Art. 77
(Art. 10-1 nouveau de la
loi n° 89-486 du 10 juillet 1989
d'orientation sur
l'éducation)
Rétablissement des bourses nationales de
collèges
Le
présent article rétablit un système de bourse nationale
pour les élèves de collèges, en remplacement de l'aide
à la scolarité dont l'article 76 du présent projet de loi
propose la suppression.
Il insère dans la loi n° 89-486 du 10 juillet 1989 d'orientation
sur l'éducation un nouvel article 10-1, dans le chapitre III
" Droits et obligations " du titre premier " La vie scolaire et
universitaire ".
La nouvelle bourse des collèges proposée par cet article se
distingue principalement de l'aide à la scolarité par quatre
caractéristiques :
- transfert de la gestion des caisses d'allocations familiales vers le
ministère de l'Education nationale ;
- définition de la population visée non plus en fonction de
l'âge de l'élève mais en fonction du type d'enseignement
suivi, ce qui permettra alors aux collégiens de moins de 11 ans et
de plus de 16 ans, qui étaient jusqu'à présent exclus
de l'aide à la scolarité, de bénéficier d'une
bourse ;
- versement différencié de la bourse : en une seule fois
pour le montant le plus faible, en trois fois pour le montant le plus
élevé et le nouveau montant majoré prévu par voie
réglementaire par le Gouvernement ;
- rétablissement de la possibilité de préemption des
intendants sur les bourses des collèges en cas de non-paiement des frais
de cantine.
En revanche, la bourse des collèges conserverait deux des
caractéristiques de l'aide à la scolarité :
- une définition dynamique de la revalorisation tant du montant des
bourses (indexé sur la base mensuelle des allocations familiales) que du
barème de ressources (indexé sur le SMIC) ;
- le maintien des critères d'attribution existants : nombre
d'enfants à charge et revenus de la famille.
Ces deux caractéristiques permettent alors de distinguer la nouvelle
bourse des collèges de l'ancienne, remplacée en 1994.
Pourtant, il est à craindre que la nouvelle bourse des
collèges se heurte aux mêmes limites que l'ancienne.
Ces
limites sont de trois ordres.
D'une part, si les modalités de gestion sont simplifiées (choix
de seulement deux critères d'attribution, traitement
décentralisé des dossiers), elles restent lourdes pour des
établissements qui ont perdu l'expérience de cette gestion. Mais
elles sont surtout largement déconnectées de la
réalité sociale.
Ainsi, les ressources prises en compte pour
le calcul de la bourse sont celles de l'année N-2.
Or, l'analyse des
phénomènes d'exclusion montre que celle-ci est de plus en plus
subite, liée à un " accident de la vie "
(chômage, accident, séparation...). Une chute des revenus peut
donc être très brusque. La nouvelle bourse des collèges ne
permet alors pas de cerner au plus près ces difficultés.
D'autre part, le coût de gestion des bourses de collèges risque
d'être supérieur à celui de l'aide à la
scolarité
. On rappellera que le coût de gestion de l'aide
à la scolarité est actuellement proche de 100 francs par
élève alors que celui de l'ancienne bourse des collèges
était de 250 francs. De plus, la suppression des bourses s'était
traduite en 1994 par une économie de 300 postes dans les services
académiques. Or la nouvelle bourse des collèges se traduira par
un surcroît de travail dans ces services pour la gestion des bourses de
l'enseignement privé. Le ministère de l'Education nationale
affirme que des redéploiements d'effectifs suffiront à couvrir le
travail supplémentaire.
Une création nette d'emplois dans les
services académiques n'est cependant pas à exclure.
Enfin, la nouvelle bourse des collèges risque de se traduire par une
stigmatisation supplémentaire pour les familles en
difficulté.
L'aide à la scolarité était un
droit : les familles n'avaient aucune démarche à accomplir pour
en bénéficier. A l'inverse, la bourse des collèges
nécessite une démarche volontaire assortie de formalités
administratives pour que les familles puissent en bénéficier. La
réforme proposée remplace donc un droit par une forme
d'assistance.
Mais, au-delà des risques qu'elle induit, la nouvelle bourse des
collèges risque également de ne pas apporter de réponse
satisfaisante aux difficultés qu'elle a pourtant pour objectif de
résoudre.
La nouvelle bourse des collèges a d'abord pour vocation de
remédier à la baisse de fréquentation des cantines. Un
versement trimestriel et une possibilité de préemption de la
bourse par les chefs d'établissement en cas de non-paiement des frais de
cantines seraient, dans cette perspective, les facilités
apportées par la nouvelle bourse.
Il semble toutefois que ces réponses soient peu adéquates. D'une
part, le fonds social pour les cantines a déjà permis une
amélioration sensible de la fréquentation des cantines. D'autre
part, la possibilité de préemption est très largement
insuffisante, le montant moyen de la bourse (650 francs) étant bien
inférieur au coût des cantines pour les familles (2.500 francs
environ).
La nouvelle bourse des collèges cherche également à
corriger certains " effets de champ " de la réforme de 1994.
Elle permet ainsi, par le changement du critère d'attribution
fondé non plus sur l'âge mais sur le type d'enseignement, de
réintégrer au bénéfice de la bourse les trois
publics qui sont exclus du bénéfice de l'aide à la
scolarité : les élèves de moins de 11 ans inscrits au
collège, les élèves de plus de 16 ans inscrits au
collège et les enfants des familles ne touchant aucune prestation
versée par les CAF. Au total, quelques 90.000 élèves
supplémentaires bénéficieraient de la bourse des
collèges.
Cette mesure, en apparence positive, est en réalité
inadaptée :
- il est possible d'étendre l'aide à la scolarité aux
enfants de plus de 16 ans, sans difficultés majeures. Cette mesure
fera d'ailleurs l'objet d'un amendement de votre commission (
Cf. ci-dessous
commentaire de l'article additionnel après l'article 77
).
- le changement du critère d'attribution a surtout pour effet
d'exclure du champ de la bourse les enfants de plus de 11 ans inscrits en
primaire. On estime ainsi entre 80.000 et 100.000 le nombre d'enfants dont les
familles touchaient l'aide à la scolarité et qui ne toucheront
pas la nouvelle bourse. Or, il est à craindre que ces enfants,
très souvent en situation d'échec scolaire, soient parmi les plus
exposés au risque d'exclusion.
La nouvelle bourse des collèges semble donc poser plus de
problèmes qu'elle n'en résout.
Votre commission vous propose donc, par coordination avec l'amendement
précédent, d'adopter un amendement de suppression de cet
article.