II. LE PROGRAMME 104 : UNE STAGNATION DES CRÉDITS DÉDIÉS À L'INTÉGRATION
A. UNE STABILISATION DES CRÉDITS POUR 2026 ALORS MÊME QUE LA RÉFORME DES FORMATIONS LINGUISTIQUES ET CIVIQUES DOIT ENTRER EN VIGUEUR AU 1ER JANVIER
1. Une reconduction de l'enveloppe dédiée à l'accueil des étrangers primo-arrivants
Les crédits du programme 104 s'élèvent à 368,5 millions d'euros, en AE comme en CP, soit une dotation relativement stable par rapport à 2025.
L'action 11 - Accueil des étrangers primo-arrivants, dont le montant s'établit à 268,4 millions d'euros pour 2026, en AE comme en CP, soit à un niveau stable par rapport à 2025, comprend près de 73 % des crédits de ce programme. Elle finance les diverses missions de l'OFII, et notamment celle d'accueillir et d'intégrer les étrangers en situation régulière pendant leurs premières années de séjour en France, qui se matérialise pour les étrangers par la signature d'un CIR.
De prime abord, cette stagnation des crédits peut sembler peu compatible avec la mise en oeuvre de la réforme des formations linguistiques et civiques portée par la loi du 26 janvier 2024 pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration48(*). En effet, en 2023, les moyens nécessaires à la seule réforme de la formation linguistique avaient été évalués à 100 millions d'euros par le ministre de l'intérieur49(*).
2. Le niveau de langues pour l'obtention d'une carte de séjour pluriannuelle est rehaussé, mais l'obligation de formation linguistique disparaît
L'article 20 de la loi du 26 janvier 2024 pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration prévoit de conditionner, à partir du 1er janvier 2026, la délivrance d'une carte de séjour pluriannuelle (CSP) à la maîtrise du niveau A2 du cadre européen commun de référence pour les langues (CECRL)50(*). Pour l'octroi d'une carte de résident, le niveau exigé est le B1 du CECRL51(*), tandis que celui pour acquérir la nationalité française sera le niveau B2 du CECRL52(*). Ainsi, l'obligation de moyens associée à la signature du CIR, qui reposait sur une exigence d'assiduité et de progression vers le niveau A1, est transformée en obligation de résultat puisque l'étranger devra justifier de l'atteinte du niveau A2.
Or, à l'occasion de son contrôle budgétaire53(*), le rapporteur spécial a pu relever l'année dernière que le volume proposé des formations n'était pas adapté au rehaussement du niveau linguistique au niveau A2 pour l'obtention d'une carte de séjour pluriannuelle, et qu'un rallongement du parcours linguistique d'au moins 100 heures était nécessaire pour atteindre un tel niveau.
Par ailleurs, le rehaussement des exigences linguistiques a pour effet mécanique une hausse du nombre d'étrangers orientés vers la formation linguistique. En 2024, 50 991 personnes ont été orientées vers une formation linguistique dès lors que leur niveau constaté était inférieur au niveau A1, tandis que 20 096 personnes avaient un niveau compris entre A1 et A2 et n'étaient alors pas concernées par la formation linguistique. Ainsi, selon les estimations transmises par le DGEF, 39 % de signataires du CIR supplémentaires devraient être orientés vers une formation linguistique sous l'effet du rehaussement du niveau de langues pour obtenir une carte de séjour pluriannuelle.
Au regard de cet effet volume, mais aussi pour introduire plus de souplesse dans l'apprentissage du français, eu égard au caractère contraignant que peut représenter le suivi d'une telle formation, notamment en termes de volume horaire, le ministère de l'intérieur a décidé de rendre la formation linguistique facultative, tout en demeurant d'une durée maximale de 600 heures54(*) lorsqu'elle est suivie. Un décret du 15 juillet 202555(*) modifie l'article R. 413-3 du CESEDA, qui prévoit désormais que la formation linguistique n'est plus prescrite, mais que l'OFII propose à l'étranger une inscription à la formation linguistique. Ainsi, depuis juillet 2015, les signataires du CIR ont la possibilité de suivre tout parcours, même en dehors de l'OFII, leur permettant d'atteindre le niveau A2.
En parallèle, l'apprentissage du français par l'insertion professionnelle est favorisé.
En premier lieu, l'article 23 de la loi du 26 janvier 2024 pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration a modifié plusieurs dispositions relatives à la formation continue des salariés au sein du code du travail afin d'organiser la contribution des employeurs à la formation linguistique de leurs salariés signataires d'un CIR. Les salariés allophones signataires d'un CIR peuvent désormais comptabiliser comme temps de travail effectif les actions permettant le suivi de leur formation linguistique. Un décret du 30 décembre 202456(*) a fixé à 80 heures la durée maximale de formation considérée comme du temps de travail effectif.
En second lieu, à partir de 2026, l'inscription à France Travail sera automatique dès la signature du CIR. La circulaire du 26 juin 202557(*), cosignée par le ministre de l'intérieur, Bruno Retailleau, et la ministre chargée du travail et de l'emploi, Astrid Panosyan-Bouvet, fait de l'accès à l'emploi des étrangers en situation régulière sur le territoire français une priorité. Pour les étrangers qui maîtriseront déjà le niveau A1, France Travail aura la charge de proposer des parcours combinant formation linguistique appliquée au secteur de recherche d'emploi et dispositifs de formation en milieu professionnel. Pour ceux qui ne maîtriseront pas encore le niveau A1, l'OFII continuera de proposer des formations linguistiques de base afin de permettre, par la suite, l'intégration d'un parcours à France Travail.
3. La délivrance des cartes de séjour pluriannuelles et de résident est aussi conditionnée à la réussite d'un examen à l'issue de la formation civique, dont le contenu et les modalités viennent d'être précisés
La loi pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration conditionne également la délivrance de la carte de séjour pluriannuelle et de la carte de résident, pour tous les demandeurs signataires du CIR, à la réussite d'un examen intervenant à la fin de la formation civique. Par ailleurs, le contenu de la formation civique a été enrichi, avec l'ajout aux programmes de l'histoire et la culture de la société française.
S'agissant de l'examen civique, le décret précité du 15 juillet 2025 indique qu'il prendra la forme d'un questionnaire à choix multiples (QCM)58(*). Les modalités et le programme de cette épreuve ont été fixés par l'arrêté du 10 octobre 202559(*), qui précise que l'examen comporte 40 questions et se déroule sur un support numérique en 45 minutes. Il comporte trois mentions : « carte de séjour pluriannuelle », « carte de résident » et « naturalisation ». Dans le cas d'une demande de naturalisation française, le seuil de réussite est fixé à 80 % de bonnes réponses au QCM.
Pour 2026, la DGEF anticipe entre 50 000 et 80 000 candidats, hors candidats au titre de la demande de naturalisation.
* 48 Loi n° 2024-42 du 26 janvier 2024 pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration.
* 49 Interrogé sur le coût budgétaire de cette réforme, le ministre de l'intérieur et des Outre-mer Gérald Darmanin a déclaré, le 21 novembre 2023, devant la commission des lois de l'Assemblée nationale : « Nous avons débloqué les moyens nécessaires, soit plus de 100 millions d'euros par an, notamment pour les cours de français mis en place avec la LOPMI » (Extrait du compte-rendu de la réunion du 21 novembre 2023 de la commission des lois, Rapport n° 1943 de M. Florent BOUDIÉ, Mme Élodie JACQUIER-LAFORGE, MM. Ludovic MENDES, Philippe PRADAL et Olivier SERVA, fait au nom de la commission des lois, déposé le 2 décembre 2023, tome II).
* 50 L'article 20 de la loi pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration modifie l'article L. 433-4 du CESEDA, qui prévoit, à partir du 1er janvier 2026 que l'étranger, pour bénéficier d'une CSP, devra justifier « d'une connaissance de la langue française lui permettant au moins de comprendre des expressions fréquemment utilisées dans le langage courant, de communiquer lors de tâches habituelles et d'évoquer des sujets qui correspondent à des besoins immédiats ».
* 51 L'article L. 413-7 du CESEDA, tel que modifié par la loi du 26 janvier 2024, dispose que l'étranger devra justifier « sa connaissance de la langue française de nature à lui permettre au moins de comprendre des conversations suffisamment claires, de produire un discours simple et cohérent sur des sujets courants et d'exposer succinctement une idée ».
* 52 L'article 21-24 du code civil disposera à partir du 1er janvier 2026 que « l'intéressé justifie d'un niveau de langues lui permettant au moins de comprendre le contenu essentiel de sujets concrets ou abstraits dans un texte complexe, de communiquer avec spontanéité, de s'exprimer de façon claire et détaillée sur une grande variété de sujets ».
* 53 Apprentissage du français et des valeurs civiques : davantage de moyens et toujours pas davantage de réussite, rapport d'information n° 772 (2023-2024), déposé le 24 septembre 2024, Mme Marie Carole CIUNTU.
* 54 Article 3 de l'arrêté du 22 juillet 2025 relatif aux formations civique et linguistique prescrites aux étrangers signataires du contrat d'intégration républicaine en France.
* 55 L'article 4 du décret n° 2025-647 du 15 juillet 2025 relatif aux dispositions de l'article 20 de la loi n° 2024-42 du 26 janvier 2024 pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration et autres mesures relatives à l'évolution du contrat d'intégration républicaine.
* 56 Décret n° 2024-1243 du 30 décembre 2024 relatif aux formations de français langue étrangère à destination des salariés allophones.
* 57 https://www.interieur.gouv.fr/sites/minint/files/medias/documents/2025-07/circulaire-INTK2511068J-du-26-06-2025.pdf
* 58 Un nouvel article R. 413-12-1 du CESEDA est créé.
* 59 Arrêté du 10 octobre 2025 relatif au programme, aux épreuves et aux modalités d'organisation de l'examen civique.