s'assurer de sa personne doit être sévèrement réprimée par la loi », la loi ne saurait qu'exceptionnellement instituer de présomptions de culpabilité, et à condition qu'elles ne revêtent pas de caractère irréfragable, que soit assuré le respect des droits de la défense, et que les faits induisent raisonnablement la vraisemblance de l'imputabilité (décision n° 99-411 DC du 19 juin 1999). De ce principe, il découle également qu'il n'appartient pas à la personne mise en cause d'apporter la preuve de son innocence, mais qu'il incombe à l'autorité de poursuite de rapporter la preuve de l'ensemble des éléments constitutifs de l'infraction (décision n° 80-127 DC du 20 janvier 1981).

[...] Dans ses dispositions générales, le code pénal décline ces principes en énonçant à l'article 121-1 que « Nul n'est responsable pénalement que de son propre fait » et à l'article 121-3 qu'« Il n'y a point de crime ou de délit sans intention de les commettre » qui conduit à la nécessité d'établir, hors les cas spécifiques prévus par la loi l'élément intentionnel de l'infraction, à côté de son élément matériel. Le Conseil constitutionnel a sur ce point précisé que dans le silence de l'incrimination, le principe énoncé à l'article 121-3 est de plein droit applicable (décision n° 2003-467 DC du 13 mars 2003).

Source : Conseil d'État

La commission n'a, par voie de conséquence, pas fait évoluer la rédaction de la proposition de loi s'agissant de la charge de la preuve, qui permet de maintenir la responsabilité du ministère public dans la production de l'ensemble des éléments de preuve requis pour obtenir une condamnation.

3.3. Sur l'application de la loi dans le temps

D'autres personnes auditionnées ont par ailleurs craint que le texte ne soulève des difficultés d'application de la loi dans le temps.

Outre l'enjeu spécifique des actes bucco-anaux (voir infra), il s'agit de déterminer si la proposition de loi constitue un texte interprétatif, donc d'application immédiate, ou a contrario une loi pénale plus sévère, ce qui imposerait qu'elle ne s'applique qu'aux actes commis postérieurement à son entrée en vigueur, conformément au principe de la non-rétroactivité in mitius.

Comme le rappelle le Conseil d'État51(*), la nature interprétative de l'intégration du consentement à la définition du viol et des autres agressions sexuelles semble solidement établie au regard :

- de l'omniprésence, déjà évoquée, de la notion de consentement à tous les stades du traitement judiciaire des violences sexuelles ;

- du maintien de la référence aux quatre adminicules qui fondent notre droit depuis plus de 150 ans, à savoir la violence, la contrainte, la menace et la surprise, qui restent les seuls critères desquels pourra mécaniquement être déduite l'absence de consentement ;

- de la jurisprudence large de la Cour de cassation en la matière, puisque sa chambre criminelle a jugé que procédaient de l'interprétation législative les évolutions intervenues pour intégrer la menace aux adminicules du viol52(*) ou pour caractériser la contrainte en cas de différence d'âge significative entre la victime mineure et l'auteur majeur53(*). Non moins extensive est la doctrine du Conseil constitutionnel en la matière, celui-ci ayant considéré - là encore, s'agissant de la différence d'âge significative - que les modifications apportées au code pénal par la loi précitée du 8 février 2010 avaient eu « pour seul objet de désigner certaines circonstances de fait sur lesquelles la juridiction saisie [pouvait] se fonder pour apprécier si, en l'espèce, les agissements dénoncés [avaient] été commis avec contrainte », écartant par voie de conséquence toute non-rétroactivité54(*).

3.4. Sur l'intégration au champ matériel du viol des actes bucco-anaux

Enfin, des débats ont eu lieu au cours des discussions à l'Assemblée nationale, puis au cours des auditions menées par les rapporteures quant à la nature de la prise en compte des actes bucco-anaux dans la définition du viol : ce point fait l'objet d'un désaccord entre les deux rapporteures Marie-Charlotte Garin et Véronique Riotton, qui soutiennent qu'il s'agit d'une précision strictement interprétative, et le Conseil d'État, celui-ci ayant relevé, dans son avis précité, que « cette extension du champ matériel de la définition du crime s'analyse en une disposition pénale plus sévère, qui ne serait applicable qu'aux faits commis postérieurement à l'entrée en vigueur de la loi »55(*).

Les représentants de la Cour de cassation et de la direction des affaires criminelles et des grâces (DACG) auditionnés par les rapporteures leur ont signifié la même inquiétude que le Conseil d'État : l'interprétation littérale de la loi en vigueur laisse à penser qu'un acte bucco-anal, qui par définition ne concerne pas un organe génital, constitue en l'état du droit une agression sexuelle et non un viol. La modification projetée introduirait ainsi potentiellement une nouvelle incrimination.

Les rapporteures relèvent que l'intention du législateur en 2021 était claire et tendait, sans ambiguïté, à intégrer au viol les actes bucco-génitaux lato sensu, c'est-à-dire à inclure les actes bucco-anaux dans cette expression. Cependant, selon les éléments qu'elles ont recueillis au cours des auditions, cette volonté n'a pas été prise en compte - le juge ne se référant à l'intention du législateur qu'en cas de difficulté d'interprétation, ce qui n'est pas le cas en l'espèce. L'intégration explicite au viol des actes bucco-anaux constituerait donc selon les rapporteures une nouvelle incrimination. Elles jugent en tout état de cause que celle-ci est plus que jamais nécessaire pour protéger les victimes de tous les types d'actes sexuels qui peuvent leur être imposés et éviter toute divergence de traitement, difficilement justifiable, entre des personnes selon les modalités du viol qu'elles ont subi.

La volonté du législateur d'intégrer, dès 2021, les actes bucco-anaux
à la définition du viol

Extrait du rapport de première lecture de l'Assemblée nationale sur la proposition de loi visant à protéger les jeunes mineurs des crimes sexuels56(*) : « Considérant que l'arrêt de la Cour de cassation apparaît choquant alors qu'il procède à une interprétation correcte de la loi, le Sénat en déduit que c'est la lettre de la loi qui est appelée à évoluer. Il ne fait aucun doute que le fait, pour une victime, de se voir infliger sans son consentement un acte bucco-génital ou bucco-anal constitue un traumatisme majeur et une atteinte à sa personne qui puisse légitimement recevoir le qualificatif de viol. / En conséquence, l'article 4 bis aligne sur le régime applicable à la fellation l'ensemble des actes bucco-génitaux afin qu'ils donnent lieu, comme une pénétration sexuelle, à la répression pénale la plus élevée. »

Extrait du rapport de deuxième lecture de Marie Mercier, rapporteur pour le Sénat57(*) : « L'Assemblée nationale a approuvé cette mesure, sous réserve d'une modification rédactionnelle mineure. Dans son rapport, notre collègue Alexandra Louis considère que cette disposition couvre aussi les actes bucco-anaux, ce qui paraît conforme à l'intention du législateur, ces actes étant en tout état de cause généralement accompagnés d'actes bucco-génitaux ou de pénétration. »

Afin de parachever les réflexions engagées par l'Assemblée nationale, la commission a, en adoptant un amendement des rapporteures (COM-6), prévu les coordinations requises pour intégrer les viols bucco-anaux aux dispositions spécifiques aux mineurs des articles 222-23-1 et 222-23-2 du code pénal : à défaut, les mineurs seraient en effet soumis à des dispositions moins « favorables » que les majeurs puisque les actes bucco-anaux commis sur les seconds relèveraient du viol tandis que, par a contrario, les mêmes actes constitueraient sur les premiers - pourtant plus vulnérables - une simple agression sexuelle.

La commission a adopté l'article 1er ainsi modifié.

Article 2 (supprimé)
Demande de rapport relatif aux effets du présent texte sur la proportion de plaintes déposées par rapport au nombre total d'agressions sexuelles et sur la proportion d'agressions sexuelles faisant l'objet d'une condamnation

Introduit en commission et réécrit en séance publique, l'article 2 prévoit la remise au Parlement d'un rapport relatif aux effets de cette proposition de loi, notamment sur la proportion de plaintes déposées dans le nombre total d'agressions sexuelles et sur celle des agressions sexuelles qui aboutissent à une condamnation.

Conformément à sa position constante en matière de demande de rapports au Gouvernement, la commission a supprimé cet article.

L'article 2, adopté en commission puis amendé en séance publique pour des raisons rédactionnelles, impose au Gouvernement de remettre au Parlement un rapport d'évaluation de la proposition de loi dans les dix-huit mois qui suivront sa promulgation. Il précise en outre que ce rapport sera « actualisé trois ans après sa publication ».

L'Assemblée nationale a expressément mentionné deux indicateurs qui devront apparaître dans ce rapport, pour apprécier les effets de l'évolution de la définition pénale de l'agression sexuelle. Il s'agit de :

- « la proportion de plaintes déposées par rapport au nombre total d'agressions sexuelles » ;

- « la proportion des agressions sexuelles faisant l'objet d'une condamnation ».

La commission a supprimé cet article en adoptant l'amendement COM-7 proposé par ses rapporteures, qui découle tant de sa position constante en la matière, que du manque de fiabilité objective des indicateurs envisagés.

La commission a supprimé l'article 2.

Article 3 (supprimé)
Demande de rapport relatif aux effets du présent texte sur le traitement judiciaire des violences sexuelles

Introduit en commission et adopté conforme en séance publique, l'article 3 prévoit la remise au Parlement d'un rapport relatif aux effets de la modification de la définition des agressions sexuelles sur le traitement judiciaire des violences sexuelles.

Conformément à sa position constante en matière de demande de rapports au Gouvernement, la commission a supprimé cet article.

L'article 3, adopté par la commission des lois de l'Assemblée nationale et inchangé en séance publique, requiert du Gouvernement la remise au Parlement d'un rapport relatif aux « effets de la redéfinition pénale des infractions d'agression sexuelle et de viol sur le traitement judiciaire des violences sexuelles, du dépôt de plainte jusqu'au délibéré », ce dans les douze mois qui suivront la promulgation du texte.

La commission a adopté l'amendement COM-8 de suppression de cet article proposé par ses rapporteures : au-delà de la position constante déjà évoquée à l'article 2 du présent texte, la commission a constaté que le délai envisagé ne permettrait en toute hypothèse pas de réaliser une évaluation robuste des effets de la réécriture de l'article 222-22 du code pénal sur le traitement judiciaire des violences sexuelles.

La commission a supprimé l'article 3.


* 10 Ancien article 332 du code pénal.

* 11  Rapport n° 442 (1977 - 1978) d'Edgar Tailhades sur la proposition de loi relative à la répression du viol et de certains attentats aux moeurs.

* 12 Loi n° 80-1041 du 23 décembre 1980 relative à la répression du viol et de certains attentats aux moeurs.

* 13 Texte n° 324 (1977 - 1978) de Brigitte Gros et plusieurs de ses collègues.

* 14 Rapport précité.

* 15 Dans le même sens, plus récemment, la loi n° 2021-478 du 21 avril 2021 visant à protéger les mineurs des crimes et délits sexuels et de l'inceste s'est abstenue de toute référence à la notion de « consentement » pour lui préférer une rédaction reposant sur certaines circonstances objectives (en l'espèce, l'écart d'âge entre l'auteur et la victime ou l'existence d'une relation d'autorité de droit ou de fait) qui caractérisent, par elles-mêmes, l'atteinte sexuelle.

* 16 Cass. crim., 3 avril 2001, n° 01-80.623 ; 7 décembre 2005, n° 05-81.316.

* 17 L'adminicule est, selon la définition de Gérard Cornu (rappelée par le Conseil constitutionnel dans son commentaire de la décision n° 2023-1058 QPC du 21 juillet 2023, « Roméo N. », note de bas de page n° 10) un « Élément (on dit aussi commencement) de preuve qui, rendant vraisemblable le fait à prouver sans en constituer une preuve parfaite, est parfois exigé par la loi, à titre préalable, pour rendre admissibles d'autres modes de preuve imparfaits ».

* 18 Le commentaire précité de la décision n° 2023-1058 QPC précise ainsi que, « Bien que l'absence de consentement de la victime ne soit pas expressément mentionnée comme élément constitutif de ces infractions, l'emploi de l'un de ces [...] adminicules [à savoir la violence, la contrainte, la menace ou la surprise] par l'auteur des faits est de nature à la caractériser. Il incombe donc au juge de déterminer les conditions dans lesquelles l'acte sexuel a été imposé à la victime, en caractérisant le recours à la violence, l'usage d'une contrainte, l'emploi de menaces ou l'existence de manoeuvres destinées à tromper le consentement ».

* 19  Avis du 15 mars 2018 sur le projet de loi renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes commises contre les mineurs et les majeurs.

* 20 Avait en l'espèce été cassée, la décision d'une cour d'appel qui reconnaissait l'existence d'une agression sexuelle car l'auteur avait exercé des violences et ne s'était pas assuré du consentement de sa victime, ce qui - selon la chambre criminelle - n'équivalait pas à l'« absence totale de consentement » exigée par la loi (Cass. crim., 20 juin 2001, n° 00-88-258).

* 21 Ces chiffres sont accessibles en ligne.

* 22 La sous-estimation statistique des violences sexuelles n'est pas un phénomène nouveau, comme en atteste à double titre - c'est-à-dire à la fois dans ce qu'il exprime et dans le caractère manifestement sous-évalué des chiffres présentés - le rapport précité d'Edgard Tailhades, selon lequel « On évalue en général le nombre des crimes de viol commis dans nos sociétés de dix à vingt fois supérieur au nombre des plaintes déposées chaque année (soit 1 600 environ en France à l'heure actuelle) ».

* 23  Rapport n° 650 (2024-2025), « Prévention de la récidive du viol : prendre en charge les auteurs pour éviter de nouvelles victimes », déposé le 21 mai 2025.

* 24 Les plaintes enregistrées en 2023 portent pour partie sur des faits commis plusieurs mois, voire plusieurs années auparavant (voir infra), expliquant vraisemblablement que le ratio déjà cité entre les faits commis et le nombre de plaintes ne soit pas reflété par les statistiques ; y contribue également la divergence de population « cible », les chiffres établis à l'issue de l'enquête « Vécu et ressenti en matière de sécurité » tenant compte exclusivement des femmes majeures tandis que la recension des plaintes concerne indifféremment les mineurs et les majeurs ainsi que les femmes et les hommes.

* 25 Maëlle Stricot, note n° 107 (avril 2024) pour l'Institut des politiques publiques, établie à partir des données du fichier Cassiopée.

* 26 Rapport précité de la MCC sur la prévention de la récidive du viol.

* 27 Idem.

* 28 La prévention des violences faites aux femmes, notamment sexuelles, constitue par ailleurs une préoccupation forte à l'échelle de l'Union européenne, comme en ont témoigné les échanges institutionnels au sujet de la directive (UE) 2024/1385 du Parlement européen et du Conseil du 14 mai 2024 sur la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique.

* 29 Groupe d'experts sur la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique, rapport d'évaluation de référence, France, 2019 [ Accessible en ligne].

* 30 Commentaires soumis par la France sur le rapport final du Grevio sur la mise en oeuvre de la Convention du Conseil de l'Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique, 19 novembre 2019 [ Accessible en ligne].

* 31 Conseil d'État, Assemblée générale, avis n° 409241 sur une proposition de loi visant à modifier la définition pénale du viol et des agressions sexuelles [ Accessible en ligne].

* 32 Rapport d'information n° 792 sur la définition pénale du viol (2024 - 2025), présenté par Mmes Véronique Riotton et Marie-Charlotte Garin, députées, au nom de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes.

* 33 Rapport d'information n° 193 sur le consentement et la définition pénale du viol (2024 - 2025), fait par Hussein Bourgi, Esla Schalck et Dominique Vérien, sénateur et sénatrices, au nom de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité de chances entre les hommes et les femmes.

* 34 Conseil d'État, Assemblée générale, avis n° 409241 sur une proposition de loi visant à modifier la définition pénale du viol et des agressions sexuelles [ Accessible en ligne].

* 35 L'emploi de la formule « quelle que soit leur nature » a, en effet, été préféré à l'adoption d'une liste d'adminicules qui aurait été privée d'exhaustivité sous l'effet du terme « notamment » qui figurait dans la version initiale du texte.

* 36 Rapport n° 3939 sur la proposition de loi visant à protéger les jeunes mineurs des crimes sexuels (2024 - 2025), fait par Alexandra Louis, députée, au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République [ Accessible en ligne].

* 37 Voir infra.

* 38 Paragraphe 22 de l'avis précité.

* 39 Voir supra.

* 40 Article 309 du code de procédure pénale.

* 41 Avis précité du Conseil d'État, paragraphe 20.

* 42 Voir, par exemple, Cass. crim., 9 décembre 1998, n° 98-85.840.

* 43 Voir, par exemple, Cass. crim., 14 mars 2006, n° 05-83.423

* 44 Article 511-19, en matière de recherche médicale.

* 45 Arrêt précité du 9 décembre 1998.

* 46 L'expression paraît même porteuse d'une redondance intrinsèque, les circonstances étant toujours environnantes.

* 47 Cass. crim., 6 décembre 1995, n° 95-84.881.

* 48 Cass. crim., 13 janvier 2021, n° 19-86.624.

* 49 Cass. crim., 4 septembre 2019, n° 19-83.688.

* 50 Décision n° 2011-164 QPC du 16 septembre 2011.

* 51 Avis précité.

* 52 Cass. crim., 14 octobre 1998, n° 97-84.730.

* 53 Cass. crim., 12 janvier 2000, n° 99-80.534 ; Cass. crim., 17 mars 2021, n° 20-86.918.

* 54 Décision n° -448 QPC du 6 janvier 2015.

* 55 Avis précité, paragraphe 22.

* 56  Rapport n° 3939 d'Alexandra Louis sur la proposition de loi, adoptée par le Sénat, visant à protéger les jeunes mineurs des crimes sexuels, déposé le mercredi 3 mars 2021.

* 57 Rapport n° 467 (2020 - 2021), déposé le 23 mars 2021.

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