B. UNE HAUSSE SALUTAIRE DE L'INVESTISSEMENT IMMOBILIER AFIN DE TENIR L'OBJECTIF DE 3 000 PLACES DE RÉTENTION ADMINISTRATIVE À HORIZON 2029
Comme cela a été exposé supra, les résultats en matière d'éloignements, bien qu'en léger progrès, ont jusqu'ici été très insuffisants. Plus largement, la France fait face à des enjeux importants en matière d'immigration irrégulière, sur l'ensemble de son territoire, y compris dans les outre-mer.
L'État met dès lors en oeuvre des moyens importants, aussi bien via l'activité des forces de sécurité intérieure, les activités de rétention et d'éloignement, ou encore pour le contentieux, pour un coût total de la politique estimée à environ 1,8 milliard d'euros par an par la Cour des comptes38(*).
D'un point de vue budgétaire, la présente mission ne porte ainsi, via l'action n° 03 « Lutte contre l'immigration irrégulière » du programme 303, qu'une part modeste des crédits dédiés à la lutte contre l'immigration irrégulière, soit environ 328 millions d'euros en CP pour 2026.
Les dépenses d'investissement (construction et rénovation), de fonctionnement (fonctionnement courant et entretien) et d'intervention (prise en charge sanitaire, sociale et juridique) liées à l'activité de rétention administrative des étrangers en situation irrégulière dans les centres de rétention administrative (CRA), les locaux de rétention administrative (LRA) et les zones d'attente des personnes en instance (ZAPI), constituent l'un des volets39(*) de la politique de rétention et d'éloignement pris en charge par la mission « Immigration, asile et intégration ».
Les dépenses d'investissement dans les CRA, LRA et ZAPI ont connu une réduction nette dans le cadre de la loi de finances pour 2025, pour s'établir à 21,6 millions d'euros en AE (- 115 millions d'euros par rapport à 2024) et 43,2 millions d'euros en CP (- 47 millions d'euros). Ces niveaux étaient difficilement conciliables avec les efforts prévus par la LOPMI en matière de capacités de rétention administrative et soutenus par les gouvernements précédent et actuel.
Pour rappel, le rapport annexé à la LOPMI prévoyait en effet que « le nombre de places en centres de rétention administrative sera progressivement porté à 3 000 ». Du point de vue budgétaire, la trajectoire budgétaire de la LOPMI avait d'ailleurs été complétée d'un montant de 60 millions d'euros annuellement sur la période de programmation, à savoir de 2023 à 2027, pour atteindre cet objectif40(*). Selon les informations disponibles, le parc est composé de 1 959 places en 2025.
Le projet de loi de finances pour 2026 déploie des moyens à la hauteur, en vue de tenir l'objectif de 3 000 places de rétention à horizon 2029, comme le formulait de ses voeux le rapporteur spécial dans son rapport sur l'extension de la capacité d'accueil des centres de rétention administrative41(*). Pour 2026, le montant prévisionnel de l'investissement dans les établissements de rétention est de 266,7 millions d'euros en AE et de 156,2 millions d'euros en CP42(*), soit une hausse de plus de 260 % en CP.
Au regard de ces nouveaux moyens, la trajectoire d'atteinte des 3 000 places a été légèrement modifiée par le ministère de l'intérieur par rapport aux chiffres qui avaient été communiqués au rapporteur spécial à l'occasion de son contrôle budgétaire.
Le déploiement de l'ensemble des projets identifiés dans le cadre des plans « CRA 1 » et « CRA 3 000 »43(*) permettrait de porter le nombre de places de rétention à 3 063 à horizon 2029 dans l'hexagone, et à 3 292 places en tenant compte des capacités ultramarines44(*). Selon les informations transmises par la DGEF au rapporteur spécial, le calendrier serait le suivant :
- en 2026 : mise en service des CRA de Bordeaux (140 places), de Dunkerque (140 places) ainsi que les extensions des CRA de Rennes (52 places supplémentaires) et de Metz (28 places supplémentaires), portant ainsi le nombre total de places à 2 29945(*) ;
- en 2027 : mise en service du CRA de Dijon (140 places) en vue de porter le nombre total de places à 2 439 ;
- en 2028 : mise en service des CRA de Nantes (140 places), Béziers (140 places), Périchet (64 places) et Oissel (140 places) pour porter le nombre total de places à 2 923 ;
- en 2029 : mise en service du CRA d'Aix-Luynes (140 places), afin de porter le nombre total de places à 3 063.
Évolution de la capacité théorique du parc de CRA en métropole
(en nombre de places)
Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses de la direction générale des étrangers en France (DGEF) au questionnaire du rapporteur spécial
Toutefois, comme l'a déjà relevé le rapporteur spécial, les dépenses d'investissement dédiées aux CRA sont chroniquement sous-consommées. Selon les informations transmises par la DGEF, alors que 80,9 millions d'euros d'AE d'investissement étaient prévus en 2025 pour les CRA, LRA et zones d'attente, le montant total d'exécution des dépenses dans les établissements de rétention est estimé à 57,2 millions d'euros.
Des obstacles tenant à la fois à la maîtrise du foncier, à l'acceptabilité locale, aux aléas des travaux et aux moyens humains à mobiliser, peuvent ralentir le déploiement de l'ouverture de nouveaux centres de rétention. Afin de pallier ces difficultés, deux recommandations du rapporteur ont été ou sont en cours de mise en oeuvre46(*).
En premier lieu, selon les informations transmises par la DGEF47(*), en complément de la construction de nouveaux centres et afin d'accélérer les déploiements, le ministère de l'intérieur va construire des bâtiments modulaires sécurisés et adaptés à la rétention administrative, en lien avec l'Économat des Armées.
En second lieu, des groupes de travail ont été mis en place par la direction nationale de la police aux frontières afin d'optimiser les recrutements en ressources humaines dans un contexte de plafond d'emplois sans création d'équivalents temps plein pour 2025 et très contraints pour 2026. Dans ce contexte, des solutions d'externalisation et de substitution pourraient être mises en oeuvre ainsi que le recrutement départementalisé de policiers adjoints ou de réservistes.
* 38 Cour des comptes, La politique de lutte contre l'immigration irrégulière, janvier 2024.
* 39 Les dépenses de fonctionnement liées aux dispositifs de préparation au retour (DPAR) et les dépenses de fonctionnement liées à l'éloignement des étrangers en situation irrégulière (frais de transport en particulier) constituent les deux autres volets.
* 40 Via l'adoption d'un amendement de nos collègues députés Éric Ciotti et Philippe Gosselin en faveur de l'extension des capacités de rétention administrative.
* 41 L'extension de la capacité d'accueil des centres de rétention administrative, rapport d'information n° 4 (2025-2026), déposé le 1er octobre 2025, Mme Marie Carole CIUNTU (Recommandation n° 3).
* 42 La prévision d'exécution à elle seule du plan « CRA » est estimée 100 millions d'euros en AE et 94,8 millions d'euros en CP. En AE, les projets immobiliers concernés sont le CRA de Oissel (pour 49,1 millions d'euros) et le CRA de Luynes (pour 46,5 millions d'euros). En CP, les projets immobiliers concernés sont les CRA de Dunkerque (23,5 millions d'euros), de Béziers (12,3 millions d'euros), de Oissel (6,4 millions d'euros), de Luynes (4 millions d'euros) et de Nantes (3 millions d'euros).
* 43 Une première phase du plan « CRA », selon la terminologie du ministère de l'intérieur, a ainsi consisté à partir de 2017 à étendre le parc de 1 488 places en 2017 à 1 869 fin 2023 puis, avec la livraison du CRA d'Olivet début 2024, à 1 959 places. La seconde phase du plan « CRA » correspond à l'objectif fixé par la LOPMI de porter le parc à 3 000 places d'ici 2027.
* 44 Ce décompte de places ne prend pas en compte les projets de CRA de Goussainville et de Nice. En effet, le foncier de ces deux projets n'est pas maîtrisé à ce jour.
* 45 Cette évolution prend en compte la fermeture de l'actuel CRA de Bordeaux de 20 places.
* 46 Recommandations 4 et 5 du rapport précité sur l'extension de la capacité des centres de rétention administrative.
* 47 Réponse au questionnaire d'audition du rapporteur spécial.
